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Bangladesh – Protéger les droits à la liberté de religion, de croyance et d’expression

Appel lancé par des militants bangladais et signé par la Fédération Humaniste Européenne (European Humanist Federation) dont l’UFAL est membre.
Le texte d’origine (en anglais) est disponible avec ce lien, la traduction a été faite par l’UFAL.

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Nous soussignés, universitaires, intellectuels, défenseurs des droits de l’homme et organisations du Bangladesh et du monde entier, condamnons sans équivoque les récentes déclarations des représentants du gouvernement du Bangladesh qui accusent les écrivains, les éditeurs et les militants d’être responsables de leur propre mort sous les coups d’extrémistes armés suspectés d’être en lien avec des groupes islamistes militants. Nous exhortons le gouvernement du Bangladesh à prendre immédiatement des mesures pour protéger vigoureusement les droits à la liberté de religion, de croyance et d’expression, tant en paroles qu’en actes.

Depuis février 2015, il y a eu six attaques meurtrières contre des écrivains athées, humanistes et laïques, des blogueurs et des éditeurs au Bangladesh, chaque fois par des militants armés de machettes. Le 26 février 2015, Avijit Roy, fondateur du forum de la libre pensée Mukto-Mona, a été tué au moment où il quittait une foire du livre où il s’était rendu avec sa femme, l’auteur et militante Rafida Bonya Ahmed. Ahmed a survécu, mais a été grièvement blessé. Le 30 mars 2015, Washiqur Rahman a été tué par un groupe d’extrémistes sur le chemin de son travail. Le 12 mai 2015, Ananta Bijoy Das a été tué de la même façon. Le 7 août 2015, Niloy Neel a été tué par six hommes qui avaient réussi à s’introduire dans sa maison, ont enfermé son compagnon dans une pièce et l’ont battu à mort. Le 31 octobre 2015, Faisal Arefin Deepan, éditeur musulman de livres laïques, a été tué dans sa maison d’édition. Le même jour, trois autres — Ahmedur Rashid Tutul, Tariq Rahim et Ranadipam Basu — ont été grièvement blessés dans une attaque similaire dans une autre maison d’édition. Et, le 6 avril 2016, Nazimuddin Samad, étudiant en droit, a été attaqué et tué alors qu’il rentrait chez lui après les cours.

Des croyants, des militants des droits des LGBT et des professeurs d’université ont également été l’objet de menaces et d’attaques armées. Entre octobre et décembre 2015, 37 leaders chrétiens ont reçu des menaces de mort. Le 27 novembre 2015, des hommes armés ont attaqué une mosquée chiite, tuant une personne et en blessant trois autres. Le 25 décembre 2015, un kamikaze a blessé trois personnes dans une mosquée ahmadie. Le 21 février des activistes ont tué un prêtre hindou et blessé un croyant. Le 15 mars 2016, un religieux chiite a été tué. Le 23 avril 2016, le professeur d’université anglais Rezaul Karim Siddique a été frappé à mort à la machette en se rendant à son travail. Le 24 avril un autre croyant hindou a été tué. Le 25 avril 2016, Xulhaz Mannan, rédacteur en chef du premier magazine LGBT du Bangladesh, et son ami Mahbub Tanay, militant des droits LGBT et comédien, ont été poignardés à mort. Et le 30 avril 2016, un tailleur hindou, précédemment arrêté et emprisonné pour avoir prétendument fait des commentaires désobligeants sur le Prophète Muhammad, a été frappé à mort à la machette.

Tandis que certaines de ces attaques ont été revendiquées par des groupes terroristes indigènes tels que l’Équipe Ansarullah Bangla et Ansar al-Islam, la branche bangladaise d’Al-Qaïda dans le sous-continent indien, d’autres ont été revendiquées par Daesh.
La réponse du gouvernement du Bangladesh à ces attaques a été extrêmement décevante ; la réponse aux attaques contre les athées et les militants laïques a été particulièrement décourageante. Personne à ce jour n’a été tenu pour responsable de ces meurtres. Alors que certaines arrestations ont eu lieu, peu de charges ont été retenues contre les auteurs. Certains athées et laïques menacés, qui sont sur les listes noires dressées par des groupes islamistes militants présumés impliqués dans des agressions en cours, se sont entendu inciter à l’autocensure ou à l’exil quand ils ont requis la protection de la loi. De nombreux militants sont également réticents à solliciter la police, craignant de se voir inculpés au titre de la Loi sur l’information, la communication et la technologie, qui criminalise les écrits blessant la croyance religieuse. Les autorités gouvernementales ont été incapables d’agir pour assurer aide et protection aux athées ou laïcs menacés, ou condamner publiquement les meurtres. Au lieu de cela, les autorités ont pris leurs distances avec les victimes, ou même semblé blâmer les défunts pour leurs propres meurtres.

Après l’assassinat de Niloy Neel, le Premier ministre Hasina a déclaré : « Vous ne pouvez pas vous en prendre à la religion d’autrui. Vous devez arrêter de faire cela. Il ne sera pas toléré que le sentiment religieux d’autrui soit blessé. » Après l’assassinat récent de Nazimuddin Samad, le ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan a déclaré qu’une partie de l’enquête serait consacrée à « vérifier s’il a écrit quoi que ce soit de répréhensible sur ses blogs, » suggérant qu’une certaine justification pourrait être trouvée à la mort de Samad. Le ministre Khan aurait également indiqué : « Les blogueurs, ils devraient contrôler leurs écrits.(…) Je veux dire que les gens devraient faire attention à ne blesser personne dans tout ce qu’ils écrivent – offenser quelque religion, quelque croyance collective, quelque chef religieux que ce soit. » Quelques jours plus tard, le Premier ministre Hasina faisait état des mêmes sentiments, déclarant à propos des blogueurs laïques. « Je considère ces écrits non comme de la pensée libre, mais comme des mots obscènes. Comment peut-on écrire de telles choses ? Il est totalement inacceptable que l’on écrive contre notre prophète ou d’autres religions. Pourquoi le gouvernement serait-il responsable si ces écrits entraînent des incidents fâcheux ? Tout le monde devrait respecter la décence. Sinon le gouvernement ne saurait être responsable de quelque comportement sauvage que ce soit ».

Il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec les opinions religieuses d’une autre personne pour reconnaître son droit d’exprimer ces opinions et de vivre en paix en la matière. La réponse à une expression que l’on désapprouve ne doit pas être la violence, mais l’argumentation contraire.
Ces meurtres d’écrivains, de blogueurs, d’éditeurs, de militants et de croyants innocents — tout simplement pour avoir exercé pacifiquement leurs libertés fondamentales — volent au Bangladesh des esprits brillants et de courageux défenseurs des droits de l’homme.
Il est inexcusable que les autorités gouvernementales aient, se plaçant en gros du côté des assassins extrémistes, demandé aux citoyens de s’autocensurer, et ont été incapables de fournir une protection suffisante ou d’inculper les tueurs.
Le Bangladesh s’est engagé à respecter les droits humains fondamentaux. La Constitution garantit à tous les citoyens le droit à la vie (article 32), la liberté de conscience et d’expression (article 39), et la liberté de religion (article 41). En outre, le Bangladesh est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui protège le droit à la vie (article 6), celui de ne pas être victime de discrimination pour divers motifs (article 2), la liberté de pensée, de conscience ou de religion (article 18), et la liberté d’expression (article 19).
Ces droits incluent la liberté d’adopter ou non une croyance religieuse, de changer de religion ou de conviction, d’observer et de manifester sa religion ou ses convictions individuellement ou collectivement, de parler librement et de s’exprimer en public sur ses croyances, idées ou convictions — sans crainte d’attaques de représailles ou de répression gouvernementale.

Nous appelons donc :

3 mai 2016

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