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Chronique d'Evariste
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La laïcité n’existera que refondée dans une République sociale

par Évariste

 

Vous connaissez l’arbre qui cache la forêt ? Le voici : fabriquez une contradiction Valls-Bianco autour d’un observatoire solférinien et le tour est joué. Vous aurez d’un côté la majorité du camp dit « laïque » qui soutiendra le solférinien Valls soutenu par François Hollande et de l’autre la majorité de la gauche de la gauche qui soutiendra le solférinien Bianco également soutenu par François Hollande mais aussi par les adeptes du communautarisme anglo-saxon. C’est la « société du spectacle » de Guy Debord. Elle n’est pas belle l’histoire ? Eh oui, quand vous interrogez les responsables de la gauche de la gauche à Attac, Copernic, au PCF, à Ensemble, et bien au-delà, les voilà en soutien inconditionnel à Bianco, représentant de la droite du PS et du président Hollande.

Pour comprendre les choses, il suffit effectivement de relire  La société du spectacle  de Debord. Bien évidemment,Valls, qui peut remplacer Bianco par sa simple décision de Premier ministre, ne le fera pas car tout cela permet de cacher la forêt. La forêt, dans un moment de crise, est constituée de politiques d’austérité, de reculs des conquis sociaux d’hier, d’augmentation de la misère, de la pauvreté, de la précarité, des inégalités sociales. Jamais autant d’argent n’a alimenté le communautarisme et l’intégrisme religieux. Même la majorité de la gauche de la gauche feint de ne pas le voir, elle qui croit encore en la possibilité d’une alliance électorale de type clientéliste avec le communautarisme religieux1.

S’il faut désigner celui qui est le moins laïque des deux, difficile de ne pas désigner celui qui fut nommé par Jean-Marc Ayrault sur ordre de François Hollande, Jean-Louis Bianco, le spécialiste des « accommodements déraisonnables » avec les communautaristes et les intégrismes religieux, y compris avec l’extrême droite islamiste, c’est-à-dire des organisations proches de la confrérie des Frères musulmans, des salafismes et de la mouvance des Indigènes de la république.

Mais est-ce qu’avec Valls, nous avons une politique laïque en marche ? La mairie socialiste de Créteil finance pour un million d’euros la reconstruction de la cathédrale de Créteil, le département du Val-de-Marne fait de même avec 400.000 euros. Tout cela avec l’accord du préfet aux ordres du gouvernement et avec l’accord général des directions des partis d’extrême droite, de droite, de gauche, Front de gauche compris. La manipulation est connue et soutenue par Valls et Bianco enfin réunis : faire comme si le culturel et le cultuel, c’était la même chose ! Alors que le président du conseil général de Guyane souhaite ne plus payer les salaires des prêtres catholiques (comme l’y oblige un arrêt de Charles X de 1828), voilà l’exécutif (président de la République, Premier ministre et ministre de la Justice) qui le somme de respecter la loi.

Le Premier ministre Valls décide, non de laïciser le statut scolaire et le statut des églises en Alsace-Moselle, mais d’engager le développement de la pratique communautariste de type concordataire en Alsace-Moselle en octroyant au culte sunnite les mêmes avantages financiers qu’aux cultes catholique, israélite et aux deux cultes protestants. Le 101ème département français, Mayotte, se développe sans l’application du principe de laïcité.

En faisant en sorte qu’il y ait plus d’argent par élève dans l’école privée confessionnelle catholique (96 % de l’enseignement privé) que dans l’école publique, le gouvernement français aide cette école à redevenir l’école de la bourgeoisie au côté d’une petite filière d’écoles publiques. Sans oublier la réforme des rythmes scolaires, non obligatoire dans les écoles privées confessionnelles sous contrat, où on remplace des enseignants – au mieux – par des titulaires d’animateurs du BAFA.

Qui aujourd’hui défend le Serment de Vincennes de 1961 (pétition de plus de 10 millions de personnes soutenue par toute la gauche d’alors !) aux termes duquel l’argent public ne devait aller qu’aux services publics et donc qu’à l’école publique ? Non à une laïcité de circonstance qui oublie l’entièreté du combat laïque !

Le solférinien Jean-Louis Bianco déclare que l’Observatoire de la laïcité est indépendant du Premier ministre même quand Jean-Marc Ayrault invite tous les fonctionnaires qu’il a nommés de voter comme un seul homme avec Jean-Louis Bianco contre la crèche Baby-Loup ? Il suffit de voir comment est constitué cet observatoire, par des hauts fonctionnaires représentant leurs ministères, pour comprendre que l’indépendance est une fiction destinée à ceux qui ne veulent pas voir. En fait, les dirigeants solfériniens de l’Observatoire (Bianco et Cadène) agissent comme cela car ils se savent soutenus par François Hollande, partisan d’un accord concordataire en France, et que l’action de Valls ne contredit pas (voir plus haut). Quant à participer, comme responsables d’une structure aussi dépendante du solférinisme d’État à la signature d’un texte sans contenu et dont le seul élément important est d’être un texte élaboré par la mouvance des Indigènes de la république et des proches de la confrérie des Frères musulmans, ils ne peuvent l’avoir fait sans l’accord du Président de la République.

S’il y a bien plusieurs gauches, il n’y a qu’une authentique laïcité hors du relativisme culturel prôné et développé par le mouvement réformateur néolibéral : celle que Jean Jaurès a défendue au début du 20ème siècle et accompagnée du contenu des trois circulaires du Front populaire (1er juillet 1936, 31 décembre 1936 et 15 mars 1937), rendues obligatoires par la hiérarchie des normes suite au cavalier législatif de Lionel Jospin de 1989 et que l’on retrouve dans la loi du 15 mars 2004. C’est la laïcité qui accorde le primat de la liberté de conscience, de l’universalité de son application, qui institue la séparation entre la société civile d’une part et les sphères de l’autorité politique et de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) d’autre part, celle enfin qui tire la leçon du fait que le lien politique entre les citoyens n’a pas besoin d’un lien religieux préalable. Cela implique bien sûr pour tout citoyen éclairé de combattre les deux dérives de cette laïcité : d’abord l’ultra-laïcisme anti-laïque d’une partie de la droite et de l’extrême droite qui veut utiliser le mot « laïcité » uniquement contre les musulmans, mais aussi de la laïcité d’imposture (que certains nomment « adjectivée »), fréquente chez les néolibéraux de gauche et dans la gauche de la gauche.

Bien évidemment, tout cela renvoie à la nécessité d’une intégration républicaine non seulement des populations immigrées mais de tous les Français, quelle que soit leur origine. Tous les Français ont besoin de se sentir intégrés à la République mais cela ne peut se faire que si la République est sociale2 ! Et il y a longtemps qu’elle ne l’est plus ! Pour cause de crise économique, due à la crise du capital et du profit. Autrement dit, la bataille ne peut être que globale et donc sociale, économique, laïque, écologique, démocratique et féministe.

Bien évidemment, nous devons être d’une grande fermeté sur la base d’un anti-racisme laïque radical qui protège tous les ressortissants français et résidents de notre pays, incluant donc les juifs et les musulmans, mais aussi tous les autres, chrétiens, agnostiques et athées.
Et nous devons garder le droit de critiquer toutes les religions et idéologies, y compris l’islam, le judaïsme et le christianisme, notamment lorsque certains veulent supprimer la loi de séparation des églises et de l’État ou lorsque ces religions menacent l’égalité des hommes et des femmes ou l’ordre public ou l’ordre social.

 

  1. Cette croyance s’exprime dans une partie de la gauche de la gauche par le fait que dans son discours elle remplace le rôle que la théorie marxiste donne à la classe ouvrière exploitée, qui doit devenir consciente et mobilisée, par celui de l’islam censé être la religion des pauvres avec qui il faut s’allier contre l’impérialisme américain et occidental.
    Cette triple incohérence (remplacement théorique des « exploités » par les « pauvres », vouloir combattre l’impérialisme en s’associant à l’un de ses alliés, abandon de la classe populaire ouvrière et employée non islamisée qui se réfugie pour l’instant dans l’abstention) en crée une nouvelle, accepter le relativisme culturel du néolibéralisme qui veut que l’obscurantisme soit placé pour le peuple au même niveau que la vérité scientifique et en tout cas prime sur l’émancipation des femmes. []
  2. Une République sociale au XXIe siècle est un processus émancipateur, alternatif au modèle politique néolibéral et au capitalisme lui-même, qui enclenche un développement de ses principes constitutifs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, solidarité, souveraineté populaire, sûreté, universalité, développement écologique et social. Pour cela, quatre ruptures sont nécessaires : démocratique, laïque, sociale et écologique. Ses exigences indispensables sont de dégager la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) du marché, d’engager la réindustrialisation du pays, une nouvelle politique de la nationalité et de l’immigration, une refondation européenne hors de l’union européenne et de la zone euro, une vraie égalité hommes-femmes pour toutes les femmes, une socialisation progressive des entreprises par un changement radical du droit de propriété des dites entre prises. Le tout grâce à une stratégie de l’évolution révolutionnaire décrite en 1850 par Marx, réactualisé par Jean Jaurès et à réactualiser de nouveau pour le XXIe siècle. []
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Encore un retour sur le travail productif

par Jean-Marie Harribey

 
À la suite du commentaire par Michel Zerbato d’un texte de Charles Arambourou paru en octobre 2015, un lecteur, Jean-Marie Harribey, nous a fait parvenir la critique ci-contre du texte de M. Zerbato, que nous publions suivie, dans ce numéro 803 de ReSPUBLICA, de la réponse de Michel Zerbato (version courte et JMH révise Marx sur le travail productif – version longue MZ).
Nous publions ces textes parce que, au-delà de la discussion théorique autour de la position de Marx sur le travail productif, l’enjeu politique est important pour le positionnement d’une gauche de gauche. Peut-on soutenir à gauche l’idée que les services sont productifs de revenu à l’heure où les néo-libéraux chantent la révolution numérique et la fin du salariat par le tous auto-entrepreneurs (on disait artisans) ?  Peut-on tenir une posture tiers-mondiste et nier que le profit d’une société de services, notamment financiers, est un produit de l’impérialisme ? Il y a là des nœuds de contradictions que la gauche devra défaire
La Rédaction

Permettez-moi de m’immiscer très brièvement dans la discussion théorique sur laquelle mon ami et ancien collègue Michel Zerbato (MZ) revient régulièrement, notamment ces derniers temps en réponse à Charles Arambourou.
Je souscris à de nombreux points que soulève MZ (distinction entre travail et force de travail, distinction entre production et reproduction de la force de travail, refus de la notion de marché du travail…) mais pas sur un que je pense décisif.
Dans le début du Capital, Marx définit le travail productif comme celui qui produit de la valeur (donc de la plus-value) pour le capital. Il s’agit là de la définition du modèle abstrait, chimiquement pur, du capitalisme, qui n’a pas pris une ride. Mais une formation sociale concrète n’est pas la reproduction clonée du modèle théorique. Elle peut être l’imbrication de rapports sociaux de natures différentes, sous domination de l’un, en l’occurrence le rapport social capitaliste.

Il y a chez Marx (en tout cas, c’est comme ça que le comprends) trois niveaux d’analyse et d’abstraction de la valeur : la valeur d’usage comme condition de la valeur en tant que fraction du travail socialement validé, laquelle apparaît dans l’échange par le biais d’une proportion, la valeur d’échange qui est mesurée par la quantité de travail nécessaire en moyenne dans la société considérée. Le point qui me paraît le plus important est la validation sociale du travail. Or, dans le capitalisme concret que nous connaissons, le mode de validation du travail collectif connaît deux formes : le marché, qui valide les anticipations de débouchés pour les marchandises (comme disait Keynes), donc de profit ; et la décision collective de faire produire de l’éducation non marchande, du soin non marchand, etc.

Dès lors, si l’on définit la valeur comme une représentation monétaire du travail socialement validé, il n’y a plus de raison de restreindre la définition du travail productif à celui qui est destiné à nourrir l’accumulation du capital, sauf à dire une tautologie : est productif de capital le travail qui produit du capital. Ma thèse est donc que, dans une société concrète comme la nôtre, le travail qui est effectué dans la sphère non marchande produit de la valeur d’usage (ce point ne sera évidemment pas discuté) mais également de la valeur au sens défini plus haut, pas pour le capital mais pour la société. Ce qui permet, non seulement d’aller jusqu’au bout de l’idée de Marx (les trois niveaux d’analyse) et aussi de voir combien l’idée de Keynes suivante est également très juste : il faut distinguer le financement de la production (ex ante) et son paiement (ex post). Ce qui veut dire que, de la même façon que les entrepreneurs doivent trouver ex ante un financement monétaire pour lancer leurs investissements et embaucher, les acheteurs payant ensuite les marchandises, l’Etat, les collectivités locales, etc., doivent trouver un financement monétaire des investissements publics, les impôts venant ensuite « payer » de manière socialisée les services collectifs offerts. Au passage, on voit bien à quoi mènent la construction de l’euro et la confiscation de la politique monétaire.

Aussi, faut-il comprendre lesdits prélèvements obligatoires comme étant effectués sur un PIB déjà augmenté du fruit du travail réalisé dans la sphère monétaire non marchande. Sinon, il y a un gros risque théorique à ne concevoir ces prélèvements ex post, j’insiste, que comme effectués sur la seule production marchande, voire comme on le lisait dans les manuels des années 1950 sur la seule production marchande matérielle, qui ne représente plus qu’un quart à un tiers de la production totale. À ce sujet, il ne faut pas confondre la nature productive ou non du travail avec le fait que les gains de productivité sont le plus souvent beaucoup plus importants dans la production de biens matériels que dans les services marchands ou non.

Dans mon livre cité plus bas, j’écris :

« Dans les Grundrisse, Marx reprend l’exemple de Senior à propos du fabricant de pianos et du pianiste : « Le fabricant de pianos reproduit du capital ; le pianiste ne fait qu’échanger son travail contre un revenu.1 » Telle quelle, la réponse de Marx n’est pas suffisante et dans d’autres passages, il l’affinera. Nous considérons que quatre cas de figure au sujet du pianiste de Senior sont à envisager, qui correspondent à quatre modes de production abstraits différents. Premièrement, le musicien vient faire son récital devant son mécène et reçoit ensuite son obole des mains généreuses de son Altesse (tel fut le sort de Mozart à la cour de Vienne et de tant d’autres). C’est de ce cas dont parle Marx dans la citation ci-dessus et il le fait de manière correcte (à ceci près, comme nous le verrons plus tard, que le revenu est engendré), mais ce cas ne reflète pas le mode de production capitaliste.
Deuxièmement, le musicien est un artisan qui vend son produit à sa valeur reconnue par le marché, laquelle excède la valeur de sa seule force de travail et qui lui permet d’accumuler à petite échelle du capital (c’est ce point qui sépare l’artiste artisan de l’artiste mozartien). Troisièmement, le musicien est employé comme professeur dans une école de musique privée appartenant à un capitaliste cherchant la rentabilité de son capital : le musicien est productif de capital. C’est, sans conteste, également le point de vue de Marx. Le problème théorique naît avec le quatrième cas de figure possible : le musicien est employé par l’État ou une collectivité quelconque qui ont décidé que tous les enfants devaient apprendre la musique en même temps que le calcul. Faut-il ranger ce musicien dans la même catégorie que Mozart ? Marx ne répond pas à cette question, mais établit pourtant implicitement la même typologie que celle que nous proposons :
Une chanteuse qui chante comme un oiseau est un travailleur improductif. Lorsqu’elle vend son chant, elle est salariée ou marchande. Mais la même chanteuse, engagée pour donner des concerts et rapporter de l’argent, est un travailleur productif, car elle produit directement du capital.2 »
Il faudra donc construire une nouvelle catégorie, celle d’un travailleur ne produisant pas du capital mais du revenu et qui a quelques points communs avec le musicien mozartien. »

Si cela ne suffisait pas à convaincre, on peut redire qu’au sein de l’économie capitaliste, seule la production de valeurs d’échange marchandes par le travail salarié aboutit à une production de plus-value permettant d’accumuler privativement du capital, si l’on fait abstraction de la petite accumulation que peut réaliser le travail indépendant. C’est en ce sens qu’il faut entendre la définition du travail productif par Marx : dans le mode production capitaliste pur, seul le travail salarié est productif de valeur venant grossir le capital, c’est-à-dire, en un mot, seul ce travail est productif de capital. « N’est productif que le travail qui produit du capital » en déduit Marx3. On aurait tort de prendre cette définition du travail productif de capital pour une définition du travail productif en soi, indépendamment des rapports sociaux dans lesquels il s’effectue. Marx lui-même nous avertit du problème :

« L’esprit borné du bourgeois confère un caractère absolu à la forme capitaliste de la production et la considère comme son unique forme naturelle. Il confond donc volontiers la question du travail productif et du travailleur productif, telle qu’elle se pose du point de vue du capital, avec la question du travail productif en général.4»

Encore faut-il ajouter que le concept s’inscrit dans une vision collective du procès de travail :

« À partir du moment, cependant, où le produit individuel est transformé en produit social, en produit d’un travailleur collectif dont les différents membres participent au maniement de la matière à des degrés très divers, de près ou de loin, ou même pas du tout, les déterminations de travail productif, de travailleur productif, s’élargissent nécessairement. Pour être productif, il n’est plus nécessaire de mettre soi-même la main à l’œuvre ; il suffit d’être un organe du travailleur collectif ou d’en remplir une fonction quelconque. La détermination primitive du travail collectif, née de la nature même de la production matérielle, reste toujours vraie par rapport au travailleur collectif, considéré comme une seule personne, mais elle ne s’applique plus à chacun de ses membres pris à part.5»

La reformulation que je propose est seule capable à mon sens d’articuler les questions du travail, de la valeur et de la monnaie. C’est ce que j’ai tenté de montrer au cours de la seconde moitié de ma vie professionnelle (http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/index-valeur.html et http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/soutenabilite/index-soutenabilite.html) et que j’ai synthétisée il y a deux ans dans La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une crtique socio-écologique de l’économie capitaliste (LLL, 2013). C’est sur cette base que j’ai mené un débat contradictoire avec 1) la conception idéaliste et hors-sol de la valeur d’André Orléan ; 2) la conception proprement néoclassique de la soi-disant « valeur économique intrinsèque de la nature » ou de la « valeur des services monétaires rendus par la nature » de la plupart des prétendus théoriciens écologistes ; 3) les conceptions du revenu d’existence ou du « salaire à vie » de Bernard Friot, omettant la question de la validation sociale des activités : en cela, MZ a raison d’objecter à C. Arambourou que toute activité humaine n’est pas productrice de valeur, car ce qui fait la différence, c’est la validation sociale, ce que ne comprennent ni les prétendus écologistes ni les partisans du revenu inconditionnel (voir ma chronique dans Politis du 8 octobre dernier et d’autres textes dans http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/travail/index-travail.html) ; 4) les « cognitivistes qui, sous prétexte que le travail est transformé par le capitalisme, situeraient le fondement de la valeur dans un « ailleurs » que le travail, jusque dans la finance !

Dans tout cela, j’ai donc plaidé pour l’inscription de la question sociale (de façon, en termes de transition, à borner l’espace où le capital se valorise et à élargir par décision démocratique l’espace monétaire non marchand) et de la question écologique à l’intérieur de la matrice théorique léguée par la critique de l’économie politique de Marx et sa fameuse « loi de la valeur ». C’est d’ailleurs cette inscription qui permet de comprendre la crise actuelle comme une crise de production et de réalisation de la valeur provenant de la difficulté de plus en plus grande à aller au-delà d’un certain seuil d’exploitation de la force de travail sous peine de suraccumulation et au-delà d’un certain seuil d’exploitation de la nature sous peine de tarir la base matérielle de l’accumulation (voir mon livre ainsi que mon article pour le colloque 2015 de la Régulation, http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/soutenabilite/fin-croissance-rr.pdf.

15 octobre 2015

  1. Marx K., Principes d’une critique de l’économie politique, 1857-1858, dans Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1968, tome II p. 242. []
  2. Marx K., Matériaux pour l’économie (Théories sur la plus-value), 1861-1865, dans Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1968, tome II, p. 393. []
  3. Marx K., Matériaux pour l’économie 1861-1865, op. cit, p. 388. []
  4. Marx K., Matériaux pour l’économie 1861-1865, op. cit, p. 388. []
  5. Marx K., Le Capital, Livre I, dans Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1965, tome I, p. 1001-1002. []
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Travail productif : Jean-Marie Harribey révise Marx

Version courte

par Michel Zerbato

 

À la suite du commentaire par Michel Zerbato d’un texte de Charles Arambourou paru en octobre 2015, un lecteur, Jean-Marie Harribey, nous a fait parvenir une critique du texte de M. Zerbato, que nous publions dans ce numéro 803 de ReSPUBLICA. Dans le texte ci-contre, Michel Zerbato lui répond sous la forme d’une version courte, qui résume une argumentation approfondie disponible sur le site (version longue ICI : 16 pages).
Nous publions ces textes parce que, au delà de la discussion théorique autour de la position de Marx sur le travail productif, l’enjeu politique est important pour le positionnement d’une gauche de gauche. Peut-on soutenir à gauche l’idée que les services sont productifs de revenu à l’heure où les néo-libéraux chantent la révolution numérique et la fin du salariat par le tous auto-entrepreneurs (on disait artisans) ?  Peut-on tenir une posture tiers-mondiste et nier que le profit d’une société de services, notamment financiers, est un produit de l’impérialisme ? Il y a là des nœuds de contradictions que la gauche devra défaire.
La Rédaction

Dans son commentaire de ma réaction à la réponse de C. Arambourou, mon ami et néanmoins ancien collègue Jean-Marie Harribey (JMH) réitère une argumentation qu’il m’a déjà opposée, quant à mon point de vue, que je crois marxiste, sur l’improductivité du travail dans les services1.

En résumé, il n’accepte pas l’idée que la richesse d’une nation mesurée par la valeur économique soit matérielle et que le travail dans les services soit un travail improductif de valeur, ce dont il résulte, selon moi, que les services opèrent une ponction sur la valeur produite dans l’industrie, autrement dit, que l’industrie paie les services. Dans la Lettre citée en note 1, il considère que ce point de vue est « la version marxiste traditionnelle de cette idéologie [de la théorie économique] qui a longtemps affirmé que les services […] étaient financés par un prélèvement sur la plus-value produite par les prolétaires employés par les capitalistes ».

L’argumentation de JMH se réfère initialement aux notions de base telles que les a définies Marx et qu’il présente correctement, pour ensuite développer un propos tenu avec assurance, mais tellement parsemé de formulations inattendues que l’on doute vite de sa cohérence et de l’intérêt de s’y arrêter. Mais JMH insiste pour que Respublica publie son commentaire, je me suis donc obligé à un commentaire du commentaire, et ce ne fut pas une mince affaire, car, au fond, il s’agit d’une affaire de lunettes, celles que l’on met pour lire Marx. Mon point de vue repose sur ce que j’avais compris de la méthode de Marx, le matérialisme historique, à la lecture du Capital et de quelques autres textes dans lesquels cette méthode était mise à l’œuvre.

Et depuis que j’ai adopté cette méthode d’analyse de l’économie, après quelques années d’étude des différentes écoles économiques « sur le marché », j’ai pu en constater la puissance pour la compréhension du cours du capitalisme. C’est donc à sa lumière que j’ai examiné la question du travail dans les services, et la réponse m’a paru claire : la richesse est matérielle, les services sont immatériels, donc la prestation de service est improductive de richesse, ce que je n’avais jamais réellement ressenti le besoin d’approfondir jusqu’ici. Selon JMH, cette position est celle des manuels des années 50 (il pense sans doute au Manuel d’économie politique de l’Académie des sciences de l’URSS), donc ringarde et, qui plus est, teintée d’idéologie libérale.

J’ai donc ressorti de leur étagère les livres de Marx pour, 1) voir en détail ce que Marx a écrit sur la question du travail productif dans les services, ce qui m’a conforté dans mon point de vue ; 2) ensuite voir comment JMH peut arriver à des conclusions contraires ; et 3) voir ce à quoi veut aboutir sa réinterprétation des écrits de Marx. Cela m’a conduit à un commentaire relativement long parce que je l’ai voulu précis, en citant les textes de Marx2 chaque fois que nécessaire pour bien asseoir mon argumentation. Je le résume ici en version courte.

1) Marx sur le travail productif

Les choses sont à la fois simples et complexes. Simples, parce que les définitions de Marx sont claires et les exemples multiples ; complexes, parce qu’il n’y a pas de texte vraiment systématique, les notations de Marx venant toujours en regard d’un autre question, éparpillées et souvent digressives, ce qui fait qu’un même cas peut être commenté trois ou quatre fois sous un angle différent. J’ai essayé de retenir la logique générale.

Marx part du constat que la richesse d’une nation, « l’ensemble des choses nécessaires et commodes à la vie », selon l’expression d’A. Smith, qu’il reprend, se présente à l’époque capitaliste sous la forme d’une accumulation de marchandises (des valeurs d’usage objets échangeables). Il analyse ensuite la marchandise comme forme du capital et en conclut que du point de vue du capital, tout travail productif au sens absolu (il produit des valeurs d’usage), ne l’est pas nécessairement au sens économique : le but du travail dans le cadre du rapport capitaliste, c’est la plus-value, en conséquence est productif le travail qui produit de la plus-value, c’est-à-dire des marchandises dont la valeur est supérieure à celle qu’elles ont coûté. Et ce travail ne peut le faire que parce que le capitaliste a acheté la force de travail qui l’exerce en produisant plus de marchandises que n’en requiert sa propre reproduction. Le travail productif est nécessairement un travail salarié.

Mais, continue Marx, cela n’implique pas qu’il suffit que le travail soit salarié pour être productif. La condition est nécessaire, mais pas suffisante. Un travailleur peut être salarié pour d’autres raisons que d’être incorporé dans le procès de production immédiat de marchandises destinées à la vente dans le seul but de faire du profit. Ainsi, toute utilisation d’un travailleur salarié en tant que prestataire de service n’est pas une consommation productive de sa force de travail, au sens où elle ne produit pas de plus-value. Dans ce cas, l’argent dépensé en salaire n’est pas une avance de capital, puisque cet argent ne fera pas de l’argent et ne s’auto-valorisera pas, c’est une dépense de revenu, d’argent ne revenant pas chez le capitaliste pour continuer un cycle de valorisation.

Ainsi, Marx caractérise clairement le travail salarié de production de services, marchands ou non marchands, comme du travail improductif. Sauf si le prestataire de services est salarié et incorporé dans le collectif de travail dont parle JMH : un travailleur intellectuel ne met pas la main à la pâte dans l’atelier, mais sans son travail, l’atelier ne produit rien : le travailleur collectif est formé et salarié pour produire la plus-value, il est productif et tous ses membres le sont.

Le travail salarié de la sphère non marchande, principalement celui des fonctionnaires, n’est évidemment pas payé par « la collectivité » pour faire de la plus-value, même s’il est payé pour en favoriser la production dans la sphère marchande. Le travail des fonctionnaires est certes utile, directement ou indirectement, mais il ne peut en aucune manière être considéré comme productif. Marx l’affirme clairement, plusieurs fois : par exemple, « Même si les fonction­naires deviennent des salariés en régime capitaliste, ils ne deviennent pas pour autant des travailleurs productifs. »3 Pourtant JMH soutient le contraire, voyons comment.

2) JMH révise Marx

En voulant prendre le meilleur de Marx et de Keynes, JMH dénature les deux. Comme Keynes, il parle de rapport social, pas de rapport de production, et occulte ainsi la nature profonde de la marchandise, dont la valeur est certes donnée par la validation sociale du travail, mais pas quel que soit quel que soit le contenu du travail, matériel ou immatériel (certes, Marx dit bien que le caractère productif fait fi du contenu spécifique du travail concret concerné, mais il s’agit toujours d’un travail produisant des marchandises). Cela lui permet de proposer des nouveautés théoriques fortes.

Il définit d’abord deux sphères de production, chacune dotée d’un mode de validation sociale distinct du travail : dans la sphère marchande la validation sociale est, classiquement, faite par le marché, où le travail productif produit de la plus-value ; dans la sphère non marchande la validation sociale résulte de « la décision collective de faire produire des services non marchands ». On notera la bizarrerie de cette notion de collectivité en lieu et place de celle d’État pour décider du budget des administrations publiques (APU) (les budgets des collectivités locales et sécurité sociale n’échappent pas au contrôle de l’État). Mais soit.

JMH poursuit en déduisant de cela que la sphère non marchande produit de la valeur puisqu’elle valide socialement le travail : ainsi, dans le capitalisme non « chimiquement pur », une partie de la valeur n’est plus liée à la marchandise, mais à la valeur d’usage non marchande. Et cette grosse innovation théorique survient sans que jamais JMH ne se demande comment deux sphères de production de valeur, l’une capitaliste, l’autre non, peuvent produire deux valeurs qui s’expriment dans le même argent. Même en acceptant de faire l’impasse sur cette question, il y a encore deux difficultés : comment le travail dans les services peut-il être productif sans produire de plus-value, et d’où vient l’argent qui circule dans la sphère non marchande.

La première est résolue par un simple et subreptice glissement de définition : selon JMH, le travail productif de valeur n’est pas nécessairement destiné à nourrir l’accumulation de capital, il peut être acheté collectivement en vue de servir la société. Encore une innovation théorique d’importance : si la valeur produite dans la sphère non marchande est bien « au sens défini plus haut », une valeur qui a pour but la plus-value, c’est une valeur-capital et elle est génétiquement destinée à l’accumulation, car c’est « la loi et les prophètes » pour les capitalistes, nous dit Marx, et on peut difficilement accepter ce point de vue comme fidèle à son analyse. Et si le travail productif n’a plus besoin de produire de la valeur-capital, c’est totalement contradictoire avec la définition de départ.

La « solution » de JMH à la première difficulté consiste donc à redéfinir, tout en affirmant le contraire, la notion générale de travail productif : dans la sphère non marchande, écrit-il, le travail produit bien « de la valeur au sens défini plus haut », mais, continue-t-il, cette valeur n’est plus du capital, c’est désormais du revenu. S’il s’agissait de « construire une nouvelle catégorie, celle d’un travailleur ne produisant pas du capital mais du revenu », les fondations ne sont que du sable.

Elles reposent sur une idée assez baroque dans l’univers marxiste : le travail peut produire de la valeur sans passer par la production de valeurs d’usage marchandes, mais de simples valeurs d’usage dont la valeur ne serait pas destinée à l’accumulation. Il pourrait s’agir d’une valeur pré-capitaliste, celle d’une marchandise simple, mais cela ne concerne pas, par définition, la production non marchande. J’ai alors consulté mon vieux Manuel soviétique des années 50 : cette sorte de valeur produite par du travail « pour la société » ressemble à celle d’une collectivité socialiste sans propriété privée et en transition vers le communisme, mais cette valeur se rapportait à de la production marchande, sans doute par application du principe que la valeur concerne le marché (preuve que ce manuel est vraiment ringard). Il faut donc admettre que le travail qui produit des valeurs d’usage non matérielles et non marchandes, peut être un travail est productif.

Quoi qu’il en soit, une seconde difficulté est qu’il faut expliquer d’où vient l’argent. Dans la continuité du postulat précédent, JMH nous bricole une abracadabrantesque théorie d’un circuit de la création monétaire dans la sphère non marchande : les banques prêtent aux APU de quoi financer la production non marchande et la valeur-revenu créée et distribuée dans le circuit de l’économie du pays permet de collecter l’impôt qui remboursera le financement initial. JMH ne se demande pas comment la sphère non marchande paiera les intérêts (en produisant la valeur nécessaire ? mais alors elle exploite ses salariés !) ni comment se justifie cet intérêt, puisque les banques ne prennent aucun risque, l’impôt étant voté avant même que le travail soit effectué, et prélevé d’autorité.

À l’appui de sa « démonstration », JMH examine ensuite le cas des services et pose la question du musicien salarié de l’État (tiens le revoilà) et veut manifestement ignorer que Marx y a clairement répondu, probablement parce que Marx n’a pas eu l’idée du salarié producteur de revenu dans la sphère non marchande.

3) Le travail productif, un enjeu théorique et politique

À la fin de son commentaire, son plaidoyer en faveur de sa théorisation, montre clairement qu’elle est conçue pour servir un projet politique précis, qui est de « borner l’espace où le capital se valorise et élargir par décision démocratique l’espace monétaire non marchand ». Si on cherche une logique profonde à cette argumentation, on peut penser que cet élargissement est une solution « de la crise actuelle comme crise de production et de réalisation de la valeur… » : si on pouvait produire dans la sphère non marchande assez de valeur, on pourrait surpasser la crise. Mais il y a deux obstacles : la sphère marchande a besoin de tout marchandiser pour élargir l’accumulation de capital et la sphère non marchande peine à se financer (et là on comprend l’allusion de JMH à « la construction de l’euro et la confiscation de la politique monétaire » : sans ce carcan, c’est la banque centrale qui fournirait l’argent, gratuitement, « pour la société »).

La légitimation de cette stratégie alter-capitaliste repose donc essentiellement sur l’idée que le travail productif de valeur ne se cantonne pas à la sphère marchande, et encore moins à sa part industrielle. Mais il s’oppose fort justement à tout le courant « universaliste » qui considère que tout individu contribue à la vie sociale et veut donc, à la suite de Bernard Friot et quelques autres, rémunérer toute activité d’intérêt social, même exercée dans la sphère privée, en gros toute activité qui participe à la production et reproduction de la société. JMH essaie d’introduire un peu de matérialisme économique et borne le champ de cette conception en introduisant la validation sociale du travail, mais il reste fondamentalement dans le même champ théorique.

Car son bornage est ambigu : qu’entend-il par validation sociale du travail ? Par exemple, le travail bénévole dans des associations diverses, culturelles, sportives, etc., est parfaitement « socialement validé » par la décision collective de l’association d’en reconnaître l’utilité et de financer ses conditions d’exécution en prélevant des cotisations. Implicitement, la validation sociale collective ne concerne en réalité que le travail salarié, afin que la valeur puisse s’exprimer en argent et que JMH puisse la définir comme « expression monétaire du travail socialement validé ».

À ceux qui proposent de « transiter » (pour utiliser le langage des sectes) en « monétisant » l’ensemble de l’activité sociale, JMH oppose l’extension de la sphère non marchande déjà monétaire. Ce sont deux projets concurrents, tout aussi idéalistes et guère plus solidement fondé l’un que l’autre. In fine, le plaidoyer de JMH en faveur de sa « reformulation […] seule capable à [son] sens d’articuler les questions du travail, de la valeur et de la monnaie » n’est pas convaincant, car son traitement de la question sociale se situe largement à l’extérieur « de la matrice théorique léguée par la critique de l’économie politique de Marx et sa fameuse “loi de la valeur” ».

En effet, nul besoin d’introduire ces contorsions conceptuelles : les capitalistes achètent la force de travail en vue d’en tirer du profit en intégrant les besoins sociaux, ceux dont la satisfaction permet la reproduction sociale, et dans ces besoins sociaux, déterminés par la lutte des classes (luttes politiques, sociales, culturelles, etc.), il y a des besoins de services, ceux que le salarié achète directement et ceux que lui fournit la sphère non marchande. Le salaire brut intègre tout cela, les banques avancent aux capitalistes l’argent nécessaire, et le revenu distribué (salaire et profit) intègre les impôts et cotisations que collecteront les APU4. Nul besoin d’une sphère non marchande productive de valeur, sauf s’il s’agit de sauver le rapport de production capitaliste.

Plus largement, considérer que le travail dans les services est productif de valeur est aussi ce que font ceux, libéraux, qui tirent un trait sur l’industrie et misent sur la prétendue révolution numérique, l’innovation, etc., pour rendre à l’économie sa dynamique perdue. Mais c’est un fol espoir quand on sait que « la différence entre travail productif et improductif est essentielle pour l’accumulation, car seul l’échange [de l’argent-capital] contre le travail productif permet une retransformation de plus-value en capital »5. L’ubérisation de la société ne concerne et ne peut concerner que les services, ce ne peut pas être une alternative intra-capitaliste à la base industrielle de la société.

Il faut comprendre que l’industrie paie les services et que donc l’élargissement de la sphère des services non marchands pèse sur l’accumulation du capital. Quand le capital développe de forts gains de productivité, comme ce fut le cas dans l’après-guerre, le capitalisme est « keynésien », au sens où la politique conjoncturelle est efficace et où la dépense publique stimule la création de richesse. Par contre, quand lesdits gains s’essoufflent et que la baisse tendancielle du taux de profit finit par installer une crise réelle que les habituels contre-feux (mondialisation, financiarisation, etc.) ne peuvent plus éluder, les mécanismes keynésiens deviennent pervers. Alors, quand l’inflation s’installe et échappe au contrôle des autorités, la seule alternative à l’austérité est la sortie du capitalisme, une crise paroxystique pouvant ouvrir la voie à une vraie transition. En d’autres temps, le CNR avait programmé des « jours heureux », le capital triomphant des Trente glorieuses a pu étouffer l’espoir et retarder leur venue, mais l’heure de la République sociale sonne de nouveau.

 

  1. Dans la Lettre d’Espaces Marx Bordeaux Aquitaine de décembre 2013, n° 198, il présentait à peu près les mêmes arguments qu’ici contre mon article sur le rapport entre valeur et richesse,  publié dans ReSPUBLICA, sur la base d’une intervention aux Journées d’étude Espaces Marx-IEP de Bordeaux. []
  2. Principalement, les Théories sur la plus-value, et le Chapitre inédit du Capital, dans cette version numérique http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/capital_chapitre_inedit/capital_chapitre_VI_inedit.doc, deux textes dont de larges extraits sont regroupés dans l’édition de Marx dans La Pléiade, dans une traduction parfois assez différente de celle de Dangeville ou des Éditions sociales (Traduttore, traditore.) []
  3. Chapitre inédit, p. 98. []
  4. La part de ces impôts et cotisations qui finance la consommation collective de la force de travail et contribue à sa reproduction constitue le salaire socialisé ; en tant que frais de production, il vient en déduction du profit. []
  5. Chapitre inédit, p. 104. []
Protection sociale
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Panorama santé OCDE : le recul de la France

par Jean-Claude Chailley

 

Le Panorama de santé 2015 de l’OCDE compare les indicateurs santé 2013 des pays membres et parfois au-delà de l’OCDE.

En 2000 l’OMS déclarait : « la France fournit les meilleurs soins de santé généraux du monde ».
En 2014 l’European Community Health Indicator classait la France 11ème des pays européens. Ce recul est d’autant plus alarmant que tous les pays ont des « budgets contraints » cadrés par la politique austéritaire de l’Union européenne. D’ailleurs l’OCDE se déclare inquiète quant au futur pour de nombreux pays, dans le contexte d’augmentation et de vieillissement de la population

La place de 1er en 2000 résultait notamment de l’acquis représenté par la Sécurité Sociale que des générations ont défendue pied à pied. Les multiples contre-réformes n’avaient pas encore produit tous leurs effets.
Depuis on s’enfonce rapidement et pourtant les contre-réformes continuent, dont les lois Bachelot et Touraine, les coupes budgétaires du Pacte de responsabilité…
La santé, la Sécurité sociale sont particulièrement dans le collimateur, entre autres du Compte Personnel d’Activité – cf rapport de France stratégie  et rapport du Conseil d’Analyse Economique.
La lutte contre la régression, pour la reconquête, est plus que jamais d’actualité.

Vous trouverez ci-après des informations sur quelques critères importants du Panorama OCDE. Ils mettent à mal la propagande véhiculée par les médias.
Cette fiche peut être enrichie, notamment par les professionnels.
(Pour certaines données l’OCDE n’a pas l’information pour tous les pays, d’où le nombre variable sur lequel portent les classements : 43, 34…)

Personnel de santé

Infirmier(e)s

  • Nombre d’infirmiers en exercice par habitant (public et privé) : France 17ème sur 43.

  • La France est 20ème sur 34 en nombre d’infirmiers par médecin, alors qu’il y a aussi pénurie de médecins (voir ci-dessous)

  • Ça ne va pas s’arranger : la France est 20ème sur 34 en infirmiers nouvellement diplômés.

  • Relativement faible nombre d’infirmiers formés à l’étranger (12ème sur 23)

  • Rémunération à l’hôpital par rapport au salaire moyen temps plein, tous secteurs confondus : France 23ème sur 24 !

  • La France est un des 3 pays où le salaire infirmier est inférieur au salaire moyen !

  • Ce n’est pas parce que salaire moyen est trop élevé : en parité de pouvoir d’achat (qui corrige du coût de la vie dans les différents pays) la France est 20ème sur 29, en raison de la très faible augmentation des salaires depuis 2005

  • La profession est clairement sinistrée.

  • Le nombre anormalement faible d’infirmier(e)s explique que les RTT s’accumulent sans fin (sauf à les réduire ou les supprimer !).

  • On comprend que les questions du stress, de l’emploi et des salaires soient centrales !

  • Les usagers sont aussi concernés par la moindre disponibilité.

  • Médecins

  • Médecins en exercice par habitant : France 18ème / 43
    La France fait partie du petit nombre de pays au nombre de médecins en exercice constant depuis 2000 malgré l’augmentation de la population, alors qu’ailleurs il augmente souvent rapidement

  • Age. Fort pourcentage de médecins de plus de 55 ans : la France est 26ème sur 29.
    En raison du numerus clausus la France est 25ème sur 33 en nombre de nouveaux diplômés en 2013.
    Beaucoup de médecins âgés, peu de jeunes médecins, la pénurie va s’amplifier.

  • % de femmes médecins dans la moyenne OCDE

  • Il n’y a pas de sur-dotation en zone urbaine mais densité scandaleusement faible dans les zones rurales

  • Rémunération des médecins généralistes et spécialistes: la croyance que les médecins sont surpayés en France n’est pas vérifiée par l’OCDE
    (la rémunération des médecins est également comparée au salaire moyen temps plein du pays, tous secteurs confondus).

  • Rémunération des généralistes libéraux : France 9ème / 11 (pas de chiffre pour les médecins salariés) ; Evolution 2005 – 2013 la plus faible après l’Autriche sur 11 pays étudiés.

  • Rémunération des spécialistes libéraux : France 7ème sur 8 ;

  • Rémunération des spécialistes salariés : France 13ème sur 19.

  • Evolution depuis 2005 parmi les plus faibles également, notamment des généralistes.

  • Si le gouvernement veut vraiment faire « baisser le chômage », il ne manque pas de professions et services « en tension » dans la protection sociale.

    Consultations de médecins par habitant (généralistes et spécialistes)

    Les affirmations répétées sur tous les médias sur l’excès de consultations ne sont pas vérifiées :

  • la France est 20ème / 39 en consultations de médecins par habitant ;

  • la France est 20ème/ 38 en nombre de consultations par médecin, c’est-à-dire qu’en moyenne chaque médecin français a relativement peu de consultations.

  • Lits d’hôpitaux

  • Lits hôpitaux par habitant (y compris hôpitaux psychiatriques…) : France 10ème sur 42, avec faible pourcentage pour soins curatifs (dans un contexte de baisse partout dans l’OCDE depuis 2000).

  • France 15ème sur 24 en taux d’occupation (plus ou moins 75 %).

  • Durée moyenne de séjour France 4ème sur 34, en baisse partout depuis 2000.

  • Il est plus que temps d’arrêter les fermetures !

  • Dépenses de santé par habitant

    Les cris d’orfraie sur les dépenses de santé sur tous les plateaux TV ne correspondent pas non plus à la réalité :

  • France 12ème sur 44 (le montant n’est même pas la moitié de celui des USA) ;

  • la France est parmi les pays à augmentation faible des dépenses de santé depuis 2005 (certains pays ayant eu une baisse drastique depuis 2009 Grèce, Luxembourg, Irlande, Portugal…) ;

  • même en pourcentage du PIB la France est 6ème  et non pas 2ème après les USA comme on l’entend souvent (l’écart de classement 6ème – 12ème en 2013 prouve simplement que la politique qui a été menée en France entraîne des résultats économiques encore pires que dans les autres pays) ;

  • France 6ème sur 32 également en formation brute de capital fixe dans le secteur santé (investissements).

  • Dépenses pharmaceutiques (par habitant, médicaments sur ordonnance et produits en vente libre)

    Le matraquage sur le caractère anormalement élevé des dépenses de médicaments en France n’est pas vérifié non plus.
    Contexte de baisse très importante des dépenses pharmaceutiques dans l’OCDE depuis 2000 et brutale depuis 2009

  • Dans ce contexte France 9ème sur 29 ; En termes réels (hors inflation) il y a baisse en France depuis 2005. L’OCDE prévoit qu’elle se poursuive, donc que le classement recule.

  • France 8ème sur 33 en nombre de pharmaciens par habitant.

  • France 5ème sur 26 en pourcentage de part publique des dépenses.

  • Consommation de médicaments

  • La surconsommation de médicaments n’est pas vérifiée non plus, y compris des antidépresseurs

  • 9ème sur 26 en hypertenseurs (lire 17 pays ont des doses supérieures par habitant et par jour) ;

  • 9ème sur 27 en anticholestérol ;

  • 17ème sur 27 en antidiabétique ;

  • 13ème sur 28 en antidépresseurs (a augmenté depuis 2000. Lien avec le chômage… ?) ;

  • 29ème sur 31 en antibiotiques dont la consommation reste forte.

  • Recherche et développement

    Secteur pharmaceutique privé, lucratif ou non, réalisé dans chaque pays (et non par origine du financeur)

  • France 11ème sur 32 en pourcentage du PIB.

  • Peu de recherche en France. Les salariés de Sanofi – entreprise pourtant très profitable – ne seront pas surpris.

  • Sécurité des patients : inacceptable !

    Complications chirurgicales. L’OCDE aborde la question souvent occultée des décès dus à des erreurs médicales qui pourraient être « supérieurs à ceux des accidents de la route ou du cancer du sein ». Peu de données pour la France, mais c’est un vrai sujet.

    Etat de santé

  • Espérance de vie à la naissance : France 5ème sur 44.

  • France 2ème / 39 en espérance de vie à 65 ans, mais 10ème sur 24 en années de vie en bonne santé à 65 ans.

  • Faible mortalité par crise cardiaque (France 2ème sur 34), par maladie cérébrovasculaire (France 3ème sur 34).

  • Cancer fréquent en France (26ème sur 34), avec forte mortalité (18ème sur 34), surtout chez les hommes.

  • France 16ème sur 34 pour la mortalité due aux transports, nettement plus fréquente pour les hommes. En baisse rapide dans tous les pays.

  • Fort taux de suicide : France 27ème sur 34, chez les hommes particulièrement.

  • France 23ème sur 34 en mortalité infantile.

  • Plus de 65 ans :

  • espérance de vie à 65 ans : France 2ème sur 39 (espérance de vie : femmes 24 ans, hommes 19 ans) ;

  • années de vie en bonne santé à 65 ans : France 10ème sur 24 (10/11 ans) ;

  • France 11ème sur 25 en pourcentage des plus de 65 ans ayant des limitations dans les activités quotidiennes  (soit environ 50 %); France 14ème sur fortes limitations aux activités quotidiennes ;

  • démence (Alzheimer…) : France 4ème / 40 (principalement après 85 / 90 ans) ;

  • aidants informels chez les plus de 50 ans : France 5ème sur 17 (dont 63 % de femmes). Près de 80 % d’aide quotidienne ;

  • lits pour soins de longue durée pour 65 ans et plus : France 8ème sur 31. Depuis 2000 augmente en établissements de long séjour, baisse à l’hôpital ;

  • dépenses « publiques » (inclut la Sécu dans le vocabulaire OCDE / UE) de soins de longue durée en % du PIB : France 7ème sur 26.

  • Quelques déterminants de santé :

  • tabac encore beaucoup de fumeurs : France 36ème sur 44 ;

  • et trop d’alcool : France 38ème / 44 ;

  • faible consommation de fruits et légumes : France 24ème sur 29 ;

  • obésité : France 14ème / 44.

  • (Il y a d’autres déterminants de santé non étudiés, en gros le niveau de vie)

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    • hégémonie culturelle
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    Comprendre la nouvelle étape nécessaire tant en Amérique latine qu’en France

    par Bernard Teper

     

    Pendant quelques années, les succès de la gauche latino-américaine ont suscité l’enthousiasme de la gauche française voire européenne. Après cet enthousiasme, voici venu le temps des déceptions. Nous avons commencé à analyser la défaite bolivarienne au Venezuela. Une fois retombés les émotions, les enthousiasmes et les déceptions, une seule solution, l’analyse concrète de la situation concrète. Déjà, nous devrions savoir qu’aucune exportation d’un changement social et politique n’est possible. Et lorsqu’il y a reflux et que les émotifs ne peuvent plus tenter d’importer des solutions qui viennent d’ailleurs, il ne nous nous reste plus que cette analyse concrète de la situation concrète.
    Pour le cas de la France, nous avons également analysé ici depuis quelques semaines le mouvement de décomposition de la gauche de la gauche française qui appelle un sursaut pour construire enfin une gauche de gauche à la place d’une gauche de la gauche moribonde.
    Comme toujours, ici et là-bas, il faut tirer les enseignements pour poursuivre la lutte. D’abord, il convient de critiquer la ribambelle de textes dithyrambiques, au-delà du raisonnable, qui ont proliféré à chaque victoire électorale d’un gouvernement sud-américain ou européen. Il faut raison garder.
    L’arrivée de la gauche de gauche dans un gouvernement est nécessaire mais insuffisante pour mener la transformation culturelle, sociale et politique souhaitée. Ici comme là-bas ! Gouvernement et pouvoir ne sont pas synonymes. Le pouvoir se gagne avec l’aide du gouvernement soit mais grâce à une gigantesque bataille culturelle que la gauche de la gauche française ne mène pas sérieusement.
    Pour cela, il faut autonomiser le peuple des bases d’appui du néolibéralisme. Cela ne peut pas se faire uniquement par le mouvement d’en haut comme sont menés aujourd’hui les politiques des directions de la gauche de la gauche française. Il faut l’articuler avec le mouvement d’en bas, mouvement de participation consciente et active des bases populaires dans le processus de changement. Cela demande de nouvelles pratiques sociales ascendantes et non uniquement descendantes comme le sont les hypocrites séances de démocratie participative durant lesquels le mouvement d’en haut décide seul après manipulation. Cela demande de rompre le fossé entre le maximalisme du projet enthousiaste de quelques uns et le minimalisme désuet des réalisations qui alimente le défaitisme et la lassitude. Pour cela, les militants ne doivent plus être extérieurs au peuple mais vivre dans les processus populaires où se mènent les combats culturels et politiques.

    Faire une pause pour effectuer une analyse concrète de la situation concrète

    Tout mouvement social ou politique pour analyser l’histoire, le passé récent, le présent et les nouvelles tâches pour l’avenir. Inutile de continuer indéfiniment l’activisme perdant de la période passée mais s’appuyer sur ses points forts. Reprendre les questions que se posent les peuples et principalement les couches ouvrières et employées : le chômage, la précarité, le pouvoir d’achat, l’école, les services publics, la protection sociale, la nation, l’Europe, la laïcité (plus souvent souhaitée par les couches ouvrières et employées mais beaucoup moins par les couches supérieures radicalisées qui fournissent les élites politiques plus influencées quant à elles par le relativisme culturel, le communautarisme, et les politiques concordataires ), le modèle politique souhaité, et les mettre en corrélation avec les lois tendancielles du capitalisme et les politiques néolibérales pour les contrecarrer. Puis présenter les tâches de l’heure comme des nouveaux défis.

    Changer les habitudes culturelles

    Il faut arrêter de confondre un conquis social avec un acquis social définitif. Ambroise Croizat l’a suffisamment répété à la veille de sa mort. Un conquis social demande une lutte pour son maintien et plus pour son développement. On ne peut plus défendre un conquis social si on n’accélère pas le processus de changement qui seule peut garantir et les maintiens des conquis sociaux et les amplifications de ces derniers. Voilà pourquoi nos conquis sociaux partent en quenouille. Il faut accepter le fait qu’un conquis social ne vaut que si le peuple est capable de le défendre en accentuant le processus de changement. Conserver un conquis social ne se fait pas par une attitude défensive mais bien en accentuant le processus de changement. Non pas par des alliances contre-nature, spécialité des élites du mouvement d’en haut, mais bien par une participation de plus en plus consciente, active, et réfléchie des citoyens.
    Donc il faut renforcer les nouvelles pratiques ascendantes d’éducation populaire de conscientisation, d’émancipation et d’augmentation de la puissance d’agir. Lier l’action populaire et l’éducation populaire alors que la majorité de la gauche de la gauche néglige (pour ne pas dire plus) l’éducation populaire et pratique les actions dans l’entre soi et non dans le peuple. Mais comme tout cela ne peut se faire uniquement dans la spontanéité, il faut une solide organisation dotée d’une théorie explicative du monde, d’une stratégie de l’évolution révolutionnaire articulant les projets de temps court avec les objectifs de temps moyen et temps long et enfin d’un projet politique anticapitaliste, de type république sociale pour le peuple, élaboré par le peuple lors des débats au sein du peuple. Tout cela demande beaucoup d’organisation dans les mouvements de lutte.

    Mener la bataille gramscienne de l’hégémonie culturelle et  la gagner sous peine de rester impuissant

    Il faut arrêter de se tromper sur les réalités objectives et subjectives des différents acteurs du peuple.
    Nous ne pouvons pas développer ici l’entièreté des réalités objectives et subjectives que nos intervenants de Respublica et du Réseau Education Populaire peuvent présenter si on les invite dans une réunion ad hoc.

    Mais on va ne prendre qu’un exemple qui nous vient à l’esprit après lecture de l’étude de l’INED (Trajectoires et Origines, plus de 600 pages, janvier 2016). De cela il ressort une double conclusion qui prend à revers les pratiques et les discours de la majorité de la gauche de la gauche :
    1) L’adhésion des Français de la deuxième génération à la France est massive : 93 % sont d’accord avec des formules comme : « je me sens Français» ou « je me sens chez moi en France ». Ce sentiment est largement partagé par les immigrés, même lorsqu’ils n’ont pas la nationalité française (47 %des immigrés étrangers disent se sentir Français
    2) Même s’ils adhèrent massivement à leur nouveau pays, les personnes d’origine étrangère se heurtent souvent à un « déni de francité »par la société.
    Conclusion : pour éviter de sombrer dans la décomposition, il faut arrêter de faire chorus uniquement avec les 7 % restants qui sont les seuls dont s’occupe la majorité de la gauche de la gauche. Voilà pourquoi il faut développer une ligne stratégique de type République sociale (pour répondre au point 1) tout en développant un anti-racisme laïque (pour répondre au point 2).
    Sur la question religieuse, l’étude de l’INED pointe que les athées et les agnostiques seraient 49 %, les « détachés » de la religion seraient selon l’étude 62 % et si on y ajoute les personnes à religiosité modérée, le pourcentage monte à 95 % ! « Figurant dans la liste des traits proposés pour se définir, la religion a rarement été choisie par les enquêtés : 7 % seulement y font référence. Témoignant de l’actualité de la religion dans leur vie, les immigrés et leurs descendants sont 21 % à la citer. La place de la religion comme trait identitaire atteint 28 % pour les immigrés du Maghreb et 26 % pour ceux de Turquie.
    Là encore, si l’influence de la religion est quatre fois plus forte chez les immigrés du Maghreb et de Turquie que pour les autres français, il faut raison garder. Cela ne touche pas 72 %des immigrés du Maghreb et 74 % des immigrés de Turquie.
    Conclusion : contrairement aux pratiques de la majorité de la gauche de la gauche qui ne s’intéresse pas à l’ensemble du peuple (ne pas s’intéresser aux 93 % des Français immigrés qui se sentent français et au 79 % des immigrés pour qui la religion n’est pas structurante est une impasse pour qui souhaitent une transformation culturelle, sociale et politique), nous devons prendre en compte cette réalité subjective pour défendre enfin une ligne de type République sociale avec la laïcité comme pierre angulaire et mener une action anti-raciste conséquence pour lutter contre les « dénis de francité » qui sont, d’après l’étude de l’INED, massifs.
    Sur ce dernier point l’entièreté de la gauche de la gauche est déjà sur ce chantier. Ouf ! Il y a au moins ce point qui est positif ! On ne dira jamais assez que l’application du principe de la laïcité dans sa définition historique permet plus de liberté pour tous, c’est-à-dire pour près de 100 % de la population. Voilà pourquoi ce principe de laïcité est un principe émancipateur d’une grande importance face aux accommodements déraisonnables (prônés par les solfériniens néolibéraux, son Observatoire dit de la laïcité et bien sûr par la majorité des responsables de la gauche de la gauche qui soutiennent l’observatoire néolibéral de la laïcité) qui augmenteraient certes la liberté d’une infime minorité obscurantiste mais qui la baisserait pour tous les autres. N’en déplaise à la majorité des intellectuels de la gauche de la gauche qui poussent les militants à s’engouffrer dans une impasse qui ne favorise que le mouvement réformateur néolibéral. A leur corps défendant, ce qui est encore pire pour des intellectuels !
    En dernier lieu il faut refuser l’idéologie culturaliste (les musulmans seraient, par essence, hostiles à la République) tout comme l’irénisme multiculturaliste (il faudrait accepter toutes les pratiques culturelles au nom de la culpabilité post-coloniale). Une fois que ces choses sont admises, la voie vers la République sociale est ouverte.

    La participation organique du peuple, un des facteurs centraux du chemin de l’émancipation

    Il faut en finir avec un XXe siècle où les militants pensaient qu’il fallait « pondre » un programme détaillé et le soumettre au bas peuple pour être élu. On doit considérer cela comme Capri : c’est fini ! Les programmes détaillés réalisés sur le coin d’une table par des bac + 35 sortis des écoles de l’élite bourgeoise favorisent la croissance du fossé entre l’appareil militant indispensable et le peuple. Il n’est pas dans notre propos de dire que le rôle des militants n’est plus mais au contraire que le rôle des militants est de plus en plus grand à condition qu’il fasse ce qu’ils doivent faire pour aller sur le chemin de la révolution et non se faire plaisir pour aller dans l’impasse ! Aujourd’hui, la majorité des responsables et des militants ont tort de croire que les pratiques sociales et politiques du XXe siècle sont immortelles ! Il faut donc qu’ils changent sauf à vouloir alimenter des zoos où on pourra voir des responsables et militants vivants qui développent des pratiques inefficaces au XXIe siècle ! Certains pourraient rétorquer que le peuple aussi peut se tromper (les Allemands qui ont voté pour le le IIIe Reich, etc). Très juste. Mais là, il faut justement être capables de remettre en cause les pratiques sociales et politiques des appareils militants qui n’ont pas été efficaces pour éviter le recul de l’émancipation. Les intervenants de Respublica et du Réseau Education Populaire ont l’habitude de montrer dans les réunions publiques alors les erreurs des stratégies des appareils militants (stratégie communiste dite de la 3e période appelée classe contre classe, gauchisme de la plupart des trotskismes, incapacité des partis socialistes de sortir des impasses bourgeoises, incapacité des partis de gauche (sauf Jaurès et c’est sans doute pour cela qu’il a été assassiné par l’extrême droite nationaliste et catholique ) de penser la transformation des appareils militaires et policiers de l’Etat en période de transition, incapacité de la gauche (Jaurès mis à part) de savoir quand il faut lutter contre la guerre et quand il faut la faire, etc. Nous ne dirons jamais assez de ce point de vue la pertinence de la stratégie jaurésienne de l’évolution révolutionnaire reprise de la pensée de Karl Marx (1850) toujours peu étudié par les appareils militants actuels qui leur préfèrent des stratégies que l’histoire montrent largement perdantes quand on évalue par rapport au chemin de l’émancipation humaine et non par rapport au romantisme dit révolutionnaire !

    Cela ne signifie aucunement que nous ne reconnaissons pas le rôle des « leaderships » individuels. Au contraire ! Tout dépend de leur ligne stratégique ! S’ils estiment savoir ce qui est bon pour le peuple contre le peuple, qu’ils aillent au diable ! S’ils utilisent leur charisme pour convaincre le peuple et les appareils militants de leurs rôles respectifs articulés et dialectiquement liés dans la bataille de l’émancipation, c’est du bonheur indispensable !

    C’est là que l’éducation populaire devient indispensable. Mais attention, l’éducation populaire, ce n’est pas le discours sans fin des bac + 35 de l’élite militante expliquant au bas peuple la voie royale ! C’est un processus culturel qui vise la transformation sociale et politique pour que chaque citoyen devienne acteur et auteur de sa propre vie ! Devenir acteur et auteur de sa propre vie ne se résume pas à applaudir une star militante comme certains applaudissent les stars du showbiz ! Même avoir raison contre le peuple ne sert à rien ! Si le peuple à tort, il faut alors engager un processus d’éducation populaire pour développer le débat en son sein pour que chaque citoyen développe son esprit critique et non sa soumission par rapport à tel ou tel leadership. Des peuples sans autonomie ou avec des convictions qui tournent le dos au chemin de l’émancipation subiront des défaites. Voilà pourquoi il faut débattre sur les défaites en France de 1967, 1973, 1983, 1986, 1992, 1993, 2002, 2007, 2013, 2014, 2015. Les leaderships sont indispensables à condition qu’ils ne soient pas considérés comme devant remplacer les choix populaires et la participation active et raisonnée du peuple. Le rôle d’un leadership est de faire progresser le peuple par l’argumentation raisonnée, de convaincre à un moment donné à la nécessaire rupture dans les pratiques sociales et politiques des militants qui le suivent, mais sûrement pas à prédire le paradis. Laissons aux clercs le soin de montrer, si elle existe, la route du paradis !

    Mettre en débat un processus de transition vers un nouveau mode de production dominant

    On ne peut pas rassembler le peuple uniquement sur des slogans contre ce que font les néolibéraux. Parce qu’aujourd’hui, nous avons une tâche supplémentaire à faire, celle d’expliquer que le volontarisme néo-keynésien du mouvement alter n’est plus possible à cause du niveau de la crise du capital et du profit dans l’économie réelle. Il faut donc penser un autre modèle et donc un processus de transition vers celui-ci que nous appelons le processus de la République sociale.

    Construire une nouvelle gauche de gauche

    Devant la décomposition de la gauche de la gauche française, nous avons besoin d’un surgissement d’une gauche de gauche qui rassemble sans cartel anti-démocratique, qui prenne en compte les réalités objectives et subjectives du peuple et non les habitudes culturelles des « alter », qui s’appuie sur des positions offensives sur le social, le féminisme, la laïcité, l’écologie, la lutte contre les inégalités sociales de toutes natures, et donc sur le projet d’une République sociale. Par ailleurs, on ne peut continuer que de réagir par rapport à l’agenda des néolibéraux de droite ou de gauche ou du Front national, le camp populaire doit partir de ses besoins pour imposer à terme son propre agenda. Ce point est crucial pour une gauche de gauche. Sans ce point, il n’y aura jamais d’alternative car ce sont les adversaires qui imposent leur agenda. D’autre part, il faut mettre fin au raisonnement binaire « blanc-noir » pour imposer pendant la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, la création des bases d’appui, de la guerre de positions et de la guerre de mouvement. Toujours par des procédés démocratiques. Toujours en pensant global. En se protégeant à tout moment du gauchisme, du volontarisme imbécile, du solipsisme, du fatalisme, du sectarisme, du groupuscularisme, de la marginalisation. Toujours en pensant que l’adversaire est prêt à tout.

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    Fin des financements publics pour Civitas : retour sur une campagne victorieuse

    par Nicolas Gavrilenko

     

    Après trois années de mobilisation, l’UFAL vient d’obtenir que l’Institut Civitas ne puisse plus délivrer des reçus fiscaux permettant une réduction d’impôts à ses donateurs et se fasse redresser de 55 000 € pour les reçus au titre des dons émis depuis notre alerte.
    Nous vous proposons de revenir sur cette campagne contre le financement de l’Institut Civitas, qui est une officine catholique d’extrême droite, dans le giron des Lefebvristes de la Fraternité Saint-Pie X, et qui s’est fait connaître du grand public lors des manifestations contre le projet de loi autorisant le mariage pour les personnes de même sexe.

    L’Institut Civitas, des croisés en terre républicaine

    L’Institut Civitas se place de lui-même en dehors du cadre républicain et laïque puisqu’il se décrit comme « un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier. »
    Ces « nouveaux fous de dieu », comme l’a écrit Luc Chatel dans un ouvrage que nous avons recensé, se voient tels des croisés en terre impie investis d’une mission divine qui vise à mettre à bas la République, modèle « à l’opposé du christianisme » tel qu’ils l’entendent.

    Issu de la nébuleuse Lefebvriste et de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, c’est-à-dire de la branche la plus réactionnaire et intégriste du catholicisme français (et belge), l’Institut se donne pour objectifs, dans une perspective gramscienne (sic), la formation politique, la diffusion de son message, l’entrisme dans les lieux du pouvoir économique (comme l’Opus Dei) et l’action concrète.

    Non au facholicisme ! Soutien aux Femen et à Caroline Fourest

    C’est lors de l’une de leurs « actions concrètes », que le grand public les découvre haineux et violents grâce au courage des Femen.
    En effet, le dimanche 18 novembre 2012, se déroule une manifestation qui regroupe les opposants à l’ouverture du mariage, opposants qui trouvent la Manif pour Tous trop timorée ! Derrière les bannières de Civitas, l’extrême droite traditionaliste défile avec des slogans ouvertement homophobes. C’est pour dénoncer cela que les Femen organisent une action sur le parcours de Civitas. Les services d’ordre de Civitas et du GUD vont réagir de manière extrêmement violente, tabassant les militantes jetées au sol, les pourchassant au cri d’un abbé appelant ses nervis à leur « montrer leur virilité » et s’en prenant au passage à des journalistes, dont Caroline Fourest, qui assistaient à l’action des Femen.

    L’UFAL, proposant le néologisme de « facholicisme » pour qualifier ces actes, réagit le soir même par communiqué en solidarité avec les « victimes [qui]manifestaient pacifiquement leur soutien au mariage pour tous, ou faisaient leur travail de journaliste. »

    À la suite de ces évènements, de multiples voix se sont élevées pour appeler à la dissolution de Civitas et du GUD. Nous comprenons ces appels. Mais compte tenu de la situation de faiblesse dans laquelle le gouvernement s’est mis face aux opposants à son projet de loi, nous considérons qu’il n’osera pas dissoudre ces mouvements et prendre le risque d’alimenter la contestation.
    Forts de notre connaissance du financement de Civitas et des règles fiscales concernant les associations, nous décidons de lancer une campagne pour les toucher au porte-monnaie.

    Stop au financement public de Civitas !

    L’Institut Civitas, pour se financer, appelle aux dons. Jusque-là rien de répréhensible, toutes les associations peuvent le faire. Mais en échange de ces dons, l’officine proposait de remettre des reçus fiscaux qui permettent aux donateurs (particuliers ou entreprises), de déduire 60 à 66 % des sommes payées de leurs impôts (sur le revenu pour les particuliers et sur les sociétés pour les entreprises). Or, cette mesure fiscale est une forme indirecte de financement public : l’État laisse aux contribuables la possibilité d’allouer des fonds à des associations, fonds qui auraient dû finir dans son budget. À ce titre, cette libéralité est encadrée par les articles 200 et 238 bis du Code Général des Impôts, qui décrivent les cas où cela est autorisé. Au vu de l’objet des statuts de Civitas, déposés en préfecture, de son discours et de ses actions, il était manifeste que l’association ne correspondait à aucun de critères prévus, même celui d’intérêt général, pourtant large, et agissait donc de manière illégale.

    L’UFAL décide donc de lancer une pétition appelant le gouvernement à se pencher sur les pratiques fiscales de CIVITAS et demandant que le ministre de l’Économie et des Finances prenne les mesures nécessaires pour que cela cesse.

    Cette pétition est lancée le 29 novembre 2012 et recueille rapidement des milliers de soutiens et des signatures de personnalités. Jean-Jacques Candelier (député du Nord, PCF), signataire de notre pétition, porte cette question à la connaissance du Ministère des Finances lors de la séance de l’Assemblée nationale du 11 décembre 2012.

    Le 29 janvier, l’Institut Civitas organise une prière de rue devant l’Assemblée nationale le jour du dépôt du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, avec comme mot d’ordre « la loi des hommes doit se plier à la Loi de Dieu ! »
    Le 7 février 2013, l’UFAL écrit au ministre délégué au Budget, M. Jérôme Cahuzac, pour porter à sa connaissance les faits et demander des informations. Son Chef de cabinet, Mme Valente, nous répond que le ministre a prescrit un examen attentif à cette question.
    En mars 2013, la plateforme de mobilisation pour l’égalité des droits, AllOut, nous contacte et décide de lancer également une pétition. Le président de Civitas, Alain Escada, confirme à un journaliste qu’il n’a pas fait de demande de rescrit à l’administration fiscale et qu’il a donc décidé de lui-même que son mouvement était d’intérêt général. Civitas se plaint de l’UFAL et de « [sa]traque au financement des associations de la résistance catholique (…) l’UFAL [ayant]fait appel à toute la clique des “bouffeurs de curés” : gauche caviar et extrême gauche, frères trois-points et lobby homosexuel, avorteurs et propagandistes de l’euthanasie ». Nous lui répondons à travers un nouvel article  : « Civitas, la preuve par le fait » démontrant l’ineptie de leur discours.
    Avril 2013, la loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe est votée, l’UFAL salue cette avancée vers l’égalité, malgré ses limites, et dénonce de nouveau les méthodes de Civitas.
    Janvier 2014, toujours grâce aux impôts des citoyens, l’Institut Civitas porte plainte contre les Femen avec un argumentaire essayant de remettre le délit de blasphème au goût du jour. Puis l’Institut s’essaie à la censure télévisuelle avec pour objectif de faire déprogrammer un film, Tomboy, qui sera heureusement diffusé par Arte en février avec des audiences dopée par la polémique.
    Le 4 avril 2014, l’Institut Civitas, ivre de son impunité, s’en prend violemment à Manuel Valls qui vient d’être nommé Premier ministre. Remettant à l’honneur les diatribes des ligues factieuses des années 30 :

    • l’anti-bolchévisme primaire, Civitas parlant de « Valls le rouge » (sic) et de « dictature socialiste » ;
    • l’emprise judéo-maçonnique, puisque M. Valls est présenté comme étant « l’homme du CRIF » et son gouvernement comme « celui de la franc-maçonnerie » ;
    • la distinction chère à Maurras entre « pays légal et pays réel » ;
    • la France éternelle souillée par les « guillotineurs de 1789 » et« la République ».

    Toujours en avril 2014, on apprend que la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, dont Civitas peut être considéré comme la branche politique, se croit également au-dessus des lois, jugeant en interne un prêtre, sans porter l’affaire devant la justice des hommes, prêtre qu’elle punit de deux ans de couvent. Las, il est rattrapé par la justice de la République, et est écroué accusé de « viols, tortures et actes de barbarie sur trois enseignantes d’écoles de la Fraternité ».
    Le 9 décembre 2014, essayant de faire de la surenchère suite à la décision de Robert Ménard d’installer une crèche de la nativité dans sa mairie de Béziers, et marquant à sa manière cette date anniversaire de la loi de 1905, Civitas parvient à installer une crèche religieuse au sein du Parlement européen de Bruxelles. Soutenue par des élus d’extrême droite, et portée par la réception officielle du pape par le parlement quelques jours plus tôt, la crèche ne sera démontée que trois jours plus tard.

    Victoire ! Civitas ne se financera plus avec nos impôts !

    La conclusion de cette campagne arrive le 29 janvier dernier : Alain Escada, président de Civitas, annonce que l’Institut vient de subir un contrôle et un redressement fiscal. L’administration fiscale valide donc notre argumentaire : Civitas ne pouvait pas émettre de reçus fiscaux. L’association qui n’a pas tenu compte de notre campagne, qui aurait pu constituer un avertissement pour elle, a continué pendant 3 ans à émettre des reçus et fait donc l’objet d’un redressement de 55 000 € d’amende.1
    L’Institut s’est bien sûr empressé d’y voir « un complot de la République maçonnique », là où nous y voyons une victoire du droit.

    L’UFAL salue cette victoire, obtenue après 3 ans de bataille et grâce à nos 16 000 soutiens que nous remercions vivement. Nous espérons que cela limitera la portée de leurs méfaits, mais nous resterons vigilants.

    1. Sur la base du calcul de l’amende prévue par la loi, qui correspond à 25 % des sommes perçues et ayant fait l’objet de reçus indus, cela correspond à la perception de 220 000 € de dons sur cette période. Les réseaux catholiques intégristes ont des moyens ! []
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    Le livre de R. Debray et D. Leschi : « La laïcité au quotidien »

    par Catherine Kintzler

     

    Nous remercions Catherine Kinzler de nous autoriser à reprendre sa recension du « guide pratique », La laïcité au quotidien, de Régis Debray et Didier Leschi. Ce compte rendu montre l’intérêt pour l’éducation populaire de ce petit livre qui associe  de façon condensée, claire et circonstanciée,  les nécessités pratiques d’un « Que faire ? »  aux besoins d’éclaircissements d’un « Qu’en penser ? ». Les remarques critiques que Catherine Kintzler  adresse au livre de Debray et Leschi confirment que l’esprit et le militantisme laïques se nourrissent de discussions exigeantes et fraternelles, loin des anathèmes médiatiques. Ainsi, sans méconnaître la complexité juridique et politique du problème, nous partageons le regret de Catherine Kintzler d’une prudence excessive  des auteurs du livre sur la question des manifestations religieuses à l’Université. Car des faits convergents et des situations persistantes devraient inciter tous les laïques à rechercher des réponses pour protéger à l’Université et dans  les Écoles supérieures, l’enseignement et la recherche. Cet enjeu majeur confirme que la loi du 15 mars 2004  relative à l’école publique, ne vise pas seulement à protéger des enfants et des adolescents des pressions religieuses mais à autoriser dans les écoles, les collèges et les lycées publics l’enseignement des connaissances fondamentales, dans un climat serein et apaisé. En revanche,  il ne nous semble pas qu’il y ait urgence politique à contester la loi Gayssot, qui sanctionne la négation de faits avérés et jugés par le Tribunal de Nuremberg, cette loi étant venue en renforcement de dispositions juridiques existantes visant à lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Il y aurait lieu, par contre, pour les républicains et pour la gauche, de réactiver le combat culturel, universaliste et indivisible,  contre le racisme.
    Pierre Hayat

    Régis Debray et Didier Leschi se sont associés pour proposer ce petit « guide pratique » La laïcité au quotidien (Folio, 2015). À travers 38 questions classées en entrées alphabétiques, c’est autant un guide sur « ce qu’il faut faire » qu’un exercice du jugement, lequel fait appel à la loi et aussi au bon sens.

    Il s’agit de « mettre cartes sur table » afin de donner, en des cas délicats ou difficiles, de quoi « trancher ». Le feuilletage du petit volume est déjà en lui-même instructif pour tous ceux qui s’imaginent que la laïcité se borne à la loi de 1905 de séparation des églises et de l’État. Les dispositions laïques ne sont figées ni à cet objet ni à ce moment. Elles vivent, se développent et concernent de nombreuses situations, entre autres : funérailles, séjour à l’hôpital, mariage, liberté d’expression, protection de la recherche, distinction entre injure et blasphème, droit de mourir dignement, droit du travail, présence des magistrats à des cérémonies religieuses, bâtiments publics…

    Guider cette « laïcité au quotidien », tel est l’objet du livre, mais donner aussi de quoi penser – et cela en contradiction plutôt amusante avec un affichage anti-intellectualiste coquettement affirmé p. 9 : pour sortir de l’infinité des débats, substituons un « que faire » à un « qu’en penser ? ». Le recours à la loi n’est pas un prêt-à-penser, comme le montre bien l’article « Mariage », qui soulève de manière subtile la question de l’antériorité chronologique du mariage civil sur un éventuel mariage religieux comme une forme d’ingérence – cela mérite méditation. Du reste nos deux auteurs savent bien que recourir à la loi suppose qu’on en rende compte. Cela suppose aussi une volonté politique ferme et éclairée que le livre ne se cache pas d’appeler.

    Or chacun des « cas » pratiques abordés dans ce petit volume, loin de dire sèchement « ce qu’il faut faire » en présentant une grille toute prête, propose la construction réfléchie et commentée d’un jugement, qu’il s’agisse de l’application directe d’un texte juridique ou d’un jugement de bon sens s’effectuant sur le modèle d’une jurisprudence qui produit ses principes en accord avec la loi.

    Un exemple permettra de caractériser cette double démarche et montre que les enjeux de pensée ne sont pas congédiés. L’article « Jupe longue » aborde le cas des fameuses robes1 que certaines élèves portent à l’école. A-t-on affaire à des signes ostensibles d’appartenance religieuse qu’il faudrait alors interdire dans le cadre de l’école publique ? Or la loi du 15 mars 2004, heureusement, n’énumère pas expressément les signes visés par l’interdiction. Elle le ferait qu’elle ne serait pas une loi, car ce serait particulariser des objets que les contrevenants auraient vite fait de contourner. Un signe est rarement lexical, absolu, mais presque toujours syntaxique et relatif, pris dans une continuité qui lui donne son sens. Le principe du jugement consiste donc ici à s’interroger sur l’existence d’une telle cohérence, d’une telle continuité : le port de cette jupe s’accompagne-t-il d’autres manifestations comme le refus d’assister à certains cours ? J’ajouterai : succède-t-il à des tentatives de port du voile ? C’est cette cohérence syntaxique qui permet de décider – et au passage, de constater que la loi est bien faite car elle invite à instruire chaque cas.

    On sait gré aux auteurs de remettre les pendules à l’heure à maintes reprises en remontant à des principes clairs pour instruire la démarche. Il en va ainsi de l’assistance de personnages officiels à des cérémonies religieuses (distinguer entre présence de courtoisie et participation effective). Il en va ainsi des accompagnateurs scolaires2. C’est ici la nature de l’activité (la distinction entre le scolaire et le périscolaire) qui permet de dépasser le brouillage compassionnel sur les « mamans voilées ». S’agit-il d’une activité scolaire, d’une sortie de l’école, organisée par l’école ? Il est alors clair que l’accompagnateur doit respecter la règle scolaire. On regrette, dans cet ordre d’idées, que les auteurs soient restés si tièdes sur la question des manifestations religieuses à l’université : s’il est clair que les étudiants, par définition majeurs, n’ont pas à être protégés les uns des autres autrement que par le droit commun, on ne peut ignorer que le travail d’enseignement et de recherche est gravement menacé, y compris à travers la personne des enseignants-chercheurs, et rendu impossible dans des cas déjà trop nombreux qu’il serait imprudent de minimiser.

    On leur sait gré aussi d’avoir mis hors-sujet, à la faveur du dernier article « Zèle », tout appel à une forme de religion civile : il n’appartient pas à la puissance publique d’ériger la loi en culte ; recourir au prêchi-prêcha des « valeurs » est une erreur sur la nature de l’association politique. De même (article « Histoire et mémoire »), il n’appartient pas à la loi de décider de ce qui est vrai et de pénaliser l’énonciation de ce qu’elle tient pour faux, pourvu qu’il n’y ait pas injure : car c’est rendre la recherche impossible, c’est disqualifier d’avance toute démarche hypothétique et donc l’idée même de vérité au sens scientifique. Mais alors pourquoi s’incliner (p. 89) devant la loi Gayssot, qualifiée pourtant de « dérogation à la liberté d’expression et de recherche » ? La justification invoque le passe-partout des contournements de la loi par la puissance publique : c’est qu’on peut tenir cette dérogation « pour une mesure d’ordre public »… Et pourquoi tempérer le bel article « Liberté de l’art » par une « observation » où la Shoah et Auschwitz sont présentés comme inclus dans une « zone de sacralité » comparable à d’autres formes de « sacré » : comme si ces faits, scientifiquement établis, étaient de l’ordre d’une croyance ?

    Les quelques remarques critiques faites ci-dessus ne doivent pas être de nature, toutefois, à détourner les lecteurs d’un ouvrage à la fois clair, pratique, réfléchi et écrit d’une double plume alerte. En s’imposant la concision, les auteurs se sont aussi obligés à retenir les cas les plus difficiles : en les éclairant, ils ne donnent pas des « recettes » de laïcité limitées à quelques « études de cas », ils fournissent des exemples d’exercice du jugement dont on sera bien avisé de s’inspirer.

     

    1. Voir sur ce site l’article de Marie Perret []
    2. Voir le dossier sur cette question. []
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    « La victimisation, ça suffit ! » dit Nadia Remadna

    La fondatrice de la Brigade des mères dénonce l’inaction des élus français quant à l’islamisme

    par Christian Rioux

     
    Pour illustrer la situation d’un département voisin et l’abandon du politique aux associations confessionnelles,  voir aussi l’article de Laurence Marchand-Taillade, présidente de l’Observatoire de la Laïcité du Val d’Oise : http://www.huffingtonpost.fr/laurence-marchand-taillade/ne-laissons-plus-personne-etre-accuse-de-sale-laique_b_8930762.html.

    La Rédaction

    « Un jour, ton fils de 13 ans, il arrive à la maison et il te dit : “ Maman, tu n’es pas une bonne musulmane parce que tu ne fais pas ce qui est écrit dans le Coran ! » Voilà le genre de situations que rencontre régulièrement Nadia Remadna. Dans les banlieues de Seine-Saint-Denis où elle travaille, cette mère qui a élevé seule ses quatre enfants se retrouve de plus en plus devant des mères désemparées qui ne savent plus quoi faire de leur fils. Avant, elles avaient peur qu’ils deviennent délinquants, aujourd’hui, elles ont peur qu’ils deviennent terroristes, dit-elle.

    « On dit que les jeunes se radicalisent sur Internet, mais ça peut arriver n’importe où : à l’école, à la mosquée ou dans une activité sportive, dit-elle. Dans nos banlieues, on voit de plus en plus de jeunes filles qui arrêtent l’école pour se voiler et s’enfermer à la maison. On voit des jeunes qui ne veulent plus dire “ je t’adore ” parce que, disent-ils, ce mot est réservé à Dieu. On est où, là ? »

    C’est parce que de telles scènes sont devenues quotidiennes qu’en juin 2014, Nadia Remadna a fondé la Brigade des mères. Oui, « brigade », comme dans « brigade des stupéfiants » ou « brigade antiterroriste ». Avec une vingtaine de ses semblables, elle intervient en banlieue parisienne pour tenter de régler les conflits scolaires, les problèmes de délinquance ou de violence familiale.

    Née en France de parents algériens, Nadia Remadna sait de quoi elle parle. À 13 ans, son père l’obligea de force à quitter son collège à Champigny-sur-Marne, près de Paris, pour aller s’enterrer avec lui à Bougaa, une petite ville près de Sétif, en Algérie. Il s’écoulera une bonne décennie avant que Nadia trouve le courage de se sauver pour retrouver la France et la liberté.

    Aujourd’hui, lorsqu’elle voit la grande noirceur qui opprime tant de femmes algériennes gangrener son propre pays, elle ne le supporte pas. C’est pourquoi elle a écrit un livre en forme de coup de poing (Comment j’ai sauvé mes enfants, Calman-Lévy) dans lequel elle dénonce l’inconscience des dirigeants politiques français qui s’accommodent des islamistes et ne cessent de victimiser les jeunes des banlieues françaises.

    À l’époque, dit-elle, « il n’y avait pas la ghettoïsation ethnique et religieuse qu’on voit maintenant. On était peut-être pauvres, mais il y avait un mélange. Il y avait les Italiens avec les Algériens et les Portugais. Aujourd’hui, les enfants sont enfermés dans la culture de leurs parents alors même qu’ils ne connaissent ni le pays de leurs parents ni leur propre pays, la France. Même que souvent, ils ont la haine de la France, une haine qu’on a soigneusement cultivée chez eux en leur disant sans cesse que les Français étaient racistes et méchants. Avec le temps, ils se sont enfermés dans cette haine. Moi, j’en veux aux politiques qui ont fait de nos enfants des gens qui sont toujours en train de revendiquer au lieu de se sentir français. J’en veux à ces politiques qui ont victimisé nos jeunes. »

    La laïcité compromise

    Tout au long du témoignage qu’elle publie avec un journaliste de l’hebdomadaire Marianne, Nadia Remadna raconte les nombreuses compromissions des élus de gauche de sa ville avec les islamistes pour acheter la paix. Elle montre comment ceux-ci se résignent souvent à ne pas appliquer les lois, à reculer sur la laïcité et comment, dès qu’arrive un drame, ils font appel aux leaders religieux pour rétablir la paix.

    Résultat, aujourd’hui, les islamistes harcèlent les filles qui ne portent pas le voile et insultent ceux qui ne respectent pas le ramadan. Bref, ils font de plus en plus la loi. « Les élus participent à cette ségrégation, dit Nadia. Ils nous enferment dans notre culture, dans notre tradition, dans notre religion. On est comme dans des prisons à ciel ouvert au lieu de se sentir français. »

    Nadia Remadna en veut aussi à l’école qui ne s’intéresse qu’aux « médiocres », écrit-elle, au lieu d’encourager les meilleurs et de récompenser l’excellence. Mais surtout, elle ne pardonne pas à cette école d’avoir « cédé sur la laïcité ».

    À partir des années 1990, de nombreux élus des banlieues difficiles ont encouragé ce qu’on appelait alors les « Grands Frères » ou les « médiateurs ». Il s’agissait, à l’aide de subventions à l’emploi, d’engager des jeunes issus des quartiers périphériques pour maintenir l’ordre dans les transports en commun ou dans les cités. Comme si l’État pouvait déléguer ses missions régaliennes à des organisations communautaristes.

    « Le mouvement des Grands Frères, ça a bousillé pas mal de choses, dit Nadia Remadna. Aujourd’hui, quand ils interviennent dans les quartiers, ils interviennent avec le Coran. » Avec les conséquences que l’on imagine pour les femmes.

    Le machisme intégriste

    « Dans les banlieues, de plus en plus, ce sont les hommes qui ont pris le pouvoir, dit-elle. Il y a un machisme intégriste qui s’est installé. Les femmes, elles, elles n’existent plus. Elles sont de plus en plus effacées. Il n’y a plus cette mixité qu’il y avait auparavant. Même dans les ateliers, les femmes font leurs activités de leur côté et les hommes du leur. Ce n’est pas ça, la France ! »

    Avec d’autres mères, Nadia Remadna a décidé d’organiser des rencontres afin d’« apprendre à ces femmes l’histoire de leur pays. On s’est rendu compte qu’elles ne connaissaient pas l’histoire de France, même si elles vivaient en France depuis 40 ans. On veut leur permettre de penser autrement en leur donnant des notions de droit ».

    Elle veut aussi faire reculer ce qu’elle nomme « le mal-islam », qui dit-elle s’est infiltré partout, et permettre aux familles de se réapproprier l’éducation de leurs enfants, en particulier l’éducation religieuse. Afin d’éviter que cette religion soit enseignée de l’extérieur et de permettre aux parents de demeurer libres de la transmettre ou pas.

    « Ça fait deux décennies que les politiques ne cessent de victimiser les jeunes, de leur faire croire qu’ils sont toujours discriminés, qu’ils sont partout l’objet de racisme et que si tu t’appelles Mohamed et habites Sevran personne ne lira ton curriculum vitae. C’est faux ! Le résultat, c’est que quand il ne reste plus rien, qu’on est au bout du rouleau, et bien, il reste la religion. Aujourd’hui, on en est là. Le point de départ pour s’en sortir, c’est d’appliquer la loi et d’arrêter de flirter avec les religieux. Mais pour cela, il faut un peu de courage. Juste un peu. »

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    "L'emploi à tout prix ?" Un séminaire de l'IES

    par ReSPUBLICA

     

    L’emploi à tout prix ? Bien qu’il ait commencé en décembre 2015, nous vous signalons les séances restant à venir de ce séminaire organisé par l’Institut Européen du Salariat (IES)

    Dans le discours politique, l’emploi est devenu un impératif catégorique. Si les moyens pour parvenir au plein-emploi peuvent diverger, l’objectif de plein-emploi, lui, fait figure de bien commun dépassant tous les clivages politiques et sociaux. Pourtant, la France n’a jamais été aussi loin du plein-emploi de tous et de chacun. D’un côté, le plein-emploi apparaît comme un objectif inconditionnel auquel on déclare s’attacher « à tout prix ». De l’autre, la promesse d’un emploi à part entière – stable et à plein-temps – pour les 6 millions de chômeurs apparaît comme un horizon inatteignable. On peut dès lors s’interroger sur le prix de l’emploi « à tout prix ». Comment historiquement le plein-emploi est devenu l’impératif qu’il est aujourd’hui. Quel est le prix de cet objectif d’emploi ? Quels en sont les effets sur la condition de salarié en terme de qualité de l’emploi et de protection sociale ? Quels en sont les effets en termes économiques ? En matière de finances publiques ? Peut-on par ailleurs parler d’une industrie de l’emploi avec l’émergence de secteurs entiers voués à « vendre » de l’emploi ? Enfin, des alternatives au plein-emploi émergent-elles du débat public avec les revendications de réduction du temps de travail, de flexi-sécurité ou de déconnexion plus ou moins radicale du salaire, du travail et de l’emploi ?
    http://www.ies-salariat.org/lemploi-a-tout-prix-seminaire-2015-2016/

    Le séminaire est ouvert à tous. Il se déroule à l’Université Paris Ouest Nanterre dans la salle de conférences du nouveau bâtiment à partir de la séance du mois de mars (bat. K). Contact : mgregoire@u-paris10.fr

    7 mars 2016 14h-17h
    L’emploi est mort, vive le travail ?
    Bernard Friot (Université Paris Ouest Nanterre, IDHES)
    Bernard Stiegler, Ars Industrialis
    Discutant : Mathieu Grégoire (Université Paris Ouest Nanterre, IDHES)

    4 avril 2016 14h-17h
    La mise en emploi : une nouvelle industrie ?
    Sophie Rétif
    Rebecca Taylor (University of Southampton)
    Discutantes : Maud Simonet (CNRS, IDHES), Claire Vivés (Centre d’Etudes de l’Emploi)

    2 mai 2016 14h-17h
    Le coût des politiques de l’emploi
    Michaël Zemmour (Université de Lille 1, Clersé  et LIEPP)
    Bruno Palier (ScPo Paris, Centre d’Etudes Européennes, LIEPP)
    Discutant : Yann Lelann (Université de Lille 3, CERIES)

    6 juin 2016 14h-17h
    Assurance chômage et intermittence de l’emploi : quels droits pour les salariés à l’emploi discontinu ?
    Bernard Gazier (Université Paris, Centre d’Économie de la Sorbonne)
    Mathieu Grégoire (Université Paris Ouest Nanterre, IDHES), Jean-Pascal Higelé (Université de Lorraine, 2L2S), Claire Vivés (Centre d’Etudes de l’Emploi)
    Discutant : Nicolas Castel (Université de Lorraine, 2L2S)

    27 juin 2016 14h-17h
    Conclusion
    Maud Simonet (CNRS, IDHES), Aurélien Casta (Université Lille 3, IDHES)

     



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