Les lecteurs de ReSPUBLICA sont habitués à ce nouveau concept d’« extrême centre » (voir par exemple dans cet article : https://www.gaucherepublicaine.org/editorial/comprendre-la-poussee-de-lextreme-droite-dans-les-pays-developpes/7429834). Eh bien, ce livre en est la source ! Pierre Serna est professeur d’histoire de la Révolution française à l’Université de Paris 1 Panthéon et membre de l’Institut d’histoire de la Révolution française. Cette recension va essayer de vous convaincre de lire ce livre (Éditions Champ Vallon, 290 pages, 20 euros).
Cette recension arrive au bon moment pour les lecteurs de ReSPUBLICA. Notre journal a publié après chaque élection de 2022 (1er et second tour de la présidentielle et des législatives), une analyse sociologique de ces élections (voir notre article : https://www.gaucherepublicaine.org/editorial/apres-le-10-avril-2022-quelle-strategie-pour-la-gauche/7431093) qui explique en grande partie pourquoi la gauche est encore très loin de pouvoir prendre le pouvoir même si les résultats de 2022 sont moins catastrophiques que ceux de 2017 notamment en ce qui concerne les législatives uniquement parce que l’union de la gauche a eu lieu(1)On pourrait résumer l’analyse de ReSPUBLICA de la façon suivante :
– Poussée de la gauche identitaire qui divise la gauche.
– Recul de la lutte des classes dans la gauche au moment où le patronat l’intensifie !
– Détournement massif d’une part de la classe populaire ouvrière et employée et d’autre part des jeunes de moins de 35 ans dans l’expression d’un vote précis (70 % se sont abstenus, ont voté blanc ou nul ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales).
– La gauche Nupes ne représente que 11,2 %, au premier tour des législatives, des personnes en âge de voter. Difficile donc d’avoir un premier ministre de gauche.
– Recul massif de la Nupes en zones périphériques et rurales permettant de plus que décupler le nombre de députés du RN, parti le plus populaire derrière la grande majorité de la classe populaire qui refuse de voter pour un candidat précis.
– La poussée dans les villes-centres et leurs banlieues est largement insuffisante même si elle contrebalance le recul en zones périphériques et rurales.. Mais l’analyse résumée ci-dessous en note ne suffit pas à inverser le rapport des forces. Et c’est là que le livre de Pierre Serna nous aide. Car il faut caractériser notre adversaire politique. Emmanuel Macron, ce n’est ni la droite installée, ni l’extrême droite. Et ce n’est ni le « en même temps » de droite et de gauche. Il nous manquait un concept. Ce livre nous l’apporte. D’autant que l’auteur est un historien et nous montre dans ce livre que cet « extrême centre » existe depuis plus de deux siècles. D’où les dates du titre du livre ! Emmanuel Macron, ce n’est pas nouveau, il reprend une stratégie démarrée en 1790, puis en 1793, et ensuite lors des grandes crises politiques : 1795, 1799, 1815, 1851, 1958 et… 2017 ! Le sauveur, l’état d’urgence permanent, la mise au pas du corps législatif, le recul démocratique, la modération du juste milieu, les courtisans et les tourne-veste (la république des girouettes) qui débouchent sur un développement d’une république autoritaire.
Il commence son livre par un chapitre « archéologique » où il montre une sorte de préhistoire du concept d’extrême centre dans l’ancien régime avant la naissance de la République. Puis il engage son discours historique avec « Thermidor ou la démocratie en marche arrière ». Puis, il analyse toutes les séquences de l’extrême centre jusqu’à nos jours. Ce livre peut se lire d’une traite et on a plaisir à revenir sur certains épisodes.
La thèse de l’auteur historien est qu’« En marche » est une marche à reculons de l’histoire. Et que la France va beaucoup mieux quand elle a une vraie gauche et une vraie droite. Il est possible qu’on y revienne, car le deuxième mandat d’Emmanuel Macron s’apparente plutôt à une tentative d’union des droites (RN compris). En attendant, avec ce nouveau concept d’extrême centre, on caractérise mieux cet adversaire redoutable du bloc historique populaire que nous souhaitons constituer pour créer une République sociale.
Notes de bas de page
↑1 | On pourrait résumer l’analyse de ReSPUBLICA de la façon suivante : – Poussée de la gauche identitaire qui divise la gauche. – Recul de la lutte des classes dans la gauche au moment où le patronat l’intensifie ! – Détournement massif d’une part de la classe populaire ouvrière et employée et d’autre part des jeunes de moins de 35 ans dans l’expression d’un vote précis (70 % se sont abstenus, ont voté blanc ou nul ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales). – La gauche Nupes ne représente que 11,2 %, au premier tour des législatives, des personnes en âge de voter. Difficile donc d’avoir un premier ministre de gauche. – Recul massif de la Nupes en zones périphériques et rurales permettant de plus que décupler le nombre de députés du RN, parti le plus populaire derrière la grande majorité de la classe populaire qui refuse de voter pour un candidat précis. – La poussée dans les villes-centres et leurs banlieues est largement insuffisante même si elle contrebalance le recul en zones périphériques et rurales. |
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