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Un numéro spécial sur les mineurs étrangers en danger

par Évariste

 

« En allant à la rencontre des Gilets jaunes sur les ronds-points de province, je leur ai demandé ce qu’il revendiquaient pour leurs enfants. Ils m’ont avoué, « c’est vrai, on les a un peu oubliés ». Oubliés, ils le sont en effet quand on regarde le listing de leurs revendications. Bien sûr ils finissent par s’accorder pour dire que les mineurs étrangers ont droit à la sécurité et à l’éducation. Bien sûr ils revendiquent des classes de 25 élèves pour leurs enfants et aussi quelques facilités de garde pour leurs minots. Mais au-delà, point de doléances ! Et pendant ce temps là, un enfant habitant le Yémen meurt toutes les 10 minutes. Depuis 2015, 85 000 enfants de moins de 5 ans ont été anéantis, avant même d’avoir commencé à vivre. De tous ces faits, notre gouvernement en est l’un des complices, comme il est complice du sort qu’il réserve en France à l’enfance délaissée, oubliée, en danger. Comme le dit le psychanalyste Roland Gori : « il faut prendre en compte tous les enfants en danger, les mineurs migrants bien sûr, mais aussi les enfants de la rue, les enfants enrôlés dans le  radicalisme », les exploité-e-s des petits boulots, les refusé•e•s d’apprentissage et les relégué•e•s des institutions sanitaires, sociales ou médico-sociales. Un autre ami psychanalyste, dans l’article qu’il nous propose dans cette édition spéciale, comme pour tous ceux qui ont participé à ce numéro spécial sur les Mineurs Isolés Étrangers, pense qu’aujourd’hui ces MNA deviennent des lanceurs d’alerte, qui nous montrent que « ceux-ci sont les symptômes du fait que c’est l’enfance elle-même qui est en danger. ». Aujourd’hui, en danger ils le sont, quand, comme pour leurs parents, pour leurs familles, on sonne, aujourd’hui, en Europe, la fin de l’hospitalité. En danger quand, en France, à la protection et à l’accompagnement, comme le dit le syndicat Sud Éducation « se substituent  l’évaluation et la suspicion. » En danger quand on confond volontairement politique de l’accueil et politique du tri et des chiffres. En danger quand on fragilise le statut des MNA en faisant glisser pernicieusement la reconnaissance de leurs droits de mineurs, alignée sur celle du droit des majeurs. En danger quand ces jeunes désirant s’intégrer sont finalement « déboutés » et que faute d’intégration, ils deviennent hors-la-loi. Et toujours en danger, quand on les voit, sans forcer le trait, tout doucement passer du registre des réglementations de l’Aide Sociale à l’Enfance à celle du statut de délinquant, consacré depuis la fin de la guerre par les « Ordonnances de 45 » ; ces mêmes ordonnances qu’on envisage de réviser, sous l’influence  de la politique du tout répressif. En danger lorsque le gouvernement annonce, en catimini, la sortie imminente (pour janvier 2019), d’un décret instituant le « Fichier biométrique » des mineurs étrangers. Ça ne vous rappelle rien les fichiers biométriques ? C’est donc bien toute la conception de l’enfance qui est aujourd’hui niée, falsifiée, déshumanisée. Il est grand temps que le Réseau d’Éducation Populaire (REP) relève avec ses partenaires, ses réseaux, avec les institutions et les personnes sensibilisées aux questions de la jeunesse, le défi d’un mouvement d’ampleur qui appellerait à participer à des États généraux de l’Enfance en danger. N’oublions pas les leçons du sociologue Robert Castel quand il nous disait :  « Il faut rappeler avec fermeté que la protection sociale n’est pas seulement l’octroi de secours en faveur des plus démunis pour leur éviter une déchéance totale. Au sens fort du mot, elle est pour tous, la condition de base pour qu’ils puissent continuer d’appartenir à une société de semblables. » Et bien sûr, dans cette « Société de Semblables », manquent toujours à l’appelle, les « invisibles », ces femmes, ces filles, ces gamines que depuis le début, nous rappelant les contes pour enfants qui se terminent mal, nous appelons « LES PETITES POUCETTES  ».

ReSPUBLICA a déjà publié dans le passé plusieurs articles sur cette question grâce aux camarades de notre réseau fortement investis (ici et par exemple) et a décidé d’y consacrer ce numéro de rentrée, coordonné par Christian Dulieu. Retrouvez le prochain numéro, 893, dès la semaine prochaine, et recevez chers lecteurs et chères lectrices, nos vœux 2019 pour une année fraternelle de lutte(s) !

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Petites Poucettes 2

par Christian Dulieu

 

Au 31 décembre 2017, quelque 8005 mineurs non accompagnés supplémentaires ont été confiés aux départements, par décision de justice, au titre de l’Aide Sociale à l’Enfance, car étant reconnus officiellement comme mineurs. C’est une augmentation imprévue qui a été de nature à justifier un financement exceptionnel de l’État à hauteur de 96 millions d’euros. Mais le compte n’y est pas !Un petit département comme le Tarn (340 000 habitants) a vu ses dépenses concernant les mineurs isolés étrangers augmenter de 1 800 000 € pour l’année 2018. S’en est suivie une politique au rabais d’aide sociale aux mineurs isolés étrangers dans chaque département. Ceux-ci se sont alignés pour la plupart sur les indications financières proposées par l’État. Mais il faut ajouter que l’Association des Maires de France, l’Assemblée des Départements de France et des Régions de France se sont pour la première fois constitués en une association nouvelle dénommée « les  Territoires Unis» sous le prétexte que l’État n’honorait pas ses engagements, en particulier en matière de prise en charge des mineurs isolés étrangers et ne reversait que 10 % des sommes engagées par les départements. « Les liberté locales, c’est le respect par l’État de ses engagements contractuels et de sa signature : la remise en cause du contrat de plan État-Régions, le transfert de charges sur le département de près de 11 milliards d’euros sur les allocations individuelles de solidarité et les mineurs non accompagnés, […] doivent cesser. » (appel signé par François Baroin, Dominique Bussereau, Hervé Morin).  Même l’ex-ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a reconnu ses erreurs en matière de prise en charge des mineurs isolés étrangers, avant de partir sous d’autres cieux lyonnais. Qu’en est-il réellement de ses transferts de charges ? Pour répondre à cette question j’ai donc été amené à regarder de plus près un document édité par le Ministère des affaires sociales, daté de janvier 2018, dénommé : « Mission bipartite de réflexion sur les Mineurs Non Accompagnés ». Ce document est signé par l’Inspection Générale de l’Administration (IGA), l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) et l’Association des Département De France (ADF). L’étude de ce document permet de comprendre dans quelle perspective va être organisée, par l’État, la reprise en main du dispositif d’aide et d’accompagnement aux mineurs isolés étrangers, actuellement sous la responsabilité des présidents de départements. Ce document reprend les engagements énoncés par Emmanuel Macron, à Calais le 16 janvier 2018 : « Nous faisons face à l’arrivée croissante, sur l’ensemble du territoire, de mineurs isolés étrangers, prés de 25 000 en 2017, principalement en provenance d’Afrique. […] Nous avons évidemment, une réponse appropriée que nous apporterons.[…] C’est un dispositif complet, d’accueil et de prise en charge qui est mis en place, qui est organisé et non plus subi, et sur lequel nous tiendrons. » L’étude, eIle, évoque des perspectives de reprises de responsabilité de l’État par rapport aux départements sous forme de deux scénarios différents.

1-Premier scénario : Compétences inchangées du département avec remboursement « accru » de l’État. La répartition des compétences en matière de recueil provisoire d’urgence et d’évaluation reste inchangée. Le soutien de l’État se traduit par une augmentation significative de sa participation financière pendant la période de mise à l’abri et d’évaluation.

2-Deuxième scénario : Transfert de compétences à l’État. L’État devient responsable de l’accueil provisoire d’urgence des mineurs non accompagnés, et–ou de l’évaluation de la situation. En conséquence, les deux scénarios seront envisagées et discutés avec chaque président de département. Le scénario 2, transfert de compétences à l’État, ne sera arrêté que sur la base du principe de volontariat avec les départements. Compte-tenu des difficultés nombreuses que soulève la mise en place de dispositifs adaptés et les incertitudes quant au financement, il est fort à parier que ce soit le scénario de transfert de compétences à l’État qui va l’emporter.

Conclusion sibylline du rapporteur : « l’augmentation de jeunes accueillis à l’aide sociale à l’enfance doit amener à une réflexion conjointe de l’État et des départements sur les conséquences à en tirer en terme d’adaptation de la prise en charge. Au regard de la motivation de ces jeunes à l’éducation et à la formation professionnelle, la consolidation de leur parcours d’intégration au-delà de la majorité, devrait faire l’objet d’une attention toute particulière. » Pour continuer de les accompagner comme il se doit ou pour les renvoyer à la case départ ? Ces différentes perspectives, exposées dans le rapport, ne sont pas étudiées dans le cadre de besoins ou de demandes repérées par des professionnels de l’aide sociale ou par des bénévoles associatifs. Il n’est qu’un plan prospectif fondé sur une argumentation purement financière. Au-delà de ce constat chiffré se pose la question de la qualité de l’accueil. Ces jeunes, qui pour une bonne partie, ne parlent pas la langue française, sont souvent plus âgés que ceux dont s’occupent habituellement les professionnels. Ils ont des besoins d’accompagnements particuliers liés a leur situation personnelle. Ils sont difficilement intégrables dans des structures traditionnelles de le protection de l’enfance. Dans le chapitre 1-7, intitulé, « Mise en œuvre d’un bilan de santé systématique », il est dit : « La prise en charge sanitaire des jeunes en cours d’évaluation, est aujourd’hui, selon les départements, très aléatoire. La mission recommande de mettre à profit la période d’évaluation pour organiser systématiquement un bilan de santé qui devrait inclure, outre les soins urgents, un examen clinique et un accompagnement éventuel par un professionnel de santé, en cas de syndrome de stress post traumatique. » Or le coût total de cette accompagnement sanitaire est évalué à 81,09 €, dont un accompagnement particulier par un psychologue qui est estimé à un quart d’heure par jeune, pour la somme de 8,75 €, ce qui est tout simplement dérisoire sinon ridicule quand on se targue de vouloir soigner des symptômes aussi complexes… Pour les entretiens dits « d’évaluation », ils seraient codifiés sur la base de 2 h 30 effectuées par des travailleurs sociaux, et pour 50 % seulement des mineurs (!), et sur la base d’une heure d’entretien psychologique. Pourquoi seulement 50 % ? Parce que, il est à noter que 50 % de ces mineurs sont dés le départ non concernés par les évaluations puisque considérés d’emblée (à vue!) comme majeurs. Médecins sans frontières, présent sur tous les lieux d’accueil importants révèle que, « nos équipes ont constaté que le tri entre mineur et majeur effectué et par les services de l’État était réalisé de manière expéditive, exclusivement de visu. » Dans le cas fort probable où la responsabilité, de la « mise à l’abri » et de l’évaluation serait confiée à l’État, ce sont les préfets qui en assureraient la responsabilité et la mise en œuvre. Ces opérations associées se dérouleraient dans 30 plate-formes interdépartementales adossées aux guichets des demandeurs d’asile, créés en 2015. Ce scénario ne peut être envisagé que dans un délai qui ne pourra être inférieur à un an. Pendant cette période d’attente de mise en place du dispositif, ce sont les départements qui continueront d’assurer leur mission de protection, les mises à l’abri, les évaluations et les accompagnements, c’est-à-dire, probablement jusqu’en janvier 2020. En conclusion, ce texte est d’abord et avant tout un outil de gestion pour envisager les conséquences en matière juridique, financière et organisationnel de la mise en place d’un nouveau dispositif transféré à l’État et avec l’accord des départements volontaires. Il nous rassure pas, bien au contraire, sur l’exclusion rapide de ceux qui seraient d’emblée considérés comme majeur et sur la validité des dites « évaluations » réalisées. Il s’inscrit dans une logique politique se référant au méthodologies purement gestionnaires des « Contrats d’Impact social » que nous vous avions dénoncés dans un précédent numéro deRES PUBLICA. Ces mineurs isolés étrangers, qui au nom de la loi sont des « enfants en danger », à protéger, ne peuvent  relever de l’hébergement d’urgence de droit commun prévu pour les migrants majeurs. Le premier ministre dans un communiqué du 20 octobre 2017 ne disait-il pas lui-même qu’il faudrait, les concernant, « mettre en place des dispositifs d’accueil et un processus de prise en charge spécifique et adapter les dispositions législatives. » Comme le disait Corinne Torre, responsable de mission France de Médecins sans frontières, le danger qui les menace, et surtout concernant les filles, est patent : « En l’occurrence les mineurs non accompagnés se retrouvent souvent dans des réseaux de passeurs ou de prostitution. Si l’État ne fait pas son travail en les protégeant c’est notre rôle d’alerter. Le seul moyen est de mettre en œuvre un programme qui nous permet d’établir des données consolidées, de faire un plaidoyer très fort et de démontrer que l’État est défaillant. » (revue Lien Social n°1220, p. 31). Visiblement on ne pourrait lui donner tort quand on entend, par exemple, les déclarations approximatives de Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires qui, le 30 janvier, affirmait avec certitude, au micro de France Inter, que « c’est à peu près une cinquantaine d’hommes isolés en île de France qui dorment dehors, pour être très précis ». Toutes les associations impliquées à Paris savent que chaque nuit, au moins, 128 mineurs isolés sont dans une situation très préoccupante et en situation de « danger » dans la capitale. Ainsi ils sont « en pleine vague de froid et, livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris, sans-abri, par des températures négatives, et de ce fait exposés à un danger grave immédiat pour leur santé physique et psychique » se sont inquiété plusieurs avocats qui ont adressé, jeudi 8 février un signalement au procureur de Paris et au parquet chargé des mineurs.(voir article du Monde du lundi 12/02/2018).  Les avocats ont joint, pour être un peu plus précis, au secrétaire d’État Julien Denormandie, une liste nominative de ces 128 mineur de 13 à 17 ans, la plupart, des garçons. « Mais ce n’est qu’une partie de l’iceberg », comme le précise, Emmanuel Daoud, membres du conseil de l’ordre de Paris… Tout commentaire est inutile. Les faits sont suffisamment éloquents… et pourtant il existe des modalités d’action qui ont donné leurs preuves, comme les dispositifs expérimentés dans le département de la Mayenne,  soutenus par la sénatrice Elisabeth Doineau, vice-présidente de la commission de Affaires sociales, co-rapporteuse avec Jean-Pierre Godefroy du rapport sénatorial, « Mineurs non accompagnés : répondre à l’urgence qui s’installe », de juin 2017. Elle concluait comme suit, (Journal des Acteurs Sociaux n°222, décembre 2017, p. 29): « les départements doivent faire preuve de pédagogie et sans doute associer les populations à l’intégration de ces jeunes. Il y a donc nécessité aussi à former des évaluateurs et à faciliter les échanges avec des organismes plus habitués à ce genre de démarche comme l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ( et sur le plan sanitaire avec des organismes comme Médecin du monde et Médecins sans frontières). La question des MNA s’inscrit dans le contexte d’une intensification des flux migratoires. Il revient à l’État d’assumer sa part de responsabilité. Par ailleurs, la première de nos 30 propositions est de « renforcer la lutte contre les filières de passeurs, en coopération avec les états d’origine. » Car la question des MNA est aussi, sinon d’abord, une question d’immigration. Ces jeunes, mineurs ou pas sont très souvent les victimes de traites humaines font l’objet de menaces, de chantage sur eux ou leurs familles. » Évidemment tout ce qui concerne l’administratif reste et restera du ressort du Conseil départemental et de l’État, les associations volontaires assurant, elles, l’accompagnement en matière de santé, d’hygiène, de formation, d’éducation.Mais comme le soulignait récemment dans le journal Le Monde Pierre Monzani, directeur général de l’Assemblée des départements de France, « nous avons peut-être une ASE datée et cette crise est l’occasion de la redessiner ».

À suivre…

 P.S. : Et les jeunes filles mineures isolées étrangères, sont toujours les « invisibles » de ces  histoires pitoyables , ces lamentables contes, de PETITES POUCETTES toujours et encore plus en danger… !

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L’accueil, l’hébergement et l’évaluation des mineurs isolés étrangers

Situation en 2018

par Jean-Luc Rongé

 

La situation de ceux qui se présentent comme mineurs isolés étrangers (MIE, officiellement appelés désormais «mineurs non accompagnés» (MNA) dans les services départementaux dédiés à leur accueil ne fait qu’empirer, malgré les textes destinés à encadrer leur «mise à l’abri» et leur évaluation.
On remarque d’ailleurs que tant les dispositions de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant que les décrets et arrêtés d’exécution sensés marquer l’évaluation de la minorité de professionnalisme, de bienveillance et de sérieux sont devenus, du fait de leur rédaction et de l’interprétation qui en est faite de véritables machines à exclure.
L’horizon s’assombrit pour ces enfants en danger gagnant la France au terme d’un périlleux voyage lorsque l’on prend connaissance d’un nouveau décret en préparation au ministère de l’intérieur permettant un recours au fichage et à l’expulsion sans procès de ceux qu’une enquête succincte et non contradictoire détermine comme «majeurs».
Comme on le constate dans les lignes qui suivent, l’absence d’impartialité dans le déroulement de la procédure d’accueil et d’évaluation comporte de graves violations des droits de l’enfant.

1. L’accueil

Selon l’article R221-11 du Code de l’action sociale et des familles «I. Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L223-2.»
Cet article L223-2 prévoit notamment : «En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République.»
Nul besoin que cet accueil provisoire d’urgence soit précédé d’un entretien d’évaluation puisque le II. de cet article R221-11 prévoit que celle-ci a lieu «Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence».
En pratique cependant, les jeunes qui se présentent sont souvent renvoyés à un rendez-vous ultérieur , les «évaluateurs donnent un rendez-vous, à plusieurs jours, sans pourtant que le service départemental accueille celui qui se prétend mineur dans une structure dédiée à l’accueil provisoire d’urgence. Dans d’autres lieux, les «refus de guichet» se multiplient au cours d’une entrevue expéditive que l’on pourrait confondre avec un jugement sur «délit de faciès», voire même à l’interdiction d’accès par des vigiles dont la qualité professionnelle n’a rien à envier à celle des videurs de boîte de nuit.
Dans quelques départements d’Occitanie (Haute-Garonne, Gers, Tarn et bientôt Aveyron) l’hébergement à l’hôtel ou dans un lieu dédié a été pratiqué, avec un nombre de places de quelques dizaines, le temps de gestion des flux en cinq jours par l’exclusion du dispositif d’accueil variant entre 80 et 95% des demandeurs d’aide. À ce stade, on songe moins à de la «simple» sous-traitance qu’à du mercenariat.
Selon l’ANRAS, association chargées de l’accueil et l’évaluation dans ces départements, «une attention particulière est donnée à l’aménagement du lieu, son organisation et son évolution afin de permettre aux jeunes mineurs primo-arrivants de se retrouver dans un lieu à la fois sécurisant, mobilisateur des ressources personnelles et bienveillant». Toutefois, on doit constater qu’en fonction du «flux», c’est-à-dire de l’arrivée des jeunes isolés dans le département, les procédures ont tendance à s’accélérer et le temps d’accueil se réduire.
Or, les cinq jours prévus par les textes ont été envisagés comme période indispensable pour réaliser l’évaluation de la situation du jeune et déterminer pour que «le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement». Ces investigations – en ce compris la vérification des documents d’état civil et d’identité – ne peuvent être accomplies dans le délai imparti.
L’accueil est donc appelé à se prolonger, ce qui pour l’instant représente une charge supplémentaire pour le service départemental, la participation de l’État à cet hébergement (250 € par jour) étant limitée à ces cinq jours… jusqu’à l’intervention plus ample et plus longue promise par le gouvernement.
Au-delà des 5 jours d’accueil, l’article R221-11 du CASF prévoit : «Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du Code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire».
Concernant les conditions d’hébergement
Il convient d’emblée de rappeler que l’accueil des mineurs, même à titre provisoire et dans l’urgence relève des règles relatives à l’ouverture et la tenue des établissements sociaux et médico-sociaux (art. L312-1 CASF) et que «tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents jusqu’au quatrième degré ou de son tuteur est placé sous la protection des autorités publiques (…) Elle s’exerce sur les conditions morales et matérielles de leur accueil en vue de protéger leur sécurité, leur santé et leur moralité». (art. L227-1 CASF).
Retenons l’art. R321-5 : «Le président du conseil départemental fait opposition dans les deux mois de la déclaration par une décision motivée, s’il apparaît au vu des renseignements fournis et des enquêtes effectuées, que les dispositions réglementaires ne sont pas respectées ou que les garanties minimales concernant les bonnes mœurs, la santé, la sécurité, l’hygiène, l’éducation ou le bien-être des mineurs ne sont pas remplies, notamment si la personne à qui sera confiée la direction de l’établissement n’est pas apte à assurer la garde et l’éducation des mineurs ainsi que le bon fonctionnement de l’établissement».
Et l’on peut dire que ces règles imposant un accueil digne et bienveillant ne sont guère respectées lorsque ces jeunes sont hébergés dans des hôtels miteux, des foyers en présence d’adultes en grande difficulté, sans présence éducative ou encore laissés à la rue comme à Marseille où même les enfants confiés au département par le juge trouvent closes les portes de l’Aide sociale à l’enfance.

En résumé :
– l’accueil se prolonge si les évaluations conduisent les services de l’aide sociale à l’enfance – ou leur sous-traitant – à proposer au président du Conseil départemental d’accueillir la personne se présentant comme mineure. En ce cas, seule une décision de «l’autorité judiciaire» peut mettre fin à l’accueil;
– l’accueil se prolonge également lorsque les investigations ne sont pas achevées au terme des 5 jours. En ce cas, seule une décision de «l’autorité judiciaire» peut mettre fin à l’accueil;
– il est mis fin à l’accueil au terme des cinq jours – et pas au-delà – si le président du Conseil départemental «estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge»;
-l’accueil provisoire d’urgence d’un mineur (ou d’une personne supposée telle) doit respecter les règles relatives à la tenue des établissements sociaux et médico-sociaux.

2. L’évaluation

Tout d’abord, il convient de souligner les instructions que contiennent les textes s’agissant de la réception des jeunes qui se présentent comme mineurs isolés :
– «La personne est informée des objectifs et des enjeux de l’évaluation qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance» (art. 3 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– «les professionnels en charge de l’évaluation (…) disposent d’une formation ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt de l’enfant» (art. 4 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– il est également fait référence «au caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne»;
– «L’évaluation sociale se déroule dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le recours d’un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation» (art. 3 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– et surtout «L’évaluateur applique la présomption d’authenticité des actes de l’état civil émanant d’une administration étrangère prévue par les dispositions de l’article 47 du Code civil» (art. 4, I de l’arrêté du 17 novembre 2016).
L’évaluation repose sur d’autres éléments soumis à l’interrogatoire, tels que la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine (à ce titre on interroge notamment l’enfant sur «le contexte géopolitique de sa région d’origine, la situation économique de sa famille la plus proche (…)»), l’exposé des motifs de départ, les conditions de vie depuis l’arrivée en France, le projet de la personne, questions que l’on peut considérer comme inopportunes, voire intrusives.
Chaque item ci-avant présenté est assorti de recommandations sur les détails à obtenir. Notons au passage qu’aucune évaluation médicale ou psychologique n’est prévue, alors que ce n’est un mystère pour personne que les circonstances du voyage sont particulièrement traumatiques, s’agissant notamment d’enfants dont la vulnérabilité est décuplée.
Et pourtant, il est recommandé aux évaluateurs de détecter les incohérences des récits qui permettront à mettre en doute l’âge allégué, sans qu’il leur soit indiqué qu’il puisse être sérieusement tenu compte que les événements tels que la traversée de contrées désertiques, les mauvais traitements, les violences, le passage de la méditerranée sont susceptibles d’affecter le déroulé et la cohérence du récit.
On retiendra cette réflexion d’un juge des enfants de Nancy, : «les imprécisions dans le discours du jeune homme relevées par l’ASE ne sont pas déterminantes et en tout état de cause ne permettent pas d’affirmer qu’il est majeur (comme un récit cohérent et précis n’attesterait pas de sa minorité)» (20 septembre 2017, aff. 417/102).
Outre le concours des évaluateurs du service départemental, ou de son «sous-traitant», le président du Conseil départemental peut faire appel au préfet «pour vérifier l’authenticité des documents d’identification détenus par la personne» et/ou à «l’autorité judiciaire, s’il y a lieu, dans le cadre du second alinéa de l’article 388 du Code civil (notamment l’expertise osseuse qui ne peut être requise que par «l’autorité judiciaire» sous certaines conditions)».
Par conséquent, tant que les services de police requis par le président du Conseil départemental n’ont pas conclu sur la validité des documents présentés, ceux-ci sont présumés authentiques, même si les évaluateurs peuvent relever des incohérences entre l’âge allégué et l’apparence physique.
Toutefois, la persistance de soumettre des jeunes à de véritables interrogatoires de police- en revenant dix fois sur la même question – pour relever des contradictions ou des oublis ne rencontre pas la bienveillance à laquelle les évaluateurs doivent s’astreindre.
La longueur des entretiens est un signe de cette «bienveillance». Lorsque les évaluations sont accomplies en une heure ou moins, on peut d’ores et déjà considérer que l’ensemble de la problématique du jeune n’a pas été prise en compte, notamment eu égard à la complexité de certaines questions imposées par l’arrêté du 17 novembre 2016, telles que le contexte géopolitique du pays d’origine, les raisons du départ et surtout le récit du parcours migratoire.
La qualification professionnelle des évaluateurs est soulignée par les règles relatives au premier accueil :
Le président du conseil départemental s’assure que les professionnels en charge de l’évaluation auxquels il a recours disposent d’une formation ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt de l’enfant; il veille au caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne.
Les professionnels doivent ainsi justifier d’une formation ou d’une expérience notamment en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d’origine, de psychologie de l’enfant et de droit des mineurs» (art. 4 de l’arrêté du 17 novembre 2016).
Il est difficile de vérifier ces qualifications qu’impose le caractère interdisciplinaire de l’évaluation. Les recrutements d’agents dans des structures souvent improvisées et le turnover qui s’y manifeste ne permettent pas de s’assurer que les connaissances requises soient vérifiées, d’autant que les précisions demandées exigent une connaissance des pays d’origine et des régions traversées, une formation interculturelle et des capacités qui sont plus souvent du ressort des agents chargés de l’examen de l’asile à l’OFPRA.

3. La décision de refus de prise en charge

Les refus de prise en charge de ceux qui se déclarent mineurs isolés atteignent des chiffres variant entre 10% et 90%, voire plus, selon les départements. Manifestement, cette disparité ne peut s’expliquer que par les directives aux services chargés de l’évaluation, dans le cadre d’une «gestion des flux» envisagée par les services départementaux.
On retiendra qu’il peut être mis fin à l’accueil provisoire d’urgence :
– dans les 5 jours de l’accueil «S’il [le président du Conseil départemental ]estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L222-5 et L223-2. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I prend fin;
– au-delà des 5 jours, «l’accueil provisoire d’urgence (…) se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire», celle-ci pouvant mettre fin à la prise en charge au titre de l’assistance éducative considérant que la juridiction de l’enfance n’est pas compétente à l’égard d’une personne d’un âge supérieur à 18 ans.
Qu’est-ce qu’une décision de l’autorité judiciaire ?
Il est généralement admis, notamment par le Conseil constitutionnel que le parquet fait partie de l’autorité judiciaire qui se répartit alors entre les juges du siège et les magistrats du ministère public.
En matière d’assistance éducative, une prérogative exceptionnelle est accordée au procureur par l’article 375-5 du Code civil, généralement dénommée «l’ordonnance de placement provisoire (OPP)».
Cette disposition accorde au juge des enfants le pouvoir de décider d’une mesure provisoire confiant un enfant à un service ASE, un centre d’accueil, un établissement ou un tiers digne de confiance. Comme le prévoit l’article 1184 du Code de procédure civile précité, cette mesure peut être ordonnée que dans «le cas d’urgence spécialement motivée» sans que les parties (parents, enfant…) aient été entendues pourvu qu’elles soient convoquées dans la quinzaine.
L’alinéa 2 de l’article 375-5 prévoit que, «en cas d’urgence», le procureur «a le même pouvoir» que le juge. Il s’agit d’une disposition dérogatoire à la compétence exclusive du juge des enfants qui doit donc être interprétée restrictivement.
Si le parquet est autorisé à agir dans l’urgence pour la protection d’un enfant en danger, on doit bien considérer que, dans le délai de cinq jours, il est certain qu’un juge soit disponible pour décider d’une mesure provisoire, d’autant que le parquet est autorisé à ordonner une mesure d’investigation particulière, l’expertise osseuse sachant que «Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé». Il y a donc un dépassement de la prérogative accordée au parquet et un évitement du juge, seul à pouvoir garantir un procès loyal.
Lorsque les services du procureur requièrent une expertise osseuse, celle-ci ne peut être pratiquée que pour autant que deux conditions soient remplies prévues à l’article 388 du Code civil :
– «en l’absence de documents d’identité valables»;
– «et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable»;
– «après recueil de l’accord de l’intéressé.
Il convient donc de s’assurer au . préalable que des éléments contestables ont été révélés dans les documents d’état civil et/ou d’identité présentés. Ensuite, les remarques sur la vraisemblance de l’âge allégué ne reposent que sur le rapport d’évaluation communiqué au parquet par le service d’aide sociale à l’enfance.
À ce stade, la discussion sur l’identité de la personne ne fait l’objet d’aucune contradiction puisque ni le jeune, ni éventuellement son avocat, ne sont appelés à discuter avec le membre du parquet qui prend une décision unilatérale… en dehors de tout débat judiciaire.
Il arrive régulièrement que le parquet des mineurs adresse au service de l’aide sociale à l’enfance un refus d’engager la procédure en assistance éducative, sur base du rapport d’évaluation adressé par le service, sans même requérir l’examen radiologique, ou sur base de cet examen, sans le soumettre à la contradiction du jeune et/ou de son avocat alors que le même article précise : «Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé».
Cette situation, hors de tout débat loyal auquel toute personne a droit lorsque ses intérêts sont en cause, a pourtant reçu l’accord du Conseil d’État dans un récent arrêt qui considère que dès lors que le magistrat du parquet considère ne pas devoir requérir le juge des enfants – donc de ne pas délivrer d’OPP -, malgré une évaluation du service départemental en faveur de la minorité de la personne, il est mis fin à l’accueil du mineur… qui n’a pour seule solution de saisir lui-même le juge des enfants et de patienter des semaines, parfois des mois… à la rue (CE, 25 octobre 2018, n° 424994).
Par conséquent, on peut conclure que le jeune qui se présente comme mineur peut ne se retrouver à aucun moment devant des interlocuteurs impartiaux qu’il s’agisse des services d’évaluation qui répondent à une commande de l’autorité départementale (qui pour des raisons budgétaires tente de gérer le «flux»), des services de police dépendant du ministère de l’intérieur pour la vérification des «papiers» (ceux-ci étant chargé du «contrôle de l’immigration»), ou encore du parquet des mineurs qui ne les reçoit pas, ne les entend pas et décide unilatéralement d’introduire ou non la procédure en assistance éducative.
Il reste pour le mineur isolé la possibilité de saisir le juge des enfants (art. 375 du Code civil) qui examinera le dossier dans un délai plus ou moins long – pouvant aller dans certains tribunaux à plusieurs semaines ou plusieurs mois – sans que le jeune puisse obtenir une aide quelconque en termes d’hébergement, de soutien éducatif, d’aide médicale, de nourriture…

 

4. Un décret qui prépare des expulsions de masse

Rédigé par les services du ministère de l’intérieur, un projet de décret a parcouru les réseaux politiques et associatifs. Soi-disant destiné à «mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers», il prévoit que ceux qui se présent comme mineurs isolés devront se soumettre à une prise d’empreintes, de photographie et répondre aux questions d’agents des préfectures, fournir leur état civil, la référence de leurs documents d’identité, leur filiation, leur adresse, leur numéro de téléphone, ou encore la date et les conditions de leur arrivée en France.
Ces données seront enregistrés dans un nouveau fichier dénommé «Appui à l’Évaluation de la Minorité» (AEM). Face à un refus de se soumettre à cet examen, le préfet informera le président du Conseil départemental, qui pourra interpréter ce refus comme un aveu de majorité et mettra fin à leur prise en charge.
Ce projet autorise également les préfectures à consulter le fichier VISABIO (fichier européen du traitement informatisé de données personnelles biométriques) pour vérifier l’âge et l’identité de ces enfants. Ce fichier ne peut constituer qu’une source d’erreur supplémentaire lorsque l’on sait que beaucoup d’enfants tentent, avant d’entreprendre un voyage périlleux vers l’Europe, d’obtenir un visa d’entrée en Europe en se faisant passer pour des adultes. Les données issues de VISABIO sont d’ailleurs très souvent écartées par les tribunaux, qui considèrent qu’elles ne permettent pas de remettre en cause l’identité de ceux et celles qui se présentent comme mineurs ni d’invalider les documents qu’ils ou elles présentent à l’appui de leurs déclarations.
Enfin, cerise sur le gâteau, le refus départemental d’accueillir le jeune à l’issue de son évaluation permettra aux services préfectoraux de procéder à «un examen de sa situation, et le cas échéant, [à] une mesure d’éloignement», sans que la réalité de son état civil n’ait été discutée devant un juge, pourtant seule «autorité judiciaire» habilitée à statuer sur l’identité des personnes.
Autant dire que, dans certains départements, 80 à 90% de ces jeunes pourraient être «mis à l’abri» dans les centres de rétention administrative en vue de leur expulsion… pourtant prohibée à l’égard des mineurs d’âge.
La façon de traiter les mineurs isolés étrangers, outre la maltraitance à laquelle ils sont exposés, est exemplative de la façon dont les services de l’État tentent de contourner l’office du juge, pourtant seule autorité indépendante vouée à statuer sur le contentieux des personnes au terme d’un procès loyal.
À nouveau, l’étranger est un prétexte à l’éloignement… de l’État de droit.

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Mineurs non accompagnés, mineurs non autorisés

par Vincent Buoro

 

« Je suis homme, et rien de ce qui est humain, je ne tiens pour m’être étranger. »
Terence

Comment le mineur non accompagné habite le lieu où il se meut ? Si cette question se pose, c’est que se retrouve, à la suite d’un exil souvent douloureux, une phase d’errance où chacun de ces jeunes est en difficulté pour inscrire quelque chose de soi dans un lieu précis. Des raisons psychologiques peuvent l’expliquer et j’en explorerai sommairement les limbes dans cet actuel propos. Mais des questions nous concernant aussi pour expliquer ce non-fait de l’errance de ces jeunes dans notre pays sont à ouvrir.

De qui parlons-nous ?

La délimitation du statut des jeunes MNA s’est construite à l’aune de trois points cardinaux que sont la minorité/majorité, l’isolement/l’accompagnement et la situation d’étranger. Chacun de ces points est présenté comme devant être vérifié. A ce titre, le parcours migratoire chaotique du jeune n’est pas terminé lors de son entrée sur le territoire, l’aventure continue en quelques sortes. Certains pays traitent ces questions en brandissant un glaive défendant les frontières, comme s’il n’était pas admis que l’étranger pénètre dans les lieux communs d’une société saine et intègre. Dans leurs décisions, ces pays peuvent se retrouver hors des lois constitutionnelles. Ces dernières années, en Europe, les différentes autorités compétentes sont passées d’une position de tolérance et d’accompagnement à des postures plus resserrées. Il est maintenant plus souvent question de rapatrier le jeune dans son pays initial ou de le limiter sur son statut de réfugié au moment de sa majorité (Senovilla-Hernandez, 2014). La protection du mineur peut, dans ces cas-là, perdre en vivacité et être interrogée sur sa nécessité. De plus, une ère de soupçon (Bricaud, 2006) pèse sur ce statut, et de fait sur cette appellation, que les agents de l’état regardent avec scepticisme. Clairement, une forme de régression s’est imposée dans ce contexte, à la croisée d’un statut questionné, d’une protection limitée, et d’un traitement de l’Autre, l’étranger. Un corps juridique tranchant, des adultes soupçonneux, et des jeunes en demande dont les vécus témoignent de brisures importantes, créent une dimension relationnelle aux appuis vulnérables. Dans ce contexte, la validité des liens interhumains s’interroge et ouvre sur des bases chaotiques la relation d’aide.
Au cœur de cette grande complexité, la notion d’étranger est aussi une butée. De la même manière que le statut de mineur, celui d’étranger est soumis à une restriction des droits sur le territoire français. De façon étatique, sur des droits de séjour, de travail, de santé ou d’éducation, l’étranger est restreint, ce qui donne à voir une formule discriminatoire légalement souveraine. Mais ces deux restrictions ne sont pas identiques, ni complémentaires, ni superposées. Elles s’affichent, l’une et l’autre, dans une pondération du droit, et, de fait, produisent des paradoxes et des tiraillements dans la combinaison mineur, isolé et étranger. Le risque serait de découper sans unir les différents droits de ces jeunes, ce qui pourrait produire un effet additionnel et directement discriminatoire de par leur réel antagonisme. Sur ce point, Sénovilla Hernandez (2014) note que les diverses autorités de protection de l’enfance et de l’immigration ont été jusque-là dans des pratiques tolérantes pour les premières et plus excluantes pour les secondes ; mais il rajoute qu’une centration sur le statut d’étranger est en train de faire le siège des réponses données à ces jeunes. S’ouvre ici un doute certain sur la qualité fraternelle que le collectif donne à ces jeunes. Il semblerait que cette tendance discriminatoire s’appuie sur un triple phénomène. En premier lieu, celui évoqué ci-dessus de la double appartenance juridique du jeune avec son lot de contradictions. Ce point vient percuter des pratiques institutionnelles qui s’affaiblissent et donnent à voir des postures de rejet, mettant en question le statut du mineur et accentuant des mises en tensions relationnelles et autour du devenir du jeune. Aussi, une réalité économique mise en avant par les autorités semble déterminer une position plus restrictive, basée sur un principe budgétaire mais s’affiliant à des pratiques contestant le statut du jeune et de son suivi. Enfin, des éléments sociétaux mettent en avant des déterminations psychosociologiques sur l’exclusion d’un vivre ensemble et l’édiction de l’individualisme (Autès, 2008). Une position d’accueil collectif secourant (Gauchet, 2002) semble avoir laissée place, dans une profonde mutation du lien social, à une posture sociétale plus demandeuse, voire quémandeuse. Est ainsi apparue une évidente méritocratie (Janvier, 2013) dans le traitement des jeunes demandant de l’aide. La présence de ces jeunes migrants a l’air de venir fédérer un rejet et une crainte d’effondrement du pacte social. Ils seraient une figure non secourable, car non inclus dans la nation (Autès, 2008). Ce qui semble se révéler, c’est que leur présence produit chez les autorités du pays un effort intense pour déterminer s’ils peuvent bénéficier ou non d’une aide, et ce, à grands « coûts » de polémiques. Pendant ce temps, eux, qui ne sont reliés qu’à un fil mineur de leur existence, cherchent un avenir, un nom, un regard soutenant à croiser. Dans cette attente, de l’inhumain se fait ressentir, parfois faiblement proscrit.

Rejet, compassion, qu’est qu’autorise le lien ?

Que se passe-t-il pour que des questions sur la cruauté humaine resurgissent ?
Cette question ne se pose pas pour amplifier une sévérité dans la lecture d’un phénomène d’exclusion. Au contraire, en la posant, l’idée est de tenter de récupérer un peu de sens. Dans ce lieu de la migration, de douloureuses situations viennent ponctuer un quotidien non moins difficile. Les recenser nous aide à dire qu’une violence se banalise dans les liens proposés aux MNA. S’y vivent des phénomènes de rejet qui poussent sur le terreau de l’arbitraire de l’adulte. Un scénario se répète probablement pour ces jeunes, scénario où les instincts les plus cruels de l’humain ne se voient pas imposés les restrictions élémentaires de bienséances et de bientraitances. Le tranchant sociétal qui s’applique normalement sur l’humain semble expulsé, rendant l’autre distancement libre de ses moindres agissements instinctuels.
Pour autant, il n’est pas d’humain dont son propre agissement ne l’effraie pas, surtout dans des situations violentes. De plus, à cet humain, ont été transmis des éprouvés. Ces transmissions, dont les desseins sont de permettre au futur adulte de se construire, qu’elles soient protectrices ou invalidantes, amorcent un traitement des liens qu’entretient l’individu à ses propres phénomènes instinctuels. Il y entrevoit une règle hors de lui, mais qui s’incarne en son être intime et le fait se reconnaître dans l’Autre. C’est une cassure, une non incarnation qui nous importe ici de mettre en avant, celle qui s’exprime dans le rejet de ces jeunes migrants et qui crée une frontière poreuse avec l’inhumain. Autour de l’accueil de ces mineurs brule simultanément la volonté d’accueillir et un grand scepticisme sur l’autre. « Le paradoxe essentiel en l’affaire est que notre chose est conçue comme inaccessible à l’autre et à la fois menacée par lui » (Zizek, 1993). Quelque chose qui se vit intérieurement mais qui ne peut vraiment arriver. L’acte de refuser l’autre donne donc des raisons de s’interroger sur la violation de la loi universelle. Nous pouvons emprunter à Freud (1915) quelques éléments de sa démarche réflexive. Il s’intéresse, à l’aube de la première guerre mondiale, à l’intérêt de la guerre, et relate l’incompréhension de cette dernière chez les peuples « civilisés ». A cette époque, cette distinction semble demeurer possible. Elle indique surtout que chez les humains « civilisés », les liens devraient être fertiles et ne pas donner lieu à des affrontements aussi destructeurs et délétères. Néanmoins, le défi du bonheur n’est pas rempli, et l’existence de la haine et de la cruauté s’immiscent dans les comportements humains, et ce, jusqu’à la limite de la mort de l’autre. Dans son élaboration, Freud fonde le sujet humain et la culture sur une expérience primitive de la haine. Pour lui, s’arrime sur cette expérience le déni d’un mal originaire. La culture apparaîtrait donc, au regard de la psychanalyse, comme le retournement d’un refoulement (Rey Flaud, 1996) et n’est donc pas l’émergence d’un idéal de liberté, de conscience et de connaissances. Elle serait plutôt un acte volontaire des humains pour tenter de pacifier les interactions, en s’installant sur un terreau luttant contre le mal de la pulsion. En ce sens, la culture est codifiée et valorisée pour viser un modèle imaginaire, qui au fil du temps, se dérobe sous les marques de la réalité quotidienne. Cette morale civilisée se fonde sur une lutte contre le mal et la haine originaire, qu’elle expie et interdit. Elle reste tout de même, et malgré ses remparts, le lieu possible du surgissement de la chose qu’elle dénie. « Il est impossible de ne pas voir dans quelle mesure la culture est édifiée sur le renoncement pulsionnel, à quel point elle présuppose précisément la non-satisfaction (répression, refoulement et quoi d’autre encore ?) de puissantes pulsions. » (Freud, 1995)
Confronté à l’apparition de ces jeunes migrants, le collectif n’a de cesse de se séparer en deux. D’un côté, les défenseurs d’une identité malmenée par cette intrusion, qui nous questionnent sur la mise en place et la solidité de leurs repères symboliques. Appliqués, ils semblent mettre un voile sur le réel de cette migration, fantasmant cet Autre quémandeur derrière une figure informe. Ils se définissent alors envahis par ce voisin monstrueux qui devient en fait un réel non limité par sa simple dénomination. Dénomination qui ne le nomme pas, ce qui pourrait par ailleurs risquer de relancer la dimension subjective. Ainsi, lorsque des actes frauduleux sont commis au cœur de cette migration, et dont les victimes le sont avant tout à partir de leurs faiblesses, leurs ignorances ou leur soif d’un lien, ce n’est pas l’universalisme de l’humain qui est atteint, mais plutôt une catégorie de l’humain sur qui une haine est posée. C’est là tout le trait de l’intolérance, fondé sur la haine de l’autre qui pose le problème si sensible de la différence. Si le problème est récurrent, insensé et globalement vécu par tout un chacun, c’est que ce que représente l’Autre, c’est avant tout un vol de jouissance (Zizek, 1993). Il y a une intolérance à la jouissance de l’Autre. Mais si le problème reste insoluble, c’est aussi parce que cet Autre est ce que l’on refuse de regarder en soi. En ce sens, le refus de l’Autre est un retournement sur sa haine propre. Est abandonnée à ces instants toute l’animalité du lien humain, précarisée, mais aussi soumise à l’instinct archaïque que visiblement certains humains choisissent de mettre sur cet étranger mineur. Le choix de l’étranger comme un être invitant (Ricoeur, 2006) est alors terriblement invalidé. Il semble être rompu à une obligation de rejet qui s’incarnerait dans le sceau de son ignorance, mais aussi, et c’est bien là l’ouverture que nous permet Freud, dans la présence toujours vivace d’une pulsion destructrice. Cette pulsion, singulière à chacun, est, jusqu’à un certain degré, validée par la constitution étatique, mais se retrouve tout de même agissante chez chacun à partir d’un même, l’enfant, qui n’est ici appréhendé que sous sa forme hostile.
D’un autre côté, les humanistes, dont le défaut est parfois de réduire leur désir à des actes compassionnels trop intimes. Pour eux, l’engagement dans ce lien va alors possiblement être frontalier avec un risque dont les mesures restent floues elles aussi. Dans la volonté d’aider, l’effacement de l’autre est aussi possible. La relation est alors vécue dans une présence/absence, à la fois réelle et symbolique, et dans une fragmentation communicationnelle qui met en jeu la conviction de chacun à vivre cette relation. La délimitation entre bienveillance et compassion (Autès, 2008) reste incertaine, comme entre l’élan et le refus d’aider. L’espace relationnel les place dans une confrontation douloureuse à l’intime et à leur propre limitation dans cet acte. S’ils veulent aider l’autre à s’arrimer à sa parole, c’est en passant par le chemin de leur propre incomplétude qu’ils doivent le faire, ce qui n’est jamais réellement sans heurts émotionnels. La compassion peut les en empêcher. Le problème est le partage d’émotions mutuelles (Devereux, 1967). L’intensité de ce partage ne se joue pas de la même façon pour les protagonistes. Pour le jeune, l’émotion est déclenchée par une montée d’émois provoqués par une situation précise ou le rappel d’événements réellement vécus. Pour l’autre, dans sa perception de la peine, il y a une véritable portée émotionnelle qui le rapproche du jeune, et qui peut l’amèner à ne plus réellement distinguer ce qu’il fait pour lui et ce qu’il fait pour l’autre. C’est là qu’il y a un dérapage compassionnel. S’il est lié à la confusion relationnelle et la position que personnifie l’adulte, il n’en demeure pas moins que le vécu du jeune atteint dans un éprouvé difficile l’adulte qui l’accompagne. L’utilisation de ses propres sentiments n’est donc pas à proscrire pour se bâtir des hypothèses sur ce que vit psychiquement le jeune. Mais, là aussi, cela demande à travailler sur la distance émotionnelle, tout en mettant en place la capacité à incarner une silhouette active dans cet entre-deux soumis à beaucoup de bouleversements.

 

Le sujet est-il autorisé dans le dévoilement ?

Dans cet accompagnement particulier, la combinaison de l’urgence, du contrôle et des demandes qui leur sont faites, démontrent l’injonction, admise dans le champ social, faite aux jeunes mineurs de se dévoiler. Sur ce point précis, encore un regard où le réel semble s’imposer, à peine voilé. La nuance entre dire son parcours et se dévoiler pourrait être effleurée sans être traversée, mais il semble évident que certains jeunes, sur la scène du dévoilement, « s’objectifient » aux yeux de l’Autre. Là encore, une jonction, sur fond de compassion, s’exemplifie et ouvre en grand un espace proximal où se mélange le réel, maintenu jusque-là clos, de l’accueillant avec celui effrayé par un possible traumatisme du jeune isolé. L’intervention de l’autre ne vient pas d’un lieu Autre. Elle maintient au contraire le jeune dans l’uniforme de son étrangeté, à percer et à connaître. Un franchissement de la frontière symbolique se présentifie ici dans la mesure où l’Autre n’est que l’objet d’une aide forcenée ou d’un rejet salvateur réunissant une seule fonction moïque agissante. Dans ce cadre ainsi repéré, Freud nous a mis sur une voie un peu révolutionnaire dans son exploration de l’humain. Il a édifié la psychanalyse en la séparant du social tout en la considérant comme l’épine dans sa chair. Elle rappelle en permanence cette haine primordiale, son refoulement et son retour toujours possible dont nous trouvons des témoignages troublants dans l’histoire comme dans la vie quotidienne.
Cependant, le jeune, au profil toujours particulier, et au vécu pénétrant, a sans doute le besoin de trouver face à lui un adulte authentique, chargé lui-même de difficultés, d’incompréhensions, voire de ressentiments, qui se propose à l’échange, et qui ne se contente pas de formules essentialistes et faussement accueillantes. Loin d’être une leçon, cette dernière assertion traduit aussi ce que peut nommer Ferenczi dans son travail sur le traumatisme (Ferenczi, 2006) et le lien qu’il se propose d’engager vis à vis de patients ayant vécus des commotions psychiques. Il relève l’incongruité d’un « silence de mort » des adultes face à des propos ramenés par les personnes et particulièrement des enfants, et énonce ce fait comme le refus d’entendre l’impensable. Ainsi, par cette voie de refus, il donne à voir la réduction d’un espace consensuel où l’un et l’autre des protagonistes pourraient venir livrer leur ressentis d’une part, et leurs doutes d’autre part. Au lieu de cela, l’objection de l’adulte renvoie l’enfant à une position silencieuse, elle-même finalement douteuse. La teneur de ses propos rejoint ceux de Sénovilla Hernandez lorsqu’il nous dit que les jeunes mineurs étrangers sont soumis « aux aléas de l’évaluation plus ou moins bienveillante des agents chargés de représenter les intérêts de l’État ou de ses institutions. » (Senovilla-Hernandez, 2014) Le terme de régression qu’il nous donne à lire dans son travail ne semble pas être galvaudé. Chaque acteur de l’action sociale se retrouve face à des configurations juridiques à chaque fois différentes et complexes. Sur quels appuis peuvent-ils édifier leur tâche, sur quelles bases construire leur aide ? Entre le droit d’asile, celui des étrangers et les caractéristiques de l’enfance en danger, la multiplication des enjeux majore l’opacité des actions. L’adulte peut alors être rapidement confronté à une divergence de points de vue, mis en conflits par des assises professionnelles et idéologiques contradictoires (Duvivier, 2009). Il semblerait qu’au-delà de l’appareil juridique et du symbolisme professionnel viennent se mêler des représentations et des croyances personnelles, souvent seules commanditaires du lien à proposer. Les situations difficiles sont alors, dans ce cas, fortement cristallisées, et tendent à construire des rigidités dans l’appréhension de l’Autre. Duvivier rapporte ces éléments comme étant problématiques, auxquels nous pouvons rajouter l’émergence d’une solitude de l’adulte, qui elle-même vient se conjoindre à celle du jeune. Elle évoque bien plus qu’une diversité des pratiques d’accompagnements de ces jeunes. Elle juge ces pratiques éclatées et donc bien soumises à des appréhensions personnelles ou construites à l’intérieur de petits collectifs. Cette observation ouvre les perspectives d’une relation aux bases toujours incertaines dans un champ social déjà lui-même construit dans la complexité. Cet état de fait amène le travail social à toujours se construire et définitivement s’installer dans une dimension processuelle qui exclut de fait des productions de savoirs définitives. En ce sens, c’est Michel Autès qui nous rappelle que « cette complexité est donc la fonctionnalité même du social qui le fait exister comme une machine à produire des définitions » (Autès, 1996). Ce rappel illustre l’intérêt certain de mobiliser chacun des intervenants sur sa potentialité créatrice tout en étant précautionneux sur les déviances possibles des actions menées. De plus, cela nous interpelle une fois de plus sur la mise en exil d’une pratique sociale qui ne trouve pas dans les cadres proposés un en-commun susceptible de bâtir des contours visibles et consistants.
Se sortir de cette problématique dans l’accueil des MNA sans user d’une réflexion collective et sereine semble déplacé. Nous savons que l’essentiel de la destruction doit pouvoir se produire dans les fantasmes. Il est donc important de se poser des questions sur ce que produit chez un sujet l’expérience cumulée du rejet, de l’exaction et de l’isolement. Le conflit psychique a de lourdes chances de s’éteindre et le sujet peut automatiser sa réaction dans la sidération et la destructivité. Une réelle aide serait donc d’autoriser à laisser se réveiller et s’activer l’activité fantasmatique en supportant les effets sur la relation, sur le lien, et en indiquant le bouleversement comme effet du sujet.

Bibliographie
Autès, M. (1996). Les paradoxes du travail social. Paris: Dunod.
Autès, M. (2008). Au nom de quoi agir sur autrui? Nouvelle revue de psychosociologie, 11-25.
Bricaud, J. (2006). Mineurs étrangers isolés, l’épreuve du soupçon. Paris: Vuibert.
Devereux, G. (1967). De L’angoisse à la méthode. Paris: Flammarion.
Ferenczi, S. (2006). Le traumatisme. Paris: Petite Bibliothèque Payot.
Freud, S. (1995). Le malaise dans la culture. Paris: PUF.
Gauchet, M. (2002). la démocratie contre elle-même. Paris: Gallimard.
Janvier, R. (2013, Janvier). Droits, devoirs: sortir de l’individualisme! Récupéré sur roland.janvier.org.
Rey Flaud, H. (1996). L’éloge du rien. Paris: Seuil.
Senovilla-Hernandez. (2014, octobre 3). Analyse d’une catégorie juridique récente : le mineur étranger non accompagné, séparé ou isolé. Revue européenne des migrations internationales.
Zizek, S. (1993). L’intraitable Psychanalyse, politique et culture de masse. Paris: Anthropos.

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MNA : La stratégie perdant-perdant du non accueil

par Nathalie Bourrelly

 

Les Mineurs Non Accompagnés font les gros titres de l’actualité en 2018. Ces MNA, qui étaient invisibles l’année dernière ont désormais leurs chroniques: Immigration, crise des migrants, mineurs isolés… Un sujet qui génère de la peur et du rejet dans un pays dont 33,9% des citoyens ont voté pour le premier parti anti-immigration aux élections présidentielles. Les médias diluent de la minorité isolée inquiétante sur la vague de l’actualité politique, sociale et sociétale non moins rassurante. Une partie de la population affiche violemment sur les réseaux sociaux ou en commentaires des articles presse leur hostilité à l’accueil des MNA à coup de « qu’ils rentrent chez eux. On ne peut pas accueillir tout le monde. Les français souffrent déjà bien assez »

Les chaines d’information déroulent régulièrement des bandeaux à répétition en jonglant avec un vocabulaire de crise sur fond d’invasion imminente : crise des migrants, immigration clandestine… La presse nationale s’interroge: « Mineurs étrangers isolés : une affaire européenne qui ne s’arrête pas à la majorité » (Le Monde) «  Le casse-tête des immigrés mineurs » (Le Figaro), la presse locale inquiète son lectorat: « MNA : que des tracas » (Le postillon), la presse internet multiplient les accroches « Les vrais et les faux mineurs étrangers coutent très chers aux pouvoirs publics » (Novopress), , « Les migrants mineurs non accompagnés, un incontrôlable aspirateur de l’invasion » (Polémia). On touche là au paroxysme du lexique de la peur. On rajoute un zeste de religion et une bonne dose de « ça coute cher au contribuable » et on obtient juste de la colère et du rejet d’une partie de la population
Mais de quoi parle-t-on au juste?

Migration, émigration, immigration

Les études contemporaines d’archéopaléontologie, fondées sur la génétique, confirment que les grands mouvements migratoires existent depuis la préhistoire, de l’Afrique vers l’Europe par exemple, qu’il se sont poursuivis durant l’antiquité et après la Renaissance avec notamment la conquête de l’Amérique par les États européens.
Les preuves génétiques montrent qu’il n’existe pas de population moderne « purement » nationale ou européenne ; l’ADN et les isotopes conservés dans les dents et ossements anciens montrent au contraire que chaque individu résulte de migrations anciennes répétées et que les racines des peuples du monde sont très enchevêtrées. Peu de personnes descendent réellement directement des squelettes trouvés près de leurs lieux de résidence. Presque tous les Européens présentent des gènes provenant au moins de trois vagues migratoires majeures survenues dans les 15 000 dernières années. Dans le monde, seule une poignée de groupes (par exemple les aborigènes australiens) ont des lignées anciennes pas ou peu mélangées avec celles d’immigrants.
Les peuples ont toujours migré vers des espaces qu’ils croyaient meilleurs pour leur survie. Puisque l’homme est avant tout programmé pour survivre, quand les conditions de sa survie ne sont pas réunies (nourriture, climat, guerre, maladies…), il cherchera inexorablement une route pour fuir le danger ou pour trouver un monde meilleur.
Ces jeunes africains issus majoritairement de la parie subsaharienne, pour ne citer qu’eux et qui représentent une grosse partie de ces MNA, vivent dans des pays qui font partie des 20 pays les plus pauvres au monde selon le classement PIB par tête que leur attribue le Fond Monétaire International. Les guinéens sont 35,3% à vivre en dessous du seuil international de pauvreté, les burkinabés 43,7% et les maliens 49,3%
L’Afrique subsaharienne reste également la région dont le taux de non-scolarisation des enfants est le plus élevé pour toutes les classes d’âge : plus de la moitié (57 %) des jeunes âgés de 15 à 17 ans ne vont pas à l’école, comme plus d’un tiers (36 %) des adolescents de 12 à 14 ans et un cinquième (21 %) des enfants âgés de 6 à 11 ans. (Unesco Juin 2017)

Quant à l’accès à la santé, cinquante ans après leur accès à la souveraineté nationale, les pays d’Afrique subsaharienne subissent encore, de façon très discordante, une situation sanitaire inacceptable en ce début du XXIe siècle.

Depuis des décennies, l’Afrique est confrontée à de nombreuses maladies endémiques : fièvre jaune, paludisme, trypanosomiase qui affectent considérablement et durablement la santé de plusieurs millions d’Africains. En moindre mesure, des pathologies telles que la lèpre, le choléra et la tuberculose sont toujours présentes en Afrique. De nouveaux virus ont également fait leur apparition : Ebola et le Sida. En 2017, plus de 26 millions de personnes, dont 2,3 millions d’enfants, souffrent du VIH. L’Afrique subsaharienne constitue la zone la plus touchée par cette maladie. La fièvre Ebola, quant à elle, a récemment provoqué la mort de plus de 10 000 personnes en Afrique de l’Ouest. Ces maladies endémiques sont d’autant plus mortelles qu’elles viennent s’additionner aux carences énergétiques et protéiques dont souffrent plusieurs millions d’Africains.

L’accès aux soins peut constituer un véritable périple, le manque de routes praticables ne favorisant pas l’accès aux établissements sanitaires. La vétusté des hôpitaux est une réalité. Les équipements lourds tels que les scanners, par exemple, ne sont pas disponibles dans l’ensemble des établissements hospitaliers. Nombre d’entre eux sont de simples dispensaires n’offrant aucune prise en charge sérieuse. Au Sénégal, au début de l’année 2017, la seule machine de radiothérapie du pays, donnée par la France en 1989, est tombée en panne et ne sera pas remplacée. Quelques mois plus tard, le bloc opératoire du Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec de Dakar a été fermé. Le compresseur, qui produit l’air comprimé nécessaire au bon fonctionnement des appareils d’anesthésie, est tombé en panne lui aussi.
L’accès aux médicaments constitue une autre problématique à laquelle les populations africaines doivent faire face. L’approvisionnement dans les hôpitaux privés peut s’avérer être une démarche complexe à effectuer. Ce phénomène favorise le trafic illégal de faux médicaments : entre 30 et 70 % des médicaments disponibles sur le marché sont des faux. Quant au personnel médical disponible en Afrique, il est intéressant de comparer la situation africaine à celle de l’Europe. En Europe, il faut compter 32 médecins pour une population de 10 000 personnes. En Afrique, on recense 2 médecins pour 10 000 personnes.

Des millions de personnes ne disposent d’aucune assurance maladie.  Seules les populations les plus riches sont en mesure de s’en offrir une auprès de prestataires privés. Cette situation, en faveur d’un système élitiste et inégalitaire, entretient la spirale de la pauvreté et du non-accès aux soins à laquelle les personnes les plus pauvres sont confrontées. Lorsqu’un enfant est malade est que la famille n’a pas l’argent, il ne sera pas soigné et succombera à des maladies que nous soignons avec des antibiotiques en Europe. Le taux de mortalité infantile est particulièrement élevé et l’espérance de vie à la naissance est également parmi les plus faibles au monde.

Les pays de l’Afrique subsaharienne ont comme point commun de vivre sous des régimes autoritaires, sans institution judiciaire solide, sans presse libre et avec un taux de corruption élevé. De plus, le climat et les sécheresses mettent à mal une agriculture fragile. Si bien que la sécurité alimentaire n’est pas assurée pour ces pays. Il s’agit pourtant d’un prérequis. Il n’y a pas de croissance quand un pays ne mange pas.
Et pourtant, certains de ces pays jouissent de matières premières considérables. La Guinée, par exemple, est un pays qui regorge de ressources naturelles : diamants, or, fer, nickel. Elle possède les plus grandes réserves mondiales de Bauxite (qui sert à la fabrication de l’aluminium et dont elle est le premier exportateur). Un Eldorado pour les exploitants chinois, français et russes. Pour les Guinéens, des hectares de manguiers, avocatiers et arbres à noix de cajou rasés, des plantations de riz, de fonio et de manioc qui disparaissent et des eaux polluées. Pas de retombée prospère sur une population affamée mais un juteux commerce international dont les bénéfices ne remplissent que les poches des membres du gouvernement de l’un des pays les plus corrompus au monde.
D’après le rapport économique sur l’Afrique 2017 édité par l’Uneca, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté en Afrique (hors Afrique du Nord) a augmenté de 42 %, entre 1990 et 2002 et 50 % des pauvres du monde entier se trouvent en Afrique en 2013. On parle d’ailleurs pour ces pays-là de seuil d’extrême pauvreté avec un accès limité à l’eau potable et à la nourriture. La malnutrition reste la première cause de mortalité infantile au Mali avec 20% des enfants qui naissent déjà avec une insuffisance pondérale.

Et alors ils traversent

C’est à ce moment-là peut-être qu’on peut commencer à envisager de comprendre la migration, la fuite, la survie…
Il ne s’agit pas là en effet de culpabiliser les citoyens européens sur la situation africaine, mais de comprendre qu’en dehors de nos peurs irrationnelles d’une invasion barbare et d’une augmentation massive d’impôts qui financeraient leur accueil qui sont nos propres préoccupations, la leur est simplement de tenter la route vers un destin meilleur. C’est leur chemin inévitablement de chercher plus loin une vie décente.
Exit les assoiffés d’allocations CAF tels que veut nous les décrire l’extrême droite
Exit les raisonnements limités sur l’intention ou la préméditation de vouloir voler du travail ou de l’argent public français ou européen.
On voit bien là qu’il n’est aucunement question de ces choses-là dans la tête de ces jeunes de 13, 14 ou 15 ans qui un matin, vont quitter leur maman, leur papa, leur maison, leur pays… sans aucune visibilité sur ce qu’ils trouveront sur leur chemin, ni d’assurance sur leur survie. «Mes parents ils ne voulaient pas que je parte parce qu’ils savent que y a pleins de gens qui meurent sur la route. Mais j’ai décidé de partir parce que si je restais là-bas, je n’allais pas à l’école, je n’ai jamais su écrire mon nom ni parler bien français. Là-bas, ton parent se demande tous les jours qu’est-ce que je vais faire pour nourrir mon enfant alors j’ai décidé de prendre la route. Et je savais qu’il n’y a que 2 solutions : tu rentres en Europe ou tu meurs sur la route » (MT, malien, 17 ans)

Ils ont entendu parler de l’Europe, de la France (dont ils sont des anciennes colonies). On y mange à sa faim, on ne meurt pas de tuberculose ou d’une crise de palu, on a le droit d’aller à l’école et d’apprendre à lire et à écrire. Il y a même des lois qui protègent les enfants. Cela parait surnaturel au premier abord et va le devenir plus encore quand ils vont découvrir que ce pays a même les moyens de décorer ses rues pour Noël ou de mettre en place un système d’assurance maladie pour les animaux de compagnie.

Alors ils prennent la route. Certains de leur propre chef, d’autres sont emmenés sur la route par un lointain parent sans même l’avoir anticipé.
Et là, leur calvaire ne fera que commencer. Aucun cerveau humain ne peut décemment imaginer que la suite de son exil puisse être aussi violente et incertaine. Ces jeunes devront conserver le plus longtemps possible leur maigre pécule afin de payer du passage, de la nourriture, de l’eau… Ils devront cacher leurs extraits de naissance qui prouvent leur nationalité et leur âge. Ils devront se protéger eux même du vol et de la torture. Depuis leur pays natal jusqu’à l’Europe, ils devront affronter toute sorte de professionnels du marché de la misère migratoire. Ils essaieront de conserver leur vie le plus longtemps possible.

Et, bien avant d’atteindre l’Europe, ils devront survivre à l’enfer de la barbarie libyenne.
De nombreux jeunes ont témoigné de leur souffrance de devoir s’abreuver pendant plusieurs semaines de l’eau salée de la mer qui brule et n’étanche pas la soif. Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg des atrocités commises par les trafiquants libyens. Ceux qui tentent de rejoindre des habitations pour trouver de l’eau sont abattus sur place. Ils sont assignés au bord de mer où ils guettent désespérément un bateau pour quitter ces côtes barbares.
Un nombre croissant de migrants transitant par la Libye sont vendus sur des « marchés aux esclaves » avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle, alerte un rapport publié le 11 avril par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
« Les passeurs qui prennent en charge les migrants à l’entrée de la Libye, les font voyager dans des conteneurs ou dans des camions dans des conditions plus que rudimentaires. Ils les débarquent ensuite sur des espèces de marché où ils sont vendus comme des esclaves. Mais il y en a aussi une partie qui vont être livrés à des bourreaux qui vont les torturer en direct en appelant leurs familles », explique un médecin. « Ils sont électrocutés avec de la haute tension, battus, pour exiger que leurs familles versent des rançons qui peuvent aller jusqu’à 5.000 dollars. Ils sont torturés jusqu’à la mort. Le but c’est d’obtenir des rançons quel qu’en soit le prix », déplore ce médecin. « Et si les détenus sont tués, ça ne pose aucun problème aux bourreaux parce qu’ils en ont suffisamment ».

Les survivants à la torture et à la sous-alimentation et ceux qui ont trouvé un moyen de « négocier » leur passage au dépend de leur intégrité physique et mentale, vont être entassés au bout de quelques semaines sur des canots pneumatiques totalement inadaptés à la haute mer et vont tenter de rejoindre l’Europe. La plupart de ces canots n’arriveront jamais.

En septembre, le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) révélait qu’en 2018, 1 personne qui essayait d’atteindre l’Europe sur 18 trouvait la mort en Méditerranée. Depuis septembre, ce chiffre a encore grimpé : ils étaient 1 sur 5 à perdre la vie ou à «disparaître» entre la Libye et l’Europe, selon le chercheur Matteo Villa, de l’Institut italien pour les études de politique internationale.
Géré par l’association franco-allemande SOS Méditerranée et par Médecins Sans Frontières,  L’Aquarius, privé de pavillon depuis cette période-là et forcé de rester à quai restait l’un des seuls navires à secourir les survivants. La dernière campagne de SOS Méditerranée résume parfaitement les enjeux de cette traversée inhumaine : « l’envie de vivre est la plus belle chose que nous avons en commun »
Ceux qui franchissent les portes de la forteresse européenne et celles des hôtels de police français en se signalant Mineurs Non Accompagnés, ce sont eux, ne l’oublions pas. Ce sont les survivants.

Accueillir ?

Au-delà des débats, circulaires et jurisprudences sur les outils de vérification de la majorité, les conditions et modalités d’évaluation et d’accueil des MNA qui mobilisent le gouvernement français et les services départementaux de la protection de l’enfance, les questions qu’il serait à mes yeux cruciales de se poser réellement seraient plutôt les suivantes « Ont-ils le choix ? A ton le choix ? A quel moment pouvons-nous hésiter à accueillir ces jeunes-là ? »
On peut mesurer le degré de désespérance d’un peuple quand un jeune malien à qui je demandais si pendant les 4 semaines qu’il a passé affamé, assoiffé et apeuré sur une plage libyenne, il a imaginé de rebrousser chemin, me répond « Celui qui a fait la route ne peut pas se retourner. C’est impossible. Il sait ce qu’il a laissé derrière lui et ce que ça lui a couté et s’il retourne là-bas c’est ça encore qu’il va retrouver devant lui. Il préfère mourir ici plutôt que de rentrer au pays »
La citoyenne que je suis ne se sent pas à l’origine de la misère africaine, pas plus que je ne me sens le droit à l’exclusivité des bénéfices des acquis concernant la protection de l’enfance du pays où ma famille a eu la chance de pouvoir migrer à un moment donné de son histoire
La demande de ces jeunes: avoir le droit d’aller à l’école, apprendre un métier. Avoir le droit de manger tous les jours. Pouvoir s’endormir en sécurité
L’état français pendant ce temps verrouille les frontières, augmente les prises en charge des centres de rétention et imagine des décrets de contestation de la minorité de ces jeunes, comme si le fait d’avoir 18 ans et demi ou 19 ans annulait automatiquement le besoin de protection de ces survivants de la mondialisation
Les navires des ONG, l’Aquarius étant le plus connu, et qui a sauvé quelques 30.000 personnes de la noyade depuis 30 mois sont accusés d’être des passeurs, poursuivis en justice sur des accusations fallacieuses et séquestrés à quai au nom des intérêts protectionnistes des sommets européens.

Et pendant ce temps-là, les garde cotes libyens n’en finissent plus de récupérer les cadavres. La Méditerranée est en passe de devenir le plus grand charnier de l’histoire, la fin de la route et de la vie pour 1 africain sur 5.
Les départements qui ont hérité de la gestion des MNA développent toute sorte de stratégies pour mettre en doute la minorité de ces jeunes et les expulser vers d’autres départements ou des centres de rétention. Nos services de protection de l’Enfance transforment ces jeunes en clandestins, en hors la loi. Ils n’ont pas de parent, de famille ni d’argent. Ils se retrouvent démunis de tout dans des rues, dans un pays dont ils ne connaissent pas les codes ni pas très bien la langue.
Ils ne vont pas repartir. Ils préféreraient mourir ici. Alors comment vont-ils survivre dans la rue, en mauvaise santé physique et psychologique, sans argent et en étant devenus des clandestins à la merci de n’importe quel contrôle de police ? Comment survit-on quand on a 16 ans et qu’on ne sait ni lire ni écrire dans un pays étranger ? Comment survit-on quand on n’a même pas le droit de travailler pour se nourrir ? Et que l’on n’a aucun droit dans ce pays.

S’ils ne sont pas secourus par des associations de défense malmenées par les pouvoirs publics et une partie de la population, des avocats en quête de justice ou des citoyens dont l’élan de solidarité pourra être requalifié en délit, le risque majeur pour notre pays (en dehors des suicides de ces jeunes qui n’est pas un risque majeur pour le pays) est de les retrouver dans les circuits de la délinquance, de la vente de drogue par exemple ou sous la mainmise des vautours de l’intégrisme dont c’est la mission de récupérer ceux qui n’ont plus rien à perdre.
Les citoyens auront alors de vrais raisons d’avoir peur parce que ces jeunes n’auront plus rien à perdre et qu’il n’y a rien de plus dangereux que d’entretenir sur le sol d’un pays des gens qui n’ont plus rien à perdre.
Et ce sera l’Etat français qui les aura amenés là.
Alors qu’au départ, ce sont juste des êtres humains qui tentent de fuir la misère de pays sacrifiés à l’autel de la mondialisation et qui cherchent protection auprès de leur ancêtre colon qu’ils respectent au plus haut point dans sa notoriété exemplaire de pays des droits de l’homme
Bien sûr, tout ceci a un coût. Actuellement, l’argent public est utilisé à payer des chambres d’hôtels pour conserver des jeunes pendant des mois en attendant leur majorité et l’opportunité de les expulser, à financer très largement des dispositifs d’évaluation de la minorité et de construire des places dans des centres de rétention.
En plus, il faudra vraisemblablement augmenter ce budget-là dans quelques années pour renforcer la lutte contre la délinquance de ces jeunes qui vont tenter de survivre et multiplier les campagnes de vaccinations ou de soins pour contrer certaines maladies anciennement éradiquées en passe de revenir puisque qu’ils n’auront pas de droit à une couverture sociale et un suivi sanitaire régulier.
Pourquoi ne pas repenser globalement cette ouverture de la forteresse du pays des droits de l’homme et mettre l’argent public dans des solutions plus pertinentes, moins onéreuses et surtout plus pérennes.
L’avant-propos du rapport mondial de suivi sur l’éducation 2019 de l’Unesco qui s’intitule « Migration, déplacement et éducation : Bâtir des ponts, pas des murs » alerte contre l’obscurantisme et symbolise parfaitement l’existence de voies alternatives à cette parodie d’accueil actuelle.

« Les lois et les politiques actuelles ne prennent pas en compte les enfants migrants et réfugiés. Elles nient leurs droits et négligent leurs besoins (…) Délaisser l’éducation des migrants est un immense gaspillage de potentiel humain. Pour un simple problème de paperasserie, de données qui manquent et de systèmes bureaucratiques mal coordonnés, nombreux sont ceux qui voient leur dossier bloqué dans les rouages de l’administration. Pourtant, investir dans l’éducation de migrants et de réfugiés talentueux et motivés contribue à stimuler le développement et la croissance du pays d’accueil comme du pays d’origine (…). De même, il est vital de s’appuyer sur un programme d’études bien conçu, apte à promouvoir la diversité, fournir des compétences essentielles, dénoncer les préjugés et avoir des retombées positives au-delà des murs de la salle de classe (…) Ce Rapport lance un message clair : investir dans l’éducation des personnes en situation de déplacement, c’est refuser tout ce qui nourrit la frustration et l’instabilité et s’engager résolument dans la voie de la cohésion et la paix. »

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Le mineur isolé : un lanceur d'alerte !

par Marie-Jean Sauret

 

Tout le monde s’accordera pour attribuer l’isolement de mineurs aux conséquences d’accidents politiques, économiques, sociaux, familiaux, voire personnels. Mais cet accord ne confond-il pas le déclencheur de la fuite hors du giron familial, de la séparation d’avec les siens ou de la perte par décès des parents, avec la signification que prend l’ampleur de ce phénomène dans nos sociétés ? Je soutiendrai ici que le mineur isolé est à la fois un indice de la logique néolibérale et un symptôme de la dégradation du lien social. Au fond, il nous revient d’être les passeurs de ce qu’il nous annoncerait alors : d’en faire un véritable lanceur d’alerte.

L’isolement de l’enfant présente une dimension anthropologique : dispose-t-il des moyens de pérenniser à son tour la transmission des éléments nécessaires au sujet pour se réaliser ? Qu’il les ai reçus de ses parents, quelle que soit sa structure subjective, il le démontre par le génie qu’il est capable de mettre en œuvre pour sa survie. Et le courage dont certains témoignent dans les épreuves qu’ils ont à traverser pour trouve une terre d’asile montrent qu’ils font souvent preuve de bien plus de solidité que les politiques qui pérorent parfois sur le danger et le coût que représenteraient leur présence, leur accueil et leur soin. J’en ai eu récemment le témoignage avec cet adolescent orphelin de mère,abandonné par son père. Menacé de mort localement, il fuit à 14 ans un pays d’Afrique de l’Ouest, est emprisonné en Libye, sorti par une famille qui le prend à son service. Il traverse avec d’autres la méditerranée en pirogue grâce à un passeur bienveillant. Il erre encore entre plusieurs pays européens avant de trouver un début de solution en France, deux années après…
Que l’on me pardonne le détour par ce rappel anthropologique qui devrait nous permettre de mieux situer l’enjeu actuel et la raison de notre action.
Il faut partir de ce qui caractérise l’humanité : elle est faite d’être parlants dont les conditions d’humanisation ne se réduisent pas à la reproduction biologique. Animal fragile né prématuré, l’humain s’est complété du langage. Par ce moyen il pallie son déficit dans tous les domaines, en transformant, d’ailleurs aussi pour le pire, son environnement (voir l’anthropocène). De parler, il ne se réduit plus à son être bio-psycho-social, car il devient sujet. Il est alors obligé de se poser la question de ce qu’il est d’autre que « naturel », de quoi est fabriqué le réel du sujet ? Et il est contraint de se rendre à l’évidence : le langage ne peut que représenter, incapable de saisir le moindre réel. Il ment. Aussi le sujet se dote-t-il d’un « être de mots » : ce que nous appelons une identité, mais qui, d’être faite de mots, est menteuse et insatisfaisante. D’où, au passage, la stupidité d’un Ministère de l’Identité Nationale. L’identité ne saurait être stable et définitive. Du coup, à l’échelle de l’humanité, les sujets ont adossé leur « être de mots » à un « être de filiation » : puisque je ne peux saisir ce que je suis, je peux au moins dire de quel X je suis la fille ou le fils (il faudrait examiner d’autres modalités d’inscriptions).

La question de l’énigme de ce que je suis se déplace sur celui dont je me déclare fille ou fils, et qui m’inscrit dans les structures de la parenté et dans la culture que j’habite avec lui. Et pour répondre de ce qu’est cet X, je me tourne vers l’X’ dont il se dit fille ou fils, et ainsi de suite jusqu’au premier X°: tel est l’ordre symbolique, un système de relations entre places, qui participe du processus d’humanisation et qui fait que l’humain est avant tout un « être social ». Il comporte pourtant une exception. S’humaniser suppose de s’insérer dans la chaîne entre une place qui nous précède nécessairement, et une autre qui suit potentiellement, quid du premier de la série ? Celui-là n’a personne d’avant qui puisse le nommer fils. Et c’est le fils de ce dernier qui, le premier, a nommé son père « père » : l’enfant est le père de l’homme, ainsi que Freud l’a répété et tenté de le fonder en raison avec son propre mythe de la horde primitive !
Le mythe, la religion, se sont alors emparé de ce premier dont ils ont fait la figure de dieu. Dieu se charge de l’énigme du « réel du sujet », il fonde l’ordre symbolique, et le mythe devient le leu du nœud (ligature) des dimensions dont le sujet est constitué – le Symbolique (le langage), l’imaginaire (le sens), et le réel (« l’être du sujet »). En outre, le mythe fournit la première mouture de social à ceux qui le partagent, qu’ils y croient ou non, et dieu garantie l’autorité du descendant auquel est remis la charge d’administrer la « cité ».
L’ ‘humain est un néotène prothésé par le langage. Sa prématurité le contraint à une longue période de développement avant la maturité. L’humanité a profité de cette exigence pour adopter la famille comme moyen non seulement du soin et de l’éducation, mais de la transmission des éléments nécessaires à la ligature, et, partant, à la pérennisation du processus d’humanisation. Les familles grecques et romaines sont telles que l’on y change de place avec l’âge, mais on n’en sort pas (cf. Œdipe et les Labdacides…). Que s’est-il passé pour que Freud puisse affirmer avec raison que le plus grand pas que l’enfant puisse effectuer pour lui et pour la société, ce soit de sortir de la famille – sur un mode, ajoutons-le, où il puisse non seulement emporter avec lui les moyens de se loger dans le social et de le réinventer en même temps, mais de transmettre à son tour ces moyens à la génération qui le suivra ?

C’est que la science moderne et le capitalisme, fabriqués grâce aux pouvoirs du symbolique, sont venus défaire la solution traditionnelle en privilégiant un mode de production certain d’un savoir réfutable, en langage mathématique (insensé), qui a disqualifié la question du sens. Le capitalisme adopte le libéralisme économique et l’évaluation des relations de chacun avec chacun en termes de valeur exclusivement marchande. Il suscite une anthropologie où chacun est obligé de se penser comme un organisme, une machine, une entreprise – économique, rentable, utile, flexible, etc. Toutes les valeurs portées par les tentatives de rendre compte du sens de l’existence s’effacent : il est jusqu’à la solidarité que Darwin mettait aux fondements de l’humanité, venue contrer la sélection naturelle, pour disparaître devant le prix financier d’un sauvetage !
Première conséquence de l’effondrement des mythes, c’est que non seulement les fonctions de mère et de père ne sont pas reconnues, mais elles vont être remplacées par des experts ou des rôles à remplir pour le meilleur rendement du point de vue de la société. Si tel est le cas, le lien entre les générations (symboliques et non chronologiques) est rompu : de ce point de vue, chacun est déjà un orphelin, seul. Nous avons l’expérience de personnes qui ont perdu leurs parents ou qui sont séparés d’eux par de grandes distances, sans qu’ils donnent l’impression de cette rupture, parce qu’en quelque sorte, ils ont intégré cette structure qu’ils auront à transmettre. Mais nous connaissons de plus en plus de personnes qui, même vivant avec leurs proches, sont complètement perdus voire persécutés par cette proximité. La disparition de la différence des fonctions parentales au prétexte de l’égalité, le traitement des enfants mineurs comme des adultes en cas de délinquance, la primauté accordé au répressif sur l’éducatif (pourtant insuffisant), témoignent de cette mutation sociale qui préside à notre époque.
Cette société tendanciellement égoïste peaufine ses idéologies et nous promet aujourd’hui l’immortalité. Bien sûr, nous pourrions n’y voir qu’un fantasme transhumaniste. Mais elle affiche les moyens techniques d’y parvenir : convergences des nanotechnologies, de la biologie, de la physique atomique, des neurosciences, de la génétique autour de la cybernétique. Des procédures pour se débarrasser de la reproduction naturelle sont à l’étude (exogenèse, clonage). Et puis, il y a cette formidable crise – économique, écologique, sociale et politique – devant nous, accompagnée de l’impression que les gouvernements ne feront pas ce qu’il faut pour se doter à temps – c’est-à-dire avant un cataclysme mondial – des solutions susceptibles d’empêcher l’éclatement des bulles spéculatives, d’enrayer le réchauffement climatique, de stopper l’effondrement de la biodiversité, de contrer la montée des eaux, de préparer l’accueil des réfugiés climatiques et politiques, de choisir délibérément des régimes démocratiques qui rendent leur responsabilité aux citoyens…

De la sorte, des (nos) enfants ont l’impression légitime qu’on ne les aime pas : on en fait de plus en plus tard, ou parfois comme un signe de réussite après la profession, le partenaire, la voiture et l’appartement, et de nombreuses personnes renoncent à en faire pour ne pas hypothéquer leur carrière, quand d’autres promeuvent le genre sexless… Mais, au-delà de ce sentiment de désamour, peut-on penser que, sournoisement, l’impression d’être le dernier maillon ou presque de l’ordre symbolique, donc une sorte d’incarnation, du retour dans le réel de ce réel dont les dieux avaient pris la charge, n’affecte pas nos enfants ? Et par voie de conséquences, le lien social que nous habitons nous-mêmes ? Pourquoi nos enfants s’empareraient des éléments nécessaires à la pérennisation de l’humain s’ils n’ont pas à les transmettre ? Et pourquoi s’efforcer de les leur donner s’ils ne doivent pas les transmettre à leur tour ? Et ainsi, de proche en proche, n’est-ce pas notre habitat langagier qui se détisse ? C’est d’une enfance généralisée orpheline qu’il y va – à laquelle nous appartenons !
Il faudrait alors voir dans la multiplication des mineurs isolés, non seulement une conséquence de la dégradation des conditions de vie, et d’un effacement des liens familiaux et sociaux, mais également une opportunité : l’opportunité donné certes à ceux qui auraient à les recevoir, mais à bien d’autres, de travailler au changement que ce monde appelle pour la survie de l’humanité elle-même.

Que l’on me permette d’éclairer cette hypothèse d’un autre point prélevé dans l’actualité. Il n’est pas étonnant que des sujets ne puissent loger le radical de leur être dans un « grand récit » puisque le seul récit qui surnage est celui de « l’économystification » scientiste. D’où la tentation de recourir à des formes religieuses qui entendent rivaliser avec la rigueur « paranoïaque » de la science, et il n’est pas nécessaire pour cela d’être issue de parents de la dite religion : le nombre d’européens convertis parmi les individus qui ont rejoint DAESH le démontre. Mais examinons le cas de migrants venus en France après la fin de la guerre d’Algérie. Le père faisait vivre la famille mais rêvait pour elle d’une meilleure situation, et c’est ce rêve qui a souvent déterminé le choix de la traversée de la Méditerranée. Pour faciliter l’intégration, certains se sont alors abstenus d’enseigner la langue arabe à leurs enfants et de leur livrer l’héritage culturel qui avait été le leur. Hélas, faute de ce bagage, contrairement à l’attendu ; les fils n’avaient plus les moyens de s’approprier la culture du pays d’accueil, se vivant comme mutilés et sans identités, d’autant que le chômage du père a transformé le pays des rêves en cauchemar. Et ce sont les enfants de la troisième génération, si l’on peut dire, qui ont assuré la survie de la famille par les petits trafics, la délinquance ou le deal. C’est parmi les jeunes issus de cette troisième génération que nous rencontrons le plus de dits « radicalisés ».

Tout se passerait donc comme si la tentation de la « radicalisation » sautait une génération. La première est croyante, la deuxième, élevée par des croyants est néanmoins laïque – convertie parfois sous contrainte à la nouvelle culture – et la troisième voit le retour de ce qui est forclos au niveau de la seconde sous la forme de la radicalisation. Plutôt que de se soumettre à des parents qui ont renoncé ou auxquels on n’a pas transmis les moyens de fonder leur autorité, les jeunes préfèrent la révolte et la promesse d’un accueil pour ce qui ferait leur singularité. Le radicalisme n’est donc pas seulement le résultat d’idéologies importées, mais un autre des effets du détissage du social – ce que démontrent les entreprises religieuses d’origine occidentales et tout aussi paranoïaques : Scientologie, Église de la Science chrétienne, Raéliens, certains évangélismes, et, en règle générale, les intégrismes modernes y compris chrétiens, bouddhistes et juifs, qui loin d’être le retour des religions du passé, en sont la forme adaptée au scientisme contemporain. Sur un mode mineur, le complotisme n’a pas d’autre source : le scientisme, l’ordolibéralisme, la logique implacable du discours capitaliste, le refus d’accueillir l’altérité (l’étranger, mais aussi enfant, femme, handicapé) et plus subtilement le singulier propre à chacun, la faillite du sens, en constituent la matière première…

Sur un mode apparemment moins problématique, est-ce que les sujets casques branchés sur les oreilles, et l’œil rivé à l’écran, ne sont pas également à la recherche d’un Autre sur lequel ils puissent toujours compter ? Cet Autre est sans corps tandis qu’ils heurtent leurs prochains sans les voir. N’est-ce pas ce qui fait le succès des SMS, WhatsApp et autres Facebook et réseaux pas toujours sociaux ? Ne protestent-ils pas, à leur corps défendant, contre l’isolement et la solitude que l’époque fabrique ? N’est-ce pas cette protestation logique du sujet contre la solitude inhérente à la logique de notre monde que le mineur isolé finalement incarne ? Rendre lisible cette alerte justifie l’action des associations. L’enjeu est trop énorme pour en abandonner la résolution à des mesurettes politico-économiques qui cherchent surtout à préserver les plus riches : qui peut croire sérieusement que le réchauffement de la planète dépend d’une taxe sur le carburant ?
Il est grand temps de réagir, avant que la logique de détissage que j’ai essayée de rendre lisible ne jette sa chape de plomb sur nos sociétés, et que chacun d’entre nous ne succombe à l’isolement égoïste généralisé qui en découle…

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Réfugiés. « Ces jeunes incroyables sont vraiment des héros »

par Latifa Madani

 

Interview : de Latifa Madani dans l’Humanité Dimanche (« HD ») du 12 janvier 2017 

Des 547 jours passés à accueillir des mineurs isolés étrangers (MIE), Rozenn Le Berre a tiré un récit où résonne la parole d’enfants qui ont tout risqué et dont le sort peut virer au drame : le 6 janvier, Denke Sissoko, Malien de 16 ans, s’est suicidé à Châlons-en-Champagne. Elle rend aussi hommage à la solitude et l’abnégation des travailleurs sociaux. C’est à eux qu’elle dédie son livre. « de rêves et de papiers ». éditions la découverte
ROZENN LE BERRE
Après des études à Sciences-Po Toulouse, Rozenn Le Berre s’oriente vers le travail social. Elle s’implique dans diverses associations comme le Réseau Universités sans frontières. Elle est également intervenue en 2016, dans le camp de Calais, auprès de Médecins du monde. Elle prépare aujourd’hui avec une compagnie lilloise une pièce de théâtre adaptée de son livre et tirée de son expérience, avec une comédienne seule en scène. Le sujet principal étant l’accueil en France des mineurs étrangers, mais aussi, en contrechamp, « de l’autre côté du bureau », la condition du travailleur social.

HD. Vous avez travaillé dix-huit mois dans un centre d’accueil de mineurs isolés étrangers. Pourquoi avez-vous arrêté ?
Rozenn Le Berre. Un jour, j’annonce à un jeune homme qu’il n’est pas pris en charge, il tombe à genoux à mes pieds, il pleure, il me supplie de faire quelque chose pour lui et ça ne me touche pas… Là, je me suis fait peur. Peu après, j’ai revu ce jeune, un Bangladais, j’étais à une terrasse de café, il vendait des roses. Et là, par contre, ça m’a touchée. Je me rendais compte à quel point la décision négative du département l’avait fait basculer. Ça m’a bouleversée.

HD. Vous écrivez : « Si on s’habitue au désespoir, il faut quitter ce travail. »
R. Le B. Je pense qu’il ne faut pas être trop blindé pour faire ce travail. Il faut aussi être capable de sensibilité. Ce n’est pas facile : pas assez, on travaille mal ; trop, on travaille mal aussi. Nous sommes un peu une éponge, on recueille leurs histoires, il faut prendre de la distance pour pas que cela nous affecte trop. Lorsque j’ai travaillé sur le livre, puis sur la pièce, avec le recul, je me suis dit : « Mais comment j’ai fait finalement pour tenir ? » Tant qu’on est dedans, on tient. Il le faut. Les jeunes que nous accueillons sont dans une telle précarité. Eux, ils jouent un bout de leur vie ; nous, c’est juste une matinée de travail. Notre rôle, c’est de batailler pour eux. Alors, forcément, ça épuise et on met de côté nos revendications. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, parce que, de l’autre côté du miroir, il y a aussi la précarité du travailleur social.

HD. C’est la raison pour laquelle vous dédiez votre livre aux travailleurs sociaux ?
R. Le B. Leurs conditions de travail se sont considérablement dégradées : coupes budgétaires, transferts de missions vers le privé… Les associations sont mises en concurrence au point où certaines font du « discount ». Faire du low cost dans le social, ça mène à des situations qui font que, par exemple, à un certain moment, à Calais, la plateforme qui travaille sur les demandes d’asile n’avait pas d’interprète !
En raison du manque de moyens, il nous arrive de dire aux gens qu’on ne peut rien pour eux. Or, à l’origine, le métier de travailleur social, c’est surtout ne pas dire cela, mais accompagner, trouver des solutions. Mais les outils sont de plus en plus rares. C’est grave. Ainsi, dans certains services, les travailleurs sociaux se retrouvent seuls durant les entretiens avec le mineur isolé, alors qu’ils devraient être deux. Car nous participons à une décision qui va déterminer son avenir.

Budgets tronqués, appels au privé: «les associations sont mises en concurrence et font du low cost».

En plus, nous sommes dans une sorte de position schizophrénique. D’un côté, on nous demande d’accompagner les gens ; de l’autre, on nous demande de faire la police. C’est nous qui sommes au bureau d’accueil qui leur expliquons leurs droits. Le premier visage que les jeunes voient en arrivant, c’est le nôtre. Notre manière de recevoir, ce sera pour eux, pour toujours, la manière dont la France les a reçus. Quand j’ai mis les pieds dans ce travail, je n’avais pas mesuré tout ce que cela allait impliquer. J’avais anticipé que ce serait lourd, mais je n’avais pas imaginé ce côté paradoxal, entre accompagnement et rejet. Il y a une partie d’accompagnement des mineurs, oui, mais il y a le revers de la médaille : annoncer le rejet du dossier. Un refus signifie que le jeune doit quitter sa chambre et, là, c’est terrible. Faire l’état des lieux de sortie avec lui. C’est éprouvant.

HD. Vous avez dû partir, mais, en même temps, vous expliquez que cela va beaucoup vous manquer. Que regrettez-vous le plus ?
R. Le B. Ce qui va me manquer, ce sont les jeunes, tout simplement. Des jeunes incroyables qui sont vraiment des héros. Ils sont arrivés jusqu’ici avec une force hallucinante, que j’ai rarement vue. Des jeunes qui jamais ne se sont énervés, malgré les difficultés. Ils sont d’un respect admirable et ils bataillent. J’ai appris énormément. Cette fibre sociale me manque. Dans un contexte très tendu pour les jeunes et pour nous ­ absence de pauses, heures supplémentaires non récupérées, risques psychosociaux ­, il y a ces petits moments d’humanité, sans prétention, qui vont me manquer. Et qui me manquent. Une discussion, une blague, un sourire, un thé ou un café partagé. De belles petites choses au quotidien. Mais de leur dire qu’ils vont dormir dehors… ça, ça ne va pas me manquer !

HD. selon vous, que devraient faire les pouvoirs publics à l’égard des mineurs isolés étrangers ou prétendus mineurs ? Que pensez vous de l’évaluation sur leur âge ?
R. Le B. À partir du moment où il n’y a aucun critère fiable et objectif permettant d’établir l’âge de quelqu’un, il faut arrêter de le faire. On est sur du subjectif, de toute façon, donc du non-fiable. Je pense qu’il faudrait arrêter ces évaluations. Si des majeurs se présentent comme mineurs, c’est bien qu’ils n’ont aucune autre solution. Ce n’est marrant pour personne de réduire son âge de dix ans parfois ! Ce n’est drôle pour personne d’être en foyer quand on a vingt-cinq ans et de reprendre sa scolarité avec des collégiens de quatorze ans. Mais c’est le choix le moins pire. S’il y avait des solutions plus adaptées pour les adultes, les gens ne joueraient pas à se faire passer pour des mineurs. Le problème, c’est qu’en France il n’y a pas vraiment de solutions. Soit on les condamne à rester sans papiers, soit on les contraint, à mentir sur leur âge. On est un enfant à protéger avant d’être un étranger à expulser. Il devrait y avoir des solutions plus adaptées. Cela implique de repenser complètement les politiques d’accueil et de revoir notre politique migratoire… Ce n’est pas gagné !

 « De rêves et de papiers ». éditions la découverte, 180 pages, 16 euros.

EXTRAITS…
“Je implore toi s’il vous plaît dormir couloir.” Ces mots, Mirjet ne me les dit pas. Il les écrit en albanais sur l’ordinateur et c’est Google Traduction qui me les dit. C’est plutôt marrant d’habitude, les traductions déformées par le logiciel. Là, ce n’est pas drôle du tout. Mirjet dit avoir dix-sept ans, mais tant qu’il n’est pas reconnu mineur isolé étranger, je ne peux pas lui trouver un hébergement.»

«Tous les rapports que j’ai rédigés depuis les dix-huit derniers mois. Tous ces noms et, en un clic, la boîte à histoires qui s’ouvre. Ce n’est pas qu’un document Word 97. Derrière chaque petit onglet, une histoire avec du vrai espoir et de la vraie souffrance. Avec des mensonges aussi, mais on s’en fiche. La vérité est parfois bien plus douloureuse que le mensonge qu’on leur a conseillé de raconter. Derrière chaque petit onglet, surtout, une décision finale. Oui ou non. Mineur ou majeur. L’école ou la rue. L’espoir de régularisation ou le risque d’expulsion. Pour chacun de ces noms, pour chacun de ces jeunes ou moins jeunes, j’ai contribué à orienter la décision. Pas toute seule, certes. Mais un bout de leur destin a un moment tenu entre mes mains. C’est effrayant, quand on voit l’étendue de la liste. Alors je décide d’arrêter. (…) De quitter ces jeunes qui m’ont transmis malgré eux des bribes de ce qu’ils sont. Et qui, probablement sans le savoir, ont façonné des bribes de ce que je suis. »


Des enfants à protéger, pas à expulser

Ils seraient entre 6 000 et 8 000 mineurs isolés étrangers (MIE) sur le territoire français. Des jeunes de moins de 18 ans, sans parents, ni représentants légaux, qui ont droit, selon la loi française et les conventions internationales, à la protection sans condition, ni de nationalité, ni de régularité de séjour : prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance, non-éloignement forcé du territoire, scolarisation et accès au séjour à la majorité. Mais, en pratique, les choses ne se passent pas comme ça. Un mineur isolé qui arrive à entrer en France, souvent au bout d’un périple dangereux et épuisant, est d’abord suspecté de mentir sur son âge, sa situation familiale… S’instaure alors une « présomption de majorité constante », déplorent les travailleurs sociaux, et commence, pour le jeune, un nouveau parcours du combattant. Le jeune est orienté vers un service d’accueil rattaché au département pour d’abord le mettre à l’abri, s’occuper de soins éventuels et constituer son « dossier administratif ». Il s’agit d’évaluer sa situation et de vérifier son âge : le sésame pour bénéficier des droits.

Un rendez-vous lui est fixé, pour un entretien d’évaluation, en théorie dans les cinq jours suivant son accueil ; en pratique, dans beaucoup plus longtemps. Les éducateurs (rices) recueillent ses déclarations et informations sur son identité, son âge présumé, sa famille, les raisons de son départ, son parcours, ses projets… Un rapport est alors adressé aux services départementaux, qui statueront sur son sort.

DANS LA RUE
En pratique, raconte Rozenn Le Berre, la majorité des jeunes sont à la rue pendant la période d’évaluation car les services sont saturés. S’il n’est pas reconnu mineur, le jeune peut contester la décision devant le juge des enfants et peut même aller en appel. Mais c’est rare. Trop compliqué, reconnaissent les associations. Si bien qu’ils seront traités en tant que sanspapiers et seront livrés aux réseaux d’exploitation de toute sorte. S’il est reconnu mineur, il doit alors être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Placé en foyer et scolarisé. En principe. Car le dispositif de protection, dénonce le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), n’est pas toujours appliqué aux étrangers. Des départements leur mettent des bâtons dans les roues, comme celui des Alpes-Maritimes. À Calais, après le démantèlement du camp en octobre, sur les 1 900 mineurs isolés pris en charge, seuls 500 ont été acceptés par la Grande-Bretagne. Les 1 400 restants ne sont pas tous dans les centres d’accueil. Où sont-ils ?

Il faut changer de paradigme sur la question des MIE (mineurs étrangers isolés), estime le Gisti : « Au lieu d’être perçus comme un flux migratoire à juguler, il serait temps de les considérer comme des personnes en situation de grande vulnérabilité, qu’il faudrait protéger. »

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Mineurs non accompagnés : bibliographie indicative

par ReSPUBLICA

 

Cette bibliographie pour le numéro spécial de ResPUBLICA 892 sur les mineurs non accompagnés a été réalisé par Valérie Cambournac, responsable du service documentation de l’Arseaa Pôle Formation & Recherche – Institut Saint-Simon.

Articles

Dans les interstices du non-droit
LE SOURN (Brigitte)
LIEN SOCIAL – n° 1232-1233, 26 juin au 3 septembre 2018 – pp. 38-39

Nous devons donner un statut légal aux MNA
GILIOTTE (Noémie) intervieweur ; ROSENCZVEIG (Jean Pierre) Rencontre avec
DIRECTION(S) – n° 167, septembre 2018 – pp. 20-22, photographies

Résistance des travailleurs sociaux
CORNIERE (Hélène), DUQUESNE (Colette), DULIEU (Christian), et al.
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES – n° 368-369-370, octobre-novembre-décembre 2017 Résistance des travailleurs sociaux – pp. 81-135

Protection de l’enfance – Des mineurs isolés toujours mal accompagnés
NOVIELLO (Laetitia)
LIEN SOCIAL – n° 1198, 5 au 18 janvier 2017 – pp. 14-15

Prostitution des mineurs : les signaux virent au rouge
RAYNAL (Florence)
Actualités sociales hebdomadaires : ASH – n° 2948, 19 février 2016 – pp. 32-35

Un centre d’accueil pour jeunes exilés : de la « jungle » au château
FREMINVILLE (Solange de)
Actualités sociales hebdomadaires : ASH – n° 2989, 23 décembre 2016 – pp. 22-26

Les mineurs non accompagnés
LAIEB (Nahima) ; coord. ; CHOBEAUX (François) ; coord.
Vie sociale et traitements : VST – n° 130, avril-juin 2016 – pp. 11-100

Mineurs isolés étrangers : méthodes de dingues… ou de voyous ?
RONGE (Jean Luc)
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES – n° 344, avril 2015 – pp. 29-41, bibliographie, illustrations

L’accueil des mineurs isolés étrangers : un défi face à de multiples paradoxes
RADJACK (Rahmeth), HIERON (Sabrina), WOESTELANDT (Laure), MORO (Marie Rose)
ENFANCES & PSY – n° 67, 2015 Précarité – pp. 54-64

Un dispositif pour les jeunes migrants. Une pause dans le périple
MIGNOT (Sandra)
Actualités sociales hebdomadaires : ASH – n° 2923, 4 septembre 2015 – pp. 26-30

Une enfance aux portes de la ville : la prise en charge ambiguë des « mineurs isolés étrangers » détenus en zone aéroportuaire
PERROT (Adeline)
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES – n° 345-346, mai-juin 2015 – pp. 43-47, bibliographie

D’une chambre à l’autre : l’hébergement en hôtel des « jeunes sous protection »
RONGE (Jean Luc)
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES – n° 333, mars 2014 – pp. 10-13, bibliogr.

Enfants migrants – Mineurs isolés étrangers : Dossier
RONGE (Jean Luc), LEFRANC (Charlotte), CORTY (Jean-François), DEROSIER (Christian), DOUAY (Caroline)
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES : LA REVUE D’ACTION JURIDIQUE ET SOCIALE – n° 338-339, octobre-novembre 2014 – pp. 84-96

Repérer et accompagner les mineurs victimes de la traite des êtres humains vers la protection
LARDANCHET (Guillaume)
JOURNAL DU DROIT DES JEUNES – n° 331, janvier 2014 – pp. 33-38,

Mineurs isolés étrangers : entre exil et placement. Les enjeux psychiques de la réussite sociale
GAULTIER (Sydney)
LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES – n° 318, juin 2014 – pp. 55-59, bibliogr.

Ouvrages

Revenu des ténèbres
KOUAME, DUROY (Lionel)
PARIS, XO, 2018 – 235 P.

Enfants isolés étrangers. Une vie et un parcours faits d’obstacles
KOBANDA NGBENZA (Dieudonné)
PARIS, L’HARMATTAN, 2016 (COLL.LOGIQUES SOCIALES) – 243 P., BIBLIOGR.

Accueillir les jeunes migrants. Les mineurs isolés étrangers à l’épreuve du soupçon
BRICAUD (Julien)
LYON, CHRONIQUE SOCIALE, 2012 – 223 P., BIBLIOGR.

Mineurs isolés étrangers à la rue. Comment les protéger ?
ETIEMBLE (Angélina)
PARIS, RUE D’ULM/PRESSES DE L’ECOLE NORMALE SUPERIEURE, 2010 – 53 P.

Intervenir auprès des mineurs étrangers isolés. Entre le maintien des spécificités culturelles d’origine et l’intégration dans la société française
MANANGA (Francisco)
PARIS, DU CYGNE, 2010 (COLL. »ESSAI ») – 129 P., BIBLIOGR.

Rapports – Études

Recommandations de bonnes pratiques : L’accompagnement des mineurs non accompagnés dits « mineurs isolés étrangers »
ANESM – Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux
JANVIER 2018, 116 p.
https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-03/rbpp_mna_web.pdf

Dans l’intérêt supérieur de qui ? Enquête sur l’interprétation et l’application de l’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant dans les mesures prises à l’égard des mineurs isolés étrangers en France
BAILLEUL (Corentin), SENOVILLA (Daniel)
POITIERS, MIGRINTER, 2016, 157 p.
https://www.onpe.gouv.fr/system/files/base_documentaire/rapport_minas_def_version_web.pdf

Étude du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur les difficultés et les meilleures pratiques rencontrées dans l’application du cadre international pour la protection des droits de l’enfant dans le contexte des migrations
CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME
2010, 25 p.
https://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/15session/A.HRC.15.29_fr.pdf

Les mineurs isolés étrangers en France : Evaluation quantitative de la population accueillie à l’Aide Sociale à l’Enfance : Les termes de l’accueil et de la prise en charge. Etude réalisée pour la Direction de la Population et des Migrations.
ETIEMBLE (Angélina)
RENNES, QUEST’US, 2002, 272 p.
https://www.infomie.net/IMG/pdf/etude_sociologique_de_madame_etiemble.pdf

Vidéos

Les enfants de Calais
CLAYTON (Sue)
LONDON, EASTWEST PICTURES, 2018 – 52min

Mos stellarium
MARKIEWICZ (Karolina), PIRON (Pascal)
LIEGE(BELGIQUE), TARANTULA PRODUCTION, 2015 – 55min

Terminus Paris
FERIE (Thibault)
PARIS, 1+1, 2012 – 52min

L’énergie de l’espoir.
FAWER (Jean Marie)
STRASBOURG, ANA FILMS, 2008 – 52min

Casa Marseille Inch’Allah.
ULMER (Bruno)
PARIS, SON ET LUMIERE/ADAV, 2002 – 1h

Sites

InfoMIE.net – Centre de Ressources pour les Mineurs Isolés Etrangers
http://www.infomie.net/

La Cimade
https://www.lacimade.org/

France terre d’asile
http://www.france-terre-asile.org/

Comede – Comité pour la santé des exilés

Une organisation de solidarité avec les exilés

GISTI – Groupe d’information et de soutien des immigrés
https://www.gisti.org/spip.php?page=sommaire

Forum réfugiés-Cosi
http://www.forumrefugies.org/

OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides
https://www.ofpra.gouv.fr/

Médecins sans frontières
https://www.msf.fr/

 



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