Crise de l’Euro : début de la fin et fin du début

Début de la fin…

La fréquence des crises devient de plus en plus forte. Sept ans entre le krach de la bulle internet en 2000 et le début de la crise immobilière aux États-Unis à l’été 2007 qui s’est poursuivi par le krach bancaire et financier de septembre 2008. Après une relative accalmie, 2010 voit le ressaut de la crise et,depuis, les dirigeants du monde multiplient les rustines sur un modèle dépassé et jouent au « jeu de la patate chaude » pour transférer les dettes à leur voisin.

D’abord, c’est l’évolution du capitalisme lui-même qui voit sa profitabilité diminuer poussant ainsi les maîtres du monde à financiariser l’économie pour obtenir des taux de rentabilité plus élevés. En France, les mauvaises politiques se sont succédé et jamais la gauche plurielle au pouvoir ne les a remises en cause ; c’est en 1973 que Georges Pompidou, président, et Valéry Giscard d’Estaing, son ministre des finances, suppriment la possibilité du Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêt nuls ou très faibles. La Banque de France ne peut donc plus, à partir de cette date, utiliser la création monétaire pour combler les déficits publics. Seules les banques privées ont le droit de se financer à bas taux et de fournir des prêts à des taux prohibitifs. Et les États ne peuvent se financer qu’auprès des banques privées, au taux décidé par les marchés financiers dont la fonction est de fournir des taux de rentabilité élevés aux possesseurs de la finance. Cette disposition a été intégralement reprise dans les traités européens pour la Banque centrale européenne (BCE).

La contre-révolution fiscale visant sous des prétextes fallacieux à diminuer la fiscalité des plus riches, tant sur leurs revenus que sur leurs patrimoines, ou celle des entreprises en développant les taxes qui pèsent indistinctement sur tous les contribuables sans distinction de revenus et de patrimoine (comme la TVA par exemple) a accentué la triple crise. La progressivité de l’impôt n’existe plus. Ce n’est pas les dépenses publiques qui sont trop importantes (elles ont même baissé de 55 % du PIB en 1993 à 52 % en 2007) mais bien les décisions structurelles et la contre-révolution fiscale qui sont à critiquer. Oui, il faut revenir au pourcentage des recettes de l’État rapporté au PIB de 1982 soit 22,5 %. Ce n’est pas avec les 15,1 % (chiffres 2009) que l’on pourra se passer des marchés financiers. Car le problème est bien là : soit on se finance sur les marchés financiers, soit on a des prélèvements fiscaux et sociaux progressifs à la hauteur des enjeux.

Cette financiarisation de l’économie ne peut se maintenir qu’en transférant au voisin des dettes de plus en plus insupportables pour les peuples et d’abord pour les couches populaires (53 % de la population française) et les couches moyennes intermédiaires (24 % de la population française).
Ainsi, on transfère les dettes des banques spéculatrices aux États qui se refinancent auprès de leurs couches populaires et couches moyennes intermédiaires. Ce jeu ne durera que le temps que prendront à réagir les peuples excédés. Et ce n’est pas la mutualisation fédéraliste européenne voulue par les écologistes et les sociaux-libéraux (les fameux eurobonds) qui règlera le problème. Tout au plus, cela fera gagner du temps avant l’implosion. Tout simplement parce que dans le « jeu de la patate chaude », le cosmos (fin ultime du « jeu de la patate chaude ») ne peut rien pour la folie des ordolibéraux de gauche et de droite. La triple crise — économique, financière et de la dette publique — marque donc le début de la fin du système.

… et fin du début

Le début de la prise de conscience a démarré avec les 49,2 % du non à Maastricht et des 55 % du non au traité constitutionnel européen (TCE dont 31,3 % du non de gauche, avec la majorité de l’électorat socialiste). Pourtant Pierre Mendès-France dans une intervention célèbre du 18 janvier 1957 contre les traités de Rome avait déjà tout expliqué. Mais il faut du temps au temps. Les sociaux-libéraux, les écologistes et la gauche d’alternative n’ayant pas pris au lendemain du 29 mai 2005 les mesures qui s’imposaient en terme d’organisation et de projet politique, il n’y a pas eu de suite positive au début de la prise de conscience. L’arrivée tardive du Front de Gauche, plusieurs années après, n’a pas bénéficié de la prise de conscience de la remarquable campagne du TCE.  Maintenant, c’est l’approfondissement de la triple crise qui oblige à un retour de la prise de conscience. Nous sommes donc à la fin du début d’un processus chaotique de prise de conscience. Mais le fait de se rapprocher de l’implosion probable nous demande de franchir un nouveau gap dans la prise de conscience : le double processus des assemblées citoyennes et de l’éducation populaire tournée vers l’action en est la matrice incontournable.

Les prémices de l’action

D’abord les assemblées citoyennes. Elles sont prévues pour tenter d’obtenir pendant la campagne présidentielle une prise de conscience massive qui ne soit pas un simple comité de soutien au candidat du Front de Gauche. Elles sont là pour durer après la campagne, car seul le peuple peut prendre les choses en main devant la profondeur de la triple crise. Mais pour cela, il faut que ces assemblées citoyennes aient une assise très large et soient maîtres de leur ordre du jour avec une animation qui ne soit pas la simple courroie de transmission des dirigeants des partis constitutifs du Front de Gauche. Et donc une gigantesque campagne pour inviter tous ceux qui veulent que cela change et prendre en main leur destin. Pour l’instant, la grande majorité du peuple n’est pas au courant de cette proposition des dirigeants du Front de Gauche. Attendons…
Puis l’éducation populaire tournée vers l’action : la demande sociale est de plus en plus forte, parce que les citoyens éclairés prennent conscience que beaucoup de responsables politiques et syndicaux ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les structures d’éducation populaire indépendantes des organisations politiques, syndicales, associatives ou mutualistes comme ATTAC ou le Réseau Éducation Populaire voient bien un accroissement de la demande sociale. Malheureusement, les militants des partis politiques sont encore trop nombreux à croire qu’il suffit de faire de la propagande à l’ancienne autour de leur vérité pour mener à la transformation sociale.
Quant au couplage des assemblées citoyennes avec une université populaire proposant des cycles de conférences, il y en a trop peu en fonctionnement. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres.

Mais cela ne suffit pas. Partant du caractère illégitime d’une partie de la dette – celle qui n’a comme finalité que d’engraisser les spéculateurs financiers et non le développement de l’économie réelle qui seule peut créer de nouveaux postes de travail à condition de les financer — partout en Europe, des comités locaux pour l’audit citoyen se constituent. Ces comités vont engager des campagnes d’éducation populaire tournée vers l’action. Soutenez-les. Organisez des réunions sur ce point. Contactez les conférenciers du comité national. Seules, l’éradication de la dette illégitime et la restructuration de la dette légitime peuvent déboucher sur un autre avenir que celui de plans d’austérité de plus en plus insupportables pour les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires.
Mais pour cela, il faut « se bouger » !