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Remettre le combat social au cœur du combat laïque

par Jean-Louis Bothurel

 

La laïcité byzantine

A défaut de croire aux anges, les militants laïques se passionnent parfois pour leur sexe. On en a eu une triste illustration en 2019, où pendant d’interminables semaines, des esprits qu’on avait connu plus aiguisés se perdirent en arguties pseudo-étymologiques pour savoir si telle ou telle « phobie » existe ou non, s’il s’agit d’une peur, d’une « critique » (bien que personne n’ait jamais présenté l’arachnophobie comme une « critique des araignées »…), si l’on peut définir une personne par sa religion (comme si ce n’était pas le propre d’une religion révélée promettant salut ou damnation que de vouloir définir la personne par sa foi), voire si l’on peut caractériser comme un « droit » quelque chose dont on nie par ailleurs l’existence, sans doute dans un hommage involontaire à Ionesco : « Et la cantatrice chauve ? Elle se coiffe toujours de la même façon… »

Bis repetita placent : depuis quelques mois, une partie des milieux militants engagés en faveur de la laïcité se perdent en controverses exégétiques stériles sur le sens du concept présidentiel de « séparatisme », dont la seule chose pertinente à en dire est justement qu’il s’agit d’un concept opportuniste utilisé comme appeau, afin d’attirer l’attention d’oreilles trop peu vigilantes. Tel est bien le problème de ces polémiques dans lesquelles certains d’entre nous se lancent : elles sont toujours lancées par nos adversaires, et ne servent qu’eux. En particulier, elles mettent un point d’honneur à se placer au niveau de principes anhistoriques, ultra-généraux, à la fois intuitifs et flous, caractéristiques en cela d’un usage pseudo-scientifique des concepts. Il est difficile de ne pas penser, en écoutant le président de la République se goberger de sa dernière trouvaille terminologique, à la formule de Gilles Deleuze à propos des Nouveaux Philosophes des années 1970, fiers de leurs « concepts gros comme des dents creuses ».

Macron ou le réparatisme

Jouons donc à notre tour et baptisons « réparatisme » la doctrine cultuelle du président de la République (en hommage à sa précédente intuition fondamentale en la matière, en avril 2018, devant la Conférence des Évêques de France : « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer ». Le réparatisme n’est rien d’autre qu’une nostalgie du système concordataire napoléonien, qui dans le cas des religions minoritaires de l’époque (mais aussi de la Franc-Maçonnerie) a pris la forme de la désignation par le pouvoir central d’intercesseurs patentés et de bureaucraties cultuelles bénéficiant des largesses de l’État pour veiller à ce que leurs ouailles filent droit.

Emmanuel Macron n’a pas annoncé autre chose aux Mureaux début octobre, à grands renforts d’aide à la structuration de l’islam, de formation nationale des imams, d’institut étatique d’islamologie, autant de mesures à double tranchant, promettant des prébendes à une future bourgeoisie communautaire discrètement réactionnaire, et les foudres de la police à tout ce qui sortirait de cette tranquille cogestion sur le dos de classes populaires assimilées à un lumpenproletariat qu’on mène à la baguette ou qu’on achète à coups de subventions. 60 ans après la loi Debré qui organise le détournement de l’argent public au bénéfice de l’enseignement privé, l’interdiction de la scolarisation à la maison, quand elle se double d’un laxisme redoublé dans le contrôle des établissements privés confessionnels, va sonner l’heure de généreuses subventions à destination d’un enseignement ségrégué pour les enfants de familles musulmanes qui en auront les moyens. On vous parle de séparatisme, et vous aurez la ségrégation.

On n’insistera pas sur l’échec programmé d’un tel projet s’agissant de l’islam sunnite, dont le modèle religieux n’est pas sans rappeler certains courants de l’évangélisme anglo-saxon, avec sa double insistance sur le caractère strictement intérieur de la foi et sur le zèle à montrer publiquement l’ardeur de cette foi, en redoublant de conformisme. Dans tous les cas, ces deux courants religieux partagent une méfiance innée vis-à-vis des bureaucraties cultuelles, qui ne sera que renforcée par l’effet repoussoir du label gouvernemental, dans un contexte de discriminations persistantes et de provocations liberticides régulières par le ministre de l’Intérieur et celui de l’Éducation Nationale. Parler de « sursaut laïque » après l’attentat de Conflans en faisant abstraction de ces données et, pour le dire très clairement, de la situation politique de la lutte des classes en France, c’est effectivement disserter sur le meilleur coiffeur possible pour une cantatrice chauve.

Éléments de diagnostic

Quelques faits doivent donc être rappelés : l’islam est une religion numériquement ultra minoritaire en France, et si l’on tient compte des tendances à la déconfessionnalisation progressive de génération en génération, ainsi que des dynamiques démographiques de divers groupes sociaux et religieux, rien ne permet sérieusement d’affirmer que cette situation ultra-minoritaire puisse changer. L’agenda des fondamentalistes n’est pas un agenda de « conquête » comme l’ont affirmé certains après l’assassinat de Conflans, mais un agenda d’hégémonie interne, de mainmise sur les corps et les esprits des musulmans, des musulmanes et de leurs enfants. Le désastre politique, urbanistique et social savamment organisé qui a débouché sur la création de ghettos est une aubaine pour les tenants de ce programme d’oppression, et la politique du gouvernement ne fait que servir leurs intérêts. Soyons un peu cyniques : la terreur, de ce point de vue, relève pour partie de l’accident industriel (lorsqu’elle est l’acte d’un déséquilibré isolé), pour partie de l’intimidation ciblée des dernières interfaces reliant le ghetto à la collectivité civique : l’école publique, laïque et gratuite ; certains médias ; les services publics de proximité. Là encore, pour qui entend défendre une perspective d’émancipation collective, il est indispensable de relever que la politique de sabotage menée par le gouvernement contre ces interfaces est au minimum totalement irresponsable. C’est particulièrement vrai pour l’école, et ReSPUBLICA s’en est déjà fait l’écho.

La seule solution laïque, c’est le socialisme

La solution ne consiste pas à mettre la main sur le cœur pour prononcer un discours sur « l’école qui émancipe » avec des trémolos dans la voix. Elle consiste à construire de nouvelles écoles publiques ; à pré recruter et à former de vastes cohortes de futurs enseignants dès le début de la licence à l’université ; à créer par conséquent de nouveaux pôles universitaires, loin des agglomérations et dotés de vastes cités étudiantes, pour en finir avec l’assignation à résidence sociale et géographique de la jeunesse des classes populaires ; il convient en outre de revaloriser les salaires, les carrières et les statuts des enseignants ; de leur accorder toutes les garanties nécessaires de protection en cas de conflit, ce que n’a pas fait l’institution dans le cas de M. Samuel Paty. Elle consiste, bien sûr, à lancer une politique d’éducation populaire et culturelle émancipatrice largement financée.

Mais l’éducation ne peut pas tout. Nous ne sortirons pas de la dynamique meurtrière où nous sommes engagés sans un programme de lutte efficace contre le racisme et le sexisme, y compris et surtout quand il est le fait d’agents de l’État. Là encore, ReSPUBLICA s’est fait l’écho de ces questions ces derniers mois, s’agissant notamment de la police, qu’il est maintenant urgent de re-républicaniser. Enfin, et c’est bien le reproche central que l’on peut faire à l’angélologie laïque où s’abandonnent certains, seule l’émancipation sociale et économique, doublée d’une bifurcation écologique, rouvrira à toute la population de ce pays la perspective d’un avenir partagé qui ne se fasse pas sous le signe de l’effondrement. Moins que jamais, le combat laïque ne saurait être séparé du combat social.

La patrimonialisation de la référence à 1905 par une partie de la bourgeoisie conservatrice est un fait ; c’est aussi une menace. Il est de notre devoir de républicains socialistes de rappeler la force proprement révolutionnaire du mot d’ordre laïque, qui n’est justement pas un patrimoine, mais une promesse qui attend encore sa pleine réalisation. Le combat laïque est indissociable de la lutte des classes, et l’attentat de Conflans est une nouvelle occasion de se rappeler le mot d’ordre de Rosa Luxemburg dans un autre contexte : Socialisme ou barbarie. Plus près de notre sujet, on peut citer ici sa formule de 1902 :

La religiosité des masses ne disparaîtra complètement qu’avec la société actuelle, quand l’homme, au lieu d’être dominé par le procès social, le dominera et le dirigera consciemment.

Faire entendre la parole laïque socialiste

A contrario, le cœur du projet « réparatiste » est bien de faire à nouveau résonner « la vieille chanson qui berce la misère humaine » aux oreilles de tout un peuple, dans mille langues et avec mille théologies s’il le faut, en s’appuyant à chaque fois sur des bourgeoisies sectorielles. Le mot d’ordre de cette Sainte-Alliance, c’est d’obtenir le libre consentement des opprimés à leur assignation à résidence sexuelle, religieuse, ethnique, économique, géographique, en un mot : sociale, mieux : leur participation active à la construction de leur propre oppression, et leur engagement à surveiller et à réprimer leurs voisins. Voilà le pacte que le Capital est prêt à nouer avec l’obscurantisme ; tout juste entend-il simplement choisir ses intercesseurs, sans en avoir les moyens, tandis que pour le dire de façon délibérément cynique, ceux qui tirent les marrons du feu jusqu’à présent sont tout de même trop infréquentables : on veut bien de ça chez nos partenaires commerciaux, mais quand même pas chez nous. Le reste est une valse des hypocrites. Rosa Luxemburg, à nouveau :

Pour les partis bourgeois, la lutte contre l’Église n’est donc pas un moyen, mais une fin en soi ; on la mène de façon à n’atteindre jamais le but ; on compte l’éterniser et en faire une institution permanente. […] L’anticléricalisme bourgeois aboutit à consolider le pouvoir de l’Église.

Nous n’avons pas à arbitrer un conflit entre loups, ni à nous soumettre aux termes d’un des deux camps, fût-il moins directement menaçant pour les mauvais sujets et autres apostats que nous sommes. Nous ne serons pas les idiots utiles de cette guerre à laquelle le prolétariat perdra toujours, et nous ne nous laisserons pas hameçonner plus longtemps. Il est temps de reprendre le combat idéologique et de faire à nouveau exister, dans les milieux associatifs, syndicaux et politiques, et de là dans tout le bloc social des travailleurs et producteurs, la parole spécifique du socialisme laïque, qui ne doit jamais se confondre avec celle du républicanisme conservateur, ni reculer d’un pouce sur l’exigence collective de la promotion du libre examen et de l’esprit critique. Terminons en retrouvant les mots de Rosa Luxemburg, cette fois dans un texte de 1905 :

Pour cette raison, entre le clergé qui veut pérenniser éternellement la misère et l’oppression du peuple et les sociaux-démocrates qui apportent au peuple l’évangile de l’émancipation, il fallait qu’éclate un combat mortel, comme celui qui oppose la nuit noire au soleil qui se lève. Les ombres de la nuit ne s’effacent que contre leur gré et à grand-peine devant l’aurore rougeoyante et de même, les chauves-souris calotines entendent voiler le visage du peuple sous le noir des soutanes, pour empêcher les yeux du peuple d’apercevoir la lumière de l’émancipation socialiste qui se lève à l’horizon.

Références aux textes de Rosa Luxemburg

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Entre régime représentatif et démocratie : il faut choisir

par Enguerrand Delion

 

« Nos régimes sont dits démocratiques parce qu’ils sont consacrés par les urnes. Mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement » écrit le sociologue Pierre Rosanvallon pour débuter son ouvrage intitulé Le bon gouvernement. La répression policière subie par les gilets jaunes et la multiplication des mesures limitatives de nos libertés – adoptées pour limiter la propagation de la Covid – pourrait laisser penser que cette citation est particulièrement d’actualité. En réalité, il n’en est rien : si nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement, cela ne tient pas à la personnalité de nos dirigeants, mais au simple fait que nous ne sommes pas en démocratie.

 

La Ve République n’est pas une démocratie

Écrire que la Ve République française n’est pas une démocratie pourrait sembler être un jugement de valeur : il n’en est rien. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les intellectuels et les populations connaissaient une distinction que nous avons depuis oublié : la démocratie et le régime représentatif sont deux régimes différents. D’un côté, « la démocratie est l’identité des gouvernés et des gouvernants » (Hans Kelsen dans La démocratie, sa nature, sa valeur) alors que le régime représentatif est celui où les gouvernants sont autonomes des gouvernés, mais sont censés les représenter. Ainsi, dans une démocratie, les gouvernés et les gouvernants ne sont qu’une seule et même entité : soit parce que la démocratie est directe (une assemblée regroupe l’ensemble des citoyens de l’État comme à Athènes) soit parce que la démocratie est indirecte (les gouvernants ne peuvent prendre des décisions contre l’avis des gouvernés).

Dès lors, démocratie indirecte et régime représentatif ne recouvrent pas la même notion. Aristote dans Les politiques écrit, par exemple, qu’un régime est démocratique si les mandats sont courts (un à deux ans), s’ils sont tournants (pas de cumul de mandat possible dans l’espace ou dans le temps), si les citoyens peuvent proposer eux-mêmes des lois et si – une partie au moins – des mandats politiques sont attribués par le tirage au sort. Or, aucune de ces caractéristiques ne se retrouvent dans Constitution ou la pratique de la Ve République : les mandats peuvent durer jusqu’à 6 ans (exécutifs locaux et sénateurs), peuvent être cumulés dans le temps (on peut être député pendant 40 ans) et partiellement dans l’espace (on peut être conseiller départemental et député par exemple) et les référendums d’initiative citoyenne et les propositions de lois citoyennes n’existent pas. En effet, le référendum d’initiative partagé nécessite une intervention des parlementaires sans laquelle ils ne peuvent aboutir. De même, le référendum simple de l’article 11 de la Constitution est un instrument entièrement à la main du président de la République : c’est lui qui décide de la question et il peut aussi refuser la réponse des citoyens à l’instar du non des Français lors du référendum sur le projet de Constitution européenne. Enfin, l’usage du tirage au sort n’existe pas dans la vie politique française (ou alors seulement pour nommer une assemblée sans pouvoir comme le Conseil Écologique citoyen).

La France est donc, pour reprendre Montesquieu (L’esprit des lois), un régime où les citoyens sont libres politiquement une fois par quinquennat (le jour du vote, voire deux si on compte les deux tours) et esclave pendant les 4 années, 11 mois et 364 jours restants. Cicéron écrit ainsi, dans La République, qu’une démocratie n’est pas un régime où « [les citoyens] déposent, en effet, leurs suffrages, […] confient à ceux-ci ou à ceux-là les commandements militaires et civiles […], mais […] ne prennent, en effet, aucune part au pouvoir suprême [ni] au Sénat ». C’est donc logiquement que le consentement ne peut légitimer la servitude : le droit occidental protège l’Homme de l’esclavage, même dans le cas où celui-ci serait préalablement favorable à sa déchéance à la condition d’esclave. C’est pourquoi, à l’instar de Jean-Jacques Rousseau (Le contrat social), il me semble que la servitude ne peut jamais être réellement volontaire : la démocratie ne s’accommode pas de cette notion « d’esclaves volontaires » (Cicéron, La République). Au contraire, la liberté démocratique est la possibilité de décider des causes de ses actes et de ses actes eux-mêmes (Spinoza, Traité politique) : n’est pas libre celui qui décide de se relever, mais qui n’a pas choisi de tomber.

De plus, le vote ne peut pas être considéré comme un instrument démocratique s’il est utilisé seul. En effet, le vote est « par essence un instrument aristocratique » (Montesquieu, L’esprit des lois) dans le sens où il ne fait pas émerger un citoyen normal, mais un être politique détaché du corps social : le vote est aristocratique (aristocratie, du grec « aristokratia », qui signifie « gouvernement des meilleurs ») puisqu’il sanctionne des qualités personnelles (charisme, beauté, intelligence…) au lieu de sélectionner un « homoioi » (littéralement « un homme semblable aux autres citoyens » en grec). A l’inverse, l’élection peut être utilisée dans des régimes non-démocratiques : dans les régimes représentatifs évidemment, mais également pour désigner un roi à l’instar de la cité-État d’Argos durant l’Antiquité, de Gengis Khan, du Saint Empire Romain Germanique ou encore du Roi perse Darius (cf. Histoires d’Hérodote).

Mais alors quel est le régime politique de la Ve République s’il n’est pas la démocratie ?

Rappelons pour commencer que rien dans la Constitution de la Ve République ne s’apparente au régime démocratique : le citoyen n’a aucun moyen de gouverner durant les mandats de ses représentants. Il ne peut pas destituer les gouvernants ni bloquer institutionnellement une loi par exemple (les grèves et les manifestations peuvent éventuellement bloquer une loi dans la Ve République, mais elles peuvent aussi le faire en Chine, en Algérie ou en Turquie). Certains pourraient rétorquer que, si le peuple ne gouverne pas, il demeure souverain : la Ve République serait alors une démocratie puisque la souveraineté appartiendrait au peuple (Jean Bodin, Les six livres de la République). Mais un peuple souverain est un peuple qui peut modifier seul la loi fondamentale (son « contrat social » dirait Rousseau). Or, en France, cette loi fondamentale – la Constitution – ne peut pas être modifiée sur initiative du peuple : elle peut même être modifiée sans lui (article 89 de la Constitution). Dès lors, il serait aberrant de dire que « le peuple règne, mais ne gouverne pas » : en France, le peuple ne règne ni ne gouverne.

Si l’on reprend la classification classique des régimes politiques, il ne reste donc que la tyrannie, la monarchie, l’oligarchie et l’aristocratie (le régime représentatif étant une aristocratie élective).

La tyrannie est – selon Aristote (Les politiques) – l’absence de régime politique car aucun cadre ne limite le pouvoir despotique du gouvernant : ce n’est évidemment pas le cas de la France.

La monarchie peut être interprétée de plusieurs manières : le pouvoir d’une seule volonté (Histoires, Hérodote), le gouvernement d’un seul homme – potentiellement guidé, encadré et conseillé par d’autres (Les lois, Platon) – ou encore la souveraineté d’un seul individu (Jean Bodin, Les six livres de la République). La fonction présidentielle dans la Ve République répond partiellement à chacune de ces 3 définitions : le président de la République dispose de pouvoir en propre grâce à la Constitution (les articles 5, 11 et 16 notamment), mais il dispose également de pouvoir non-écrit du fait du caractère présidentiel de la politique française (le président est le centre de toute la vie politique en France et sa volonté domine celle de ses ministres). Enfin, le président de la République est la seule autorité capable d’amorcer une modification de la Constitution (article 89 de la Constitution), mais également un changement de constitution : le pouvoir constituant n’est donc pas indépendant de la volonté présidentielle. La souveraineté – dans le sens de pouvoir premier et illimité – n’existe donc pas dans la Constitution de la Ve République puisque, par définition, la souveraineté ne saurait être partagée. Dès lors, il est faux de dire que la Ve République serait un régime monarchique : elle en a seulement des composantes significatives.

Quant à l’oligarchie –  le régime de l’argent et des riches  elle ne correspond que très partiellement à la Ve République. En effet, la Ve République n’est pas une oligarchie de jure (de droit), mais de facto (de fait). La richesse de nos dirigeants n’est qu’une conséquence de la pratique électorale : il est encore nécessaire de posséder un capital pour être élu et candidat.

Le régime aristocratique est – comme expliqué supra – le gouvernement des « meilleurs ». Il prend principalement trois formes :

  • L’aristocratie de sang à l’instar de la Chambre des lords britanniques (chambre haute anglaise) ;

  • L’aristocratie de suffrages à l’instar du Sénat français (chambre haute française) ;

  • L’aristocratie de mérite à l’instar du Conseil d’État français.

Dans ses 3 formes, l’aristocratie consiste à placer les individus censés être « supérieurs à la moyenne » aux postes de pouvoir : les qualités de ces individus sont censées assurer le pays qu’il connaîtra une politique modérée et réfléchie (Histoires, d’Hérodote). Le régime politique américain est tout entier basé sur cette idée : le peuple ne fait que désigner des « grands électeurs » qui désigneront ensuite les gouvernants. Pour John Adams et les autres fondateurs de la République américaine, le suffrage indirect est alors la seule garantie qu’une politique favorable aux idées et intérêts des « élites » soit menée. Le régime représentatif américain naît contre l’avis des hommes politiques défenseurs de l’idée démocratique. A cette époque, le terme « démocrate » est alors considéré comme une insulte (Bernard Manin, Principes du régime représentatif). Il signifie alors l’équivalent du sens actuel du mot « populiste », c’est-à-dire un mélange des mots « démagogue », « ploutocrate » et « socialiste ».

D’un point de vue théorique, l’affirmation selon laquelle, dans un régime représentatif, le peuple « règne, mais ne gouverne pas » est – quoi qu’il arrive – aberrante : la souveraineté ne se délègue pas contrairement au pouvoir. Rousseau (Le contrat social) distingue ainsi le « vouloir » (souveraineté) du « pouvoir » (gouvernement). Selon lui, dans une démocratie le « vouloir » reste, quoi qu’il arrive au sein du peuple, alors que le « pouvoir » peut être transféré à une entité (à l’exemple du Parlement). Le « pouvoir » ne peut ainsi pas aller contre le « vouloir » sans remplacer celui-ci (si le Parlement prend une décision contre l’avis du peuple, il est donc à la fois le « pouvoir » et le « vouloir », il est à la fois souverain et gouvernant), L’absence d’autonomie du « pouvoir » face au « vouloir » est donc la caractéristique de la démocratie. A l’inverse, le régime représentatif ne peut – quoi qu’il arrive – pas être un régime où « le peuple règne, mais ne gouverne pas ». Cela explique pourquoi le régime représentatif est un type d’aristocratie, car la souveraineté n’y réside pas dans le peuple (le « demos » du mot démocratie), mais dans un groupe (les « aristos » du mot aristocratie).

Ainsi, la Ve République est un mélange entre un régime monarchique, un régime oligarchique et un régime aristocratique (aristocratie de suffrages – régime représentatif – et/ou de mérite). Nous avons donc un monarque républicain (expression du juriste Maurice Duverger), une élite oligarchique et des représentants élus.

Quelles conséquences sur la citoyenneté ?

Être citoyen signifie classiquement qu’un individu a « signé » le pacte social l’unissant à ses compatriotes et à la Nation. La citoyenneté recouvre alors 3 notions.

La citoyenne sociale de Fichte (Discours à la Nation allemande) qui implique qu’un citoyen a des droits et des devoirs sociaux envers les autres citoyens et la Nation. La citoyenneté sociale implique qu’aucun citoyen ne soit exclu socialement de la société. En France, la citoyenneté sociale est née véritablement avec la création de la sécurité sociale en 1945 : chaque Français reconnaît les autres citoyens comme un signataire du contrat social dont il faut se préoccuper.

La citoyenneté politique renvoie à la capacité d’un individu à participer à la vie politique de la société (à la vie de la polis, cité en grec). Ainsi, dans son éloge funèbre aux soldats athéniens morts lors de la guerre du Péloponnèse, le stratège démocrate Périclès explique qu’un citoyen qui ne participe pas à la vie de la polis est un « citoyen inutile et non un citoyen passif » (Thucydide, La guerre du Péloponnèse). L’absence de participation active à la vie politique supprime donc le volet politique de la citoyenneté. Mais cette absence de participation ne se limite pas à l’abstention durant les périodes électorales. Pour comprendre cela, il est nécessaire d’aborder la 3e composante de la citoyenneté : la citoyenneté juridique.

La citoyenneté juridique (Hans Kelsen, La démocratie, sa nature, sa valeur) est étroitement liée à la notion de démocratie. Est citoyen celui qui participe à la formation de la loi et qui – en retour – s’y soumet : il appartient alors à un peuple juridique selon Kelsen. Ainsi, n’est pas citoyen celui qui enfreint gravement la loi (exemple de la déchéance des droits civiques des collaborateurs après la 2nde Guerre mondiale) ou celui qui ne participe aucunement à la législation. Dès lors, les électeurs dont les voix ne sont pas représentées à l’Assemblée nationale (exemple des électeurs du NPA, de l’UPR, du Parti animaliste) ou qui sont sous-représentées, en raison du mode de scrutin (exemples des électeurs du parti Génération.s, de ceux du RN, de DLF ou encore de LFI), ne sont pas pleinement des citoyens juridiques. En effet, pour ces électeurs, la Ve République n’est pas un régime représentatif puisqu’ils n’ont pas de représentation (ou une sous-représentation : l’inégalité de la représentation conduit à une inégalité de la citoyenneté si on suit le raisonnement de John Rawls sur ce point dans Justice et démocratie). Or, en absence de démocratie – donc de possibilité pour un individu d’être directement un citoyen juridique et politique – c’est la représentation qui permet aux individus d’être indirectement des citoyens juridiques et politiques (donc d’appartenir à un peuple). C’est donc logiquement que Thomas Hobbes considère les individus non-représentés comme des individus n’appartenant pas à un peuple (Léviathan) : il n’est pas un être politique, mais un être humain isolé.

Dès lors, il apparaît clairement que la Ve République n’empêche pas l’existence d’une citoyenneté sociale, même si elle n’est pas une République sociale dans le sens où elle ne repose pas sur une sécurité sociale intégrale.

De plus, la citoyenneté politique existe dans la Ve République, mais elle n’a pas la même intensité pour l’ensemble des Français. Certains sont très actifs dans la vie politique français (les élus en particulier). Mais, la grande majorité de la population ne participe pas à la vie politique en dehors des séquences électorales et une partie significative des électeurs décide de s’abstenir régulièrement lors de ces séquences.

Pourtant, c’est la citoyenneté juridique qui est la plus fragile en France. La grande majorité des Français ne participent pas à l’élaboration de la loi puisque la Ve République est un régime représentatif et non une démocratie. Alors même que le caractère représentatif du régime devrait permettre aux Français d’être indirectement des citoyens juridiques – pour le dire autrement d’être des citoyens de second rang –, la structure électorale (scrutin majoritaire à deux tours) empêche une partie importante des Français d’être représentée (ou du moins de l’être correctement).

La citoyenneté française est donc, en partie sociale, partiellement politique et très faiblement juridique. La citoyenneté – dans les 2 sens présentés précédemment –, pourrait être plus importante si la France choisissait un régime démocratique. Elle pourrait également être plus solide dans le cadre d’un autre régime représentatif dans lequel les éléments aristocratiques et monarchiques seraient supprimés.

Faut-il passer à une démocratie ou à un régime représentatif pur ?

La Ve République est donc un régime mixte très imparfait (cf. supra). Deux grandes options s’ouvrent au peuple français si celui-ci désire aller vers un régime où la citoyenneté n’est pas qu’un joli mot.

1/ Devenir un régime représentatif pur

La première option – la moins ambitieuse – consisterait à renforcer le caractère représentatif du régime actuel en réduisant les composantes monarchiques et aristocratiques (rappelons que le régime représentatif est une forme d’aristocratie, mais qu’elle n’est pas la seule). Pour cela, il est nécessaire de refonder plusieurs institutions : la présidence de la République, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et le Parlement.

La figure présidentielle est – par essence – monarchique : la disparition de la composante monarchique du régime français ne peut passer que par la suppression du poste de président de la République. Mais une autre option est également possible : transformer le poste de président de la République française, du modèle franco-russe, au modèle germano-italien. En effet, les républiques allemande et italienne ont elles aussi un chef de l’État prenant la forme d’un président de la République, mais celui-ci n’a que très peu de pouvoirs et n’est pas directement élu par les électeurs. Il n’est donc pas le centre de la vie politique nationale.

Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sont, eux, des organes aristocratiques. Dans le premier cas, il s’agit d’une aristocratie de mérite (il faut avoir réussi le concours de l’ENA pour devenir conseiller d’État dans la majorité des cas) alors que pour le « conseil des sages » il faut être nommé par l’un des présidents du Parlement ou par le président de la République (forme d’aristocratie de sang par anoblissement politique). Or, aussi bien le Conseil d’État que le Conseil constitutionnel ont largement dépassé le rôle de juge et d’arbitre donné par la Constitution : le Conseil constitutionnel se permet régulièrement de « découvrir » des principes constitutionnels sans lien direct avec la Constitution de 1958 (parfois même sans lien indirect, à l’instar de la décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982) et il s’offre volontiers le droit d’interpréter idéologiquement – et non techniquement – les dispositions constitutionnelles. Quant au Conseil d’État, il a décidé – souverainement – qu’il pouvait également « découvrir » des principes constitutionnels dans le cadre de son rôle de juge administratif (arrêt Koné du 3 juillet 1996). Ainsi, deux organes judiciaires non-élus se sont arrogés le droit de modifier la Constitution – droit que les Français n’ont que fictivement en pratique. Plusieurs options sont possibles pour réduire la puissance de ces deux organes aristocratiques :

  • Supprimer le Conseil constitutionnel (de nombreux pays occidentaux n’en ont pas) et laisser le juge ordinaire pratiquer un contrôle in concreto de la constitutionnalité des lois. Cela éviterait que le juge ne crée des dispositions constitutionnelles puisque ses arrêts n’auront qu’une portée relative (entre les parties) et non absolues contrairement aux décisions du Conseil constitutionnel.

  • Modifier le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel : exiger une expérience juridique comme en Allemagne et interdire à un ancien ministre/député d’être membre du Conseil constitutionnel pour limiter les nominations de complaisance et réduire l’autorité politique des membres du Conseil.

  • Interdire au Conseil d’État de « découvrir » des principes constitutionnels.

D’autres options plus ambitieuses sont également possibles pour faire du Conseil constitutionnel un organe représentatif :

  • Nommer les membres du Conseil constitutionnel à la majorité des 2/3 des parlementaires, comme en Espagne, pour que les membres du Conseil soit des « représentants des représentants du peuple ». Mais cette proposition ne ferait que transformer le Conseil constitutionnel en organe aristocratique électif et non en véritable organe représentatif à l’exemple du Sénat.

  • Élire à la proportionnelle les membres du Conseil constitutionnel – avec des critères d’expérience en droit pour être candidat -– pour que le Conseil constitutionnel devienne pleinement un organe représentatif

Quant au Parlement, il est nécessaire d’examiner successivement les deux chambres :

  • Le Sénat – organe représentant les représentants des électeurs – est pleinement d’essence aristocratique (« il modère les ardeurs du peuple » pour paraphraser la juriste Anne Levade). Sa disparition est la seule option envisageable si l’on désire donner à la France un régime représentatif. En effet, on imagine difficilement transformer le Sénat en 2e Assemblée nationale élue par les électeurs : une nation n’a pas d’intérêt à avoir deux chambres élus par le même corps politique. Ainsi, la France deviendrait un régime monocaméral à l’instar d’Israël par exemple.

  • L’Assemblée nationale – organe qui se veut représentatif – pourrait devenir aisément un organe réellement représentatif. Il suffit pour cela de transformer le mode de suffrage actuel des élections législatives (scrutin majoritaire à 2 tours) en scrutin à la proportionnelle intégrale avec un faible seuil d’entrée (exemple : il suffirait de récolter 1 % des voix pour avoir 1 % des députés). Ainsi, la quasi-totalité des électeurs obtiendraient une représentation parlementaire adaptée : ces électeurs deviendraient des citoyens juridiques.

2/ Devenir une démocratie

La seconde option – bien plus ambitieuse et pour autant tout aussi réaliste que la première – consiste à transformer le régime politique français en régime démocratique. Pour cela, il suffit – en sus des transformations présentées supra  de modifier radicalement les organes et outils représentatifs pour qu’ils deviennent des instruments démocratiques.

Ainsi, l’autonomie des parlementaires vis-à-vis des électeurs doit disparaître, grâce :

  • Au mandat impératif (aussi appelé « contrat électoral » par Victor Hugo) : le candidat s’engage sur quelques mesures majeures et a l’obligation de les mettre en place sous peine d’être destitué en cours de mandat par un comité de citoyen tiré au sort ;

  • Au référendum révocatoire ;

  • A l’interdiction du cumul de mandat dans le temps et dans l’espace (à Sparte, la constitution de Lycurgue interdisait le renouvellement de certains mandats)

De plus, les électeurs doivent pouvoir légiférer sans intervention du Parlement à l’instar du forum athénien (La constitution d’Athènes par Aristocrate) ou des référendums suisses. Cela pourrait passer par le référendum d’initiative citoyenne (pour faire adopter une loi) ou encore le référendum abrogatoire (pour supprimer une loi ou refuser une loi en cours de discussion au Parlement).

Mais la transformation de la Ve République, en régime démocratique, ne serait pas complète sans l’usage du tirage au sort. En effet, le tirage au sort est l’essence même de la démocratie selon Montesquieu (L’esprit des lois) et Aristote (Les politiques). Dès lors, le Sénat pourrait – au lieu d’être supprimé comme indiqué supra – être transformé en chambre de citoyens tirés au sort. Cette chambre pourrait alors faire des propositions de loi à l’Assemblée nationale (ce qui est plus souple qu’un référendum), discuter des propositions de loi de l’Assemblée et pourrait suspendre provisoirement ces propositions en cas de désaccords afin que les citoyens puissent trancher le litige par référendum. Une 3e chambre également tirée au sort pourrait éventuellement être créée pour prendre la forme de l’éphorat fichtéen (Discours à la nation allemande) : elle aurait pour seul et unique pouvoir de dissoudre les deux premières chambres (l’Assemblée nationale et le nouveau Sénat) en cas de dysfonctionnement grave de ces institutions.

Mais le nouveau régime politique ne serait pas parfaitement démocratique si le peuple français ne fait que gouverner. Il doit aussi régner, c’est à dire disposer de la souveraineté. En France, c’est la Constitution qui matérialise l’acte de souveraineté. Le peuple français doit donc – s’il veut vivre en démocratie – être le seul organe politique en capacité de modifier la Constitution. Dès lors, le parlement ne pourra plus amender seul –  sur proposition du président de la République – la Constitution. Dans une démocratie, seul le peuple peut modifier sa loi fondamentale par votation. Le déclenchement de ce référendum pourrait provenir soit d’une initiative citoyenne (une pétition signée par plusieurs millions de Français) ou par une proposition commune des deux chambres de l’Assemblée.

Ainsi, le régime politique de la France deviendrait démocratique : les représentants du peuple ne pourront plus aller contre la volonté des représentés. Le tirage au sort apparaîtrait dans la nouvelle démocratie française, mais il ne ferait pas disparaître la centralité du vote. En effet, bien que les critiques sur le vote soient nombreuses (cf. supra), son usage régulier (référendum divers et élections) pourrait permettre une certaine vitalité du politique. En absence de votation, l’intérêt pour la chose publique risquerait fortement de baisser tout en complexifiant les modalités de prise de décision en dehors des assemblées (un référendum sans vote est impossible).

Dès lors, même si quelques attributs du régime représentatif subsisteront (en particulier le vote), l’autonomie des représentants vis-à-vis des représentés disparaîtra faisant ainsi la place à un régime démocratique (les régimes hybrides étaient considérés comme les meilleurs des régimes possibles par les romains Cicéron (La République) et Polybe (Histoire) car ils lissaient les défauts des régimes purs).

Le peuple est-il apte à se gouverner lui-même ?

Certains sceptiques diront que la démocratie n’est pas un régime viable même dans le cas où des composantes du régime représentatif demeureraient. Ils pourraient reprendre la fameuse citation de Rousseau expliquant que « s’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement » (Le contrat social) sous-entendant ainsi que les Hommes ne sont pas capables de se gouverner démocratiquement.

Cette position aristocratique n’est pas nouvelle. Au Ve siècle avant J-C, Hérodote dans ses Histoires rapportait déjà un argument de ce type : Mégabyse, fervent aristocrate, déclarait ainsi que le peuple ne serait pas suffisamment instruit et capable pour gouverner. Pire, selon lui, il serait bien trop guidé par ses passions et ses opinions irrationnelles pour décider correctement.

Ces arguments – méprisant pour l’intellect humain – sont aisément réfutables. Le démocrate Protagoras (Protagoras de Platon) explique ainsi que l’art politique se décompose principalement du sens de la justice (diké en grec) et de la vergogne – entendue dans le sens de « capacité à comprendre autrui et à agir dans son intérêt » (aidos). Concernant le sens de la justice, le poète grec Hésiode écrivait que contrairement aux compétences techniques (« demiourgike tekhné »), le diké est commun aux hommes, même s’il est inégalement réparti (Les travaux et les jours). En effet, un individu qui ne possède pas du tout l’art politique est incapable de vivre en société (asociaux et marginaux). A l’inverse, posséder un peu d’art politique suffit pour vivre en société et participer à la vie politique de sa cité.

Dès lors, l’immense majorité des Français sont capables de participer à la vie politique puisqu’ils disposent du minimum d’art politique nécessaire à cela. De plus, l’expérience de la vie en communauté, ainsi que l’éducation civique et philosophiques, sont des facteurs d’amélioration de l’art politique. Cette perfectibilité de l’art politique explique l’existence des cours de d’éducation civique et morale à l’école, au collège et au lycée.

Si l’art politique est un pré-requis nécessaire pour permettre aux Français de devenir des citoyens politiques accomplis, il est insuffisant. En effet, posséder l’art politique offre à chaque Homme une légitimité pour parler de la Cité – puisqu’il est capable de la comprendre –, mais cela ne permet pas la création du «  peuple de Dieux » dont parle Rousseau. Il faut préciser que l’auteur du Contrat social n’utilise pas la notion de « Dieux » dans un sens théologique : il use de ce terme afin de démontrer qu’une démocratie ne peut exister si son peuple n’est ni instruit ni éduqué. Le principe d’une démocratie est donc d’avoir un peuple vertueux (Montesquieu, L’esprit des lois). L’école peut-elle enseigner cette vertu ? Pour répondre à cette question, elle faut déjà définir ce qu’est la vertu politique (« areté »).

Traditionnellement, la vertu politique se compose du savoir (« sophia »), de la sagesse (« sophrosune »), de la science (« episteme »), du courage (« andrea »), de la justice (« dikaiosynè ») et la piété (« hosiotès »). Ce sont en effet les vertus identifiées par Platon (Protagoras). Il serait aujourd’hui possible d’assimiler le savoir aux sciences humaines et sociales (histoire, philosophie, français, littérature, art…), la science aux sciences « dures » (mathématiques, SVT, physique-chimie…) et la piété en civisme (humanisme et patriotisme). Quant au courage il s’acquière par l’expérience, mais il peut également être enseigné indirectement à l’école à travers le développement de la confiance en soi et aux autres (grâce à l’esprit sportif par exemple). Enfin, le sens de la justice – qui signifie « rendre à chacun son dû » selon Aristote (Éthique à Nicomaque) – est à la fois inné et acquis : nous naissons tous avec un certain sens de la justice (cf. supra) qui se développe et se transforme face à l’expérience.

Il est également possible d’analyser différemment la vertu :

  • Aristote  y rajoute la prudence (conduite raisonnée) et la tempérance (« sophrosynè » : profiter modérément des biens délectables) en plus du courage et de la justice ;

  • Montesquieu (L’esprit des lois) définit la vertu politique comme l’amour des lois et de la patrie (c’est donc une forme de piété laïque) ;

  • Spinoza (Éthique) identifie la vertu à la raison : est vertueux celui qui agit conformément à la raison (il écrit à ce sujet, dans Traité politique, que, dans une démocratie, la raison gouverne toujours car il est improbable qu’un peuple entier soit déraisonnable)

  • Kant (Métaphysique des mœurs) considère qu’un comportement vertueux est un comportement qui vise à se perfectionner soi-même tout en apportant du bonheur aux autres.

Ici, la définition de la vertu ne compte que peu. En effet, peu importe la définition que l’on décide de donner à la vertu, il apparaît clairement que celle-ci peut faire l’objet d’un apprentissage. L’école, l’éducation populaire et l’enseignement supérieur apparaissent donc comme les acteurs principaux du développement de la vertu.

L’apprentissage peut donc permettre à un peuple d’Hommes de se rapprocher du « peuple de Dieux » dont parle Rousseau à travers le développement de l’art politique et de la vertu. C’est cette philosophie qui sous-tend la notion d’« école républicaine » (école qui forme les Hommes à devenir citoyen et à rechercher l’intérêt public). Or, l’école républicaine (du primaire au doctorat) ne peut enseigner la vertu et l’art politique si elle ne vise qu’à l’intégration dans le marché du travail. En effet, aussi utile que soient les matières commerciales (marketing, vente, communication…) dans la vie économique d’une nation, elles ne peuvent pas remplacer les sciences humaines et politiques dans l’apprentissage de l’art politique et de la vertu. La philosophie, l’histoire, la sociologie et les sciences politiques forment le cœur de cet apprentissage civique. L’éducation sportive, artistique, littéraire ou encore scientifique sont, elles, les autres organes vitaux de cet apprentissage.

Enfin, rien ne remplacera jamais l’expérience démocratique pour apprendre aux Hommes à devenir des citoyens : à l’instar du forgeron qui le devient en forgeant, le démocrate le devient en pratiquant. Cela justifie pleinement l’expérience constituante dans la création d’une démocratie : une démocratie sans expérience constituante est une démocratie sans démocrate. Une VIe République ne peut donc débuter que par une assemblée citoyenne-constituante et par un grand débat constituant : ces étapes marqueront véritablement l’acte de [re]-naissance du citoyen français.

 

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Conflans, suite : les réactions que nous avons aimées

par Magyd CHERFI, Claudine TIERCELIN, Didier DAENINCKX

par ReSPUBLICA

 

Artiste : Jean-Robert Franco

La trahison

Texte posté sur les réseaux sociaux le 19 octobre par Magyd CHERFI (ex-Zebda)

J’ai été d’une école où on aimait ses profs, où après être passé dans une classe supérieure on passait leur rendre visite, ça épinglait un orgueil de moineau sur nos maigres poitrines.
J’ai été d’une école où le nom de « prof » faisait tinter la rétine et briller l’envie d’en être.
Moi j’allais à l’école comme on se blottit dans un nid attendant la becquée quotidienne. J’étais ce privilégié-là, cet engourdi docile aussi. Je guettais l’attention qu’on allait me porter, la parole qu’on allait me donner, la note aussi.
C’était une école où j’oubliais que j’étais arabe, pauvre et frustre. Elle me protégeait de la méchanceté du monde, un monde dur qui voulait pas de mes parents. Elle me sortait de l’obscurité dans laquelle ils pataugeaient.
J’étais d’une école où je n’avais plus d’origine mais l’espoir d’en trouver une sans frontière ni couleur, ni rang social, où les professeurs ressemblaient à des parents. Les uns les autres se passaient le relais sûrs de divulguer un même message empreint du respect le plus strict. Les quatre se souciaient qu’on s’intéresse, nous existions comme un prolongement d’eux-mêmes.
J’étais d’une école qui admirait ses profs et je rêvais moi de les accompagner au-delà des heures de scolarité indues tout ça pour m’infuser du plaisir qu’ils avaient à nous avoir comme élèves. Me rappelle, je voulais même qu’on m’adopte car hors du sanctuaire me sentais comme un fantôme privé de lumière, presque un demi-orphelin à qui il manquait deux de ses quatre parents. Privé de cette attention supplémentaire, me sentais vivre dans un cachot putride, comme privé d’une pièce aux larges baies vitrées.
Dans cette école, en échange de leur bienveillance je rassemblais tout ce qui me contenait « d’intelligent ». Jamais ma mère ne m’a vu chez elle aussi docile ou attentif et dieu sait (si j’ose dire) qu’elle sacrifia tout pour que je réussisse, qu’elle ruina jusqu’à épuisement toutes ses réserves de mère. Elle aussi chérissait cette école et trouvait ahurissant que les détenteurs de tous les savoirs ne portent pas la main sur moi quand je faiblissais. Ça la sidérait qu’on ait pas cours à Pâques, Noël, juin et juillet.
Sans cette école que l’on dit gratuite, laïque et obligatoire la vie lui serait apparue insensée. Quant à moi je l’avoue, je me suis plus aimé en élève qu’en enfant de la rue car à dix sept heures sur le trottoir d’en face j’entendais : « rentre chez toi bougnoule ! » À l’aune de tous ces défis nouveaux, je dis que cette école existe encore et elle raconte toujours l’histoire des hommes, offre encore une famille, une terre, des valeurs et enfin notre libre arbitre.
Alors je peux le dire, moi Magyd jamais j’aurais tendu mon doigt à un salaud pour désigner comme victime mon prof d’histoire-géo.

 

Samuel Paty a payé de sa vie le « risque du savoir »

Tribune de Claudine TIERCELIN, Professeure au Collège de France, parue dans Libération le 29 octobre

Le réel, c’est ce qui résiste, et comme elle est robuste, la frontière entre fait et fiction ! Et comme la précision, du côté des mots, importe ! Qui oserait nier désormais cet état de choses : le professeur Samuel Paty est mort assassiné, décapité par un fanatique religieux, un terroriste islamiste. Chaque terme doit être mentionné, sauf à omettre des éléments cruciaux dans l’élucidation rigoureuse de l’enchaînement complexe des causes. Je déplore la tiédeur de trop de communiqués de la «communauté éducative», certes, compatissants, mais qui, entretenant ambiguïté et confusion, ont évoqué, un «crime», comme s’il s’était agi d’un simple meurtre de droit commun. Je suis choquée par l’anti-universitarisme ambiant émanant d’individus qui n’ont sans doute jamais mis les pieds dans un établissement de savoir et qui n’ont aucune idée de ce que représente en termes d’heures et d’énergie le travail lent et invisible de ces «héros tranquilles»–  à l’image de Samuel Paty – que sont, dans leur immense majorité, les professeurs. Au passage, on frémit à l’idée que puisse germer le projet d’une plaque sur laquelle il serait inscrit – autre illustration du confusionnisme sémantique – que le professeur fut, lui aussi, «victime de son héroïsme» Je trouve scandaleux que soit entonnée cette ritournelle sur la nécessaire «formation» des enseignants, censée être l’arme miracle pour «gérer» un quotidien de plus en plus risqué. Une meilleure «formation» aurait-elle mieux préparé Samuel Paty à affronter sa décapitation ? Ce genre de cire est indigne. C’est bien un professeur de l’école publique qui a été assassiné, un serviteur de l’Etat – comme le colonel Beltrame – qui aura payé de sa vie le «risque du savoir». Plutôt que celui de la Sorbonne, le choix d’un établissement public comme un collège n’eût-il pas dû aussi s’imposer ? C’est bien là que se jouent l’obligation d’instruire de nos professeurs (et non, du reste, de nos «profs» : qui ne voit l’insondable mépris connoté par ce diminutif ?), le réarmement nécessaire des esprits et l’avenir de tous les enfants de la République française !

La confusion sémantique ambiante est telle que même un ministre de l’Education nationale ne voit pas malice à recourir à un terme aussi fourvoyant que celui d’«islamo-gauchisme». On ne mesure pas non plus à quel point, en décapitant le professeur Paty, ce n’est pas seulement la «liberté d’expression» qu’on a voulu liquider : c’est le droit ou plutôt le devoir d’instruire du professeur de la République française qu’il était. Réduire cette dernière à une «liberté d’enseigner», c’est minorer la gravité de l’atteinte ; c’est aussi laisser croire que la transmission de «connaissances» pourrait se confondre avec la liberté d’expression, ou, pire encore, se diluer dans la sacro-sainte «liberté pédagogique». Instruire, ce n’est pas avoir le droit d’exprimer une «opinion», «communiquer» de «l’information», «partager» des «idées», «organiser des débats»: c’est répondre en priorité à l’obligation de présenter des contenus de savoir assortis de raisons. Tel marchand de soupe peut tout à loisir affirmer que «Covid-19» est ainsi nommé parce qu’il survient après 18 coronavirus. En revanche, un professeur qui ferait une telle affirmation dans sa classe pourrait se voir légitimement reprocher de faire un énoncé tout simplement faux. Sans doute le cardinal Bellarmin avait-il raison d’exhorter Galilée à la prudence. Mais voilà :«Et pourtant, elle tourne…»L’histoire a d’ailleurs montré que dire la vérité pouvait conduire au bûcher. Aussi ne peut-on tout à fait «être professeur» comme on peut et doit «être Charlie».

Lutter contre l’obscurantisme, prôner les valeurs du «savoir» et des «Lumières» : chacun n’a désormais que ces mots à la bouche. Tant mieux ! Mais on aimerait être sûr que l’on en mesure toutes les implications. «Oser le savoir» (Sapere aude !) est depuis toujours une entreprise périlleuse. Car la mission émancipatrice de l’école qui permet à l’enfant de devenir un citoyen libre, et dont l’ambition est d’«organiser» un «esprit», fût-ce au prix de «heurter» une «âme», fait aussi courir le danger que l’élève, une fois adulte, se paie le luxe de s’écrier : «Famille, je vous hais !» A l’heure où chacun se pique de savoir ce que veulent dire des termes aussi complexes que «connaissance», «opinion», «croyance», où l’on continue de tresser des couronnes au relativisme, au scepticisme, aux irrationalismes de tout poil, ce combat pour le savoir reste essentiel.

Enfin, lutter contre l’obscurantisme et le fanatisme, sauvegarder l’héritage des Lumières, c’est aussi rappeler qu’une telle défense ne se limite pas à celle du seul «esprit» ou «génie» français. Si la France est bien le berceau des Lumières, l’Europe des Lumières est aussi une réalité historique. Sombrer dans ce contresens, qui conduirait à interpréter la réorganisation des esprits dans le sens d’un repli nationaliste sur soi, franco-français et, de façon purement accessoire, européen, serait assurément contraire à la vocation universaliste des Lumières, que nous avons la responsabilité de continuer, de toutes nos forces, en hommage au professeur Paty, à faire vivre.

Qui aurait pu imaginer que la gauche se déchirerait
à propos d’un délit imaginaire forgé par des assassins ?

Tribune de Didier DAENINCKX dans le Monde du 28 octobre.

Au début des années 1960, sans trop comprendre ce que signifiait le mot, je vendais chaque année au porte-à-porte les timbres de l’école « laïque » édités par la Ligue de l’enseignement; je participais dans les rues de Seine-Saint-Denis aux défilés des fêtes de l’école qui se proclamait fièrement gratuite, obligatoire et laïque. Il m’a fallu attendre l’année du bicentenaire de la Révolution, 1989, il y a plus de trente ans, pour prendre conscience qu’il s’agissait là d’un bien essentiel, quand l’Iran des mollahs a condamné à mort un écrivain laïque, Salman Rushdie, coupable d’ « islamophobie » [son roman Les Versets sataniques avait provoqué l’ire de l’ayatollah Khomeyni]. Puis il y eut Taslima Nasreen que les mêmes dictateurs de conscience destinèrent à la décapitation [pour son roman La Honte, en 1994].
Qui aurait pu imaginer que la gauche, dans son ensemble, se déchirerait à propos d’un délit imaginaire forgé par les assassins, alors même que Rushdie nous mettait en garde, dès le prononcé de la fatwa le visant, en nous expliquant que ce concept d’islamophobie était jeté en pâture aux ignorants, afin qu’ils le restent ? La terreur islamiste a sidéré le monde, elle a mis les mots en actes, répandant le sang « impur » des traducteurs, des éditeurs, des cinéastes, des dessinateurs, des amateurs de rock, des enfants de maternelle, des professeurs, des prêtres, de ceux qui les protégeaient… Cet effroi planétaire a produit ses effets au plus près et j’ai pu, au fil des ans, en mesurer l’impact dans mon entourage immédiat. Les premières alertes datent du début des années 2000, quand le responsable national de l’association antiraciste dans laquelle je militais s’était rapproché de Tariq Ramadan, de Dieudonné, et qu’il évoquait la nécessité d’une loi contre le blasphème. C’était tellement loin de mes préoccupations que je n’en ai, à l’époque, pas saisi la portée.

Tweet infâmes

La trajectoire sanglante de Mohammed Merah, en 2012, a servi de déclencheur. Dans ma ville natale, Saint-Denis, un élu communiste et « délégué à l’égalité », répond alors sur les réseaux sociaux à ceux qui lui demandent ce qu’il pense des enfants juifs tués d’une balle en pleine tête dans une cour d’école : « Suis en mode hommage, j’arrête tout ou on va me dire que je ne suis pas touché, pas ému, du coup je vais m’entraîner à pleurer. » Au cours des années suivantes, il fera de cette ironie meurtrière sa marque de fabrique, produisant des centaines de Tweet infâmes, sans que jamais les organisations auxquelles il appartenait lui fassent la moindre remarque. Il sera l’un des principaux organisateurs, en 2019, de la déshonorante marche contre l’islamophobie, avant de figurer en bonne place sur la liste des « insoumis » aux dernières élections municipales.
En 2014, à Aubervilliers, ma ville de résidence, la coalition Front de gauche s’est vue adoubée dans les locaux mêmes de la mosquée où un imam dispense des prêches antirépublicains, homophobes et organise la défiance envers l’école laïque. Cette coalition acceptera dans ses rangs trois maires adjoints issus de l’association locale des musulmans. L’un de ces adjoints s’illustrera en engageant publiquement le dialogue avec la mouvance d’Alain Soral, qui se définit lui-même comme national-socialiste, et en déclarant à plusieurs reprises qu’en matière d’immigration les gouvernements de la République se comportent plus durement que l’ancien maire Pierre Laval à l’encontre des juifs ! Ce qui, là encore, ne l’empêchera pas de figurer sur l’une des listes de gauche en mars dernier. Pour faire bonne mesure, on embauchera également, entre autres, un trafiquant de cocaïne à la tête d’une des directions municipales, pour service rendu. Il sera arrêté pour menace de mort [en 2016], un mois après son intronisation, alors qu’il arborait les insignes de Daech.

Basculement d’électeurs

Dans le même mouvement, des directeurs de conscience autoproclamés peuvent, sans trembler, affirmer que Charlie a déclaré la guerre à l’islam, une obscénité qui n’a heureusement pas été réitérée lorsque Samuel Paty a subi le même sort que celui des membres de la rédaction du journal dont il expliquait les dessins. On se contente de parler, dans cet espace de radicalité, de « barbarie policière » pour qualifier l’exécution, en état de légitime défense, du tueur. Ces mêmes directeurs de conscience qui s’affichent aux côtés des racistes, des homophobes, des antisémites du Parti des indigènes de la République, et qui considèrent que l’on en fait trop avec la jeune lycéenne Mila, qui vit depuis des mois sous la menace des assassins pour avoir usé de sa simple liberté.
Comment dire son dégoût lorsqu’une sénatrice sensible à l’environnement pollue le sien en posant au milieu de jeunes enfants manipulés qui portent une étoile jaune où est inscrit le mot « musulman » [lors de la marche contre l’islamophobie], suggérant une fois encore que la persécution fantasmée de l’Etat à l’encontre d’une religion équivaudrait à la « solution finale » ?
Toutes ces trahisons, tous ces abandons ont désarmé la gauche dans un combat essentiel. Ils permettent à la droite la plus obscure, à l’extrême droite, de se faire les championnes de la préservation des principes républicains ! Ils creusent la défiance, ils favorisent le basculement de centaines de milliers d’électeurs vers les porteurs de solutions autoritaires. Tous ces gens qui ont failli, leaders de partis gazeux, adjoint à la mairie de Paris, députées des quartiers populaires, syndicalistes éminents, chroniqueuses en vogue, devraient avoir la décence de se retirer. Aucun d’eux ne parle en notre nom.
Une couverture emblématique de Charlie[de 2005] représente le prophète Mahomet qui se lamente prenant sa tête entre ses mains : « C’est dur d’être aimé par des cons. » Si j’avais deux doigts de talent, je placerais Jean Jaurès dans la même position, s’adressant à ceux qui, aujourd’hui, à gauche, usurpent et sa pensée et son nom, lui qui affirmait que laïcité et démocratie sont synonymes.

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Rétablissons les faits sur la manifestation du 10 novembre 2019

par Zohra Ramdane

 

Dans le débat médiatique, cest la confusion sur le fait de savoir qui sont les initiateurs de cette manifestation contre « lislamophobie » du 10 novembre 2019. Est-ce un groupe particulier ou est-ce des dirigeants de grandes organisations syndicales ou politiques nationales ?

Près dun an après, la plupart des grands médias, la plupart des personnalités politiques et syndicales restent dans la confusion. Nest-ce pas étonnant !

Pourtant, il suffit daller regarder le journal qui a publié cet appel (https://www.liberation.fr/debats/2019/11/01/le-10-novembre-a-paris-nous-dirons-stop-a-l-islamophobie_1760768) pour sortir de la confusion.

On lit à la fin de lappel la signature suivante :

« Un appel initié par Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans ; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) ; le Comité Adama ; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) ; l’Union communiste libertaire (UCL) ; l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste). »

Suit une deuxième liste intitulée : « Premiers signataires » dans laquelle on trouve des dirigeants (pas tous) de grandes organisations associatives, syndicales et associatives de gauche soutenant la manifestation initiée par les initiateurs !

Cette manifestation est donc bien appelée par des initiateurs puis est présentée la liste des « premiers signataires » en soutien à ces initiateurs.

Et la proximité (pour pas dire plus) de certains initiateurs de cette manifestation avec l’organisation intégriste de la confrérie des Frères musulmans ne peut être contestée que par ceux qui souhaitent la confusion ou par ceux qui sont des naïfs.



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