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Chronique d'Evariste
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Comprendre pour agir dans le « nouveau monde actuel »

par Évariste

 

Après la période de la reconstruction qui suit l’après-guerre mondiale, la montée en puissance du projet politique néolibéral dévoile petit à petit un « nouveau monde » de plus en plus injuste et violent où chaque locataire de l’Elysée monte d’un cran dans les politiques antisociales. Précisons cependant les trois points communs entre l’ancien monde et le « nouveau monde actuel » :
es deux sont des formations sociales capitalistes répondant au même objectif de la maximisation du taux de profit réalisé par des rapports de production favorables au capital. Cette maximisation s’effectuant en fonction des possibilités ouvertes par l’environnement économique et politique.

  • les crises paroxystiques périodiques sont toujours d’actualité. Alors que la crise de 1929 n’a été résolue que par la destruction massive du capital de la deuxième guerre mondiale qui fut la crise paroxystique suivante, la crise de 2007-2008 n’est toujours pas surmontée, et comme les mêmes causes produiront les mêmes effets, cela entraînera une nouvelle crise paroxystique dans l’avenir. Rappelons que la dette publique et privée est aujourd’hui plus élevée dans le monde qu’avant la crise de 2007-2008, et représente 3 fois le PIB mondial. Et si on compte les produits dérivés (y compris les CDO, les CDS hors bilan), on estime le total à 10 à 15 fois le PIB mondial !
  • la « vraie gauche » des pays développés s’est souvent appuyée sur des schémas réalisés dans des pays peu développés avec une forte importance du nombre des paysans et de l’économie informelle.
    Mais de plus en plus, se développe l’idée du « jusqu’où vont-ils aller, ces néolibéraux ? » mais sans oser encore répondre « jusqu’au bout ! ».

Et pourtant, lors des crises paroxystiques, le conflit vient vite entre la gauche et « l’union des droites incluant l’extrême droite ». Et quand la gauche n’est pas à la hauteur des enjeux en ayant la ligne stratégique valable dans le monde précédent, et bien, c’est « l’union des droites incluant l’extrême droite » qui profite du désaveu du gouvernement. Déjà les Macron de Pologne, de la Hongrie, de l’Autriche, de l’Italie (Matteo Renzi), tous défaits, ont laissé la place à des alliances de « l’union des droites incluant l’extrême droite » sur l’insistance du grand patronat. L’effondrement de la popularité du président Macron peut nous entraîner dans la même spirale quand le grand patronat français le souhaitera. Comme après la crise de 1929 en Allemagne et avec un temps retard en France lors du soutien du grand patronat et de la direction de l’église catholique à Pétain. Macron sait tout cela. Il prépare donc une campagne qu’il appelle « progressiste », néolibérale et libre-échangiste face à « l’union des droites incluant l’extrême droite » qu’il nommera « nationaliste » tout aussi néolibérale mais protectionniste avec un zeste de démarrage d’un futur fascisme. Dans cette bataille, Macron, le gérant néolibéral du capital, aura le soutien des syndicats d’allégeance au néolibéralisme comme la CFDT, la CFTC et la CGC. Mais avant cette phase, il lui faut détruire la gauche et son organisation principale, la France insoumise avant de se retourner face aux néolibéraux de « l’union des droites incluant l’extrême droite » qui n’attende que le feu vert du grand patronat.

Voilà qui explique l’utilisation par Macron de la procédure anti-démocratique (ou pro-démocrature si l’on veut) d’une information judiciaire contre la France insoumise où le procureur de la République est directement lié au pouvoir politique (par des directives collectives et non plus individuelles) et ou les droits de la défense sont inexistants. Oui le système de l’information judiciaire qui se développe est légal mais illégitime pour tout républicain attaché aux droits de la défense et à l’indépendance des magistrats qui diligente des actions judiciaires. Au moins lors d’une mise en examen, ce n’est plus le parquet qui dirige mais un juge d’instruction et les droits de la défense sont existants. Ah ! Les élus de « gôche » qui crient au respect des « valeurs républicaines » et qui ont oublié que le combat républicain a souvent été de combattre le légal illégitime ! Exemple de combattre l’interdiction légale de l’IVG avant la loi de 1975! Ah ! Les « bonnes âmes » qui ont oublié que des lois liberticides existaient avant l’arrivée de Pétain ! Ah ! Les « bonnes âmes » qui ne se sont même pas aperçus que la nomination du nouveau gouvernement a été retardée pour être faite une fois que les perquisitions avaient commencé pour « blanchir » le nouveau locataire de la place Beauvau ! Car on sait maintenant que le pouvoir politique savait depuis près d’une semaine avant la date des perquisitions ! Cela montre aussi que la gauche a eu tort d’être contente quand les informations judiciaires frappaient la droite et l’extrême droite. Car c’est l’utilisation des informations judiciaires à des fins politiques qui est à condamner ! Ah ! «  Les belles âmes » qui à gauche sont ravies de ce qui arrivent à la France insoumise ou qui sont ravies de ce qui arrivent au PC ou à d’autres formations de gauche : ils ont oublié l’une des versions des propos du pasteur Niemöller :

Quand ils sont venus chercher les communistes, 

je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.


Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, 
je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste,

Quand ils sont venus chercher les juifs, 

je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.



Puis ils sont venus me chercher.

Et il ne restait personne pour dire quelque chose…

 

Que faire ? 11 thèses (non pas sur Feuerbach) mais sur nos tâches politiques

  • Rompre avec la propension à chérir les causes qui conduisent à des conséquences que nous condamnons ;
  • Rompre avec la croyance à vouloir résoudre un problème avec les théories qui les ont engendrés et avec les hommes qui les ont appliqués ;
  • Rompre avec les corporatismes qui négligent la nécessaire convergence des luttes et rompre avec les journées de mobilisation « saute-mouton » sans suite qui désespèrent les travailleurs. Car nous ne sommes plus en période de victoires partielles mais bien « en marche » vers une crise paroxystique. Développons une stratégie globale définissant un chemin et un projet politique global alternatif (ce qui n’est pas un programme !) comme bout du chemin ;
  • Rompre avec le supra-mondialisme et l’européisme béat pour développer l’internationalisme (mot dans lequel il y a le mot nation) ;
  • Rompre avec la pratique du consensus qui permette de ne plus débattre des tabous de la gauche dite improprement radicale et rompre avec la pratique anti-démocratique des cartels ;
  • Rompre avec les lignes stratégiques qui écartent le cœur du prolétariat du bloc historique nécessaire à la révolution citoyenne ;
  • Rompre avec les lignes stratégiques qui empêchent la stratégie de l’évolution révolutionnaire par l’articulation du mouvement d’en haut et du mouvement d’en bas ;
  • Rompre avec les lignes stratégiques qui négligent le préalable de la lutte de masse pour une nouvelle hégémonie culturelle. L’émergence d’un nouveau bloc historique est à ce prix, les pratiques d’éducation populaire refondée en sont le moyen ;
  • Rompre avec les théories de l’histoire qui ne sont pas d’abord l’histoire de la lutte des classes ;
  • Rompre avec la seule erreur du chant de l’Internationale « Du passé, faisons table rase… » car on ne fait jamais table rase du passé. Au contraire, toutes les transformations sociales et politiques dans l’histoire se sont appuyées sur les « déjà là » existants dans la formation sociale et les rapports de production dominants que l’on combat ;
  • Rompre avec le refus de s’appuyer sur le « déjà là » du processus de la République sociale produit par la Révolution française et de tous les mouvements sociaux et politiques qui lui ont succédés. Développons sa dizaine de principes, ses quatre ruptures nécessaires, ses exigences indispensables de la période, pour une révolution citoyenne et populaire.

Travail de mémoire
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1918 : les commémorations de Macron et les nôtres

par Zohra Ramdane

 

Nous proposons à la lecture deux textes (ici et ) que nous avons reçus, illustrant la richesse des éclairages et des critiques que l’on peut faire par rapport aux commémorations du président Macron. Il est nécessaire en effet de rappeler qu’on ne peut pas mettre tous les belligérants au même niveau de responsabilité car il y a eu un agresseur et un agressé.

Ajoutons qu’une partie de la bourgeoisie française et la droite dans sa grande majorité, plus une partie minoritaire de la gauche radical-socialiste, ont souhaité la guerre depuis des années (cf. le débat sur la loi des trois ans).

Par ailleurs, rappelons la position du grand Jaurès qui a tout fait pour empêcher la guerre. Non que Jean Jaurès fût un pacifiste, ce qu’il n’était pas, mais parce qu’il était contre le guerre (ce qui est autre chose !) en appelant les mouvements ouvriers et les gauches allemandes et françaises à empêcher la guerre.

Rappelons aussi que son assassin a été acquitté en 1919 et que la femme du grand Jaurès fut condamnée à payer les frais du procès.

Terminons en écoutant l’appel d »Anatole France : « Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs, veillez ! ».  Ce sont des anarchistes espagnols qui, plus tard en 1936, exécuteront Raoul Villain…

Encore une fois, considérer que l’agresseur et l’agressé sont à mettre au même niveau, quels que soient le recul du temps et les intérêts du moment,  est un scandale politique.

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Triste commémoration de l’anniversaire du centenaire d’une Victoire : 1918-2018

par Louis Saisi

 

Depuis 2014, se déroule le cycle des commémorations nationales et internationales du centenaire de la Première Guerre mondiale.

En 2018, que va-t-on célébrer le 11 novembre prochain?

Au niveau des manifestations officielles, selon Marianne, « Cinq jours de déplacement dans le Grand Est et les Hauts-de-France, au travers de 11 départements, ripolinés en « itinérance mémorielle et territoriale », c’est plus chic, dans les pas des combattants de la Première Guerre mondiale. « À la rencontre de nos ancêtres les poilus », résume-t-on à l’Élysée. Avec images fortes garanties, comme le passage aux Éparges, petite commune de la Meuse, théâtre de l’une des luttes les plus meurtrières de la Grande Guerre, ou la cérémonie dans la clairière de l’Armistice à Compiègne en compagnie d’Angela MERKEL, rencontre que le Château compare déjà à celle de MITTERRAND-KOHL à Verdun en 1984. Avant le point d’orgue du centenaire, une cérémonie le 11 novembre à Paris, sous l’Arc de triomphe, en présence de nombreux chefs d’Etat étrangers, dont Donald TRUMP et Vladimir POUTINE ».

«Le sens de cette commémoration, ce n’est pas de célébrer la victoire de 1918», dit-on rue du Faubourg-Saint-Honoré.

Mais, surtout, à en croire l’Élysée, cela irait à l’encontre de l’idée que la France contemporaine se ferait de la Grande Guerre : non pas une grande victoire, mais une «grande hécatombe».

Voilà qui est dit, à la fois de manière claire et désolante. L’hécatombe, sous le poids des chiffres et de tous les morts des deux côtés, gommerait ainsi le rappel des responsabilités et estomperait le goût de la célébration de la victoire par le vainqueur…

Le fait d’avoir écarté une célébration «trop militaire», nous dit-on dans les  médias, résulterait d’une décision du Président de la République prise en accord avec l’Allemagne, qui sera représentée par la chancelière Angela MERKEL.

Ceci explique la position de certains chroniqueurs ou historiens qui ont regretté que la  victoire ne soit pas célébrée par une parade militaire…

Mais il nous semble que ce n’est pas tant la forme de la commémoration prévue qui aujourd’hui doit être mise en cause que son contenu…

Car, au niveau de la forme, le refus d’une parade militaire n’est pas en soi choquant, bien au contraire! On en a bien assez avec la parade militaire du 14 juillet qui célèbre la gloire de nos armées, alors qu’elles ne sont pour rien dans la prise de la Bastille de 1789…  Mais c’est vrai que l’habitude fut prise sous la IIIème République depuis la première célébration du 14 juillet…

Avec le défilé militaire du 14 juillet, on oublie ainsi la Révolution de 1789 et la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 – Fête de la Nation et de l’unité nationale – qui a suivi.

Le problème – avec l’Armistice du 11 novembre 1918 mettant fin à la guerre de 1914-1918 – est de savoir ce que nous célébrons le 11 novembre de chaque année?

Or, depuis de trop nombreuses années, force est de constater que la confusion est totale sur la réponse à cette question, et MACRON n’a pas innové car la liste est longue des Présidents de la République qui l’ont précédé et qui ont régulièrement célébré l’Europe avec leurs homologues allemands… Et Angela MERKEL n’a pas fait davantage pression que les chanceliers allemands qui l’ont précédée pour escamoter la victoire française (voir le couple que forma le chancelier KOHL avec MITTERRAND).

La chancelière allemande est dans son rôle de représentante de son pays et de la défense de son image à travers le monde, même si cela doit impliquer, par rapport à la vérité historique, la nécessité de gommer certaines aspérités belliqueuses et guerrières de son passé…

La responsabilité du choix de la forme de la célébration, en France, de la Victoire de 1918 – et surtout de son contenu – est avant tout française, cela va de soi…

À notre sens, c’est la victoire de la France sur l’Allemagne impérialiste qui doit être célébrée. C’est aussi la victoire  d’un peuple  – celle du peuple français (car les « poilus » étaient fils du peuple) – et aussi celle de ses alliés.

Certains historiens disent très justement que c’est l’instituteur français (des lois républicaines de Jules Ferry de 1880 et 1881) qui a gagné la guerre de 1914-1918 car il a su, de manière très patriotique, faire aimer la France, terre de liberté, des droits de l’Homme et de la République, à ses élèves qui, ayant eu entre 20 ans et 30 ans en 1914/1918, se trouvèrent sur le front, dans les tranchées boueuses, au moment de l’affrontement.

La victoire de la France scella la défaite de l’Allemagne (contrairement à la fable qu’ont racontée les dirigeants allemands de la République de Weimar d’après-guerre, attitude négatrice qui a servi de tremplin au nazisme). Le sacrifice des soldats appelés de 14-18 fut un acte patriotique filial d’attachement à la France, d’autant plus qu’il se fit dans des conditions horribles, et avec très peu de défections.

Pour construire leur « Europe », ce sont les oligarques qui chantent aujourd’hui « du passé faisons table rase », au mépris de la vérité historique.

Mais l’habitude a été prise de célébrer l’Europe, et Macron est dans la lignée de ses prédécesseurs.

Certes, les successeurs du général de Gaulle à la présidence de la République ont tous été marqués par la réconciliation franco-allemande voulue en 1962 par le Général de GAULLE et le chancelier allemand Konrad ADENAUER. Mais cette réconciliation s’expliquait, en partie au moins, par le climat de « guerre froide » de la période, avec l’emprise américaine excessive sur l’Allemagne (pour ne pas parler de tutelle) et, en face des deux blocs,  le pragmatisme du général de Gaulle qui souhaitait arrimer l’Allemagne au reste du continent européen. C’est dire que malgré son bien-fondé historique, une telle réconciliation ne saurait continuer à se développer en sacrifiant la vérité historique lors de commémorations officielles nationales, et cela d’autant plus qu’il n’y a plus de « menace soviétique » planant aujourd’hui sur l’Europe (si tant est d’ailleurs qu’elle ait jamais existé) et que la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et communisme a été totalement abandonnée par la droite conservatrice dite « gaulliste » à l’avènement du président POMPIDOU et définitivement enterrée par ses successeurs « néo-gaullistes ».

La victoire de la France et de ses alliés sur l’Allemagne lors de la Grande Guerre de 14-18  est un fait historique, de même que les responsabilités de l’Allemagne impérialiste dans le déclenchement du premier conflit mondial.

Alors, de deux choses, l’une : ou l’on commémore ou l’on ne commémore pas, c’est un choix, car l’on n’est pas obligé de le faire si l’on veut tout oublier au nom de la priorité de la construction européenne qui doit gommer le passé des nations.

Mais si l’on se souvient que l’on est une Nation souveraine, c’est-à-dire libre et indépendante, avec son histoire, au choix d’une commémoration s’attache le devoir moral de vérité dû d’bord aux générations qui se sacrifièrent en 14-18, ensuite à celles à venir.

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Pour une commémoration de la victoire de 1918 et contre le mépris de nos morts

par Djordje Kuzmanovic

 

Voici ce qu’on peut lire sous la plume de Jean-Dominique Merchet dans l’Opinion du 19 octobre : « Le sens de cette commémoration, ce n’est pas de célébrer la victoire de 1918. Il n’y aura pas de défilé ou de parade militaires, indique-t-on à l’Elysée, où l’on refuse une expression trop militaire. On précise que cela a été négocié avec l’Allemagne, la chancelière Merkel étant une invitée de marque des cérémonies ».

Si cela est vrai, cette décision et la vision de l’histoire qu’elle reflète sont inacceptables.

D’abord, il est pour le moins surprenant de négocier avec un pays étranger la forme que doit prendre une commémoration aussi importante pour la France. Rappelons que la France a subi en proportion de la classe d’âge la saignée la plus importante parmi les belligérants – après la Serbie, qui a perdu un tiers de sa population totale. Il eût été compréhensible de le faire avec des pays qui faisaient partie à l’époque de l’empire colonial et dont les peuples ont contribué à l’effort de guerre sans être comptés en tant que tels parmi les vainqueurs ; on aurait pu comprendre éventuellement une coordination avec les alliés, mais négocier une commémoration avec l’Allemagne ?

Au-delà de cette ingérence extravagante, ce qu’elle sous-entend est très choquant : l’Allemagne d’Angela Merkel pourrait se sentir froissée, peinée, vexée, que la France célèbre sa victoire de 1918. Ce serait surprenant, car l’Allemagne contemporaine se présente comme une république démocratique, fédérale, ayant rompu solennellement avec toutes les formes prises par l’impérialisme allemand. Elle se proclame l’héritière de la République de Weimar, née de la première guerre mondiale, et sûrement pas de la monarchie agressive, militariste, exaltant la supériorité allemande et expérimentant en Namibie les premiers camps d’extermination. Les caricaturistes auraient-il raison de représenter la chancelière avec un casque à pointe ? Les « germanophobes » auraient-ils vu juste ?

Bien sûr, l’ami du kronprinz d’Arabie saoudite MBS (Mohammed ben Salmane, prince héritier et vice-président d’Arabie saoudite, ndlr) n’a peut-être pas, vis-à-vis des monarchies autoritaires, les mêmes préventions que nous… La reconstruction, sur les ruines du Palais de la République est-allemande, du palais des Hohenzollern en plein centre de Berlin, a pu en étonner certains. Doit-on croire ceux qui voient dans l’intégration géopolitique et économique de l’Europe Centrale et de l’Est – après avoir détruit en passant la Yougoslavie – sous la férule ordo-libérale germanique la réalisation de l’objectif politique de Bismarck de la Mitteleuropa ?

Il semble ensuite nécessaire ici de rappeler certains faits. Contrairement à ce que semble croire le président de la République, le IIème Reich a bien une responsabilité particulière dans le déclenchement de la guerre. Comme Jean-Pierre Chevènement l’avait opportunément rappelé dans 1914-2014 : l’Europe sortie de l’histoire ?, ce ne sont pas « les nationalismes » de tous les peuples confondus, et donc équivalents, qui portent la responsabilité principale de la guerre – ce qui pourrait servir l’agenda politique bien actuel du chef de l’Etat, soucieux de remplacer la souveraineté nationale et populaire par une mystérieuse et vaporeuse souveraineté européenne – mais les calculs erronés d’une petite élite allemande, monopolisant pour le malheur du pays tous les pouvoirs militaires et diplomatiques. Cette responsabilité particulière n’est pas le fruit d’une propagande chauvine française, mais le résultat des travaux du grand historien allemand Fritz Fischer (Les buts de guerre de l’Allemagne impériale) qui a prouvé en 1961, grâce à un travail d’archives incontestable, l’existence d’une adhésion, ou au moins d’une résignation des milieux dirigeants allemandes à l’idée que la guerre devait avoir lieu, et qu’il fallait donc qu’elle se passe de la meilleure façon possible pour l’Allemagne.

Dès lors, et même si le peuple allemand fut la première victime de la légèreté coupable de son gouvernement, il semble difficile de ne pas célébrer une victoire contre un empire qui, non content d’avoir déclenché une telle catastrophe, s’est montré tout particulièrement criminel dans la conduite de la guerre, largement menée sur le territoire français et au détriment de sa population. Est-il besoin de rappeler ici que le Reich a envahi la Belgique, pourtant neutre, sans déclaration de guerre, que son armée s’est livrée à des crimes de guerre dans les zones occupées (massacre de Tamines, entre autres) sans équivalent en Europe, qu’elle a utilisé pour la première fois les gaz de combat, que sa diplomatie a fermé les yeux sur les génocides des Arméniens et des Grecs pontiques en Turquie… ? Même si, naturellement, ces faits ont été utilisés par la propagande alliée, cela n’en reste pas moins des faits, ne l’oublions pas. S’il est bon de déconstruire les discours, les faits ne doivent pas être démolis.

La vision élyséenne d’une guerre qui ne serait pour les Français qu’une « vaste hécatombe » – qui dicterait, selon l’Opinion, la décision présidentielle – fait surtout preuve d’un présentisme désolant. Cédant à la tendance actuelle de ne plus donner de valeur qu’à la souffrance, elle ne considère les soldats français de la Grande guerre que comme des victimes. Bien sûr, les Français ont souffert pendant ces quatre ans et après. Mais l’immense majorité d’entre eux – y compris les ouvriers socialistes, contrairement à ce que craignait alors l’état-major – a considéré qu’il était de son devoir de défendre la République agressée. Alors qu’ils ont presque tous fait preuve d’un incroyable courage, d’une endurance difficile à imaginer aujourd’hui, bravant non seulement le fer et le feu, mais aussi le froid, la faim, la boue, le désespoir, la solitude, cette vision les présente comme des moutons stupides et dociles emmenés à l’abattoir. Quelle bêtise, mais surtout quel mépris ! Nos soi-disant lucides post-modernes y voient la trace d’une aliénation dont, bien sûr, eux-mêmes seraient exempts… Croient-ils, ces prétentieux, que nos ancêtres ne savaient pas se révolter contre un ordre injuste ? Se souviennent-ils seulement des « braves soldats du 17ème » en 1907 ou des mutineries de 1917 contre la stratégie absurde de Nivelle ? Ces mutineries montrent bien pourtant que les soldats ne refusaient pas de défendre la République : ils refusaient de mourir pour rien.

Il y a donc lieu de commémorer la fin de la Première guerre mondiale en accord avec l’esprit qui animait l’immense majorité des « poilus », et non en cédant à la démagogie victimaire d’aujourd’hui. Les Français de l’époque voulaient la victoire, ils ont beaucoup souffert pour elle, parce que c’était leur devoir. Ils ne la voulaient pas par nationalisme, pour affirmer une quelconque supériorité, ni même probablement pour reconquérir l’Alsace, la Lorraine et la Moselle, encore moins par haine des soldats allemands avec lesquels il leur arrivait de fraterniser. Ils la voulaient parce qu’il n’aurait pas été juste que l’agresseur barbare et cynique gagne. Il n’aurait pas été juste d’avoir autant souffert si les casques à pointe gagnaient.

Oui, il y a lieu de célébrer, en mémoire du million et quatre-cent mille français morts pour la France, la victoire de la République contre le Reich. Sans doute le « Vive la Nation » crié par les soldats de l’an II défendant la colline de Valmy est-il étranger à un président héritier de Coblence ; sans doute l’héroïsme des Parisiens défendant leur ville et ce qui reste de Révolution à la barrière de Clichy contre les cosaques le 30 mars 1814 est-il incompréhensible pour cet héritier de Talleyrand – qui négociait alors déjà sa place dans le nouveau régime ; sans doute le patriotisme internationaliste des communards, pris entre le marteau versaillais et l’enclume prussienne, est-il détestable pour cet épigone de Tiers. Le couple franco-allemand n’est qu’une illusion des élites françaises, qui maquillent leurs trahisons et leurs renoncements sous l’apparence d’une concertation qui n’existe pas. Pour changer les rapports de force, les symboles sont utiles. Mme Merkel, qui sait défendre les intérêts de son pays, comprendrait parfaitement si un chef d’État français servant ceux de la Patrie Républicaine lui tête, dans le domaine de la mémoire, comme dans d’autres.

Source de l’article : Marianne



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