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Une année d’élections sur le sous-continent latino-américain : 2019-2020 – 3e partie

Photo d'Hugo Chavez s'adressant à la foule des manifestants

Photo d'Hugo Chavez s'adressant à la foule des manifestants Source : radio Alba Ciudad

NDLR – Ingérences américaines et complicités européennes

Ces vingt dernières années, les États-Unis ont continué à peser sur les pays d’Amérique latine, et ils sont à présent suivis par une Union européenne bien silencieuse. Mais ils ont aussi rencontré une résistance nouvelle qui n’est pas près de céder : 2002 : coup d’État au Venezuela ; 2007 : coup d’État au Honduras ; 2016 : coup d’État « institutionnel » au Brésil ; 2018 : Lula est empêché de se représenter aux élections présidentielles brésiliennes ; 2017 : début du blocus économique au Venezuela ; depuis 1962 : blocus sur Cuba.

C’est la raison pour laquelle la Rédaction est heureuse de saluer la collaboration d’un excellent connaisseur de l’Amérique latine, Lucho, pour une série d’articles articulés autour des principales élections ayant eu lieu dans les principaux pays d’Amérique latine depuis octobre 2019 ou devant se tenir début 2021.

Le premier article de la série sur l’Argentine et l’Uruguay est à retrouver ici et le second sur la Bolivie, la Colombie et le Brésil ici.

À suivre dans les prochains numéros du journal :

 

Venezuela – Élections parlementaires du 6 décembre 2020

Participation : 30 %

Il y a 20 ans, le Venezuela a inversé le cours de son histoire – et d’une certaine manière celle de la région – sous le regard stupéfait des États-Unis et de l’Europe qui n’ont toujours pas compris ce qui s’est réellement passé.

Hugo Chavez arrive à la tête du pays en 1999. Élu démocratiquement, il succède à Rafael Caldera et met ainsi fin à un long cycle de pouvoirs successifs qui donnaient une large place aux investisseurs étrangers, suivaient de près les règles imposées par le FMI, faisaient peu de cas des citoyens vénézuéliens. Chavez inverse la tendance : dans ce pays pétrolier, l’or noir qui jusque-là faisait prospérer les compagnies étrangères et les proches du pouvoir, devient le nerf d’une guerre qui vise à donner au peuple ce dont il manque.

À l’aide de « missions » ciblées, Hugo Chavez s’attaque à l’analphabétisme (mission « Robinson »), met en place un système de santé (mission « Barrio Adentro »), place dans tous les quartiers pauvres des centres où officient des médecins cubains, livre aux plus défavorisés des maisons ou des appartements avec leur titre de propriété (mission « Vivienda » qui comptabilise en 2020 un total de 4 millions de biens remis aux plus défavorisés).

Chavez sait que tous les pays de la région ont souffert de la même politique libérale et que leurs populations en ont payé le prix, enregistrant un déficit de services publics notamment en matière de santé et éducation. En accord avec ses homologues, il crée en 2005 Petrocaribes : la société pétrolière vénézuélienne PDVSA fournit à des conditions très avantageuses les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, qui peuvent ainsi financer des hôpitaux et des écoles.

Puis naît l’Alba (« traité de commerce entre les peuples ») qui rassemble le Venezuela, la Bolivie d’Evo Morales, le Cuba des Castro, le Nicaragua de Daniel Ortega, qui seront rejoint ensuite par la Barbade, Saint Vincent et Grenadine, Sainte Lucie. À cette organisation économique et sociale, Chavez et les leaders progressistes qui arrivent au pouvoir dans les années 2000 ajouteront un pendant politique avec l’UNASUR et la CELAC. Ce qui permet de construire un bloc économique et politique indépendant des États-Unis.

Mais ces réalisations n’auraient jamais vu le jour si le coup d’État monté contre Chavez en 2002 avait réussi. En février de cette année-là, un groupe de militaires installe pendant 48 heures Pedro Carmona, un patron appuyé par l’opposition, dans le palais présidentiel. Le peuple vénézuélien descend de ses « barrios » et hurle, collé aux grilles du palais, « rendez-nous Chavez !». Une partie de l’armée réalise une contre-offensive ; le président « éclair » Carmona a juste le temps de s’enfuir en Colombie par hélicoptère avec les militaires responsables du coup d’État.

Lorsqu’il reprend ses fonctions, Chavez ne met pas en prison ceux qui, accompagnés des représentants de l’Eglise, s’étaient réunis pour proclamer Carmona président lors d’une audience solennelle et voter la dissolution de l’assemblée nationale. Or ce sont ces putschistes qui ont continué à le combattre pendant des années et combattent aujourd’hui Maduro son successeur. Il faut bien avoir cela à l’esprit si l’on veut comprendre le Venezuela d’aujourd’hui, les rapports qu’entretiennent l’opposition et les chavistes et l’attachement viscéral d’une partie de la population au chavisme.

Chavez meurt en mars 2013 sans que l’opposition – et les États-Unis – n’ait pu mettre fin à son mandat par coup d’État (2002), par conflit social (grève générale 2003) ou par referendum révocatoire (2007). De quoi les faire enrager…

Ces mêmes acteurs (opposition/États-Unis) ne perdront pas une minute en avril 2013 au moment de l’élection de Nicolas Maduro (qui bat Enrique Capriles avec 1,5 % de voix d’avance) pour la contester. Capriles déclare ainsi que les Vénézuéliens ont de quoi être mécontents et que leur colère doit se manifester. Bilan : 43 morts. Maduro est président, mais le décor est planté. L’opposition ne lui laissera aucun répit.

Pendant toute l’année 2014, ce sont des manifestations, des actes de guérilla urbaine, des scènes de violences mises en scène. Et des images qui commencent à faire le tour du monde. L’opposition et les syndicats d’étudiants qui lui sont proches s’organisent, les édifices publics sont pris pour cible. Leopoldo Lopez, qui demande le départ de Maduro, est arrêté, jugé et condamné à une peine de 14 ans de prison pour son rôle d’organisateur des troubles.

En mars 2015, le président Obama déclare que le Venezuela – qui n’a pourtant envahi aucun pays – est une menace pour les États-Unis. Un signe encourageant pour l’opposition qui gagne les élections législatives de décembre. Début 2016, au moment où le président en exercice présente son rapport d’activité devant l’assemblée nationale, où l’opposition est désormais majoritaire, Maduro reconnait cette victoire de l’opposition. Celui qui lui répond, le nouveau président de l’assemblée nationale Ramon Allup, lui prédit qu’il sera renversé dans les 6 mois…

En mai de la même année a lieu une première réunion de contact entre opposition et pouvoir en République dominicaine, pour poser les bases d’une relation décente entre exécutif et législatif, dans la perspective des élections présidentielles de 2018. Pendant toute l’année 2017, des réunions de travail ont lieu, avec la médiation notamment de José Luis Zapatero, ancien Premier ministre espagnol. Les États-Unis indiquent clairement qu’ils sont contre ces discussions et que le Président Maduro doit partir. L’Union européenne, au lieu d’adopter une position neutre, demande au seul gouvernement Maduro de faire des efforts. Zapatero conseille la patience à l’opposition, qui selon lui a toutes les chances de l’emporter en 2018.

Mais l’opposition a un autre plan, calqué sur celui de Leopoldo Lopez dont les lieutenants restent influents au sein de l’opposition, et l’année 2017 est désastreuse : manifestations et violences pour un bilan de 133 morts, dont opposition et pouvoir se renvoient la responsabilité.

En 2018, à la grande satisfaction des États-Unis, les réunions en République dominicaine n’ont pas abouti. Pour mettre un terme aux violences, Maduro convoque une élection à une assemblée constituante. L’opposition qui réclamait une élection à cor et à cris décide pourtant de ne pas participer à celle-ci. Elle a donc lieu sans l’opposition, et le PSUV (parti de Nicolas Maduro) la remportent haut la main. L’assemblée constituante intègre les locaux de l’assemblée nationale, a pouvoir de légiférer et fait autorité sur toutes les autres institutions. Une date est trouvée pour la prochaine élection présidentielle (20 mai 2018). Mais la majorité de l’opposition ne veut pas y participer. Ses seuls représentants seront Henri Falcon (ex-gouverneur de l’État de Lara et ex-chef de campagne de Enrique Capriles) et Javier Bertucci (un pasteur évangélique). Maduro est réélu.

Jose Luis Zapatero accompagné de Jean-Pierre Bel (ex-président du sénat français) sont présents en tant qu’observateur. Zapatero déclare qu’il ne comprend pas du tout la position de l’Union européenne (qui, prend parti pour l’opposition qui ne souhaite pas se présenter) qui « à l’évidence, parle de choses qu’elle ne connait pas ; les élections ont été limpides et se sont déroulées en toute légalité ».

En janvier 2019, Washington a un plan : Juan Guido, jeune député du même parti que Leopoldo Lopez alors en prison, va l’appliquer. Fort de son élection comme nouveau président de l’assemblée nationale (l’opposition doit assurer une rotation annuelle à la présidence), il prend le micro lors d’une manifestation très importante, qui rassemble plusieurs centaines de milliers de personnes, on dirait qu’il improvise, et s’autoproclame président de la République. Trois minutes plus tard, Donald Trump ‘tweete’ un message de soutien. L’Union européenne suit… On comprend alors que tout a été manigancé.

Une étoile est née, baptisée « Obama latino » par la presse internationale qui se rue au Venezuela pour assister à l’ascension du héros sur le point de « détrôner l’usurpateur » comme il se plaît à le répéter. Depuis ce mois de janvier 2019, à chacune de ses interventions, il répétera comme un robot ces trois choses : « Que cesse l’usurpation – gouvernement de transition – élections libres »

Mais le problème, c’est qu’au fil des mois, son public s’éclaircit. L’Obama latino a fait des promesses, mais il ne les a pas tenues, malgré tout le soutien que lui apportent les États-Unis, l’Union européenne et ses ambassadeurs à Caracas qui n’ont yeux que pour lui. Et Maduro est toujours là.

Guaido a demandé – et obtenu – des sanctions économiques contre son pays. Il en redemande. Les comptes de la société PDVSA sont bloqués, les pays qui commercent avec le Venezuela sont sanctionnés, un blocus économique est organisé à l’image de celui organisé contre Cuba. Dans le pays, les gens souffrent. Il devient impossible de trouver à des prix décents les produits de première nécessité et les médicaments.

Guaido voyage à Davos, rencontre les grands de ce monde, les dirigeants européens ; Angela Meckel et Emmanuel Macron, comme les autres, se prononcent contre la « dictature » et pour Guaido, avalisant la mise en scène américaine.

Enfin en 2020, Guaido devient l’homme de l’année : présenté par Trump devant le Congrès américain en une apothéose qui caricature parfaitement l’ingérence américaine dans les affaires intérieures d’un pays.

La pandémie aggrave la situation au Venezuela, mais Guaido demande encore et toujours des sanctions contre son pays. Toujours tellement concernés par les droits de l’homme, les États-Unis et l’Union européenne serrent un peu plus l’étau, et le blocus s’amplifie. Mais les élections parlementaires doivent avoir lieu, c’est la constitution qui le demande.

Juan Guaido, en accord avec Leopoldo Lopez qui dirige les opérations depuis l‘ambassade d’Espagne où il s’est réfugié entre-temps, organise une opération commando, au cours de laquelle huit participants seront tués, deux autres capturés. On apprendra plus tard qu’il s’agit de mercenaires américains, enrôlés par une société de sécurité Silvercorp en Floride. L’opération « Gedeon » a tourné court mais elle illustre, une nouvelle fois, les liens étroits entre les États-Unis et Guaido et leur volonté commune de se débarrasser physiquement de Maduro (comme le stipulait le contrat qu’avaient signé la société de sécurité et Guaido)

Elles se déroulent en décembre. Une partie de l’opposition négocie depuis des mois avec le pouvoir pour obtenir toutes les garanties possibles pour des élections libres. Mais cela ne suffit pas à l’Union européenne pour qu’elle accepte d’envoyer des observateurs. Zapatero s’y rend pourtant, avec 300 observateurs venus de divers pays du monde, et indique que décidément, il ne comprend pas les Européens.

Le Venezuela se contente de l’approbation de la Chine, de la Russie, et des pays non alignés.

Le parti de Maduro retrouve la majorité à l’assemblée au sein du grand pôle patriotique : 69,3 %, viennent ensuite : l’opposition de l’Alliance démocratique : 18,75 %, l’alliance Venezuela unie : 4,20 % et le parti communiste vénézuélien : 2,7 %

La participation à ces élections législatives, dans ce contexte difficile et compliqué par l’épidémie de Covid, est à 30 %.

Un chiffre à comparer avec celui de 2005, à l’époque de Chavez, lorsque l’opposition avait boycotté les élections législatives, et que la participation avait été de… 25 %.

 

 

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