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Antispécisme, conditions de travail, bio

Entretien avec Mickael Ménard, délégué SUD Industrie à LDC Sablé-sur-Sarthe (agro-alimentaire, abattoirs)

Des manifestations antispécistes ont encore eu lieu dernièrement, quel est ton avis sur le sujet en tant que salarié d’un grand groupe d’agro-alimentaire et d’abattoirs ?
R : Nous ne sommes pas opposés à ces manifestations, à condition que le sujet avance à l’échelle nationale et qu’on ne tombe pas dans l’intégrisme anti-viande. Il faut avant tout rappeler que nous défendons une autre industrie, mais pas sans viande, et où les salariés ne sont pas oubliés dans ce grand débat « pour ou contre la viande ». La question principale est celle d’une industrie durable, avec une autre organisation de travail pour les salariés qui sont souvent précaires et exploités.


Néanmoins, en tant que syndicat, avez-vous des propositions concrètes pour éliminer au maximum la souffrance animale ?

R : La société LDC a grandement avancé sur les méthodes d’abattage, qui sont passées de l’électrocution au gazage. La section SUD approuve cette amélioration, car elle favorise non seulement le bien-être animal mais aussi le bien-être des salariés qui accrochent les volailles (la volaille est immobile). La section SUD est en attente des documents concernant les modes opératoire normalisés. De plus, la section est très proche du Service vétérinaire de l’État, dont les moyens doivent être renforcés. En effet, le contrôle des salariés par leurs représentants du personnel dans le cadre du CSE allié à celui de l’État est la meilleure des garanties ; mais il faut aller encore plus loin sur ces méthodes, en réduisant les cadences et en obligeant les entreprises du secteur à adopter des règles plus strictes et normalisées sur le traitement et les méthodes d’abattage.


Peux-tu nous raconter un peu l’ambiance et l’organisation du travail dans les abattoirs ?

R : Les salariés restent très soudés entre eux, il y a un mode de rotation des postes à chaque heure afin de réduire la pénibilité au travail. C’est cependant insuffisant car il faudrait aller plus loin, sans pour autant aller vers la suppression de postes. La mécanisation des postes a des avantages et des inconvénients : il y a un avantage financier évident pour la direction, puisque cela entraîne des suppressions d’emplois, mais il ne faut pas oublier que la charge de travail est également réduite pour les ouvriers. Globalement, l’ambiance reste bonne dans les ateliers, avec parité importante dans beaucoup d’endroits. Niveau organisation, les quantités de volailles journalières sont en dents de scie, le personnel peut en souffrir lors des grosses journée d’abattage, qui peuvent atteindre les 11 h de travail. C’est un secteur spécifique, qui contrairement à l’automobile par exemple, revêt une ambiance particulière sur les questions d’hygiène et de transformation du produit.


Ces entreprises d’agro-alimentaire ont-elles des méthodes particulières de management par rapport à d’autres entreprises ? Qu’est-ce qui change à ton avis dans votre secteur par rapport à d’autres usines d’autres secteurs industriels ?

R : La direction fait venir des cabinets spécifiques pour le management. La méthode reste la même pour les usines du groupe LDC, les fautes commises proviennent toujours de l’aval et non de l’amont (les ouvriers). Nous demandons depuis longtemps l’ouverture de négociations sur le sujet, car même si nous avons des spécificités, nous restons soumis à une organisation économique tournée uniquement vers le profit et la mise en concurrence des travailleurs, y compris au sein des entreprises du même groupe. Il y a cependant une très forte hiérarchie qui tente d’infantiliser les salariés en faisant régner une ambiance particulière, puisque de nombreux salariés n’ont pas d’autres choix que de travailler dans ces entreprises. C’est donc la porte ouverte à l’arbitraire, aux horaires à rallonge, aux bas salaires…


Quelles sont les revendications les plus importantes de votre syndicat pour les salariés ?

R : La section SUD se bat pour les augmentations de salaire, et l’amélioration des conditions de travail qui se dégradent en ce moment dans certains secteurs. Nous ne voulons plus de primes d’intéressement ou de participation, mais de la pérennité sur le salaire de base, car nous avons des salaires trop bas : 1 400 € net pour 25 ans d’ancienneté. Cela fait partie de notre cahier revendicatif.


Qu’ont donné les dernières élections professionnelles à la fin du printemps ?

R : Nous avons été déçus, même si nous conservons notre représentativité et nous développons dans certains secteur. Nous sommes la troisième organisation syndicale sur quatre, et ce malgré tous nos efforts faits en amont et pendant les élections; Je pense que la direction a fait le nécessaire pour en arriver là. N’oublions pas que la section FO a été monté par le PDG de la société, qui a signé les 35 h afin de récupérer de l’argent via l’État. Et les derniers tracts de FO n’ont cessé d’attaquer notre syndicat. C’est finalement peu important, mais les résultats sont là : quand des syndicats sont la voix du patron et s’attaquent à un syndicalisme de lutte en expliquant que les ouvriers ont plus à perdre à se battre face à la direction, forcément, ça peut faire peur à certains, surtout sur les menaces à l’emploi. Çà ne change rien à notre détermination.


On parle beaucoup de mal-bouffe, de bio, de retour à un mode de production différent : quel est ton avis et l’analyse de votre syndicat ?

R : Les gens sont de plus en plus pressés, ont de moins en moins le temps de manger et nous pensons que la mal bouffe provient du manque de temps.
Le bio est une bonne chose en soi, la qualité est meilleure, les conditions d’élevage des volailles sont meilleures et leur durée de vie est prolongée (perchoirs à disposition, plus de 30 % en plus, abattage de poulets plus tardifs). Les éleveurs sont plus respectueux de ces animaux car leurs conditions de travail sont améliorées et elles ils leur rapportent plus. Mais il faut là aussi avoir un vrai débat pour qu’un type de nourriture soit ne soit pas réservé aux plus riches : il faut donc augmenter les salaires, changer l’organisation du travail, et donner de réels droits aux salariés dans les entreprises !

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