Préserver le principe de laïcité
Certes, le préambule précise que la République française est laïque. Cependant, la loi qui définit la mise en œuvre de ce principe, la loi du 9 décembre 1905(1)https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000508749, Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes., parce que c’est une loi, peut être retoquée par une simple majorité parlementaire. L’inscrire dans la Constitution exigerait pour la supprimer la réunion des parlementaires en Congrès où il faudrait dégager une majorité des 2/3.
Il serait donc extrêmement difficile de revenir dessus.
Quid du régime des cultes en Guyane, à Mayotte et en Alsace-Moselle ?
A priori, en toute logique, l’article 2 de la loi qui stipule que la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte devrait aboutir à la sortie du régime des cultes particuliers à Mayotte en faveur du culte musulman, en Guyane en faveur du culte catholique et en Alsace-Moselle en faveur des quatre cultes reconnus sous le Consulat et le 1er Empire napoléonien. Pour les départements de l’Est, à savoir du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les quatre cultes sont le catholique, les deux protestants calviniste et luthérien et israélite.
En ce qui concerne l’Alsace-Moselle, ce n’est pas si simple du fait de l’avis du Conseil d’État très contradictoire(2)Rapport de 2004 du Conseil d’État.. Le livre de Michel Seelig « Vous avez dit Concordat ou Sortir progressivement du régime des cultes »(3)Chez L’Harmattan. est très instructif. Ce rapport précise : « Certaines [des] dispositions seraient en tout état de cause inconstitutionnelles, en particulier celles relatives au Droit des cultes(4)Les ministres des quatre cultes sont rémunérés par l’État du fait du Concordat et l’école publique doit organiser des cours d’enseignement de la morale religieuse du fait de la loi Falloux de 1850., car contraire au principe de laïcité… Par ailleurs, le juge administratif peut constater l’abrogation implicite d’un texte qui serait contraire à une nouvelle norme institutionnelle ».
Jusque-là, nous ne pouvons qu’applaudir à de telles analyses, car cohérentes avec le principe de laïcité. Là où le bât blesse, c’est lorsque ce même Conseil d’État, dans le même rapport, conclut ainsi de manière totalement contradictoire avec les prémisses du propos : « On peut voir dans la situation prévalant en Alsace-Moselle une forme particulière de l’organisation des rapports et de la Séparation des Églises et de l’État ».
Le Conseil constitutionnel, dans un arrêt pris en 2011, désavoue le Conseil d’État en stipulant : « La législation républicaine… a consacré le principe selon lequel, tant qu’elles n’ont pas été remplacées par les dispositions du Droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur… Que ce principe doit être aussi concilié avec les autres exigences constitutionnelles… L’existence du droit local alsacien -mosellan n’est directement « rattachable » à aucune norme constitutionnelle expresse. Il ne jouit donc pas de la même protection constitutionnelle… Le Parlement ou le pouvoir réglementaire… peuvent à tout moment modifier ou abroger des dispositions du droit local pour les remplacer par des dispositions du droit commun ».
Ainsi, il n’est pas du tout acquis que la constitutionnalisation des deux articles de la loi du 9 décembre 1905 assure la sortie du régime des cultes pourtant contraires à l’esprit de laïcité.
Droit local social et régime des cultes
Il faut sortir de la confusion entretenue entre Droit local, notamment social d’origine allemande, souvent très intéressant, et régime des cultes d’origine française d’avant l’annexion de 1870 et maintenue sous l’occupation allemande de 1871 à 1918.
Contrairement aux partisans du statu quo, il est tout à fait possible et même souhaitable de maintenir les dispositions avantageuses socialement parlant et d’abolir le régime des cultes particulier et anachronique.
Coût du régime des cultes en Alsace-Moselle
L’ensemble des contribuables de la République française contribuent au financement du régime des cultes en Alsace-Moselle. Le rapport du Sénat indique que ce coût s’élève à 58 millions d’€/an(5)https://www.senat.fr/rap/r14-345/r14-3455.html#:~:text=En%20Alsace%2DMoselle%2C%201%20397,’euros%20140%20(%20*% 20)% 20.. Contrairement à ce que laisse entendre ce rapport, le régime des cultes ne fait pas consensus. En effet, un sondage réalisé il y a quelques années indique que les habitants se prononcent majoritairement pour la sortie du Concordat. Apparaît une autre affirmation fallacieuse et tendancieuse du rapport « Cette spécificité du droit local en matière de financement des lieux de culte apparait en effet aujourd’hui comme une condition essentielle du vivre ensemble dans ces territoires ». Cela signifierait que, dans les régions appliquant la loi de séparation des églises et de l’État, le « vivre ensemble » poserait plus de problèmes. La réalité montre que ce n’est pas le cas. La loi de 1905 est justement une loi qui garantit la liberté de culte et une coexistence pacifiée et sereine entre les individus aux options spirituelles diverses : athéisme, agnosticisme et religieuse.
Les deux fériés supplémentaires sont-ils menacés par cette abolition du régime des cultes ?
C’est une affabulation d’affirmer que les deux jours fériés supplémentaires dont bénéficient les salariés alsaciens-mosellans seraient remis en cause.
Le Code du travail(6)Article L.3134-13. énumère les jours fériés. S’ajoutent pour le salarié en Alsace-Moselle, si l’entreprise a son siège social dans ces départements, deux jours :
« Le Vendredi Saint dans les communes ayant un temple protestant ou église mixte. Le second jour de Noël (la Saint Etienne) ».
Ces jours fériés supplémentaires ne relèvent pas du régime des cultes ou du Concordat, mais du Code du travail français. Sortir du régime des cultes n’aboutit en aucun cas à supprimer ces deux jours fériés.
Laïcité et social
La laïcité sans justice sociale est imparfaite et le combat social ne peut aller au bout de sa logique sans le cadre laïque qui assure la liberté de conscience, garantit la liberté de culte sans privilège par rapport à toutes les options spirituelles, dont l’athéisme et l’agnosticisme, l’égalité de traitement entre toutes les convictions spirituelles religieuses, athées, agnostiques…
Lutter pour la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 est indispensable. Elle doit se prolonger, se magnifier, se sublimer par le combat social. Nous vous invitons à signer et partager la pétition pour la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 : https://www.change.org/p/appel-pour-la-constitutionnalisation-des-articles-1-et-2-de-la-loi-du-9-d%C3%A9cembre-1905.
Notes de bas de page
↑1 | https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000508749, Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. |
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↑2 | Rapport de 2004 du Conseil d’État. |
↑3 | Chez L’Harmattan. |
↑4 | Les ministres des quatre cultes sont rémunérés par l’État du fait du Concordat et l’école publique doit organiser des cours d’enseignement de la morale religieuse du fait de la loi Falloux de 1850. |
↑5 | https://www.senat.fr/rap/r14-345/r14-3455.html#:~:text=En%20Alsace%2DMoselle%2C%201%20397,’euros%20140%20(%20*% 20)% 20. |
↑6 | Article L.3134-13. |