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Grèce : Syriza garde le pouvoir avec un électorat modifié

Au vu des résultats du scrutin grec, l’Autre gauche française pourrait être obligée de réviser quelques convictions. Puisqu’il est impossible de changer les peuples bien qu’ils ne répondent pas comme il faut aux meilleurs discours, il convient de se poser en France les questions des conditions réelles de la transformation culturelle, sociale et politique au lieu de croire au pouvoir de la volonté solipsiste.

Trois réflexions nous viennent face aux résultats de cette élection.

1. Tsipras et Syriza vont garder la direction gouvernementale du pays avec la même alliance avec la droite souverainiste.
Mais déjà une modification de la sociologie électorale se fait jour. Avec 9 % d’abstention de plus qu’en janvier 2015, les premières estimations semblent montrer que l’abstention aurait grandi dans les couches populaires et surtout chez les jeunes. Le recentrage « couches moyennes » (minoritaires dans le pays) posera à terme un nouveau défi à Tsipras car mener une transformation culturelle, sociale et politique en perdant sur les couches populaires et les jeunes récemment gagnés sera très difficile.

2. Les dissidents d’Unité populaire qui ont décidé la scission de Syriza subissent par contre un échec patent. Ils sont marginalisés et éliminés du Parlement. Une fois de plus, la réalité montre l’impasse du volontarisme solipsiste. Puissent, en France, les militants et dirigeants en tirer des enseignements.

3. Les néo-nazis grecs d’Aube dorée sont bien installés comme troisième force politique grecque. Là encore, le scénario est en place : le risque fasciste est bien réel. Le schéma des années 30 en Allemagne, toutes choses étant inégales par ailleurs, enseigne que l’échec économique et social et la division de la gauche peuvent développer l’extrême droite si l’oligarchie y trouve son compte.

Comme nous l’avons déjà dit dans nos trois dernières chroniques d’Évariste (1)https://www.gaucherepublicaine.org/respublica/reflexions-autour-de-lactualite-grecque-et-espagnole-pour-notre-travail-deducation-populaire-politique-des-la-rentree-de-2015/7396577
https://www.gaucherepublicaine.org/respublica/debat-francais-sur-leurope-la-gauche-de-la-gauche-les-alter-et-les-souverainistes-a-la-peine/7396648#more-7396648
https://www.gaucherepublicaine.org/respublica/pour-les-travailleurs-le-pire-est-a-venir-que-faire-dautre-que-reprendre-loffensive/7396702#more-7396702
, l’UE et la zone euro sont conçues aujourd’hui comme un carcan au service du capital et aucune politique progressiste n’est possible dans ce carcan. Les politiques d’austérité en Grèce prévues dans l’accord du 13 juillet vont se développer et aggraver encore la situation dramatique des couches populaires majoritaires dans le pays. 32 lois d’austérité vont devoir être votées, dans un délai de 6 semaines, selon le mémorandum. Privatisations, augmentation de la TVA, baisse des retraites et du pouvoir d’achat sont au programme.

La situation actuelle du pays est déjà lourde. Il y a un chômage officiel de 25,2 % (contre 11,3 dans la zone euro), une dette de plus de 172 % du PIB, un PIB industriel de 13,3 % du PIB total (contre 30,7 pour l’Allemagne, 23,4 pour l’Italie, 23,1 pour l’Espagne, 21,2 % pour le Portugal, 19,4 % pour la France), une chute du PIB depuis 2009 de 25 %, un pourcentage de recherche-développement dérisoire de 0,78 % du PIB (contre 2,94 pour l’Allemagne, 2,23 pour la France, 1,36 pour le Portugal, 1,25 pour l’Italie et 1,24 pour l’Espagne), un niveau de vie (PIB par habitant) en chute libre à 24,5 milliers de dollars (il était de 33 en 2007) alors que l’Allemagne est à 43 (41 en 2007), la France à 37,4 (37,8 en 2007), l’Italie à 33,3 (37,3 en 2007), l’Espagne à 31,7 (35,2 en 2007), le Portugal à 25,4 (27,3 en 2007) (2)Synthèse Le Monde du 20-21 septembre. La situation est donc très préoccupante en Grèce. Nous y reviendrons.

Tsipras espère une percée spectaculaire de Podemos en Espagne (pays qui n’a pas les faiblesses structurelles de la Grèce pour faire face au diktat allemand) lors des élections législatives de la fin de l’année pour renforcer le rapport des forces européen en faveur des anti-austéritaires. Pablo Iglesias a participé à Athènes au dernier meeting électoral de Tsipras, et l’a chaleureusement félicité pour sa victoire (étaient aussi à Athènes Grégor Gysi de Die Linke, Pierre Laurent du PCF, Ska Keller des Verts allemands).

Mais l’histoire reste à écrire car l’importance des soutiens ne fait pas à elle seule la victoire finale..

Alors « Que faire ? » : un plan C ?

Une fois de plus, la question « Que faire ? » revient sur nos lèvres. Ce titre du livre de Nikolaï Tchernychevski écrit en 1862 devrait être au centre des discussions et des débats dans les futures initiatives d’éducation populaire. Persévérer à répéter « vive le plan A » qui souhaite transformer l’euro néolibéral en euro social est à terme une impasse. S’enfuir dans un hypothétique plan B de sortie de l’euro à froid ? On voit aux résultats électoraux de « Unité populaire » en Grèce que cela ne sera pas partagé par des citoyens et leurs familles qui souffrent ; que cette stratégie renvoie les forces politiques qui la défendent à la marginalité, elle paraît déjà perdue avant même d’avoir commencé à exister. Alors, un plan C ?

Le processus de transformation culturelle, sociale et politique peut avoir lieu s’il y a conjonction de la crise paroxystique qui se profile à partir de 2008 avec des peuples mobilisés majoritairement autour d’un courant dynamique, d’une stratégie qui permette le fait majoritaire et avec une organisation politique démocratique qui porte ce courant. La crise paroxystique est devant nous, les lois tendancielles de la formation capitaliste nous y conduisent. Il faut donc cumuler des forces pour être prêts à ce moment-là.

La période demande pour nous en France, à côté et avec la résistance menée par le mouvement syndical revendicatif et les associations de lutte, de prioriser l’éducation populaire dans toutes ses formes (ascendantes et descendantes) pour mener la bataille de l’hégémonie culturelle, se préparer à une lutte de positions et de mouvements face au mouvement réformateur néolibéral. Bien sûr, il faut développer et préciser tout cela, ce qui ne peut pas se faire dans une simple chronique d’un journal. On peut lire nos livres (https://www.gaucherepublicaine.org/librairie) tant sur notre analyse du « Néolibéralisme et de la crise de la dette », de la « République sociale » comme modèle politique alternatif, de nos projets de nouveau système de santé et de protection sociale dans le cadre du 70e anniversaire de la Sécurité sociale (voir le dossier de ce numéro 791), de la laïcité comme l’une des pierres angulaires nécessaires du processus de transformation. Nous pouvons en discuter collectivement.

N’hésitez donc pas à prendre contact avec les intervenants du journal ReSPUBLICA (via evariste@gaucherepublicaine.org) ou du (Réseau Éducation Populaire ).

Sans l’étude des lois tendancielles de notre formation sociale capitaliste, sans travailler les diverses conditions objectives et subjectives de la transformation, nous risquons de condamner nos peuples à l’impasse politique et d’assister, depuis la marginalité où nous installe le fait d’avoir raison sans les peuples, à la percée de l’extrême-droite partout en Europe.

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