n°898 - 05/04/2019
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Engager le débat sur les conditions d’une révolution citoyenne en France

par Évariste

 

Quel est notre impératif catégorique ? N’est-ce point de sortir du paradoxe de la période, à savoir que l’intensification de la lutte des classes décidée par le dispositif macronien – indispensable pour sauver le capitalisme – ait entraînée l’incapacité des organisations syndicales, associatives et politiques de résister à cette accélération et à fortiori de promouvoir une perspective d’une alternative à cette politique barbare ?

Nous voyons l’accroissement du nombre des conditions objectives à la transformation sociale et politique. Nous allons donc vers une nouvelle crise paroxystique (la dernière étant la crise bancaire et financière de 2007-2008). Mais les travailleurs, les citoyens et surtout leurs organisations accusent collectivement un retard dans le développement des conditions subjectives d’une éventuelle alternative économique, sociale et politique. C’est ce qu’a révélé l’irruption du mouvement des gilets jaunes avec l’important soutien populaire de ce mouvement. Ce surgissement est directement lié à l’incapacité des organisations traditionnelles associatives, syndicales et politiques à prendre en charge les revendications de la majorité des ouvriers, des employés et d’une partie des couches moyennes (artisans, petits patrons, couches moyennes intermédiaires) qui sont entrés dans le précariat et la descente aux enfers et cela surtout en zone périurbaine et rurale, alors que les principaux responsables des susdites organisations vivent en zone urbaine et principalement dans les centres-villes.

La longueur de cette crise économique et sociale, de cette crise de la représentation, provient du fait que « le vieux se meurt mais que le neuf n’est pas en état de naître » selon les propos du philosophe communiste Antonio Gramsci. Nous voyons donc là le retard dans la montée des conditions subjectives nécessaires à une bifurcation sociale et politique progressiste. Pourtant l’histoire nous a montré que les révolutions n’arrivent jamais quand les couches moyennes supérieures radicalisées sont impatientes, mais seulement lorsque les conditions subjectives sont à la hauteur des enjeux lorsque survient une crise paroxystique.

Donc, soit on en reste aux impasses : des complaintes défaitistes et inefficaces, des théories complotistes, des solutions simplistes négligeant l’étude du réel, des idées magiques et surplombantes selon lesquelles une seule mesure, une seule idée suffit à transformer notre planète en paradis, soit on construit le processus visant à développer les conditions subjectives indispensables à une dynamique révolutionnaire globale qui fait converger les luttes partielles indispensables.

Pour constituer un nouveau bloc historique autour des couches populaires ouvrières et employées, il importe cependant de fédérer le peuple. Pour fédérer le peuple, il est nécessaire d’avoir des revendications et un imaginaire communs et d’avoir réussi à marginaliser les impasses ci-dessus. Sans marginalisation des impasses, l’imaginaire commun est impossible et les classes sociales populaires sont divisées. Dans ce dernier cas, le pouvoir néolibéral gagne du temps et instrumentalise la division du peuple.

Mais, il existe un débat qui aujourd’hui n’est plus la priorité de l’ensemble des directions syndicales et politiques et qui empêche tout imaginaire commun et donc toute fédération du peuple, c’est le débat « laïcité-communautarisme ». Tout simplement parce que chaque terme alimente des modèles politiques et des imaginaires contradictoires. L’un alimente le modèle politique de la République sociale avec la laïcité comme pierre angulaire, l’autre alimente la démocratie communautariste et relègue la lutte des classes comme une grille de lecture périmée. C’est une construction politique de type anglo-saxon.

Nous partageons l’idée de Jean Jaurès qui est que dans tout pays développé et ayant une tradition démocratique, la laïcité est le seul principe qui peut fédérer le peuple au lieu de le diviser par des assignations identitaires.

Nous partageons l’idée qu’il faut lever le paradoxe qui voit en même temps le mouvement de sécularisation se développer à grande vitesse et le communautarisme et l’intégrisme religieux se développer. Si ces derniers progressent, cela est du principalement à leurs alliances avec les forces néolibérales : soutien matériel et financier de l’impérialisme étasunien à Al Qaïda et aux talibans contre les soviétiques en Afghanistan, soutien matériel et financier des impérialismes occidentaux et des monarchies pétrolières aux djihadistes syriens, soutien de l’impérialisme étasunien à l’intégrisme religieux et politique en Israël, soutien de l’impérialisme étasunien aux intégrismes religieux et politique au Brésil, soutien du Ministère de l’Éducation nationale à la pénétration communautariste dans l’université française, soutien du mouvement réformateur néolibéral aux écoles privées confessionnelles qui ont aujourd’hui plus d’argent par tête d’élève que l’école publique, financement grandissant des lieux de culte par de l’argent public (y compris des églises et des cathédrales par l’organisation de la confusion entre cultuel et culturel et par la généralisation des baux emphytéotiques gratuits), financement grandissant des associations sociales religieuses remplaçant dans les quartiers les services publics que l’on démantèle, etc.

Un autre débat structurant comme condition d’une révolution citoyenne est le positionnement par rapport aux traités européens puisque deux articles précisent que les traités ont une durée illimitée et que tout changement demande l’unanimité des États. Une étude précise des États constituants l’UE montre ensuite que l’unanimité n’est plus possible suite à l’élargissement à certains États qui sont soit soumis à d’autres États, soit aux firmes multinationales lorsqu’ils sont, à l’intérieur de l’UE, des paradis fiscaux ou encore parce que les intérêts économiques et géopolitiques sont divergents.

D’autres conditions sont également nécessaires : la nécessaire réindustrialisation de la France sous transition énergétique et écologique, la nécessaire campagne massive d’éducation politique refondée adossée aux luttes sociales et politiques pour mener la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle sans laquelle il n’y aura aucune transformation sociale et politique, la nécessaire préparation pour être prêt lors de la prochaine crise paroxystique en lieu et place d’une vision idéaliste où il suffit d’une volonté politique, une refondation du mouvement syndical de lutte, une refondation politique pour construire le bloc historique majoritaire par convergence des luttes sociales et politiques partielles, la reprise des principales revendications des gilets jaunes (démocratie, justice sociale et fiscale, égalité), le redéploiement des services publics et de la Sécurité sociale en fonction des besoins, une école qui forme le citoyen, etc.

De nombreuses réunions vont avoir lieu sur ces sujets, mais vous pouvez en organiser une ! L’articulation dialectique entre les luttes sociales et l’éducation populaire refondée là, est, pour nous, le chemin de l’émancipation !

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J’veux du soleil

par Vincent Denorme

 

Tourné en six jours et monté en une poignée de semaines, J’veux du soleil est habité par un sentiment d’urgence. Urgence de voir et d’entendre, sans fard, ces femmes et ces hommes debout, croisés lors d’une virée du nord au sud du pays par le tandem Perret-Ruffin. Des hommes et des femmes qui tiennent depuis plusieurs mois toutes les formes de pouvoir dans une salutaire intranquilité.

J’veux du soleil est loin d’être un documentaire à thèse (politique), certains professionnels de la révolution ne manqueront d’ailleurs pas de critiquer l’absence d’une quelconque démonstration. Le duo signe avant tout un film de proximité tissé de rencontres au sein d’un environnement dégradé à l’image de ces vies cabossées : ronds-points, péages d’autoroute ou zones commerciales. Cependant, derrière ces visages fatigués qui se succèdent, ces vies humiliées qui se racontent, nul misérabilisme.

Au contraire, sur cette misère méprisée, niée, rendue honteuse par le pouvoir, des paroles s’éclairent. Des mots sont posés au fil des rencontres. Des mots qui énoncent un désir de collectif à reconstruire et une volonté de lutter. C’est, pour ce charpentier au chômage, « apprendre à se connaître » et tisser de la fraternité à un échangeur d’autoroute. C’est Khaled qui, sur le rond-point, retrouve une conscience de classe. C’est l’énergie de Cindy qui ne veut plus : « J’y vais, je fonce ».

Construire une cabane et la reconstruire encore, écourter sa nuit pour mettre en place un barrage filtrant, se mettre à lire la Constitution, le film saisit cette prise de vouloir en œuvre.

L’irruption de l’humanité vivante pointe au gré d’une dérive filmique et territoriale. Cette humanité perce derrière les souffrances sociales, captée à bonne distance par la caméra de Gilles Perret. Elle est l’exact contrepoint de l’idéal type du « gilet jaune » braillard, vulgaire et violent construit par les commentaires suffisants et infantilisants des éditorialistes de cours et de plateaux tv.

Réalisé avec une économie de moyens assumée, J’veux du soleil préserve à l’écran la vitalité des conditions d’un tournage abrupt. Le pari esthétique du film est finalement à l’image de ce portrait peint monumental et improbable de « Marcel » revêtant le gilet jaune, dressé au milieu de nulle part. C’est un film frontal et entêté dans la volonté de saisir une énergie vivante et rugueuse, celle d’une résistance populaire.

En complément du nocturne et urbain film de Matthieu Bareyre, L’époque ; J’veux du soleil est un film tout aussi nécessaire car il prend également au plus juste le pouls d’un peuple qui ne veut plus face à un pouvoir qui ne peut plus.

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J’veux du soleil de Gilles Perret et François Ruffin. France, 2019, 80 min. Montage : Cécile Dubois ; mixage : Léon Rousseau. Production : Les 400 Clous. Distribution : Jour2Fête et Fakir. Sortie nationale le 3 avril 2019.



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