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Un livre salutaire : “Désobéissons à l’Union européenne”

Aurélien Bernier sort beaucoup de livres. Beaucoup donnent des informations, voire des idées, mais peu explorent de nouveaux chemins pour l’émancipation. Son livre (1)Aux Editions mille et une nuits (4euros). est de cette dernière trempe. Déjà, il nous avait habitué à cela sur l’écologie dans sa critique féroce, tant du discours productiviste et “croissancielle” que dans celui du discours écologique traditionnel et “décroissancielle”. Sans s’arrêter aux mirages de l’écologie politique qui ne font que reprendre les idéologies éculées du désir et du bonheur du milieu du 19 ème siècle, il a commencé à baliser un discours émancipateur avec le concept d’écologie républicaine; à partir duquel nous devons aller encore plus loin!

Cette fois-ci, il défriche un nouveau chemin en partant des discours de l’Union européenne. Dans une première partie, il montre la genèse de l’Union européenne et de quelle manière la contre-révolution néolibérale part de très loin: c’est-à-dire tout de suite après la Libération du nazisme qui a permis le Programme du Conseil National de la Résistance. Les revanchards sont tout de suite partis en campagne (Société du Mont pélerin en 1947, déclaration Schumann en 1950) pour aboutir au marché commun déjà très bien analysé par Pierre Mendès-France le 18 janvier 1957. Cette partie permet de tordre le coup à ceux qui, dans la gauche radicale, n’ont vu le caractère négatif de ce qui deviendra l’Union européenne que dans l’Acte unique européen, quand ce n’est pas après 2002!

Dans sa deuxième partie, il montre comment le verrouillage de l’Union européenne empêche toute autre politique que celle du turbocapitalisme avec son libre-change, son néolibéralisme sauvage, sa théorie ordo-libérale, etc.

Dans une troisième partie, il montre comment la droite, les écologistes et le PS se piègent eux-mêmes avec le mythe européen. Il montre aussi que tous ceux qui, dans la gauche radicale, veulent changer l’Union européenne de l’intérieur avec des slogans de type “Changer d’Europe” ou “Europe sociale” (majorité des altermondialistes, PCF notamment) sont dans une impasse, faisant croire qu’il suffit que le mouvement d’en bas submerge le mouvement d’en haut, alors que le mouvement d’en bas ne peut que déclencher le processus de transformation sociale et non le mener à terme, et qu’ il faut une dialectique entre ces mouvements. C’est d’ailleurs ce qui se met en place en Tunisie ou en Égypte. Il montre enfin qu’au NPA et au PG se développe une trop timide politique de rupture mais qui n’ose pas aller jusqu’au bout tant la vieille idéologie est encore là.

Dans sa dernière partie (le chapitre 3), il esquisse ce qui lui semble l’alternative. Comme on ne peut pas réformer de l’intérieur l’Union européenne, il donne une voie pour aller de l’avant et esquisse ce que pourrait être une politique de désobéissance européenne. Il critique au passage ceux qui, y compris dans sa propre organisation, prônent la sortie de l’euro et/où de l’Union européenne comme inopérante, et moins percutante que sa proposition de désobéissance européenne.

Il propose l’ouverture d’une période de tension avec l’Union européenne à partir d’un référendum “d’inversion des normes”, qui permettrait que le droit national prime sur le droit de l’Union européenne; puis il donne quelques exemples d’action et analyse les réactions possibles des néolibéraux. Il fait la différence entre désobéissance civile et européenne en montrant l’essence républicaine de la désobéissance européenne. Il montre que celle-ci n’est pas un repli frileux mais est en lien avec l’internationalisme.

Le livre d’Aurélien Bernier est salutaire, car on comprend pourquoi aujourd’hui le Front national et son idéologie régressive nauséabonde reprend force devant tant d’impasses à gauche et à l’extrême gauche.

Le livre d’Aurélien Bernier est salutaire grâce à ses critiques justes et pertinentes contre les idéologies ambiantes chez les écologistes, les socialistes et même dans la gauche radicale.

Mais, il y a un mais… Il oublie de traiter un point de stratégie politique préalable. Il écrit page 109 “Pour un gouvernement de gauche radicale qui serait élu en France […]”, page 111 et 112 “ La tâche prioritaire d’un gouvernement de gauche radicale sera […]”. Le problème est de définir le chemin pour aller à ce gouvernement de gauche radicale.

2012? Aurélien Bernier nous propose la phase 2 sans nous dire comment on fait dans la phase 1. Là, il faut articuler politiquement la question sociologique (retisser pour la gauche des liens sociaux et politiques avec les couches populaires ouvriers et employés représentant 53% de la population), ainsi que la nouvelle géosociologie des territoires, les luttes sociales et l’insuffisant travail d’éducation populaire. Mais, là est une autre histoire qui va s’écrire indéniablement plus tard.

A chaque jour suffit sa peine. Si on est encore loin de la “coupe aux lèvres”, Aurélien Bernier a bien franchit une étape qui mériterait d’être franchie par d’autres pour aller ensemble plus loin. LISEZ SON LIVRE, INVITEZ-LE A DÉBATTRE, c’est un service que vous rendrez à “la cause” et qui lui permettra d’aller encore plus loin!

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1 Aux Editions mille et une nuits (4euros).
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