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Théorie de l’évolution : L’aventure Homo sapiens

Voici un ouvrage publié en 2020 par la revue National Geographic. Les auteurs sont Telmo Pievani(1)Professeur de philosophie des sciences cognitives à la faculté de biologie de l’Université de Padoue et expert en théorie de l’évolution. et Valéry ZEITOUN(2)Directeur de recherche au CNRS et membre du Centre de recherche en paléontologie-Paris., grands connaisseurs de la théorie de l’évolution. Il sera utile à tous celles et ceux qui souhaitent approfondir les arguments à même de montrer l’inanité des courants religieux intégristes qui prônent la théorie non scientifique de la « Création », combattent la théorie de l’évolution et veulent soit empêcher son enseignement dans les écoles, soit promouvoir des écoles qui enseignent la fausse théorie de l’origine divine du monde et des êtres humains.

Dans la préface qu’il a rédigée en 2019, Yves Coppens(3)Professeur émérite au Collège de France décédé le 22 juin 2022. rappelle que notre première perception date de 14 milliards d’années. Ce qui précède est qualifié d’« opaque » par les astrophysiciens. Suit, il y a 4,6 milliards d’années, la naissance de la Voie lactée et de la Terre sur laquelle, dans l’Océan primitif. La vie a émergé il y a 4 milliards d’années. Il y a seulement 10 millions d’années, la vie a inventé les vertébrés, les mammifères et les primates.

L’ouvrage illustre au travers de belles photos, de magnifiques illustrations, des cartes instructives, des schémas clairs l’évolution du vivant en général et du genre Homo dont Homo sapiens en particulier. Il amène à comprendre l’origine de l’humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Des souches diverses ou l’arbre buissonnant du vivant

Les auteurs relatent l’évolution vers la bipédie, il y a 10 millions d’années, qui a apporté un avantage immédiat que la sélection naturelle a favorisé. La dérive des continents a généré un cadre d’instabilité climatique écologique et géophysique et a influé sur l’évolution des hominidés africains.

Les premiers hominidés apparaissent en Afrique orientale, il y a entre 6 et 4,4 millions d’années. L’autre berceau de l’humanité se situe en Afrique australe, il y a 3,6 millions d’années. De ces deux souches naît le genre Homo, il y a 2,8 millions d’années. Il est doté de capacités qui l’avantagent. Les taxonomistes proposent une nouvelle classification et parlent de classer les êtres humains, les chimpanzés et les grands singes, du fait de leur proximité génétique, malgré de grandes différences morphologiques parmi les « hominines homininés ». Ainsi, nous les êtres humains partageons avec les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outangs un ancêtre commun qui a vécu il y a entre 12 et 16 millions d’années.

La famille « Hominidae » est illustrée par un arbre buissonnant dont les représentants les plus récents sur le chemin de l’évolution, Homo néandertalien, Homme de Denisova, Homo sapiens (Homme moderne) ont vécu longtemps ensemble, partageant les mêmes territoires. Bien que faisant partie de sous-espèces différentes, ils ont pu s’accoupler et se reproduire(4)Biologie : deux membres d’espèces différentes peuvent s’accoupler et former un hybride, mais l’hybride qui en résulte ne sera pas fécond. Deux membres de sous-espèces différentes pourront se reproduire et les hybrides issus de cette reproduction seront féconds. Ce dernier cas correspond aux Néandertaliens, Dénisoviens et Homo sapiens..

Différentes sorties d’Afrique

Les différentes sorties hors d’Afrique sont décrites. La première se vérifie il y a entre 700 000 ans et 1,8 million d’années. La deuxième est avérée entre 780 000 et 135 000 ans. L’Homo sapiens n’est pas le premierEuropéen. Le premier Européen est Homo antecessor qui a évolué en Néandertal en Europe. Cela est dû à un isolement provoqué par la glaciation avec Homo sapiens bloqué en Afrique. La troisième sortie hors d’Afrique est constatée entre 45 000 et 30 000 ans. C’est l’occasion d’une rencontre des Homo sapiens en Europe avec le monde de Néandertal.

Une nouveauté du genre Homo : la néoténie

Le grand avantage du genre Homo est cette nouveauté : le ralentissement fondamental du développement de l’enfant pour atteindre l’âge adulte. C’est ce qu’on appelle la « néoténie »(5)Le néoténie est le processus par lequel les caractères juvéniles des ascendants deviennent les caractères adultes des descendants. Cela accorde plus de temps pour des apprentissages sociaux, pour recevoir des enseignements et imiter les adultes. Les auteurs insistent sur la pluralité des formes humaines dans l’Ancien Monde. Il y a 200 000 ans les premiers représentants de notre espèce, Homo sapiens, apparaissent en Afrique subsaharienne et en Afrique australe avec une néoténie qui atteint son maximum.

Néandertalien, dénisovien, homme moderne : un ancêtre commun

Survient l’extinction des Néandertaliens qui pourtant étaient autant intelligents que nous. Le dernier exemplaire trouvé se situe à Gibraltar et date de 29 000 ans. Néandertal pratiquait une spiritualité avancée marquée par une complexité sociale élevée et un riche monde intérieur. Ceci est avéré par les preuves d’une assistance aux malades et aux anciens ainsi que par des rites funéraires et des signes de sensibilité artistique manifestes.

L’étude des ADN fossiles démontre l’existence d’une matrice originelle d’ADN mitochondrial commune (6)Les mitochondries et les bactéries biologiques fournissent l’énergie à nos cellules. Elles étaient à l’origine des bactéries autonomes qui ont donné les cellules à noyau. à tous les êtres humains sur Terre. Ces études indiquent que nous, Homo sapiens, avons 2 à 4 % d’ADN néandertalien.

Pour l’Asie, il existait au moins trois espèces humaines différentes dont celle de Denisova. L’Homo Sapiens asiatique dispose d’environ 5 % d’ADN dénisovien. Ainsi, est confirmé par la science que l’homme moderne (nous ou Homo Sapiens), l’homme de Néandertal et l’homme de Denisova sont des espèces proches et fécondes entre elles et ont un ancêtre commun. Après une longue cohabitation, seule l’espèce Homo sapiens a survécu.

Les différentes éruptions volcaniques survenues sur Terre depuis 75 000 ans provoquèrent l’extinction de nombreuses espèces et menacèrent l’existence des hommes. L’éruption de Toba en Indonésie il y a 73 500 ans fut 5 000 fois plus puissante que la bombe atomique d’Hiroshima.

Scientifiquement, la notion de race chez les êtres humains est nulle et non avenue : les 8 milliards d’êtres humains présentent une variation génétique très réduite. Cela conforte l’idée que toute la population humaine actuelle est issue d’un petit groupe originel.

Seconde naissance d’Homo sapiens : révolution cognitive

Vers 45 000 à 40 000 ans avant notre époque se manifeste une sorte de seconde naissance d’Homo sapiens avec l’éclosion d’une intelligence devenue symbolique, nourrie d’imagination, d’interaction avec l’environnement, d’interrogation sur la nature environnante, sur ses phénomènes réguliers. C’est le développement d’une capacité à inventer des mondes possibles dans nos têtes en lieu et place d’une certaine passivité à accepter la dure réalité naturelle.

Les auteurs interrogent l’écart temporel entre, d’une part, notre anatomie élancée, une face plate, un front « haut », une bonne technique de travail, il y a 200 000 ans à 150 000 ans et, d’autre part, l’avènement cognitif, le développement de nos capacités cognitives plus récent, il y a 30 000 ans lors de la révolution paléolithique.

Naissance de l’écriture et diversité culturelle

En parallèle à la révolution néolithique et l’expansion mondiale d’Homo Sapiens jusqu’au sud du continent américain, les auteurs donnent un aperçu de la naissance et de l’évolution de l’écriture à partir du 9e millénaire avant notre ère :

Sont également abordées les racines écologiques et géographiques de la diversité culturelle et sociopolitique, tout en précisant et rappelant que la notion de races humaines n’est, scientifiquement, qu’une vue de l’esprit. Ainsi, la couleur de la peau n’est que le résultat ou la conséquence d’un phénomène d’adaptation pour favoriser un équilibre vitaminique comme la synthèse de la vitamine D et la protection aux UV. Sous la peau, nous sommes très proches comme le confirme la faible variabilité génétique moyenne constatée entre les êtres humains ou Homo Sapiens.

La question de l’existence d’une langue ancestrale commune est posée comme probable, mais sans apporter de claires réponses définitives(7)D’ailleurs en science rien n’est définitif, le doute y règne en maître. C’est la différence fondamentale avec les dogmes religieux ou non qui ne supportent pas l’esprit critique et le doute, nécessaires à la science pour progresser.. L’existence de traits communs à toutes les langues du monde est avérée. Ces traits communs ou universels pourraient permettre l’hypothèse d’une sorte de proto-langue commune.

En conclusion, Valéry Zitoun invite à nous interroger sur l’homogénéisation qui, pour l’homme, n’est plus exclusivement biologique – fonction de la sélection naturelle et de l’évolution darwinienne – mais également culturelle à l’échelle de toute la planète, comme on le voit avec la disparition de milliers de langues et la domination d’une seule langue, l’anglais ou encore avec les métropoles qui toutes se ressemblent. Il suffit de se rendre dans une zone commerciale où l’uniformisation des codes, de l’architecture, des comportements de consommateurs règne en maître. Cela relève-t-il de la contrainte externe ou de la servitude volontaire ?

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Professeur de philosophie des sciences cognitives à la faculté de biologie de l’Université de Padoue et expert en théorie de l’évolution.
2 Directeur de recherche au CNRS et membre du Centre de recherche en paléontologie-Paris.
3 Professeur émérite au Collège de France décédé le 22 juin 2022.
4 Biologie : deux membres d’espèces différentes peuvent s’accoupler et former un hybride, mais l’hybride qui en résulte ne sera pas fécond. Deux membres de sous-espèces différentes pourront se reproduire et les hybrides issus de cette reproduction seront féconds. Ce dernier cas correspond aux Néandertaliens, Dénisoviens et Homo sapiens.
5 Le néoténie est le processus par lequel les caractères juvéniles des ascendants deviennent les caractères adultes des descendants.
6 Les mitochondries et les bactéries biologiques fournissent l’énergie à nos cellules. Elles étaient à l’origine des bactéries autonomes qui ont donné les cellules à noyau.
7 D’ailleurs en science rien n’est définitif, le doute y règne en maître. C’est la différence fondamentale avec les dogmes religieux ou non qui ne supportent pas l’esprit critique et le doute, nécessaires à la science pour progresser.
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