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Chronique d'Evariste
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Après Conflans : l'école, la liberté collective et l'universel

par Évariste

 

La liberté, c’est toujours la liberté de ceux qui pensent différemment.

Rosa Luxemburg

Pour le mouvement révolutionnaire républicain, l’école publique, laïque et gratuite, est le lieu où se forge la communauté de discours et de pratiques qui institue l’espace public, c’est-à-dire la collectivité civique, le cadre même où doit se dérouler tout débat politique et social, faute de quoi la République n’est qu’un vain mot. C’est en ce sens que l’école forme les futurs citoyens : elle ne les formate pas mais leur donne les clés et la méthode pour comprendre le monde, se confronter aux opinions des autres, avancer par le débat vers des décisions et des convictions fondées en raison. C’est à l’école que s’acquiert l’éthique de la contradiction sans laquelle aucune émancipation collective n’est possible. C’est pour avoir fait son travail et exercé cette éthique de la contradiction en cours avec ses élèves que M. Samuel Paty, enseignant, fonctionnaire de l’école publique, a été assassiné par un fanatique.

Au-delà ou en-deçà de la liberté d’expression individuelle, le tueur a délibérément voulu punir cet apprentissage collectif du libre examen. Ce qui lui était odieux, comme à tous les prêcheurs d’arrière-mondes révélés par des textes sacrés, c’est l’idée que des citoyens en devenir puissent non seulement avoir des opinions divergentes, mais qu’ils et elles échangent librement et sereinement sur ces divergences. C’est l’idée qu’il existe un lieu, l’école, où ils et elles se mélangent, pour tisser ensemble la trame d’une communauté de principes républicains où chacun ait sa place sans ignorer les autres. Dans leur monde en noir et blanc, rien n’est plus dangereux que ce mélange, cette écoute, et cet apprentissage d’une loi qui transcende leurs différences et qui n’est pas la loi d’un dieu, mais l’universel rationnel, le Commun, tel qu’il émerge peu à peu du dialogue argumenté.

Certes, l’Infâme se dresse en tous siècles et en tous lieux pour diviser l’humanité et soumettre les masses à la tyrannie. Il trouve d’ailleurs un allié paradoxal dans le développement de « réseaux sociaux » censés faciliter l’information et le dialogue mais qui permettent aussi, voire surtout, la formation de bulles idéologiques autarciques, où règnent parfois, comme ce fut le cas ici, la calomnie, la délation et la haine. Partout et toujours, les mille visages de l’Infâme sont objectivement alliés, parfois tacitement comme ici le fanatisme islamiste et le racisme résurgent ; parfois ouvertement comme il y a peu, quand mille calottes censément différentes défilaient conjointement contre les droits des femmes ou ceux des couples de même sexe. Mais une étape dans l’horreur a été franchie vendredi, lorsqu’un fanatique a délibérément versé le sang de quelqu’un dont le crime supposé était de défendre, par le simple exercice de son métier, la liberté des autres. Le meurtre a été mis en scène comme une exécution, signalant par là que la loi collective, pour l’assassin, ne doit pas se fonder sur la parole multiple et libre de citoyens œuvrant continûment à leur propre émancipation, mais sur le Verbe jaloux d’un texte révélé. C’est l’idée même d’un gouvernement délibératif de l’humanité par l’humanité elle-même qu’il s’agissait de tuer par cet acte ignoble.

Plus que jamais, le combat pour l’émancipation individuelle et collective doit être repris à la base : la liaison du combat laïque, démocratique et antiraciste, et du combat social, contre toutes les formes d’oppression, tous les pouvoirs de la réaction, tous les obscurantismes, toutes les menées visant à fragmenter le corps social et politique en groupes aliénés, perdus pour l’intérêt général, incapables de construire ensemble les conditions de la liberté de toutes et tous. L’antiracisme radical et la séparation stricte de la loi humaine et des lois dites divines sont inséparables du combat pour l’appropriation collective du monde où nous vivons ensemble : il n’y aura de révolution socialiste, écologique et démocratique qu’à cette condition.

Contre l’Infâme, nous n’abandonnerons jamais la promesse de la liberté ni celle de l’universel.

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Affaire Coffin : l’Institut catholique dans ses œuvres, les libertés universitaires dans la ligne de mire

par Jean-Louis Bothurel

 

Depuis un accord signé par Nicolas Sarkozy en 2008, l’État reconnaît les diplômes décernés par l’Institut catholique de Paris, parfois complaisamment qualifié d’université (pour mémoire, seuls les établissements publics peuvent porter ce titre). Cette reconnaissance s’ajoute à un statut d’établissement d’enseignement supérieur privé « d’intérêt général », qui bénéficie essentiellement à des officines d’origine cléricale. Le 8 octobre, le journal Le Monde signalait que cette boutique avait fort peu chrétiennement congédié Mme Alice Coffin, élue EELV et militante féministe radicale, pour ses prises de position jugées incompatibles avec les valeurs de l’établissement. Il lui est reproché, en substance, d’avoir déclaré qu’elle faisait son possible pour ne plus lire que des livres écrits par des femmes tant il lui semble que les hommes sont privilégiés dans le monde de l’écriture. On peut penser absolument ce que l’on veut de ces propos, qui ont été injustement caricaturés. Il n’en demeure pas moins que l’on doit s’inquiéter du congé définitif donné à Mme Coffin, qui a pris la forme d’un simple non-renouvellement du contrat précaire qui la liait à la Catho, qui sur ce point est aux avant-postes de l’université publique telle que le gouvernement veut la réinventer, faite de précarité et de contrôle des personnels.

D’aucuns se demanderont sans doute s’il n’est pas en partie normal que ce genre de choses arrive dans une officine catholique privée. Non, ce n’est pas normal, car par la volonté de l’État, la Catho n’est plus si privée que cela… Comme l’enseignement privé sous contrat dans le secondaire, la Catho bénéficie d’une très large reconnaissance publique. On l’a dit, ses diplômes sont reconnus et elle est officiellement « d’intérêt général », avec ce que cela implique d’avantages fiscaux pour ses mécènes. En faisant le choix politique de ne pas s’en tenir à la séparation d’avec l’État, ses dirigeants, qui exercent souvent à l’université publique en parallèle, ont choisi de se placer dans la sphère d’application de la décision du Conseil constitutionnel du 20 février 1984 relative à l’enseignement supérieur. En voici le 19e considérant, sur lequel se fonde la reconnaissance du principe de liberté d’opinion et d’expression des universitaires, comme principe fondamental du droit français :

« Considérant dès lors que, par leur nature même, les fonctions d’enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l’intérêt même du service, que la libre expression et l’indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables ; que l’article 57 de la loi fait, dans leur principe, droit à ces exigences en disposant : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et dans leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi, les principes de tolérance et d’objectivité. » »

Tant que la Catho touchera un centime d’argent public et tant que ses diplômes ne seront pas des chiffons de papier, une attaque professionnelle contre Mme Coffin invoquant ses engagements personnels représente une attaque contre le principe de liberté de tous les universitaires, et contre la notion même d’université. Après la marchandisation des titres universitaires, cette affaire de délit d’opinion est donc le second effet pernicieux de l’accord de 2007 pour l’université française. Si les tartuffes et les jésuites de la Catho veulent jouer les censeurs, il leur suffit de se séparer des privilèges qu’ils ont progressivement regagnés sur la loi de 1905 et de se passer des subsides de la Gueuse et de sa reconnaissance. Dans l’intervalle, en cette année de jubilé du Serment de Vincennes, l’affaire a au moins le mérite de contribuer à dissiper l’écran de fumée des discours confusionnistes sur le « séparatisme » et de nous rappeler que la condition de possibilité d’une science et d’un enseignement qui s’inscrivent dans le prolongement des Lumières n’a pas changé : il faut de l’argent public pour l’école publique, et uniquement de l’argent privé pour l’école privée.

Histoire
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À propos du film Josep : la Retirada, le POUM et les falsifications de l’histoire

par Jean ESTIVILL

 

Le film Josep, que l’association « 24 août 1944 » a présenté aux Sept parnassiens le 29 septembre, date de sa sortie sur les écrans, en compagnie du réalisateur Aurel, et qui a été sélectionné à Cannes, vient de recevoir le « Bayard spécial du jury » au festival de Namur. En quinze jours, il a enregistré 120 000 entrées. Chiffre considérable pour un film d’animation, sur un sujet quasi inconnu du public français : la Retirada, du nom de l’épisode tragique de l’exil en France des républicains espagnols en 1939. Le Catalan Bartoli et ses dessins, reconnu mondialement, disparu en 1995, l’est tout autant, et cette découverte de l’homme, de l’œuvre, et d’une histoire oubliée ou volontairement tue, est le grand mérite d’Aurel et du scénariste de Marius et Jeannette, Jean Louis Milési .

Aurel a voulu, dit-il, partir d’un homme et de son œuvre, pour déboucher sur une page d’Histoire, qu’il ignore qu’il veut connaître, et qu’ainsi il met au jour. Bartoli, dessinateur estimé est aussi un militant révolutionnaire.  La Retirada telle que nous la restitue Aurel, c’est son histoire, celles des 500 000 républicains espagnols réfugiés en France en janvier-février 1939, celle de la guerre d’Espagne et de la révolution. Josep Bartoli, commissaire politique du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) franchit les Pyrénées dans une colonne sous commandement anarchiste. Il fuit, comme tous, face aux armées franquistes, mais également, face aux tueurs de la GPU, qui le menacent en tant que révolutionnaire et poumiste, comme tous ses camarades de parti et bon nombre des militants des « Amis de Durruti ». Pour cela, il a dû rejoindre l’armée dite régulière du gouvernement Négrin, exigée par Staline, et s’y incorporer. Combattre les fascistes tout en étant à l’abri d’un assassinat par les hommes de main de Staline, nécessite de trouver un bataillon dont le commandement leur échappe. Pour lui, ce sera celui qui porte le nom du cénétiste et révolutionnaire Ascaso. C’est dans ses rangs qu’il entrera en France.

C’est la Retirada pour tous les républicains espagnols, mais leur lutte contre le fascisme n’est pas terminée. Pour un grand nombre, ils la reprendront les armes à la main, dans les maquis, la division de Leclerc ou la Légion étrangère. Certains, prisonniers des Allemands dans l’armée française, seront remis aux nazis, déclarés apatrides et subiront les camps de la mort.

Pour tous, femmes, enfants et vieillards, ce seront, dès leur arrivée de ce côté des Pyrénées, les camps de concentration du gouvernement Daladier. Cependant qu’en Espagne se multiplient les bagnes, les exécutions, qu’on se prépare à assassiner plus de cent mille « rouges », souvent sans sépulture, comme en témoignent les centaines de fosses qu’on ne cesse encore de découvrir.

La Guerre d’Espagne, la Révolution ? Connaît pas

Pendant des dizaines d’années on a occulté la guerre d’Espagne, d’avantage encore la Révolution.

Pour ce qui est de la guerre au cinéma, on peut mentionner quelques exceptions notables : Mourir à Madrid, La guerre est finie… Pour la révolution : il a fallu attendre Ken Loach et son Land and freedom (Terre et liberté). Le sort réservé aux 500 000 exilés, réfugiés en France, l’existence des camps de concentration de la IIIe République de Daladier sur les plages et le long des Pyrénées furent longtemps passés sous silence, citons toutefois le camp du Vernet dans La lie de la terre d’Arthur Koestler. Au début des années 90, il faut mentionner les travaux de Geneviève Dreyfus Armand.

La Retirada fera l’objet de quelques allusions lors d’hommages tardifs à Antonio Machado… Enfin, l’époque de la Résistance est évoquée par Le roman des Glières de Véronique Salou, qui a eu le prix littéraire de la Résistance pour faire connaître le rôle des républicains espagnols dans le maquis de Haute-Savoie (2007).

L’histoire de la Nueve composée de républicains espagnols sous le commandement du capitaine Dronne, de la division de Leclerc, et qui arrive à Paris Le 24 août 1944 , émerge peu à peu grâce à l’association « 24 août 1944 » dont la présidente est Véronique Salou.

Grace aux archives de la FEDIP, l’ouvrage en français et en espagnol de Pierre et Véronique Salou Les républicains espagnols dans le camp de concentration nazi de Mauthausen permet de redécouvrir le sort de 9000 républicains espagnols dont la quasi-totalité appartenant aux compagnies de travailleurs sous commandement français, et qui seront déclarés apatrides après les accords Pétain-Hitler-Franco et déportés à Mauthausen.

L’historiographie amnésique

On ne saurait passer sous silence la chape de plomb sur l’historiographie, qui obéit à la nécessité de ne pas traiter des raisons de la défaite et de taire la révolution qui s’est dressée pour faire face au coup d’État fasciste.

Pendant des dizaines d’années, les historiens ont regardé ailleurs, trop avaient un fil à la patte et certains depuis 1936. Le souci qui domine, évacuer la révolution, est tellement partagé ! La révolution, les collectivisations spontanées ont étéE au cœur de la prise de position pendant la guerre de trop de protagonistes, encore puissants. Il s’agit de ne pas en parler, car par malheur elle avait été déterminante dans l’histoire de ce qu’on préfère appeler une guerre civile.

Il y a ceux qui dès le 19 juillet 1936, l’ont crainte puis tuée. Et tout d’abord Staline et les républicains de droite qui réussiront à s’imposer grâce à lui avec Négrin, le dernier Président du Conseil, quand la contre-révolution prend le dessus et que les responsables du POUM et de la CNT sont éliminés des centres de décisions du pouvoir central.

Et puis les fils spirituels des dirigeants des démocraties occidentales qui ne veulent pas chercher les raisons de la non-intervention : socialistes, qui ont fait de Blum une icône, radicaux, mais aussi le parti communiste qui préfère qu’on laisse ignorée, la position de Staline favorable en 1936 à la non-intervention.

Les amis français de Franco présentent le pronunciamiento comme une croisade, un sursaut de l’Occident chrétien contre Moscou, dans une période où avec la Guerre froide, il ne peut y avoir que deux camps, dont les capitales sont Moscou et Washington. Il convient donc de renforcer l’idée, comme dans la propagande franquiste, que les ennemis, les seuls combattants républicains étaient les communistes. Exit le POUM, la Confédération nationale du travail (CNT), les anarchistes. Il n’y a jamais eu de révolution en Espagne. Cela convient à tout le monde.

Cela a commencé dès 1937

Dès 1937, les staliniens déroulent le rouleau compresseur de leur puissante propagande avec des agents qui travaillent avec le NKVD, comme l’envoyé spécial de l’Humanité en Espagne, Georges Soria, qui deviendra après-guerre un historien du mouvement ouvrier et de la Révolution française, au-dessus de tout soupçon. Il est à ce moment en 1937, le complice d’Alexandre Orlov, agent du NKVD (GPU) chargé d’éliminer les communistes antistaliniens et qui organisera l’assassinat d’Andreu Nin, le dirigeant du POUM en mai 1937. Il écrit une brochure contre le POUM, si évidemment mensongère qu’on lui préférera le titre « l’espionnage trotskyste en Espagne. » Mais il faut quand même viser coûte que coûte le POUM, et il n’hésitera pas dans un des articles de Ce soir à l’intituler « le POUM organisation de terrorisme et d’espionnage au service de Franco ». Ce soir est le journal grand public que Staline a demandé à Thorez de produire. Thorez en confie la direction à Aragon qui s’entoure des meilleures plumes, certaines honnêtes comme Louis Guilloux qui s’en ira, comprenant qu’il s’agit d’un instrument stalinien de propagande, mais discrètement, sans esclandre. Ce soir atteindra les 240 000 exemplaires, distillant la vérité vraie, stalinienne, aux militants ouvriers et a toute la très grande communauté espagnole, qui n’auront que le son de cloche sur ce qui se passe en Espagne , celui d’Aragon qui sait faire, il le prouvera quand il écrira Les communistes et qu’après Thorez qui l’aura traité de flic, il fera de Nizan un traître. Tous les compagnons de route ne s’appellent pas Guilloux et même quand on est Malraux, tout le monde n’est pas Gide ou Panait Istrati. Les compagnons de route suivent. Il n’y aura donc chaque jour qu’une version officielle. Elle va perdurer des dizaines d’années. Que pourront cénétistes et poumistes après-guerre ?

Faute d’explication, on ne pourra que constater que la communauté espagnole aura intégré cette vérité sur la défaite, qui fait l’affaire de tout le monde « nous oui hélas, les espagnols on n’est bons qu’à se battre entre nous ». Bref des immatures.

Donc concernant le POUM, il n’existe pas

Qui a accès à Orwell, Victor Serge, David Rousset, Daniel Guérin, Dos Passos, Marceau Pivert, Fred Zeller encore moins Benjamin Perret… qui a lu Arthur Koestler, auteur de La lie de la terre et Le testament espagnol, décrété agent de l’impérialisme après Le zéro et l’infini ?

Edgar Morin, après la résistance, attendra comme beaucoup d’autres 1956 Budapest et le rapport Krouchtchev, il rencontrera le secrétaire des jeunesses du POUM Wilebaldo Solano dont il deviendra l’ami, pour accéder pleinement à cette histoire que les relais français de Staline, y compris à l’université comme Soria, auront tout fait pour occulter. Il faudra ensuite attendre Broué, Temine et leur histoire de la guerre et de la révolution en Espagne.

Le lien très fort entre la culture et la révolution continue à vivre porté comme en Espagne par le monde libertaire. Confiné, interdit d’expression grand public, ni lui ni le POUM n’ont d’existence visible. Hommage à la Catalogne d’Orwell devra attendre le film fidèle de Ken Loach Land and freedom pour être redécouvert.

Qui connaissait le révolutionnaire du POUM, Bartoli, reconnu du monde des arts, comme l’était Tosquelles de celui de la médecine et de la psychiatrie ? Il faut du temps pour se libérer de la chape de plomb.

Tosquelles est membre du POUM, il est catalan lui aussi, originaire de Reus dans la province de Tarragone, à deux pas du Vendrell d’Andreu Nin.

Psychiatre, psychanalyste, Frances Tosquelles est un des inventeurs de la psychanalyse institutionnelle. Membre du BOC, le bloc ouvrier et paysan de Maurin, il participe à la création du POUM en septembre 1935. Quand en France on accueille les antifascistes allemands ou d’Europe centrale en les enfermant dans des camps comme celui du Vernet où fut Koestler au début de la guerre, Barcelone en 1936 devient « une petite Vienne ». Mais en même temps il combat dans les milices du POUM en Andalousie. Lors de la Retirada lui sera interné au camp de Septfonds en septembre 1939. Plus tard en Lozère, il dirige l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban où il développe sa pratique de la lutte contre l’aliénation sociale et les thèses de Lacan. C’est aussi un lieu de résistance. Il contribue à la formation de Frantz Fanon (voir notre précédent article).

Ces hommes Bartoli, Tosquelles allient leur soif de culture et leur idéal révolutionnaire. Et ce n’est pas par hasard que Bartoli se retrouve au Mexique au sein du groupe Frida Kahlo, Rivera, Vlady, le fils de Victor Serge, qui signe à la place de Trotsky, avec André Breton,  le Manifeste pour un art révolutionnaire. Pourquoi ? Parce que c’est le règne du « réalisme socialiste » entendons, stalinien et que pour reprendre l’expression de Victor Serge « il est minuit dans le siècle ».

Bartoli, Tosquelles, Orwell, Victor Serge, Benjamin Perret, le plus entêté, le plus fidèle, après Breton au surréalisme. Le plus intransigeant aussi. En désaccord avec la direction du POUM, et de la CNT il préféra se battre et rejoindre la colonne Durruti, dans le bataillon Makhno.

L’art, la science, l’esprit au service de l’idéal révolutionnaire, on est forcément très loin du franquisme et du stalinisme et après la guerre du ronron social-démocrate qui va couvrir les camps qu’il a ouvert en 1939 d’Argelès, de Septfonds, d’Agde, du Vernet…

La répressoin contre le POUM, c’est aussi la défaite de la CNT, la contre-révolution voulue par Staline, souhaitée par les républicains de droite

Orwell, engagé dans les combats sur le front d’Aragon, dans une colonne du POUM, après sa blessure découvre après les combats qu’ont menés vainement les comités d’ouvriers sur les barricades, le 4 mai 1937 pour défendre la téléfonica contre les gardes d’assaut gouvernementaux, les communistes et les membres du PSUC encadrés par les agents de Staline, concrètement : le reflux de l’esprit révolutionnaire. Les femmes désormais ne portaient plus de fusils, écrit Orwell dans Hommage à la Catalogne, elle sont redevenues cantinières ou infirmières.

Fred Zeller, un moment secrétaire de Trotsky, et qui deviendra grand-maître du Grand Orient de France écrit : « Partout la révolution sociale accompagne la guerre civile. Pour écraser le fascisme, les travailleurs s’emparent des terres, des usines et les font marcher après avoir chassé les capitalistes et face au vieil état bourgeois, construisent leur propre état ouvrier » et il pose la question suivante « Quel était le programme politique de Staline-Négrin pour l’Espagne sinon restaurer la société capitaliste en torpillant la révolution ».

Alors bien sûr, ceux qui ne se plieront pas aux plans de Staline seront pourchassés et exterminés, ceux du POUM, de la CNT, de la FAI. Les comités ouvriers qui se sont spontanément créés dès le 19 juillet1936 doivent être démantelés, les terres et les usines collectivisées restituées dans le respect de la propriété privée.

Cette stratégie était dénoncée dans le journal du POUM, La Batalla, le 15 novembre 1936 qui résume l’option de Moscou « ce qui intéresse vraiment Staline ce n’est pas le sort du prolétariat espagnol ou international, c’est la défense de son propre pouvoir, suivant la politique des pactes conclus par des États face à d’autres États et d’ailleurs le parti communiste espagnol, après avoir proclamé en mars 1936 ’’qu’il fallait lutter pour un gouvernement ouvrier et paysan, s’appuyant sur les alliances ouvrières et paysannes’’, déclare en juin que son seul but est ‘’ la défense de l’ordre républicain dans le respect de la propriété’’ ».

Staline, après s’être rallié dans un premier temps à la non-intervention de Paris et de Londres, comprend qu’une telle politique laisse le champ libre aux communistes anti-staliniens du POUM et aux anarchistes, et surtout à la révolution dont il ne veut à aucun prix.

Le PCE est pratiquement inexistant. Il lui faut démontrer qu’il maîtrise le prolétariat espagnol. L’envoi d’armes en quantité et qualité dérisoire, contre le rapt des neuf dixièmes des réserves d’or espagnol (l’Espagne possède à ce moment-là le tiers des réserves mondiales) doivent lui procurer la sympathie du camp républicain complètement démuni.

Cette stratégie implique la mainmise sur les rouages de l’État, et sur les Brigades Internationales qui se sont formées spontanément et qu’il doit diriger. Marty entre autres sera à la hauteur de la tâche que contrôlent les agents envoyés par Staline. Il gagnera le surnom de « boucher d’Albacete ». Les talents d’oratrice de la Pasionaria permettront de s’approprier une des plus belles des pages de la solidarité ouvrière et démocratique, la lutte héroïque en particulier des brigades dans la défense de Madrid.

Devant la réaction ouvrière et paysanne, les collectivisations, les premiers soviétiques engagés, pourraient espérer  « un octobre espagnol ». Ils seront perçus comme d’éventuels opposants à Moscou au moment où se multiplient les grands procès. Rappelés, ils seront fusillés.

Une politique qui convient à la bourgeoisie républicaine, aux sociaux-démocrates anglais et française

Marceau Pivert propose à Blum de libérer Abd-el-Krim, assigné à résidence en France, pour soulever le Maroc espagnol, Blum refuse. David Rousset fait la même proposition au gouvernement espagnol et à Compagnys président de la généralité catalane. C’était la défaite assurée de Franco en le prenant en tenaille. Il reçoit la même réponse. Un tel soulèvement, serait insupportable aux Anglais, ce serait un signal pour les colonies.

La stratégie de Staline ne peut que trouver un écho favorable chez la bourgeoisie républicaine, prête à s’offrir, c’est ce que fera Négrin qui exigera la condamnation des dirigeants du POUM après les évènements du 4 mai à Barcelone, tandis que les magistrats hésitent et que des milliers de ses militants sont au front.

Staline n’a-t-il pas déjà déclaré le 20 mars 1937, à la veille de l’attaque de la téléfonica  et de la persécution des militants du POUM :  « Il faut dire au peuple et au monde entier : le peuple espagnol, n’est pas en état d’accomplir la révolution prolétarienne. La situation intérieure et surtout internationale n’est pas favorable. » ?

Pourtant les collectivisations, au Levant, en Aragon, en Catalogne, sont un succès total sur le plan économique, et commercial. Productions et échanges sont supérieurs à ceux d’avant-guerre. Partout le pouvoir échappe au contrôle d’un parti ou d’un syndicat institué, partout la démocratie est directe. Dans les milices les officiers sont élus.

À partir de mai 1937, la répression va prendre les formes voulues par les envoyés de Staline. Andreu Nin est enlevé par les tueurs d’Orlov. A la question des militants du POUM, placardée sur les murs : A donde esta Nin, la réponse des agents du Kominterm est « A Salamanca o à Berlin ». La torture doit obtenir que Nin dise qu’il est un agent nazi, selon la pratique employée contre Zinoviev et Kamenev, pour justifier une répression totale et rapide du POUM.

Les mêmes calomnies qui pourvoient le goulag sont désormais ouvertement à l’œuvre en Espagne

Quant aux collectivités, elles doivent résister aux assauts des agents gouvernementaux, et des responsables du parti communiste. C’est le cas en Aragon où le général communiste Lister n’a de cesse de restituer les terres et les fabriques aux anciens propriétaires.

L’aliance Négrin-Staline peut enfin répondre totalement à ce que demandait Santiago Carillo dès janvier 1937 quand le POUM fut écarté du gouvernement de la généralité en Catalogne : « les revendications révolutionnaires et socialistes constituent un obstacle pour l’unité de toute la jeunesse, les dirigeants du POUM sont des agents de Franco et de Mola. Il faut s’orienter vers la création d’une alliance nationale de la jeunesse espagnole, sans distinction de classe ni d’opinion. »

Lors de la formation du gouvernement Négrin, Le Temps indique la réelle signification de la chute du socialiste Largo Caballero au profit de Négrin et du bloc stalino-bourgeois : « le gouvernement de Valence (donc officiel) a atteint le point où il doit prendre une décision. Il ne peut plus longtemps demeurer dans l’ambiguïté dans laquelle, il s’est tenu jusqu’ici. Il doit choisir entre la démocratie et la dictature du prolétariat. Entre l’ordre et l’anarchie. »

Bibliographie

George Orwell, de la guerre civile espagnole à 1984, Louis GIl.

Ma guerre d’espagne à moi, Mika Etchebehere (seule femme commandant de milices, elle est du POUM).

Les fils de la nuit, Antoine Gimenez, Libertalia, collect. les « gimenologues ».

Ma guerre d’espagne, Les brigades internationales, Sygmund Stein, Seuil (la mainmise sur les brigades par les staliniens et le GPU).

Bien sur G. Orwell qui fut dans les brigades : Hommage à la Catalogne et le film de Ken Loach qui s’en est inspiré Land and Freedom.

La révolution et la guerre d’Espagne, Pierre Broué et Emile Témine, 1961, Editions de Minuit.

Histoire du POUM, Victor Alba, 1975, Champ libre (réedition IVREA).

La guerre d’Espagne : république et révolution en Catalogne, F. Godicheau.

Le POUM, Révolution dans la guerre d’Espagne, Wilebaldo Solano, Syllepses.

Un témoignage : Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste, Cipriano Mera, les Coquelicots.

Les mouvements d’émancipation nationale, Andreu Nin, Syros.

Le temps des hommes, Julien Blanc (roman autbiographique sur l’engagement de l’immense écrivain, au côté de la république).

Et un formidable roman historique, meilleure vente, plusieurs mois en Espagne en 2015 de Padura qui dévoile le parcours de Mercader l’assassin de Trotsky, organisé par le GPU en Espagne dès 1936 : L’homme qui aimait les chiens.

Association 24 aout 1944 : https://www.24-aout-1944.org/L-association-24-aout-1944

Les cahiers du CTDEE, centre toulousain de documentation sur l’exil espagnol, treize numéros parus.

Les camps sur la plage, un exil espagnol, Geneviève Dreyfus-Armand, Emile Témine, Autrement.

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Intervention de Pierre Caillaud-Croizat, petit-fils d'Ambroise Croizat lors de la pose d'une plaque d'Ambroise Croizat place de la Liberté à Saint-Étienne le 2 octobre 2020

par Pierre Caillaurd-Croizat

 

Je voulais adresser mes remerciements aux organisateurs de cette initiative pour leur invitation.

Je suis heureux de participer à la commémoration de l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui fait suite aux recommandations du CNR dans son programme « Les Jours Heureux », et qui fut une étape importante dans la mise en place de cette Sécu à laquelle nous sommes tous tellement attachés, et qui a changé le visage de notre de notre pays.

C’est sans nul doute le plus bel héritage social du XXe siècle, grâce auquel rien ne sera plus comme avant et pour reprendre une formule de Croizat « mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin. En finir avec les angoisses du lendemain, avec la souffrance, le rejet et l’exclusion ».

C’est pour ma part la première fois que je découvre physiquement l’ENSS. Je ne puis m’empêcher de me rappeler cette scène dans le film La Sociale et l’étonnement de Jolfred Fragonara devant l’amphithéâtre Pierre Laroque, quand il demande quelle référence est faite à Ambroise Croizat dans l’établissement. Et le plus drôle, quand on remarque l’embarras de la personne qui l’accompagne pour lui en faire la visite.

Que Pierre Laroque soit honoré dans cette enceinte me paraît tout à fait dans l’ordre des choses. Qui mieux que lui représente cette conscience de l’Administration, et par la part importante qu’il a prise dans l’édification de l’honorable institution, rien de plus normal qu’il apparaisse comme une figure des plus représentatives.

Mais comme chacun le sait, la construction d’un tel édifice ne repose pas seulement sur un exploit de la Haute Administration. L’esprit de ce type de réalisation est une projection éminemment politique, qui s’inspire d’un modèle de fonctionnement à construire, afin d’en réduire les inégalités, protéger les populations des aléas de la vie, mettre Voir l’interview de Liliane Croizat, fille d’Ambroise Croizat et mère de Pierre Caillaud-Croizat et lire ses Souvenirs (brochure réalisée par l’Institut d’histoire sociale de la CGT métallurgie).à l’abri des accidents et des incertitudes du lendemain.

Ces considérations ne sont bien entendu pas étrangères aux représentants de l’administration. Mais de fait, le mieux placé pour incarner ces valeurs, défendre le projet et impulser l’énergie qui permettra à cette institution de voir le jour, c’est sans conteste le ministre à qui on a confié la tâche de conduire cet énorme chantier.

Un autre point sur lequel je voulais m’exprimer est la manière et la rapidité qui ont permis à ce projet d’aboutir. Car là encore, un élément déterminant a accompagné la réalisation de cette entreprise.

C’est la façon dont les masses se sont appropriées ce projet encore en gestation le 4 octobre 1945. Tous ces anonymes qui sur leur temps libre ont apporté leur concours à l’avancement de la construction des bâtiments qui allaient accueillir les futurs locaux de la sécu, ou comme l’explique Jolfred Fragonara dans La Sociale, ces permanents syndicaux qui ne comptaient pas leurs heures pour établir les fichiers des futurs assurés sociaux. Cet enthousiasme et cette implication ont pris de cours ceux qui ne voyaient pas d’un très bon œil ces nouveaux conquis sociaux et ont permis l’édification de l’institution et son fonctionnement en un temps record.

Cette singularité est une grande victoire du monde militant. Et là encore, le personnage emblématique qui le représente le mieux, c’est évidemment Ambroise Croizat, le métallo qui entre à l’usine à l’âge de 13 ans, qui consacrera sa vie à défendre les droits des travailleurs, dans lequel ceux-ci ont confiance et se reconnaissent.

Dans cet établissement chargé de former les futurs cadres de l’institution, ne pas trouver trace du rôle tenu par Croizat me laisse pantois. Car dans les fonctions que ces cadres vont être amenés à exercer, être imprégné et pénétré de ces valeurs humanistes et émancipatrices ne me semblent ni superflu ni accessoire.

C’est au contraire un point d’appui pour apprécier dans sa globalité l’importance et le rôle majeur de l’institution, dans l’esprit du vivre ensemble, ciment de la cohésion de notre pays.

Les améliorations de bien-être et de dignité qui découlent de cette réalisation sont révélatrices du degré de civilisation de la société dans laquelle nous vivons et sont devenues le socle de notre modèle social.

Je ne doute pas que nous nous retrouverons rapidement pour l’inauguration d’une plaque définitive en l’honneur de Croizat sur le bâtiment de l’ENSS, alors je vous dis à bientôt et je vous remercie pour votre accueil.

Pour en savoir plus sur Ambroise Croizat :

Voir l’interview de Liliane Croizat, fille d’Ambroise Croizat et mère de Pierre Caillaud-Croizat et lire ses Souvenirs (brochure réalisée par l’Institut d’histoire sociale de la CGT métallurgie).

Protection sociale
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Déclaration des Administrateurs-trices CGT dans les caisses nationales de Sécurité sociale sur le PLFSS 2021

par La CGT

 

Face à la crise sanitaire historique que nous connaissons, on pouvait légitimement attendre que ce PLFSS engage une véritable stratégie de rupture à la mesure des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés.

Mais, sans grande surprise, nous sommes une fois de plus face à un Gouvernement irresponsable qui nous livre un PLFSS qui s’inscrit dans la continuité des politiques menées depuis de nombreuses années qui ont conduit à la catastrophe sanitaire que nous connaissons avec pour conséquence une crise économique et sociale désastreuse pour l’ensemble de la population..

Comme l’écrivait le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie dans un rapport et un avis adoptés en juin dernier : « la crise sanitaire actuelle a montré les limites des dispositifs d’anticipation des situations exceptionnelles en France. […]. Il paraît certes difficile de prévoir tous les scénarios catastrophes, mais le scénario dans lequel nous sommes était, lui, prévisible et d’ailleurs prévu. »

Ce PLFSS s’inscrit dans une politique libérale où le système de Sécurité sociale n’a plus pour objectif de répondre aux besoins de tous. Le Gouvernement, à travers ce PLFSS, pose toutes les fondations d’un système à l’anglo-saxonne géré et financé par l’État, qui octroie un minimum pour les plus précaires et qui pousse la grande majorité vers le système assurantiel et la capitalisation.

Pour l’essentiel, on continue en effet comme avant : le PLFSS prévoit ainsi de réaliser 4 milliards d’euros d’économies, dénommées mesures de régulation.

Ces mesures d’austérité sont formulées exactement dans les mêmes termes que dans tous les PLFSS précédents depuis de nombreuses années : structuration de l’offre de soins, pertinence et qualité des soins en ville, amélioration la performance interne des établissements de santé…

Quant aux mesures concernant le médicament, aucune régulation du marché n’est prévue et l’industrie pharmaceutique peut continuer à engendrer des profits monstres financés par la Sécurité sociale, à l’instar de Sanofi qui a distribué 4 milliards d’euros de dividendes en 2020.

Alors que le nombre de malades atteints par le Covid-19 augmente, le système de santé et plus particulièrement l’hôpital, n’a pas la capacité d’assurer pleinement ses missions par manque de moyens.

En effet, le manque de personnels et par conséquent de lits ouverts ne permet pas d’assurer à la fois la prise en charge des patients habituels et ceux atteints par le Coronavirus.

Le Ségur de la santé, qui occupe une part importante de ce PLFSS, n’a répondu ni aux attentes des salariés ni aux besoins de la population en termes de réponse aux besoins.

Le PLFSS acte ainsi une augmentation de 180 € par mois en plusieurs phases, ce qui est en deçà de la revendication des personnels, et est loin de rattraper les années de rigueur salariale et encore moins la moyenne des salaires des pays européens. La première revendication des salariés qui était l’embauche massive des personnels ne trouve aucune réponse dans ce PLFSS.

Au contraire, 3400 lits ont été fermés en 2019, et les fermetures se poursuivent dans de nombreux hôpitaux malgré la crise.

Le PLFSS confirme la reprise par la CADES d’un tiers de la dette des hôpitaux actée par la loi du 7 août 2020, ce qui aboutit à transférer à la Sécurité sociale une dette de 13 milliards d’euros, dont le remboursement sera financé par les assurés sociaux à travers la CRDS, alors qu’il s’agit d’une dette de l’État.

Cela permettra, selon le PLFSS, de financer un même montant d’investissements, mais ces investissements seront apportés par les ARS, sous réserve que les hôpitaux passent sous les fourches caudines des plans de qualité et d’efficience édictés par ces dernières, soit en clair une austérité renforcée.

En outre, ce PLFSS comporte une mesure particulièrement scandaleuse : la taxation des assurés sociaux passés par les urgences sans que ce passage débouche sur une hospitalisation.

Or de nombreux soins réalisés aux urgences ne nécessitent pas d’hospitalisation, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas urgents et sérieux. Ce recours aux urgences témoigne et compense en premier lieu de la déficience de la permanence des soins. Le fait de faire payer les soins aux urgences risque d’encore aggraver la renonciation des soins indispensables notamment des assurés les plus fragiles. Le gouvernement doit renoncer à ce projet scandaleux.

Ainsi que le gouvernement l’avait annoncé, le PLFSS engage la création d’une 5ème branche dédiée à la perte d’autonomie, en individualisant les financements alloués à la CNSA.

Cela confirme les craintes déjà exprimées par la CGT. D’une part, aucun financement nouveau n’est dégagé. On opère simplement un transfert de ressources provenant pour l’essentiel de la branche maladie. D’autre part, le fait que ce financement repose à 90 % sur la CSG confirme la logique d’étatisation de cette 5ème branche, dont la gestion sera également étatisée via la CNSA, et dont la « gouvernance » ne repose en rien sur la démocratie sociale qui fonde la gestion de la Sécurité sociale.

Surtout, cette 5ème branche consiste à séparer ce qui relève de la santé et ce qui relève du handicap, alors que ceux-ci sont inséparables.

Pour la CGT, le droit à l’autonomie doit être pris en charge au titre de la maladie dans le cadre de la Sécurité sociale avec un financement par la cotisation sociale.

Le 3ème axe majeur de ce PLFSS concerne la branche famille.

La faible augmentation des dépenses programmées à venir laisse augurer un maintien voire une aggravation de la politique d’austérité afin de financer les nouvelles mesures prévues et l’augmentation des prestations pour les allocataires plus nombreux et plus démunis à cause de la crise sanitaire.

La principale nouveauté consiste en l’allongement du congé paternité, le faisant passer de 11 à 25 jours calendaires auxquels viennent s’ajouter les 3 jours de congés de naissance.

Cette décision est une première étape vers une revendication portée de longue date par la CGT. Cette timide avancée ne permet pas de rétablir une égalité entre les femmes et les hommes, ni d’améliorer le bien-être de notre société, loin de là.

Le transfert de l’allocation d’éducation des enfants handicapés ne nous paraît pas une bonne chose dans la mesure où nous sommes opposés à la création de cette branche.

Enfin, le 4ème sujet concerne le financement. La Sécurité sociale connaîtra un déficit inédit, actuellement évalué à 45 milliards d’euros en 2020, et à 20 milliards d’euros les années suivantes. Cette situation tient fondamentalement à la chute des recettes liées à une récession d’une ampleur inédite, et comporte pour les années à venir de fortes incertitudes.

Pour financer ce déficit, le gouvernement prévoit de mettre à contribution les organismes de protection sociale complémentaire (mutuelles, institutions de prévoyance, assurance santé) en les taxant à hauteur d’1,5 milliard d’euros. Cette mesure n’est pas totalement illogique dès lors qu’ils ont continué à prélever des cotisations alors que leurs dépenses ont beaucoup baissé du fait de la crise. Cependant cela implique que ce prélèvement ne soit pas répercuté sur les cotisations des assurés. Pourquoi taxer seulement les organismes de protection sociale complémentaire, alors que les autres assureurs (auto et habitation notamment) ont-elles-aussi vu leurs dépenses diminuer fortement ?

C’est cette situation qui a conduit à transférer 136 milliards d’euros de dette de l’ACOSS vers la CADES et à prolonger la durée de vie de cette dernière.

Ce transfert aboutit à faire financer cette dette exclusivement par les salariés et les retraités, via la CSG et la CRDS, tout en exonérant de toute contribution les entreprises, qui dans le même temps vont bénéficier de 20 milliards d’euros de réductions d’impôts. C’est inacceptable.

Et aucun bilan n’est tiré sur l’impact des 80 à 90 milliards d’euros d’exonérations et exemptions de Sécurité sociale, et en particulier de la transformation du CICE en baisses de cotisations patronales, alors que France stratégie vient de pointer le faible effet de la création du CICE en termes de créations d’emplois.

Au moment où le gouvernement confirme sa politique de cadeaux aux entreprises au nom du dogme de l’économie de l’offre, l’accent est mis dans le dossier de presse présentant le PLFSS sur la nécessité « de rétablir la soutenabilité financière de la Sécurité sociale », en limitant la hausse des dépenses.

S’il est frappant de constater que ce projet ne comporte pas un mot sur dossier des retraites, nous sommes particulièrement inquiets des récentes déclarations du ministre Bruno Le Maire qui a récemment déclaré que ce retour à l’équilibre passait par la réforme des retraites. Rappelons que le Premier ministre a réclamé un rapport au COR sur les perspectives financières des retraites, rapport qui doit être adopté mi-octobre.

Oui cette crise inédite suppose bien une rupture, à l’opposé des orientations de ce PLFSS.

Pour la CGT, cela passe par la construction d’une Sécurité sociale du 21ème siècle (dans la continuité des principes de solidarité mis en place, il y a tout juste 75 ans), une Sécurité sociale intégrale qui fasse face à l’ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés, et qui reste fondée sur le travail et financés par la cotisation sociale assise sur le salaire socialisé.

La CGT émet un avis défavorable à ce PLFSS.



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