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CGT, un congrès loin d’un long fleuve tranquille

De l’évolution du syndicalisme, de sa capacité à organiser les salariés, de sa capacité à lier dans un mouvement (une même utopie) social écologie et démocratie dépendent l’avenir du modèle social de notre pays et l’avenir de nos modes de vie. En juin dernier nous avions brièvement commenté les congrès de FO et de la CFDT(1)N° 1019 du 27 juin : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-social/le-syndicalisme-a-lepreuve-de-lepoque-1-sur-2/7431657 et n° 1020 du 5 juillet 2022 : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-social/le-syndicalisme-a-lepreuve-de-lepoque-2-sur-2/7431738. La CGT vient de tenir son 53e congrès du 27 au 31 mars en pleine mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites du gouvernement. Nous avons suivi le déroulement du congrès en direct sur Internet, toutes les séances plénières ayant été retransmises[1]. Nous allons essayer de montrer la complexité des débats qui traversent la CGT en deux épisodes, un premier article plutôt factuel cette semaine et une première analyse pratiquement à chaud des enjeux que recouvre cette complexité la semaine prochaine.

Pourquoi ce congrès de la CGT a-t-il une signification particulière ?

Il a lieu alors qu’un mouvement social en intersyndicale, avec grèves reconductibles depuis plusieurs semaines dans certains secteurs et manifestations massives conteste la réforme des retraites du gouvernement et demande son retrait. Certes ce n’est pas la première fois qu’un tel évènement se produit, déjà en décembre 1995, le congrès de la CGT a eu lieu en plein mouvement de grèves extrêmement fortes, déjà contre une réforme des retraites.

Cependant les différences avec décembre 1995 sont importantes à plusieurs titres. La réforme d’aujourd’hui vient après plusieurs réformes sur les retraites et s’ajoute à une situation dégradée des salariés suite à plusieurs réformes initiées depuis (réformes du Code du travail, du statut de la fonction publique, réforme du statut des cheminots, des indemnités chômage…) qui toutes ont réduit voire détruit les garanties et conquis des salariés dans toutes les professions. De plus ces grèves et manifestations se déroulent alors que l’inflation, notamment sur les dépenses les plus immédiates des ménages, est extrêmement forte particulièrement dans l’alimentation (17 % en un an). Les salaires ne suivent pas et sont très bas en général dans notre pays, le monde du travail est donc confronté à une situation difficile, l’affrontement entre le capital et le travail pour la répartition de la plus-value créée par le seul travail se retrouvant au centre de l’affrontement de classe. Cet aspect a été très présent dans les débats du congrès avec l’affirmation de la lutte de classe dans les interventions de beaucoup de délégués. La lutte est toujours facteur d’accélération de la prise de conscience parmi les salariés individuellement et collectivement et est un apprentissage accéléré pour les militants, notamment les jeunes.

Cette situation a donné une coloration et un ton bien particulier au congrès, des débats vifs, loin de la langue de bois, des affrontements parfois sur des questions d’orientation et de stratégies syndicales, ce qui a donné un congrès loin d’un « long fleuve tranquille », un congrès vivant, offensif, avec des délégués entendant faire valoir leur point de vue et le mandat reçu des adhérents dans les réunions de préparation.

Les enjeux sur l’orientation dépassaient les questions de personne qui intéressent tant la presse, faisant écho à l’histoire, la tradition de lutte, la pratique de la CGT depuis son origine. Faisant écho aussi à sa tradition d’affrontement avec le patronat (la lutte de classe) contrairement à la tradition « réformiste, issue de la sociale démocratie (UNSA) et du courant chrétien (CFDT, CFTC), avec la crainte de beaucoup de syndicats de se faire phagocyter dans une intersyndicale où la CGT n’affirmerait qu’insuffisamment sa personnalité. La même inquiétude sourdait pour ses positions et affiliations au niveau européen et international, même si les solutions préconisées ne sont pas toujours très adéquates. Sa tradition de lutte de classe était donc au cœur des débats du congrès.

La CGT, même si elle a perdu sa première place au plan électoral, reste l’organisation de référence pour le syndicalisme dans notre pays, de par son antériorité, sa création par les salariés (la CFTC, mère de la CFDT, a été créée à l’initiative de l’Église catholique), sa forme d’organisation à la fois professionnelle (les fédérations) et territoriale (les unions départementales et locales) qui a servi de modèle à toutes les autres organisations syndicales de notre pays, ses traditions de luttes et ses positions de classe, internationalistes et antiracistes. De son évolution dépend en grande partie l’évolution de tout le syndicalisme en France.

Quelques faits saillants dans le congrès

Pour la compréhension des enjeux, nous avons choisi certains faits saillants, à notre avis, du déroulement du congrès que nous analyserons brièvement après présentation.

1. L’élection de la commission des mandats et des votes dépouille les scrutins et en garantit l’exactitude. Il est donc essentiel que son autorité soit admise par tous pour que les résultats ne soient pas contestés. La liste proposée par la direction sortante à laquelle furent ajoutés des délégués candidats a été soumise au vote du congrès comme il se doit. Le vote à main levée donnait un sentiment d’égalité entre les pour et les contre, en tout cas la nécessité de compter. Cependant la présidence de séance déclara la commission élue, ce qui provoqua de forts remous dans la salle,et une demande de la communication du « résultat du vote », « On ne veut pas de 49-3 à la CGT », ont affirmé certains délégués. Après quelques hésitations, la présidence proposa de refaire le vote avec décompte des mandats. La commission est finalement élue par 416 voix contre 408 et 83 abstentions, son travail ne sera pas contesté par la suite. Le résultat de ce premier vote donnait une idée assez précise des rapports de force au sein du congrès et de l’opposition à la direction confédérale sortante, mais la « maladresse » de la présidence ne donnait pas un bon signe en ouverture du congrès.

2. Le règlement intérieur du congrès suscita également un long débat, car « certains aspects n’étaient pas conformes aux statuts de la confédération » selon plusieurs délégués. Finalement la direction accepta d’amender le projet en supprimant la principale cause du désaccord, à savoir les critères de sélection introduits par le CCN[2] pour pouvoir se présenter à des postes de responsabilité. Le règlement a été adopté à la majorité. Toutefois le CCN qui établira la liste de la Commission exécutive soumise au suffrage du congrès appliquera ces critères pour ne pas retenir le secrétaire général de l’Union départementale (UD) des Bouches-du-Rhône sur cette liste par exemple.

3. Le rapport d’introduction au nom de la direction sortante, présenté en ouverture du congrès par Marie Buisson, candidate officielle au poste de secrétaire générale, n’a pas suscité de réactions spécifiques, car il était suffisamment lisse pour satisfaire tout le monde.

4. Par contre, la réponse au nom de la direction sortante par Catherine Perret, secrétaire confédérale sortante, a suscité des réactions très vives de la part d’une grande partie des délégués. Catherine Perret a eu des difficultés à se faire entendre dans le brouhaha. Le rapport d’activité, voté par mandat a été rejeté par 267 415 voix contre soit 50,22 % contre 264 061 voix pour, soit 49,68 %, confirmant le rapport de force du vote sur la commission des mandats. C’est à notre connaissance la première fois qu’un rapport d’activité n’est pas approuvé dans un congrès confédéral. Cette désapprobation a été mal perçue par une partie des délégués, plusieurs ayant soutenu l’idée qu’il n’était pas normal ou logique de voter contre un rapport d’activité, car il ne s’agissait pas de l’activité de la direction sortante, mais de l’activité de toute la CGT. Une déléguée des Landes a même soutenu qu’en votant contre, « Vous avez voté contre vous-même et contre votre propre activité dans vos territoires ». Il lui a été retoqué dans le débat que c’était bien l’activité, la stratégie, l’orientation de la direction confédérale sortante (Bureau confédéral, Commission exécutive) et même dans une certaine mesure Comité confédéral national qui n’avaient pas joué leur rôle de direction, qui avaient été sanctionnés ; que l’on avait bien le droit « d’avoir un regard critique sur ce qu’on fait, et j’entends qu’on n’a pas le droit de voter contre un rapport ! On est sur une autre planète » a retoqué un délégué.

5. La discussion sur les amendements des syndicats aux textes soumis au congrès, non retenus par les commissions de travail chargées de les examiner a montré des délégués motivés bien décidés à ne pas s’en laisser conter et à défendre leur point de vue et le mandat qu’ils avaient reçu des adhérents lors des réunions de préparation du congrès. Plus de 1 000 des 5 700 amendements n’ont pas été retenus, seulement quelques dizaines en tout ont pu être défendus devant le congrès. La tendance générale qui se dégage de ces débats est que soit la commission a accepté les amendements après discussion, soit, sauf dans quelques cas elle a été battue par le congrès quand il y a eu vote. Pour bien comprendre les enjeux, il faut revenir à la procédure de travail adopté pour les débats sur les amendements. Les congressistes étaient destinataires d’un document écrit rendant compte des travaux des commissions et des amendements retenus, ce qui permettait à chaque délégué de voir le sort réservé aux amendements qu’il avait éventuellement déposés. Si un ou plusieurs de ses amendements n’avaient pas été retenu, il pouvait le soumettre au congrès, le défendre pendant deux minutes (afin de pouvoir examiner le maximum d’amendement dans un temps forcément limité), la commission ayant examiné les amendements répondait en explicitant sa position, acceptant l’amendement si elle avait été convaincue par les arguments du délégué, si elle refusait toujours l’amendement un vote était organisé si le délégué le maintenait. Une procédure quasi la même qu’à l’Assemblée nationale ou dans tout parlement en fait.

Quelques amendements signifiants

Au moins six amendements non retenus initialement méritent un petit exposé, car ils montrent les enjeux d’orientation et de stratégie et permettent de mieux comprendre le déroulement du congrès. Ils donneront également des clefs d’approche pour l’analyse plus globale des enjeux du congrès la semaine prochaine.

1. Un délégué de l’enseignement supérieur a proposé un amendement portant sur la recherche fondamentale, pour un enseignement public, laïque, avec des financements pour l’enseignement public pas pour l’enseignement privé. La commission a accepté l’amendement, mais en supprimant le terme laïque. Le délégué accepte la formulation sans réclamer le rétablissement du mot laïque, pourtant si important dans le contexte politique actuel et la situation de l’enseignement où beaucoup d’enseignants à tous les niveaux s’autocensurent sur des sujets pouvant avoir un rapport même lointain avec les religions.

B. Un délégué a proposé de supprimer l’écriture dite « inclusive » dans tout le texte, car des phrases sont rendues incompréhensibles (il cite des exemples) et impossibles à prononcer à l’oral « comment lisez-vous cette phrase ? » demande-t-il sans obtenir de réponse. La commission lui demande sur quel paragraphe précis porte l’amendement. Tout le texte répond l’orateur. Réponse de la commission on ne peut pas voter, car les amendements doivent porter sur un paragraphe précis. Le délégué repart. Pourtant c’est bien la commission qui en début de son rapport a précisé que tout le texte serait harmonisé en écriture « inclusive » (en fait le .e), mais le congrès ne pouvait pas voter sur ce sujet !

C. Un délégué de Toulouse propose un amendement portant sur la syndicalisation à la CGT des étudiants (ou travailleurs en étude), car ce sont des travailleurs ou de futurs travailleurs, la commission a expliqué qu’il y avait eu énormément d’amendements sur ce sujet et qu’elle était partagée moitié-moitié. Elle a précisé que des discussions avaient eu lieu avec l’UNEF à ce sujet ; que la CGT n’avait pas vocation à syndiquer les étudiants, mais à construire des syndicats interprofessionnels ouverts à tous, à des « salariés étudiants » ou « travailleurs en étude », qu’il y avait des expériences positives comme à Toulouse tout en conservant les deux champs de syndicalisation, et que le bilan des expériences serait fait au prochain congrès. En fait avec les expériences la CGT ouvre la possibilité à chaque organisation de faire adhérer des étudiants… salariés ou salariés en étude (c’est beau le vocabulaire ndr). L’amendement ayant été maintenu le congrès l’a rejeté à 58 %.

D. Un amendement proposait « de se rapprocher de la FSM[3], représentant 503 millions de syndiqués dans 105 pays » conformément à la décision du 52e congrès (de la CGT). La commission a alors expliqué « que le 52e congrès n’avait pas pris cette décision, que la CGT avait quitté la FSM en 1995, car elle avait constaté de graves problèmes sur son indépendance vis-à-vis de certains gouvernements, que ses adhésions internationales étaient la CSI[4] depuis sa création en 2006 et la CES[5] depuis 1997. Qu’aujourd’hui à la FSM on trouvait des syndicats de Syrie, Corée du Nord, Égypte inféodés à leurs gouvernements. » L’amendement ayant été maintenu, le congrès l’a heureusement repoussé à 72 % des voix.

Par ailleurs un amendement accepté a proposé qu’il y ait un débat dans la CGT sur ses affiliations internationales.

E. Un amendement demandait de remplacer dans le texte « unifier le syndicalisme » par « œuvrer à l’unité syndicale ». Explication, la résolution soumise au congrès dans le projet de document d’orientation proposait « Œuvrer au rassemblement syndical et à l’unification du syndicalisme » et le document faisait par ailleurs dans les explications longuement état d’un travail déjà important avec la FSU, et proposait « d’aller plus loin dans la démarche unitaire » afin de mettre en œuvre la recomposition du syndicalisme de transformation sociale et de lutte. Il était précisé aussi « Solidaires est engagé dans cette réflexion unificatrice », les syndicats reprochaient à la direction confédérale d’avoir engagé cette démarche « sans débats dans les syndicats » et sans précision sur les objectifs et les conditions. Après débats assez longs et vifs, la commission a accepté de modifier la formulation en remplaçant « unifier le syndicalisme » par « œuvrer à l’unité syndicale » comme demandé, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Un autre délégué voulait ajouter « sur les bases de la lutte de classe » ce à quoi la commission arépondu que « dans la lutte sur les retraites on était en intersyndicale avec des syndicats réformistes et que si on rajoutait lutte de classe, nous ne pourrions plus faire d’intersyndicale » (sic) ! L’amendement ayant été maintenu, le congrès a voté et rejeté l’amendement par 61,90 % des voix.

F. Le débat sur le collectif « Plus jamais ça » dans lequel la direction confédérale avait engagé la CGT aux côtés d’Oxfam ou Greenpeace, sans consultation et débat au sein de la CGT, a traversé tout le congrès, sur la forme, le manque de démocratie dans la prise de décision et sur le fond compte tenu des positions antinucléaires des ONG, mais aussi de leur peu accointance, voire leur ignorance des problèmes sociaux, d’emplois, de salaires, etc. Un amendement demandant le retrait du paragraphe faisant référence à la participation de la CGT à ce collectif le temps que les syndicats en débattent et tranche, non retenu par la commission il a été présenté au congrès par le syndicat l’ayant déposé. Il a suscité un débat auquel la commission a répondu en expliquant qu’elle avait discuté de cet amendement pendant une heure entre trois et quatre heures du matin, qu’une majorité des membres de la commission pensait qu’il ne fallait pas quitter le collectif, mais qu’il y avait bien eu un problème de méthode, et qu’elle n’avait pas retenu l’amendement. Le délégué a donc maintenu l’amendement qui a été soumis au vote, le congrès l’a adopté par 411 voix pour soit 50,37 % contre 405 voix soit 49,63 %, adopté à six voix près.

Finalement, le document a été voté à 72,79 % après l’intégration des amendements.

Les travaux du CCN, l’élection de la direction confédérale

Les travaux du Comité confédéral national (CCN) composé des représentants des Unions départementales et des Fédérations (le secrétaire général le plus souvent sauf s’il est membre de la Commission exécutive (CEC), l’organisation est alors représentée par un membre du bureau de celle-ci). Les membres de la CEC y participent avec possibilité d’expression, mais pas de participer au vote). C’est le CCN qui élit le bureau confédéral et la secrétaire générale en l’occurrence, parmi les membres de la CEC élue par le congrès sur proposition du CCN. Pour simplifier, la presse présente le CCN comme « le parlement de la CGT ».

Comme il y a beaucoup d’approximation et de confusion dans la presse et plus largement dans l’opinion, voici le détail de la procédure pour l’élection de la direction confédérale.

1. Première étape dans la phase de préparation du congrès, ce sont les fédérations et les unions départementales qui sont habilités statutairement à proposer les candidats à la CEC, la liste des candidats est publiée dans « Le Peuple », organe officiel de la CGT avec les documents soumis au congrès. Pour ce 53e congrès, le CCN avait voté une condition non prévue dans les statuts, à savoir que toutes les candidatures devaient être doubles, un homme et une femme au nom de la parité, ce qui a posé des problèmes aux « petites structures » ; les fameux « critères du CCN » qui ont fait l’objet du débat sur le règlement du congrès relaté plus haut. Pour ce 53e congrès, il y avait cent candidats pour la CEC et cinq candidats pour la commission de contrôle financier (CFC).

2. Deuxième étape, le CCN se réunit une première fois pendant le congrès pour établir une liste de noms pris parmi les candidats proposés par les UD et Fédérations, liste dont il fixe le nombre maximum de membres, qui sera soumise au congrès. Cette réunion a eu lieu le mercredi soir et une bonne partie de la nuit.

3. Troisième étape un membre du CCN rend compte de ses travaux devant le congrès et la liste établie par le CCN est soumise au congrès. Les délégués peuvent rayer des noms, rajouter des candidats non retenus par le CCN, voter pour la liste entière.

4. Quatrième étape une fois les résultats du vote proclamés, le CCN se réunit à nouveau et élit parmi les membres de la CEC, le bureau confédéral, le ou la secrétaire général et l’administrateur de la CGT. Cette réunion a eu lieu le jeudi soir et a duré jusqu’au matin. Les travaux du CCN se font à huis clos.

5. Cinquième étape, les résultats sont annoncés au congrès.

Les deux réunions du CCN ont été difficiles, aussi bien la première pour l’établissement de la liste que celle qui a élu le bureau confédéral et la secrétaire générale. Lors de sa première réunion, le CCN a confirmé le nombre maximum de futurs membres de la CEC à 66, soit la nécessité d’éliminer 34 noms, ce qui explique la difficulté dans un contexte de désaccords sur des sujets importants. Dans cette liste le CCN n’a pas retenu les opposants les plus virulents à la direction sortante soit Olivier Mateu secrétaire général de l’UD des Bouches-du-Rhône, une des plus importantes de la CGT et Emmanuel Lepine de la fédération de la chimie, ce qui pourrait s’avérer une faute politique à terme, car il est toujours plus souhaitable que les divergences s’expriment au sein des organisations plutôt qu’à l’extérieur. Cette liste a été adoptée par 54,16 % des voix (onze fédérations et soixante UD ont voté pour) contre 45,84 % des mandats (dix-sept fédérations et vingt-quatre UD) et trois UD se sont abstenues. Nous reviendrons sur l’analyse de ce vote qui montre une certaine coupure entre les UD et les fédérations notamment les plus importantes en adhérents.

Le vote du congrès, par mandats et sur chaque nom, donnait des indications sur la future direction confédérale souhaitée. Marie Buisson, candidate désignée par Philippe Martinez pour lui succéder a obtenu 57,23 % des voix, soit le plus mauvais score, ce qui est un handicap pour postuler au poste de secrétaire générale. L’élection de Céline Verzeletti, candidature envisagée par les contestataires de la ligne Martinez, bien que mieux élue avec 77,95 % des voix marquait aussi une certaine défiance parmi une partie des délégués.

Dans ces conditions, il était prévisible que la deuxième réunion du CCN ne serait pas plus calme que la première et pas plus courte. Marie Buisson a toutefois présenté sa candidature au poste de secrétaire générale, elle a été récusée de justesse, et il semble que Céline Verzeletti ait renoncé. Il fallait bien trouver une solution, en fin de réunion au matin le nom de Sophie Binet secrétaire de l’UGICT (l’Union des cadres au sein de la CGT) élue à 86,14 % des voix (ce qui est un score habituel à la CGT) a été avancé, et accepté par le CCN par 61 voix pour, 11 contre et 16 abstentions.

La CGT joue un rôle éminemment politique dans la vie du pays, la question posée est qu’elle l’assure et l’assume pleinement, ce qui implique une inflexion dans son orientation et sa pratique et ne peut se résumer à l’affirmation que les partis politiques et les syndicats n’ont pas le même rôle, « les partis chez eux et les syndicats chez eux » en somme. La CGT qui se veut un syndicat de transformation sociale ne peut se contenter de revendiquer d’être « le syndicalisme au quotidien pour de nouveaux droits » comme l’indiquait le slogan officiel du congrès, mais doit être bien plus, dans la démarche de « la double besogne » chère à la « Charte d’Amiens » comme l’ont dans les faits souligné avec force la majorité des délégués représentant les syndicats de base dans le congrès. Bien entendu nous y reviendrons la semaine prochaine.


[1] Il est possible de visionner l’ensemble de ces séances sur YouTube.

[2] CCN, Comité confédéral national composé de droit des secrétaires généraux des fédérations et des unions départementales ou leur représentant qui est l’organe directeur de la Confédération entre deux congrès et qui établit pendant le congrès, la liste de la Commission exécutive présentée aux suffrages du congrès, dans laquelle il élit le bureau confédéral et le ou la secrétaire général après le vote du congrès sur cette liste. Les membres de la commission exécutive assistent au CCN, sans droit de vote, mais peuvent s’y exprimer.

[3] FSM, Fédération syndicale mondiale créée au lendemain de la seconde guerre mondiale et regroupant jusqu’à la « guerre froide » l’essentiel des syndicats mondiaux, y compris les syndicats des USA. En 1949 les syndicats des USA, sur demande de leur gouvernement quittèrent la FSM pour créer la Confédération internationale des syndicats libres, entraînant l’essentiel des syndicats des pays occidentaux. La CGT resta à la FSM et y occupa des postes de responsabilité et la quitta en 1995. La FSM est aujourd’hui composée essentiellement des syndicats chinois, égyptiens, syriens tous liés à leur gouvernement qui lui fournissent les moyens de fonctionner.

[4] CSI, Confédération syndicale internationale.

[5] CES, confédération européenne des syndicats.

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