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Un numéro propice aux débats

par ReSPUBLICA

 


Que faire quand on est un citoyen confiné lecteur de ReSPUBLICA ? Lire, écouter et voir des témoignages, écrire et partager, bref former ses convictions et débattre !
Nous constatons dans la période, amis lecteurs, votre appétit pour nos textes … et les chansons « déconfinées », mais aussi des contributions spontanées comme celles reçues de Florent Bussy sur le peuple ou de Philippe Duffau sur la décentralisation. Ces deux sujets sont au coeur des questionnements actuels sur nos institutions et sur celles de l’Europe, et plus généralement sur la démocratie. Alors que nous pointons régulièrement le risque de « démocrature » en France, ces textes se discutent bien sûr et ne couvrent pas la totalité du champ, c’est pourquoi nous vous invitons plus que jamais à alimenter la réflexion par vos contributions.
Que dire alors du débat sur la reprise d’activité des écoles alors que la polémique s’étoffe et que nous publions au matin de la discussion parlementaire ? Sans avoir la possibilité d’une synthèse, nous vous proposons deux positions radicalement différentes, celle des délégués départementaux de l’Education nationale (DDEN) et celle d’un professeur des écoles. Là encore, n’hésitez pas à réagir.
Enfin, d’autres pistes d’analyse des possibles qui s’ouvrent au mouvement social vous sont proposées par Philippe Barre. Car bientôt le temps de la réflexion laissera de la place au temps de l’action…

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Organisation territoriale et décentralisation

par Philippe Duffau

 

La crise sanitaire majeure que nous vivons ou subissons met en exergue un certain de problématiques liés à la globalisation des échanges basés sur une mise en concurrence faussée au profit des pays aux normes écologiques et sociales faibles voire nulles. Nous devrions plutôt écrire au profit des multinationales qui y ont délocalisés leurs activités et non pas au bénéfice ni des travailleurs européens ni des travailleurs de ces régions. 

Dans notre pays, elle est l’occasion de débattre de la centralisation étatique souvent qualifiée de jacobine et de comparer avec le fédéralisme allemand et ses Länder, système supposé plus souple et plus réactif. D’ailleurs, ce débat se pose également au niveau européen : Europe fédérale avec relégation de l’État-nation et mise en avant des régions ou Europe des nations et des peuples.
Dans le cadre de la crise sanitaire, l’épisode malheureux de la gestion des stocks de masques en France est dû au démantèlement du système centralisé qui avait permis d’en disposer, jusqu’en 2012, de plusieurs milliards. C’est ce démantèlement, en « vertu » de l’austérité budgétaire, qui a généré la pénurie compliquant la gestion de la crise et le confinement qui en découle. Le système fédéral allemand poussant à la concurrence entre Länder a conduit à une pénurie pour les hôpitaux au point que le ministre fédéral de la santé a été contraint de mettre en place un « système centralisé d’approvisionnement » en Allemagne. En France, la réquisition par l’État des masques commandés par la région Grand Est a relancé la question sur notre système centralisé et de notre État « jacobin » qui aurait « spolié » la région.
L’arrêt de l’activité de l’usine Luxfer dans le Puy-de-Dôme, la seule entreprise, en Europe, à fabriquer des bouteilles à oxygène médical, le placement en redressement judiciaire de l’usine pharmaceutique familiale Famar dont la trésorerie avait été pompée en partie par le groupe grec Marinopoulos devraient conduire la puissance publique à les réquisitionner et les nationaliser pour assurer l’approvisionnement en matériels médicaux et médicaments.
Dans ce cadre, nous devons nous interroger sur notre organisation territoriale dit, à tort, « jacobine ». En effet, la Convention, à majorité montagnarde, a voté le 24 juin 1793, une constitution très démocratique et décentralisée, ratifiée par référendum. Son objectif était d’établir une véritable souveraineté populaire grâce à des élections fréquentes au suffrage universel, au mandat impératif et à la possibilité pour les citoyens d’intervenir dans le processus législatif. Ce que certains nomment « jacobinisme » relève plus du centralisme napoléonien ou bonapartiste avec des préfets aux ordres et une verticalité descendante. Le processus a été interrompu par l’état de guerre et le système de la Terreur avec ses excès et sa justice pour le moins expéditive.

Une décentralisation démocratique incompatible avec l’État libéral et l’Europe de Maastricht 

Quand les critiques s’expriment contre l’État centralisé et souvent autoritaire (usage du 49-3), il faudrait préciser de quel État il s’agit. Cela concerne un État libéral qui considère l’intervention dans l’économie, la remise en cause de l’austérité budgétaire, le retour à la souveraineté, la mise en place d’un protectionnisme solidaire donc non nationaliste comme « blasphématoire » par rapport à l’orthodoxie ultralibérale. 

Une décentralisation antidémocratique

L’histoire de la décentralisation depuis 1981 montre qu’elle a conduit à une déconcentration des pouvoirs au bénéfice des « barons locaux », d’une élite locale qui ne vaut souvent pas mieux que l’élite dite parisienne. Cette déconcentration appelée à tort décentralisation a conduit à un éloignement du pouvoir des citoyens même si géographiquement, il semble plus proche. En 1999, les syndicats de coopération sur la base du volontariat ont été remplacés par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dotées de compétences obligatoires retirées aux communes. En 2015, par la loi NOTRE (nouvelle organisation territoriale de la République) l’intercommunalité est imposée par les Préfets. Cette intercommunalité est l’un des plus grands coups portés à la démocratie. Les communes représentent le dernier espace de confiance politique. Les maires sont pris en tenaille entre une intercommunalité d’un côté et de l’autre côté un État libéral qui diminue les dotations pour respecter le dogme idéologique et mortifère des 3 % de déficit.
La nécessaire coopération entre communes voisines ne fait aucun doute. Ces structures intercommunales devraient se transformer en simples supports techniques au service des communes en laissant aux Conseils municipaux la plénitude des décisions politiques. Cela implique de supprimer la fiscalité propre, de mettre un terme aux rapprochements imposés et de laisser les communes s’associer librement.
Au niveau économique, les multinationales sont plus puissantes que jamais, l’ordre commercial libre-échangiste est taillé pour elles. Dans le domaine juridique, de plus en plus, les compétences économiques, commerciales et, de fait, sociales sont transférées à l’Union européenne et s’imposent aux États comme au niveau local. Dans ce cadre, une décentralisation qui se voudrait démocratique et, donc, associer démocratie représentative et directe relève du leurre. En effet, la sanctuarisation des mécanismes de la mondialisation ultralibérale depuis Maastricht rend tout contrôle démocratique, populaire national et local inopérant.

La Commune de Paris en 1871 : un exemple à analyser

L’exemple de la Commune de Paris en 1871, comme l’a montré Henri Pena Ruiz dans son ouvrage Karl Marx, penseur de l’écologie (Seuil) pourrait nous inspirer en l’adaptant aux conditions du monde actuel :

« Entre le pouvoir populaire et l’État bourgeois, il n’y a pas identité d’instrument et simple différence de finalité.  C’est sur ce point précis que les communards français ont fait œuvre nouvelle et exemplaire dans le peu de temps dont ils ont disposé. L’idée hégélienne d’un État pôle d’universalité peut alors retrouver un sens si une république sociale incarnant un vrai pouvoir populaire est substitué à l’État traditionnel. Dans une brève esquisse d’organisation nationale, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu de département. Ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris. Les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs.
Les fonctions peu nombreuses mais importantes du gouvernement central devaient être maintenues et assurées par des fonctionnaires strictement responsables et révocables. L’unité nationale devait être préservée et organisée par la Constitution communale.
Ce que les acteurs de la Commune ont proposé fait penser à une sorte de municipalisme, de la base communale vers l’exécutif national. Elle va plus loin que la Convention montagnarde très moderne, dans la mesure où elle reconnaît une série de droits économiques et sociaux, tels que le droit au travail et aux secours publics, ou le droit à l’instruction.

Décentralisation démocratique, unité nationale et services publics

Soit se met en place une démocratie de proximité avec des conseils municipaux vraiment compétents avec des modes de consultations tels que les RIP (référendum d’initiative populaire) et des conseils de quartier autonome par rapport au pouvoir municipal trop souvent accaparé par le maire, soit persiste la volonté d’une décentralisation macroéconomique qui hiérarchise les collectivités et les met en concurrence.

Grands services publics et initiatives locales

Il est d’importance, dans le cadre d’une décentralisation démocratique, de « faire nation » et que l’universalisme de la République soit préservé avec de grands services publics nationaux tels que l’éducation, l’énergie, les forces de défense, les banques, les forces de l’ordre, le numérique, le courrier, les transports … couplés avec les structures locales comme par exemple des coopératives autonomes de productions dans l’énergie, dans l’alimentation, dans les transports urbains…. L’objectif est de parvenir à ce qu’il n’y ait plus de territoires notamment ruraux abandonnés, de métropoles partagées entre ghettos de riches et quartiers en déshérence. Il s’agit de s’appuyer sur les initiatives locales sans stigmatiser pour autant le niveau national voire international : des débats locaux par quartiers, par communes, par intercommunalités, par départements selon la densité des territoires jusqu’au niveau national pour élaborer des textes de lois réellement démocratiques.

Ne pas oublier les lieux de travail

Cela vaut pour l’organisation territoriale de notre République mais également dans le domaine économique afin que la République ne reste pas aux portes des lieux de travail.
Ceci n’est qu’une piste: la poursuite de la réflexion devrait reposer sur la volonté de refonder l’organisation territoriale de la République et de préserver les libertés communales, de privilégier la coopération en lieu et place de la concurrence entre les grandes métropoles et les régions.

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Le peuple, fondement ou réalité de la démocratie ?

par Florent Bussy

 

Florent Bussy est professeur agrégé de philosophie en lycée en Seine-Maritime, docteur en philosophie ; conseiller municipal de Dieppe, délégué à la transition écologique et à l’économie sociale et solidaire.
Derniers ouvrages parus :
Ce qui nous fait, L’avènement d’homo ecologicus ?, Libre et solidaire, 2017.
William Morris ou la vie belle et créatrice, Le passager clandestin, 2018
Les élections contre la démocratie ? Au-delà du vote utile, Libre et solidaire, 2019.
Le pont, Parcours de la nécessité, Carnets Nord, 2019.
Le vertige de l’illimité, jouir sans entraves aujourd’hui, Robert Laffont, 2020 (à paraître)
Günther Anders et nos catastrophes, Le passager clandestin, 2020 (à paraître)

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Le peuple est au cœur de la démocratie. Pourtant, à n’en faire que le fondement de la légitimité de l’exercice du pouvoir politique, on le marginalise et on perd la dimension révolutionnaire ou utopique de la démocratie. C’est pourquoi, il convient d’analyser la signification du peuple, vocable paradoxalement occulté de la vie politique et rattaché à des intentions démagogiques et dangereuses à la fois pour l’ordre et les libertés. En gardant de vue, l’écueil de son instrumentalisation politique. La démocratie représentative et la démocratie participative ne doivent pas être opposées pour autant, il convient de penser leur articulation.

Surgissement du peuple et représentation

Le mouvement des gilets jaunes a fait surgir une “figure” occultée dans la représentation de la vie sociale et politique, le peuple. Qu’est-ce que le peuple ? Dans la démocratie, il constitue le principe de légitimité de tout exercice du pouvoir. Comment peut-il donc être oublié, sauf à perdre de vue le sens de la démocratie ? La question de ce qu’il faut entendre par “le peuple” est donc essentielle à une étude critique des formes de la démocratie.

La démocratie, c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple” selon Abraham Lincoln ; le peuple est l’objet, le sujet et le but de l’exercice du pouvoir. Mais elle peut alors apparaître comme contradictoire avec l’existence d’un pouvoir qui distingue celui qui commande et celui qui obéit.

Inversement, comment le peuple peut-il intervenir en politique, sans l’existence de représentants qui, par leur petit nombre, leurs discussions et leur vote à la majorité décident des lois ? Le peuple ne trouve-t-il pas en ses représentants la voix claire qu’il n’a pas seul, parce qu’il est divers voire divisé ?

S’il reste au fondement de l’exercice démocratique du pouvoir, le peuple trace donc deux directions possibles pour la démocratie, celle, représentative, que nous connaissons et celle, directe, qui a été abandonnée avec l’institutionnalisation des régimes populaires. Les tensions entre ces deux directions sont constantes dans l’histoire des démocraties. Cela relève de la vie du peuple qui a d’un côté besoin qu’on le représente de manière stable et de l’autre ne saurait se reconnaître pleinement dans ses représentants même s’il les élit. C’est pourquoi la manifestation principale du peuple dans l’histoire est le surgissement, c’est-à-dire l’apparition soudaine et imprévisible liée la révolte, l’exigence, l’espoir.

On peut penser que c’est la peur, voire la haine du peuple qui anime ceux qui rejettent toute forme de mobilisation populaire. Pourtant, il est, inversement, impossible de refuser toute forme de représentation et de stabilisation, sauf à devoir craindre la guerre civile ou, du moins, l’absence de direction.

La notion d’auto-gouvernement est-elle donc condamnée à être comprise comme une simple justification de pratiques gouvernementales classiques, fondées sur une inégalité d’accès aux charges politiques, autrement une simple illusion ? Dans l’autre sens, il reste difficile de revendiquer d’être le porte-parole du peuple, sachant les différences qui l’habitent et qui impliquent une agitation constante que rien ne peut résorber ; cela apparaîtra toujours globalement comme une usurpation. Mais il est possible, pour l’éviter, de permettre au peuple de s’exprimer, en inventant des formes démocratiques nouvelles, autrement dit de faire de sa parole, dans la diversité d’opinions, de modes d’expression, un principe indépassable. Emmanuel Sieyès écrivait ainsi au début de l’année 1789 : « Répétons-le : une nation est indépendante de toute forme ; et de quelque manière qu’elle veuille, il suffit que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle, comme devant la source et le maître suprême de tout droit positif ».(1)Emmanuel Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers Etat ?, Paris, PUF, 1989, p. 70. Principe qui est porteur de changements importants, lesquels ont eu lieu tout au long de l’histoire du peuple français. En 1789, en 1848, en 1871, en 1968, en 2005, en 2018-2019, c’est bien le peuple qui s’est mis en mouvement. L’existence de leaders n’empêche pas que c’est le peuple qui alors fait son apparition et agit, pousse, revendique ou s’enthousiasme. Ainsi, au moment des élections présidentielles, on observe une véritable mobilisation populaire, faite de passions contradictoires (adulation, détestation, crainte, espoir, etc.).

Le peuple est naturellement divisé, c’est ce qu’il fait qu’il ne peut pas simplement s’assagir et suivre une ligne droite et prévisible. Ses membres sont en vie et, malgré l’organisation dont il est capable (ou qu’on peut lui imposer), il garde quelque chose de cette vie qui le fait exister et il est agité. On l’ignore quand on veut faire de la démocratie représentative l’expression sans reste de la volonté populaire. Ainsi quand la démocratie est réduite à la portion congrue, à une « consultation » rituelle, sans réelles concertations et sans mobilisations préalables.(2)L’expression même de “consultation” montre que le peuple est marginalisé en politique, que son avis est recueilli au même titre que celui d’autres intervenants possibles, comme les experts, les milieux d’affaires, etc. Cela accorde une autonomie considérable aux représentants. On interroge, tous les cinq ans, un peuple globalement apathique et indifférent à un scrutin qui sert à départager les partis et leurs chefs. Le peuple s’exprime bien  alors, mais sans avoir vraiment l’occasion de mettre en œuvre ses ressources, son intelligence collective, son inventivité. De plus, cette mobilisation faible ne dure que quelques mois, ne concerne que les franges les plus politisées de la population et laisse peu de traces pendant la mandature.

Si tout le monde reconnaît que le peuple est au fondement de la démocratie, tous n’en font pas sa réalité la plus profonde. Parce que le peuple vote mal, s’agite de manière irrationnelle, conteste l’ordre établi, comporte des oppositions internes irréconciliables. C’est la volonté générale qui doit pourtant être le moteur de toute décision, sauf à ne pouvoir être légitime. Or, la constitution d’une classe de représentants professionnels, la méfiance à l’égard de toute véritable intervention populaire, font que cette volonté a rarement l’occasion d’être formulée. Il faudrait pour ce faire que l’avis du peuple soit demandé sur de très nombreux sujets, plutôt que d’être réduit à une élection autour d’un programme global à peu près illisible par la majorité des électeurs, que la “consultation” ne sert qu’à approuver ou rejeter dans son entier.

La formulation de la volonté générale est capitale et elle est pourtant ignorée, au profit de la seule élection de représentants. En France, le Président nomme un gouvernement et les députés votent les lois, l’exécutif et le législatif sont donc chargés d’incarner la volonté générale. Cette forme de la représentation court le risque de l’aliénation de la volonté générale, parce que le peuple peut protester et manifester, mais, à moins d’une insurrection globale, a peu de chance d’être écouté, au prétexte que les élections décident seules de la légitimité et que les regroupements restent minoritaires. C’est ce qui faisait dire à Rousseau qu’il n’y a pas de représentation possible de la souveraineté populaire. « Le souverain, qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non pas la volonté ». (Du contrat social, Livre II, chapitre 1) La volonté générale ne peut être représentée, parce que la représentation fait disparaître la volonté du peuple et parce que, dans ce cas, la volonté n’est plus générale, mais fondée sur l’opposition de quelques différences seulement (celles des représentants).

La volonté générale du peuple n’a pas l’occasion d’être formulée, parce que chacun est certes appelé à donner son avis personnel, mais sans débat, ni échanges, et principalement sur celui ou celle qui est le mieux à même de le représenter (on parle d’ailleurs d’“élections” et non de “programmations”). Il n’y a donc véritablement pas d’avis commun, mais seulement un agrégat d’avis individuels, que l’on réunit dans une majorité électorale. Quand l’idée même de peuple est assimilée au populisme ou au nationalisme, la boucle est bouclée et le peuple n’a plus l’occasion non seulement de s’exprimer, mais d’exister et une volonté générale de se dégager. La notion d’origine rousseauiste, pourtant inscrite en 1958 dans la Constitution française, est écartée et ne demeure qu’une expression vide de sens. Le peuple est trop populaire, trop instable, trop irrationnel, imprévisible pour qu’il soit, en politique, le point de départ de tout discours politique. On substitue alors à l’expression (complexe et contradictoire) de la volonté générale du peuple une volonté formulée par les représentants du peuple.

Il existe pourtant des moyens de résoudre partiellement cette situation contradictoire. C’est de donner régulièrement la parole aux peuples, en dehors des canaux de la représentation, non par pour faire disparaître cette dernière, mais pour la revivifier et la compléter. Encore faudrait-il ne pas se méfier de l’expression des différences internes au peuple, faire confiance à la sagesse du peuple, ne pas favoriser les oppositions radicales en menant des politiques de bouleversement des rapports d’équilibre existant à l’intérieur des sociétés. Il convient d’éviter tout sentiment populaire de dépossession de la souveraineté nationale. Or, l’Europe sert depuis très longtemps de prétexte pour vider la démocratie de sa substance, parce qu’elle écarte les peuples, en votant des législations supranationales, que les gouvernements et les parlements nationaux ne font qu’entériner. Ainsi, quand il arrive qu’on fasse voter directement les peuples sur des questions européennes, on peut leur demande de revoter (cas du référendum de 2008 en Irlande) ou ne pas tenir compte de leur vote (le traité de Lisbonne imposé par Nicolas Sarkozy reprenait le traité constitutionnel rejeté par les Français par référendum en 2005), s’il ne convient pas. La démocratie sans peuples, telle est actuellement la visée de l’Europe, permettant d’écarter tout ce qui dans la souveraineté peut faire obstacle aux avancées du libéralisme économique.

La démocratie représentative ne suffit pas, elle n’épuise pas l’idée démocratique, mais elle l’étouffe, parce que « moment particulier, elle tend à devenir moment total »(3)Dominique Rousseau, Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation, Paris, Seuil, 2017, p. 38.. Il existe de multiples pistes pour transformer les institutions et les rendre plus démocratiques. Mais rien n’est possible sans que le peuple ne surgisse une nouvelle fois sur la scène de l’histoire, revendiquant, affirmant, expérimentant, hésitant, discutant, mais agissant. Or, pour que le peuple intervienne, il faut qu’il soit tiré de sa passivité dans laquelle il est volontiers invité à demeurer en attendant les prochaines élections. De vrais représentants inviteraient le peuple à s’exprimer, à s’agiter, à discuter, à contester, ils seraient prêts à entendre ce que le peuple pense et veut, parce qu’ils se penseraient eux-mêmes comme de simples mandataires.

Le peuple contre le pouvoir

Les institutions de la démocratie lui confèrent sans doute une réalité historique sans laquelle elle resterait à l’état latent. Mais elle ne s’y réduit pas. Claude Lefort écrit ainsi : « L’essentiel, à mes yeux, est que la démocratie s’institue et se maintient dans la dissolution des repères de la certitude. Elle inaugure une histoire dans laquelle les hommes font l’épreuve d’une indétermination dernière, quant au fondement du Pouvoir, de la Loi et du Savoir, et au fondement de la relation de l’un avec l’autre ».(4)Claude Lefort, « La question de la démocratie », in Le Retrait du politique, ouvrage collectif, Paris, Galilée, 1983, rééd. in Essais sur le politique, xixexxe siècles, Paris, Seuil, 1986, p. 29. Le peuple s’agitant, revendiquant, contestant, il interdit à la représentation de se refermer sur elle-même. Aujourd’hui, la défiance sans précédent à l’encontre des représentants politiques manifeste le rejet de ce qui est considéré comme une usurpation. Le mouvement des gilets jaunes, les protestations contre les lois sur le travail, sur les retraites, et le soutien massif qu’ils ont reçus, sont l’expression du rejet d’élites considérées comme ignorantes de la vie menée par le peuple.

Le peuple a le double sens en français de la totalité d’une population établie sur un territoire et régie par une législation et des institutions politiques communes et de la partie la moins favorisée de cette population. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il existe une telle méfiance à l’égard de la notion de “peuple”. On l’assimile alors à des classes dangereuses, toujours susceptibles de contester l’ordre social et de vouloir le détruire. Mais le ”peuple” ne tient son éventuelle unité que du fait de revendiquer et protester, c’est-à-dire débattre et s’exposer dans l’espace public. Arendt, après Aristote, montre en effet que l’action politique n’existe que du fait de parler et de décider en commun. Cela n’a rien d’aristocratique, comme on leur en fait parfois le reproche, en rapportant cette thèse à l’existence des cités grecques inégalitaires. Car les classes populaires en rejetant, contestant, protestant, votant « mal » même, s’expriment et font connaître dans l’espace public leur désapprobation de l’organisation économique et politique du monde. Elles ne représentent pas à elles toutes seules le peuple, mais ce sont elles qui ont le plus de raison de rejeter l’ordre établi et de faire de la politique (non pas au sens du vote, mais au sens de l’agitation, de la parole, de la revendication et de la proposition), alors que les classes plus favorisées demandent surtout que soient maintenus leurs intérêts.

Cela fait dire à George Orwell que la common decency est plus vive dans les classes populaires, lesquelles ont moins l’occasion de violer cette morale de l’honnêteté commune et ont plus besoin de l’entraide entre personnes qui se côtoient, parce qu’elles sont moins individualistes et moins isolées les unes des autres. Or, la plupart des grandes révoltes populaires dans l’histoire moderne ont été menées au nom d’une exigence d’égalité et de la reconnaissance de la dignité, que retirent le chômage et la misère. On peut donc dire que le “peuple”, écarté au nom du risque de “démagogie” (ou “populisme”) autrement dit de présentation de solutions simplistes à des problèmes politiques complexes pour plaire aux populations en difficultés, s’exprime en tant qu’être politique, selon une revendication d’égalité, autrement dit dans le lieu qui donne son sens à la démocratie, l’espace public.

Cette revendication d’égalité est à comprendre comme un refus de la domination et de l’oppression. On trouvera bien sûr de bonnes raisons de dire que les classes populaires demandent à s’intégrer davantage dans la société inégalitaire, regardent plus la télé, consomment de manière moins soucieuse de l’environnement et des conditions sociales de production. Il n’empêche que ces classes ne croient guère au père Noël, parce qu’elles n’aperçoivent aucune solution individualiste à leur condition, contrairement aux classes plus favorisées qui se représentent leurs situations comme dépendant davantage de leur volonté et de leur mérite.

L’histoire oppose tenants du pouvoir (quand ce ne sont pas les aspirants au pouvoir) et opposants à l’autorité. La démocratie ne peut que tracer sa voie entre les deux écueils de la dépolitisation utilitariste des classes favorisées (la liberté des modernes décrite par Benjamin Constant, lesquels modernes ne conçoivent de liberté que dans la jouissance privée de l’indépendance, autrement dit lorsque le pouvoir assure l’ordre et la stabilité) et la politisation anarchisante des classes populaires. C’est-à-dire entre l’institutionnalisation et le mouvement. Entre la stabilité qui tend à figer les rapports de pouvoir et les inégalités et la déstabilisation qui ouvre la porte à la violence. C’est pourquoi le “peuple” doit être compris non seulement comme le fondement de l’exercice du pouvoir démocratique (à condition d’ailleurs qu’il soit écouté), mais surtout comme la réalité de la vie démocratique d’une société. Les deux sens du “peuple” se rejoignent ici au lieu de s’opposer. Le peuple organisé politiquement croise le petit peuple revendiquant et protestant. À condition, toutefois qu’on ne fasse pas des mouvements du peuple une atteinte à l’ordre et au pouvoir mais qu’on en fasse au contraire le cœur d’un projet de refondation de la démocratie.

Formes nouvelles de la démocratie

Il existe de nombreuses manières de faire s’exprimer et d’écouter le peuple. Lesquelles n’ont quasiment jamais été tentées en France, même à titre expérimental. Organiser des débats publics, des conférences de citoyens, faire vivre la démocratie participative dans tous les lieux de la société, valoriser l’expression plutôt que la craindre, la restreindre ou l’empêcher. C’est d’ailleurs la seule manière pour redonner aujourd’hui ses lettres de noblesse à la politique, dévaluée par les affaires politico-économiques, les promesses non tenues, la croissance des inégalités, la relégation. Le mouvement des gilets jaunes, provoqué au départ par l’augmentation du prix du carburant et par l’impact sur les conditions de vie des populations des zones péri-urbaines, a ensuite pris la forme de revendications très fortes et beaucoup plus larges sur l’égalité, l’expression démocratique, le travail, le pacte social.

Dans de nombreux pays, des expériences ont été menées dont les résultats ont été plus ou moins remarquables. Le mouvement populaire islandais qui a suivi la faillite du pays est sans doute l’un des plus importants. Suite à l’écroulement en 2008 de leur économie nationale prise dans la tempête globale, les Islandais ont refusé de payer les dettes du pays, fait tomber le gouvernement puis rédigé une nouvelle constitution. Cela n’a pas été une révolution à proprement parler, il n’y a pas eu de rupture avec le capitalisme et le processus constitutionnel n’est même pas allé jusqu’à son terme. Mais les habitants ont été profondément impliqués dans la vie politique du pays pendant plusieurs années, ne voulant plus être privés de leur droit de peser sur les grandes décisions.

Le tirage au sort pourrait partiellement se substituer aux élections, à condition de prévoir d’autres formes de la prise de décision que celle qui est concentrée entre les mains d’un seul représentant élu. Cette procédure de tirage au sort aurait l’avantage d’assurer un brassage social inédit des représentants de la population, d’éviter les batailles d’egos et de ne pas laisser s’exprimer les ambitions.

Dans le même ordre d’idées, les initiatives permettant de favoriser l’expression de revendications populaires pourraient être facilitées. Les gilets jaunes ont ainsi mis le « référendum d’initiative citoyenne » ou RIC sur le devant de la scène. Cette demande a permis de concentrer la demande populaire sur l’objectif central de démocratisation, de reprise du pouvoir par le peuple, ce qui peut ensuite engendrer des changements profonds dans la société. En effet, la démocratie représentative a imposé le libéralisme et rendu quasiment impossible de rompre avec le modèle économique imposé par l’Europe ou même de faire un simple pas de côté par rapport à lui. Elle limite considérablement la prise en mains par le peuple de son destin, au nom du refus de l’aventurisme, de la nécessaire médiation par la représentation. Le référendum d’initiative partagée, introduit dans l’article 11 de la constitution en 2008 et rendu possible à partir de 2015, suppose pour qu’une question puisse être soumise au suffrage populaire que 20 % des parlementaires l’aient proposée, soutenus par 10 % du corps électoral. Il n’est pas à l’initiative du peuple, mais de ses représentants. Et le recueil d’autant de signatures demande une organisation importante et une mobilisation difficile à atteindre.

Au contraire, les votations citoyennes en Suisse, démarche parfaitement intégrée dans les pratiques politiques, sont simples à organiser, parce qu’elles ne nécessitent de recueillir que 50 000 signatures de citoyens pour une votation contre une loi existante (dans les 100 jours qui suivent sa promulgation) et 100 000 pour une proposition de loi nouvelle, soit 1 et 2 % du corps électoral. Les votations ne défont pas la démocratie représentative, elles la complètent, elles sont plus suivies que les élections et impliquent davantage les citoyens dans la vie politique. Plusieurs fois par an, les citoyens suisses sont amenés à se prononcer sur des questions souvent cruciales. Cela contraint les élus à être plus proches des citoyens et permet plus de pluralisme politique.

La municipalité de Grenoble a essayé une forme nouvelle démocratie participative, mais sa proposition a été rejetée par le tribunal administratif en 2018, au prétexte qu’elle retirait au conseil municipal une part de son autorité. Dans cette proposition, si 2 000 habitants de plus de 16 ans signaient une pétition, son objet devait être débattu au conseil municipal. Si la requête de la pétition n’était pas adoptée par les élus, elle devait être soumise à “votation citoyenne”, et si 20 000 habitants de Grenoble (de plus de 16 ans, étrangers compris) l’approuvaient, alors le maire s’engageait à la mettre en œuvre.

Il convient de redonner au peuple la souveraineté qu’on lui retire au nom de son incompétence, de son irrationalité, de ses contradictions prétendues. Non pas en opposant démocratie représentative et participative, mais en les associant. Les représentants ont leur légitimité, parce qu’ils sont nécessaires pour diriger l’État et les collectivités territoriales. Mais ils doivent être informés, éclairés et à l’écoute du peuple qui n’a autrement aucune raison de leur confier un mandat. Le peuple est non seulement au fondement de la vie politique démocratique, mais en est la réalité la plus profonde, puisque ce qui est en jeu, ce sont ses attentes et espérances, autrement dit son destin.

Notes de bas de page   [ + ]

1. Emmanuel Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers Etat ?, Paris, PUF, 1989, p. 70.
2. L’expression même de “consultation” montre que le peuple est marginalisé en politique, que son avis est recueilli au même titre que celui d’autres intervenants possibles, comme les experts, les milieux d’affaires, etc. Cela accorde une autonomie considérable aux représentants.
3. Dominique Rousseau, Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation, Paris, Seuil, 2017, p. 38.
4. Claude Lefort, « La question de la démocratie », in Le Retrait du politique, ouvrage collectif, Paris, Galilée, 1983, rééd. in Essais sur le politique, xixexxe siècles, Paris, Seuil, 1986, p. 29.
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Pour que les « jours d’après » soient des « Jours heureux »

Préparer le déconfinement du mouvement social...

par Philippe Barre

 

Autant la gestion erratique du gouvernement rend le déconfinement très incertain, voire dangereux, à partir du 11 mai, autant nous ne pouvons pas nous satisfaire d’attendre un recul possible du virus pour réfléchir au présent et à l’avenir.

La priorité reste la santé. Encore faut-il avoir les outils pour pouvoir prendre des décisions. Peut-on faire confiance à ce « comité scientifique » qui semblait incapable d’émettre le moindre avis critique sur les incohérences gouvernementales1. Alors que 20 avril, ce comité scientifique prônait une réouverture des écoles en septembre, il s’est aligné le 24 avril sur les demandes de Macron de rouvrir les écoles le 11 mai.

Par ailleurs, les pseudos-experts qui pérorent sur la plupart des plateaux télé sont-ils indépendants des labos pharmaceutiques ?

Un travail d’investigation journalistique et militant quant à la fiabilité et l’indépendance de ces réseaux « d’experts » serait nécessaire.

Le mouvement social ne serait-il pas capable de réunir une instance alliant des experts scientifiques, des personnels de santé – de terrain – et représentants des citoyens pour pouvoir recenser ce que l’on sait sur ce virus, et les questions qui restent en suspens ? Un comité scientifique citoyen et alternatif au gouvernement, au patronat  et aux labos, au service du mouvement social et qui mette en avant les socialisations nécessaires.

Par ailleurs, une commission d’enquête citoyenne devrait commencer à travailler pour préparer l’évaluation de la gestion macroniste de cette crise. Et au-delà de l’impact en matière de santé de la politique libérale menée par les gouvernements précédents2.

D’autre part, le mouvement social doit aussi, dès maintenant, préparer sa sortie du confinement. Il y a deux conditions matérielles qui compliquent la donne :

  • La sécurité sanitaire avec des gestes barrières qui devront être maintenus sans doute plusieurs mois.
  • Un pouvoir et les différentes fractions de la bourgeoisie (financière et/ou nationale) qui craignent un mouvement social majeur. Donc avec des risques très clairs d’une violence d’État sous prétexte de sécurité sanitaire.

La question se pose de savoir comment nous allons organiser notre reprise de l’espace public, tout en ne mettant pas en danger les manifestants.

Manifestants respectant les distances sociales3 ?

Manifestations décentralisées dans tout le pays pour ne pas permettre à l’État de concentrer ses forces de répression. Comment rendre visible l’ampleur d’un tel mouvement ?

Il nous penser à organiser sérieusement nos S.O. (Sérénités Organisées) lors des initiatives, avec un renforcement très conséquent de l’encadrement militant4 de ces initiatives ? Groupes filmant les initiatives et les éventuelles violences policières pour les diffuser en live sur les réseaux ? Groupe gérant le suivi en direct avec des avocats en cas de GAV. Rien de très original, juste penser à le systématiser…

Des mesures de Salut Public

La réouverture des écoles le 11 mai est-elle compatible avec le principe de précaution ? Peut-on exposer des jeunes enfants à des risques de séquelles et aux conséquences de rechutes possibles, alors que l’on a si peu de recul ? (voir cet article dans ce numéro).

Tout déconfinement doit aller avec les minimums suivants :

A/ Ce sont aux salariés de décider les modalités pratiques du déconfinement, avec l’utilisation étendue du droit d’alerte et du droit de retrait.

B/ Tests sérologiques systématiques pour toutes et tous.

C/ Masques et gels accessibles et gratuits pour toutes et tous.

D/ Décontamination de tous les locaux et de tous les transports publics.

 

Revendications à court terme:

  • Aides alimentaire, sanitaire et financière de toutes les populations en détresse.
  • Transports en commun gratuits.
  • Le retour au droit syndical des Instances représentatives du personnel et pour les représentants / militants le droit de circuler partout où le travail a repris.
  • Réquisition immédiate des 24 300 000 masques de La Poste pour les personnels soignants.
  • Réouverture immédiate des lits fermés ces dernières années (ex : hôpitaux du Val-de-Grâce et de l’Hôtel-Dieu5).
  • Mise à disposition des moyens humains et matériels de tous les établissements médico et médico-sociaux.
  • Maintien à 100% de la rémunération des salariés en chômage total et partiel,
  • Moratoires pour les factures du quotidien (eau, gaz, électricité…). Avec annulations pour les plus précaires.
  • Interdiction des licenciements.
  • Réouverture immédiate et socialisations des usines Honeywell (Laintel ; 22), Chapelle d’Arblay et de Luxfer (Gerzat ; 63) permettant de produire des millions de masques par an et des centaines de bouteilles d’oxygène médicales par jour.

A moyen terme

  • Relocalisation et socialisation de toutes les entreprises indispensables aux besoins de la population.
  • Socialisation immédiate de toutes les entreprises en faillite sauvées par l’argent public.
  • (Re) Socialiser tous les biens communs en tant que services publics : eau, énergie, rail, Poste etc…
  • Contrôle salarié de la production : finalités et organisations.

 

 

1 Sauf depuis l’interview de DELFRAISSY dans la REPUBLICA https://www.les-crises.fr/interview-de-jean-francois-delfraissy-president-du-conseil-scientifique-dans-le-journal-italien-la-republica/

Mais interview donnée en dehors des plateaux télévisés en France…

2 Cette commission d’enquête pourrait coopérer en toute indépendance avec une commission d’enquête parlementaire.

3 Voir ce qui s’est passé en Israël.

4 Autrefois on parlait d’auto-défense ouvrière…

5 Il ne s’agit que de 2 exemples franciliens. Il y a bien des hôpitaux de proximité (ou des services) à rouvrir en régions…

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Chansons déconfinées 2

par Philippe Barre

 

A la demande et incluant des propositions de plusieurs lectrices et lecteurs, nous vous proposons une nouvelle série de chansons déconfinées : féministe, écologique, social, poétique etc.

CHANSON SANS PEUR – Un chant puissant et fort des femmes mexicaines
A écouter absolument !
https://youtu.be/p6D2qk5ktus

LA CONFINITUDE (Pascal Genneret)
Un humour subversif et écologiste à ne pas manquer
https://www.youtube.com/watch?v=uRPC1LgKlgI

CELESTIN #DESTITUTION
Un réquisitoire talentueux contre Macron. Les masques ne sont pas des bâillons.
https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=VQR6OAfP55M&feature=youtu.be

JOLIE MÔME – Chanson des balcons (ou hymne des confiné-es)
On applaudit les soignants mais pas le gouvernement…
https://www.youtube.com/watch?v=LJgWPoMIGWU

 

 

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Le « jour d'après » du Pr Agnès Hartemann

par ReSPUBLICA

 

En lien, cette vidéo très parlante d’Agnès Hartemann, cheffe du service Diabétologie de la Pitié-Salpêtrière Charles Foix. Vidéo très explicative du quotidien des soignants dans cette période, mais où il est aussi question d’autogestion, de comment le métier a repris la main sur la rentabilité et aussi de pistes pour «l’hôpital nouveau»… A regarder et faire circuler !

https://www.youtube.com/watch?v=yK-f1VhXa7w&feature=youtu.be

Ecole publique
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Adresse DDEN aux pouvoirs publics

Après les hypothèses de travail au 21 avril du Ministre de l’Éducation nationale

par Fédération des Délégués Départementaux de l’Education Nationale

 

Les Délégués départementaux de l’éducation nationale (DDEN), dans leur fonction officielle ont le souci permanent de veiller aux bonnes conditions de vie des enfants dans le cadre de leur mission reconnue par le Code de l’Éducation. Ils sont aussi soucieux, dans la situation actuelle, des risques sanitaires pour l’ensemble de la communauté éducative. L’État et toutes ses composantes ont le devoir d’assurer, au sein de l’École la protection de la santé de toutes et de tous.

Dans ce juste confinement imposé à l’école pour répondre aux impératifs de santé publique, bien des parents ont découvert qu’enseigner à leurs enfants n’est pas aussi évident et exige des compétences. Bien des responsables politiques ont pris conscience des conséquences de la crise sanitaire sur les inégalités sociales et scolaires. L’École de la République est bien un enjeu national. Ainsi, l’objectif de rouvrir les écoles est partagé par tous à condition que des mesures incontournables soient prises pour respecter la préservation des conditions sanitaires de toutes et tous.

Un retour progressif à l’école à compter du 11 mai

Le Ministre de l’éducation nationale, a détaillé mardi matin les modalités d’un retour progressif à l’école à compter du 11 mai, sur une durée de trois périodes s’étendant jusqu’au 25 mai. La semaine du 25 mai : c’est l’ensemble des classes qui rouvrira avec toujours un plafond de 15 élèves par classe (10 pour lAssociation des Maires de France- AMF).

Pour nous DDEN, si nous pouvons nous réjouir de ce retour à l’école, il nous semble essentiel de prendre en compte, non seulement les activités scolaires, mais aussi toutes les activités sur lesquelles notre mission officielle nous implique de veiller à : la santé et l’hygiène ; la restauration ; la pause méridienne ; les activités périscolaires ; les transports.

Un protocole sanitaire doit être mis en place sous la responsabilité de l’État. Il décrira les modes d’actions et les obligations à respecter à l’école sur tous les points sensibles : masques, tests, gestes barrière, etc. Mais aussi pour les activités annexes citées plus haut. Ce protocole doit définir à quel niveau se situent les responsabilités (Éducation nationale, collectivités locales, équipes pédagogiques…) : exemple : qui fournit les masques ?

L’ébauche d’organisation ministérielle

Quatre configurations de classe devraient coexister : un demi-groupe en présentiel, un demi-groupe à distance, un demi-groupe en autonomie à l’étude et, de manière facultative, en concertation avec les maires, des activités sportives, de santé et culturelles pourront être proposées. Rappelons ici la spécificité des écoles maternelles dont les enfants de petite section font la sieste ce qui pose un problème supplémentaire quand l’ensemble des classes rouvrira.

Pour nous DDEN : afin de pouvoir sortir du confinement, notre mission est de s’assurer de la santé et de la sécurité des enfants accueillis mais aussi de tous les personnels travaillant dans l’école. Les mesures proposées doivent prendre en compte certains faits dont :
– la pandémie ne s’est pas développée à l’identique dans toutes les régions ;
– la densité de population et la taille des écoles sont différentes entre le milieu urbain et rural ;
– l’école à la maison se révèle très difficile pour certains enfants ;
– le numérique a des atouts et des limites surtout quand il est absent ;
– les transports scolaires sont indispensables dans certains secteurs ;
la restauration scolaire a une fonction sociale importante dans certains quartiers.

Pour nous DDEN, il faudra laisser le temps aux équipes pour s’organiser, avoir des ressources (gratuites et /ou financées par le MEN) pour tenter de raccrocher tous les enfants perdus en chemin, choisir le fondamental dans les apprentissages et être en capacité de donner ou redonner confiance aux élèves et à leur famille.

Respecter les obligations sanitaires

Pour nous DDEN, il faudra être certain de pouvoir assurer une ligne de santé sécurité pour éviter une re-contamination : les surfaces générant la promiscuité, les gestes barrière (masques), le matériel nécessaire au lavage des mains, lors de la restauration scolaire et des temps périscolaires. Il faudra que l’ensemble des professionnels en lien permanent avec les enfants soient également soumis régulièrement aux tests (tous les personnels des écoles et des centres de loisirs), avec une possibilité d’isolement temporaire en cas de nécessité. Il faudra porter une attention particulière pour le retour à l’école des enfants en situation de handicap, qui ont besoin d’une proximité très forte du personnel (AESH, enseignant, Atsem, animateur).

Les conditions sanitaires d’ouverture devront être précisées au niveau national : nombre de classes ou d’espaces rouverts, gestes barrières des enfants et des personnels, équipement éventuel et conditions de son approvisionnement, sa prise en charge par l’État, son stockage et son emploi, utilisations des espaces extérieurs, modalités de dépose des enfants, relations avec les parents et /ou les accompagnants des enfants.

Au niveau local en lien avec les mairies, des plans de mise en œuvre des règles sanitaires de proximité et la fourniture du matériel de désinfection des locaux, plan de nettoyages journaliers, formation des agents, fourniture des savons, essuie mains, et si besoin du matériel de protection pour compléter la distribution nationale.

Le choix des familles

Concernant la scolarisation des enfants, si une famille ne veut pas envoyer son enfant à l’école, par crainte d’une contamination, ce sera possible mais dans ce cas, il aura alors l’obligation de suivre l’enseignement à distance : « un élève ne sera jamais en dehors de l’obligation scolaire ».
Pour nous DDEN, que fait-on pour ces enfants qui se sont évaporés de l’école pendant le confinement ? 8 à 10 % selon les statistiques, c’est un nombre très important qui nous interpelle ! Comment les réintégrer et leur faire rattraper le temps d’école perdu, sans discrimination, ni stigmatisation ? Nous savons que ce sont souvent ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Le rôle à jouer de l’Éducation nationale à tous les niveaux : quel accompagnement des équipes pour assurer le retour à l’école de tous les enfants ? Quel soutien scolaire, et ensuite stages pendant les vacances, colonies apprenantes (proposition des CEMEA) etc., pour consolider les acquis ? Quels moyens financiers seront dégagés dans ce but ? La maîtrise d’œuvre doit rester dans les mains de l’Éducation nationale et des enseignant-e-s en préservant leur liberté pédagogique.

Organiser la concertation de tous les partenaires avec les DDEN

C’est pourquoi, reprendre la classe ne peut se faire dans la précipitation. Les équipes doivent pouvoir mettre en place un projet de remobilisation générale.
Pour nous DDEN, puisque la réouverture progressive des écoles est annoncée, il nous semble nécessaire de demander au DASEN un premier bilan de l’enseignement à distance et de la continuité éducative. Même si les enseignants ont majoritairement fait preuve de créativité et se sont investis à fond pour garder le contact avec leurs élèves, le manque de moyens techniques des professeurs mais surtout d’éventuelles difficultés familiales ont accru le décrochage scolaire et l’inégalité de fait devant l’enseignement.
Les DDEN demandent aux Maires et à l’administration de l’Éducation Nationale à être associés dans chaque commune à la préparation de la rentrée à partir du 11 mai prochain pour apporter leur analyse et leur expertise du fait de leur fonction officielle. Les DDEN peuvent aider les équipes à trouver le point d’équilibre qui permettra un début de déconfinement. Ils doivent pouvoir participer à des réunions mises en place par les DASEN, voire les IEN, mais aussi dans les écoles où ils sont missionnés. Une demande de réunion du Conseil d’école nous semble également nécessaire pour s’assurer que toutes les conditions sont requises, tant au niveau sanitaire, qu’au niveau pédagogique, avec un nombre d’enseignants suffisant pour pouvoir organiser l’enseignement par petits groupes. Pour nous DDEN, la réouverture des écoles pose également trois autres sujets de questionnement qui ne sont pas directement liés à la pédagogie. L’organisation autour de l’école sous diverses responsabilités doit être incluse dans la réflexion :

Le transport scolaire : (Responsables Région et Département) il concerne essentiellement le monde rural dans le 1er degré avec les regroupements pédagogiques intercommunaux mais concerne énormément d’élèves de collèges et lycées. Comment respecter les « gestes barrières » dans un véhicule avec 50 enfants ? Comment respecter le droit à l’école pour les plus en difficulté s’ils ne peuvent pas prendre le bus pour y venir ?

La restauration scolaire : (Responsable Mairie) la distanciation sociale est posée en fonction du nombre d’élèves qui mangent à midi à l’école. Doit on inscrire des enfants en priorité et étaler les retours ? Quels types de repas ? Les élèves doivent-ils amener leur repas ?

Les accueils avant et après la classe : (Responsable Mairie) il est indispensable d’organiser ces accueils pour permettre aux parents de reprendre leur activité professionnelle dont les horaires ne correspondent pas aux horaires scolaires.

Pour nous DDEN, il semble indispensable de réunir tous les protagonistes avant la réouverture même partielle afin que chacun face à ses responsabilités s’engage sur les mesures indispensables à mettre en place. Une réunion exceptionnelle du conseil d’école auquel les DDEN participent et ce par tout moyen technique nécessaire permettrait de bâtir un plan de remise en route de chaque école. La confiance pourrait ainsi être rétablie avec les enfants et les familles. Pour l’avenir, les DDEN revendiquent la reconstruction d’un service de médecine scolaire performant avec des médecins, des infirmières assez nombreux permettant entre autres les dépistages de troubles visuels et auditifs, la prévention des risques addictifs et le suivi d’élèves à besoins particuliers.

Pour nous DDEN, dans l’intérêt des élèves comme des personnels au sein de l’école, il est indispensable que les conditions sanitaires soient optimales. La confiance des familles permettant un retour en classe des enfants ne pourra se faire qu’à ces conditions pour adhérer davantage à l’institution publique.

 

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L’École de la République n’est pas la garderie du Medef !

par Maximilien Varlin

 

Le 13 avril dernier le Président de la République a annoncé, lors de son discours, la réouverture des crèches, des écoles, des collèges et des lycées, le 11 mai.

Avec des trémolos dans la voix, Macron nous a expliqué que sa décision n’était guidée que par sa volonté acharnée de lutter contre les inégalités sociales et d’empêcher les violences intrafamiliales.

Quelle belle âme, il a failli nous arracher des larmes, dis donc !

Mais évidemment, mauvais esprit que nous sommes, il nous est revenu immédiatement en mémoire la litanie des suppressions de postes à l’Éducation nationale, les coupes budgétaires incessantes dans les services sociaux (ASE, PMI, etc) sans oublier la réduction comme peau de chagrin des dotations globales de fonctionnement des communes, responsables de l’organisation des écoles. Eh oui, c’est là, la racine des maux de l’École et des difficultés à prendre en charge les élèves décrocheurs bien plus que la suppression de deux mois de cours.

Macron et sa team, pardon son gouvernement, nous avaient pourtant juré la main sur le cœur que seules des considérations scientifiques guideraient sa politique durant la crise sanitaire. C’était, nous avait-on dit, le gouvernement en blouse blanche !

Mais voilà, le Medef, les Pinault, Arnault, Lagardère, Peugeot, Mulliez, les deux cents familles, ceux qui dressent le mur de l’argent face aux aspirations populaires avaient tapé du poing sur la table. Faute de production, les milliards s’envolaient, une crise boursière menaçait, Macron, le petit télégraphiste du patronat, avait reçu l’ordre de renvoyer immédiatement tout le monde au boulot et les blouses blanches devaient se couvrir du cambouis des ateliers. On n’allait pas laisser 12 millions de gamins gardés par leurs parents, empêcher le patronat de poursuivre sa course aux profits, fut-ce au mépris de la santé des salariés.

Envolés les avis du Conseil scientifique, envolé le rapport de l’Institut Santé, envolées les comparaisons internationales avec des pays comme l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, certains états des USA ou la Chine qui vivaient la même détresse sanitaire que nous alors que tout nous indiquait que la première mesure à prendre lors d’un confinement, c’était la fermeture des écoles et la dernière à prendre lors d’un déconfinement, c’est leur réouverture. Partout, il avait été conseillé ou décidé de ne rouvrir les écoles qu’en septembre et ce même en Chine qui avait pourtant déconfiné dés le début du mois de mars.

Mais le Medef et Macron s’en cognent ! Leur seule boussole, c’est leurs comptes en banque et nos vies ou les règles sanitaires ne pèsent pas bien lourds face à cela. Il suffit d’écouter l’interview sur Europe 1 de Philippe Klein, médecin à Wuhan pendant toute la crise, où celui-ci nous fait part de son incompréhension face aux décisions de Macron.

Chez les enseignants, ce sont plutôt de la stupeur et de l’écœurement que ces choix ont fait naître car il s’agit bien d’une insulte au métier d’enseignant, réduit à un rôle de gardiennage et d’une insulte aux efforts d’apprentissage de nos élèves !

Pour en revenir au plan sanitaire, certes les enfants sont très peu malades mais chacun sait qu’ils peuvent se contaminer à l’école et transmettre le virus aux professeurs, à l’ensemble des personnels travaillant dans les écoles, comme l’a d’ailleurs prouvé l’étude des transmissions du lycée de Crépy-en-Valois, ainsi qu’à leur entourage, parents et grand-parents. Nous n’oublierons jamais que le premier décès en France fut celui d’un enseignant de 60 ans. Quant aux professeurs des écoles, leur moyenne âge est de 45 ans en faisant une cible de choix pour le Covid.

Si on ne s’intéresse qu’aux conditions d’accueil, force est de constater qu’il est évidemment très difficile de faire respecter les gestes barrières à de jeunes enfants. Par ailleurs, la communauté éducative, pour travailler en toute sécurité, doit également pouvoir bénéficier du matériel indispensable, à savoir le triptyque masques, gants, gels sans oublier d’être testée régulièrement. On pourrait y ajouter également des toilettes propres et nombreuses ayant toutes des points d’eau et du savon, des classes désinfectées très fréquemment ainsi que des charlottes, surblouses, surchaussures, etc. Mais il est inutile de créer une liste à la Prévert puisque la réponse de l’administration est simple : « Vous n’aurez rien parce que nous n’avons rien ! »

Au mieux, on nous renvoie vers les collectivités territoriales, au gré de leur richesse, au pire l’administration fait état de son incapacité.

Le recteur de l’académie de Créteil a reconnu qu’il ne disposait que de 30000 masques pour 60000 enseignants et que le stock ne serait pas renouvelé. Un masque pour 2 enseignants à utiliser pendant 8 semaines ! Autant inoculer le virus immédiatement, ça ira plus vite.

Le ministre, quant à lui, navigue à vue. Il préconise des groupes de 15 élèves et une rentrée sur 3 semaines. On pourra donc regrouper dans certains établissements plusieurs centaines d’élèves dans la cour, dans les couloirs et dans les cantines même s’ils ne représentent que la moitié de l’effectif alors que l’on interdit toujours la réouverture des cafés et des restaurants par mesure de précaution. Mais rassurez-vous braves gens, nous sommes en période d’expérimentation nous dit-on à longueur de plateaux télés.

Tout le monde l’aura bien compris, cette mesure ne rime à rien, ne repose sur rien hormis la loi du fric. Elle fait craindre surtout une reprise de la transmission du virus et l’arrivée d’une seconde vague de l’épidémie.

Les parents d’élèves l’ont bien compris puisque dans un récent sondage, les deux-tiers d’entre eux déclarent qu’ils ne mettront pas leurs enfants à l’école le 11 mai. Ce taux étant encore plus élevé dans les milieux populaires. Effectivement, les enfants des premiers de corvée, ceux des caissières, des éboueurs, ne sont pas des souris de laboratoires. Mais ces craintes sont également largement partagées dans la communauté scientifique. L’Ordre nationale des médecins, la Fédération des Médecins de France, l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de Santé Publique, l’Institut Santé et l’OMS, ont tous fait souligné les risques d’un déconfinement ou d’une réouverture des écoles trop précoces.

À la suite du discours de Macron, des protestations sont très vite apparues. Tout d’abord, de nombreuses pétitions ont vu le jour sur le site « change.org » pour demander l’abandon de la réouverture le 11 mai et son report en septembre. La première a plus de 130 000 signatures, deux en ont plus de 100 000, une autre, près de 80 000, le reste étant plus anecdotique. Ensuite, ce sont des initiatives syndicales isolées qui sont apparues. La première, c’est l’assemblée générale du Lycée Le Castel à Dijon qui a annoncé son refus de la reprise le 11 mai ; dans l’académie de Rouen, l’intersyndicale FSU-FO-CGT-Sud et la FCPE ont lancé une pétition « Pas de tests, pas de masques, pas de reprise ! » ; la Fnec-FP-FO a, elle aussi, lancé une pétition nationale. Plus près de nous, dans l’académie de Créteil, la FSU, FO, la CGT et Sud ont émis un vœu commun pour protester, en Seine-et-Marne, un texte très large de toutes les organisations syndicales avec la FCPE et la PEEP s’opposent également à la réouverture. À Créteil, ce sont 37 professeurs des écoles réunis en assemblée générale qui indiquent refuser « la réouverture le 11 mai alors que les conditions sanitaires ne sont pas réunies ». À Champigny-sur-Marne, le Comité de grève local s’adresse à la population et aux élus pour les prévenir du danger tandis que dans un même appel, la Coordination Lycéenne Nationale, Les Stylos Rouges, le Collectif Bloquons Blanquer, la Coordination Nationale de l’Éducation et le Collectif Parents Pas Confiants « demandent l’abandon de la réouverture des écoles et des établissements le 11 mai »

Des élus locaux de l’Hérault, de Corrèze, du Nord ou bien encore de Guadeloupe alertent également le gouvernement. En Martinique, ce sont toutes les instances, région, communes qui indiquent qu’elles sont dans l’impossibilité d’organiser cette rentrée.

Partout dans le pays, les prises de position et les initiatives se multiplient malgré le confinement.

Ceci pourrait nous rendre confiant puisque dans la même situation, au Québec, il y a quelques semaines, le front uni des organisations syndicales et des parents d’élèves ont obligé le gouvernement à renoncer à sa tentative de réouverture des écoles jugée beaucoup trop précoce.

Malheureusement en France, la situation syndicale n’est pas aussi simple.

Les syndicats minoritaires de l’enseignement, FO, CGT, SUD sont sur des positions relativement correctes.

Chez les « gros », les choses sont claires pour l’Unsa qui comme d’habitude se trouve du côté du manche et considère la reprise comme nécessaire.

La FSU, comme à son habitude, navigue à la godille. En tant que syndicat « responsable », elle donne un coup à droite pour négocier avec le ministre alors qu’elle devrait refuser ces discussions inutiles. Francette Popineau, Secrétaire Nationale du Snuipp, a d’ailleurs reconnu sur RT France, qu’elle était déçue du discours de Macron puisqu’à ce moment-là, elle était en train de négocier la réouverture des écoles pour le mois de juin !

Il faut le dire très clairement, tout comme au Québec, une pétition unitaire portée par une intersyndicale FSU-FO-CGT-SUD et pourquoi pas au besoin avec la FCPE aurait de grande chance de faire plier le gouvernement.

C’est donc bien un coup de barre à gauche que devrait donner la direction de la FSU pour satisfaire sa base et surtout protéger une profession angoissée et écœurée.

Il est donc nécessaire de mener la bataille au sein de la FSU, du Snes, du Snuipp, pour l’amener à dire clairement et fermement NON à cette reprise tant que les conditions sanitaires et matérielles ne seront pas réunies. Il faut pour cela multiplier les assemblées générales de villes, pour le premier degré, et d’établissements, pour le second degré, où devront être voter des motions appelant les directions syndicales, notamment celles du Snes et du Snuipp, à se placer résolument du côté des travailleurs de l’enseignement et de leur santé pour les amener à appeler fermement à la grève dès le 11 mai si le gouvernement persistait dans son choix criminel.

Rappelons à ce propos que Respublica a aussi vocation à être un lieu de rencontre des militants syndicaux de lutte attachés à la défense de la laïcité pour leur permettre de confronter leur point de vue, voire de coordonner leurs luttes quelque soit leurs organisations syndicales.

Laïcité
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Officiel : la « clériquine » administrée par l’État à quelques-uns avec les impôts de tous

par UFAL

 

L’UFAL avait déjà réagi à l’hallucinant communiqué du Conseil « scientifique » prônant « l’accompagnement spirituel » parmi ses préconisations de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Eh bien, cette administration de « clériquine », bourde obscurantiste(1)Ce qui est obscurantiste, ce n’est pas forcément de croire, c’est de penser que la science aurait à émettre des opinions sur autre chose que l’étude rationnelle de notre monde matériel. indigne d’un organisme scientifique, a bien été prise au sérieux par les pouvoirs publics. Décidément, la proximité d’Emmanuel Macron avec « les » cultes (en fait, l’Église catholique) sera toujours une source inépuisable d’atteintes à la laïcité, fussent-elles fondées sur de pures sottises. Ainsi, un communiqué du 9 avril du ministère de l’intérieur annonce – sans rire – la mise en place d’un « dispositif d’écoute et de soutien spirituel » par les institutions de la République « laïque ».

Ceux qui « éprouvent le besoin » d’être mis en relation avec « une personne à même d’assurer un soutien spirituel » le seront désormais par deux intermédiaires officiels : le numéro vert gouvernemental d’information sur l’épidémie ; les équipes des établissements de santé et des professionnels médicaux. Lesquels sont tenus de les brancher sur les numéros de contact ouverts par « les principaux cultes » (gare aux erreurs lors du dispatching  !). Le tout, évidemment, aux frais du public. Il serait insupportable que les demandes « spirituelles » viennent surcharger des organismes dont la mission essentielle est d’assurer le soin des corps, et le cas échéant du psychisme. Certes, le nombre de pratiquants religieux en France est faible : 9 %, tous cultes confondus, déclaraient une « forte religiosité » en 2015, 35 % une religiosité « modérée » (enquête de l’INED « Trajectoires et origines ») – chiffres en baisse régulière. On peut supposer que les demandeurs de « clériquine » se recruteront plutôt dans les 9 %. Mais l’effort public à eux seuls consacré n’en est que plus choquant.

Les quelque 60 % de Français incroyants ou détachés de leur religion d’origine n’éprouveraient donc, en ces temps difficiles, aucun « besoin spirituel » ? Manifestement, aux yeux de nos gouvernants, il doit s’agir d’un monopole des religions. Vous avez dit « liberté de conscience » ?

Pire, seuls sont pris en compte les adeptes des « principaux cultes » ! Soit, en pratique, un retour éhonté à la notion de « cultes reconnus » du Concordat (triste système auquel la loi de 1905 a mis fin) ! Nous aura-t-on assez répété officiellement que la laïcité c’est « la neutralité de L’État, qui n’avantage ni ne discrimine aucun culte »…

Entendons-nous bien. Que chaque culte s’organise lui-même pour être à l’écoute de ses adeptes n’a rien que de conforme à son libre exercice. Mais 115 ans après la loi de 1905, voici que la République viole l’article 2 de celle-ci, pour « reconnaître » et « subventionner » certains cultes !

Le péché d’oubli de la laïcité aura au moins son châtiment immanent : le ridicule des nouveaux cléricaux qui nous gouvernent. « Le jour d’après », ne manquons pas de le leur rappeler.

Notes de bas de page   [ + ]

1. Ce qui est obscurantiste, ce n’est pas forcément de croire, c’est de penser que la science aurait à émettre des opinions sur autre chose que l’étude rationnelle de notre monde matériel.


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