n°933 - 11/05/2020
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L’Après et l’économie

par Philippe Duffau

 

La crise sanitaire majeure que nous vivons et subissons est révélatrice d’une crise plus vaste, sociale, écologique, démocratique et économique. Elle est un amplificateur des problèmes bien antérieurs à celle-ci comme :

  • les délocalisations massives consubstantielles de la désindustrialisation,
  • l’agriculture intensive,
  • la détérioration dramatique des grands équilibres écologiques planétaires.

La généalogie de la crise permet de mettre en lumière la question des délocalisations et de la désindustrialisation

Dès le mois de janvier, l’OMS alerte sur la pénurie de masques. Jusqu’en 2012, il y avait, en France, un plan pour qu’une épidémie ne se transforme pas en pandémie. Sous Hollande, l’État a tout oublié des besoins de stocks stratégiques de masques. Macron opte pour cacher la vérité sur la pandémie, sur les mauvaises décisions prises en 2012, sans doute car il avait partie liée avec ce gouvernement et la commission Attali sur la « libération de la croissance » dont il était le rapporteur. M. Macron a refusé la mobilisation générale de l’industrie pour fournir les masques, les blouses, les respirateurs. Il en est résulté les mensonges en cascade : « les masques ne servent à rien », « les tests sont inutiles ». Là encore, c’est parce que ceux qui prétendent incarner le « nouveau monde » sont très liés à l’« ancien », comme Jérôme Salomon, actuel directeur général de la Santé et partie prenante de la volonté de liquider les stocks de masques considérés pourtant comme la « première arme » pour réduire la pandémie à défaut de vaccins disponibles… D’autres mensonges éhontés :

  • d’Agnès Buzyn, le 21 janvier, affirmant que « Le risque d’introduction en France de cas… est faible »,
  • de Jérôme Salomon, le 21 février, osant prétendre que « nous allons être… en mesure de répondre aux demandes… de tests-diagnostics »,
  • d’Olivier Véran, le 24 février, déclarant que « La France dispose de stocks massifs de masques chirurgicaux…  pour répondre à la totalité des demandes » et le 27 février, « Notre système de santé est prêt ».
    Sur ce dernier point, seule l’abnégation remarquable des personnels de santé a permis de pallier en partie l’impéritie gouvernementale.

Cette crise met en relief la faiblesse de notre économie comparativement avec l’Allemagne voisine et la Corée du Sud qui semblent avoir été plus réactives. Cette faiblesse trouve son origine dans la volonté affirmée, durant des décennies, à vouloir appliquer le modèle anglo-saxon privilégiant le tourisme, les services (sauf les services publics naturellement), la finance, quelques grands groupes. Ce choix est en rupture avec les « Trente Glorieuses » reposant sur le maintien et le développement d’un outil industriel performant associé à une recherche publique dynamique non soumise aux lois de marché.

Parts industrielles des différents pays

Quelques chiffres sont éloquents : en 2018, la part industrielle dans le PIB était de 37,5 % en Corée du Sud, de 27,8 % en Allemagne, de 21,4 % en Italie, de 18,2 % aux USA et de 16,9 % en France. L’importance plus grande de l’industrie dans l’économie allemande et sud-coréenne a permis à ces pays de mobiliser, grâce à une reconversion rapide, leurs entreprises pour lancer la fabrication de tests, de masques, de respirateurs, de blouses… et limiter ainsi les mesures de confinement et l’atonie économique qui en découle. L’autre différence majeure se situe dans la nature des deux capitalismes français et allemand. Le français est principalement financier, méprise les frontières, ne se soucie pas de l’intérêt général. L’allemand est plus familial, soutenu par des banques régionales et a un sens de l’intérêt général plus conséquent associé à un patriotisme économique plus développé.
Cette mise en exergue de la désindustrialisation massive que les gouvernements ultralibéraux successifs ont fait subir à notre pays doit nous inciter à penser la réindustrialisation, la relocalisation de nos activités afin de retrouver une relative souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire.

Reconversion vers « l’économie de la vie »

Cette réindustrialisation ne peut reposer pour des raisons sociales et écologiques sur les mêmes bases qu’avant. L’après devra donner la priorité à l’« économie de la vie ». Il faudra organiser une vaste reconversion des entreprises de l’automobile, l’aéronautique, du textile, de la mode, de la chimie, de la machine-outil, de l’énergie carbonée, du luxe, du tourisme, du spectacle vivant, de l’armement… vers les productions et énergies propres. C’est vital pour la pérennité de ces entreprises et pour l’emploi des salariés car les marchés antérieurs à la crise auront disparu. Cette reconversion ne peut se réaliser sans les salariés, sans faire appel à leurs compétences, bref sans une démocratisation de leur mode de gestion. Il n’est pas interdit d’envisager une sorte de plan quinquennal pour organiser cette reconversion indispensable, une reconversion définie du local jusqu’au national voire à l’européen, si toutefois l’Union européenne se libère des traités :

  • remettre en cause le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance,
  • ne plus appliquer la directive sur le détachement des travailleurs,
  • sortir des traités de libre-échange (dernier en date, en pleine crise, celui avec le Mexique),
  • refuser le TISA sur la libération des services.

Des pistes sont à explorer avec le savoir-faire des salariés de l’automobile, de l’aéronautique, de la SNCF, de la RATP, d’Alstom, du secteur pétrolier, du secteur nucléaire, de l’EDF et GDF (Engie) dans le cadre d’un pôle public de l’énergie, avec les artisans, les TPE et PME pour développer les filières ci-dessous :

  • l’énergie marine,
  • la construction navale utilisant des procédés et matériaux écologiques (par exemple à voile avec les ingénieurs de l’aéronautique …),
  • le numérique avec des systèmes d’exploitation et des logiciels libres,
  • l’isolation des logements,
  • le transport ferroviaire national et régional pour réduire la part du transport routier des marchandises et des personnes,
  • le transport fluvial,
  • la recherche pour le moteur à hydrogène
  •  …

Il faudra sortir des situations qui relèvent de pays émergents ou sous-développés et sont indignes de la 6e puissance mondiale qu’est la France. Un exemple haut-rhinois dans la filière textile est parlant : l’hexagone produit 110 000 tonnes de lin, 80 % sont exportés en Chine, 20% vers les pays de l’Est. Le lin, ce matériau noble, est réimporté une fois filé. Velcorex a pour projet de produire des jeans, des vestes et des chemises 100 % lin made in France. La filière forestière est un autre exemple d’aberration : le bois est exporté vers la Chine et nous revient en produits finis…

La sortie de l’agriculture intensive s’impose également pour aller vers une agriculture paysanne. Le système agricole dominant actuel engendre des méfaits bien connus :

  • responsable de 30 % des gaz à effet de serre (exemple du saumon : élevé en Écosse, nourriture venant d’Amérique, tranché en Chine, fumé en Pologne, retourné en Écosse…),
  • cause de la disparition de 70 % de la biodiversité en Europe,
  • à l’origine, en lien avec le mode de consommation qu’il induit voire impose par une publicité proche du harcèlement, de la pandémie d’obésité pour 35 % des enfants et d’un adulte sur deux, de la multiplication des maladies cardio-vasculaires, des diabètes, de nombre de dépressions et de cancers…
  • coupable de l’asphyxie de 30 % des terres arables par l’usage d’intrants trop violents et de la baisse de 60 % des valeurs nutritives des fruits et légumes en 60 ans.

Sortir du modèle agricole actuel pour favoriser une agriculture paysanne en stoppant l’implantation de fermes-usines, en instaurant des prix rémunérateurs et des circuits courts, en favorisant la vente directe, en plafonnant les marges des intermédiaires et des grandes surfaces… permettrait de créer 300 000 emplois selon certaines études.
La création d’emplois dans les services à la personne devrait se développer : assistants et assistantes maternels, accompagnants et accompagnantes d’enfants en situation de handicaps, animateurs et animatrices périscolaires, auxiliaires de vie sociale… autant de métiers, soit près de 1,5 millions de personnes, pour lesquels il faudra bâtir un statut digne et accorder des revenus suffisants.

Des services publics accessibles à tous dégagés du marché

Les secteurs concernés par « l’économie de la vie » sont – sans être exhaustifs : la santé, la prévention, l’hygiène, la gestion des déchets, la distribution d’eau, le sport, l’alimentation, l’agriculture, la protection des territoires, la distribution, le commerce, l’éducation, la recherche, l’innovation, l’énergie propre, le numérique, le logement, les transports de marchandises, les transports publics, les infrastructures urbaines, l’information, la culture, le fonctionnement de la démocratie, la sécurité, l’assurance, l’épargne et le crédit. Tous ces domaines, il est essentiel qu’ils soient gérés par des services publics pensés comme autant de “biens communs” accessibles à tous, en dehors du cadre de l’économie de marché et du profit. Ces services doivent échapper à la fois à un management dicté par le privé et à l’étatisation. Pour cela leur gestion devrait relever des usagers, des salariés et des dirigeants.

L’usage de mots comme « prélèvements obligatoires » ou « charges », mots qui cherchent à discréditer les secteurs orientés vers l’économie de la vie, ne devrait plus être l’alpha et l’oméga des orientations économiques.

L’Après ? Les liens plutôt que les biens

Cette crise nous invite à interroger pour le remettre en cause le cercle vicieux du « travailler plus pour consommer plus pour travailler plus » comme un hamster dans sa cage. La recherche absolue de la croissance à tout prix ne peut être la base d’un projet de société humaniste. Au-delà d’un certain niveau du PIB, ce dernier n’est plus corrélé avec une élévation du niveau de vie du plus grand nombre, du sentiment de bonheur ou des indices de bien-être. A partir d’un certain seuil, la croissance engendre des besoins non essentiels et artificiels. Il faudra bien chercher le bonheur, qui est une affaire principalement individuelle, ailleurs : dans les liens plutôt que dans les biens. L’expérience montre que, souvent, en cas de maladie ceux qui s’en sortent le mieux et le plus rapidement sont ceux qui ont pu tisser les plus forts liens d’amitié, liens qui renforcent l’efficacité des soins et médicaments.

Des revirements qui incitent à la vigilance citoyenne

De nombreux eurobéats et ultralibéraux convaincus remettent en cause, suite aux conséquences de cette crise sanitaire, leur logiciel passé et devenu obsolète et ne considèrent plus la nation, un certain protectionnisme, la prise en compte du local, la recherche d’une souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire comme des gros mots. Il en est ainsi du Président qui ne parlait, il y a peu, que de « Gaulois réfractaires », de modèle social désuet et inadapté, de la dette considérable, de nation start-up, de la santé qui coûte « un pognon de dingue ». Il a bien dû reconnaître que c’est au « vieux monde » des services publics qu’il a contribué à affaiblir, aux premiers de corvées, que nous devons de limiter les dégâts.
Sont-ce là des postures politiciennes ou des revirements sincères ?
Par le passé, nous avons été échaudés par la gauche en 1981 qui avait promis « de changer la vie » avant de changer d’avis, par Jacques Chirac qui avait dénoncé la fracture sociale avant de l’aggraver, par Nicolas Sarkozy qui avait déclaré la guerre au capitalisme spéculatif avant de le servir, par François Hollande qui avait vilipendé la finance et les très grandes fortunes avant de les bénir.

Bâtir une hégémonie culturelle pour un monde plus juste
où l’intérêt général humain prime

Peu importe. Si nous voulons avoir une chance que « l’Après » ne retombe pas dans les ornières de l’ultralibéralisme, du libre-échange sans contrainte, de la globalisation dérégulée, une lutte culturelle s’impose pour influencer la superstructure politique avec ses dogmes, ses croyances et ses pratiques à l’origine de la crise que nous subissons que la crise sanitaire n’a pas créé mais révélé et amplifié. L’hégémonie culturelle chère à Antonio Gramsci doit changer de camp sans cela tous les discours sur le « plus jamais ça » se transformeront en lettres mortes.

Un nouvel horizon

Toutes ces pistes ci-dessus évoquées ne sont pas exhaustives. Il ne s’agit pas de proposer un programme tout ficelé mais d’avancer un nouvel horizon qui offre une alternative au modèle économique actuel, une alternative à une société ultralibérale, de plus en plus inégalitaire, ploutocrate, oligarchique.
Il s’agit de proposer de bâtir une République qui permette l’intervention directe du peuple entre les élections avec le référendum d’initiative populaire ou citoyenne, une République qui favorise l’émancipation des individus, une République qui donne toute sa place à la transition écologique avec une économie bas carbone. Notre pays dispose des compétences humaines – ouvriers, employés, techniciens, ingénieurs, scientifiques, paysans et ingénieurs agronomes… – pour tourner la page de l’ancien monde.

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Enfin un appel pour une Police Républicaine au côté du peuple travailleur !

par ReSPUBLICA

 

Il était temps ! Enfin une voix connue chez les fonctionnaires de police qui s’élève pour dénoncer l’utilisation de celle-ci et de la Gendarmerie nationale contre le mouvement social. Jean-Louis Arajol, ancien secrétaire général du Syndicat Général de la Police (SGP) et de la Fédération Autonome des  Syndicats de Police (FASP) s’exprime en son nom propre et aux noms de nombreux collègues qui « restent dans l’ombre » pour dire son refus de « continuer comme avant le confinement ! ». Avant, c’est-à-dire les 15 mois de « guerre sociale larvée », avec le mouvement des gilets jaunes puis celui pour la défense des retraites où les forces de sécurité sont souvent apparues aux yeux du peuple comme une sorte de « garde prétorienne », chargée de faire un dernier rempart pour défendre un régime, minoritaire dans l’opinion, imposant l’austérité et parfois la misère aux couches populaires.

Faudra-t-il demain, dans la crise économique et sociale qui s’annonce, réprimer infirmières, caissières de super-marchés, routiers ou éboueurs que tout le monde applaudit aujourd’hui, à grands coups de matraque, LBD ou grenade de désenclavement ? Jean Louis Arajol répond que cela ne doit pas advenir. Enfin une position courageuse, alors même que le syndicalisme policier se tait depuis plusieurs années, rompant avec la tradition de la Police Républicaine qui, de l’insurrection de la préfecture de police en 1944 à la dénonciation des tueries pendant la guerre d’Algérie, était pourtant une grande histoire démocratique.

Un appel à écouter… et surtout à diffuser !

 

 

Cette vidéo est suivie sur Facebook du texte suivant de Richard Gerbaudi (lui aussi ancien secrétaire général du SGP et de la FASP) :

Cette tribune fera date ; elle nous rappelle que nous, les « ex » du SGP et de la FASP, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons aujourd’hui et quel que soit notre niveau de militance, nous devons crier notre rage face à la casse du service public, cette casse rendue encore plus criante depuis 2019 et jusqu’à aujourd’hui, cette casse qui a suscité l’apparition d’abord des gilets les jaunes, et que l’on ressent d’autant plus crûment avec la crise du coronavirus.

​Les gilets jaunes ont fait connaître leur colère face à la raréfaction des services publics dans la France des campagnes et des petites villes. D’autres, en novembre et décembre 2019 ont manifesté contre la réforme des retraites et, encore une fois, la casse des services publics.

​Comme toujours depuis 30 ans, ils se sont heurtés à une fin de non-recevoir du « roi » en exercice et de sa cour, qui ont préféré envoyer les forces de l’ordre plutôt que de négocier.

​Il aura fallu cette terrible pandémie pour que la nation prenne conscience du gouffre creusé petit à petit par les gouvernements successifs, qu’il n’est nul besoin de nommer, car chacun les reconnaîtra. Nous savons aujourd’hui que les Français ne doivent compter que sur eux-mêmes s’ils veulent ce que devrait leur proposer les services publics dans un pays comme le nôtre.

​La tribune de Jean-Louis Arajol met l’accent sur le métier de policier, la présence du « gardien de la paix » dans la cité et surtout son emploi, la doctrine du maintien de l’ordre, l’usage de la force publique, la place de la police dans la nation. Un ancien secrétaire général du SGP (syndicat général de la police) avait l’habitude de dire que la police est une chose trop importante pour qu’on la laisse dans les seules mains d’un ministre… Il avait raison.

​C’est le cas pour la police mais c’est également le cas pour tous les métiers qui, ces dernières semaines, sont apparus comme essentiels aux yeux de tous. Les personnels hospitaliers n’avaient cessé d’alerter les pouvoirs publics sur leur manque de moyens, et ils n’ont reçu aucune réponse ! Les Français faisaient savoir majoritairement leur refus de la réforme des retraites ! Mais du côté du palais présidentiel, on s’obstinait à la maintenir sous le prétexte qu’il s’agissait soi-disant d’une promesse de campagne que personne n’avait jamais lue ni entendue ! 

​En Amérique latine, je vois tous les jours combien la France jouit d’une aura extraordinaire. Ses services publics nous sont enviés. Ils nous sont enviés car très souvent, dans ces pays mais aussi ailleurs dans le monde, la notion même de service public n’existe pas, et seul le privé offre des services aux plus riches, tandis que les autres n’ont qu’à se débrouiller. Pour être accepté dans un hôpital, on vous demande une carte de crédit, et non pas la carte vitale. Les sociétés de sécurité protègent les plus fortunés, les autres se débrouillent comme ils peuvent face à la délinquance et la violence. Les touristes égarés ne sont pas rapatriés par leurs ambassades (180 000 Français l’ont été depuis le début de la crise du covid). Des pays au fonctionnement profondément inégalitaire envient le modèle français, et c’est pourtant ce modèle qui peu à peu se vide de sa substance. Si nous n’y prenons garde, nous devrons bientôt vivre comme dans ces pays qui nous envient !

​Pour ces raisons, et pour toutes celles brillamment exprimées dans l’intervention de Jean-Louis que je partage point par point, je pense que tous les militants doivent se mobiliser aujourd’hui pour exiger une fonction publique, au sens noble du terme, qui soit inattaquable. Une fonction publique qui soit protégée par la constitution. Une fonction publique que les gouvernants de passage n’auront plus le droit de démolir, comme on l’a vu ces dernières décennies. Une fonction publique qui fait la richesse de notre vivre ensemble. La République, c’est la fonction publique !

​En 2019, le pouvoir a su se servir des fonctionnaires pour que les uns cognent sur les autres. Changeons de formule : groupons-nous pour lui cogner dessus !

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Le jour d’après commence aujourd’hui

par ReSPUBLICA

 

Gérard Gourguechon nous a fait l’amitié de nous proposer ce texte de 30 pages intitulé « Le jour d’après commence aujourd’hui… ». Le travail de ce syndicaliste, très connu et respecté dans les milieux du syndicalisme de lutte et de transformation sociale, mérite toute notre attention à plusieurs titres.

On peut le lire comme un outil formateur qui nous rappelle la continuité des politiques gouvernementales en matière de santé publique. Mais il est aussi un réquisitoire syndical à utiliser contre celles et ceux qui osent encore se présenter, la bouche en cœur sur les plateaux télé, comme spécialistes de la question. Ils sont surtout experts en démolition sociale et sanitaire.

Ce document est très complémentaire du livre La casse du siècle de Pierre-André JUVEN, Frédéric PIERRU et Fanny VINCENT (lire à ce sujet notre précédent article).

Gérard Gourguechon ne se contente pas d’un état des lieux de la catastrophe sanitaire et sociale. Il propose aussi les jalons des ruptures immédiates pour qu’il n’y ait pas un « retour à la normale » sans une intervention vigoureuse des salariés et des citoyens.

« Les salariés doivent avoir leur mot à dire sur les conditions de leur retour au travail. »

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Sur la pandémie : ne passez pas à côté de ces infos

par ReSPUBLICA

 

Le 2e volet de la vidéo « Penser la pandémie »

La suite de la vidéo que nous avons signalé dans notre précédent numéro (à retrouver ici) : les enjeux sanitaires et sociaux, par un groupe de chercheurs. Une 3e partie est à venir.
https://www.youtube.com/watch?v=FMWXKUQxQcw

 

Coronavirus : l’explosion des prescriptions de l’hydroxychloroquine

Lu dans le journal La Provence :  »Malgré la polémique et les alertes, la prescription de la bithérapie de l’IHU associant azithromycine et hydroxychloroquine a été largement suivie en ville. Un bond de 7 000 % fin mars avec 10 000 patients »…

NDLR de ReSPUBLICA – Bien que nous n’ayons aucune compétence pour intervenir sur le débat contradictoire sur les mérites ou pas des traitements proposés ici et là comme anti-viraux, nous portons à la connaissance de nos lecteurs le phénomène de dissidence d’une grande partie des médecins hospitaliers et de médecins de ville par rapport aux discours développés par l’Académie de Médecine et l’Académie de Pharmacie d’une part, et par la majorité des chefs de services spécialisés à l’hôpital d’autre part. Encore une fois, nous ne prenons pas parti dans les controverses médicales mais nous mettons en visibilité un comportement sociologique important qu’il conviendra d’étudier ultérieurement.

Lire : https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/5984552/
hydroxychloroquine-lexplosion-des-prescriptions.html

 

« Voix de confinement »

https://www.youtube.com/watch?v=EREfMZrH6lY&feature=youtu.be

C’est émouvant et tellement vrai. Tout est dit. Matraqués en février, applaudis en mars. N’oublions pas et agissons.

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Chansons déconfinées 4

par Philippe Barre

 

En espérant que nous serons bientôt nombreuses et nombreux à chanter, à lutter toutes et tous ensemble et en même temps…

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Corée du Sud versus France

Interview du professeur Amblard

par ReSPUBLICA

 

Ingénieur, immunologiste à l’Institut national de sciences et de technologie d’Ulsan (Corée du Sud) et chercheur en physique statistique, le Pr François Amblard a analysé la stratégie sud-coréenne qui a mis en déroute l’épidémie de Covid-19. À la demande de l’Académie des sciences, il a rédigé un rapport complet dont il livre au Quotidien, les principaux enseignements. À la différence de la France, la Corée du Sud a confié la riposte à des scientifiques et des médecins indépendants du pouvoir politique. Article de Damien Coulomb initialement paru dans Le Quotidien du médecin.fr

 

LE QUOTIDIEN : Comment avez-vous perçu l’arrivée du SARS-CoV-2 en Corée du Sud ? Peut-on la comparer à ce qui est advenu en France ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : Au début du mois de février, j’ai vu que la panique commençait à s’installer, mais elle est restée relative. Un arsenal de lutte contre la pandémie a été mis en place avec une étonnante efficacité. L’épidémie a débuté le 18 février, le nombre de cas a augmenté pendant 15 jours avant de diminuer. En un mois, l’affaire était pliée et il n’y a pas eu plus de dix morts par jour, malgré un cluster initial d’un millier de personnes contaminées.

Après avoir vu la maîtrise coréenne, j’ai assisté au désastre français où l’on a entendu quotidiennement des choses ineptes : « les masques ne servent à rien », « les tests ne servent à rien ». On a vite compris que le discours scientifique s’était adapté et transformé en mensonge destiné à cacher les pénuries.

LE QUOTIDIEN : En quoi la relation entre politiques et scientifiques est-elle différente en Corée du Sud ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : La vraie clé de leur réussite réside dans le fait que les opérations sont entièrement contrôlées par les scientifiques, sans interférence politique. Par exemple, le ministre de l’intérieur n’est que sous-directeur de la cellule de crise de la ville où l’épidémie a eu lieu. En revanche, certains processus ne dépendent pas des professionnels de santé, comme la fermeture des frontières et la mobilisation de l’armée qui relèvent de la responsabilité du président. Il y a une séparation claire des responsabilités et des compétences.

On a entendu des âneries, y compris au plus haut de l’État français, sur la Corée du Sud. Il a été dit que les solutions qui ont été employées y ont fonctionné car ce pays n’était pas démocratique, et que les Coréens n’ont pas de problème avec le fait d’être traqués en permanence. Or, le débat démocratique ne s’est jamais arrêté : des élections législatives se sont tenues le 15 avril.

Le fondement culturel et philosophique coréen, c’est le respect de la connaissance, du savoir, de la science et de la médecine qui tranche avec l’espèce de relativisme qu’on voit s’installer un peu partout. Ce respect n’est pourtant pas étranger à nos valeurs en France.

LE QUOTIDIEN : Dans votre rapport, vous écrivez que les Coréens ont massivement adhéré aux mesures de dépistage et de traçage des cas, alors que cela fait débat en France. Pourquoi un tel écart d’adhésion des populations entre les deux pays ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : Les Coréens ont adhéré massivement à la politique de dépistage parce qu’elle est très claire, présentée par des professionnels et non par des politiques, et d’une façon adulte. À l’inverse, la communication française est présentée par des politiques qui prennent la population de très haut, sans direction fixe, et livrent une série de mensonges dont personne n’est dupe. Le problème de l’unanimité en France est celui de la confiance.

Qui plus est, les solutions techniques basées sur le Bluetooth, sont parfaitement respectueuses de la vie privée, comme l’affirme le rapport de Monsieur Sportisse, le directeur de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Le point clé sera de savoir qui gère et héberge la base de données.

LE QUOTIDIEN : Quel rôle a joué le centre coréen de lutte et de contrôle des maladies (KCDC) dans la lutte contre l’épidémie ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : En 2015, après l’épidémie de MERS-CoV, le KCDC s’est vu adjoindre un organisme d’une centaine de personnes chargées de préparer, en « temps de paix », les différents scénarios et de maintenir des capacités de réponse. En « temps de guerre », le KCDC dispose de pouvoirs sur la justice et la police.

La Corée du Sud a aussi su maintenir de bonnes capacités hospitalières, avec 12,3 lits pour 1 000 habitants, contre six en France et 4,7 en moyenne dans l’OCDE. Le pays dispose aussi de 190 ventilateurs par million d’habitants contre 77 en France.

LE QUOTIDIEN : La France est actuellement dans une phase de réduction de circulation du virus. Les méthodes coréennes pourraient-elles être applicables chez nous ? Et si oui, quand et sous quelles conditions ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : Si l’on suit les méthodes coréennes, les enfants ne retournent pas à l’école, et surtout pas les petits en premiers ! On ne doit pas non plus déconfiner avant d’avoir restauré un nombre suffisant d’hôpitaux en mode « Covid-free », pour reprendre les soins des maladies habituelles.

Si l’on suit les méthodes coréennes, tous les gens testés positifs doivent être isolés. Ce qui est impossible à ce jour en France. Il faut donc d’abord faire baisser le nombre de cas positifs, et la seule méthode pour cela est le port obligatoire du masque dans tous les espaces publics et au travail. Ensuite pourront être mis en place l’isolement des personnes positives, un dépistage plus systématique et le tracking.

Il ne sert à rien de faire une enquête systématique à ce jour, car on a probablement détecté que 10 % des personnes positives. Inutile de chercher les chemins du virus, avec une lampe de poche qui ignore 9 patients sur 10.

LE QUOTIDIEN : Dans votre rapport, vous expliquez qu’en l’absence de consensus scientifique, le choix du traitement en Corée est fait par les médecins en leur âme et conscience sans les débats sanglants entre anti- et pro-hydroxychloroquine que connaît la France. À quoi est imputable cette différence ?

PR FRANÇOIS AMBLARD : Le centralisme pousse jusqu’au dogmatisme. L’infantilisation du corps médical par ses « chefs », avec l’idée que le chef sait tout mieux que les autres. Il existe aussi ici en Corée une hiérarchie très forte, mais tout le monde a compris, de haut en bas, que la connaissance manquante sur l’hydroxychloroquine serait beaucoup plus vite acquise en laissant tous les praticiens faire au mieux, mais sous la contrainte de devoir se concerter le plus efficacement possible, pour que la pharmacovigilance soit collective et maximale.

 

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A propos de la socialisation progressive des entreprises

par ReSPUBLICA

 

Suite au texte de Jacques Duplessis paru dans notre précédent numéro,  Déconfinons le travail et donnons-lui le pouvoir. Le vrai !, nous avons reçu la réaction d’une lectrice.

Courrier de Martine Verhlac

Sans doute Jacques Duplessis a-t-il raison sur la question du travail, mais seulement en partie. La question du travail est au centre et d’ailleurs ce que les hospitalier auront obtenu, au moins provisoirement, c’est d’organiser leur travail et d’avoir envoyé les managers par dessus les moulins. Mais la condition est-elle une participation au capital ? J’en doute.

Si le problème c’est, comme le dit  B. Trentin, dans son livre la Cité du travail, le fait que la gauche se soit fichue de l’organisation démocratique du travail , c’est-à-dire que le travail soit un lieu de la démocratie et donc de la politique  , il faut que ce problème soit posé. Dans la Russie de Lénine, qui avait le Capital ? Or Lénine, contre Gramsci qui s’est d’ailleurs mis à genoux, le pauvre, a adopté avec enthousiasme le taylorisme, ce qui fut sans doute le tremplin du stakhanovisme ultérieur. 

Ce que je pense c’est que l’issue serait de se réemparer du travail. Mais pour cela il faut le vouloir. Je pense que nous avons subi une défaite non pas devant « la petite bête », mais devant le management comme main armée des injonctions du capitalisme , en l’occurrence financier.

Je ne vois pas hélas que la plupart se soient réemparés de cette question. Il y faudrait sans doute une sorte d’Etats Généraux du travail mais en tout cas que ceux qui travaillent se réemparent de cette question et revendiquent leur souveraineté sur le travail, à côté des revendications sur la répartition des richesses qui sont compensatoires et non négligeables mais qui laissent le travail otage des vues « stratégiques » de l’ultra-libéralisme et aussi je crois otage de tous les leaders y compris de la gauche qui sous forme de partis ou sous forme d’organisation informelle mais sous la loi du centralisme « démocratique » les soumet à leurs vues en vue de leurs visées électorales qui seront toujours déceptrices si nous ne gagnons pas sur le front du travail. 

On pourrait dire du travail qu’ils (les tenants du NPM, héritiers de tous les managers de tous les temps ) :il ne nous laissent pas faire notre travail. Mais encore faudrait-il que nous montrions ce qu’est faire notre travail, comme le font, dans des conditions d’ailleurs héroïques aujourd’hui, les « soignants ». 

On ne devrait pas accepter de rentrer dans les écoles tout de suite (sauf pour aider les plus vulnérables). On devrait dire u’en dehors de la distance et des conditions sanitaires ce que l’on veut c’est instruire sous les formes que nous devons repenser contre toutes les réformes depuis au moins 50 an,s etc. Pareil dans les entreprises, pour les ingénieurs comme pour les techniciens et ouvriers, etc.

Si vous voulez le programme , regardez Le temps des ouvriers de Stan Neumann sur Arte et « il n’y a qu’à » prendre le contrepied. C’est du boulot ! Mais ce serait enthousiasmant sans doute. Y sommes-nous prêts ? Pendant les 30 Glorieuses, on s’est laissé distraire des tâches qu’aurait dû imposer l’OIT en conséquence de l’Appel de Philadelphie.

En fait reprenons comme déclaration de principe l’Appel de Philadelphie et pensons ce que cela implique sur tous les fronts du travail.

Réponse de l’auteur

Chère lectrice,  nous partons bien des mêmes constats : Otage des organisations syndicales et politiques, jouet de l’ultra-libéralisme et de ses épigones managériaux, nous partageons avec vous la triste évidence de l’oubli, voire de la trahison dont est victime le monde du travail depuis les 50 ou 70 dernières années. Avec la complaisance, voire la complicité des organisations internationales pourtant censées veiller au grain, comme vous le regrettez à juste titre.

Mais pour se « ré-emparer » du travail, il faut d’abord le vouloir, ce qui n’est pas exactement avéré à ce jour comme vous le rappelez fort justement, en raison de la longue « distraction » qu’ont constitué les 30 Glorieuses … et quelques autres plus récentes et dont je conviens bien volontiers du caractère anesthésique et lénifiant. Et sans soute aussi faute de place et de légitimité, nous en sommes pleinement d’accord, pour une réflexion autour de cet objet politique et de son caractère propre, de sa nécessaire autonomie par rapport à un management qui s’applique à la lui disputer, à la nier au quotidien, et qu’illustre bien l’action des soignants qui, à la faveur de la période actuelle, réussissent à se le réapproprier au moins passagèrement.

Mais pour combien de temps ? Et que faire plus généralement face à la triste situation et au risque qu’elle ne se répète indéfiniment ? Et surtout pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Faut-il attendre de nouvelles crises pour voir se présenter des occasions de faire évoluer le rapport de force ? Car c’en est un puisqu’au-delà du vouloir transformer l’état de choses existant, encore faut-il le pouvoir, avec et sans majuscule. Comment ne pas devoir acter le fait que l’actuel état du monde du travail découle du fait que nous nous sommes contentés de nous reposer sur la loi, le droit, les professions de foi, les traités et les déclarations solennelles comme celle de Philadelphie, tout à fait bienvenues et adaptées à l’époque au demeurant, mais en faisant l’impasse sur le fait que ces grands principes étant posés, l’avenir était tout tracé et qu’il n’y avait plus qu’à emprunter allègrement cette autoroute du progrès social en marche.
En un mot, l’essentiel paraissait avoir été définitivement acquis.
Or au bout du compte, force est de constater comme vous, que nous avons laissé filer un rapport de force qui nous était favorable au sortir de la guerre pour diverses raisons historiques sur lesquelles il serait trop long de revenir, pour le retrouver tout à fait dégradé au point d’être politiquement inverse aujourd’hui. Oui le travail est un bien objet politique non réductible au management et aux « ressources humaines ». Mais non, il n’est plus possible de le ressusciter comme tel par les voies qui, non seulement ont montré leurs limites, voire leur caractère délétère, mais n’ont plus cours dans le monde tel qu’il est, technicisé, dépolitisé, désarmé idéologiquement qu’est le monde d’aujourd’hui. C’est pourquoi le réveil, la revitalisation ne peuvent à notre avis passer que par deux leviers qui prennent en compte la réalité politique de notre époque, à savoir :
–         L’instinct de propriété d’une part, qui, à notre sens, et mieux que la loi créatrice de nouveaux droits que je qualifierai d’abstraite ou putative, s’inscrit dans les esprits comme le traditionnel marqueur de maîtrise de toute existence, même si la propriété sociale repose évidemment sur un principe d’essence juridique. Mais cette dernière présente l’avantage d’être profondément ancrée dans la réalité sociologique, et surtout, unanimement validé, y compris par la classe dirigeante qui en a traditionnellement fait sa loi et son territoire, pour parler comme Houellebecq. D’où l’enjeu que constitue le fait de le reconquérir.
–         D’autre part, le sentiment d’injustice, de discrimination, et d’insécurité qui découlent de façon corollaire de l’aspect précédent, et qui sont de nos jours de puissants leviers de mobilisation, le principe d’égalité restant l’un des ressorts forts de l’action politique en Europe depuis deux siècles et demi environ.En d’autres termes, l’erreur de la voie juridique et légaliste (certains diraient réformiste) portée par les législations progressistes de l’après-guerre, a probablement consisté dans le fait d’officialiser la dissociation capital travail, confinant à l’acceptation définitive de deux mondes séparés, distincts et distants, figés, voire sacralisés dans une différence de classes qu’on a tenté d’aménager au mieux pour la rendre acceptable. Ou pour le dire autrement, d’une façon que l’on qualifierait aujourd’hui de ce vilain mot de « soutenable », mais dont il faut admettre qu’elle opéra à peu de choses près comme prévu, tout au moins jusqu’à la chute du mur de Berlin.Il reste qu’en bon français, « soutenable » signifie supportable et même pire si l’on fait référence au monde de la galanterie tarifée. Et ce seul mot de supportable suffit à comprendre le drame qui s’est joué avec cet abandon de classe qui ne disait pas son nom mais existait bel et bien en filigrane dans tous les traités internationaux qui se piquaient d’améliorer le sort des salariés, y compris les mieux intentionnés. Tout en les condamnant à demeurer à vie des salariés, c’est-à-dire des agents forcément dociles ou silencieux ou fragiles parce que juridiquement, économiquement et financièrement à la merci de l’actionnaire tout puissant, même avec le renfort de gouvernements les mieux disposés à leur égard.

Si la révolte couve comme nous le pensons aujourd’hui, c’est que la différence de statut confine à l’apartheid et reste perçue comme l’organisation scientifique d’une société profondément, viscéralement inégalitaire, en contradiction flagrante avec le principe même de démocratie si complaisamment affiché et rabâché alentour. Avec d’un côté, ceux qui détiennent les droits liés au capital et qui ont droit de subordination sur les autres en raison de leur privilège de propriétaires, y compris de répudiation pour cause économique. Et ceux qui subissent les décisions des premiers, quand ils n’ont pas à les devancer, à les suggérer ou à les assumer à leur place, y compris contre leurs propres intérêts. L’aliénation est aujourd’hui universelle, maximale et totale. Alors dénonçons-la pour ce qu’elle est. Il n’y a plus de coexistence possible entre deux types de facteurs aux droits et devoirs aussi peu symétriques. Le capitalisme est allé trop loin. Sous des dehors compassionnels et soi-disant humains, il n’a jamais été aussi pervers et attentatoire à la dignité de l’opérateur de tout niveau, et peut-être surtout pour les cadres à l’échine particulièrement sollicitée.
Le monde du travail n’a donc plus le choix : ou bien il accède à des droits identiques par les voies et moyens qui étaient jusqu’ici l’apanage de l’autre et l’emporte grâce au nombre. Ou bien il sombre définitivement dans la résignation, le déclassement et la contingence devenues pérennes du fait même.Voilà pourquoi, tout en partant des mêmes constats, nous choisissions pour notre part la seule issue que nous laisse le rapport de force actuel et la dureté des temps : L’égalité ou la mort en tant qu’individus qui se respectent.

Jacques DUPLESSIS



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