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L’Isère, terrain d’expérimentation d’une nouvelle pratique politique d’éducation populaire ?

ReSPUBLICA a déjà relaté la vraie raison de la victoire municipale de mars 2014 d’une liste de gauche de Grenoble (Isère) : si celle-ci a battu au premier tour la liste PS-PC et au deuxième tour la liste de droite, ce n’est pas l’alliance EELV-PG qui est la cause de la victoire mais bien le travail de terrain et d’éducation populaire de l’Ades et des Réseaux citoyens pendant plus de 30 ans. EELV et le PG ont décidé de répondre oui à la proposition de rassemblement de l’Ades et des Réseaux citoyens et le PC a refusé cette proposition, mais ces décisions n’ont été prises que juste avant la consultation.

Le 3 octobre dernier, le Collectif départemental de défense des services publics de l’Isère organisait une initiative de co-construction d’un projet-type de maison des services publics pour combattre la désertification des services publics en zone rurale. Bien sûr, cette initiative est une conséquence de la politique de décentralisation aboutissant à la loi Mapam, au redécoupage des régions et à la loi Notre. Dans cette dernière, apparaît le projet de Maisons de services au public (MSAP)- à ne pas confondre avec des Maisons des services publics (MSP) -, suscitant de l’espoir et des craintes. Ces MSAP, créés à l’initiative du seul Préfet, sont des structures dont les financements ne sont assurés que pour 3 ans, portés à 25 % par les opérateurs présents dans la MSAP, à 25 % par l’Etat et à 25 ou 50 % par la collectivité locale ou la Poste, selon le porteur du projet.
Il existe actuellement 363 MSAP et 63 Points Information Médiation Multi-services (Pimms). L’Etat envisage la création de 500 MSAP supplémentaires sur toute la France dans les Zones urbaines sensibles (ZUS) et les zones rurales. Autant dire que c’est notoirement insuffisant et que le maillage territorial n’est pas prévu.

Fort de ce contexte et de la réussite d’une mobilisation populaire très forte contre la fermeture des bureaux de poste en Isère, le collectif départemental a convoqué une initiative à Renage (38), commune dont la mairesse envisage la création d’une Msap. Plus d’une soixantaine de personnes s’y sont retrouvées : des membres du collectif départemental et des responsables des groupes citoyens qui le forment, une douzaine de maires, d’autres élus, et des représentants des organisations du mouvement syndical revendicatif départemental, des observateurs de Meurthe-et-Moselle et de l’Ardèche qui ont eu vent de cette méthodologie innovante et un représentant de la Convergence nationale Services Publics… et même un délégué régional de la Poste, ce qui montre l’attractivité de cette initiative. Mais au lieu de la forme meeting avec le tunnel des discours inefficaces des « leaders » des organisations sur les mérites respectifs des MSAP ou des MSP et de leurs interactions avec les politiques nationales et internationales, une forme d’éducation populaire ascendante a été proposée par un groupe d’une dizaine de membres du Collectif départemental. Tout d’abord, au lieu du tunnel de présentations des discours inopérants en réaction au projet gouvernemental, il a été choisi de monter un processus de définition des besoins des citoyens et de leurs familles en termes de services publics, puis de le traduire en projet ascendant en répondant à de nombreuses questions en groupes restreints, avec restitution en fin de séance et redéfinition de l’ordre du jour de la prochaine rencontre. Les questions portaient sur la nature des services à mettre dans ces lieux, sur leur statut, sur le type de gestion, sur les questions éthiques, etc. On aurait tout loisir à la fin du processus de mesurer le fossé éventuel entre la proposition gouvernementale et le projet ainsi constitué et chacun serait alors libre de prendre position. Le soutien populaire obtenu lors des actions de ce collectif départemental contre les fermetures des bureaux de poste ruraux montre l’adhésion de la population à ce type de processus que nous qualifions d’éducation populaire.

Une anecdote intéressante. Un des animateurs de ce collectif départemental a posé la question au représentant de la Convergence nationale Services publics de ce qu’il entendait par éducation populaire et s’est vu répondre en substance : « c’est très exactement ce que vous faites dans votre collectif ». Tel Monsieur Jourdain en somme ! La formation descendante indispensable dans sa forme traditionnelle n’étant organisée que sur demande de la base mobilisée et non par les dirigeants des organisations constitutives. N’est-ce pas une réponse parmi d’autres au fatalisme de nombreux militants qui se désespèrent de voir que le peuple ne se mobilise pas autour de leurs appels inopérants, autour de leurs lignes politiques peu mobilisatrices ? Pour les en convaincre, nous publierons ultérieurement dans ReSPUBLICA une interview de Claude Rouge, co-animateur de ce collectif départemental, ainsi que les documents de cette initiative.

Notons avec satisfaction que des actions visant à la refondation de l’éducation populaire politique se déploient, comme à Troyes le 22 septembre dernier ou à Limoges le 13 octobre prochain ou encore à Annecy le 21 octobre prochain, tandis que les réunions de travail préalables commencent à germer dans le Jura, la Seine-Saint-Denis, l’Essonne ou le Val-de-Marne. Le comité de rédaction du journal ReSPUBLICA et nos amis du Réseau Education Populaire sont à votre disposition pour travailler dans cet esprit.

Hasta la victoria siempre (jusqu’à la victoire finale) !

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