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La laïcité comme élément du dispositif sécuritaire et la confusion comme stade suprême de la crise idéologique !

par Philippe Hervé

 

Dans le débat actuel sur la laïcité, le président Macron se pare avec délectation d’éléments idéologiques auxquels jamais il n’a cru une seconde.

Dans la confusion du « et en même temps », voici notre locataire de l’Élysée converti de fraîche date à la laïcité républicaine. C’est pourtant lui qui en 2018, au collège des Bernardins, dénonçait « la radicalisation laïque » poussée par des « laïcards extrémistes ».

@ La Croix

Dans l’espace économique capitaliste, la désagrégation politique et idéologique s’approche de son paroxysme avec la crise sanitaire du Covid-19. Donc, pour éviter toute progression du débat raisonné, on le rend le plus confus possible et impossible à critiquer sur le fond. Aussi, les polémiques s’enchaînent au rythme de tweets incohérents et sans substance politique. C’est ainsi qu’il faut apprécier la nouvelle posture laïque du gouvernement, une agitation spectaculaire pour rien, ou plutôt une posture face aux tragédies terroristes des tueurs islamistes. Une fois l’actualité braquée sur un autre sujet, le pouvoir jettera la laïcité, conçue comme un fond de décor du spectacle politique, par-dessus bord comme un kleenex usagé. Les militants de la République sociale doivent avoir pleinement conscience que l’époque vire à « l’absurdie », érigée en système de pouvoir.

Depuis novembre 2018, les crises s’enchaînent sans désemparer : crise des « gilets jaunes », crise liée à la volonté de liquider les retraites par répartition et enfin crise sanitaire du Covid-19. Cette situation provoque un raidissement autoritaire du pouvoir, déjà conçu par la Constitution de la Ve République comme un « pouvoir personnel ». Il s’agit en fait d’un bonapartisme au petit pied. Charles Pasqua disait que « la Constitution de la Ve République avait été faite pour un chêne… mais pas pour ses glands ! ». En réalité, le Président actuel a fort peu de pouvoir réel, la politique économique et monétaire est soumise à Bruxelles, la politique étrangère et militaire est supervisée par l’OTAN. On peut difficilement imaginer de Gaulle sans la « politique de la chaise vide » sur le dossier européen et sans le retrait du commandement intégré de l’Alliance atlantique. Avec Macron en 2020, c’est la pantomime du gaullisme, sans même avoir le pouvoir d’arrêter l’aberrante « heure d’hiver ». Ce pouvoir gesticule et impose des « attestations de déplacement » en période de confinement pour exister aux yeux des Français. Pour cela, il s’appuie sur un appareil répressif extraordinaire car il dispose de plus de 300 000 policiers nationaux, municipaux et gendarmes, ce qui en fait le pays le plus policier du monde par tête d’habitant. Mais le pouvoir macroniste continue encore et encore. Il a fallu que des centaines de milliers de citoyennes et citoyens se mobilisent en pleine pandémie du Covid-19 pour que le pouvoir du nouveau « Napoléon le petit » recule un peu, en tous les cas sur l’article 24 de la loi scélérate dénommée « Sécurité globale ». Cet intitulé utilise le terme « global »  pour éviter celui de « total », sans doute trop proche de « totalitaire » ! Bref, le pouvoir tient grâce à sa police et lui passe tout. Les attentats de 2015 n’ont donné lieu à aucune sanction ni demande de démission des membres de la hiérarchie policière, des services policiers et militaires tant extérieur qu’intérieur qui ont été pris de court par une organisation terroriste d’une centaine d’individus, logistique comprise. Les dizaines de mutilés et d’estropiés du mouvement des « gilets jaunes » n’ont également engendré aucune sanction disciplinaire ni à la base ni au sommet de la maison police.

Dans ce contexte, une succession d’événements va s’enchaîner de manière brouillonne.

Préparé de longue date, un autre pan de ce dispositif de contrainte autoritaire a été  annoncé par l’Élysée : la loi contre le « séparatisme ». C’est une formule creuse dont la Macronie et ses agences de « spin doctors » ont le secret.

Qu’est- ce que le séparatisme ? On connaissait l’exemple corse et le fait que l’Assemblée régionale soit aujourd’hui tenue majoritairement par des « séparatistes » bien réels. La nouveauté macroniste consiste à introduire ce terme pour désigner des comportements visant à vivre en communauté religieuse en dehors de la République. Une multitude de lois et de règlements existent déjà pour combattre ces déviances. Pour des raisons politiciennes, ou plutôt « politicardes », Macron a soulevé ce lièvre pour braconner à droite. Cette vieille tactique a été utilisée par tous les présidents de la Ve République depuis 1983, date de l’émergence du Front national, sponsorisé à l’époque  par l’Élysée et en particulier le Préfet de la République Bianco, aujourd’hui président de l’Observatoire  de la laïcité.

Se produisent soudainement deux actions terroristes, l’une à Paris, l’autre à Conflans-Sainte-Honorine. Devant le caractère ignoble de ces attentats, la présidence de la République change soudainement de braquet, consciente de la friabilité de pseudo concept tel que le « séparatisme ». Elle gobe donc en un seul coup une idéologie en dehors de son corpus : la laïcité ! Celle-ci devient soudainement « ce qui fait la France ! ». Pour paraphraser Guy Mollet qui disait de Mitterrand qu’il « parlait socialisme, mais le parle mal », Macron parle laïcité mais tout aussi mal ! Son interview « gloubiboulga » à la chaîne de télévision du Qatar en est un exemple révélateur. Devant cet échec rhétorique, l’apprenti Bonaparte va encore modifier sa posture, intégrant l’idéologie laïque au dispositif sécuritaire. Bref, il va en faire, non pas ce qu’elle est, c’est-à-dire une organisation de l’émancipation humaine, mais au contraire un moyen de contrôle social et de répression.

Ainsi, un triptyque contrôle sécuritaire-contrôle sanitaire-contrôle idéologique se met en place, mais dans une certaine panique au sommet de l’État, il faut bien le constater !

Dans cette confusion voulue et entretenue, les militants laïques ont pour devoir de clarifier les choses. Les partisans de la République laïque et sociale n’ont rien de commun avec cette confusion tendant à transformer des valeurs et des principes laïques d’union populaire par le rassemblement du peuple souverain, en une sorte de catéchisme creux et sans perspective de justice sociale.

L’objectif dans la situation présente est de clarifier, point par point, ce que nous entendons par laïcité. Les lecteurs habituels de ReSPUBLICA connaissent déjà nos analyses et notre engagement dans le mouvement Combat laïque Combat social – Fédérer le peuple. Nous vous proposons aussi aujourd’hui un texte intitulé « Leur laïcité et la nôtre » qui, tout en constituant une réponse à Jacques Rancière, marque bien les lignes de clivage.

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Leur laïcité et la nôtre

En réponse à un texte de Jacques Rancière

par Philippe Duffau

 

NDLR – Le récent texte du philosophe sur son blog Mediapart (« A propos de la liberté d’expression ») ayant suscité de nombreux commentaires, nous nous devions de souligner à quel point est erronée la conception d’une laïcité « obligatoire » et liberticide, à laquelle Jacques Rancière oppose les vertus de la tolérance, appliquée ici au cas des caricatures !  Car la tolérance est une notion faible par rapport à celle de liberté. Les libertés de pensée, de conscience et d’expression, dans la conception laïque, y sont supérieures parce qu’elles interdisent tout jugement de valeur officiel.

 

La laïcité ne concerne pas seulement l’enseignement public qui doit s’émanciper des dogmes religieux, ne pas y être soumis. La laïcité implique que l’Etat se refuse à donner une définition de ce que serait « la vie bonne », et que ne figurent pas dans la loi les délits de blasphème et d’apostasie.

De la neutralité bien comprise

Il est certes des dessins, des caricatures qui peuvent choquer, blesser. Pour autant, dans une République laïque il n’est pas envisageable de les interdire. Pour autant, peut-on tout montrer dans une classe ? Cela doit se faire avec d’infinies précautions.
Je pense que le professeur Samuel Paty a pris et que tous les enseignants prennent les mesures pour permettre à leurs élèves de prendre des distances avec ce qui est montré.

Droit de caricaturer, oui. Obligation, non.

En République laïque, caricaturer des dogmes religieux, critiquer ou se moquer de toutes les idéologies politiques, économiques et philosophiques doit demeurer un droit protéger. Pour autant, ce n’est pas une obligation et chacun est libre de les regarder, les lire ou pas quand cela paraît dans les médias. En classe, l’élève n’est pas libre de regarder ou pas, c’est pourquoi il y a l’exigence de prendre des précautions.

Cela ne justifie pourtant pas l’appel à la haine et encore moins les atteintes à la vie de quiconque contre un professeur qui s’appuie sur des caricatures pour illustrer et étoffer la notion de « liberté d’expression ».

L’autodérision, l’humour sont des qualités indispensables pour que nous puissions vivre ensemble et prendre des distances avec nos propres certitudes, pour prendre conscience des nombreux déterminismes politiques, familiaux, sociaux, culturels et nous en émanciper.

La laïcité n’est pas une règle de conduite, c’est ce qui permet le plus niveau de liberté des individus dans le cadre de la loi commune. Agir en citoyen défenseur de la laïcité, que l’on soit croyant laïque, athée laïque, agnostique laïque, c’est accepter que ses propres certitudes soient tournées en dérision, soient remises en cause sans considérer être offensé dans sa personne pour cela.

La liberté d’expression, c’est la possibilité de caricaturer et non les caricatures elles-mêmes.

Les caricatures ne sont pas en soi une illustration de la liberté d’expression. C’est la liberté, la possibilité de les publier qui représente cette liberté d’expression et ce, que nous approuvions ou pas ces publications.

Ce qui est à glorifier ce ne sont pas les caricatures mais la liberté de les publier. Aussi difficile cela soit-il, il est indispensable que certains croyants de quelque religion que ce soit fassent la différence :

  • entre respect des personnes quelles que soient la couleur de leur peau, leurs religions ou leurs athéismes, leurs origines ethniques, culturelles ou sociales
  • et la possibilité de critiquer, de tourner en dérision un système de pensée, une idéologie ou une religion.

Ne transformons pas les vraies victimes comme Samuel Paty ou les journalistes de Charlie Hebdo en bourreaux.

Ce sont les fanatiques sanguinaires religieux qui ont, par leur actes odieux, transformé les caricaturistes en héros de la liberté d’expression par une réaction bien compréhensible. Combien sommes-nous à ne pas forcément apprécier ces dessins et à les mettre en avant en hommage aux vraies victimes de l’obscurantisme, ici, islamiste mais demain et déjà ailleurs relevant d’autres religions, en Inde par exemple… Rappelons que les principales victimes de l’islam radical sont des musulmans.

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« Ceux qui bénéficient de la laïcité ne la défendent pas »

par Clément Pétreault

 

ENTRETIEN. Karima Bennoune, rapporteuse spéciale des Nations unies, raconte son combat parfois solitaire pour défendre la laïcité auprès des instances internationales (entretien initialement publié par Le Point).

Karima Bennoune par Nano GoleSorkh

Y a-t-il encore quelqu’un pour défendre la laïcité et le sécularisme auprès des instances internationales ? Pour Karima Bennoune, rapporteuse spéciale des Nations unies dans le domaine des droits culturels, la laïcité – et le sécularisme qui en résulte – n’ont pas franchement la cote auprès des organismes internationaux, où siègent de nombreux représentants qui ne dissimulent pas leurs convictions religieuses, notamment lorsqu’il est question des droits des femmes. Plus inquiétant encore pour cette professeure de droit à l’université de Californie à Davis, la laïcité fait aussi l’objet d’un contre-discours véhiculé par des milieux universitaires anglophones, qui perçoivent essentiellement cette spécificité française comme une entrave au fait religieux. Karima Bennoune est née et a grandi en Algérie et aux États-Unis. Elle a publié Votre fatwa ne s’applique pas ici, (Temps Présent Éditions), un récit basé sur les témoignages de plus de 300 personnes dans 30 pays, qui s’opposent aux fondamentalismes. Consultante pour l’Unesco avant de devenir rapporteuse dans le domaine des droits culturels pour l’ONU, Karima Bennoune défend la laïcité comme un préalable aux droits de l’homme.

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Démembrement d’EDF : un plan « Hercule » qui devrait s’appeler le plan « Judas »

par Arnaud de Morgny

 

Article publié initialement sur le site de la Gauche républicaine et socialiste (https://g-r-s.fr/).

I- Un secteur soumis aux règles européennes et à leurs dérives libérales

L’Union européenne est compétente en matière de réglementation de la production d’énergie, et en particulier d’électricité. En effet, l’Article 194 du Traité de Lisbonne (celui qui imposa les effets du projet de TCE malgré son rejet référendaire par les Français) a institutionnalisé les compétences de l’UE en matière énergétique :

« Dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

  • à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ;
  • à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union ;
  • à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ;
  • et à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques.»

Or un des principes fondamentaux de l’UE est la concurrence libre et non faussée. Elle applique donc ce principe à la production de l’électricité.

Pour la France, cela a deux conséquences majeures : la création d’un marché de l’énergie et le démantèlement d’EDF.

II- La création d’un marché de l’énergie

A la demande de la Commission européenne, la France a créé en 2010, l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH). Il fut mis en œuvre en 2011. Ce marché régulé consiste en l’obligation qui est faite à EDF de fournir pour un volume global maximal de 100 TWh/an de l’électricité à un tarif réglementé qui est de 42 €/MWh.

Cela signifie que si le prix du marché est inférieur à 42 €/MWh, les opérateurs privés achètent leur électricité au prix du marché. En revanche, lorsque le prix du marché est supérieur à 42 €/MWh, les opérateurs privés l’achètent en dessous du prix du marché à EDF et la revendent au prix du marché à d’autres opérateurs. En réalité dans cette hypothèse, il ne s’agit plus d’un marché de l’énergie mais d’une rente de situation financière car ces opérateurs privés du marché de l’énergie, pour leur grande majorité, ne produisent pas d’électricité, ils se contentent de la commercialiser. Ainsi de 2011 à 2013, le prix moyen de gros de l’électricité était supérieur à 50 €/Mwh – ce qui était une situation de rente pure pour les opérateurs privés. De 2013 à 2015, le prix moyen de gros fluctuait autour de 42 €/MWh ce qui constituait une situation d’arbitrage pour les opérateurs privés en fonction du prix réel de l’achat. entre 2015 et 2017, le prix moyen de gros été inférieur à 40 €/MWh: situation dans laquelle les opérateurs privés n’achètent pas d’électricité au prix de l’ARENH. Or depuis 2018, le prix du marché est supérieur à 42 €/MWh, nous sommes donc à nouveau dans une situation de rente pure pour les opérateurs privés.

Cette obligation faite à EDF de vendre de l’électricité à un prix fixe à des opérateurs privés, handicape EDF lorsque le prix du marché est supérieur à celui auquel elle est obligée de vendre puisqu’elle ne peut pas bénéficier de cette augmentation de tarif. Depuis 2011, date de création de cette obligation, EDF s’est trouvée dans cette situation pendant six ans sur neuf ans.

Pire, selon EDF le prix de l’ARENH ne couvre pas ses frais de production. En effet EDF a demandé une réévaluation du prix afin qu’il passe de 42 € à 53€/MWh. Donc selon EDF, à chaque fois qu’un producteur privé achète de l’électricité à ce prix régulé, EDF perd de l’argent et voit ses capacités productives mises en péril. Il semblerait que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) envisage d’augmenter l’ARENH à 48€/MWH mais ce prix est toujours inférieur au prix de revient déclaré par EDF.

Le principe de l’Union européenne de concurrence libre et non faussée conduit donc à la création d’un marché inégalitaire au bénéfice des opérateurs privés et au détriment d’EDF et cela est inacceptable !

III- Le plan « Hercule » un démembrement industriel d’EDF et un risque de disparition d’expertise technique

Le plan « Hercule » est la réponse d’Emmanuel Macron et des Techno-Libéraux français à la demande de la Commission de réorganisation structurelle d’EDF afin d’empêcher que l’organisation interne d’EDF ne soit, selon la commission, un frein à la concurrence.

Ce plan a connu, pour l’instant, deux modalités et devrait être finalisé d’ici la fin de l’année.

1. Le projet Edouard Philippe

– La première proposition du gouvernement Édouard Philippe en avril 2019 était de scinder le groupe EDF, de manière à écarter le nucléaire et ses risques financiers des autres secteurs. Dans les faits, création de deux entités, une société « bleue »  et une société « verte », d’ici 2022. Ces deux entités étaient de droit public et pilotées par le groupe EDF qui restait lui aussi une entreprise publique.

La société « bleue », détenue par l’État, comprendrait le secteur du nucléaire existant. Ce secteur est soumis à l’Arenh et est le plus déficitaire. Il serait composé aussi des barrages hydroélectriques et du transport d’électricité (RTE).

L’État français devra investir 8 milliards d’euros pour racheter les actions EDF aux investisseurs privés.

Une autre société, « Verte », couvrirait les énergies renouvelables restantes, les réseaux (Enedis), les services énergétiques (transport, acheminement) et le commerce (EDF achète l’énergie comme les autres à l’Arenh). Cette seconde entité, propriété de la première, serait introduite en bourse, l’État conservant 65 % du capital via la société Bleue avec une introduction en bourse à hauteur de 35 % et comprendrait Enedis, EDF Renouvelables, Dalkia, la direction du commerce, les activités d’outre-mer et de la Corse d’EDF.

Cette réforme risque fort de faire porter le secteur le plus déficitaire — le nucléaire dit ancien — à l’État, donc au contribuable, tandis que les activités plus rentables — renouvelables et distribution — seraient privatisées. Il faut rappeler qu’ EDF a une dette de 41 milliard avec une menace de 20 milliards de plus sur ses produits financiers hybrides (dette transformable en action par les créanciers) en fin 2019.

Il faut cependant se rappeler aussi que les actifs positifs constitués par EDF et qui sont monnayables (actions, obligations) pour le démantèlement des réacteurs anciens et la fin de cycle des combustibles (par ex. Bure) représentent le même montant soit 41 milliards.

2. Le plan « Hercule » modifié par la Commission européenne

« La position de la Commission européenne consiste à privilégier une holding sans rôle opérationnel ni contrôle sur ses filiales et une indépendance entre celles-ci […] et ne percevant pas de dividendes, ceci étend versé directement aux actionnaires de la holding. […]  Cette position entraînerait l’impossibilité de maintenir un groupe intégré et irait au-delà des exigences posées par les textes européens » (note de l’agence des participations de l’État datée du 6 mai 2020).

Toujours selon l’agence, la Direction générale de la concurrence justifierait la désintégration juridique, financière, comptable et opérationnelle du groupe par « l’ampleur de l’aide qui serait octroyée à EDF du fait du SIEG (service d’intérêt économique général, le service public en droit européen) […] afin d’éviter que le soutien au nucléaire régulé ne profite d’une quelconque manière aux autres entités du groupe ». En définitive, si les demandes de l’Europe étaient acceptées par la France, il s’agirait d’un démantèlement pur et simple d’EDF.

Donc le plan de la Commission européenne est la mise en place d’au moins 4 structures différentes et autonomes : EDF-holding (droit privé), EDF bleue filiale autonome du secteur nucléaire (entreprise publique), société Azur (barrages hydroélectriques et statut juridique non défini) et EDF verte filiale autonome énergies renouvelable (société anonyme donc de droit privé).

Cette position de la Commission européenne interdit la mise en place d’une stratégie de groupe et de toute politique industrielle, et permet que les filiales de la holding EDF se fassent concurrence entre elles ! De plus, la Commission demande la séparation juridique des activités nucléaires régulées et des activités de nouveau nucléaire interdisant que les bénéfices tirés des investissements déjà amortis ne puissent être réinvestis dans des activités nucléaires nouvelles. Cela impose aussi que les compétences et les expertises qui sont le fruit des activités nucléaires régulées ne puissent être utilisées pour la mise en place du nouveau nucléaire.

3. Le cas particulier des barrages hydroélectriques

Il est à noter qu’en ce qui concerne les barrages hydroélectriques (société Azur), 150 contrats de concession arrivent à terme d’ici 2023 et donc devront éventuellement être concédés à nouveau selon des procédures d’appel d’offres et de mise en concurrence – ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent et représenterai un nouveau marché juteux puisque les investissements sont déjà amortis (les barrages sont construits depuis longtemps et rapportent 1,5 milliards d’€ par an !).

Cette demande de la Commission européenne remonte à 2015 (mise en demeure par la commission) même si la droite avait commencé à anticiper cette demande dès 2010.

Les barrages hydroélectriques constituent la première source d’électricité renouvelable en France. Si l’État en est propriétaire, ce parc est aujourd’hui exploité à plus de 80 % par EDF – avec 433 barrages – via des contrats de concessions. Cependant la question de l’hydroélectrique n’est pas qu’une question de production d’électricité mais aussi touche à la sûreté, à la gestion de l’eau et des crues, sujets encore plus important désormais, du fait du réchauffement climatique. Par ailleurs, la production hydroélectrique permet de réguler les creux et les crêtes de production des autres sources d’énergie. Cette régulation ne peut être efficace que si la production hydroélectrique est intégrée à la production d’autres énergies – à défaut au moins régulée par la même entité. Cette ouverture à la concurrence remet en cause donc possiblement, des intérêts majeurs des populations.

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Sur ce sujet majeur d’intérêt général qu’est la maîtrise de la production d’électricité, sa sécurisation et sa revente au prix le plus juste pour les consommateurs, le gouvernement a cédé aux demandes libérales et destructrices de l’Union européenne.

La GRS demande au contraire la création d’un service public de l’énergie qui puisse être contrôlé à la fois par les citoyens, les élus locaux et des représentants de l’État. Et si EDF doit changer ce n’est pas en la démembrant en des entités indépendantes et qui se feront la concurrence comme le veut l’Union européenne et le met en place le Gouvernement Castex mais en la démocratisant.

De plus, la GRS condamne cette privatisation rampante de pans entiers de l’activité d’EDF et en particulier des secteurs des énergies renouvelables  et du nucléaire nouveau (construction et exploitation de nouvelles centrales). Ces secteurs sont primordiaux pour entamer la transition énergétique et ce sujet d’intérêt général est trop important pour le laisser à la propriété privée et aux forces du marché. Les modalités de transition énergétique doivent être le fruit d’un débat national et ses instruments publics.

Enfin ce démembrement « Hercule » qui relève davantage du lit de Procuste que du combat contre l’hydre de Lerne interdira toute stratégie industrielle et tout patriotisme économique. En effet EDF n’est pas une entreprise seule mais participe d’un écosystème de filières, d’innovation et de recherche. Or c’est justement de politique de renforcement de filière et particulièrement de filières en France dont nous avons besoin pour relancer et renforcer notre économie- l’exact contraire de ce que fait le Gouvernement en accord avec l’Union européenne.

Alors nous devons et nous allons nous mobiliser pour contrecarrer ce plan de « Judas » – cette trahison qu’est le plan « Hercule ».

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L’accord de Paris sur le climat : tous les gouvernements depuis 2015 ne tiennent aucun compte des engagements pris

par Zohra Ramdane

 

Pas plus la France que les autres pays. Cela devient une mascarade !

Commençons pas une question : quelle différence y a-t-il sur le plan du climat entre la politique de Donald Trump qui a quitté l’accord de Paris et la politique de Macron qui se prend pour le héraut de la bataille pour le climat ?

Réponse : aucune puisque les deux pays ne tiennent aucun compte de l’accord de Paris !

La France dépasse systématiquement son plafond carbone, et, sans mesures ambitieuses, ratera de plus de 30 % son objectif européen de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030.

  • Nous étions à 15 % d’énergies renouvelables en 2015 et 17 % en 2019. Pour un objectif de… 23 % en 2020 et de 32 % en 2030. Il faudrait quasiment doubler la part d’énergies renouvelables en 10 ans !
  • Dans le secteur des bâtiments, il faudrait multiplier par 10 le rythme actuel de rénovations énergétiques pour tenir l’objectif 2030 de 700 000 rénovations par an.
  • Les transports sont le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. En 2015, l’État s’est engagé à donner la priorité au ferroviaire. Verdict ? La circulation routière augmente et la circulation des trains de marchandises a baissé de 6 % entre 2015 et 2018.

Bien sûr, les deux périodes de confinement ont fait baisser le volume des gaz à effet de serre pour 2020 mais tout porte à croire à un redémarrage fort de la croissance du volume des gaz à effets de serre dès les confinements terminés. Seule une alternative structurelle du modèle économique et politique peut garantir une politique écologique et la transition énergétique.

Il va donc falloir engager la lutte écologique concrète via la double stratégie des actions de masse et des réunions d’éducation populaire locale. L’appel des 20 organisations a publié un plan de sortie de crise qui peut servir de base aux initiatives politico-culturelles que vous déciderez. Voici le lien : https://www.convergence-sp.fr/un-plan-pour-sortir-de-la-crise/

Et n’hésitez pas à vous protéger du virus protéiforme du néolibéralisme décrit par Patrick Chamoiseau : « Le néolibéralisme, n’est pas un système, mais un concentré de voracités proliférantes, animées par l’idée du profit maximal, aveugle et écocide ! C’est pourquoi il est protéiforme et capable de muter de manière transversale dans presque toutes les situations. C’est un véritable virus contre lequel nous n’avons pas encore trouvé de traitement, ni dégagé de vaccin, et face auquel notre imaginaire ne dispose pas, hélas, du bouclier, d’anticorps utiles à sa disparition. »

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Appel « Pour que vive la Sécu ! »

par Convergence nationale des Collectifs de défense et de développement des Services Publics

 

Alors que le gouvernement souhaite, avec le projet de loi 2021 de financement de la Sécurité Sociale, effectuer un nouveau tour de vis austéritaire, comme le forfait urgence de 18 euros, et s’appuyer sur la COVID pour des réformes structurelles contraires à l’ambition de solidarité de la Sécurité Sociale, nous lançons un appel pour défendre et reconquérir la Sécurité Sociale, notre bien commun, et ouvrir le chantier de son extension pour un nouveau progrès de société. Ce n’est ni aux salariés ni aux retraités de payer la crise !

Réunis à Saint-Étienne, à l’occasion du 75ème anniversaire de l’ordonnance du 4 octobre 1945 créant la Sécurité Sociale, nous appelons à créer les conditions d’une large mobilisation, d’actions d’éducation populaire, de gestes symboliques, comme nommer des rues Ambroise Croizat, des débats, et des temps forts communs.
Nous devons créer le rapport de force nécessaire pour que le financement de la Sécurité Sociale réponde aux besoins de la population au lieu de viser à réaliser de nouvelles économies.

La Sécurité Sociale, conçue par le Conseil National de la Résistance, a été mise en place sous la responsabilité du ministre communiste du travail, Ambroise Croizat avec un but : protéger « les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».
Ses principes sont d’une modernité saisissante : unicité (institution unique et obligatoire), universalité (couvrir tous les citoyens), solidarité et démocratie.
Son financement repose sur les cotisations sociales, part prélevée sur les richesses produites hors de toute sphère marchande. Mutualisées pour répondre aux besoins sociaux, elles donnent corps à un double principe de solidarité : « je cotise selon mes moyens et reçois selon mes besoins »; pas de lien entre celui qui paie et celui qui reçoit, contrairement au système assurantiel. C’est le principe de la solidarité intra et intergénérationnelle.
Instituer un droit universel à la protection sociale fait société ! Ces sommes, supérieures au budget de l’État, échappent aux marchés financiers.
A cause de cela le patronat et de nombreux gouvernements n’ont eu de cesse de restreindre le rôle de la Sécurité sociale et d’en prendre le contrôle. Dès 1967, par ordonnance est créée la division en branches distinctes et la suppression de l’élection des administrateurs, principe fondamental de démocratie. L’instauration du paritarisme patronat-salariés ouvre la porte aux régressions successives. Le plan Juppé de 1995, faisant voter par le parlement la LFSS et limitant les dépenses publiques de santé par l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) modifie profondément la gestion de la Sécurité Sociale, en transférant à l’Etat le pouvoir de décision.
La mise en cause de la Sécurité Sociale continue avec le gouvernement actuel dans un but : la transformer en un simple filet de sécurité pour les plus pauvres, fracturant la société et donnant le champ libre à l’assurance complémentaire privée pour celles et ceux qui en ont les moyens, à la capitalisation, alimentant les marchés financiers.
C’est l’objectif de la réforme des retraites que le gouvernement prévoit de remettre sur le tapis et de l’imbrication de plus en plus étroite des budgets de l’État et de la Sécurité Sociale
Les tours de passe-passe financiers et de gouvernance pour la mise en place d’une cinquième branche couvrant la perte d’autonomie confirment cette volonté de porter atteintes aux principes solidaires de la Sécurité Sociale.
La décision de laisser à la charge de la Sécurité Sociale 136 milliards de dettes de cette année et de celles à venir pour la Sécu (techniquement, par son transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES-) traduit la volonté de maintenir la pression sur le déficit pour continuer les politiques austéritaires. Est-ce à la Sécu de supporter cette dette liée à la COVID et aux décisions de l’État ? Ne devrait-elle pas être au moins l’occasion d’être financée à taux zéro, voir négatif comme pour les emprunts d’Etat ?
Face à cette volonté de détruire les institutions de solidarité de 1945 (Sécurité sociale, droits politiques et sociaux, services publics) nous devons trouver les ressorts d’une nouvelle dynamique convergente. Nous devons aussi faire progresser notre société à travers le développement de la Sécurité Sociale. Des propositions existent que nous souhaitons mettre en débat :

• Le « 100 % sécu » pour la maladie en lien avec le refus des dépassements d’honoraires et l’exigence d’un pôle public du médicament au moment où des laboratoires s’enrichissent sur le dos de la Sécu.
Le nécessaire développement de la prévention suppose par ailleurs d’autres politiques publiques de l’alimentation, du logement et de l’environnement.

– Les retraites doivent rester un revenu socialisé issu du travail avec un régime à prestations définies basé sur la répartition solidaire et sur un ensemble de garanties collectives de haut niveau.
– Un droit universel à la prise en compte de la perte d’autonomie doit être institué avec une prise en charge à 100 % par la solidarité nationale dans le cadre de la Sécurité sociale d’une part et du service public d’autre part. Nous refusons la logique individuelle qui conduit au recours aux assurances privées.

– Comme pour la maladie ou les retraites, pour les familles (enfants, logement) ou les accidents du travail et maladies professionnelles, l’ambition originelle d’assurer le bien-être de tous de la naissance à la mort doit être développée.
– Ce bien commun de la population doit être géré démocratiquement. Pour cela ne faut-il pas que l’élection des administrateurs de la Sécurité Sociale redevienne la règle ?
Cela doit être associé à une nouvelle démocratie sanitaire et sociale associant usagers, élus et représentants des salariés dans toutes les instances décisionnelles et à tous les niveaux: la population doit avoir son mot à dire sur la définition des droits et des besoins et des choix à faire.
– Indissociablement, ne faut-il pas que la pérennité de ses ressources soit garantie et donc sortie des jeux budgétaires conjoncturels en les faisant reposer de façon prépondérante sur les cotisations ? Les libéraux veulent faire croire que les cotisations sociales seraient des « charges », alors que les dépenses pour les travailleurs, pour le financement de la Sécurité Sociale permettent la création de richesses. Nous appelons à rebours à mettre en cause le coût du capital. Ce coût explose avec la distribution de généreux dividendes aux actionnaires.
Nous mettons aussi en débat de nouveaux financements de la Sécurité Sociale. Ne faudrait-il pas :

– remettre en cause les exonérations et exemptions de cotisations, actuellement autour de 60 milliards d’euros par an qui n’ont pas fait la preuve de leurs effets sur l’emploi et en attendant rétablir la compensation par l’Etat des pertes de recettes qu’elles entraînent ?
– apporter des recettes nouvelles en supprimant les plafonds de cotisations, en soumettant à cotisations des revenus comme l’intéressement, les stocks options, les primes de départ des dirigeants d’entreprises, les revenus financiers des entreprises, en pénalisant les entreprises qui diminuent l’emploi, les salaires, ne respectent pas l’égalité entre les femmes et les hommes ou l’environnement ?

– augmenter aussi massivement les rentrées de cotisations sociales par la création d’emplois, l’augmentation des salaires, l’application réelle de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, la lutte contre la souffrance au travail, et contre la fraude sociale, essentiellement patronale ?

La Sécurité Sociale est notre bien commun.
Ni régression des droits, ni ouverture aux financements privés !
Au XXIème siècle, ce sont des droits nouveaux qui sont nécessaires pour la sécurité des femmes et des hommes et pour l’émancipation humaine.

 

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Histoire du travail social en France : de la fin du XIXe siècle à nos jours

par Christian Dulieu

 

Cet ouvrage se présente comme la deuxième édition d’un manuel, (édité en 2014), qui fait toujours référence chez les professionnels du travail social.

Son auteur, Henri Pascal, y retrace les modalités et les conditions de surgissement des professions du social et de leur évolution, au gré des contextes politiques économiques et sociaux, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Il nous propose une lecture historique avec un regard à la fois synthétique et global, ne reculant pas devant les précisions de ses sources.

La question primordiale qui se repose implicitement dans chaque chapitre devient donc, qu’est-ce que le travail social ? L’auteur se garde bien de répondre directement à cette question, tant la réponse se métamorphose au gré de son évolution historique. Et il faudra attendre la fin de l’ouvrage pour qu’Henri Pascal nous en propose une définition textuelle, celle du code de l’action sociale et de la famille actualisé (2017) : « Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté…. »

Cet éclaircissement tardif s’explique par la caractéristique de cette recherche. Dans cet ouvrage l’auteur dévoile comment le travail social, fruit de tensions, de mobilisations et de combats dans des périodes marquées par l’extrême pauvreté, la précarité de nombreuses catégories de population, considérées trop souvent comme des exclus, n’a eu de cesse d’expérimenter de nouvelles formes de pratiques et d’élargir son champ d’action. De fait la généalogie des métiers du social s’avère très complexe. Et la question est plutôt de repérer des lignes de force qui vont, tel un puzzle, donner forme à un ensemble disparate. Pour clarifier ses propos, l’auteur adopte une méthode de travail qu’il répète dans chacun des six chapitres, et qui dans l’ordre chronologique, déclinent des périodes historiques : fin du XIXe siècle-1913, guerres mondiales (1914-1939), l’après-guerre (1940–1949), les Trente glorieuses 1950-1980, l’époque actuelle (1981–2004), avec un dernier chapitre qui a été rajouté pour actualiser cette deuxième édition, (2004 à nos jours).

En introduction de chaque chapitre, avec opportunité,  il associe des développements de contextualisation, politiques, économiques, sociaux, nationaux et internationaux pour insister sur l’interdépendance des professions du social avec leur époque. Et pour chaque période historique, il analyse successivement les objets de l’intervention (enfance, famille, logement, santé….), les champs d’action et d’investigation, (institutions, formation, législation…) et les professions elles-même, pour en étudier l’évolution d’une période à l’autre. Ce schéma permet de repérer les continuités et les ruptures dans ce cheminement étalé sur plus d’un siècle. En bon sociologue l’auteur ne se contente pas de dérouler cette chronologie, il tire de façon pertinente, tout au long de l’ouvrage et en guise de conclusion, trois fils transversaux qui vont caractériser cette histoire selon des modalités différentes.

  1. « Le lien entre les changements de la place des femmes dans la société française et l’histoire du travail social ». C’est l’un des points saillants de cet ouvrage, sachant que les métiers du social ont été dès leurs origines, investis massivement par les femmes, situation qui perdure aujourd’hui (84 %), même si cette majorité féminine ne se retrouve pas dans les instances de direction des institutions et l’association du travail social.
  2. « Les rapports parfois complexes, entre le travail social et le politique ». La volonté d’agir sur les conditions de vie de la population ouvrière en particulier est devenu dominante tout au long de cette histoire.  Souvent les actions lancées par quelques professionnels deviennent même les modèles d’action généralisés par l’État et par extension, « une manière d’agir concrètement sur la politique », mais de quelle place ?
  3. « La question du rapport à la loi et les tensions, les contradiction entre l’égalité et légitimité ». Ces contradictions se retrouvent réactivées, en particulier dans des périodes conflictuelles, les guerres mondiales et en particulier la période de l’occupation, la guerre d’Algérie et les années 68 -70. Surgissent alors dans les propos de l’historien, des anecdotes, des personnages marquants qui a eux seuls, dévoilent l’originalité et les paradoxes des métiers du social.

On pourra regretter que l’animation socioculturelle, un des volets importants et actuel du travail social, n’ait pas été étudiée, au motif qu’elle s’origine davantage dans l’histoire de l’éducation populaire. Ce positionnement est discutable quand on sait par ailleurs que l’animation socioculturelle depuis son démarrage dans les années 60 n’a pas cessé de l’accompagner et parfois même de remplacer les modalités traditionnelles d’intervention du travail social.

Mais cette remarque ne remet pas en cause ce travail conséquent de recherche, qui n’est pas qu’un travail d’historien et mais celui d’un acteur impliqué souhaitant que, « les événements du passé et la manière dont les travailleurs sociaux ont agi dans différents contextes historiques, permet de se poser des questions d’aujourd’hui et de construire les fondations du futur ». Et nous ne pouvons qu’espérer que par la lecture de cet ouvrage de référence, ces souhaits deviennent réalités et qu’ils  puissent donner une visibilité est un sens commun à ce secteur qu’on présente trop souvent en ordre dispersé.



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