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Le temps constituant par « Les constituants »

Ce livre de 137 pages au prix de 12 euros est préfacé par Henri Pena-Ruiz. Il est édité par Eric Jamet éditeur(1) Contact éditeur : ericjamet@aol.com. Il se présente comme une discussion collective en trois séquences entre une dizaine de membres d’un club politique intitulé « Les constituants » formés principalement par d’anciens membres de la France insoumise et par des gilets jaunes. Ce livre mérite la lecture. Il analyse un double mouvement qu’ils estiment à l’œuvre aujourd’hui à savoir un processus destituant et un processus constituant. François Boulo, Charlotte Girard, François Cocq, Manon Le Bretton, Alphée Roche-Noël, Hélène Franco, Frédéric Viale, Romain Dureau, Florence Gauthier et Farid Benlagha participent à cette joute politique. L’intérêt du livre est de fournir en même temps des éléments d’analyse de la période mais aussi d’essayer de faire voir ce qui pourrait préfigurer une « bifurcation » politique dans notre pays. L’essai est donc salutaire notamment vis-à-vis de la « double besogne » dont la nécessité est déjà notée dans la Charte d’Amiens de 1906 dans laquelle on lie des revendications immédiates avec la préfiguration de la « bifurcation » politique. Les trois tables rondes sont animées par Vincent Ortiz, responsable de rubrique du site « Le vent se lève ».

Il faut attendre la troisième séquence pour avoir une idée plus juste du processus constituant notamment quand il est précisé que le processus constituant ne se résume pas à la séquence de l’écriture de la constituante et que le processus constituant est, pour eux, déjà à l’œuvre même si le processus destituant n’est pas encore terminé.

Après avoir lu ce livre, nous aurions néanmoins souhaité prolonger les questions de Vincent Ortiz notamment sur les conditions indispensables pour mener à terme le processus constituant. Car la reprise dans le livre de l’idée des Indignés et des intellectuels du populisme à savoir « nous sommes les 99 % contre les 1 % de l’oligarchie » mérite, pour le moins, un débat argumenté face aux thèses d’Antonio Gramsci autour des nécessités d’obtenir d’abord une victoire d’une nouvelle hégémonie culturelle (idée reprise par Hélène Franco dans la 2ème séquence), de construire un nouveau bloc historique constitué d’une alliance de classes et d’articuler guerre de mouvement et de position (même si dans la troisième séquence la question de l’hégémonie culturelle est posée).

Nous aurions aussi souhaité débattre avec eux de la convergence non réalisée entre les éléments les plus avancés de la bataille des retraites, à savoir ceux qui ont promu l’auto-organisation salariale en vue du blocage de l’économie face aux « manifestations saute-mouton » promus par les directions de l’intersyndicale.

Nous aurions aussi souhaité vérifier avec les auteurs s’il existe vraiment un intérêt général lors d’une bifurcation politique ou s’il existe, par la dynamique de la lutte des classes, à chaque moment de la transition politique une volonté générale ce qui pour nous n’est pas la même chose.

Nous aurions voulu débattre de la souveraineté industrielle aux côtés de la souveraineté alimentaire sans laquelle la souveraineté populaire aura quelques difficultés…

Nous aurions souhaité débattre avec eux d’un angle mort de leur livre sur le rôle de la laïcité dans un processus constituant.

Venons-en au livre.

D’abord la préface d’Henri Pena-Ruiz historique et philosophique, plaisante à lire et à relire et qui présente d’une belle façon le sujet du livre.

Sur la première séquence, nous retiendrons entre autres, l’analyse de Manon le Bretton sur la transformation par les gilets jaunes d’une revendication sur une taxe de carburant en un cahier de revendications autour de la justice fiscale, la démocratie et les services publics ; l’analyse de Frédéric Viale qui montre qu’il ne suffit pas d’avoir des élections régulières pour caractériser « un processus démocratique » et que les traités de l’UE musèlent les cinq instruments d’intervention publique nécessaires pour répondre aux besoins du peuple et enfin celle de Farid Benlagha sur la nécessité de construire une nouvelle idéologie liant la démocratie, le social et l’écologie.

Sur la deuxième séquence, nous retiendrons entre autres l’analyse de l’autorité judiciaire d’Hélène Franco et de son paragraphe sur le fait que « tout changement institutionnel ne se ferait jamais à froid » ; la brillante intervention de Raymond Dureau sur la nécessité de contrôler l’économique par le politique en critiquant la trop grande importance du droit de propriété sans toutefois développer le concept de propriété d’usage face à la propriété lucrative, idée qui sera reprise par Florence Gauthier ; la nécessité de l’inscription dans la Constitution de la place des services publics et d’une façon générale que le processus constituant doit se mettre au service d’un projet économique et social ; la critique précise du traité avec le Mercosur et enfin l’intéressant propos de François Boulo sur les conditions pour exprimer un choix éclairé et sur la corruption des mots, prélude à la corruption de la cité, et les parallèles que Florence Gauthier fait en tant qu’historienne avec la révolution française notamment de la révolution des 31 mai et 2 juin 1793.

Dans la troisième séquence, on retiendra la brillante analyse comparative contradictoire de Charlotte Girard de la naissance de la 5ème république avec la nécessité de repenser l’ensemble des institutions françaises. Puis les analyses de Charlotte Girard et de François Cocq sur ce qu’est le processus constituant, analyse poursuivie par Alphée Roche-Noël qui comme Jaurès analyse les erreurs des révolutionnaires de 1848 qu’il ne faut pas recommencer et dit qu’il ne suffit pas de discuter des moyens, il faut aussi questionner les principes ! Et enfin, Charlotte Girard déploie une analyse sur la nécessaire bataille culturelle à partir de la page 117 et François Cocq présente le carcan que représente les traités de l’UE contre toute politique émancipatrice et progressiste.

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1 Contact éditeur : ericjamet@aol.com
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