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Régression catastrophique pour le peuple… Spectacle médiatique insensé… Une alternative, vite !

par Évariste

 

Antonio Gramsci voyait le processus révolutionnaire comme la succession de guerres de position et de guerres de mouvement. Or la guerre de position pour lui est aussi une guerre culturelle. Ainsi, lorsque notre adversaire – l’oligarchie capitaliste – met en cause un fondement conquis par nos anciens, il faut au minimum être présent pour mener la résistance mais il faut aussi mener le combat pour une nouvelle hégémonie. Ce n’est qu’ensuite qu’il est possible de passer à l’offensive.
La résistance contre la loi El Khomri a été au rendez-vous face à la mise en cause des conquis sociaux d’hier, mais la contestation culturelle n’a pas suivi cette mobilisation. C’est là que réside une faiblesse majeure du mouvement social et politique français.

La nouvelle séquence de la période néolibérale

L’extrême droite a recentré son discours sur une ligne nationale-populiste (tout à fait compatible avec le mouvement réformateur néolibéral) pour tenter de bénéficier des voix des couches populaires délaissées par les néolibéraux de droite et de gauche, mais aussi par la gauche de la gauche.

La droite de Fillon a passé un accord avec l’extrême droite catholique de la Manif pour tous et de son parti politique « Sens commun », seule possibilité pour elle de gagner la primaire de droite.

La décomposition de l’appareil solférinien devient patente. La stratégie de type Terra nova qui vise à abandonner les couches populaires et à tenter une majorité avec les couches moyennes minoritaires et les groupes discriminés a fait faillite.

Les tenants de la maison solférinienne tentent de façon pathétique d’éviter la décomposition de leur parti en jouant la carte des frondeurs socialistes avec des idées solubles dans le système, comme cette fausse bonne idée de revenu universel dont les néolibéraux sont en train de se saisir. Il est cependant probable qu’ils subiront malgré tout la même vague de recul que leurs congénères européens. Car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Les deux primaires de gauche, celle des socialistes et celle d’EELV, ne sont-elles pas les primaires pour choisir ceux qui seront en 5e et 6e position du premier tour de la présidentielle ?

Emmanuel Macron quant à lui tente, avec un discours contestataire de façade contre les « élites », un syncrétisme entre les gagnants de la mondialisation néolibérale et tous ceux qui en restent à une indignation tout hesselienne et qui croient encore à un altercapitalisme plus moral. Son discours européiste lui permet conjoncturellement de rassembler  d’anciens électeurs socialistes, pseudo-centristes à la Bayrou et même d’anciens électeurs de droite plus favorables à Juppé.

La décomposition de l’extrême gauche, de la gauche de la gauche (altermondialistes et altercapitalistes keynésiens, ex-comités anti-libéraux, ex-Front de gauche appareil du PCF compris, trop compromis soit dans des alliances avec les solfériniens soit avec les communautarismes réactionnaires locaux) que nous avons largement analysée dans ReSPUBLICA s’est accélérée.

Seule la France insoumise de JLM 2017 permet un espoir d’un score à deux chiffres à la présidentielle en évitant une bérézina complète de la gauche française.

Cela dit, même si le dépassement du candidat solférinien par Jean-Luc Mélenchon est de plus en plus envisageable, tenter d’atteindre le deuxième tour lui demanderait de prendre un discours plus mobilisateur pour la majorité des couches populaires abstentionnistes (60 % de la classe populaire ouvrière et employée, donc 30 % du corps politique des citoyens) par une contestation encore plus vive du système d’exploitation dans les rapports de production, provoquant chômage et précarité, de l’Union européenne, de la zone euro (encore un effort pour passer du plan A/B au plan C !)1, des communautarismes coupables y compris dans les quartiers populaires, de l’école telle qu’elle est, des services publics abandonnés, d’une protection sociale de plus en plus ouverte aux prédateurs, de la souffrance au travail et dans la précarité, etc. Cela demande d’accentuer la revendication de l’abaissement du temps de travail hebdomadaire, de la nécessaire réindustrialisation de la France, de la critique de la démocrature pour promouvoir enfin la démocratie jusqu’à et y compris dans l’entreprise comme nous le proposons dans un ouvrage sur la République sociale (voir la librairie militante, sur ce site), etc. Cela demanderait aussi de promouvoir avec l’idée de la Constituante, la promotion d’un modèle politique alternatif anticapitaliste global de type République sociale.

L’état de la France des travailleurs est sans appel

Prenons le cas de l’école. Sarkozy avait fait accroître la part de l’école privée confessionnelle à la rentrée en sixième. Hollande a poursuivi ce chemin en faisant le jeu du privé par ses réformes dites des rythmes scolaires où il remplace des enseignants par des animateurs Bafa. À noter que c’est Benoît Hamon qui fut à la tâche pour la mise en orbite de cette régression. Il suffit pour cela de consulter les études du Ministère lui-même.

Bien évidemment, tout cela s’accompagne de l’augmentation des financements publics à l’école privée confessionnelle. Idem pour l’accroissement des inégalités sociales scolaires. Idem pour l’évacuation de plus en plus affichée des contenus dans les programmes et, par le biais de l’enseignement par compétences, leur mise en conformité avec les exigences des intérêts de l’oligarchie, idem pour la mise en conformité des programmes aux exigences des intérêts de l’oligarchie, idem pour la chute de la mobilité sociale, idem pour les 100.000 élèves qui sortent sans diplômes ni qualifications du cursus scolaire, idem avec le soutien médiatique des écoles privées patronales de type Espérance banlieue pratiquant des programmes de régression scolaire soutenus par une défiscalisation des dons décidée par l’Etat, etc.

Prenons la croissance des inégalités sociales de santé, l’incapacité du système de santé de continuer son travail habituel lorsqu’il y a une épidémie de grippe, la croissance des restes à charge et des refus de soins pour causes financières, la poursuite de la privatisation de la Sécurité sociale, la montée des dépassements d’honoraires, la baisse continuelle des retraites, des prestations logement et des prestations sociales, la croissance de la misère, de la pauvreté (+ 1 million sur le quinquennat d’Hollande), du chômage (plus de 6,5 millions de chômeurs en comptant bien sûr sur les catégories A, B, C, D, E et non seulement  la catégorie A) et de la précarité.

Selon Oxfam, en France, 21 personnes détiennent autant que les 40 % les plus pauvres. C’est une course-poursuite par rapport au monde entier où le rapport est de 8 personnes qui détiennent autant que les 50 % les plus pauvres.
Et c’est pareil pour d’autres pays développés. D’après la World Wealth and Income Database, une étude d’Emmanuel Saez et Gabriel Zucman montre que : la part des 50 % des Américains les plus pauvres est passée de 20 % à 12 % du revenu national entre 1980 et 2014, alors que la part des 1 % les plus riches passait dans le même temps de 11 % à 20 %. Concrètement, le revenu moyen annuel des 50 % les plus pauvres a stagné autour de 16 000 dollars par adulte (en dollars constants 2015), alors que le revenu moyen des 1 % les plus riches est passé de 27 fois à 81 fois ce montant, c’est-à-dire d’un peu plus de 400 000 dollars en 1980 à plus de 1,3 million de dollars en 2014.

La France a eu en 2014, d’après Eurostat, 8,8 % de bas salaires (sont considérés comme tels par Eurostat ceux qui sont inférieurs à deux tiers ou moins du salaire horaire national brut médian). C’est plus que les 2,6 %  de la Suède, les 3,8 % de la Belgique, les 5,3 % de la Finlande mais moins que les 15,9 % de la zone euro et les 17,2 %  de l’Union européenne. À noter les chiffres pour la Lettonie (25,5 %), la Roumanie (24,4 %), la Pologne (23,6 %), l’Allemagne (22,5 %), le Royaume Uni (21,3 %), l’Irlande (21,6 %, les Pays-Bas (18,5 %). Et environ 15 %  pour les pays du sud de l’Europe (non compris la Grèce car les relevés n’ont pu être effectués).

Précisons que la productivité (PIB/nombre d’heures travaillées), calculée par l’OCDE2 est d’environ 55 euros pour l’Allemagne, la France et les Etats-Unis (42 euros pour la Grande-Bretagne et l’Italie). Cela montre, si l’on relie ce chiffre à la série précédente, que l’Allemagne, qui est encensée par les médias néolibéraux, est plus inégalitaire que la France. D’autre part, cette productivité est près de trois fois supérieure (20 euros) à son niveau de 1970, ce qui montre une impressionnante intensification du travail par le mouvement réformateur néolibéral. Ajoutons que ce chiffre de la productivité française est sans doute optimiste car, comme la France a un taux de chômage plus élevé que les États-Unis et l’Allemagne, on remarque un décrochage français dû à la forte augmentation du chômage de personnes peu qualifiées ; il faudrait alors faire une correction des séries utilisées. Cette faiblesse pourrait s’expliquer par la faiblesse du taux de recherche-développement en France et par l’effondrement de son système éducatif, professionnel compris.

Que faire ?

Une vidéo qui constitue un extraordinaire cours de lutte de classe et fait actuellement le buzz dans la mouvance CGT sur les réseaux sociaux montre Fillon s’adressant aux patrons pour préparer la guerre sociale qui devrait suivre son élection. Si Fillon gagne la présidentielle, ce qui n’est pas une hypothèse d’école malheureusement, c’est bien le mouvement syndical revendicatif qui sera en première ligne.
Notre rôle sera alors de mener à ses côtés la campagne pour une nouvelle hégémonie culturelle avec nos outils d’éducation populaire refondée, à modifier d’ailleurs au préalable pour les rendre plus efficaces.

 

  1. Le plan A est le plan des européistes qui estiment que l’UE et la zone euro peut permettre une politique progressiste suite à une simple mobilisation importante.
    Le plan B est le plan de ceux qui estiment souhaitable et possible de quitter à tout moment la zone euro et l’UE par une simple mobilisation volontaire.
    Le plan A/B est le plan de ceux qui veulent commencer par demander un changement des traités et en cas de refus (pourrait-il en être autrement quand on sait que l’Allemagne vieillissante doit se procurer des excédents pour financer la protection sociale de ses seniors ?) de déclencher la sortie de l’UE et de la zone euro.
    Le plan C est celui de ceux qui pensent qu’une sortie gauche de gauche est plus difficile qu’une sortie néolibérale de type Brexit) tout en étant impérative pour une politique progressive. Mais elle ne pourra avoir lieu que lors d’une crise paroxystique de type de celle de 2007-2008 ou lors de la suivante. []
  2. Tous les chiffres sont exprimés en parité de pouvoir d’achat et en euros 2015, c’est-à-dire après prise en compte de l’inflation et du niveau des prix dans les différents pays. Ce sont des chiffres de l’OCDE, corroborés par des résultats similaires du Bureau of Labor Statistics du gouvernement fédéral américain. []
Lutter contre le néo-libéralisme
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La gauche de la gauche de gouvernement et la précarisation de l’emploi

par Michel Zerbato

 

La primaire du PS était censée désigner le candidat de ce parti moribond, et il faut bien constater que le second tour oppose deux candidats tout aussi incapables l’un que l’autre de porter l’espoir de couches sociales de gauche : l’un est républicain, mais beaucoup plus libéral que social ; l’autre s’est donné un vernis social, avec sa proposition de revenu universel, mais il n’est pas très laïque, plus communautariste que républicain.

Ni l’un ni l’autre n’est susceptible par ses propositions économiques de ramener au bercail de gauche les couches populaires qui vont devoir subir les foudres néo-libérales et payer la crise. Les deux candidats promettent un accroissement de la précarisation de l’emploi, que ce soit dans le prolongement de la logique néo-libérale de la loi El Khomri « adouci » de préoccupations sociales ou via son acceptation à travers la mise en place d’un RSA « amélioré ». Pour M. Valls, c’est clair. Quant à B. Hamon, c’est une sacrée ruse de l’histoire que de voir le candidat ex-frondeur du PS se donner un air de gauche sociale en reprenant sous le vocable de revenu universel la vieille proposition d’impôt négatif que Milton Friedman, un monétariste extrême, pas spécialement social, avait formulée dans les années soixante.

Cette proposition, qui consiste à verser un revenu à ceux qui n’atteignent pas le revenu socialement considéré comme vital a été reprise en France, donnant naissance au RMI puis au RSA. La Prime pour l’emploi (PPE) relève de la même idée, pour permettre en fait l’emploi à des salaires inférieurs au SMIC. Il s’agit de remplacer les principes de la protection sociale progressiste de 1945 par ceux du néo-libéralisme. Cette dérive au sein de la gauche de gouvernement résulte de la nécessité pour cette gauche de s’adapter à la situation, qui appelle toujours plus de bouleversements de l’emploi qui ne sont que des formes de précarité croissante.

Car,  par définition, un parti de gouvernement s’affronte aux lois de l’économie dans le cadre du système existant. Il peut certes chercher à en modifier le cours, mais il ne pourra pas en changer les lois fondamentales, qui s’imposent au volontarisme politique. Dans le cadre capitaliste, en période de vaches grasses, telle celle des Trente glorieuses, la redistribution sociale permet l’adhésion des couches populaires, et on a pu voir du progrès social sous des gouvernements de droite. Mais quand il n’y a plus de grain à moudre, l’acceptation de gouverner le capitalisme soumet le gouvernant aux lois économiques, lesquelles contraignent à l’austérité salariale : casse du salaire direct via notamment la précarisation de l’emploi ; casse du salaire socialisé via celle des services publics et de la protection sociale.

Concernant la précarisation de l’emploi, il faut en effet la comprendre comme une conséquence de la crise structurelle du profit et de l’impératif de réduction du coût salarial qui en découle. Le capital n’est capital qu’en tant qu’il produit de la plus-value, ce qui repose sur l’achat et la mise en œuvre de la force de travail. Le problème est que cette force de travail ne s’obtient pas directement sur un marché, car il n’existe pas de marché du travail : le travail est « l’effet utile » de la force de travail, disait Marx, c’est-à-dire sa valeur d’usage, laquelle ne peut s’obtenir qu’à travers l’embauche du travailleur, c’est-à-dire dans le cadre de son emploi.

Le salaire est déterminé par le rapport de forces entre travailleurs et capitalistes, c’est-à-dire par la lutte des classes. De l’histoire des luttes politiques et sociales il est résulté un Code du travail qui fixe les conditions de l’emploi (durée, etc.) En protégeant les salariés, qui sont par construction en position de faiblesse1, ce code assure au capital en général la disponibilité d’une force de travail exploitable avec efficacité. Le prix de la force de travail est un prix politique, le coût des services publics et de la protection sociale en constituant la part socialisée.

Quand l’exploitation de la force de travail dans le cadre existant de l’emploi devient trop coûteuse, l’impératif de profit conduit les capitalistes à tenter de porter atteinte à ce cadre, via leurs représentants politiques qui conduisent l’État. La réduction du coût du travail par  une réforme de l’emploi ne peut consister qu’en une forme de précarisation, puisqu’il s’agit de ne payer que le travail directement utile, celui dont le système productif a effectivement besoin, une heure par-ci, deux heures par-là, etc. Il s’agit de flexibiliser l’emploi pour ne payer que les heures productives et non un ensemble d’heures au sein duquel il y a des « pores » à éliminer : quand la production de plus-value relative patine (à cause de l’essoufflement des gains de productivité), le capital ne peut que revenir à la plus-value absolue, ce qui procure une baisse de la masse des salaires.

Le bouleversement des formes d’emploi a débuté avec l’emploi intérimaire dès le début des années 70, ce qui renouait avec une vieille pratique quasi esclavagiste du XIXe siècle de ceux que Marx avait qualifiés de « marchands de sueur » (“sweaters”). L’annualisation du temps de travail qui a « accompagné » les 35 heures fut une étape suivante, elle-même continuée par la loi El Khomri. Cependant, l’« ubérisation » du travail, aujourd’hui forme extrême de la précarisation, marque une rupture : cette application de la « révolution numérique » apparaît comme un remède à la montée structurelle du chômage en permettant d’écarter les attaques contre la protection des salariés. Et comble du désastre, elle parvient ainsi à faire renoncer les salariés au peu de protection que leur laisse encore le Code du travail, ce qui va dans le sens du constat de Marx selon lequel c’est dans les services que l’exploitation du travail peut être la plus sanguinaire.

Il est gravissime qu’une partie de la gauche de gouvernement tombe dans le piège du revenu universel que lui tend son ordo-libéralisme : soucieuse de la cohésion sociale en même temps que désireuse d’une gestion alternative du capitalisme,elle en vient à proposer sous un discours humaniste une régression sociale extrême. Il serait trop long de faire ici l’histoire du développement de ce piège, mais depuis le début du capitalisme,une frange de l’oligarchie capitaliste a toujours su récupérer au profit de l’intérêt général du système des propositions sociales plus ou moins idéalistes ou utopiques. Sans remonter à Thomas Payne ou au Système de Speenhamland2, nombreuse fut depuis la fin du XIXe siècle et encore aujourd’hui,  la « brave armée des hérétiques » que salua Keynes et qui à chaque grande crise se propose bravement en supplétive de gestionnaires dépassés.

 

  1. Adam Smith expliquait la fixation du salaire au minimum vital par le fait que la loi interdisait l’association des travailleurs mais « ne pouvait interdire aux maîtres du travail de dîner ensemble ». Nulle « main invisible » dans cette affaire. []
  2. Que décrit Karl Polanyi dans La grande transformation. []
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Guerre de Syrie : quelle analyse ? Qui sont les idiots utiles des impérialismes ?

par Zohra Ramdane

 

La guerre en Syrie est couverte par une guerre médiatique d’une grande intensité. Et comme souvent, il n’y a pas deux camps mais bien plus avec des systèmes d’alliances à géométrie variable. La gauche de la gauche française, une fois de plus, bafouille et certaines fois dit soutenir les oppresseurs et les opprimés à la fois.

Voilà l’inconvénient d’en rester à l’indignation. Une fois de plus, le slogan de Stéphane Hessel  « indignez-vous ! » fait des ravages. Devant l’horreur des images qui nous viennent du champ de bataille, voici les « bonnes âmes » qui veulent, sans prendre le temps d’une analyse concrète sur les causes et les responsabilités, qu’on leur donne en quelques secondes le coupable. Les médias néolibéraux sont là pour cela. Les uns acceptent la propagande des impérialismes occidentaux à savoir que Poutine n’est qu’un sauvage, les autres sont des soutiens inconditionnels du tsar russe. Mais la réalité est plus complexe. On apprendra par exemple que les projets de gazoduc font partie des causes du conflit (voir notre précédent article).

Pour comprendre ce conflit, il faut repartir du printemps syrien qui souhaitait une révolution démocratique contre le dictateur Bachar El Assad. Mais pour mener à terme cette révolution, il faut tout une série de conditions nécessaires donc celle d’avoir au moins une organisation capable de diriger la transition démocratique. Cette organisation n’existant pas, ce sont donc les organisations existantes soutenus par des parrains régionaux qui ont instrumentalisé cette demande de démocratisation.

En dehors des forces kurdes souhaitant l’installation du Rojava kurde sur la partie nord de la Syrie et qui sont des forces démocratiques, tout le reste sont des structures régressives anti-démocratiques directement liées à l’un des impérialismes ou à leurs alliés régionaux.

Il y a Daech, au début soutenu par le dictateur turc Erdogan et par les obscurantistes saoudiens.

Il y a ceux que l’on appelle les rebelles anti-Assad qui sont en fait une coalition dirigée d’une part par le Fatah-Al-cham (ex-Front Al-Nosra, filiale d’Al Qaïda) et d’autre part par une création de la confrérie des Frères musulmans, Ahrar al Cham, soutenu par le dictateur Erdogan de Turquie et par le Qatar. L’armée syrienne libre dépendait donc de cette coalition rétrograde et n’avait donc aucune réalité démocratique. C’est eux que l’exécutif français avait comme allié principal. Rien de moins ! Enfer et damnation !

Puis, il y a la coalition favorable à Bachar el Assad liée à l’impérialisme russe et à son allié iranien dont la haine de la démocratie est bien connue.

Cela dit, nous ne pouvons pas effectuer un simple renvoi dos à dos dans la mesure où c’est bien l’action de l’impérialisme étasunien soutenu par son allié français qui a engagé l’opération de destruction de la Syrie via son alliance avec les forces islamistes djihadistes pour réaliser d’une part son projet de gazoduc et développer sa doctrine du remodelage  du Grand Moyen-Orient en cassant les entités nationales. L’impérialisme russe a réagi pour garder un port sur la Méditerranée (le port russe de Lattaquié ), conserver sa présence géopolitique et aussi parce qu’il a un projet de gazoduc concurrent.

Nous disons donc clairement que le courant émancipateur est porté dans cette région aujourd’hui par la coalition kurde syrienne et par aucune des autres forces de la région. Même le dernier engouement autour d’un supposé maire d’Alep Est fait fi de savoir d’où vient ce nouvel acteur qui semble venir de nulle part ! Honte en France au gouvernement français, à la droite, à l’extrême droite. Et à la partie de la gauche de la gauche qui mélange les oppresseurs et les opprimés.

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Le piège de la « lutte contre l’islamophobie »

par Lutte Ouvrière

 

Une politique de construction de fronts pour « lutter contre l’islamophobie » est de plus en plus défendue par une partie de l’extrême gauche. Au point de perdre tout repère de classe, et d’user de démagogie vis-à-vis de l’islam politique.

Le débat sur cette question s’est amplifié avec les différentes affaires de jeunes filles voilées à l’école, à partir de 1989, et surtout après la loi de 2004 sur l’interdiction du voile à l’école. Il s’est poursuivi avec la polémique sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public, adoptée en 2010.

Depuis les attentats de 2015 et 2016, cette question a pris de l’ampleur. Par exemple, le lamentable épisode de l’affaire du burkini a remis en lumière, l’été dernier, la façon dont les politiciens de droite comme de gauche sont prêts à faire feu de tout bois pour détourner l’attention de l’opinion des problèmes essentiels du moment, par démagogie électorale.

Cette récupération de la question du voile, de la burqa ou du burkini par des politiciens qui se moquent de l’oppression des femmes et ne sont laïcs que lorsqu’ils parlent de l’islam, est choquante. C’est une campagne raciste.

Pour autant, en tant que militants communistes, nous sommes aussi des adversaires résolus de toutes les religions et de toute oppression, et l’actuelle campagne ne doit pas faire perdre aux révolutionnaires toute boussole.

La galaxie de l’anti-islamophobie

Depuis plusieurs années, une galaxie de groupes se donnant pour objectif la « lutte contre l’islamophobie » se développent et prennent diverses initiatives. Certains, comme l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) ou PSM (Participation et spiritualité musulmanes), sont ouvertement des associations de prosélytisme religieux. D’autres se défendent d’être des organisations religieuses et se cachent derrière des revendications d’égalité, de lutte contre le racisme et contre l’islamophobie. C’est le cas du CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France), de Mamans toutes égales, du Collectif une école pour toutes, Féministes pour l’égalité, et plus récemment d’Alcir (Association de lutte contre l’islamophobie et les racismes). Le Parti des indigènes de la République (PIR) est aussi à ranger dans cette galaxie.

Depuis l’attentat contre Charlie hebdo, en janvier 2015, les initiatives de ces groupes se sont multipliées : rassemblement anti-islamophobie le 18 janvier 2015 à Paris ; meeting contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire le 6 mars 2015 à Saint-Denis ; Marche de la dignité et contre le racisme organisée par le PIR le 31 octobre 2015 ; meeting à Saint-Denis contre l’état d’urgence le 11 décembre 2015, ou encore, le 21 septembre dernier, le meeting d’Alcir baptisé « Pour un printemps de la liberté, de l’égalité et de la fraternité », organisé dans le 20e arrondissement de Paris.

Ces différentes initiatives ne prêtent pas forcément à la critique. Le rassemblement du 18 janvier 2015 était une réponse à une manifestation d’extrême droite organisée le même jour pour « expulser tous les islamistes ». Et organiser des réunions contre l’état d’urgence ou marcher contre le racisme peut sembler juste. La question est de savoir qui organise ces initiatives, quelles idées s’y expriment, et ce que des militants qui se disent d’extrême gauche y font et y disent.

Ces rassemblements ont tous été en réalité des tribunes pour des organisations islamistes et communautaristes.

Lors du rassemblement du 18 janvier 2015, des jeunes brandissent des drapeaux algériens, turcs, marocains, des panneaux portant des sourates du Coran, et une grande banderole : « Touche pas à mon prophète ».

Le meeting du 6 mars 2015 était coorganisé par l’UOIF. Celui du 11 décembre faisait, lui aussi, la part plus que belle aux militants religieux. Certes, des laïcs (journalistes du Monde diplomatique ou représentante du Syndicat de la magistrature) s’y sont exprimés, mais en partageant la tribune avec Tariq Ramadan, Ismahane Chouder, porte-parole de PSM, ou Marwan Muhammad, porte-parole du CCIF.

On retrouve les mêmes parmi les signataires de l’appel pour le meeting d’Alcir du 21 septembre 2016. Le nom des porte-parole des associations et groupes religieux musulmans figure sur l’affiche, ornée d’une photo d’une femme voilée drapée… dans un drapeau bleu-blanc-rouge.

Parmi les signataires de cet appel on trouve le NPA, qui a appelé à ce meeting sur son site, avec cette affiche puant le patriotisme et le républicanisme.

Ces différentes initiatives se sont faites avec la participation ou le soutien de groupes ou partis de gauche (Attac, Ensemble, EELV) ou d’extrême gauche (anarchistes libertaires, antifas, NPA). Et le 18 décembre 2016 encore, a eu lieu une conférence internationale contre l’islamophobie et la xénophobie, à Saint-Denis, à laquelle appelaient conjointement le Parti des indigènes de la République et le NPA, et dont l’appel était signé par Olivier Besancenot et Tariq Ramadan.

Des organisations obscurantistes et réactionnaires

Il est vrai que le NPA reconnaît des désaccords politiques avec certaines de ces organisations. Certes ! Quand on sait qui sont ces porte-parole de l’anti-islamophobie à côté desquels une partie du NPA juge bon de s’afficher, on est même en droit de juger que le mot est faible.

L’UOIF ? Elle a participé, en toute logique, aux défilés contre le mariage homosexuel. Elle a notamment accueilli dans ses congrès Christine Boutin, Dieudonné, Alain Soral, et les deux égéries de la Manif pour tous, Frigide Barjot et Ludovine de La Rochère. Réactionnaires de toutes religions, unissez-vous !

Le CCIF est représenté par Marwan Muhammad. Cet ancien trader donne aujourd’hui des conférences en compagnie d’Abou Houdeyfa, l’imam de Brest qui explique dans ses prêches que ceux qui écoutent de la musique « seront transformés en singes ou en porcs ». Marwan Muhammad signe régulièrement des communiqués communs avec Idriss Sihamedi, responsable de l’association BarakaCity, lequel, sur un plateau télé en janvier 2016, expliquait qu’il était « un musulman normal », et qu’en conséquence il « ne serre pas la main des femmes ». Récemment Marwan Muhammad, lors d’un débat, a affirmé que la polygamie ne le regardait pas, puisqu’elle était, « comme l’homosexualité, un choix de vie personnel ».

Terminons ce bref tour d’horizon avec l’association PSM (Participation et spiritualité musulmanes), représentée entre autres par Ismahane Chouder, militante provoile, antiavortement et homophobe, qui se définit pourtant comme féministe et a pris la parole dans tous ces meetings. Hassan Aglagal, un militant marocain du NPA, plus lucide que nombre de ses camarades, écrit dans une tribune intitulée Assez de PSM dans nos luttes : « Participation et spiritualité musulmanes (PSM) est l’association qui représente en France le mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance), mouvement de l’islam politique fondé en 1973 au Maroc par le mystique soufiste Abdelassame Yassine. » Ce groupe est notamment responsable, au Maroc, « de l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche », en 1991 et 1993.

Le retour des « races »

Le Parti des indigènes de la République (PIR) est lui aussi présent à tous ces rassemblements, quand il n’en est pas l’organisateur.

Le PIR ne se place, lui, pas seulement sur le terrain de la lutte contre l’islamophobie, mais plus généralement sur celui de la défense politique de tous ceux qu’il appelle les indigènes, c’est-à-dire des victimes du colonialisme. Enfin, pas toutes : le PIR, peut-on lire sur la page de présentation de son site, « constitue un espace d’organisation autonome de tous ceux qui veulent s’engager dans le combat contre les inégalités raciales qui cantonnent les Noirs, les Arabes et les musulmans à un statut analogue à celui des indigènes dans les anciennes colonies ». Il semble que les Asiatiques, pourtant tout autant victimes des horreurs de la colonisation et de l’impérialisme, n’intéressent pas particulièrement le PIR.

Ce parti, qui a notamment été à l’origine de la Marche pour la dignité et contre le racisme d’octobre 2015, se réclame non seulement de la défense de la religion musulmane mais, au-delà, remet au goût du jour un terme utilisé par l’extrême droite : la « race ». Ce mot, que des générations de militants du mouvement ouvrier et de scientifiques ont banni de leur vocabulaire, pour la bonne et simple raison que les races n’existent pas dans l’espèce humaine, revient ces derniers temps, y compris dans l’extrême gauche, sous sa forme brute ou à travers le néologisme « racisé ». Ce mot est utilisé sans la moindre nuance dans des dizaines de publications, tracts, journaux, discours, jusqu’au NPA.

Ces idées se sont tellement diffusées, au moins dans une fraction de la jeunesse militante, que des organisations de cette mouvance ont pu convoquer à Reims, du 25 au 28 août 2016, un « camp d’été décolonial » dans lequel les « non-racisés » (c’est-à-dire les Blancs) étaient tout bonnement interdits. Lors du mouvement contre la loi travail, au printemps dernier, des AG ont été organisées dans des facultés, notamment à Saint-Denis et à Tolbiac à Paris, réservées aux « racisés ».

Le PIR se veut le porte-parole de cette évolution. Il étudie toute la société sous le prisme de la couleur de la peau, jamais sous celui des classes sociales ni des rapports économiques. Il assume totalement cette vision racialiste, fondée sur l’idée que les Blancs sont tous coupables de l’oppression des peuples coloniaux hier, et des immigrés aujourd’hui. Dans son dernier livre, Les Blancs, les Juifs et nous, la porte-parole du parti, Houria Bouteldja, écrit : « Au-dessus de moi, il y a les profiteurs blancs. Le peuple blanc, propriétaire de la France : prolétaires, fonctionnaires, classes moyennes. Mes oppresseurs. Petits actionnaires de la vaste entreprise de spoliation du monde. » Puis : « Le Français, dans son bureau, ça roule pour lui. L’Arabe, lui, est balayeur. »

Ce livre abject défend les idées les plus réactionnaires, à commencer par un antisémitisme nauséeux (« Vous les Juifs […] je vous reconnaîtrais entre mille, votre zèle est trahison. »), une homophobie assumée, une exaltation de « la redoutable et insolente virilité islamique » (sic), et une prise de position contre le féminisme, dénoncé comme une exportation blanche : « Mon corps ne m’appartient pas. Aucun magistère moral ne me fera endosser un mot d’ordre conçu par et pour des féministes blanches. […] J’appartiens à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race, à l’Algérie, à l’islam. »

Ces propos devraient suffire, lorsque l’on est communiste révolutionnaire, à s’interdire de faire tribune commune avec ceux qui les profèrent et qui sont pour nous ni plus ni moins que des ennemis politiques.

Le « féminisme blanc »

Une partie de l’extrême gauche, dans la foulée de la mouvance islamiste et du PIR, se débarrasse donc du féminisme d’un revers de la main en introduisant la notion, relativement nouvelle, de « féminisme blanc ». Les femmes qui interviennent dans les meetings que nous avons mentionnés se disent toutes féministes, mais d’un féminisme islamo-compatible, qui consiste à dire : « Je suis une femme, donc je fais ce que je veux, et si j’ai envie de me cacher derrière un voile cela ne regarde que moi. »

C’est une nouvelle variante du relativisme culturel, qui affirme depuis bien longtemps déjà que, européens et impérialistes que nous sommes, nous n’aurions pas à juger des pratiques « culturelles » des autres pays, en particulier ceux qui ont été colonisés.

Nous nous sommes déjà exprimés sur le paternalisme que sous-tend cette pseudo-théorie, lorsqu’elle est défendue par des militants de gauche ou d’extrême gauche européens : le port du voile, par exemple, leur serait insupportable, à eux. Mais ils l’estiment assez bon pour des femmes musulmanes. Pourquoi ? Parce qu’ils les estiment moins évoluées qu’eux ?

Non, le fait d’exciser les femmes ou de les inciter ou les forcer à vivre toute leur vie cachées aux yeux des hommes, dans une forme d’apartheid sexuel permanent, n’est pas une « pratique culturelle » au même titre qu’une danse folklorique. C’est une attaque sauvage contre la moitié de l’humanité.

Bouteldja, qui dit préférer appartenir « à [sa] race et à l’islam » plutôt que de dire que son corps lui appartient, va même plus loin : « Un féminisme décolonial doit avoir comme impératif de refuser radicalement les discours et pratiques qui stigmatisent nos frères. » Elle absout ainsi d’avance les lapideurs de femmes et les exciseurs, au nom du féminisme décolonial.

On peut également mentionner le récent livre de Nargesse Bibimoune, Confidence à mon voile. On y lit par exemple : « Mon cher voile, dis-leur que tu es la preuve de ma soumission à Dieu et uniquement Lui ! Dis-leur qu’à mes yeux tu es un instrument d’émancipation face à une société qui souhaiterait me dicter ma manière d’être une femme libérée. »

Les militantes comme Nargesse Bibimoune ou Houria Bouteldja choisissent donc d’être des esclaves volontaires de dieu ou des hommes. Tant pis pour elles. Mais nous, militants communistes et révolutionnaires, nous pouvons aussi choisir notre camp : dans l’affaire du voile, puis celle du burkini, des dizaines de féministes algériennes, turques, marocaines se sont exprimées pour dire leur rage devant la complaisance de l’extrême gauche française face à ces symboles d’oppression, elles qui risquent tous les jours leur vie à les refuser. C’est à elles que vont notre solidarité et notre respect.

La complaisance de l’extrême gauche

Une partie de la « gauche de la gauche » organise avec ce milieu réactionnaire toutes sortes d’initiatives, leur ouvre ses colonnes ou discute doctement avec eux de leurs positions.

Ce n’est pas par accident. Il y a longtemps que la LCR, et plus encore le NPA, se refusent à critiquer clairement le voile, et font preuve vis-à-vis de l’islam d’une bonne dose de démagogie. On se souvient de l’affaire de la candidate voilée du NPA dans le Vaucluse, en 2011. Se refusant à affirmer sans ambages le caractère oppressif du voile et de ses divers avatars vestimentaires, des membres de ce parti sont allés par exemple, en août dernier, jusqu’à organiser dans le cadre de leur université d’été une manifestation pour défendre le droit des femmes à porter le burkini, aux cris de « Trop couvertes ou pas assez, c’est aux femmes de décider ». On n’est, on le voit, pas très loin du féminisme décolonial.

Le NPA a déclaré, à la suite d’une réunion de sa direction nationale les 17 et 18 septembre dernier, que « le NPA, ses militants, ses porte-parole et son candidat seront au cœur de l’action contre le racisme et l’islamophobie ». Un communiqué du 16 octobre appelle à « faire de la lutte contre l’islamophobie une véritable priorité ».

Cela n’a rien de fortuit, de la part d’un courant qui a pour habitude d’épouser les idées d’autres courants, dans l’espoir de gagner l’oreille de telle ou telle fraction de la jeunesse, de la petite bourgeoisie intellectuelle ou du monde du travail. Autrement dit : tentons d’attirer les jeunes des banlieues à nous… en nous rangeant derrière des organisations qui, elles, disent ce que ces jeunes veulent entendre, quelque réactionnaires que soient leurs idées.

Cet opportunisme est une vieille tradition d’une partie du mouvement trotskyste, la même qui l’a conduite, dans le passé, à soutenir sans s’en démarquer les nationalistes des pays colonisés, comme le FLN algérien, ou certains courants staliniens, à trouver des vertus aux associations les plus réformistes, comme Attac, ou à faire les yeux doux aux décroissants.

Communisme et religion

Pour justifier leur indulgence pour l’islam politique, les divers groupes d’extrême gauche qui gravitent dans ce mouvement cherchent des justifications théoriques.

La religion musulmane, expliquent-ils d’abord, serait, en France, une religion d’opprimés et, à ce titre, non comparable aux autres religions qui, elles, seraient du côté des oppresseurs.

Que l’islam soit en France en religion majoritairement pratiquée par des opprimés, c’est-à-dire des prolétaires, c’est une certitude. Mais faire ce constat doit-il mener à se montrer conciliant avec cette religion ? Bien au contraire ! Davantage encore, justement parce que ceux qui sont touchés par cette religion sont les nôtres, nous devons la combattre ! La classe ouvrière, précisément parce qu’elle est la classe opprimée de la société, a moins accès au savoir, à la culture que d’autres couches de la société, ce qui la rend plus perméable à tous les préjugés. Et si ceux-ci prennent la forme de préjugés religieux parmi les travailleurs d’origine maghrébine ou africaine, ils en prennent d’autres, dans d’autres couches du prolétariat. À commencer par le racisme, hélas bien présent dans la classe ouvrière française. Et pourtant, aucun militant n’imagine ne pas le combattre sous prétexte qu’il s’agit de préjugés d’opprimés. Pourquoi en serait-il autrement avec la religion ?

Autre argument : le marxisme n’aurait pas de vraie tradition antireligieuse. C’est par exemple ce que prétend un enseignant de Seine-Saint-Denis, qui défend la liberté de porter le voile à l’école, Pierre Tevanian. Son ouvrage, La haine de la religion, explique, en le falsifiant, que Marx n’était finalement pas si antireligieux que cela. On y lit : « C’est aujourd’hui l’athéisme et le combat antireligieux, l’irréligion en somme, qui peut être considérée comme l’opium du peuple de gauche. »

Que le marxisme ne se soit jamais donné comme objectif prioritaire de faire de la propagande antireligieuse, certes. Les communistes ne sont pas des laïcards, du nom de ce courant de bourgeois radicaux au tournant des 19e et 20e siècles qui considéraient que la lutte contre la religion était plus importante que la lutte des classes, ou plutôt qui préféraient largement que les ouvriers se battent pour la laïcité plutôt que pour remettre en cause l’ordre social.

Marx savait que les préjugés religieux étaient les conséquences de l’oppression, et qu’ils ne disparaîtraient pas avant une transformation profonde de la société, en d’autres termes, avant que la société communiste, en supprimant l’exploitation et l’oppression, supprime du même coup les causes de la religion. Et la ligne de démarcation que tracent les communistes, dans la société actuelle, n’est pas entre les laïcs et les religieux, mais entre les prolétaires et les bourgeois.

Pour autant, les marxistes ont toujours considéré la propagande antireligieuse comme indispensable. Être communiste, c’est être matérialiste, et être matérialiste, c’est être athée. On peut être athée et se battre, dans une grève, aux côtés d’un travailleur croyant. Mais cela n’empêche pas qu’il est du devoir de n’importe quel révolutionnaire communiste d’essayer d’arracher non seulement les militants qu’il veut gagner à sa cause, mais même ses camarades de travail et de lutte, à l’emprise de la religion. Trotsky l’expliquait, en 1923 : « Nous adoptons une attitude tout à fait irréconciliable vis-à-vis de tous ceux qui prononcent un seul mot sur la possibilité de combiner le mysticisme et la sentimentalité religieuse avec le communisme. La religion est irréconciliable avec le point de vue marxiste. Celui qui croit à un autre monde ne peut concentrer toute sa passion sur la transformation de celui-ci. » Et à la fin des années 1930 il écrivait encore, dans Défense du marxisme : « Nous, les révolutionnaires, nous n’en avons jamais fini avec les problèmes de la religion, car nos tâches consistent à émanciper non seulement nous-mêmes mais aussi les masses de l’influence de la religion. Celui qui oublie de lutter contre la religion est indigne du nom de révolutionnaire. »

Le piège de « l’islamophobie »

Il est donc évidemment possible de lutter à la fois contre les discriminations racistes et contre la religion.

C’est la raison pour laquelle le terme d’islamophobie nous a paru ambigu, et il l’est toujours par certains aspects, bien que le mot soit devenu d’usage courant. Nous rejetons et combattons les discriminations qui peuvent s’exercer à l’encontre des musulmans, parce que nous sommes pour la liberté de culte. Mais nous sommes athées, opposés à toutes les religions. Et l’équation, imposée par les islamistes et leurs amis, selon laquelle lutter contre la religion musulmane signifierait être raciste, est une escroquerie.

Une partie de la classe politique française actuelle rejette et discrimine les musulmans, en tout cas les pauvres, ceux des cités et des usines, car elle ne rejette certainement pas les milliardaires des théocraties du Golfe. Et il est compréhensible que nombre de jeunes se sentent victimes d’une oppression spécifique, qui existe bel et bien. Comment admettre que les politiciens de droite, qui hurlent à la laïcité et veulent interdire les menus de substitution dans les cantines, soient les mêmes qui combattent pour permettre l’installation de crèches de Noël dans le hall de leur mairie ?

La laïcité des politiciens bourgeois d’aujourd’hui est à géométrie variable, et elle est tournée contre la religion musulmane, comme elle l’a été en d’autres temps contre les Juifs. Et c’est d’autant plus choquant que les mêmes n’ont pas hésité, dans le passé, à se servir de l’islam pour tenter de canaliser la colère et le ressentiment des jeunes des banlieues, comme le fit Sarkozy lorsqu’il créa le Conseil national du culte musulman.

Défendre le communisme

Mais nous estimons que c’est notre rôle, en tant que communistes, de dénoncer l’emprise de la religion musulmane sur la jeunesse d’origine immigrée ; de nous battre, de militer pour essayer d’arracher celle-ci au « brouillard de la religion », comme écrivait Marx, pour lui ouvrir les yeux, lui faire comprendre que son émancipation ne se fera pas par la soumission à des principes religieux d’un autre âge, mais dans l’union de classe avec le reste du prolétariat.

Notre tâche de révolutionnaires n’est pas de conforter les travailleurs dans leurs préjugés religieux, mais de les combattre. D’expliquer que l’islam politique, fût-il radical, n’a jamais combattu l’oppression sociale ; que c’est un courant profondément anticommuniste ; que là où il est au pouvoir, il l’est aux côtés de la bourgeoisie, réprime les grèves et assassine les militants ouvriers ; que l’islam, comme toutes les religions, prône la soumission et la résignation face à l’ordre social, en un mot que les partis politiques islamistes sont des partis bourgeois. De reprendre à l’identique, en ajoutant simplement au mot christianisme ceux de judaïsme et d’islamisme, les paroles de Marx : « Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’avilissement, la servilité, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille ; le prolétariat, qui ne veut pas se laisser traiter en canaille, a besoin de son courage, du sentiment de sa dignité, de sa fierté et de son esprit d’indépendance beaucoup plus encore que de son pain. »

C’est notre rôle d’expliquer aussi que, si les musulmans sont victimes de discriminations, c’est aussi un résultat de la politique des groupes djihadistes eux-mêmes, dont le caractère aveugle des attentats vise précisément et consciemment à provoquer des réactions de rejet contre les musulmans chez les Français non issus de l’immigration. Les travailleurs musulmans, en France, sont les secondes victimes des attentats, après les morts et les blessés. Il s’agit d’une politique consciente des dirigeants de l’islam politique, qui raisonnent de la même façon que les dirigeants impérialistes, et sont tout autant des ennemis des opprimés.

Pour mener ces luttes et défendre ces idées, les précédents dont on peut s’inspirer ne manquent pas, à commencer par l’exemple du bolchevisme. Car les actuelles attaques islamophobes ne sont rien à côté de ce qu’était l’antisémitisme dans la Russie tsariste, qui prenait la forme de pogromes et de massacres de masse. Les militants bolcheviks, dans ce contexte, n’ont pas choisi la démagogie vis-à-vis du nationalisme juif, et encore moins de la religion, mais ont lutté inlassablement pour arracher les opprimés juifs à cette influence, et les intégrer dans le combat général mené par le prolétariat. Le rôle des militants juifs dans le Parti bolchevik et dans la Révolution russe montre à quel point ils ont réussi.

* * *

Aujourd’hui, 170 ans après le Manifeste communiste, il faut apparemment encore rappeler que le communisme n’est pas compatible avec la religion.

Il est affligeant de voir des prétendus révolutionnaires se solidariser avec des rebuts d’idées que l’on trouve dans des livres comme ceux de Houria Bouteldja. Ces idées sont la négation même des idées communistes.

Cette évolution est un symptôme du recul réactionnaire qui touche la société. Le seul remède contre ce délitement, c’est de défendre sans relâche les perspectives communistes, l’idée qu’on ne peut pas combattre l’oppression en défendant une autre forme d’oppression. C’est de garder sa boussole de classe, de se battre inlassablement pour redonner une conscience aux travailleurs plutôt que la diluer encore un peu plus, de militer pour construire un parti communiste ouvrier.

Dans ce combat, il est indispensable de gagner au communisme des jeunes travailleurs issus de l’immigration, non pas en encourageant leurs préjugés religieux mais en en faisant des révolutionnaires, c’est-à-dire des athées, capables de contrebalancer dans leur propre milieu les idées propagées par les ennemis du mouvement ouvrier.

15 janvier 2017

Protection sociale
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Hôpital : de courtes vidéos contre la politique néolibérale du gouvernement

par ReSPUBLICA

 

Ce que dit l’interne Sabrina Ben Ali à Marisol Touraine :

Et maintenant les soutiens à Sabrina Ben Ali :

Lire aussi la réponse de Sabrina Ben Ali : http://www.huffingtonpost.fr/sabrina-ali-benali/ma-reponse-a-patrick-cohen-et-martin-hirsch-qui-remettent-en-qu/

Courrier des lecteurs
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"Chapeau !" - Un communiqué du SLMT Groupement national "Sauvons La Médecine du Travail"

par ReSPUBLICA

 

« Pouvez-vous lever le bras ? ….. Comme pour mettre un chapeau…/— Mais c’est mon cœur…/ Répondez aux questions. Pouvez-vous mettre un chapeau ? ./.. Oui . Mais c’est mon cœur qui /.….Répondez aux questions sinon votre évaluation en sera affectée/… Vous êtes médecin ? Infirmière ?/…. Je suis professionnel de santé /… Vous êtes du ministère ? /… Nous sommes missionnés par le ministère ».1 Ce dialogue, séquelle de la politique de Madame M. Thatcher en Grande-Bretagne, est importé en France en médecine du travail par la loi El-Khomri pour la VIP.
Le décret du 27 décembre 2016 relatif à la « modernisation de la médecine du travail » s’applique au premier janvier 2017. Il prévoit (Art. R. 4624-10) que « Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention [VIP ], dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail. » C’est-à-dire le plus souvent avant la fin de sa période d’essai.
L’objectif est que cette visite soit réalisée par l’infirmier de médecine et santé au travail puisqu’il y a carence de médecins. « Elle a notamment pour objet : […] d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Si ce n’est pas le cas « Art. R. 4624-14. Le professionnel de santé délivre une attestation de suivi au travailleur et à l’employeur à l’issue de toute visite d’information et de prévention. »
Mais si ce professionnel « Art. R. 4624-13. – A l’issue de toute visite d’information et de prévention, […] l’estime nécessaire, [il doit] orienter sans délai le travailleur vers le médecin du travail […] Cette nouvelle visite, effectuée par le médecin du travail, a notamment pour objet de proposer, si elles sont nécessaires, des adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes. »
Dans ce cas « Art. R. 4624-25. – Cet examen […] donne lieu à la délivrance par le médecin du travail d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude [qui sera] transmis au travailleur et à l’employeur ».
Ainsi, après cette visite, réalisée avant l’embauche définitive, et en dehors des cas de suivi individuel renforcé (SIR), il y aura deux catégories de salariés. D’abord celle des salariés qui fourniront à leur employeur une attestation de suivi prouvant ainsi que le personnel de santé qui a réalisé la VIP n’a pas « identifié si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Il leur sera possible d’envisager une éventuelle embauche à la fin de leur période d’essai à venir. Ensuite, la catégorie des salariés qui reviendront avec un avis du médecin du travail. Même s’il s’agit d’un avis d’aptitude, l’employeur saura alors immédiatement que le personnel de santé qui a réalisé la VIP a « identifié [que] son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ». Alors, bien sûr, l’employeur aura naturellement à cœur de compenser ce handicap en offrant préférentiellement à ce salarié malheureux un poste dans son entreprise…
Le décret d’application de la loi El-Khomri confirme les raisons de l’opposition qu’elle a provoquée. Elle instaure dans le code du travail français la discrimination des salariés à l’embauche sur la base de leur état de santé. En plus, elle place ainsi le médecin du travail, quoi qu’il fasse, en position de délateur trahissant de fait le point le plus fondamental de son éthique professionnelle : le secret médical. Car il importera peu à l’employeur de connaître exactement le motif de l’orientation lors de la VIP vers le médecin du travail. Sa conclusion sera simple et radicale : ce salarié a des problèmes de santé.
Chapeau au Medef, qui, en 7 années (depuis l’échec de l’accord des partenaires sociaux non signé de 2009), a atteint un objectif qu’il poursuivait depuis la création de la médecine du travail moderne. A savoir déplacer le rôle du médecin du travail de préventeur en agent de sélection et de délation au profit de l’employeur. Mais maintenant, il va falloir appliquer ces dispositions qui sont inapplicables. Les salariés vont réaliser à quel point elles contreviennent aux principes d’égalité devant l’emploi, de non-discrimination de santé et d’incompatibilité entre la médecine du travail et la sélection.

Le 12 janvier 2017
http://www.slmt.fr
Si vous souhaitez signer la pétition :
http://www.mesopinions.com/petition/politique/selection-sante-embauche/27434

 

  1. Le film « Moi Daniel Blake » de Ken Loach s’ouvre sur ce type de dialogue entre un ouvrier du BTP inapte au travail pour cause de cardiopathie et l’enquêtrice qui instruit son dossier d’invalidité . []
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A propos de « Candidat du Peuple, candidat du 11 janvier »

Un courrier reçu de Pierre Maillet

par ReSPUBLICA

 

La dernière une du site ReSpublica « Candidat du Peuple, candidat du 11 janvier – Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon » me fait réagir.

Si je souscris totalement au propos  tendant à la défense de la laïcité et du racisme, je trouve cependant l’argumentaire critiquable. Pourquoi en effet faire un symbole de la manifestation du 11 Janvier ? Je n’étais pas Charlie! J’étais consterné, indigné, horrifié par les attentats mais fallait-il pour autant d’une part défiler derrière des chefs d’états dont la plupart ne peuvent pas se prétendre républicains laïques et encore moins sociaux et d’autre part répondre à des sollicitations et mots d’ordre pas forcément en lien avec la réalité du phénomène terroriste. Pour ma part j’ai trouvé l’attitude de François Ruffin, le rédacteur du journal Fakir, particulièrement digne en posant les véritables questions (http://www.fakirpresse.info/je-suis-charlie-combien-de-divisions). Je trouve dommage que l’article ne prenne pas plus de recul après une année passée. Combien d’abonnés et de lecteurs de Charlie Hebdo dans la foule ? Était-ce vraiment un combat laïque et républicain qui y était défendu dans la manifestation du 11 Janvier ? j’en doute, la peur y était pour beaucoup. On embrassait la police, celle qui quelques mois plus tard cognait les manifestants contre la loi El Khomri. On peut discuter Emmanuel Todd. il n’est tout de même pas le seul à avoir souligné l’homogénéité sociale de la manifestation du 11 Janvier.

« Ceux qui, « à gauche », lisent le 11 janvier comme un rassemblement raciste de « catholiques zombies » – selon le mot saisissant de mépris d’Emmanuel Todd – ceux-là sont aveuglés par leur coupure sociale d’avec peuple français et leur incapacité à comprendre. »

Je pense qu’il y a au contraire capacité à comprendre en lisant E. Todd. Même si ses attaches anglo-saxonnes ne le font pas adhérer à ma (notre) conception de la laïcité et donc du mode français du « vivre ensemble », je persiste à penser que beaucoup de ses observations sont justes et qu’il faut en tenir compte.

La critique de l’Islam me pose problème quand elle quitte le champ religieux  vers l’assimilation à une population originaire d’Afrique du nord. Cela comporte le risque de basculer dans le racisme anti-arabe. Dans l’article il y a à peu près 62 % de mots ayant un rapport avec l’islam (sans compter les références aux pays musulmans), 24 % avec les juifs et 14 % avec les catholiques. Je ne crois pas faire preuve d’islamo-gauchisme en critiquant le fait que dans des propos voulant défendre la laïcité on s’attaque plus précisément à l’Islam.  C’est comme cela que l’on s’expose à l’accusation d’islamophobie alors qu’il s’agit de défendre la liberté. Avec raison il est fait allusion à la Manif pour tous mais concernant les catholiques l’offensive actuelle en Pologne contre le droit à l’avortement et la contraception mériterait d’être évoquée tout autant. De même les propos du candidat Fillon et le pedigree de son entourage ( http://la-bas.org/la-bas-magazine/chroniques/fillon-ultra-liberal-mais-ultra-reac-aussi ) vaut la peine aussi qu’on s’y attarde. Je regrette donc ce déséquilibre. L’article met l’accent sur les dangers des intégrismes religieux à l’égard des femmes. C’est tout à fait juste mais réducteur. D’une part combattre l’exploitation de l’image de la femme (pas que l’image d’ailleurs) par l’autre religion féroce qu’est le capitalisme est tout aussi légitime. D’autre part d’autres domaines comme l’école laïque en particulier sont attaqués (mais je ne vous apprends rien bien sûr :-) ).

Enfin, je m’interroge sur les références aux ouvrages de Ernesto Laclau et Chantal Mouffe. Je n’ai lu à leur sujet.que des interviews et des articles ( http://www.monde-diplomatique.fr/2015/09/KEUCHEYAN/53712 . Il y aurait à discuter sur leurs influences sur Syriza et Podemos. Comme chantait Boris Vian « il y a quelque chose qui cloche ». Sur la critique de l’essentialisme il semble qu’il y ait échec.

« Si l’on se penche sur une carte des derniers résultats électoraux en Espagne, le bilan est facile à tirer : en dehors du cœur de l’agglomération madrilène (zone riche, dynamique et urbaine), qui leur est plutôt favorable, les podemitas ne séduisent guère dans le centre de l’Espagne. De la même façon, ils sont à la traîne dans les régions périphériques plus défavorisées (Région de Murcie, Andalousie, Canaries, Asturies). C’est pourtant dans ces zones que se trouvent les plus pauvres des Espagnols, ceux qui bénéficient le moins des avantages matériels offerts par la mondialisation – je pense notamment aux zones rurales de Castille-et-León, de Castille-La Manche, d’Aragon et d’Estrémadure. Ces régions sont centrales géographiquement mais périphériques économiquement et politiquement – et elles n’intéressent pas Podemos, puisqu’elles tournent le dos à cette formation (même si l’on note des exceptions locales, comme l’agglomération de Cadix, en Andalousie). »  Espagne : « ceux qui croient que Podemos remettra en cause l’Union européenne se trompent », entretien avec Nicolas Klein

Il ne faudrait pas jeter la « lutte des classes » avec l’eau du bain !

Pour conclure, je trouve dommage que l’argumentaire de cette lettre ayant pour vocation d’influer sur les thèmes de campagne de Jean-Luc Mélenchon ne soit pas mieux équilibrée, qu’elle pêche par sa référence à la manifestation du 11 Janvier qui n’est pas, à mon avis, une manifestation pour la laïcité, qu’elle est malhabile dans sa démarche. Elle ne répond pas non plus aux questions que je me pose sur la « coupure » entre les populations du centre et de la périphérie. Ce dernier thème était à l’ordre du jour des « Nuits debout » mais sans résultats hélas.

Pierre Maillet

 



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