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L’attentat

Couverture de la bande dessinée L'attentat.

Couverture de la bande dessinée L'attentat.

Cette bande dessinée (parue chez Glénat, 2022) réalisée par le scénariste Dauvillier et le dessinateur Chapron s’inspire du roman écrit par Yasmina Khadra(1)De son vrai nom, Mohamed Moulessehoul, Yasmina Khadra est un écrivain algérien qui entre en clandestinité pour échapper au Comité de censure militaire créé en 1988. Il opte pour le pseudonyme de Yasmina Khadra, un pseudonyme féminin qui est vrai pied de nez au monde conservateur et patriarcal arabo-musulman.. Le graphisme aux lignes « claires » permettra aux lecteurs de s’immerger dans l’atmosphère de la région et, en même temps, dans le mode de vie des uns et des autres. Les paysages citadins et ruraux permettront aux lecteurs qui prendront le temps de le savourer, de voyager dans cet univers qui, à bien des égards, pourrait nous paraître étrange à nous, Français et Françaises, en particulier et à tous habitants de la France en général du fait d’un principe de laïcité qui organise notre société dans un cadre de liberté qui n’essentialise personne en fonction de sa religion ou de ses origines. La BD génère plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Le lecteur peut également prendre conscience de la douleur vécue de chaque côté du mur, dans chaque camp.
Cette BD relate la descente aux enfers d’un médecin palestinien qui a sollicité et obtenu la nationalité israélienne et qui apprend que son épouse s’est faite exploser dans un quartier de Tel-Aviv. Il intervient sans savoir que son épouse en est la cause pour soigner les blessés. Dès le début de l’histoire apparaissent les fractures qui traversent la société israélienne. Ainsi, un blessé de confession juive refuse d’être soigné par un « Arabe ». Lors de l’enquête menée par un capitaine, ce dernier exprime son ressentiment en tant qu’officier et juif qui ne bénéficie pas des égards qui sont rendus au médecin naturalisé d’origine palestinienne.
Refusant de croire à la culpabilité de son épouse, le médecin mène à ses risques et périls sa propre enquête pour comprendre ce qui s’est passé. Il doit faire face aux intégristes orthodoxes juifs qui le menacent, l’injurient, le frappent car il devrait remercier Israël de l’excellente condition de vie qu’il mène en tant que médecin. Dans une lettre de son épouse qu’il retrouve et interpelle et le médecin et le lecteur, sont posées des questions existentielles du type : « à quoi sert le bonheur [car ce couple bien intégré dans la société israélienne vit dans de bonnes conditions] quand il n’est pas partagé ? [Au sein du couple et/ou par l’ensemble des Palestiniens ?] Tu voulais des enfants. Je voulais les mériter. Aucun enfant n’est tout à fait à l’abri s’il n’a pas de patrie. » L’un des enquêteurs exprime son incompréhension quant au fait « qu’une femme belle et intelligente, adulée par ses amies majoritairement juives a pu du jour au lendemain remettre en question tout ce l’État d’Israël a confié aux Arabes qu’il a accueilli en son sein. » Il oublie sans doute de se souvenir ou il ne veut pas se souvenir que cet État a été créé sur des terres palestiniennes, ce qui a engendré une série de malentendus délétères pour les habitants de la région.
L’auteur explore les ressorts du ressentiment qui s’explique mais qui assombrit l’horizon vers un « vivre ensemble » ou un « faire ensemble » avec les paroles émises par un ancien : « Je ne comprendrai jamais pourquoi les survivants d’un drame se sentent obligés de faire croire qu’ils sont plus à plaindre que ceux qui y ont laissé leur peau. »
La visite du médecin dans sa famille à Bethléem illustre la situation de la femme musulmane qui est sous l’emprise des hommes. Quand il exprime son dégoût des prêches lorsque le chauffeur de taxi insère une cassette d’un cheikh, il se fait jeter hors de la voiture.
Au cours de sa quête, le médecin rencontre un sage juif qui lui affirme devant le mur édifié par l’État d’Israël pour encercler et les Juifs et les Palestiniens : « Le Juif est né libre comme le vent, imprenable comme le désert de Judée. S’il a admis de délimiter sa patrie au point qu’on a failli la lui confisquer, c’est parce qu’il a longtemps cru que la terre promise était d’abord celle où aucun rempart n’empêche son regard de porter plus loin que ses cris. Le brasier se nourrit du peuple. Nul n’épargne son frère…»
La BD illustre la somme de discriminations que ce soit envers les Arabes d’Israël mais aussi envers les Palestiniens modérés dans les terres sous domination de l’Autorité palestinienne ou du Hamas quasiment théocratiques.
Chacun devrait se souvenir qu’un peuple qui occupe le territoire d’un autre peuple ou le colonise n’est pas vraiment libre ou selon Karl Marx :

« Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre. »

C’est sur ces mots que l’État d’Israël ou ses dirigeants devraient méditer : tant que le peuple palestinien se trouvera enfermer dans une sorte de prison à ciel ouvert, la population israélienne ne pourra vivre que dans une paix précaire constamment menacée.
La situation est telle que la seule issue pacifique est dans l’édification d’États laïques dans lesquels toutes les options spirituelles religieuses ou athées seront traitées à égalité, se feront discrètes et ne chercheront pas à imposer à l’ensemble de la société leurs visions du monde et de la bonne façon de vivre. Certes l’État d’Israël revêt des aspects démocratiques avec un régime qui n’est ni vraiment religieux ni laïque, mais il subit les coups de boutoirs des orthodoxes qui cherchent à influer et à s’opposer à un possible processus de laïcisation de la société. Ce processus de laïcisation est encore plus éloigné, malheureusement, dans les parties palestiniennes sous l’emprise de l’Autorité palestinienne ou du Hamas au tropisme religieux sous sa forme la plus intégriste très marquée.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 De son vrai nom, Mohamed Moulessehoul, Yasmina Khadra est un écrivain algérien qui entre en clandestinité pour échapper au Comité de censure militaire créé en 1988. Il opte pour le pseudonyme de Yasmina Khadra, un pseudonyme féminin qui est vrai pied de nez au monde conservateur et patriarcal arabo-musulman.
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