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Témoignages sur la situation sanitaire en Grèce aujourd’hui

NDLR – Extraits d’un rapport à lire en version intégrale dans le Journal REsistance SOciale n° 137, mai 2015, pp. 2 à 6, sur www.resistancesociale.fr. Certains commentaires de cet article demandé par Résistance Sociale à Jean-Claude Chailley, qui y représentait la Coordination nationale des Hôpitaux et maternités de proximité, sont en dehors du champ de la Coordination, ils n’engagent donc que lui. Les citations sont reproduites en italiques.

La délégation Solidarité France-Grèce pour la santé s’est rendue en Grèce du 11 au 16 mai (1)Délégation : ATTAC, Coordination des comités de défense des maternités et hôpitaux de proximité, CODEGAS, CGT Sanofi, SNESUP-FSU, SUD Santé Sociaux, SMG, USMC/SNCDCS, Ensemble, NPA, PCF, PG.Elle a eu des rencontres dans des dispensaires sociaux solidaires (DSS), avec le ministre délégué et le ministre de la santé, des député(e)s du groupe parlementaire santé de Syriza, avec l’association Solidarité pour tous, la Coordination des dispensaires sociaux, des personnels et syndicalistes des hôpitaux, les responsables syndicaux E.K.A. / GSEE de la région d’Athènes et de META (syndicat lié à Syriza).)

La Grèce est bien le laboratoire de l’austérité de la troïka

Partout le même constat quant à la situation sociale, l’explosion de la pauvreté, un secteur de la santé au bord de l’effondrement.

Les entreprises veulent pouvoir licencier comme elles veulent. Chômage passé de 9 % en 2009 à 26 % en 2014 (50 % chez les jeunes.

C’est la 1ère priorité: aucun système de santé ne peut tenir avec un tel taux de chômage.
Baisse des salaires, des retraites, suppression des conventions collectives…
Allocations chômage (concernent 7 % des chômeurs)passées de 460 € à 360 €.
En Grèce lorsqu’on perd son travail on perd aussi l’assurance sociale soit immédiatement, soit dans un délai d’environ 10 mois.
2,5 millions de personnes sont sans couverture sociale (population grecque :11 millions)

Le système de santé et la majorité des hôpitaux sont au bord de l’effondrement.
Alors que la demande a augmenté de 30%, l’offre s’est réduite de 40 % et le personnel de 30 %. L’offre publique en dentaire est quasi inexistante, même pour les assurés
Ces mesures ont entraîné pauvreté sanitaire et développement de la privatisation.

Le gouvernement signe un arrêté qui garantit un accès aux soins pour tous, assurés ou non, à un suivi médical de base, aux examens en laboratoire, aux vaccins, aux médicaments nécessaires, à l’hospitalisation en hôpital public. Développer l’offre en dentaire. Le forfait de 5 € est supprimé.

Il faut un renforcement des personnels soignants et para médicaux et leur financement

Des économies sont possibles car la désorganisation provoquée et favorisant le privé a un coût. Il faut réorganiser le système de santé avec au centre le 1er recours et la prévention, un fonctionnement plus démocratique et participatif.

Renforcer la production locale de médicaments, surtout génériques, fixer de nouveaux critères pour leur mise sur le marché. Il faut mettre fin en Europe au diktat des entreprises pharmaceutiques, créer une agence européenne du médicament …
L’idée fondamentale de Syriza est d’organiser la société à partir des besoins, en particulier pour la santé. Elaborer une carte sanitaire… rôle des collectifs

Remarque : même position de la Coordination nationale des hôpitaux et maternités et de Notre Santé En Danger

Les conditions de la mise en œuvre de cette politique

Avec des dépenses de santé de 4,5 % du PIB quand la moyenne européenne est au-dessus de 7 %, on ne peut y arriver.
Pour qu’il y ait un système de soins il faut arrêter l’austérité.
La question d’un accord avec la troïka est brûlante. Il y a une vraie angoisse de la société quant à savoir si on va arriver à un accord qui permette de rester un membre de l’euro à part égale mais sur d’autres bases, les besoins, et en donnant tout son sens à la protection sociale.
Les hospitaliers ont fait observer que voter une loi d’accès à la santé pour tous est positif à condition de donner les moyens nécessaires, sinon faute de pouvoir les accueillir, ça renforcera la désorganisation des hôpitaux.
A la question “qu’est-ce qui vous permet de penser qu’un accord acceptable avec la troïka est possible ?” la réponse fut la suivante : les rapports de force au sein de l’UE sont défavorables. Le problème n’est pas l’accord sur les comptes, on a un projet extrêmement bien pensé et financé. Le problème est politique. Ou l’Europe va changer avec les peuples, avec les luttes syndicales et politiques, les choix démocratiques, ou cette Europe n’a pas d’avenir.
C’est pourquoi ce sujet est très important, est-ce que l’Europe des bourses peut tolérer la démocratie ou non ? Il faut un front social européen, une Europe de la cohésion sociale, des libertés, de la démocratie, voilà notre message.

Assemblée nationale : groupe santé de Syriza

Les député(e)s de différentes régions, professionnels de différentes spécialités, confirment le caractère dramatique et général de la situation sanitaire. Extraits : augmentation des décès à la naissance, 20 % des bébés naissent avec un poids inférieur à la normale, augmentation / retour de maladies infectieuses, beaucoup ne peuvent se faire vacciner faute de 6 euros, sérieux problèmes de santé des personnes âgées, la grippe tue plus que partout ailleurs, augmentation des dépressions…

Aujourd’hui les hôpitaux sont transformés en asiles avec des lits dans les couloirs, la promiscuité, alors que des salles sont vides faute de lits alors que les 2 hôpitaux psychiatriques sont menacés de fermeture.
Les gens ne pouvant s’adresser aux structures de quartier vont à l’hôpital alors qu’on a réduit le personnel, ce qui renforce leur saturation et leur désorganisation alors que les mémorandums interdisent de recruter des médecins qui vont vers le privé ou à l’étranger.
Il arrive quotidiennement que des médecins meurent de burn out…
Le secteur privé s’est développé de manière gigantesque après la crise alors qu’il est plus cher et non universel. Il fait pression sur le gouvernement
Des malades du cancer ne peuvent se faire soigner ou tardivement… La marchandisation de la santé conduit à la mort.
Les mémorandums ont fixé un plafond pour la santé que le gouvernement doit inverser.

Au grand hôpital Sotiria d’Athènes

Les hospitaliers font le même témoignage :sous financement, manque de personnel, les personnels partant à la retraite ne sont pas remplacés, parfois des gardes de 112 patients en 24 heures, pas moyen d’avoir un CHSCT, manque de matériel, plusieurs services déjà fermés, les petits hôpitaux ferment, le plus dur c’est pour les patients, les femmes enceintes, les populations défavorisées. La troïka avait obligé les femmes à déclarer leur accouchement et à verser 1000 € . Si elles ne peuvent pas le fisc se retourne vers la famille et si la famille ne peut pas ils procède à des saisies. Chute des naissances depuis 2010. La tuberculose se développe de façon vertigineuse, retour de la malaria…
Le programme de Thessalonique de Syriza n’est pourtant d’une gauche « radicale ».
Avant la contre-révolution libérale des années 80, dans laquelle s’inscrit la construction européenne actuelle, les programmes des partis socialistes allaient bien au-delà de ce programme corrigeant une partie des dégâts pour les « plus démunis ».
Extraits du programme sur lequel Syriza  a remporté la victoire :

Il n’y a pas de demande de nationalisation. Par exemple sur la politique du médicament le ministre de la santé a confirmé qu’il ne demandait pas la nationalisation de Sanofi.

Les dispensaires sociaux solidaires (DSS)

Il y en a en tout près de 50 en Grèce (2)Faut-il importer en France les dispensaires sociaux bénévoles ? Le projet de loi sur la santé et le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement font la promotion du bénévolat, moyen de couper les budgets des services publics et de la protection sociale. En France il faut les défendre, les reconquérir, les développer. La Coordination des hôpitaux et maternités de proximité– qui participera à Guéret – demande entre autres de développer les centres de santé (avec rémunération correcte du personnel..

Association « Solidarité pour tous »

Rencontre avec le syndicat E.K.A. (GSEE) de la région d’Athènes

Remarque – En Grèce il y a 2 syndicats : GSEE (confédération générale des travailleurs grecs du privé) et ADEDY (confédération des syndicats des fonctionnaires publics). Ces syndicats sont composés de courants liés aux partis politiques. Le CA est composé de 9 PAME (PC), 5 PASKE (PASOK), 5 META (SYRIZA), 4 NP (Nouvelle voie, libéral), 3 ENI, 3 DAK (Nouvelle Démocratie, droite), 2 trotskistes.

Conclusion : le maintien ou non de la Grèce dans l’euro, voire dans l’UE

Avec la victoire de Syriza l’éventualité pour la Grèce de quitter l’euro et l’Union européenne est de fait posée…
Syriza veut rester dans la zone euro ce qui implique un accord avec la troïka.
La troïka et les USA souhaitent éviter que la Grèce quitte l’euro pour plusieurs raisons : 1) la situation financière mondiale est si instable que même la goutte d’eau du défaut de la dette grecque peut avoir des conséquences incalculables; 2) montrer que même un gouvernement de « gauche radicale » ne peut échapper aux cures d’austérité; 3) Eviter de mettre à l’épreuve la possibilité pour un pays de sortir de l’euro. Ils entendent faire pourrir la situation jusqu’à ce que Syriza perde son soutien populaire pour le contraindre à poursuivre pour l’essentiel les mémos.

Une urgente solidarité

La délégation Solidarité France-Grèce pour la santé a réalisé sa mission d’aide sous des formes diverses aux dispensaires sociaux solidaires. Bien entendu il faut la poursuivre.
Nos interlocuteurs de tous niveaux demandent la solidarité internationale dans leur bras de fer avec les « institutions ». L’étranglement de la troïka et des chefs d’Etat nous concerne tous, citoyens, partis, syndicats… Chaque minute compte en Grèce !

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Délégation : ATTAC, Coordination des comités de défense des maternités et hôpitaux de proximité, CODEGAS, CGT Sanofi, SNESUP-FSU, SUD Santé Sociaux, SMG, USMC/SNCDCS, Ensemble, NPA, PCF, PG
2 Faut-il importer en France les dispensaires sociaux bénévoles ? Le projet de loi sur la santé et le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement font la promotion du bénévolat, moyen de couper les budgets des services publics et de la protection sociale. En France il faut les défendre, les reconquérir, les développer. La Coordination des hôpitaux et maternités de proximité– qui participera à Guéret – demande entre autres de développer les centres de santé (avec rémunération correcte du personnel.
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