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Des cantonales à la présidentielle

Les enseignements des élections cantonales françaises sont précieux.
Vous avez tous lu ici et là que le premier tour a montré, par rapport à 2004, une poussée du FN et d’Europe Écologie – les Verts, un léger recul du PS et des divers-gauche, une légère augmentation du Front de gauche, un fort recul de l’UMP et surtout un fort taux d’abstention provenant principalement des couches populaires.
Le deuxième tour a montré le maintien du fort taux d’abstention ce qui révèle une fracture électorale forte, pour la première fois une augmentation de 50 % des voix FN là où il maintenait ses candidats, et le fait que le PS rafle la mise au niveau des postes conquis.

L’abstention massive des couches populaires (1)ouvriers, employés, représentant 53 % de la population

L’accroissement du taux d’abstention pose problème à tous ceux qui travaillent à la transformation sociale. Il ne peut y avoir de transformation sociale sans un soutien massif des couches populaires – les ouvriers et employés –  les seules qui ont un intérêt au changement social. C’est l’enseignement de la période de la gauche au pouvoir et surtout de la période du gouvernement Jospin. La fracture électorale avec les couches populaires devrait beaucoup plus interroger les responsables politiques de gauche. Nous ne parlons pas de ceux qui, à gauche, ont intériorisé la politique turbocapitaliste et qui ne peuvent se maintenir au pouvoir qu’en organisant cette fracture électorale. Pour eux c’est une victoire que seules les couches moyennes salariées (39 % de la population partagée en 24 % pour les couches intermédiaires et 15 % pour les cadres) et non-salariés (3 à 4 % selon les décomptes) participent aux élections. À noter de ce point de vue que même le vote Front de gauche n’a pas beaucoup bénéficié d’un apport en provenance des couches populaires.

Le FN est devenu un parti comme un autre

Pour la première fois, un sondage montre que pour 52 % des Français, le FN est un parti comme un autre. D’ailleurs, pour la première fois, le FN augmente de 50 % au deuxième tour par rapport à ses voix du premier tour là où il s’est maintenu pour
faire un score entre 40 et 45 %. La porosité de l’électorat aux idées de la ligne stratégique de Marine Le Pen devient manifeste. Que de chemin parcouru par cette extrême droite depuis 2002 ! le FN fait presque autant de voix dans les cantons où il s’est maintenu (un peu plus de 400 cantons) qu’au premier tour dans les plus de 1000 cantons où il avait un candidat. De ce point de vue, cette élection montre clairement un recul du camp de la république sociale, car le FN est tout aussi nocif aujourd’hui qu’hier. Et là, on voit bien que le “front républicain” des bobos et des belles âmes est inopérant et que c’est bien l’objectif de renouer les liens entre les couches populaires et la gauche qui devient l’objectif prioritaire.

L’UMP subit un fort recul

La stratégie sarkozienne s’effondre. Poussé par le MEDEF et les forces néolibérales, il est passé en force avec comme seul objectif la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Or la poursuite du processus du partage des richesses de plus en plus favorable aux forces possédantes et de moins en moins favorables au salariat notamment des couches populaires et d’une partie des couches moyennes entraîne une désaffection de l’électorat. C’est pourquoi le MEDEF pousse Sarkozy à reprendre la stratégie chiraquienne : les possédants ne cèdent, un peu, que lorsque le rapport des forces les y oblige…

Europe écologie – Les Verts ne profite pas de la catastrophe au Japon

Contrairement aux dires de certains commentateurs, il n’y a pas eu de réelle poussée d’EE-LV. Il y a eu une progression mais son électorat partisan est celui qui c’est le plus abstenu et qui a le plus voté pour d’autres partis, et ses voix proviennent pour moitié d’électeurs qui se sont déterminés dans la semaine précédant le vote. Dans le contexte de ce qui se passe au Japon, on aurait pu s’attendre à une forte mobilisation de l’électorat. C’est donc un piètre score, même s’il progresse, et en aucun cas une poussée. D’ailleurs Cécile Duflot avait annoncé qu’à 13% au premier tour elle sortait le champagne : la fête n’a pas eu lieu.

Le PS rafle la mise

Malgré un score très moyen au premier tour, le PS bénéficie du fort recul de la droite. Il gagne non pas par un élan d’adhésion, mais par le recul de l’autre plus fort que le sien. Il rafle donc la mise en terme de pouvoir départemental. Bien sûr, sans prédire l’avenir, car une présidentielle ne joue pas sur les mêmes ressorts que les cantonales, il va de soi que la victoire du PS est possible en 2012 dans les mêmes conditions : prise du pouvoir par fort recul de la droite sans avoir un fort soutien en adhésion et maintien de la fracture électorale entre les couches populaires et la gauche. Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets…

Le Front de gauche s’installe dans le paysage sans mordre de façon significative dans les couches populaires

Après des élections à la proportionnelle (européenne et régionales), voici le premier test pour le Front de gauche dans une élection uninominale à deux tours.
Il se maintient et se permet même de résister dans ses bastions à une alliance PS-Europe Écologie dirigée contre lui. La prise du pouvoir du PS contre le PCF réalisée en Seine-Saint-Denis dans des élections passées n’a pas pu se produire dans l’Allier et le Val-de-Marne. Mais le Front de gauche a bénéficié du vote de beaucoup d’électeurs habituels du NPA, de LO et d’autres formations d’extrême gauche qui n’étaient pas présentes à ce scrutin et qui le seront à la présidentielle avec Besancenot, Arthaud et sans doute d’autres ! Donc il y a loin de la coupe aux lèvres pour les analystes attentifs. Par ailleurs, l’installation du Front de gauche dans le paysage se fait principalement grâce au soutien des couches moyennes radicalisées et des militants syndicaux et il n’arrive toujours pas à mobiliser de façon significative les couches populaires.

Comment va se passer la campagne présidentielle ?

Il est sans doute trop tôt pour le dire. Comme il est trop tôt pour prédire comment les candidats vont mener leur campagne. Bien sûr, le spectacle (au sens de Guy Debord, La société du spectacle) offert par les primaires socialistes dont personne ne sait encore quelles seront les règles exactes pour pouvoir y concourir ne manquera pas d’avoir un effet positif ou négatif sur cette campagne.
Et même quand les règles seront définitivement connues, encore faudra-t-il voir si la direction du PS agira sur ses élus, pour aider ou empêcher, certains candidats de pouvoir concourir les signatures des élus pour atteindre les quotas nécessaires.
Même question sur le choix du candidat à l’élection présidentielle du Front de gauche qui sera décidé par le PCF d’ici le mois de juin. Nous saurons si la direction du PCF, favorable à la candidature de Jean-Luc Mélenchon, arrivera à convaincre ses troupes et empêcher que le conflit actuel sur ce point entraîne une candidature communiste dissidente ou un soutien minimal de certains durant la campagne.

Suite au prochain numéro !

Et en attendant, n’hésitez pas à utiliser les conférenciers de RESPUBLICA pour en débattre ici et là !

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1 ouvriers, employés, représentant 53 % de la population
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