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Stéphane Le Foll ment sur les subventions de l’UE à l’exportation

Version révisée par l’auteur du texte paru le 23 mai sur le blog de Médiapart.

Dans l’émission de France 2 Des paroles et des actes du 22 mai consacrée aux élections européennes, Stéphane Le Foll a répété : « Vous mentez… Il est faux de dire que l’Europe subventionne ses exportations agricoles. L’Europe ne les subventionne plus comme cela a été le cas il y a quinze ans. Il faut cesser de se culpabiliser sur quelque chose qui n’existe pas ». Ce faisant, il ne fait que reproduire le discours officiel des institutions européennes – Commission, Conseil et Parlement –, des Etats membres et des syndicats agricoles majoritaires et coopératives agricoles (Copa-Cogeca).
Mais ce sont eux et Stéphane Le Foll les menteurs, pas François Bayrou, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, qui soulignaient la responsabilité majeure de l’Union européenne (UE) dans la paupérisation des paysans d’Afrique, qui les pousse à risquer leur vie pour migrer en Europe afin d’aider leurs familles avec leurs maigres économies.

Le fond du problème est que Stéphane le Foll et la Commission européenne partent de deux définitions erronées portant sur les subventions à l’exportation et sur les aides internes ayant ou pas d’effet négatif sur les échanges. Ils ne considèrent comme subventions à l’exportation que celles accordées au niveau de l’exportateur, qui ne représentent que la partie émergée de l’iceberg des subventions de l’UE à l’exportation – et qui ont été totalement supprimées depuis le 1er juillet 2013 –, oubliant les subventions internes, celles accordées en amont aux agriculteurs, bien plus considérables et qui bénéficient aussi aux produits exportés. D’ailleurs l’organe d’appel de l’OMC a jugé 4 fois – sur les “Produits laitiers du Canada” les 3 décembre 2001 et 20 décembre 2002, sur le “Coton des Etats-Unis” le 3 mars 2005 et sur le “Sucre de l’UE” le 20 avril 2005 – que ces subventions internes bénéficiant aux produits agricoles exportés ont aussi un effet de dumping, c’est-à-dire de vente à un prix inférieur au coût de production.

Et le jugement sur le coton a précisé que les aides directes fixes des USA – soi-disant sans effet négatif sur les échanges car non liées au niveau de production ou du prix –, faussaient néanmoins les échanges car les producteurs qui les percevaient n’avaient pas une totale liberté de choix de leur production, n’ayant pas le droit de produire des fruits et légumes ou du riz sauvage. C’est l’une des raisons pour lesquelles le nouveau Farm Bill signé par Barack Obama le 7 février 2014 a définitivement supprimé les 5 milliards de dollars d’aides directes fixes. Or les interdictions ou plafonds de production sont infiniment supérieurs dans l’UE qu’aux USA, puisque des quotas limitent la production de lait jusqu’en avril 2015, la production de sucre jusqu’en 2016 et la production de vin (droits de plantation) jusqu’en 2018 et qu’il y a en outre des plafonds à la production de coton et de tabac.
Autrement dit, compte tenu de ce précédent de l’OMC sur le coton des USA, toute poursuite contre les aides directes de l’UE soi-disant sans effet négatif sur les échanges – les droits au paiement unique (DPU) (1)Les DPU sont des aides directes accordées aux agriculteurs depuis 2006, égales à la moyenne de celles que chacun a perçues de 2000 à 2002 sans qu’il soit désormais obligé de produire : elles sont indépendantes (« découplées ») du niveau de production ou de prix, la seule contrainte étant de maintenir les terres en état de produire, en évitant l’embroussaillement. Comme l’UE a transféré année après année dans les DPU les aides préalablement accordées à des produits spécifiques avec obligation de production, les DPU sont devenus une véritable « boîte noire » où l’on ne sait plus quelle est la part attribuée à chaque produit. L’existence des DPU s’explique par la volonté de l’UE de les notifier dans la « boîte verte » de l’OMC correspondant aux aides non astreintes à réduction car non liées à une production, rebaptisés droits au paiement de base (DPB) pour la PAC 2014-20. est assurée de les considérer comme ayant des effets négatifs sur les échanges et donc astreints à réduction.

Et, comme l’UE a accepté de réduire de 70 % ce type de subventions si le Doha Round est finalisé, cela implique que les 37,7 milliards d’euros alloués aux DPU en 2012, qui ont représenté 65 % du budget agricole de l’UE, chuteraient à 11,3 milliards et signeraient la mort des agriculteurs européens puisque ces aides représentent l’essentiel de leur revenu net.

En tenant compte de toutes les aides directes internes – celles des DPU et des aides restées spécifiques à certains produits – les subventions à l’exportation de l’UE ont été de 4,9 milliards d’euros en 2012 pour les seules céréales (2,1 milliards), viandes (1,8 milliard) et produits laitiers (957 millions), avec des taux de dumping (= rapport des subventions aux exportations à la valeur des exportations) allant de 40,4 % pour la viande bovine à 23,9 % pour les céréales, 21,4 % pour les volailles et œufs, 10,9 % pour les produits laitiers et 7,8 % pour la viande de porc (2)Jacques Berthelot, Le dumping des céréales, viandes et produits laitiers de l’UE en 2012, notamment vers les pays ACP, Solidarité, 5 mars 2014. L’essentiel des subventions aux produits animaux provient d’ailleurs des aides directes aux céréales et autres aliments du bétail d’origine européenne, bien que noyé.es dans les DPU. Et, puisque l’Accord sur l’agriculture de l’OMC considère que les aides aux intrants ont des effets négatifs sur les échanges et sont donc astreintes à réduction pour les pays développés, c’est une raison supplémentaire pour considérer que les DPU ont des effets négatifs sur les échanges puisque les 14,7 milliards d’euros d’aides aux aliments du bétail d’origine européenne ont représenté 39 % des DPU en 2012.

Or 15,3 % de ces subventions à l’exportation sur les céréales, produits laitiers et viandes, soit 750 millions d’euros, ont concerné les seuls pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) auxquels l’UE veut imposer la signature des APE (Accords de partenariat économique), les obligeant à ouvrir leur marché intérieur à 80 % de ses exportations, alors même qu’elle a exclu que les APE traitent de la question cruciale des subventions agricoles qui ne pourrait être traitée qu’à l’OMC !

 

 

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Notes de bas de page
1 Les DPU sont des aides directes accordées aux agriculteurs depuis 2006, égales à la moyenne de celles que chacun a perçues de 2000 à 2002 sans qu’il soit désormais obligé de produire : elles sont indépendantes (« découplées ») du niveau de production ou de prix, la seule contrainte étant de maintenir les terres en état de produire, en évitant l’embroussaillement. Comme l’UE a transféré année après année dans les DPU les aides préalablement accordées à des produits spécifiques avec obligation de production, les DPU sont devenus une véritable « boîte noire » où l’on ne sait plus quelle est la part attribuée à chaque produit. L’existence des DPU s’explique par la volonté de l’UE de les notifier dans la « boîte verte » de l’OMC correspondant aux aides non astreintes à réduction car non liées à une production, rebaptisés droits au paiement de base (DPB) pour la PAC 2014-20.
2 Jacques Berthelot, Le dumping des céréales, viandes et produits laitiers de l’UE en 2012, notamment vers les pays ACP, Solidarité, 5 mars 2014
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