Charlie Kirk est assassiné le 10 septembre 2025 sur un campus de l’Utah. L’assassin, recherché, finit par se livrer à la police. Le profil du tueur : un homme de 22 ans, Tyler Robinson, élevé dans une famille républicaine, mormone, bref, bien loin d’avoir grandi dans une famille progressiste, démocrate, de gauche.
Cela aurait pu rester un énième malheureux fait divers, dans cette Amérique qui semble s’habituer au meurtre de masse et l’assassinat. La mort de Charlie Kirk est inacceptable, comme toutes les autres morts aux États-Unis ou ailleurs, que la mort soit provoquée par un individu ou par la justice en prononçant la peine de mort.
Cérémonie d’hommage : mise en scène politique
Dans l’hebdomadaire suisse Le temps, l’historien Johann Chapoutot fait une comparaison intéressante avec l’incendie du Reichtag : « L’utilisation de la mort de Charlie Kirk me fait penser à l’incendie du Reichstag ».
La cérémonie a duré près de cinq heures dans un stade de 64 000 places dans l’Arizona. La cérémonie avait vocation à rassembler le mouvement MAGA (« Make America Great Again » – en français, « rendre à nouveau la grandeur à l’Amérique ») autour de la figure de Charlie Kirk.
Erika Kirk a déclaré pardonner au meurtrier de son mari, à sa manière, « parce que c’est ce que le Christ a fait et ce que Charlie aurait fait ». Donald Trump avait un autre ton : « Charlie ne détestait pas ses adversaires. Il voulait le meilleur pour eux. C’est là que je n’étais pas d’accord avec Charlie. Je hais mes adversaires et je ne veux pas leur bien. Je suis désolé. Je suis désolé, Erika ».
Stephen Miller, chef de cabinet de la Maison-Blanche : « La tempête murmure au guerrier que tu ne peux pas résister à ma force et le guerrier murmure en retour, ‘Je suis la tempête.’ Erika est la tempête. Nous sommes la tempête ».
David Colon rappelle qu’avec ces mots, le chef de cabinet de la Maison-Blanche plagie l’hommage que Joseph Goebbels a rendu en 1932 au militant Horst Wessel, assassiné en 1930 et érigé en martyr par le régime nazi…
Cet hommage, pour l’administration Trump, avait une autre ambition : contre l’intolérance de la gauche, faire de Charlie Kirk le symbole de la liberté d’expression.
Charlie Kirk, symbole de la liberté d’expression, vraiment ?
L’association dont on parle s’appelle Turning Point USA (TPUSA). Ce n’était pas une petite association créée avec d’autres camarades, eux aussi étudiants. Le co-fondateur de cette organisation s’appelle Bill Montgomery, un ultraconservateur de 72 ans. C’est ce dernier qui a incité Charlie Kirk à arrêter ses études pour mener la bataille culturelle de la droite dans les campus. Une bataille culturelle que Charlie Kirk menait également dans son podcast.
En 2016, Donald Trump met en avant TPUSA, qui reprend sur les campus les thèmes du candidat républicain à la maison blanche, avec sa fameuse formule « prove me I’m wrong » (« prouve-moi que j’ai tort ») : il s’agit bien des thèmes de l’extrême droite, anti-immigration, anti-avortement, anti-LGBTQ+, le tout mâtiné de nationalisme chrétien. Les méthodes de TPUSA n’invitent pas à la contradiction. En effet, les professeurs d’université considérés comme radicaux étaient mis sur une liste visible sur internet. Encore récemment, des professeurs d’université de l’Illinois ont été menacés de mort ou de viol après avoir été inscrits sur cette liste de surveillance de « professeurs radicaux ».
De toute évidence, le mot débat ne correspond pas au sens qu’on peut lui donner en France. Pour l’ultra-droite américaine, ce que l’on appelle débat n’est en fait qu’invectives, humiliation et destruction de l’adversaire en utilisant des attaques contre la personne.
Ces propos constituent une « violence verbale » constante et s’inscrivent dans une rhétorique fascisante, où l’outrance est vue comme une « libération de la parole », bien loin du débat raisonné.
Les modèles français et américain de liberté d’expression sont, il faut l’admettre, radicalement distincts. En France, 90 % de ces propos tomberaient sous le coup de la loi (loi Gayssot, incitation à la haine raciale/antisémitisme). Le Premier Amendement est souvent interprété comme une « vision absolutiste de la libre parole ».
Une répression politique au nom de la liberté d’expression
Cette cérémonie est un moyen pour l’administration Trump d’accélérer la répression des opposants politiques et la chasse aux sorcières. La répression a commencé.
L’affaire Jimmy Kimmel, l’humoriste privé d’antenne pour ces propos sur Charlie Kirk, a traversé l’Atlantique, mais combien d’Européens savent qu’il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg ? L’entreprise de délation et de répression concerne toute la population. Le vice-président JD Vance avait lui-même incité à la délation à la fin de son hommage à Charlie Kirk : « si vous voyez quelqu’un se réjouir de ce meurtre, appelez son employeur ».
L’administration Trump, avec l’appui d’une centaine de Démocrates, est parvenue à faire voter à la Chambre des représentants une résolution pour instaurer un jour de deuil national le 14 octobre à la mémoire de Charlie Kirk. C’est là aussi un moyen de valider par la Chambre des représentants la mise en œuvre d’une politique qui s’éloigne de la démocratie.
L’instrumentalisation de la mort de Charlie Kirk par l’ultra droite trumpiste a traversé l’atlantique
L’extrême droite européenne a elle aussi rendu hommage à Charlie Kirk.
En France
L’extrême droite française n’a pas eu honte, elle aurait peut-être dû, en organisant dans le 8e arrondissement de Paris, au pied de la statue du général Lafayette, un rassemblement de l’extrême droite sur une estrade encadrée de deux photos de Charlie Kirk et reprenant le slogan « je suis Charlie », qui avait émergé après les attentats contre la rédaction de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Nicolas Conquer, porte-parole Republicans Overseas France (association qui représente le parti républicain en France) et candidat Les Républicains – Rassemblement national dans la Manche lors des législatives de juin 2024, affirme qu’il y a un lien entre les deux Charlie : « les mêmes balles les ont tués ».
Un constat, l’extrême droite a bien l’intention de mener cette bataille culturelle. Après la laïcité, elle tente de récupérer dans son corpus idéologique la liberté d’expression. L’organisation de cet événement s’est déroulée dans un contexte où il existe une volonté de l’extrême droite de renforcer son emprise dans les médias par l’intermédiaire de Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin. Les médias italiens de Silvio Berlusconi ont servi son ascension politique, l’extrême droite française applique la même recette.
En Angleterre
Le samedi 13 septembre à Londres, l’influenceur d’extrême droite Tommy Robinson organisait une marche en l’honneur de l’influenceur trumpiste Charlie Kirk. Cette manifestation a rassemblé plus de 100 000 partisans de l’extrême droite avec le soutien d’Éric Zemmour et de Steve Bannon.
En Italie
En Italie, le vice-président du Gouvernement de Giorgia Méloni, Matteo Salvini, et son parti La Ligue organisaient un rassemblement en hommage à Charlie Kirk, auquel a participé Jordan Bardella : « lorsque nous gouvernerons, nous rétablirons la sécurité, nous libérerons le travail, nous protégerons nos agriculteurs, nous défendrons les frontières et nous redonnerons la parole au peuple ».
Le fils de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, condamné à vingt-sept ans de prison pour tentative de coup d’État, a lui condamné la persécution des juges. Le président du parti Vox Santiago Abascal avait quant à lui enregistré un message qui promettait l’avènement d’une « Europe de la souveraineté des peuples ».
En Allemagne
Alice Weidel, la dirigeante de l’AFD (le parti d’extrême-droite allemand), a de son côté déclaré que Charlie Kirk avait été « tué par un fanatique qui n’aime pas notre mode de vie ».
Aux Pays-Bas
Aux Pays-Bas, le leader islamophobe Geert Wilders a salué le « courage » de M. Kirk en relayant des « paroles sincères qui valent aussi pour l’Europe : “L’islam est l’épée que la gauche utilise pour égorger l’Amérique” ».
Au-delà du drame, l’instrumentalisation politique
L’assassinat de Charlie Kirk le 10 septembre 2025, un acte tragique commis par un jeune homme issu d’un milieu conservateur, est rapidement devenu bien plus qu’un énième fait divers américain. L’administration Trump a orchestré une mise en scène politique spectaculaire lors de la cérémonie d’hommage, visant à souder le mouvement MAGA et à ériger Kirk en symbole de la liberté d’expression.
Cette instrumentalisation s’est traduite par une rhétorique agressive, comme l’hommage de Stephen Miller qui plagie des références nazies et l’appel à la délation lancé par JD Vance. L’adoption d’un jour de deuil national par la Chambre des représentants valide cette accélération de la répression politique et de la politique autoritaire.
Enfin, l’instrumentalisation par l’administration Trump a traversé l’Atlantique. De Tommy Robinson à Londres, soutenu par Éric Zemmour et Steve Bannon, en passant par Matteo Salvini en Italie, Jordan Bardella, et les leaders de l’AFD et du parti de Geert Wilders, l’extrême droite européenne a unanimement récupéré le drame.
Cette mobilisation internationale confirme la volonté de l’extrême droite de s’approprier la thématique de la liberté d’expression pour mener une bataille culturelle globale.