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Les déficits politico-stratégiques de la gauche du non se révèlent dans le scrutin du premier tour des Régionales

Répétons-le, la gauche du non doit parler d’abord aux 31,3 % de ceux qui sont à gauche et ont voté non le 29 mai 2005. Ce jour-là, les couches populaires (ouvriers, employés), majoritaires dans notre pays, ont assuré la victoire du non. Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin l’ont bien montré dans leur livre “Recherche (le) peuple désespérément“, la carte du non du 29 mai est la même que la carte de grande implantation des couches populaires.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui, les couches populaires sont objectivement les couches sociales les mieux à même de porter la seule alternative cohérente possible.

Pour dépasser la phase du turbocapitalisme, nous avons largement montré qu’il faut prendre conscience des caractéristiques de ce dernier :

Les couches populaires ont largement compris cette réalité. Mais la gauche et l’extrême gauche pas encore totalement. Elles sont donc de ce point de vue en retard !

Mais, aujourd’hui, malgré l’approfondissement de la crise, les couches moyennes (environ 45 % de la population française) sont divisées et fortement influencées par l’idéologie néolibérale. Et cette division se reporte sur les “élites” militantes de la gauche et de l’extrême gauche. La quasi-totalité des directions politiques est aux mains de personnes issues des couches moyennes ; celles-ci ont le monopole de presque toutes les directions politiques de gauche et d’extrême gauche qui naguère organisaient la formation et l’émergence de dirigeants issus des couches populaires (à l’exception de LO mais qui reste malheureusement anti-républicaine et sans perspective politique, ce qui l’empêche de prospérer). Pour corroborer ce dernier point, il suffit de voir les dirigeants de gauche et d’extrême gauche :

Le Front de gauche n’a toujours pas réussi à parler aux nonistes de gauche qui votent PS ou qui s’abstiennent

La stratégie du Front de gauche n’a de sens que si elle arrive à convaincre un nombre significatif des nonistes de gauche (31,3 % le 29 mai 2005) qui par millions se réfugient dans l’abstention ou votent PS. Réussir à stabiliser les voix du PCF de 2004 ou les voix du Front de gauche des européennes de 2009 permet sans doute de rebondir mais demande de se poser les bonnes questions et ne pas se recroqueviller autour du slogan de la méthode Coué “Tout ce qui arrive montre que nous avons raison” même quand on a tort ! Si le Front de gauche n’arrive pas à sortir de l’autosatisfaction délivrée par ses leaders, il apparaît certain que, les faits étant têtus, la question lancinante perdurera au sein des couches populaires.

Les nonistes de gauche qui ont fait le choix de rester au PS n’ont toujours pas aujourd’hui de base d’appui pour résister à la nouvelle vague de social-libéralisme

Les nonistes de gauche, qui ont fait le choix de rester au PS malgré le soutien de ce dernier à Nicolas Sarkozy pour faire voter le traité scélérat de Lisbonne en 2008 contre l’avis du peuple, peuvent être confortés par le bon score du PS à ce premier tour, mais ils ne réussiront dans leur stratégie que s’ils expliquent comment ils pourront  résister à la prochaine vague du social-libéralisme, eux qui n’ont pas pu le faire lors du tournant social-libéral de 1983 ou du ralliement du PS à Nicolas Sarkozy en 2008. Cet article leur est consacré comme à ceux qui ont choisi la stratégie du Front de gauche.

Tenir compte de la nouvelle géosociologie des territoires

Toujours dans le livre précité, rarement lu par les “élites militantes”, la preuve est donnée que les couches populaires se trouvent de moins en moins dans les villes-centres (où se concentrent les militants politiques) et de plus en plus dans une partie de la banlieue, mais aussi dans les zones périurbaines et rurales. C’est pourtant elles qui détiennent la clé de l’élection de 2012 et de tout changement dans le pays. Il convient donc pour les partis politiques conséquents d’agir pour que la ligne politique, la stratégie et la répartition des militants répondent à cette nouvelle géosociologie des territoires.

Est-ce que les militants politiques sont des acteurs du mouvement social ? Malheureusement, non !

Une des conditions pour que les partis de la gauche du non deviennent des partis représentatifs des couches populaires reste que les militants politiques de ces partis redeviennent des acteurs du mouvement social. Pour cela, il faudrait qu’un nombre significatif de militants politiques soient également des responsables syndicaux (pour l’animation des luttes) ou associatifs (pour le développement de l’éducation populaire tournée vers l’action). Car il est erroné de penser que tout peut-être fait du “haut” du parti politique ! C’est alors qu’ils pourraient lier dialectiquement “le mouvement d’en haut avec le mouvement d’en bas”, comme l’avait théorisé le CERES avec la 16ème thèse pour l’autogestion de la Convention du PS de 1975 (26,9 % des voix au sein du PS), juste avant que la direction du CERES l’abandonne pour retourner dans les calculs politiciens de l’époque, subjuguée qu’elle était par François Mitterrand !

En attendant, les partis politiques du non de gauche distribuent leurs tracts dans les manifestations du mouvement social, animées en général par les syndicats et quelquefois par des collectifs où la présence des syndicats est déterminante. Et s’ils participent aux collectifs, c’est rarement en participant à leur animation (sauf par exemple pour la votation citoyenne du 3 octobre 2009 où le PS et le PC et leurs élus ont mouillé leur chemise, ce qui n’était plus arrivé depuis longtemps).  Mais ils apparaissent encore  bien trop extérieurs au mouvement social. C’est par la reconnaissance du mouvement social que la gauche du non peut prendre force et vigueur et reconquérir durablement les couches populaires majoritaires dans le pays.

Sans globalisation des combats, pas de liens durables avec les couches populaires

Nous avons entendu beaucoup de leaders associatifs et politiques se présenter en liant uniquement le combat social et le combat écologique, en reléguant les autres combats dans leur arrière-cour. Comme quoi singer Europe Ecologie sans comprendre pourquoi le mouvement s’est développé est une ânerie : le peuple votera toujours pour l’original et non pour la copie.

L’alternative réside dans la globalisation des combats républicains, sociaux, laïques, féministes, démocratiques et écologiques, en recherchant une cohérence d’ensemble et non la subordination de certains combats aux autres au gré d’opportunismes, pour faire plaisir à tel groupe que l’on veut “draguer” ! D’autant plus que ce n’est pas en juxtaposant des groupes les uns aux autres que l’on construit une stratégie à front large, mais en les faisant venir sur une ligne cohérente dans un mouvement d’ensemble.

Sous-estimer l’attachement aux droits des femmes du monde entier de la quasi-totalité des femmes des couches populaires et de la majorité des femmes des couches moyennes est un “crime politique “. C’est pourquoi refuser de placer l’urgence laïque et féministe au même niveau que les autres urgences relève :

Sous-estimer en France, l’attachement du peuple au modèle laïque de la République sociale relève d’une naïveté politique affligeante.
Sous-estimer la demande d’un renouveau démocratique y compris dans l’organisation politique relève  d’une cécité non moins affligeante.

Sans développement d’un grand mouvement d’éducation populaire tournée vers l’action, pas de victoire dans la bataille de l’hégémonie idéologique et donc pas de victoire durable de la gauche

Cette nécessité a été développée en son temps par Antonio Gramsci. Vouloir s’en abstraire est une ânerie. Faire croire que l’éducation populaire tournée vers l’action peut être faite par un parti politique est une erreur politique. Confondre une conférence publique avec un stage de formation ou avec un cycle d’éducation populaire est confondant de bêtise.

Chaque type d’organisation –  le parti, le syndicat, l’association d’éducation populaire – a son objet. Jamais l’un ne pourra remplacer l’autre. Ce sont les trois jambes du trépied qui assurent sa stabilité. Il faut donc les développer tous les trois dans un rapport dialectique.

Conclusion provisoire

Il faut d’urgence organiser un débat démocratique sur la ligne, la stratégie et les tactiques. Faire croire que sa propre formation a la vérité révélée, que son leader est un gourou et qu’il suffit de faire trancher par les électeurs entre les différentes formations au premier tour mérite un zéro pointé ! Il faut donc approfondir le processus de refondation politique et stratégique.

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