Une coalition majoritaire hors extrême droite ?
Rob Jetten va donc tenter de construire une coalition majoritaire d’au moins 75 députés. Selon l’AFP : « M. Jetten privilégie une coalition quadripartite réunissant des partis de plusieurs horizons politiques. Il souhaite en priorité travailler avec le CDA (18 sièges, parti de centre-droit), le VVD (22 sièges, parti libéral de droite), et le groupe Verts/Parti travailliste (20 sièges, parti de gauche). Cela lui donnerait une confortable majorité avec 86 sièges, mais la dirigeante du VVD, Dilan Yesilgoz, a exclu toute coalition avec les Verts/Travaillistes. Celle-ci privilégie une coalition de droite avec le CDA, l’extrême-droite du JA21 et le D66 de M. Jetten »… Au total, 15 partis ont remporté des sièges au parlement. Une telle coalition disposerait de 75 sièges exactement, ce qui la rendrait potentiellement instable.
Une autre possibilité serait une coalition minoritaire, mais M. Jetten a souligné que ce n’était pas son choix préféré.
Pour tenter de surmonter ces divergences, un « éclaireur » a été désigné, dont la mission est de déterminer quels partis sont prêts à travailler ensemble.
M. Jetten a nommé Wouter Koolmees, directeur de la société nationale des chemins de fer NS, pour mener les négociations. Il devrait rendre compte de ses progrès mardi… Si M. Wilders a proposé de rejoindre la coalition, tous les partis traditionnels ont exclu de travailler avec lui.
M. Wilders avait provoqué la tenue de ces élections anticipées en retirant son parti PVV du gouvernement, déplorant la lenteur des progrès dans la mise en œuvre de la « politique d’immigration la plus stricte jamais vue ».
Analyse de l’avant-dernier scrutin
2023 : l’extrême droite gagnait, mais ne pouvait gouverner.
Le 22 novembre 2023, le parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders devenait premier parti des Pays-Bas. Il venait de remporter les élections avec 23,6 % des suffrages à la seconde chambre des représentants. Mais, cette première place ne permettait pas au chef du parti d’extrême droite de devenir Premier ministre. Les partis de la coalition menaçaient de se désolidariser à cause des positions anti-islam et eurosceptiques de son leader Wilders.
Finalement, au terme de 222 jours de tractation, Dick Schoof prenait la tête de la coalition « Espoir, Courage et Fierté ». Elle prévoyait entre autres la refonte de la politique migratoire. Les membres de la coalition étaient tous des partis de droite ou d’extrême droite, le parti pour la liberté (PVV), le parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), le nouveau contrat social (NSC) et le mouvement agriculteurs et citoyens (BBB).
Le Cabinet Schoof chuta sur la politique migratoire
Le nouveau Premier ministre néerlandais Dick Schoof était un député certes indépendant, sans parti, mais pas sans expérience. Il avait été membre du parti travailliste (PvDa) pendant 30 ans, qu’il quitta il y a quelques années.
Dick Schoof avait également l’expérience des politiques publiques dans la sécurité intérieure et les services du renseignement. Une carrière qui le conduira à jouer un rôle important dans la réforme de la législation sur l’immigration, lors de son passage au service de l’immigration et de la naturalisation.
L’indépendance vis-à-vis des partis de la coalition et son expertise dans le domaine de l’immigration et de la sécurité en faisait un candidat idéal pour Geert Wilders au poste de Premier ministre.
Quatre mois après la constitution du gouvernement néerlandais, une première alerte fit trembler la coalition. La secrétaire d’État aux finances, Nora Achahbar, membre du parti anticorruption NSC, démissionnait. Nora Achahbar n’avait pas apprécié des propos jugés « raciste » tenus en Conseil des ministres.
Alors qu’un départ du gouvernement du NSC était envisagé, une réunion de crise s’organisa. À l’issue de celle-ci, la coalition fut maintenue et le gouvernement de Dick Schoof sauvé.
Fin de la coalition
Le 3 juin 2025, la crise fut plus grave, Geert Wilders retira son parti, le PVV, de la coalition. « Pas de signature pour notre plan sur l’asile… le PVV quitte la coalition », écrivit Geert Wilders sur le réseau social X, en référence à son programme qui visait à durcir la politique envers les immigrés et les demandeurs d’asile. Geert Wilders estimait que le gouvernement prenait trop de temps à mettre en œuvre la « politique d’immigration la plus stricte jamais vue aux Pays-Bas ».
Le plan de Wilders prévoyait la fermeture des frontières aux demandeurs d’asile, le renforcement des contrôles aux frontières et l’expulsion des personnes ayant la double nationalité et reconnues coupables d’un crime. Des experts politiques et juridiques ont qualifié ces mesures d’impraticables ou d’illégales. Certains suggèrent même que le « Trump néerlandais » créait une crise dans le but de faire tomber le gouvernement.
Les élections législatives anticipées du 29 octobre 2025
Lors de cette campagne, l’extrême droite et les autres partis populistes, comme le mouvement agriculteurs et citoyens (BBB), tentèrent de tirer profit du manque de logement. En effet, il en manque aujourd’hui 400 000.
Or, la réglementation néerlandaise oblige les municipalités à trouver un logement aux réfugiés détenteurs d’un titre de séjour. L’extrême droite instrumentalisa cette réglementation pour amener de nombreux Néerlandais à croire que les étrangers étaient largement favorisés, à leur détriment. Une idée facile à agiter, mais qui ne correspond pas à la réalité.
Gerrit Voerman, professeur émérite à l’Université de Groningue et expert des systèmes partisans, expliqua dans le journal Trouw que « l’immigration est souvent associée à la pénurie de logements… le logement est l’un des enjeux les plus urgents de cette campagne ».
La violence et la manipulation sur les réseaux sociaux
Cette campagne permit de dévoiler les méthodes violentes des « radicalisés » d’extrême droite. Le 20 septembre, une manifestation anti-immigration fut organisée par l’influenceuse Els Noort, dont le pseudonyme est « Els de droite ». Cette démonstration dégénéra. Une autoroute proche fut bloquée, des voitures de police incendiées, des journalistes agressés et le siège du parti D66, adversaire résolue de l’extrême droite, fut attaqué par les émeutiers cagoulés. Bien évidemment, Els Noor, qui n’hésite pas à se faire photographier avec Geert Wilders, s’est désolidarisé officiellement. À quelques semaines des élections, la violence n’était pas une bonne publicité, même auprès des électeurs d’extrême droite.
Ces mêmes méthodes, violentes, d’intimidation furent également utilisées sur les réseaux sociaux. Geert Wilders publia mi-août l’image d’une femme blonde avec l’inscription « PVV » et d’une femme à l’air renfrogné portant un foulard, avec la légende « PvdA » (parti travailliste) en dessous. Plus encore, deux députés du PVV diffusèrent de fausses images, comme celle d’une femme blonde poursuivie par des garçons à la peau foncée sur la plage… l’objectif étant de susciter la peur.
Dans cette campagne, l’extrême droite montra qu’elle était plus à l’aise dans les actions violentes que dans les débats organisés par les médias. Le 10 octobre 2025, Geert Wilders interrompit sa campagne à cause de menaces terroristes et, bien que les suspects aient été arrêtés, il ne participa pas au débat organisé par Radio 1 et RTL. Une suspension de campagne qu’il avait déjà utilisée en 2017 : à l’époque, un policier avait divulgué des informations sur sa sécurité.
Depuis des années, les interventions dans les médias du leader du PVV sont très profilées. Il privilégie les grands débats, des émissions où il se sent à l’aise, où il sait qu’il ne sera pas forcément critiqué et qu’une grande partie de ses électeurs regardent.
Conclusion provisoire
5ème puissance économique de l’Union européenne, les Pays-Bas sont un pays important pour les 27 pays de l’Union. Pour l’instant, l’issue de ce gouvernement est incertaine et fragile. Nous reviendrons ultérieurement selon les évolutions.
