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« Les blancs, il faut les manger crus », un roman de Jean Estivill

« Les blancs, il faut les manger crus » de Jean Estivill (1)Jean Estivill est Historien. Professeur d’Histoire-géographie et l’auteur de nombreux articles publiés notamment dans le cadre de L’Arac (Association Républicaine des Anciens Combattants).
Aux éditions de L’Harmattan

« Les blancs, il faut les manger crus » : la plaisanterie aux allures de fable de l’Africaine Mama Bontidad a fait son chemin dans l’esprit de ses enfants et a rejoint, par le parcours sinueux de l’Histoire, la cruelle réalité. C’est l’apparition d’une nouvelle forme de Sida menaçant les pays riches qui fait de la bonne Mama Bontidad, une sorte d’oracle et de l’Histoire, une tragique ironie, par les trouvailles d’un professeur de médecine, marié à Adlée, une de ses descendantes.

Plus qu’une histoire d’amitié entre Kindé l’Africain, l’idéaliste combattant, et Brandy, le noir américain désabusé un brin cynique, la relation entre les personnages se tisse sur une fraternité qui les transcende, une culture de l’héroïsme rendu nécessaire par leur entrée en Résistance. Nous les suivons à Londres en 1940, dans les réseaux français de la Résistance en 1944, dans le barrio Chino à Barcelone, dans l’Espagne de Franco. Ils se retrouvent ainsi dans les méandres de l’Histoire, dans une guerre étrangère, dans un combat qu’ils font leur, au contact d’Orwell, du général de Gaulle, de Schumann, de Léo Hamon…

Une grande fresque en somme où l’ Histoire n’a pas « une grande hache » mais un coutelas passant sous son fil certaines idées préconçues, les réécritures et les « brouillons de l’histoire ». Tout le XXème siècle ou presque est là, depuis 1929 à nos jours, fait de traîtres, d’idéologies rances et de complicités haineuses, mais aussi d’amitiés sincères, d’indéfectibles amours filiales et de fraternité par delà les générations et les origines. Le parcours, les choix des personnages, forcément subjectifs, viennent servir le rétablissement de la fameuse « vérité objective », celle qu’ont vécue jusque dans leurs chairs ces protagonistes précipités dans les événements. De la guerre civile espagnole à nos jours donc, en passant par la Résistance, la vie dans les camps racontée avec une rare pudeur, le retour des déportés, la décolonisation et Mai 68

Un roman au rythme enlevé, au style sûr, où l’humour corrosif de quelques portraits refaits au vitriol se coule dans le flot tragique de l’Histoire. Une écriture franche et massive nous atteint comme une chevrotine en plein coeur, ponctuée ça et là de nuances inattendues, tantôt emmenée par des dialogues ciselés, tantôt parcourue par d’intimes monologues intérieurs, dans une langue parfois crue, toujours juste.

A la croisée du roman à thèse et de la fresque historique, le récit repose de surcroît sur une intrigue romanesque drôle et originale, qui nous amène à nous interroger sur le monde d’aujourd’hui et ses psychoses pandémiques. Ce livre de Jean Estivill renvoie chacun à son emprise sur l’Histoire, à la force de l’engagement des anciens, au courage qu’il faut pour ne pas se laisser embrumer par les faiseurs de vérité quels qu’ils soient, à la persistance de la mémoire, enfin, dont nous sommes les héritiers autant que les défenseurs.

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1 Jean Estivill est Historien. Professeur d’Histoire-géographie et l’auteur de nombreux articles publiés notamment dans le cadre de L’Arac (Association Républicaine des Anciens Combattants).
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