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Chronique d'Evariste
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Le coup de cœur d'Evariste : un nouveau journal, un vrai !

par Évariste

 

Evariste n’est pas en vacances sur les pistes enneigées, il se repose en rêvant à un projet… et ce n’est pas le sien, c’est celui d’une bande de jeunes. On a assez dit dans le temps que les jeunes étaient dépolitisés ; depuis, des hordes d’abstentionnistes, de déçus ou de transfuges sont apparues dans toutes les tranches d’âge. Pourtant Evariste, dans ses contacts et dans les actions d’éducation populaire dont il est témoin, dans celles du REP dont il est partenaire, assiste à l’éclosion de projets chez des militants qui ont moins de trente ans, mais avec une façon peut-être différente d’aborder le politique dans l’action. ReSPUBLICA tentera de mettre en exergue ces initiatives pour les encourager et les faire partager.

Nous commençons aujourd’hui avec Le Progrès social, un quotidien papier sur abonnement.

Vous pensez que c’est fou de lancer un quotidien national d’opinion engagé et indépendant ? Eux aussi ! Pourtant, ces militants associatifs, syndicaux ou politiques engagés dans la construction du progrès social et dans l’éducation populaire ont décidé de se jeter dans l’aventure.

Nous savons pouvoir leur faire confiance : lire dans ce numéro les articles qu’ils signent sur le travail du dimanche, la réforme Macron du droit du travail, et l’entrevue avec la militante kurde Nursel Kiliç .

Il y a plus, alors que nous sommes un journal électronique parmi tant de publications électroniques en nombre exponentiel et que la crise de la presse imprimée (de sa distribution, de sa crédibilité) s’approfondit, nous partageons le constat selon lequel la lecture sur papier entraîne une meilleure attention, et sans doute un autre engagement du lecteur.

Alors, nous vous proposons cette complémentarité, et tout de suite car, tenez-vous bien, la parution du numéro 1 est prévue pour le 9 mars 2016.

Le modèle économique qui permette la professionnalisation, l’équipe du Progrès Social a dû y réfléchir : un journal sans aucune publicité et financé uniquement par les abonnements. Trois mille abonnements annuels sont nécessaires pour garantir l’équilibre financier du projet. Sur https://fr.ulule.com/le-progres-social/ on trouve des détails et le moyen de rentrer dans le financement participatif du projet. Chaque souscription compte !

Ce qu’ils en disent 

« Nous constatons qu’il manque aujourd’hui un journal qui porte réellement nos points de vue et rende compte de nos actions. C’est pourquoi nous avons décidé d’associer nos compétences avec celles de journalistes proches de nos idées.
« Très attachés à la liberté de la presse, nous sommes convaincus que dans une société où la presse appartient majoritairement à des grands groupes financiers, il y a un espace à reconquérir. Plus que jamais, nous avons besoin de médias alternatifs et de contre-pouvoirs.

Ce qu’ils annoncent 

« Du mardi au samedi, un grand quatre pages (560 x 360) en couleur avec :

progressoc_1- une information sélectionnée et un regard critique porté sur l’actualité nationale et internationale
– le coup d’œil de nos trois dessinateurs : Besse, Gros, Jiho
– une interview à la une
– un agenda social et culturel
– le portrait d’une organisation avec qui nous partageons des valeurs communes de défense des droits et de solidarité.

progressoc_2« Dans l’édition du samedi : quatre pages supplémentaires en couleur dédiées à l’éducation populaire. Dans l’esprit des Jours heureux, ces quatre pages comporteront de nombreuses rubriques : international, droit du travail, sports, musique, économie, cinéma, littérature, sorties, spectacles… Toutes seront animées par des contributeurs expérimentés et spécialistes de leur discipline.

 

 

 

Alors tous avec Le Progrès social sur https://fr.ulule.com/le-progres-social/ !

 

Economie
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Que s'est-il dit au Sommet pour un plan B (Paris, 23-24 janvier 2016) ?

Une synthèse

par Yves Thiébaut

 

Lire le document complet, établi sur la base d’une prise de notes par Y. Thiébaut et qui porte sur les séances plénières et les tables rondes : « L’euro à quelles conditions », « Pour reconquérir une souveraineté économique », « Audit, moratoire, défaut : pour maîtriser les outils », « Pour reconquérir une souveraineté économique ».
En voici un brève synthèse opérationnelle :

On peut voir en Grèce mais aussi en Tunisie l’ordo-libéralisme à l’œuvre sans frein. Comme l’avait prédit Mendès-France, ces dérives sont inscrites dans le Traité de Rome et sont parachevées par les traités de libre échange type TAFTA. C’est le tableau futur de la France et de toute l’Europe si on laisse faire.
La souveraineté est incompatible avec l’ordo-libéralisme. Les peuples doivent redonner la suprématie du politique sur l’économie, c’est le fond du plan B. Il faut donc sortir de cette Europe, mais par l’Internationalisme car le capitalisme est organisé mondialement, même si le cadre de l’État-nation peut favoriser cette transition, ou qu’il s’avère point de passage obligé. Il s’agit de souveraineté populaire et non de souveraineté nationale, elle n’est pas de droite. Toutefois cela ne signifie pas qu’il faille attendre que tous les pays soient synchrones, mais toutes les forces de gauche devront soutenir les pays qui rentrent en rupture. L’objectif d’une nouvelle Europe est largement partagé, mais son degré d’intégration n’était pas au menu de ces tables rondes.

Unanimité pour dénoncer les traités et pour penser qu’une rupture préalable est nécessaire, qui passe par la reprise de souveraineté sur les banques centrales, le moratoire du service de la Dette et le lancement de son audit. Les citoyens doivent contrôler en permanence la formation de la dette publique qui n’est pas nécessairement souscrite auprès des marchés à condition de recouvrer souveraineté monétaire et souveraineté des choix politiques.

De façon unanime, l’audit citoyen apparaît comme un droit de même que la protection des droits de l’homme. Les gouvernements de tous les pays sont actuellement tenus de veiller à ce que les mesures économiques ne contreviennent pas aux droits de l’homme dans le pays sur lequel ces mesures portent. Le dossier est solide sur le plan juridique et sera une arme dans la confrontation à venir.

La question de l’euro est totalement seconde par rapport à ces enjeux, sa disparition est sans doute nécessaire en tant que verrou des traités mais absolument pas suffisante.
D’aucuns approuvent le principe de la monnaie commune comme objectif plus ou moins lointain et se partagent en deux groupes.
Le premier groupe (J. Généreux, E. Brancaccio, M. Albiol Guzman, JLM) penche vers la réforme fondamentale des traités dans le sens de la solidarité, revenir sur la libre circulation des capitaux et des biens, appliquer en gros les objectifs de programme du PG…On cherche une autre UE, la question de l’euro est seconde sans être secondaire.
Le deuxième groupe (O. Lafontaine, M. Amato, M. Höpner, S. Fassina) préconise de changer le fonctionnement de l’UE sans qu’il soit forcément nécessaire de passer par une phase de modification formelle des traités : ré équilibrer les échanges intra-européens en faisant porter l’effort autant sur les pays excédentaires que sur les autres, par divers moyens techniques, dé financiariser l’économie, prévoir des transferts, niveler les taux d’intérêt…On cherche à corriger les défauts rédhibitoires et génétiques de l’UE.

D’autres (N. Willumsen, F. Lordon et E.Toussaint) semblent penser que l’euro n’est même plus possible, alors que F. Lordon avait popularisé la notion de monnaie commune dans son livre « La malfaçon ». L’euro est incompatible avec une démocratie solidaire. Ce serait stop à l’euro, en finir au plus vite avec ce qui a été une erreur, appliquer les mesures de souveraineté populaire et ensuite réfléchir aux formes de coopérations européennes possibles.

La contribution du PG au sommet est dans la logique du premier groupe. Elle table que le rapport de force permettra de s’affranchir des contraintes actuelles symbolisées par l’euro le temps de bâtir une autre UE quitte à adapter l’euro en monnaie commune. Les pistes éco-techniques évoquées par le groupe 2, peuvent représenter des étapes utiles vers cette autre UE, mais ne suffiront pas. Il faut se préparer à l’éventualité évidente aux yeux du troisième groupe de revenir à une monnaie nationale, ce qui n’est pas un but en soi mais la conséquence du choix de la démocratie dans le contexte actuel. C’est l’ensemble de la démarche qu’on appelle maintenant plan B.
Dans ce cadre, le plan A recouvre des aménagements possibles sur le chemin d’une autre UE totalement à redéfinir, des éléments de confrontation, mais n’est pas, n’est plus depuis la crise grecque, une heureuse alternative au plan B.

Lire le document complet.

13 novembre
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Sociologisme/psychanalisme : une bévue contre une autre ?

par Jean-Jacques Bonhomme

 

Dans le bulletin www.Lacan.quotidien n°554, la psychanalyste Clotilde Leguil propose un texte intitulé « La haine est sans raison, mais elle n’est pas sans objet », transposant des propos de Jacques Lacan référés, non pas à la haine, mais à l’angoisse. Elle revient sur les attentats de janvier et de novembre 2015 et dit son malaise à l’égard des orientations des sciences sociales, de la sociologie en particulier, saisie comme une discipline unifiée, oubliant qu’elle est traversée par des courants et des tendances disparates. Selon C. Leguil, « l’explication sociologique offre une grille de lecture qui revient – sous couvert de s’interroger sur les causes – à légitimer, ou à justifier, ou à rendre compréhensible ce qui est pourtant sans raison ». Or « il n’y a pas de causes sociales au djihadisme », écrit-elle citant l’essayiste américain Paul Berman. Pour ce dernier, « La doctrine des causes profondes nous induit à penser que cette rage insensée, étant le résultat prévisible d’une cause, ne saurait vraiment être insensée. Pire : la doctrine des causes profondes nous conduit au soupçon que nous pourrions nous-mêmes en être la cause ».

La position de C. Leguil n’invite pas à chercher des raisons économiques, politiques, culturelles… aux gestes et comportements individuels et collectifs, de tenter d’identifier des structures sociales à l’œuvre dans les idéaux et les subjectivités des assaillants meurtriers. Cette recherche de savoir, de compréhension des événements ne viserait qu’à rationaliser ce qui ne peut l’être. Manuel Valls prétendait à peu près la même chose à la télévision : expliquer c’est déjà vouloir excuser. [cf. Bernard Lahire « Pour la sociologie et pour en finir avec la prétendue « culture de l’excuse » Ed. la découverte, 2016].

Selon C. Leguil, il faut principalement s’intéresser, non pas aux supposées causalités sociales, mais à cette irrésistible passion subjective qu’est la haine car celle-ci « n’a pas de cause, mais est de l’ordre d’un affect au fondement même de la pulsion. Elle n’est pas le propre des plus pauvres, des sans-emplois, elle n’est pas le propre des victimes de la cruauté du monde. Elle est au cœur de la topologie subjective et témoigne de ce rapport de proximité et de rejet à la fois, que le sujet peut entretenir avec la figure de l’Autre ». Hypothèse fort intéressante, mais suffit-elle à rendre compte de tous les massacres djihadistes planétaires ? Peut-elle être l’unique moteur de toutes les exactions millénaires commises contre les juifs, les chrétiens, les lépreux, les fous, les homosexuels, les femmes adultères… Comment expliquer alors que toutes celles et ceux qui sont dominés par la haine ne deviennent ni forcément terroristes, ni même criminels, ni non plus suicidaires ?

En épinglant, à juste titre, un certain sociologisme, soit cette tendance à vouloir tout expliquer par des causalités et/ou déterminations extra-subjectives liées au contexte familial, institutionnel, politique, C. Leguil se risque à faire de l’explication psychique La Cause omni-explicative, investissant à son tour le travers qu’elle dénonce chez les représentants des sciences sociales. « Il n’est pas tant question de religion que de commandement pulsionnel, il n’est pas tant question de transcendance que d’un extrémisme pulsionnel insensé » écrit-elle. A la bévue du sociologisme répond la bévue du psychanalisme [Robert Castel].

Si la haine est une passion structurelle des êtres humains, en revanche, n’est-il pas hasardeux d’y subsumer l’ensemble des modes d’agir et de pensée des porte-paroles de Daech, faisant l’impasse sur d’autres caractérisations subjectives : frustrations multiples, désespérances identitaires, mais aussi désir de conquête, d’émancipation… ? D’ailleurs la haine a-t-elle un seul versant irréductiblement mortifère ? Mais surtout, n’est-il pas équivoque de rendre cette passion étanche aux conditions socio-historiques au sein desquelles elle se manifeste de fait ? Quid de l’impérialisme occidental, de la mondialisation néolibérale, de la terreur au Moyen-Orient, de l’implacable extension guerrière de l’Etat Islamique dans la production à la fois psychique et politique de ces manifestations djihadistes qui se répandent un peu partout? [Cf. Alain Badiou « Penser les meurtres de masse » ]

Aucune configuration psychique ne fonctionne en vase clos mais se trouve toujours connectée à des enjeux sociaux. Des causalités dialectiques les nouent inexorablement. Bizarrement c’est ce que paraît lui rappeler son faux allié P. Berman qui écrit : « le véritable ressort [de ces massacres] est la haine idéologique ». Soit une passion éminemment psychique et indissociablement sociale.

Combat social
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La mort programmée du principe de faveur

par Le Progrès social

 

Détruire le droit du travail passait obligatoirement par une inversion de ce que l’on appelle la « hiérarchie des normes » et par la suppression du « principe de faveur »1, tous deux issus des grandes conquêtes sociales du XXe siècle.

Dans le droit du travail français, la hiérarchie des normes est un système pyramidal : tout en haut se trouve la Constitution, en dessous, la loi, puis les règlements (ordonnances, décrets, arrêtés), puis les conventions et accords collectifs, les usages, les règlements intérieurs et enfin, le contrat de travail. La norme située sur une strate supérieure de la pyramide s’impose donc à celle située en dessous ; par exemple, la Constitution prime sur la loi et la loi sur le règlement. Mais le plus important dans cette hiérarchie, c’est le principe de faveur : une norme inférieure ne peut déroger à la norme supérieure que si elle est plus favorable au salarié. Pour que le système puisse fonctionner, il est nécessaire que la norme ne provienne pas seulement d’en haut comme en droit pénal, mais qu’elle soit négociée à la base, au niveau de la branche, du groupe, de l’entreprise. On comprend aisément pourquoi ce système, qui a longtemps protégé les travailleurs, se trouve depuis dix ans dans la ligne de mire du MEDEF et fait l’objet d’une destruction morceau par morceau.

Une mise au pas progressive

Véritable départ de cette inversion, la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social) réorganise pour la première fois les rapports entre les conventions et accords collectifs conclus à des niveaux différents, ceci en accordant plus d’autonomie à la négociation d’entreprise ou d’établissement. Une convention de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel peuvent désormais contenir des dispositions moins favorables au salarié qu’une convention ou accord plus large, sauf si ces derniers stipulent qu’aucune dérogation n’est possible. Quatre domaines, à ce moment-là, restent encore « intouchables » : le salaire minimum, les classifications, les garanties collectives en matière de prestations sociales complémentaires et la mutualisation des fonds pour la formation professionnelle. Même si l’article 45 indiquait qu’un accord d’entreprise conclu après l’entrée en vigueur de la loi ne pouvait déroger à une convention de branche antérieure, le processus était néanmoins enclenché.

Il se poursuit avec la loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail), qui autorise désormais les entreprises, via un accord signé avec des organisations syndicales représentant au moins 30 % des salariés, à fixer elles-mêmes le contingent d’heures supplémentaires et les contreparties (financières ou repos) pour les travailleurs. Jusque-là épargné, le contrat de travail recevra son premier coup avec la loi du 14 juin 2013 sur la « sécurisation » de l’emploi : quand l’entreprise présente des « difficultés économiques », elle peut imposer des « accords de maintien de l’emploi» ou des « accords de mobilité » où les travailleurs, sous peine de licenciement économique, doivent accepter des dispositions moins favorables.

Le rapport Combrexelle de septembre 2015, qui doit servir de base à une réforme en profondeur du Code du travail, enfonce le clou. Sous prétexte de « renforcer la négociation collective en entreprise» et sur fond de chantage à l’emploi, il préconise de « sortir d’une logique où on oppose le droit à l’efficacité économique » et de faire entrer dans le champ de négociation des thèmes jusque-là exclus comme les qualifications, les salaires minimaux et… le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Autrement dit, casser les trente-cinq heures. Le gouvernement n’en restera sûrement pas là à moins que les organisations syndicales, quasiment toutes vent debout contre la probable remise en cause du CDI, parviennent à mobiliser les travailleurs et à inverser elles aussi la vapeur.

  1. Dans le droit du travail français, disposition qui prévoit que la convention et l’accord collectif de travail peuvent comporter des clauses plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur. []
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Le travail du dimanche au forceps

par Le Progrès social

 

Un seul accord de branche, des salariés qui refusent de sacrifier leur vie personnelle, une intersyndicale combative, une possible scission à la CFDT : alors que de nouvelles mobilisations se préparent, l’application de la loi Macron provoque des remous et patine.

L’extension du travail dominical, la mesure emblématique de la loi Macron, adoptée le 7 août 2015, a du plomb dans l’aile. Bien sûr, quelques accords ont depuis été signés : un seul au niveau d’une branche, celle de la bijouterie, par la CFDT et FO de la métallurgie, avec une majoration de salaire pour le travail dominical égale à 50 %, un montant décevant au regard des moyens du secteur en question. Au niveau des entreprises, on compte Etam, le groupe Inditex (Bershka, Oysho, Zara, etc.), Marks & Spencer et Nature et Découvertes, le plus souvent avec l’aval de la CFDT et de la CFTC. Le cas de Darty, qui a communiqué dès octobre 2015 sur un tel accord, mérite qu’on s’y attarde : l’enseigne prétend appliquer les dispositions issues de l’accord de la négociation annuelle obligatoire de 2010 pour ses sept magasins parisiens ouverts chaque dimanche, dont deux ne sont même pas situés en zone touristique internationale (ZTI)…

L’Inspection du travail s’est depuis saisie de cette situation. Les accords en question prévoient le plus souvent le doublement du salaire par dimanche travaillé, mais tendent à entériner deux catégories de salariés : ceux déjà en place, qui verraient le travail dominical comme une opportunité, et les nouveaux embauchés, pour lesquels il ferait partie des clauses inscrites dans le contrat de travail, au risque d’avoir bien du mal à revenir en arrière en cas d’évolution de leur situation, alors que c’est bien le volontariat qui est censé prévaloir quel que soit le type d’ouverture.

Sur le travail en soirée, mis en place par exemple chez Marionnaud et Sephora, les accords signés à ce jour sont le plus souvent une pâle photocopie de la loi : le salaire est doublé, guère plus, pour la période de travail qui va de 21 heures à minuit. Plus encore, l’employeur met à disposition un taxi pour raccompagner le salarié à son domicile pour les plus chanceux dès 21 heures et, pour les autres, à partir de 23 heures, la loi ne précisant pas d’heure limite. L’ouverture dominicale annuelle des commerces, portée elle de cinq à douze dimanches, ce qui constitue déjà un sacré recul social, se met lentement mais sûrement en place ; or, selon le journal très libéral L’Opinion, les maires à l’origine de ces décisions seraient dans l’illégalité dans 25 % des cas

Des accords en trompe-l’œil

Le « non » victorieux, même d’une courte tête, à l’accord sur le travail dominical au BHV en novembre 2015, avait résonné comme un coup de tonnerre : preuve était faite que contourner les syndicats hostiles à cette ouverture n’était pas une chose aisée. La négociation lancée au niveau des grands magasins patine également, à tel point que les Galeries Lafayette ont décidé de lancer leur propre négociation d’entreprise le 4 février prochain.

La réplique n’a pas tardé : suite à la signature, le 19 janvier dernier, d’un accord de groupe sur le travail dominical et nocturne à la Fnac par la CFDT, la CFTC et la CGC, les syndicats CGT, FO et SUD, majoritaires sur l’enseigne, ont fait part de leur volonté de mettre en œuvre leur droit d’opposition. Bien sûr, les médias dominants ont glosé sur le caractère mirifique de cet accord mort-né : pensez-vous, il était question de tripler la rémunération douze dimanches par an ! Or, à y regarder de plus près, la Fnac ne faisait que monétiser le jour de récupération, prévu par la loi pour les ouvertures dominicales exceptionnelles, en sus du doublement de la rémunération. Il était aussi question d’embaucher 2,6 % de salariés supplémentaires pour faire face à l’extension des horaires d’ouverture, un chiffre qui aurait été absorbé dans les six mois qui suivent au rythme des suppressions régulières d’effectif du groupe.

Du rififi à la CFDT

Il n’en fallait pas plus à Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État en charge des relations avec le Parlement, pour étaler sa haine : interviewé récemment, il a déclaré qu’il y avait trop de syndicats en France – comprendre qu’il y a encore des syndicats qui osent dire non, comme à la Fnac. Ce petit monsieur, qui suggérait de baisser les allocations des chômeurs, va jusqu’à menacer les syndicats en expliquant que, de toute manière, « il y aura des élections ». Un argument qui ne manque pas de sel de la part d’un membre du gouvernement qui les a toutes perdues depuis son accession au pouvoir en 2012 !

À la Fnac même, la signature de l’accord par la CFDT de l’enseigne passe mal : ainsi, ce sont tout de même 8 sections sur 17 qui se sont prononcées contre ce dernier. Le 18 janvier dernier, c’est au tour du SCID (Syndicat du Commerce Interdépartemental) CFDT, fort de ses 4 000 adhérents et membre du CLIC-P1, de se désaffilier de la centrale du boulevard de la Villette suite au désaccord persistant sur la question du travail dominical. Pourtant, Laurent Berger n’avait pas ménagé sa peine pour faire revenir ses moutons (noirs) au bercail, n’hésitant pas à modifier le règlement intérieur de la confédération pour prolonger à sa guise la tutelle exercée depuis deux ans sur le syndicat !

Vers de nouvelles actions plus offensives

La situation est loin d’être figée. Chez Apple, la signature d’un accord au rabais par la seule CFTC, avec seulement 65 % de majoration par dimanche travaillé, a été repoussée sine die suite à sa médiatisation. Plus encore, la ministre du Travail Myriam El Khomri a annoncé vouloir étendre le recours au référendum après avoir juré le contraire il y a trois mois. Il suffirait donc qu’un accord collectif soit entériné par au moins 30 % des syndicats puis recueille l’approbation majoritaire du personnel de l’entreprise concernée pour s’appliquer et ainsi faire litière du droit d’opposition des syndicats majoritaires. Bref, il faut sauver le soldat Fnac !

Le CLIC-P1), fer de lance de la contestation, rejoint par les fédérations CGT et FO du commerce ainsi que par la CFTC Paris, a déposé en novembre dernier des recours contre le décret instituant les ZTI ainsi que plusieurs arrêtés les délimitant dans Paris. Le Conseil d’État se prononcera dans quelques mois, que le tribunal administratif, saisi quant à lui à l’encontre de l’arrêté du préfet de Paris relatif aux dimanches d’ouverture exceptionnelle en 2016. Enfin, une assemblée générale est prévue en mars prochain où la mise sur pied d’actions revendicatives inter-entreprises pour l’augmentation des salaires et la lutte contre le temps partiel imposé seront débattus. Après le temps de la résistance, voici venu celui de la contre-offensive !

  1. Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris (CGT, CFDT, SUD, Unsa []
Laïcité et féminisme
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« Une révolution dans la révolution » : interview de Nursel Kiliç

par Le Progrès social

 

Si l’on a beaucoup parlé de la résistance kurde au moment du siège de la ville de Kobané par les terroristes de Daech, on a trop souvent passé sous silence qu’à la base de la lutte armée se trouve un projet de société démocratique dans lequel les femmes jouent un grand rôle.

La situation géopolitique au Moyen-Orient est un élément fondamental pour comprendre les enjeux sur les migrations ou encore le développement du terrorisme. Entre l’intégrisme religieux politique et les régimes autoritaires, une troisième voie démocratique et de transformation sociale existe pourtant. C’est notamment celle du Kurdistan, où l’expérimentation concrète d’une autre société se fait quotidiennement. Place des femmes, combats militaires, rôle des organisations politiques en Turquie : autant de sujets sur lesquels nous avons interrogé Nursel Kiliç.

Le Progrès social : Pouvez-vous présenter le mouvement des femmes kurdes ?

Nursel Kiliç : Le Mouvement des femmes kurdes s’est organisé au milieu des années 80 en Europe. La première action de sensibilisation des femmes à tous les niveaux de la société fut tout d’abord d’évaluer leur situation au sein des communautés, les discriminations auxquelles elles étaient confrontées et leur niveau social et politique, afin de pouvoir œuvrer à des projets aboutissant à leur émancipation sur le long terme. Les coutumes archaïques issues du féodalisme régnaient et règnent encore dans beaucoup d’endroits au Kurdistan. Cette première association joua un rôle important à son époque pour la prise de conscience des femmes kurdes concernant les problèmes de violence à leur égard sous toutes leurs formes. Pour cette mouvance, l’enjeu principal au sein de la société kurde consistait à déclencher une réflexion et une interrogation au sujet des relations du pouvoir patriarcal qui imprégnait toutes les classes sociales. Pour la première fois, les femmes avaient l’opportunité de déchiffrer ces codes de domination masculine sous tous ses angles, pour ensuite analyser et œuvrer à des stratégies pratiques visant à contrer ces approches par le biais d’organisations associatives, politiques et d’autodéfense.

Le Progrès social : Quelle est la place des femmes dans les structures décisionnelles ?

Nursel Kiliç : Aujourd’hui nous sommes témoins de la mise en œuvre de ce projet de contrat social dans toutes les parties du Kurdistan. Au Kurdistan du Nord, les femmes sont aujourd’hui représentées dans toutes les instances politiques et associatives de façon égalitaire par rapport aux hommes, grâce au système de coprésidence. Concernant le pourcentage général de la place des femmes à la Grande Assemblée nationale de Turquie, le nombre des députés femmes du parti HDP est plus élevé. Ce système de coprésidence existe aussi dans toutes les municipalités acquises par le HDP aux dernières législatives. Toutes les mairies sont aujourd’hui coprésidées. Cela correspond à une représentation directe de la volonté des femmes dans toutes les instances politiques. Elles sont aussi parallèlement composantes du Mouvement démocratique de libération des femmes (qui rassemble toutes les ethnicités, identités de genre, féministes, artistes, écologistes, anarchistes, ONG humanitaires et représentations politiques qui se retrouvent dans les valeurs de libération des femmes).

Le Progrès social : Avec quelles associations et structures travaillez-vous en France et au niveau européen pour faire vivre cette solidarité  ?

Nursel Kiliç : En France, nous travaillons essentiellement avec le Collectif National pour les Droits des Femmes, Femmes solidaires, Femmes en Lutte 93, le Collectif Féministe Solidarité Kobané, la Conférence mondiale sur les femmes, la Marche Mondiale des femmes, ainsi qu’avec beaucoup d’autres organisations, notamment IWA, RAWA, la Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie et Réseau International Féministe et Laïque.

Le Progrès social : Kobané représente la résistance  : quelle est actuellement la situation à ce niveau ?

Nursel Kiliç : Le Rojava est un modèle démocratique pour le Moyen-Orient et une révolution féminine. Aujourd’hui, quartier par quartier, les femmes créent des associations éducatives et sociales pour veiller au développement et à la sécurité des enfants dans un pays en guerre depuis trois ans. Les femmes kurdes du Rojava se sont mobilisées avec les femmes arabes, turkmènes, assyriennes et alévies pour trouver des solutions politiques et sociales collectives pour l’émancipation des femmes. Elles sont la force motrice de la révolution et les architectes d’un système démocratique purifié de toutes approches patriarcales.

Les femmes kurdes du Rojava sont pleinement engagées et sont l’un des piliers du système appelé « autonomie démocratique du Kurdistan syrien ». Elles ont eu accès à tous les niveaux de l’administration autonome, formée de trois cantons. C’est une révolution dans la révolution. L’instauration de ce système démocratique autonome prend aussi en compte toutes les spécificités sociales et politiques de la communauté et les réflexions conflictuelles sur la place des femmes dans les mécanismes d’autogestion du système démocratique autonome.

Le Progrès social : Quelle est place des femmes dans les combats militaires ?

Nursel Kiliç : Aujourd’hui, elles sont mobilisées en grand nombre au sein des Unités de protection du peuple (YPG), mais aussi dans des unités féminines non mixtes de l’YPJ. Elles sont jeunes, dynamiques, et révoltées face à ces attaques inhumaines qui menacent leur peuple d’extinction. Elles ne son as simplement des figures charismatiques, mais des boucliers vivants qui se sacrifient pour la liberté de leur peuple, la protection des femmes et des enfants. Arin Mirkan a sacrifié sa vie pour ne pas donner passage aux terroristes de l’EI, elle s’est faite exploser en tuant avec elle des dizaines de membres de Daesh. Ce sacrifice est la démonstration d’une bravoure, d’un dévouement si profond pour la lutte de libération des femmes et pour l’humanité. Ce sont ces mêmes combattantes de l’YPJ qui avaient ouvert un corridor humanitaire aux monts de Sinjar pour sauver la population et particulièrement les femmes yézidis des mains de Daesh, afin d’empêcher qu’elles soient kidnappées, violées, exécutées, vendues dans les bazars de l’esclavagisme sexuel. Les combattantes kurdes de l’YPJ continuent à se battre sans relâche.

Le Progrès social : Une manifestation a eu lieu début janvier en souvenir des trois militantes kurdes assassinées à Paris en janvier 2013. Où en est l’enquête ?

Nursel Kiliç : Malgré des documents qui attestent de la connexion du présumé meurtrier Omer Güney avec les services secrets turcs, les forces qui ont commandité ce crime n’ont toujours pas été officiellement identifiées. Nous demandons encore une fois pourquoi la justice française, la même qui signe des accords avec la Turquie pour le partage des données personnelles des détenues sous contrôle judiciaire ou des réfugiées politique en France, comme Sakine Cansiz, qui devait être sous protection selon la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, n’a pas demandé à la Turquie le contenu de son dossier d’instruction sur ce triple assassinat. Pourquoi, à ce jour, les familles des victimes n’ont pas été reçues par le gouvernement français  ? Nous ne savons pas à l’heure actuelle la date à laquelle se tiendra le procès. Le décryptage que j’ai essayé de vous présenter consiste à démontrer que c’est un crime politique, non pas une affaire « criminelle » limitée à l’implication d’une personne.

Il s’agit d’un système qui veut éradiquer la volonté politique d’un peuple et la force d’émancipation des femmes ; or, cette mentalité opère et se reproduit partout dans le monde, dans une guerre encore indéfinie contre les femmes, que nous définissons comme des nettoyages ethniques contre les peuples et des féminicides contre les femmes.

Approfondir

Mourir pour Kobané, Patrice Franceschi, Éd. des équateurs, 2015, 143 p.
Mélange de choses vues et vécues en même temps qu’appel à la conscience internationale, le livre décrit merveilleusement le combat mené par les femmes kurdes.

Conflit kurde, le brasier oublié du Moyen-Orient, Hamit Bozarslan, éd. Autrement, 2009, 172 p.
Clefs de lecture pour comprendre les dynamiques actuelles du problème kurde à la lumière de l’histoire, aussi bien en Irak, en Iran, en Turquie et en Syrie.

Institut kurde, [En ligne] http://www.institutkurde.org/institut/ Site Internet de l’Institut kurde en langue française fondé en 1983. Publications périodiques et nombreuses références bibliographiques touchant à l’histoire, la culture et l’art kurdes. À noter en particulier : la revue Études kurdes ainsi que la « bibliothèque numérique ».

Médecine
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Effets pervers de la T2A sur les pratiques médicales en neurologie

ou comment changer le paradigme soignant 

par un collectif

 

« Certaines activités étant sous-cotées, et beaucoup étant décotées chaque année, les établissements de santé sont contraints d’augmenter constamment leur productivité. Mais la segmentation des actes, leur multiplication, l’orientation vers les activités plus rentables, l’optimisation de la cotation voire la sur-cotation ont des effets concrets sur la prise en charge des patients et sur le personnel des hôpitaux souvent confronté à des conflits entre éthique et enjeux financiers. » (site du MDHP) Le constat des neurologues vaut en effet pour toutes les maladies chroniques.

 

Texte de Sophie Crozier, David Grabli, Sophie Demeret, Francis Bolgert, Anne Léger, Caroline Papeix, Benjamin Rohaut, François Salachas, Karine Viala,  neurologues (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris)

Intervention du 29/01/2016 devant la commission présidée par Olivier Veran, chargée d’engager une réflexion de fond sur les réformes souhaitables de la T2A, et à plus court terme de préparer le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PFLSS) pour 2017.

 1- Particularités des pathologies neurologiques

Maladies chroniques handicapantes et graves

Les patients atteints de maladies neurologiques souffrent pour la majorité d’entre eux d’un handicap moteur, sensitif et /ou cognitif à l’origine d’une dépendance plus ou moins sévère. Fréquemment évolutives avec le temps ces pathologies entrainent de nombreuses difficultés sociales, tant pour le patient que pour son entourage qui est alors sollicité comme aidant naturel. Il peut s’agir de maladies aiguës comme l’accident vasculaire cérébral (AVC), mais qui est souvent à l’origine d’un handicap chronique, ou de maladies neurodégénératives chroniques évolutives.

Ces maladies représentent un véritable enjeu de santé publique : plus de 2 millions de personnes vivent avec un AVC, une maladie de Parkinson, une sclérose en plaque, une sclérose latérale amyotrophique (SLA)…

On estime en effet qu’environ 800 000 personnes vivent avec un accident vasculaire cérébral, 800 000 avec une maladie d’Alzheimer, 150 000 avec une maladie de Parkinson, et 80 000 avec une sclérose en plaques.
D’autre part elles sont à l’origine d’une lourde morbi-mortalité : à titre d’exemple l’AVC représente la première cause de handicap acquis, la deuxième cause de démence (après la maladie d’Alzheimer) et la troisième cause de mortalité.

La prise en charge de patients atteints de ces maladies est avant tout hospitalière. En effet l’hôpital est indispensable pour plusieurs raisons :

- d’une part, lors du diagnostic, qu’il s’agisse d’admission en urgence comme pour l’AVC, ou d’admission dans des centres très spécialisés « experts » pour valider un diagnostic comme une maladie de Parkinson, ou une SLA par exemple.

- d’autre part, l’hôpital est aussi indispensable au cours de l’évolution de ces maladies lors d’épisodes d’aggravation aigus et ou progressifs, non prévisibles, qui peuvent demander des adaptations de traitements souvent complexes ou un redimensionnement complet des aides sociales techniques ou humaines en raison d’une rupture brutale d’autonomie.

- enfin l’hôpital est le plus souvent le seul lieu accessible pour des personnes handicapées dans l’impossibilité d’être suivies en ville en raison de l’inadaptation des locaux.

Trajectoires et parcours complexes

Pour toutes ces raisons les trajectoires et parcours de soins de ces patients sont complexes, et ce en grande partie du fait de l’aggravation progressive du handicap. La perte d’autonomie du patient pose d’importantes difficultés notamment sociales et allonge très souvent la durée de séjour des patients.

Or, qu’il s’agisse de complications médicales ou de problèmes sociaux, la prise en charge de ces patients repose avant tout sur un repérage de ces difficultés, une anticipation voire une prévention des complications. Ce type d’évaluations permet d’améliorer le pronostic des patients (notamment pour l’AVC) mais aussi d’éviter des ré-hospitalisations en urgence dans des conditions le plus souvent terribles pour les patients. Ces évaluations permettent aussi de proposer les réponses qui s’adaptent aux besoins du patient en fonction de son handicap et de permettre aux patients de rester à leur domicile.

Globalement en neurologie, il n’y a pas innovation « de rupture » attendue à court terme pour modifier ces tendances : on ne guérira pas mais on soignera de mieux en mieux et surtout de plus en plus longtemps. Il est donc crucial pour nous de sortir de la logique exclusive de valorisation des actes techniques et de séjours courts imposée par la T2A pour prendre en compte les actions (prévention, suivi, coordination…) sur l’ensemble du parcours de soin.

En Neurologie, les Centres Experts exercent leurs missions de recours sur des territoires larges (régionaux ou nationaux) et distant de l’hôpital dont ils dépendent. L’un des enjeux importants est de favoriser la continuité de la prise en charge dans un réseau de proximité. Il s’agit d’une logique pertinente du point de vue du patient mais antinomique avec un objectif de rentabilité pour un hôpital puisqu’il faut alors partager l’activité avec des structures concurrentes et donc abandonner des « parts de marché ». Par exemple la préférence APHP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) est régulièrement rappelée comme un impératif moral par nos tutelles. Par ailleurs, il n’y a aucune incitation visant à promouvoir l’effort de structuration des parcours de patients, qui nécessiterait de fédérer des acteurs hospitaliers et libéraux.

2- Limites et effets pervers de la T2A en neurologie : quelques exemples

Faible valorisation en T2A des séjours et maladie chronique

La prise en charge des patients avec des maladies neurologiques chroniques est mal (insuffisamment) valorisée par la T2A au regard des soins souvent très « chronophages », complexes qui sont nécessaires, mais qui ne sont pas toujours des soins techniques. La neurologie requiert un temps clinique long : analyse sémiologique complexe, anamnèse difficile à récupérer, complexité des histoires à décortiquer, fonctionnement du cerveau et maladies complexe à expliquer, difficulté des patients à se mouvoir, éducation thérapeutique indispensable pour apprivoiser le handicap, pour pouvoir prendre des traitements aux fréquents effets secondaires… Or un patient « rentable en T2A » est un patient qui séjourne peu de temps et qui “passe” beaucoup d’examens. La T2A favorise une médecine d’ « examens » au détriment du temps clinique, de l’analyse et de la communication avec les patients.

Or la survalorisation de l’acte technique ou des malades simples, « cadrés » au détriment des patients complexes « non cadrés » nécessitant des séjours plus longs, amènent à une certaine hiérarchisation des patients entre ceux dits « rentables » et les «  non rentables ». Elle impose ainsi, de façon insidieuse, une pression qui ne dit pas son nom et qui, sans être annoncée officiellement, peut pousser le clinicien à préférer l’hospitalisation d’un patient plus simple, et les structures hospitalières à adopter des stratégies de sélection des activités en fonction de leur rentabilité et non en fonction du besoin sanitaire du bassin de population. Cela est particulièrement apparent dans une logique de projet d’investissement. La construction du « business plan » et les prévisions des « retours sur investissement » retentissent directement sur la répartition des activités hospitalières (au détriment des pathologies chroniques) indépendamment des besoins, y compris dans des structures publiques.

De plus cette valorisation T2A des séjours est parfois complètement absurde : pour une même pathologie, un séjour se soldant par un diagnostic est mieux « coté » que celui d’un patient admis pour une aggravation mais ne nécessitant pas d’actes techniques, alors qu’ il demande souvent plus de temps soignant. Il en est de même pour les séjours à visée thérapeutique (par exemple dans la maladie de Parkinson) qui font appel à un savoir faire soignant très pointu et entraînent des séjours parfois prolongés. Cette activité pour guider et accompagner le patient dans son parcours de soin (du combattant) n’est pas valorisée en T2A et peut ne pas être très attractive pour les médecins et soignants dont le travail n’est pas reconnu. Par ailleurs, comment accueillir, en tant que clinicien, les résumés mensuels qui comparent l’activité (et les valorisations) d’une période donnée à la période équivalente l’année précédente ? Comme si l’évaluation de la performance des soins s’apparentait à une vulgaire quantification des chiffres de ventes en période de soldes.

Car aujourd’hui il ne faut pas se tromper, les incitations, voir les recommandations administratives au sein des pôles à faire toujours plus d’activité, amènent à penser que c’est bien la T2A qui « valorise » le travail des soignants : il y a les bons et les mauvais élèves au sein d’un service ou surtout d’un pôle ; ceux qui auront su prendre les « bons » patients c’est à dire ceux qui sont rentables pour l’hôpital… Que subsistera t-il de l’intérêt du patient avec l’amplification de ce type de choix ?

Or cette pression sur les soignants est bien réelle : elle se traduit par exemple par des « promesses » plus ou moins explicites concernant la possibilité d’avoir plus de lits et/ou plus de personnels si on augmente l’activité. Elle est également la conséquence de la manière insidieuse dont nous, soignants, avons intégrés dans nos prises de décision, les raisonnements fondés sur la valorisation financière. Le risque est grand de la propagation de cette véritable « T2Aisation des esprits » dont le patient et les soignants seront les premières victimes. Que la dimension économique et la qualité de la gestion soient prises en compte dans le fonctionnement de nos structures est une évidence. Mais que la question de la rentabilité fasse intrusion dans les décisions d’admission par ailleurs médicalement justifiées pose de sérieux problèmes éthiques. En bref, nous sommes passés en moins de dix ans d’une logique qui visait à fournir le juste soin pour le patient au moindre cout à un paradigme qui pourrait se résumer à soigner le « bon » patient pour le bénéfice de l’hôpital au coût maximal pour la société.

« Coter » la complication et l’aggravation plutôt que de la prévenir

Par ailleurs la valorisation d’actes techniques (sonde urinaire, gastrique…) et des complications comporte un effet pervers intrinsèque : plus les malades font de complications et plus c’est intéressant pour l’hôpital en terme de T2A , notamment à la phase aigüe des AVC: Serions-nous incités à la survenue de complications… ? Drôle de système pour promouvoir la qualité des soins où la survenue d’une complication est plus valorisée que sa prévention.

Autre exemple et pas des moindres, de l’aberration de la valorisation T2A : pour « toucher » le tarif d’un séjour de réanimation c’est à dire pour obtenir une valorisation maximale du séjour, il faut que le patient ait eu besoin de moyens techniques lourds (ventilation mécanique, drogues vaso-actives à certaines doses…), mais ce dans les 24 premières heures de son séjour. Or pour certaines maladies neurologiques comme le syndrome de Guillain-Barré ou la myasthénie il est préférable de surveiller le patient de très près dans une unité qui a les moyens de le faire (unité de soins continus – USC). Et ce type de séjour n’est pas « rentable » en l‘absence d’acte technique : on est donc incité à attendre que le malade s’aggrave en salle et à ne le transférer en réanimation que quand il va très mal. De plus un patient avec un syndrome de Guillain-Barré qui n’est intubé qu’au moment de la détresse respiratoire a plus de risque de faire une pneumopathie, ce qui peut être à l’origine d’une vraie perte de chance pour le patient, mais qui aura « l’avantage » de rendre le séjour plus « rentable » du fait de la survenue de la complication infectieuse. On voit là encore le paradoxe du système : un patient mieux soigné, c’est à dire sans survenue de complication est moins rentable  qu’un patient qui s’aggrave et présente de multiples complications.

Dire que la tarification à l’activité ne modifie pas les décisions d’admissions serait un mensonge éhonté : on active des filières, on en réduit d’autres, on module notre activité. Tous ces exemples montrent à quel point la T2A n’est pas un simple outil de monitorage administratif mais qu’elle change bel et bien les pratiques, et ce de manière insidieuse.

L’illusion du virage ambulatoire et les hôpitaux de jour (HDJ)

Enfin un mot sur l’illusion du virage ambulatoire : toutes ces dernières années nous avons vu le nombre des lits d’hospitalisation traditionnelle se réduire de façon majeure, pour être remplacés par des lits d’hôpitaux de jour. Or si l’HDJ peut répondre à certaines demandes de soins et à des attentes de patients (examens regroupés sur une journée) elle pose aussi de nombreuses questions.

D’une part, elle nécessite la prescription d’au minimum 3 examens ce qui amène parfois (souvent ?) à prescrire des examens inutiles à des patients (juste pour justifier la cotation HDJ), ce qui relève à l’évidence d’une mauvaise pratique et qui peut même être délétère pour un patient handicapé et/ou fragile. De plus cette prescription inutile pose le problème d’une diminution d’accès aux examens (par exemple l’IRM) pour d’autres patients hospitalisés qui en ont vraiment besoin.

D’autre part, le développement de l’HDJ est très inflationniste, non seulement en terme de séjours (nous sommes encouragés à en faire le plus possible car c’est rentable) mais aussi en terme de de prescription d’examens (problème d’accès aux soins pour les autres patients)

Enfin, la diminution des lits d’hospitalisation traditionnelle, en grande partie pour des raisons économiques liées à la T2A pose des problèmes majeurs d’accessibilité aux soins. En effet, avec le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques et de la dépendance, nous sommes aujourd’hui confrontés à de grandes difficultés pour accueillir nos patients lors d’épisodes aigus ou plus chroniques d’aggravation de leur maladie, non « programmés » et ne pouvant être résolus en une seule journée. Les patients admis aux urgences ne trouvant pas de place dans nos services (alors qu’ils sont souvent suivis depuis des années par une équipe référente et compétente), sont « hébergés » dans le service des urgences puis dans un autre service où les équipes non spécialisées ne sauront pas répondre à leur demande. Ceci est également vrai, et particulièrement choquant pour des malades en fin de vie qui finissent souvent par mourir aux urgences. Il ne s’agit même plus de qualité des soins mais d’une véritable maltraitance institutionnelle. Comment expliquer à nos patients que nous ne pourrons peut-être (sans-doute) pas les accompagner lorsqu’ils auront besoin de nous dans des situations de grande détresse ?

En conclusion, il nous semble que l’on voit bien là un échantillonnage des nombreux effets pervers du système de la valorisation par la T2A. Ces exemples soulignent clairement que l’objectif T2A n’est pas un objectif d’amélioration de la qualité des soins, mais ils montrent toutes les dérives de comportement, totalement non éthiques auxquelles nous sommes confrontés malgré nous. Nous ressentons ainsi cette impression pénible que l’on tire tous à nous une couverture prête à se rompre. Car outre le gaspillage des moyens de santé, cette logique T2A met les soignants dans des situations de tension éthique insupportable; la valorisation d’une pratique de rentabilité et l’oubli de ce qui anime le soignant, à savoir «  le soin ». Les soignants deviennent en effet les exécutants d’une politique qui ne dit pas son nom, et ressentent l’impression quotidienne de mal faire leur travail ce qui, on le sait, est un des facteurs majeurs d’apparition du phénomène de burn-out.

Cette logique de la valorisation par la T2A est porteuse d’un danger plus grave encore: elle pervertit la finalité de nos actes soignants, elle nous fait perdre le sens même de notre pratique médicale. Il est urgent d’y remédier, pour les patients comme pour les soignants. Car comme l’a très bien dit André Grimaldi : « il faut être bien éloigné des réalités de terrain pour imaginer que des soignants épuisés, démotivés et dépossédés du sens et de l’essence même de leur profession puissent prodiguer aux patients les bons soins qu’ils sont en droit d’attendre ».

Humeur
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Construis toi-même ton observatoire de la laïcité

par Loïc Gourdon

 

Dans la lignée des derniers avis rendus par l’observatoire de la laïcité et des commentaires de son Président Jean-Louis Bianco, la voie est ouverte à une vision très personnalisée de la loi de 1905. Chacun peut donc participer au nouveau grand jeu : Construis toi-même ton observatoire de la laïcité !

Etape 1 : Lire d’un œil distrait la loi de 1905 ; c’est juste une base de discussion.

Etape 2 : Assure-toi que tes réflexions n’indisposeront aucune religion. Si tu en es certain, tu peux commencer à jouer.

Etape 3 : Recherche parmi l’ensemble des revendications religieuses, celles que tu souhaites justifier ou satisfaire et crée ton observatoire sur ces bases.

Etape 4 : Accuse tous ceux qui refusent de jouer avec toi d’être des intégristes laïcards.

Etape 5 : Fais reconnaitre ton observatoire comme un organisme porté au dialogue et déclare qu’il s’agit d’une institution.

Etape 6 : Fais-toi inviter à la télé pour lutter contre les archaïsmes. Si tu fais le 20 heures, tu as gagné.



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