n°845 - 14/06/2017
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Chronique d'Evariste
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11 juin 2017 : enseignements du 1er tour des législatives

par Évariste

 

Nous ne revenons pas sur les citoyens non inscrits sur les listes ou mal inscrits. Comme nous l’avons noté pour le premier tour de la présidentielle du 23 avril, 11,4 % de l’électorat potentiel est non-inscrit sur les listes électorales et  15,1 % des inscrits sont mal inscrits, c’est-à-dire ne sont pas inscrits où ils habitent.
Par contre, un problème de légitimité s’annonce avec une abstention record pour la Ve République, alors que plus d’un inscrit sur les listes sur deux décide de ne pas voter et que la grande majorité de l’assemblée ne représentera in fine que 16 % des inscrits. Quand les citoyens qui étaient hostiles à la loi El-Khomri I verront que Macron va faire passer par ordonnances une loi El Khomri II plus anti-sociale que la première et davantage encore (la prochaine réforme des retraites, etc.), il est probable que le président fera l’objet du même désamour que Hollande. Mais la crise politique risque d’être plus forte que la précédente. Et alors, s’en suivra une course de vitesse entre la gauche et l’extrême droite comparable à celle que nous venons de vivre mais en plus marqué encore. Préparons-nous à cette échéance.

Revenons au scrutin lui-même. En fait, d’après Ipsos, ce sont les jeunes (64 % chez les moins de 35 ans soit presque le double des plus de 60 ans) et les couches populaires (61 % des employés et 66 % des ouvriers se sont abstenus) qui sont les principaux abstentionnistes. Cela explique le fort recul de la France insoumise et du Front national par rapport au premier tour de la présidentielle 2017 où ils avaient percé dans ces catégories sociales, en particulier chez les jeunes.
Chez les votants, la France insoumise a notamment perdu du terrain chez les 18-24 ans (avec 18 %, contre 30% pour Jean-Luc Mélenchon dans cette catégorie au premier tour de la présidentielle, -12 points), chez les employés (14 %, -8 points), les ouvriers (11%, -13), les chômeurs (18 %, -13), les bas revenus (13 %, -13). Le FN reste le premier parti chez les ouvriers (29 %) malgré son recul massif par rapport à la présidentielle.
Cela dit, le rapport des forces à gauche a changé dans pratiquement toute la France. D’une façon générale, la France insoumise est à la première place dans les forces politiques de transformation sociale très loin devant le PCF qui s’effondre, y compris dans certains de ses bastions historiques (le Val-de-Marne entre autres).
Le Parti socialiste subit un déclin sans précédent, que ce soit du fait de ses frondeurs ou pas.

Le second tour ? Le mieux placé des candidats France insoumise, PCF et autres forces de gauche qui s’opposent manifestement aux  politiques d’austérité néolibérales, doit bénéficier d’un désistement.

Pour la suite de l’histoire, plus que jamais, il faudra renforcer le travail d’implantation des idées de transformation sociale  dans les couches populaires et les jeunes, sans quoi il n’y aura pas de transformation sociale. A noter que la poussée de Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne est dû à une campagne essentiellement portée sur les couches populaires, la défense de la protection sociale, des services publics, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Plus que jamais, le travail d’éducation populaire refondée en lien avec les luttes sociales doit prendre force et vigueur.
Plus que jamais, il conviendra de sortir des schémas post-keynésiens qui n’ont pas d’avenir.
Hasta la victoria siempre !

 

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Des élections peuvent en cacher d’autres 

par Jean Zelmay

 

Présidentielle, législatives : entre la société du spectacle et la dynamique « insoumise », les projets ont été braqués ces derniers mois sur les élections « politiques », mettant de côté la nouvelle mesure d’audience de la représentativité syndicale, dont les résultats officiels ont été dévoilés le 31 mars 2017. La « démocratie sociale » se limiterait-elle pour certains aux seules élections de la Ve République ?

La représentativité syndicale, entre moyens et finalités

Instituées depuis la loi du 20 août 2008, via un accord national interprofessionnel CGT-CFDT-MEDEF1, les nouvelles règles de représentativité ont mis un terme à celles d’après-guerre, qui avaient donné alors une représentativité nationale et interprofessionnelle dite « irréfragable » aux cinq grandes centrales syndicales françaises. En définissant de nouveaux critères pour la représentativité aux différents échelons (entreprises, branches et niveau interprofessionnel), la réforme a modifié les stratégies syndicales et accompagné l’inversion de la hiérarchie des normes, en permettant et en incitant une négociation collective au niveau de l’entreprise… qui a pu – progressivement depuis 2004 – être plus défavorable que l’accord de branche2 sur des thèmes qui ne cessent de se multiplier. La « loi travail » s’inscrit d’ailleurs dans cette logique, en allant encore plus loin. La représentativité est une des pierres angulaires des relations sociales et peut être résumée par trois éléments majeurs :

  • la capacité de négocier et de signer des accords dans les entreprises, à condition d’avoir réalisé 10 % au premier tour des élections Comité d’Entreprise (ou Délégation Unique du Personnel, et à défaut des délégués du personnel) pour les titulaires. Le seuil de 30 % quant à lui conditionne la validité d’un accord, sauf opposition de plus de 50 % des organisations syndicales représentatives du périmètre… mais qui va être modifié avec la « loi travail » grâce à l’utilisation d’un référendum contraignant favorable aux directions d’entreprises par les organisations syndicales pesant plus de 30 % : une manière de détourner la notion de « représentativité » et de « négociation collective » ;
  • l’obtention de moyens syndicaux (et notamment des heures de délégations) ;
  • la présence et la négociation dans les conventions collectives, qui reste une des bases du paritarisme à la française.

Ces résultats sont aussi déterminants pour de nombreux sujets : le nombre de conseillers prud’homaux depuis la dernière réforme, la présence dans différentes institutions, et cela vient bien sûr donner une image du rapport de force de certaines organisations syndicales. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement de l’époque et certaines organisations pensaient que cette réforme permettrait de renforcer les deux organisations syndicales majoritaires françaises et de déplacer le mode de contestation et d’organisation collectif sur l’élection plus que sur l’adhésion et la construction d’un syndicalisme de lutte et de terrain.

Quelles forces syndicales en 2017 ?

Sentant le vent tourné plusieurs semaines avant même la publication officielle des résultats, la CGT avait préparé les esprits et communiqué à plusieurs reprises en interne : l’exploitation médiatique faite par les experts auto-proclamés en relations sociales a été aussi réduite que leurs connaissances et pratiques du monde du travail. Résultat, la conférence de presse de la CFDT a été reprise telle qu’elle, résumant la démocratie sociale à des résultats à prendre avec des pincettes, comme l’a très bien souligné l’article : « Ne croyez pas au bobard que la CFDT est passée devant la CGT ». Mais qu’est-il possible de tirer comme leçon des résultats, qui sont, rappelons-le, néanmoins très contestés à la fois sur le fond (une photographie sur un cycle électoral de quatre ans, avec des fermetures d’entreprises importantes dans certains secteurs par exemple) et sur la forme (l’agrégation de résultats remontés à partir de PV transmis par les directions d’entreprises sans vérification ou contrôle des organisations syndicales et dans lesquels de nombreuses erreurs ont été constatées par les agents du ministère chargés du traitement des données) ? Que faut-il penser d’une mesure d’audience qui agrège à la fois les résultats sur un cycle électoral des 4 dernières années dans les entreprises de plus dix salariés et ceux d’une élection nationale mal ficelée pour les salariés des TPE ? Globalement la CGT et la CFDT restent stables, tout comme FO, et malgré une petite poussée de l’UNSA, le maintien de la CFTC au dessus des 10 % et la stagnation de SUD-Solidaires, c’est le résultat du syndicat très corporatiste CFE-CGC qui doit être souligné. C’est en effet la première leçon à retenir : la modification d’une partie du monde du travail, avec la forte augmentation des salariés dits du deuxième et troisième collège (agents de maîtrise et surtout cadres) qui font le choix de plus en plus important d’un syndicalisme catégoriel et ultra-réformiste. Il faut dire que même si la classe ouvrière (dans sa définition « marxiste ») reste majoritaire, les suppressions d’emplois, fermetures d’usines, casses des collectifs de travail, la sous-traitance et la précarisation généralisées ont cassé des bastions syndicaux traditionnels.
La seconde leçon, c’est le maintien d’un paysage syndical très proche d’il y a quatre ans, avec un découpage plus précis et clair des forces syndicales, entre réformistes et syndicalistes de lutte, dont la « loi travail » a permis de voir les organisations syndicales qui y étaient favorables et celles qui organisaient le mouvement. Le troisième apprentissage que nous pouvons retenir, c’est le renforcement de pratiques bureaucratiques dans le syndicalisme pour faire face à toutes les exigences et courses aux élections, qui détermineront notamment le nombre de congés de formations syndicaux. Ainsi, la plupart des organisations syndicales ont du mettre en place non pas des plans de développement pour la diffusion d’idées, mais bel et bien d’objectifs électoraux pour continuer de fonctionner – ce qui est certes la base pour la bataille idéologique mais ne doit pas devenir l’objectif suprême.

Pour mener des élections sur un programme clair

On ne sait que trop bien que des victoires à la Pyrrhus n’apportent aucun changement et que la lutte des classes est parfois transformée en guerre des places – il ne faut pas nier les contradictions individuelles et collectives pour la composition des listes lors des élections professionnelles, ni les luttes et courants dans les organisations syndicales qui voient des enjeux parfois à très court-terme. Mais le syndicalisme de transformation sociale, pour vivre et exister, doit s’adresser à la masse des travailleurs, en les incluant dans le processus mais surtout en parlant du quotidien pour que les revendications immédiates puissent questionner et remettre en cause le système économique et social. La représentativité, désormais quasi exclusivement basée sur le score électoral a conduit des équipes à considérer qu’elle en devenait alors une finalité à toute épreuve et ce peu importent les moyens ; en somme, nous avons assisté à trois tendances et dérives.
La première, c’est de privilégier encore plus qu’avant la phase électorale à la phase de syndicalisation alors que les deux doivent s’auto-alimenter et sont nécessaires. La seconde, ce sont des objectifs de 10 % dans les entreprises et 8 % dans les branches… avant même de se demander si les valeurs et idées portées gagneraient progressivement les consciences. Enfin, dernier et troisième élément, c’est la manière dont les pratiques syndicales ont elles-mêmes évolué, du fait de la loi notamment, en incitant les équipes à faire « campagne » sur les activités sociales et culturelles du CE plus que sur les revendications syndicales dans leur ensemble. Il se passe pourtant quelque chose d’intéressant, qu’il faut saisir : les ASC, branche « armée » de l’émancipation des salariés, vont aussi de pair avec les attributions économiques du CE (en somme, le contrôle de « la production » à moyen terme, si on s’en tient à l’esprit de la création des CE). Il est donc tout à fait possible de profiter de ces espaces de campagnes électorales dans les entreprises, sans faire preuve de naïveté, pour lier un programme de lutte sur les ASC et les attributions professionnelles à la vision globale de la société3. C’est à ce prix qu’il faut mener cette bataille pour la gagner, en permettant aux collègues à travers les ASC d’œuvrer à leur émancipation individuelle et en luttant directement dans l’entreprise sur l’organisation du travail.

Pendant ce temps, dans les conventions collectives…

Longtemps, ces « accords au niveau d’une activité, profession et/ou territoire » ont été le socle du droit du travail, empêchant ou limitant le dumping social et permettant ainsi d’offrir une base commune de droits pour tous les salariés du même secteur : petites entreprises ou multinationales, le minimum légal au niveau de la convention était tiré progressivement par le haut par les luttes dans les plus grosses entreprises et la capacité de peser dans les négociations. Les conventions collectives sont aussi le fruit des vies syndicales, des activités professionnelles et du poids du patronat dans certains secteurs ; la présence dans les branches pour les organisations syndicales comme patronales étaient aussi l’occasion d’un financement à travers les mécanismes du paritarisme, comme la formation professionnelle, et de droits légitimes au fonctionnement à travers des moyens syndicaux. Les enjeux sont surtout importants au regard de la négociation collective et de l’intérêt qu’elle présente pour les salariés de toute une branche, source de principe de faveur et de progrès social. Le patronat ne s’y est pas trompé en souhaitant progressivement détruire les conventions collectives (restructurations de secteurs et fusions de conventions, externalisations et sous-traitances pour échapper à une convention, accords dérogatoires plus défavorables) au profit de l’accord d’entreprise, là où le rapport de force est plus défavorable (chantage à l’emploi, concurrence entre salariés, etc.). Le droit est une technique au service d’un idéal ou du moins, dans l’encadrement des relations de travail, pour rétablir un équilibre (partiel) d’un contrat de travail basé sur la relation de subordination. La DGT (Direction générale du travail) sollicitée dans de nombreuses situations lors de blocages de négociations (emploi, minimas conventionnels, etc.) reste elle dans la ligne droite d’une politique libérale en accompagnant le patronat dans la casse des conventions collectives. Créer des liens de solidarité pour un collectif de travail passe par la création d’éléments et de conditions communs, déjouant ainsi la jungle du capitalisme et de la concurrence sans fin entre groupes, entreprises, établissements d’une même entreprise et finalement salariés. L’importance d’avoir des délégations syndicales refusant l’inversion de la hiérarchie des normes et jouant un rôle important de coordination pour soutenir les luttes et tendre vers une harmonisation par le haut vient rappeler que le calcul de la représentativité a ainsi des conséquences à plusieurs niveaux (dans les orientations et concrètement).

L’implication sur le lieu de travail, un élément essentiel

Trop souvent, les engagements sont cloisonnés – vie associative, philosophique, politique, syndicale -, parfois hiérarchisés, mais rarement vécus comme une complémentarité individuelle et collective. Il y a pourtant trois bonnes raisons de se syndiquer : la première, c’est que quelque soit la catégorie à laquelle on appartient et même si elle peut régulièrement changer, chacun à sa place dans le syndicat. Salarié, précaire ou non, intérimaire, en CDD ou en CDI, retraité, chômeur, étudiant. Il n’y a pas d’excuse pour ne pas se syndiquer du fait d’une situation où il n’y aurait pas de syndicat là où l’on travaille : le maillage territorial permet à chacun de se syndiquer, de recevoir de l’information, d’avoir accès aux formations, de débattre… et c’est bien là le second intérêt : au lieu de commenter ce qui se passe dans les syndicats, et notamment au sujet du combat laïque comme du combat social, quoi de mieux que de peser dans les prises de décisions et convaincre d’autres syndiqués.
Enfin, la troisième raison, c’est de pouvoir toucher par le biais de revendications immédiates et claires des millions de travailleurs ou chômeurs, parfois très éloignés de nos idées : quoi de mieux que de lutter contre le communautarisme ou pour le partage des richesses, contre l’extrême droite et les intégristes religieux ou pour le partage du temps de travail, que d’utiliser l’ensemble des outils à notre disposition. Si la Charte d’Amiens , à laquelle font référence encore de nombreux syndicats, fait l’objet de plusieurs lectures (de la neutralité à l’égard des organisations politiques à la revendication première de réelle indépendance, jusqu’à l’autogestion par et pour les travailleurs en dehors de ces dernières) semble avoir perdu de sa superbe, elle reste pourtant un élément central de référence qui inspire les  rapports sociaux : un affrontement entre classes, aux intérêts divergents, qui nécessitent de mener des combats sur le lieu de travail et de production (y compris de services) pour imposer un changement. Que l’on soit sur une tendance « ne comptons que sur nos luttes » ou d’une « révolution citoyenne », qui ne sont d’ailleurs pas opposables entre elles, elles passeront de toute façon par une mobilisation sur tous les terrains.

On vote, mais pas que !

Résumer la « chose publique » aux périodes électorales, et encore plus aux seuls « votes », peut interroger sur l’avenir de l’engagement et notamment sur le syndicalisme de lutte. Si nous pouvons résumer sous cette appellation la CGT et SUD-Solidaires ainsi qu’une partie de FO et des équipes syndicales affiliées à d’autres organisations, il est impossible de nier le poids important que pèse encore le syndicalisme combatif en France. Pourtant, de nombreux obstacles surgissent dans le clair-obscur qui s’offre à nous : les évolutions législatives qui modifient les pratiques syndicales en valorisant et en encourageant un syndicalisme réformiste, notamment dans les institutions représentatives du personnel, le contexte économique et social, la culture du faux consensus et de consommation capitaliste (et donc de services que l’on paie, y compris auprès de « syndicats »). De nombreuses critiques, légitimes, peuvent être adressées au syndicalisme français et y compris aux organisations qui se réclament de pratiques réelles démocratiques et de classes ; pour autant, l’engagement quotidien par les batailles d’idées, la présence sur le terrain et l’encadrement culturel, social et politique des délégués ont encore une influence fondamentale sur le syndicalisme. Quelle autre organisation peut se targuer de toucher aussi régulièrement, dans le quotidien, des dizaines de millions de salariés et de fonctionnaires ? L’apprentissage de la démocratie dans les institutions représentatives du personnel, les réflexions qui naissent dans les pratiques de luttes et les moyens donnés (malgré des reculs importants) doivent aussi relativiser l’espace « électoral » dans les entreprises. Le syndicalisme, par essence, est un outil important de transformation de l’individu et de la société, et doit continuer à jouer un rôle fondamental dans la construction d’une autre société.

Le futur nous appartient

En assignant au syndicalisme une définition propre à sa conception de « partenaires sociaux », le patronat et les forces réactionnaires à défaut de modifier la réalité ont modifié la perception des « intérêts divergents » qu’il faudrait dépasser, pour être dans le camp de « la modernité ». Les mots, les références, les images et symboles sont régulièrement travestis pour semer la confusion et qualifier toutes les oppositions et contestations sociales de « passéisme ». La conquête du « progrès social », malheureusement, s’est rarement faite sans combattre. Et la pierre angulaire, c’est s’organiser pour ensuite déployer tous les outils à disposition : l’éducation populaire, la solidarité et l’entraide… La question de (vraies) bourses du travail du XXIe siècle est donc posée, et par là notre capacité à faire de la « politique » un moteur puissant d’action, de changement et d’audace émancipatrice. Dans la rue, les entreprises, les lieux de vie, et les urnes : l’alchimie sera alors juste et parfaite.

  1. Position dite « commune » CGT-CFDT-MEDEF qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque à cause de l’hétérogénéité des signataires. []
  2. Loi n°2004-391 du 4 mai 2004  []
  3. http://gilles.bruno.caire.free.fr/ []
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Avec Macron, en avant pour le prochain recul social en matière de retraites

par Bernard Teper

 

La question est toujours la même : pourquoi une part importante des citoyens votent-ils contre leurs intérêts ? Parce qu’ils se leurrent avec les discours néo-modernistes en croyant les slogans publicitaires des néo-libéraux. Il suffit que Fillon dise : « je veux augmenter l’âge de départ à la retraite » pour que Macron sorte son slogan mystificateur : « je ne souhaite pas augmenter l’âge de départ à la retraite mais je souhaite moderniser le système des retraites pour parfaire le système par points ou mieux passer en comptes notionnels ». Et voilà les mystifiés en pâmoison devant la jeune pousse patronale.  Le problème est que les deux chemins mènent à la même Rome de la baisse des niveaux de retraite pour la grande majorité des retraités et à la baisse de la part des retraites dans la valeur ajoutée (somme des richesses produites par les travailleurs chaque année).

Mais la plupart des responsables et des militants des partis dits de la gauche radicale et des syndicats du mouvement syndical revendicatif sont incapables de présenter un discours aux masses pour leur montrer cette supercherie. Pourquoi ? Parce que ces organisations ont abandonné la formation de masse et surtout l’éducation populaire refondée qui, seule, permet de construire patiemment une nouvelle hégémonie culturelle chez les militants et adhérents de ces organisations et donc aussi chez les travailleurs et les citoyens. Car quand un militant ou adhérent n’est pas capable de répondre aux amis, collègues, ou au grand public, le seul discours qui frappe les esprits est le discours mystificateur des néolibéraux (hier Sarkozy et Hollande, aujourd’hui Macron) ou le discours démagogique et nauséabond des extrêmes droites catholique ou Front national.

Tout d’abord, il faut comprendre que le mouvement réformateur néolibéral a aujourd’hui un projet indispensable à la survie du capitalisme qui est la diminution des salaires directs et socialisés pour les transformer en salaires précaires et en salaires différés à cotisations définies d’abord puis en fiscalisation totale de la protection sociale non privatisée, but du patronat. Ce projet indispensable à la survie du capitalisme, car le capital n’arrive plus à résoudre sa crise du profit : d’une part, il ne lui est plus possible d’engager une troisième guerre mondiale comme il le fit à la fin des années 30 ; d’autre part les innovations n’ont plus les effets d’entraînement en termes de gains de productivité que l’on a connus par le passé, car la tant célébrée « révolution numérique » ne concerne que les services (ubérisation, etc.), c’est-à-dire du travail improductif de plus-value. Tout cela, nous pouvons le montrer en réunion de formation pour ceux qui estiment encore nécessaire à se former.

Puis, il faut comprendre que le projet du mouvement réformateur néolibéral qui a un projet ouvertement anti-social ne peut pas y parvenir sans passer par le syndrome de la « grenouille chauffée ». Donc, il pratique un projet par étapes sur plusieurs décennies en disant à chaque étape que c’est pour le bien du peuple et pour sauver le système social « européen ». Alors que c’est pour la survie du capitalisme et donc de son oligarchie. Ainsi, les contre-réformes des retraites ont connu ces étapes : 1993, 1995 (où les néolibéraux ont échoué), 2003, 2008, 2010, 2013. Et Macron veut engager la suite !

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit la diminution lente mais progressive du taux de remplacement des retraites. La mécanique est connue : le système par répartition « à prestations définies » est petit à petit transformé en système par répartition à « cotisations définies », ce qui a pour effet la baisse du salaire socialisé et donc des retraites. Puis vient, le « système par points » et enfin, le nec plus ultra pour le mouvement réformateur néolibéral, le système par comptes notionnels. Ce dernier système supprime toute négociation car il ajuste le montant de la retraite en fonction de la date de départ à la retraite et de l’espérance de vie de la classe d’âge considérée. C’est la « technique » qui fait alors baisser la retraite et non plus directement le patronat allié aux syndicats complaisants et au gouvernement néolibéral. Fini la solidarité par le système de retraites. A chaque nouvelle contre-réforme, il s’agit de baisser ou d’éliminer les prestations de solidarité pour arriver petit à petit à un système contributif personnel pur mais avec un volume des retraites en diminution relative constante par rapport au PIB. Bien évidemment, l’augmentation des inégalités de santé et d’espérance de vie entre classes sociales ne rentre pas en ligne de compte. Par exemple, à 35 ans, l’écart d’espérance de vie entre cadres et ouvriers est de 7 ans (un an de plus qu’il y a 25 ans !).

Tout est en place, même le journal Le Monde et le Cercle des économistes viennent de primer l’économiste Bozio, compère de Piketty. Pourquoi ? Parce qu’il est un thuriféraire de la retraite par comptes notionnels et de la position patronale de la fiscalisation de la protection sociale ! Dans cette société du spectacle, que la pièce de théâtre commence !

Accélération de la privatisation des secteurs « rentables » et de la socialisation des secteurs « non rentables »

Nous savons donc depuis longtemps à ReSPUBLICA que privatiser les profits et socialiser les pertes est le but constant du capital en général, quelle que soit la période, qu’il y ait croissance ou pas, selon le rapport de force. Et le but du néolibéralisme est de restaurer le profit en cassant les salaires, directs ou socialisés (services publics, école et protection sociale). Il s’agit donc pour Macron et donc le capital de reprendre ce qui a été socialisé, avec éventuellement la possibilité pour des capitalistes individuels de faire du profit au passage via la privatisation de certains services (école, santé, etc.)

Il s’agit bien ici de casser le modèle social issu du CNR, comme le réclamait Denis Kessler et comme les gouvernements l’ont essayé depuis Pompidou président et Debré premier ministre. Libéré des partis, le gouvernement actuel a les mains très libres, il va donc bien avancer vers ce que Sarkozy et Hollande ont encore échoué à atteindre.

Cassant l’unité de la Sécurité sociale, bien mal défendue par le mouvement social et politique, ce but est que les secteurs non rentables seront à terme fiscalisés et les secteurs rentables privatisés par l’oligarchie capitaliste

Mais le discours culturel de Macron et de Philippe est une musique bien huilée. Le transfert des cotisations sociales salariales santé (0,75 % du salaire brut) et chômage (2,4 % du salaire brut) vers la CSG (augmentation de 1,7 %) fera gagner les actifs (surtout les hauts salaires des couches moyennes supérieures ! Il n’y a que les très hauts salaires au-dessus de 33 450 euros par mois qui subiront une légère perte dans ce transfert ! On ne pleurera pas pour eux !) Par contre, toutes les retraites de plus de 1 200 euros (une retraite aisée pour Macron !) vont  subir une perte sèche alors que la croissance folle des inégalités sociales de retraites accroît déjà le nombre de retraités dont la vie est de plus en plus difficile. À noter que ce sera un effet d’aubaine pour les patrons qui en profiteront pour moins augmenter les futurs salariés !

Mais il y a plus beau dans la manipulation. Comme les revenus du capital des personnes physiques sont impactés par la CSG, cette hausse sera prétendument compensée par l’introduction du prélèvement forfaitaire unique (PFU), alors qu’elle alourdira la fiscalité pour les petits revenus et l’allégera pour les plus élevés ! Elle est pas belle l’histoire construite et écrite par les vainqueurs !

Bien évidemment, cela se rajoutera à l’effet différé de l’accord régressif de novembre 2015 Agirc-Arrco qui organise la baisse des retraites du privé. Voir ci-dessous.

En fait, la gestion de la Sécurité sociale a subi plusieurs mutations. D’abord, la Sécurité sociale a été gérée de 1945 à 1967 par les représentants élus des assurés sociaux, les conseils d’administration comptant ainsi 75 % de travailleurs. Nous avons ensuite vécu ensuite un double mouvement d’étatisation et de privatisation de la Sécurité sociale. A partir de 1967, on a eu droit à une gestion paritaire plus défavorable aux travailleurs, car le patronat et l’État devenaient majoritaires dans les conseils car les syndicats complaisants votaient souvent avec le patronat. Puis, nous sommes passés à une étatisation de la Sécurité sociale par les « réformes de 1995, 2009, etc.). Macron souhaite terminer ce travail d’étatisation de la protection sociale et donc remplacer la gestion paritaire par une étatisation complète (il le propose déjà sur l’assurance-chômage afin de baisser les prestations) et aller vers le projet du Medef de fiscalisation totale des secteurs non rentables. Comme le Conseil constitutionnel estime que les prélèvements des cotisations ne peuvent avoir lieu vis-à-vis des populations qui ne bénéficient pas des prestations (exemple le financement de l’assurance-chômage par des retraités qui ne peuvent pas bénéficier de l’assurance-chômage, etc.), on voit bien que la suppression progressive des cotisations va entraîner un changement de système totalement étatisé et fiscalisé pour la partie non rentable pour le patronat. Et le démembrement progressif de la Sécurité sociale pour la partie rentable pour le patronat détruira définitivement la cohérence de la protection sociale voulue par le Conseil national de la résistance de la naissance à la mort. Tout cela va dans le sens de permettre des ajustements brutaux à la baisse en cas de crise paroxystique.

L’effet retard de l’accord scélérat de 2015 de la convention Agirc-Arrco

Les salariés du privé vont subir de nouveau une baisse très forte de leurs retraites à cause de l’accord scélérat du 30 octobre 2015 signé entre le patronat et les syndicats CFDT, CGC et CFTC avec la bénédiction de l’ancien gouvernement en général et de M. Macron en particulier. Que ce soit à cause de la sous-indexation des retraites Arrco et Agirc d’un point par rapport à l’inflation, de la baisse des rendements des cotisations complémentaires de 6,56 % à 6 %, du coefficient dit de « solidarité » qui va faire baisser pour trois ans de 10 % le montant de la retraite complémentaire pour les salariés et cadres nés à partir de 1957 et qui liquideront leur pension à taux plein à l’âge légal, soit 62 ans.

De plus, il veut rediriger 15 à 20 milliards d’euros des provisions des caisses de retraites vers des fonds de pensions pour les fournir aux chefs d’entreprise alors que nous savons le caractère hasardeux de ce type de manipulation des retraites des travailleurs.

Sur l’assurance-maladie, le président Macron est favorable à un Ondam (objectif national des dépenses de l’assurance maladie) de 2,3 % alors que les besoins demanderaient plus de 3 %. Des nouvelles diminutions de postes et des fermetures de services hospitaliers sont donc à prévoir.

Une solution : la lutte et l’éducation populaire refondée. Comment ? En créant partout des  comités « La Sociale » suite à l’appel lancé par le réalisateur du film du même nom Gilles Perret. N’hésitez pas à nous communiquer alors les coordonnées de votre comité.

Pour ceux qui sont convaincus par cet article et qui veulent organisation une formation, il suffit de nous contacter ou de contacter le Réseau Education Populaire (REP) ! car il faut bien comprendre les enchaînements.

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L’émancipation en Guyane : c’est pour quand ?

par Bernard Teper

 

Nous avons déjà pointé dans ce journal que la Guyane était le département avec les plus mauvais chiffres sociaux : échec scolaire, inégalités sociales de toutes natures, chômage, pourcentage des habitants en dessous du seuil de pauvreté, pouvoir d’achat, désertification des services publics, etc. Pour le social, on voit là les résultats des politiques de l’oligarchie et on comprend bien le mouvement social de ces derniers mois.

L’actualité nous pousse à regarder cette fois-ci du coté de la laïcité. Dans ce département-région d’outre-mer (DROM), la dernière décision du Conseil constitutionnel déclarant conforme à la constitution l’ordonnance royale de Charles X du 27 août 1828 montre une fois de plus comment l’oligarchie capitaliste fonctionne.

En Guyane, les 26 prêtres catholiques sont des fonctionnaires catégorie B et l’évêque catholique est fonctionnaire de catégorie A. En ce moment, de pression sociale forte, un million d’euros par an est dépensée par la collectivité territoriale de Guyane (CTG)pour la seule église catholique (rien pour les autres religions). Cela ne gêne personne dans l’oligarchie. Pourtant la majorité des élus guyanais sont pour l’abrogation de cet archaïsme. La CTG a demandé cet abrogation. Refusé par l’oligarchie, par le gouvernement y compris par Madame Taubira lorsqu’elle était garde des sceaux. Cette dernière avait pourtant déclaré lors de sa campagne de 2002 au club de la presse de Guyane que la laïcité devait être appliquée en Guyane. Propos qu’elle a du oublier quand elle vote contre la loi contre les signes religieux en 2004. Propos qu’elle du oublier quand, garde des Sceaux, elle ne demande pas que la loi de séparation des églises et de l’Etat soit appliqué en Guyane (alors qu’elle est appliqué à la Réunion, à la Martinique, en Guadeloupe depuis 1911 !), mais pire, elle demande avec le gouvernement Hollande-Valls au représentant de l’Etat en Guyane de faire respecter la loi et donc l’ordonnance royale de 1828 !

Mais comme la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour se débarrasser de cet archaïsme réactionnaire, le Conseil constitutionnel a déployé tout son savoir faire oligarchique pour repousser cette demande avec des arguments qui poussent des avocats à croire « avoir ingéré des substances illicites à la lecture de cette décision » !

Nous vous laissons lire les arguments du Conseil constitutionnel :

« Il ressort (…), qu’en proclamant que la France est une -République … laïque-, la Constitution n’a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l’organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte. »
De plus, « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, [dit-il, et] en imposant à la  collectivité territoriale de la Guyane la prise en charge de cette rémunération, [il] a traité différemment des collectivités placées dans une situation différente ».

Il va falloir qu’il nous explique la différence « colossale » entre d’une part la Guyane et d’autre part, la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique !

Parce qu’il y a eu un droit colonial bâti autour d’une religion d’Etat, cela suffirait pour justifier une différence de traitement en droit à ce jour entre les religions, le Conseil constitutionnel estime que la dérogation a été voulue par le Constituant. Le tout sur la base de vagues travaux parlementaires à une époque où il n’était pas question de QPC. Bravo les « sages » de la rue Montpensier ! On aimerait pouvoir demander entre autres aux « socialistes » Jospin, Fabius, Charasse, ce qu’ils en pensent dans une émission de télévision libre. Excuser de cette réplique impossible à appliquer quand les chaînes de télévision et de radio sont sous le contrôle de l’oligarchie.

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"1917-2017 Que reste-t-il de l’Octobre russe ?"  par Roger Martelli

par Bernard Teper

 

Ce livre de plus de 220 pages (12 euros) est publié aux Editions du croquant. Pour les lecteurs de Respublica, nous suggérons de le lire en même temps que le dernier livre publié d’Albert Mathiez intitulé Révolution russe et Révolution françaiserecensé récemment.

L’ouvrage de Roger Martelli est intéressant car il livre une analyse historique de la période soviétique cohérente et donc intéressante pour débattre. Historien, il met à la portée de tous, une introduction à une compréhension du réel. Par contre, on se pose une question sur le titre choisi du livre dans la mesure où le livre ne répond pas à la question du titre …sauf à répondre par de nouvelles interrogations.

D’abord sur le plan de l’histoire, Roger Martelli ne tombe pas dans la caricature de ceux qui estiment que le stalinisme n’a rien à voir avec le communisme comme d’autres qui disent que les intégrismes religieux n’ont rien à voir avec les vraies religions. En historien, il a noté les poids des circonstances : guerre civile, retard dans le développement économique russe, isolement de l’URSS, etc. ce qui est important.

Dans les deux premiers chapitres, les meilleurs pour comprendre la pensée de l’auteur, on mesure les enchaînements des événements à partir de la manifestation des femmes du 23 février jusqu’à la prise de pouvoir de Staline jusqu’à la période totalitaire de la fin des années 30 en passant par octobre 17. L’étude du réel y est bien rendue dans un nombre de pages réduit ce qui en fait un bon livre pour mener ensuite les débats sur le centenaire d’Octobre 17. Il montre bien que le déclenchement révolutionnaire à partir du 23 février est un bloc jusqu’à la prise du pouvoir en octobre 17, que ce sont les masses qui ont engagé cette séquence et non les bolcheviks comme dans les caricatures. C’est à partir de l’arrivée de Lénine en Russie début avril que le débat profond se développe au sein du parti bolchevik. Ce livre montre bien la dialectique du mouvement d’en haut et du mouvement d’en bas dans cette séquence. L’analogie des bolcheviks et des Montagnards de la Révolution française est reprise de l’idée d’Albert Mathiez. Il est montré l’important travail du soviet de Petrograd présidé par Trotski à partir du 9 septembre notamment de son comité militaire. Le livre montre bien les désaccords à la tête du parti bolchevique qui ne suit la ligne de Lénine qu’à partir du 10 octobre ! On peut regretter peut-être un oubli à savoir celui de montrer l’importance des suites de la réforme agraire de 1861 qui d’une main supprime le servage et de l’autre main oblige les paysans à acheter les terres nécessaires à des prix prohibitifs. L’intelligence politique de Lénine qui décrète la loi sur la terre le 25 octobre au soir est déterminante à ce moment-là. Il montre aussi les désaccords entre Lénine et Trotski quand ce dernier demande en 1920 le durcissement du contrôle de l’Etat et la militarisation du travail et des syndicats. Dans son troisième chapitre, où il se pose la question de savoir si le soviétisme est un totalitarisme, il développe une thèse que les ouvertures conduite par Staline entre 1934 et 1938 puis entre 1941 et 1947 auraient pu être une nouvelle chance alternative que le même Staline n’a pas continué. Il manque à ce chapitre la caractérisation de ce qu’est l’URSS : est-ce un capitalisme d’Etat, un Etat socialiste dégénéré ou autre chose ? Car l’économique est malgré tout déterminant en dernière instance.

Quand à la suite du livre, il développe beaucoup de choses justes (les 7 divergences au sein de la gauche radicale peuvent être un bon point de départ d’un débat plus fouillé par exemple) mais la pensée de l’auteur ne semble plus prendre sa source dans la crise du capitalisme, dans la crise du capital et du profit depuis la crise de 1929. Et dans la période récente, la même chose depuis la fin des années 60, début des années 70 et avec le pendant de la crise de 1929 en 2007-2008, toutes choses étant inégales par ailleurs. Probablement, les résultats et les analyses des élections présidentielle et législatives 2017 en France vont bouleverser toute la fin de ce livre.

En dernier lieu, un glossaire et quelques bibliographies permettent d’entrer dans cette séquence historique même si, au départ, on ne la connaissait pas.

Comme toujours, lire des livres est toujours enrichissant, je vous propose donc de lire ce livre, d’en lire d’autres aux fins d’avoir tous ensemble le bon bagage pour mener le débat contradictoire nécessaire lors du centenaire d’Octobre 17. D’autres recensions de livres suivront sur ce thème.



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