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Reconstruire la France par une République sociale

par Évariste

 

La France s’enfonce : augmentation phénoménale des injustices sociales, 7 millions de chômeurs en prenant en compte les cinq catégories de l’INSEE, 10 millions de pauvres, mépris grandissant du prolétariat employé et ouvrier y compris à gauche, les dix principes républicains et sociaux (liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, solidarité, universalité, sûreté, souveraineté populaire, développement écologique et social) en berne, la sphère de constitution des libertés (école, services publics, sécurité sociale) ouverte à la prédation, la soumission « en même temps » au néolibéralisme et à l’ordolibéralisme allemand, la vague étasunienne moraliste, essentialiste, victimaire, identitaire qui envahit la France en commençant sur sa gauche, un extrême centre macroniste avec ses 9 scandales – pour l’instant – de sa politique contre le virus Sars-Cov-2, le poumon industriel français décapité. En fait une étrange mise à l’écart de la France est organisée.

Les 10 plaies citées aboutissent de fait au constat terminal du paragraphe précédent. Sur les 8 premiers, les articles de ReSPUBLICA et les ouvrages de la « Librairie militante » de ReSPUBLICA en ont abondamment parlé. Nous allons donc préciser ci-dessous les deux dernières plaies insuffisamment présentées.

Les scandales de la politique sanitaire contre le Sars-Cov-2 du dispositif Macron

Après le scandale des masques et des tests avant le premier confinement, on a vu le retard incroyable de la France sur le séquençage du virus et de ses mutations et ce premier déconfinement mal planifié. Nous avons vu la France, seul pays membre permanent du Conseil de sécurité à ne pas être capable de produire un vaccin malgré nos « fleurons » scientifiques et industriels… tout en augmentant considérablement le montant de ses dividendes. Ensuite, on a vu l’incapacité de la France d’acheter efficacement les vaccins existants, puis la distribution erratique de ces vaccins. Nos eurolâtres ont encensé la capacité de l’UE d’avoir dirigé et distribué ces vaccins. Patatras, nous apprenons par le journal Le Monde que les premières livraisons de vaccins fin décembre ont fourni 9750 doses à l’Italie, 19500 à la France et 151125 à l’Allemagne ! Voilà ce qu’on appelle dans l’UE une distribution équitable.

Et rappelons que le confinement n’est pas la meilleure solution et n’est utilisé que parce que les politiques d’austérité menées dans les hôpitaux publics n’ont autorisé que 5000 lits de réanimation pour 68 millions d’habitants et que la politique d’austérité empêche d’employer la meilleure solution pour combattre le coronavirus. Et répétons que la meilleure solution et la moins meurtrière (et de loin) est celle du triptyque « tester les symptomatiques avec résultat dans la journée, tracer rapidement tous les cas contacts et isolement strict des testés positifs en hôtels hospitaliers pour ceux qui ne peuvent s’isoler chez eux ».

Le constat de la décapitation de l’industrie française

Jouons au jeu de la vérité. La part de l’industrie dans le PIB est de 24 % pour l’Allemagne, 21,7 % pour l’Autriche, 20,5 % pour la Finlande, 19 % pour l’Italie, 18,2 % pour la Suède, 17 % pour le Portugal, 16 % pour l’Espagne, 15 % pour les Pays-Bas. Question : quelle est la part de l’industrie dans le PIB en France ?

Deuxième question : quelle est la part de la recherche-développement par rapport au PIB français sachant que pour la Suède, cette part est de 3,39 %, celle de l’Autriche 3,19 %, celle de l’Allemagne 3,17 % et celle de la Finlande 2,79 % ?

Eh bien, la réponse à la première question est 13 % (on fait tout juste mieux que la Grèce qui est à 12 %) ! Et la réponse pour la deuxième question est 2,19 % !

Continuons ! En 2019, la France et l’Allemagne dépensaient toutes les deux 11,2 % du PIB pour la santé mais par habitant l’Allemagne dépensait 20 % en plus (5 900 dollars contre 4 900).

Et là, on ne peut pas incriminer seulement les politiques néolibérales mais la politique spécifique de l’oligarchie capitaliste française à laquelle se sont soumis tous les gouvernements depuis le 3ème gouvernement Mauroy jusqu’à nos jours et donc y compris les gouvernements Jospin, Ayrault et Valls ! Ayant eu la peur de leur vie suite à la plus grande grève de l’histoire de France en mai 68, ils ont préféré décapiter l’industrie française pour casser la classe ouvrière tout en enclenchant un processus de délocalisations terrifiantes et une gentrification féroce pour que les élites puissent ne plus voir la classe populaire ouvrière et employée pour pouvoir développer librement leur mépris de classe. Et il y a encore des militants et des citoyens qui s’étonnent que la France a développé le mouvement des gilets jaunes et pas les autres pays ?

Répéter c’est enseigner : un emploi industriel crée trois emplois induits. Et il y a encore des hommes et des femmes politiques, des intellectuels, des journalistes, qui ânonnent depuis des décennies « créons des emplois » ! Non, il faut créer de l’emploi industriel pour lutter contre le chômage. Et si le capitalisme français n’en est plus capable, et si ce dernier n’est capable que de nous mettre au pouvoir des illusionnistes, tournons la page du capitalisme et construisons une société post-capitaliste d’abord en développant un discours politico-culturel contre-hégémonique !!! Et alors, on pourra créer les postes de services pour répondre aux besoins sociaux des citoyens et de leurs familles ! Et puis, cela nous évitera de rendre la France de plus en plus soumise au grand capital. Dans les formations du Réseau Éducation Populaire, une animation vidéo de quelques minutes montre comment la France est passée des années 60 à nos jours de la deuxième place économique à la septième place parmi les autres nations. Il est temps d’arrêter cette descente aux enfers.

Nous allons voir pour les élections prochaines de 2021 et de 2022, quels seront les candidats et les organisations politiques qui privilégieront le point de vue que nous présentons ici. Car il ne suffit pas de se déclarer radical ou révolutionnaire dans l’abstrait pour l’être, il faut l’être concrètement !

« Si tout le monde se résigne, nous ne sommes plus un pays de liberté », la sœur de Samuel Paty

Mais reconstruire la France, c’est aussi renouer avec les principes émancipateurs énoncés lors des périodes lumineuses de son histoire du 18ème siècle à nos jours. Nous en profitons pour saluer la décision de l’association des professeurs d’histoire-géographie (APHG) de créer un prix Samuel Paty avec sa famille. Devant toutes les lâchetés que nous avons pu voir avant et après son assassinat, l’APHG inaugure un prix à son nom pour des raisons qui sont expliquées par la sœur de Samuel Paty.
Pour ne pas se résigner, oser les 10 principes républicains et sociaux que nous avons présentés en ce début d’article et dans notre livre sur la République sociale.

 

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Ingérences américaines et complicités européennes

Bien des questions se posent sur ces attitudes interventionnistes et partisanes

par Lucho

 

Le récapitulatif, certes partisan et non exhaustif, des vingt dernières années sur le sous-continent, peut éclairer la photo d’une partie de l’Amérique latine d’aujourd’hui, du moins des pays dans lesquels des élections se sont déroulées ces derniers mois (voir les précédents articles : sur l’Argentine et l’Uruguay, sur la Bolivie, la Colombie et le Brésil, sur le Venezuela et sur l’Équateur). D’autres photos suivront au rythme des élections (1) ou des soubresauts de l’actualité.

Avec ces « photos », je voudrais montrer le décalage qui existe aujourd’hui entre, d’une part, un sous-continent qui se construit, après des années de pouvoirs souvent autoritaires, quelquefois des dictatures, sous la main toujours active des États-Unis, et d’autre part l’Union européenne qui désormais accompagne l’ingérence nord-américaine.

Il fallait pour cela raconter les efforts de ces présidents hors du commun, Lula, Chavez, Mujica ou Morales… qui se sont unis pour construire une Amérique latine plus solidaire, qui ont mis en place des organisations « pratiques » comme Petro caribes ou l’ALBA, qui ont voulu transformer l’utopie en réalité, pour comprendre ce paradoxe : au moment où ces hommes et ces femmes faisaient – et font encore – de la politique, les États-Unis et l’Europe entraient, eux, dans le monde, qu’ils croient moderne, de la communication. Un monde où l’on intervient dans les médias, d’abord chaque jour, puis chaque heure, puis chaque seconde, un monde où il faut tweeter pour exister, un monde où les agences et les conseillers en communication prospèrent en nombre inversement proportionnel à celui de militants que les partis recrutent.

Quand on est européen et que l’on vit en Amérique latine, on s’interroge. On voit non seulement les États-Unis intervenir sans gêne dans les affaires intérieures des pays latino-américains, on voit aussi l’Europe, et notamment la France (qui s’auto-qualifie pourtant sans hésiter de « pays des droits de l’homme ») au mieux ne rien dire, ou le reste du temps appuyer les décisions américaines. On s’interroge par exemple sur ce blocus contre un pays, le Venezuela, accentué en pleine pandémie parce qu’un président américain en exercice n’en trouvait pas les règles électorales assez transparentes, alors que ce même président, obsédé par la même lubie dans son propre pays et battu en novembre, criait encore à la fraude début janvier. On s’interroge sur l’attitude de l’Union européenne, dont aucun chef d’État ou de gouvernement, hormis l’ex Premier ministre espagnol José Luis Zapatero, ne s’est levé pour dire aux Américains : ça suffit ! discutons-en ! Discuter : Maduro y était prêt, mais les États-Unis et l’Union européenne s’y refusent encore et toujours.

Les militants latino-américains ressentent très fort le mépris américain, mais le ressentent plus fort encore quand il vient de l’Europe, pour laquelle ils ont encore une certaine admiration. Car quand on observe les comportements des politiques américains et européens face aux coups d’État au Honduras, au Brésil, en Bolivie ou au Venezuela, on ne peut s’empêcher de penser que le monde de la communication, dans lequel Américains et Européens sont désormais entrés, annihile toute possibilité de pensée politique. Un simple tweet tient lieu de position officielle sans débat préalable.

Les militants latino-américains regardent avec étonnement cette Europe se fermer politiquement sur les questions d’immigration, laisser passer l’extrême droite, accepter le libéralisme. Qu’est devenue l’Europe contestataire et libre dont ils avaient fait leur modèle ? Les Européens seraient-ils devenus nostalgiques des années Pinochet, de ces années pendant lesquelles le modèle économique dessiné par les Américains s’appliquait à la lettre, au mépris des droits de l’homme ? Le positionnement de l’Europe le leur laisse supposer, qui pilonne sans faire de détail la Bolivie de Morales, l’Équateur de Correa, le Brésil de Lula, le Venezuela de Maduro ; et se tait dès qu’il s’agit de la Colombie de Duque ou du Chili de Pinera. Pourquoi l’Europe porte-t-elle maintenant cette idéologie américaine de « tout sauf la gauche au pouvoir » ?

Les militants latino-américains ne comprennent pas cet acharnement contre le Venezuela alors que dans le pays voisin, la Colombie, des centaines de personnes sont assassinées chaque année pour avoir voulu défendre les plus vulnérables. Que ferait le pouvoir colombien si quelqu’un s’autoproclamait soudain président en Colombie (comme l’a fait Guaido au Venezuela) ?

C’est un fait, les États-Unis font toujours de l’ingérence en Amérique latine, et ils peuvent maintenant compter sur la complicité de l’Europe, la complicité de l’Europe en général et la complicité de la France en particulier.

 

 

Les pays d’Amérique latine n’en ont pas fini de se battre sur le terrain politique. Les Chavez, les Mujica, les Correa, les Lula et les Morales ont fait naître une conscience politique qui n’existait pas avant dans les catégories les plus défavorisées. Jeunes et moins jeunes désormais se forment, lisent, s’informent, et militent pour un sous-continent plus égalitaire et plus uni. Et ils ne veulent pas du modèle « américano-européen ».

Les femmes elles aussi, dans tous les pays de la région, prennent une place toujours plus importante, dans le milieu politique à haut niveau sur

les traces de Cristina Kirchner ou de Dilma Roussef, et dans le milieu associatif, où elles tissent des réseaux très importants, qui préparent l’avenir. Un avenir militant et solidaire, dont la planète a besoin. Pendant 20 ans, les militants latino-américains ont fait de la politique quand les Européens en creusaient la tombe. C’est sans doute pour cela qu’il est si difficile de se comprendre.

Notes de bas de page

1 Quelques dates à retenir :
7 février 2021 : élections présidentielles en Équateur ;
28 février 2021 : élections législatives et municipales au Salvador ;
11 avril 2021 : élections présidentielles au Pérou ; élection constituante au Chili ; deuxième tour de la présidentielle en Équateur ;
7 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Nicaragua ;
21 novembre 2021 : élections présidentielles et parlementaires au Chili ;
28 novembre 2021 : élections présidentielles-parlementaires-municipales au Honduras.
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Maternelle, une école malmenée par les dernières préconisations du Conseil supérieur des programmes

par Philippe Duffau

 

L’école maternelle représente un échelon fondamental pour favoriser l’« égalité des chances », pour que l’école publique, l’école de toutes et tous repose sur le principe du « tous et toutes capables ». Une politique scolaire qui se fixe pour objectif de combattre les inégalités, de favoriser la réussite de toutes et tous est beaucoup plus efficace quand elle est menée dès le plus jeune âge. Prendre des mesures plus tard, à la fin de l’élémentaire ou au collège, est souvent inopérant et, dans tous les cas, beaucoup plus lourd en termes d’investissement humain pour des résultats trop souvent peu concluants. La dernière note du CSP commandée par le ministre tourne le dos à ces objectifs tout en détournant l’école maternelle de ses missions spécifiques et en faisant un appendice de l’école élémentaire.

Les objectifs prioritaires des débuts de la scolarité sont de donner envie aux enfants de fréquenter l’école, d’assurer leur épanouissement, de créer les conditions afin qu’ils adoptent les attitudes qui leur permettent de devenir des élèves et de leur apprendre à parler en utilisant une syntaxe complexe.

Scolarité obligatoire dès 3 ans : une décision qui masque un recul de ce qui fait ou faisait l’excellence de l’école maternelle française mondialement reconnue

À partir d’une décision qui marque un progrès à relativiser puisque déjà 97 % d’une classe d’âge fréquentait l’école maternelle, le ministre Jean-Michel Blanquer en profite pour imposer une régression et dans le domaine pédagogique et sur la question des finalités de cette école. En instituant une sorte de conseil réduit à quelques neuroscientifiques et experts par lui désignés donc proches de ses convictions excluant les professionnels que sont les enseignants et enseignantes en exercice, il démolit ce qui longtemps a fait la fierté de notre école hors des frontières. Ajoutons à cela que cette mesure d’instruction obligatoire dès 3 ans renforce l’école privée que les collectivités territoriales seront obligées de financer favorisant ainsi le séparatisme scolaire, l’entre-soi des catégories les plus aisées de la population et la concurrence aux dépens de l’école publique.

Une obsession régressive des évaluations-tests aux dépens de la culture générale

L’orientation que le ministre tente de mettre en œuvre est de transformer l’école maternelle en une école préparant aux tests mathématiques-français et de pratiquer du bachotage pour obtenir de bons résultats aux évaluations des performances ciblées. Ce faisant, ils poussent les acteurs éducatifs à abandonner ou tout au moins à consacrer moins de temps aux autres apprentissages tout aussi importants.

L’expérience du Royaume-Uni devrait nous interpeller. Il y a quelques années des évaluations dans quelques domaines jugés essentiels étaient imposées. En fonction des résultats, les écoles percevaient plus ou moins de subventions. Le résultat, au bout de quelques temps, a été que si les élèves parvenaient à des niveaux corrects dans les domaines évalués, ils étaient d’un niveau faible dans les domaines comme la littérature, l’histoire, la culture en général… Depuis, les responsables britanniques ont fait machine arrière faisant le constat de l’inefficacité d’une telle politique car les enfants et l’éducation ne peuvent être réduits à des machines, à un produit marchand.

L’école maternelle : une école à part entière avec des pédagogies adaptées

L’école maternelle, de même que les premières années de l’école élémentaire, est un moment crucial pour aplanir les inégalités sociales qui entraînent de fortes inégalités scolaires. Pour cela, l’école maternelle ne doit pas se limiter aux « fondamentaux » et se contenter d’être l’antichambre de l’école élémentaire.

Dès 1881, l’inspectrice générale Pauline Kergomard définissait l’école maternelle comme n’étant « ni caserne, ni petite Sorbonne, ni garderie, ni école élémentaire » et sur le plan pédagogique avançait l’idée que « le jeu c’est le travail de l’enfant, c’est son métier, c’est sa vie ». Depuis le débat fait « rage » entre les partisans qui considèrent la maternelle comme une simple garderie et ceux la voyant comme préparant aux apprentissages de l’école élémentaire.

En 2008 sont promulgués des programmes directifs tournant le dos à la prise en compte des spécificités dues à l’âge des élèves accueillis. En 2015, les programmes permettent de penser l’école maternelle comme une école qui s’adapte aux jeunes enfants et organisent des modalités spécifiques d’apprentissage :

  • apprendre en jouant, en réfléchissant,
  • apprendre en résolvant des problèmes,
  • apprendre en s’exerçant,
  • apprendre en se remémorant et en mémorisant,
  • apprendre en parlant pour aller vers un langage de plus en plus complexe, complexité indispensable pour appréhender dans de bonnes conditions l’acquisition d’une lecture aisée et efficace.

Mettre en contact avec un langage adulte élaboré et faire parler

Les dédoublements se font trop souvent au détriment des autres classes. Cette réduction des effectifs doit permettre aux enseignantes et enseignants mais aussi aux ATSEM d’échanger avec chaque élève pour le mettre au contact d’un langage adulte élaboré employant ce que Laurence Lentin appelle des introducteurs de complexité tels que « qui », « que », « car », « parce que », « puisque »… Ceci est quasi impossible avec des effectifs de 30 et plus par classe. De tels effectifs, s’ils sont « indolores » pour des enfants qui entendent à la maison un langage élaboré, sont rédhibitoires pour ceux qui n’ont pas l’occasion d’entendre et d’utiliser un tel langage. Une telle situation entache l’avenir scolaire des élèves et ne peut qu’aggraver les inégalités pour parvenir à un bon niveau scolaire.

Des moyens insuffisants à l’heure actuelle

Une telle pédagogie et de telles finalités exigent des moyens matériels certes mais aussi et surtout des moyens humains : réseaux d’aide spécialisée dans chaque école pour assurer une

bonne mise en œuvre de la prévention, des ATSEM en nombre suffisant, une réelle réduction des effectifs par classe, dédoublement des classes, des effectifs par classe revus à la

baisse, des enseignants reconnus avec un salaire suffisant (les professeurs des écoles français effectuent dans l’année plus d’heures en présence des élèves que leurs homologues allemands et

perçoivent un salaire très inférieur)…

Une composition du CSP éloignée des réalités du terrain

En 2015, la composition du CSP (Conseil supérieur des programmes) comprenait des personnalités qui connaissaient l’école, le collège et le lycée. Avec Jean-Michel Blanquer, les membres du CSP connaissent le lycée et les classes préparatoires. En 2015, le CSP avait constitué un groupe de travail auquel participaient des directeurs d’école et des CPC. Avec Jean-Michel Blanquer, il n’y a pas d’acteurs de terrain et le ministre a choisi lui-même les experts du Conseil scientifique. Cela a pour conséquence de penser la maternelle sur le modèle de l’école élémentaire.

Une préconisation pédagogique inadaptée

Tournant le dos à la nécessité de faire parler les enfants, il est préconisé des cahiers de mots et la reformulation hors contexte de phrases. Est tenté de mettre en œuvre un formatage ou caporalisation réduisant les enseignants à de simples exécutants.

À côté de cela, il est constaté une baisse de la scolarisation des moins de 3 ans (3 6% entre 1990 et 2000, 12 % en 2011). Cette scolarisation, si les effectifs sont adaptés, permet aux enfants de développer des compétences langagières et sociales. Même si cette scolarisation ne doit pas être obligatoire, elle doit pouvoir être proposée dans les quartiers sensibles concentrant les plus grandes difficultés.

Sous des aspects qui paraissent relever du bon sens, le CSP définit l’objectif principal qui est « d’assurer à tous les enfants des acquisitions qui leur seront nécessaires pour aborder avec confiance le cours préparatoire ». Ce faisant, est préconisé une conception de développement de l’enfant qui consisterait à l’aide de « fondamentaux, de remplir un petit vide pour le faire grandir ». Il suffirait ainsi, selon le CSP, de le baigner dans des « jeux » de langage ou de mathématiques, selon Mireille Brigaudot (maîtresse de conférences en science du langage) qui reproche à ces préconisations une conception mécaniste des apprentissages scolaires. À la construction des concepts de nombre par exemple, le CSP oppose les exercices de répétitions, le recentrage sur l’utilisation et la connaissance qui devrait être postérieure à la compréhension profonde de ce qu’est le nombre. Le tropisme du résultat, d’où la multiplication des tests dès la petite section, devient le souci premier et formalise d’en haut les pédagogies en imposant l’utilisation des outils proposés par l’institution. Cela éloigne de la prise en compte de la réalité de la classe et des élèves, de l’observation concrète des élèves et de l’analyse de leurs besoins.

Piloter chaque niveau en fonction du niveau suivant est contre-productif et réducteur

Le CSP, à la demande du ministre, préconise des évaluations dès la petite section avec pour seul objectif de préparer les élèves à réussir les tests du CP. À piloter chaque étape du cursus scolaire par les seules exigences du niveau suivant, la maternelle par le primaire, le primaire par le collège, le collège par le lycée etc., est mis de côté la spécificité de chaque tranche d’âge et ainsi l’efficacité dans les apprentissages attendus.

Grande est ainsi la tentation de renoncer au « tous et toutes capables » en risquant de culpabiliser les familles en les rendant responsables de l’éventuel échec scolaire puisque ce qui est jugé dans les tests de la petite section c’est le niveau familial.

L’école maternelle, un moment essentiel pour devenir un élève

La mission de l’école maternelle est certes de préparer à l’entrée au CP, selon Christine Passerieux (conseillère pédagogique et membre du GFEN/Groupe Français d’Éducation Nouvelle) mais ce n’est pas la seule. L’école maternelle est une école à part entière et, à ce titre, un espace d’ouverture au monde. On ne naît pas élève, on le devient :

  • en rencontrant l’autre,
  • en s’appropriant des outils, des modes de faire et de dire,
  • en découvrant et en interagissant des œuvres patrimoniales et contemporaines dans tous les domaines,
  • en s’engageant au quotidien dans le plaisir d’apprendre.

Pour devenir un élève, il est indispensable de créer les conditions pour que enfant s’engage dans un processus d’ « acculturation » ou d’émancipation qui permettra une attitude ou posture de réflexion, de questionnement, de compréhension progressive du monde et de développement de l’imagination.

Tous ces aspects fondamentaux pour l’avenir des enfants et de la société sont absents de la note du CSP qui pratique, selon le désir conscient ou inconscient du ministre, plus les injonctions que les propositions à débattre et discuter.

Évaluer fait partie de l’acte d’enseignement pour prendre en compte l’état des connaissances des enfants et aussi et surtout, ce qui ne figure pas dans la note du CSP, de ce qu’ils comprennent des attendus de l’école et de la manière avec laquelle ils se les approprient.

L’école publique, une école pour toutes et tous

L’évaluation dès la petite section, c’est prendre le risque d’étiqueter les enfants et, indirectement, de les détourner du désir d’apprendre. L’évaluation à l’école ne peut se faire que sur les acquisitions de la scolarité. Il s’agit de distinguer l’évaluation contrôle de l’évaluation formative essentielle. Ne pas se préoccuper des conditions d’entrée de tous et toutes dans les apprentissages c’est empêcher tout ce qui fait que l’école maternelle de qualité peut réussir pour l’épanouissement présent et futur des enfants et pour lutter contre les inégalités. Le risque est grand de condamner les enfants à une assignation à résidence de leurs origines en limitant leur capacité à s’émanciper.

Serait ainsi acté la fin « de l’école publique, une école pour tous » et d’avaliser la ségrégation culturelle et sociale.

 

NDLA :

Article qui repose en partie sur les analyses du dossier de la revue n°230 de février 2021 Pour de la FSU, dossier consacré à la maternelle sous le titre « Maternelle, le consensus brisé ».

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Comprendre le Hirak : One, two, three. Nouvelle Algérie, par Mina Kaci

par Monique Vézinet

 

One, two, three. Nouvelle Algérie (La boîte à Pandore éd.) est le second ouvrage de la journaliste Mina Kaci qui a aussi écrit, outre des reportages dans L’Humanité notamment, Enlevée par Boko Haram  (avec Assiatou, 2016) dont nous avons publié un compte rendu.  Le titre reprend un slogan scandé par les supporters de l’équipe d’Algérie de football, les Fennecs, attesté depuis 2014 mais aux origines incertaines[1].

Publié il y a tout juste un an, il tenait compte dans sa postface de l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence et de la disparition d’Ahmed Gaïa Salah en décembre 2019. Onze mois de bras de fer soutenu donc entre la majorité du peuple algérien et le pouvoir, qui seront suivis d’une année de trêve Covid (annoncée le 28 février 2020) et que pourraient relancer les annonces d’un président revenu au pays, à l’occasion du deuxième anniversaire du 22 février 2019.

Comme l’indique bien le sous-titre ( « Le mouvement citoyen raconté par celles et ceux qui le font »), le livre donne largement et avec empathie la parole à des Algériens et Algériennes acteurs du mouvement, rencontrés par l’auteur sur place, non seulement pour écrire l’ouvrage, mais aussi à l’occasion de précédents séjours.
De fréquents allers-retours sont faits avec l’histoire pour éclairer la situation du pays à la veille du soulèvement, après quatre mandats du président Bouteflika et l’annonce d’un cinquième, vingt ans d’un régime corrompu « rouillé et verrouillé ». Pour certains, plus âgés, il s’agissait de « parachever l’indépendance inachevée » en 1962 en assurant enfin la primauté du civil sur le militaire. L’héroïque Djamila Bouhered – résistante FLN lors de la bataille d’Alger – sort du silence dans une tribune de mars 2019 pour exprimer aux manifestants sa gratitude et la fierté retrouvée. Visant les « opportunistes, usurpateurs et maquisards de la vingt-cinquième heure », elle les enjoint de ne pas laisser ceux-ci « pervertir la noblesse de votre combat […], voler votre victoire… ».

Le retour sur le passé, c’est aussi celui vers la décennie noire et la fausse « réconciliation sans justice » de 2005 ; c’est aussi la crainte d’un retour aux violences qui fait choisir d’emblée aux manifestants la voie de la silmya (pacifisme) et leur fait proclamer la fraternité peuple-armée (hors son noyau dur), afin de ne pas risquer encore la spirale violence-répression. Mina Kaci observe dans les manifestations de 2019 la présence – plus ou moins discrète – d’islamistes en particulier aux côtés des mères endeuillées dans les années 1990. Elle note aussi l’influence qu’ils conservent sur l’esprit d’une partie des jeunes, encore qu’il faille à cet égard distinguer les filles, moins perméables au rigorisme religieux.

Pourtant, sur le plan politique, pour  préserver le système en place depuis 1962, comme si rien n’avait changé, le pouvoir n’hésite pas au cours de l’année 2019 à faire appel aux islamo-conservateurs. Il s’agit toujours de promouvoir des élections présidentielles pour mieux refuser le processus constituant réclamé par la rue.

Un chapitre étoffé de l’ouvrage est consacré à la Kabylie. L’auteur constate la particulière pauvreté qui frappe la région depuis plusieurs années avec l’abandon des projets de développement consécutifs à la chute des cours du pétrole et avec la diminution des transferts financiers liés à l’émigration et note les formes particulières de la participation des Kabyles au mouvement populaire. Dès juin 2019, l’emblème amazigh est interdit dans les cortèges, le régime mettant les Kabyles à l’épreuve pour pousser à l’affrontement. En même temps, on verra des banderoles proclamant : « Pardon aux Kabyles de ne pas les avoir soutenus en 2001 »  et « 2001, on nous a séparés – 2019, on va les briser » et des pancartes évoquant les héros de ce « printemps noir » où la marche du 14 juin tomba dans le piège tendu à Alger par le gouvernement.

Autre aspect du Hirak que Mina Kaci tient à souligner, la forte participation des femmes qui s’affirme déjà lors de la journée du 8 mars. Les féministes vont rapidement installer leur « carré » dans les manifestations du vendredi. Non seulement les associations et collectifs de femmes existants vont s’unir pour prendre place dans le mouvement citoyen mais une nouvelle génération se recrute à l’Université.  Le Code de la famille, qui a remplacé en 1984 le « statut personnel » hérité de la période coloniale et consacre l’infériorité féminine, est le point d’achoppement central, défendu qu’il est tant par les conservateurs que par les islamistes. Cependant la mixité – largement due à la scolarisation massive des filles algériennes  et au travail des femmes – progresse inéluctablement même si les jeunes étudiantes acceptent de porter le voile pour « être tranquilles » et quitter leur village.
Nous ne pouvons que partager le souhait de Mina Kaci quand elle écrit :

« En se prononçant pour une société d’émancipation humaine, bâtie sur la reconnaissance du statut de citoyen et citoyenne, le féminisme est sans conteste la voie politique la plus ambitieuse, la plus solide pour tendre vers une Algérie nouvelle. »

Car ici, bien sûr, il ne s’agit pas seulement de faire tomber un pouvoir détesté…

NOTE

[1] Un chapitre du livre porte sur la jeunesse des stades et ses rapports avec les réseaux sociaux, en particulier avec les portraits de Foufa Torino, supporteur de foot, auteur de chansons très politiques et populaires, et celui de Amira Bouraoui, blogueuse influente depuis 2009.

Crise sanitaire
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Zéro Covid : pour une stratégie sanitaire d’élimination du coronavirus

par RogueESR

 

Note de la Rédaction : Depuis un an que l’exposition au coronavirus détermine la vie publique et privée dans nos sociétés, le débat politique relatif à la stratégie sanitaire à adopter en France se caractérise par un degré remarquable d’indigence et de suivisme, faute d’un travail sérieux de confrontation des médias et de la classe politique à la complexité des données scientifiques. Les effets de mode et l’attention sélective consacrée aux bateleurs ont fait écran à la diversité des stratégies proposées et à la remontée progressive de données épidémiologiques permettant d’en soupeser les avantages et les inconvénients. L’époque ouverte par l’irruption du covid ne se refermera pas de sitôt : d’autres crises sanitaires et environnementales adviendront, dont le règlement démocratique ne sera possible qu’au prix d’une appropriation collective d’une éthique de l’argumentation rationnelle, contradictoire et étayée par des procédures de vérification empirique. Cette appropriation a débuté depuis plusieurs mois chez nos voisins. Il est temps qu’elle commence en France.

En effet, il y a urgence : le mélange de laxisme et de coups de menton de l’exécutif maintient la circulation du virus sur un « plateau haut » à 20.000 contaminations par jour. Aux centaines de décès quotidiens, il faut ajouter des milliers de personnes, parfois jeunes et en bonne santé, qui restent handicapées durant des mois et dont certaines ne recouvreront jamais leurs facultés antérieures (c’est le « covid long »). Si, comme le suggèrent les projections, les variants britannique et sud-africain deviennent majoritaires avant la fin février, les données des pays voisins, projetées sur le plateau français, augurent d’une hausse mécanique du facteur de reproduction épidémique au-dessus de 1, synonyme d’une explosion rapide des services de réanimation. Dans ce contexte, le mot d’ordre « Zéro Covid » fédère de plus en plus de partisans d’une politique d’élimination du virus comme celle qui a été appliquée avec succès dans plusieurs pays d’Asie et d’Océanie, dans le respect des libertés publiques. ReSPUBLICA porte ce sujet à la connaissance de ses lecteurs : il est temps que la politique se ressaisisse des données de la science et en discute rationnellement !

Ce texte en faveur de ZéroCovid, initié par un collectif fédérant plusieurs centaines d’universitaires et scientifiques, est ouvert à la signature : https://rogueesr.fr/zero-covid/

Le collectif à l’origine du texte ajoute la précision suivante sur son site : « Nous pensons que le débat public a besoin de la démarche d’argumentation rationnelle sur laquelle repose la pratique scientifique. Cette large appropriation des termes du débat savant nous incombe en partie en tant que scientifiques. C’est pourquoi nous joignons au texte de la tribune la note technique « Vertige des hauts plateaux » détaillant les diverses options stratégiques en présence et justifiant notre engagement en faveur de l’une d’elles, Zéro Covid. Vous pouvez également signer l’appel international #ZéroCovid, qui propose une version paneuropéenne de cette stratégie, à la fois très stricte et accompagnée d’un ensemble de mesures sociales concourant à ne laisser personne sur le bas-côté. »

ReSPUBLICA invite ses lecteurs et lectrices à se saisir de cette note technique à destination du grand public, afin de nourrir un débat stratégique argumenté : https://rogueesr.fr/20210217-2/

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Il y a un an, alors que l’épidémie de coronavirus était en expansion rapide, une note de l’OMS exposait les deux stratégies sanitaires envisageables : contenir l’épidémie ou l’éliminer. La première stratégie, dite de mitigation ou d’aplatissement de la courbe, a été celle adoptée par l’exécutif : elle vise à limiter le taux de reproduction épidémique pour maintenir les services de réanimation en dessous de la saturation. Cette stratégie, qui impose à la population des contraintes considérables pour une durée indéfinie, a conduit à un haut plateau épidémique faisant 400 morts et 20 000 contaminés par jour. L’absurdité de ce choix est évidente : puisque le contrôle s’effectue sur le taux de reproduction, l’épidémie pourrait aussi bien être contenue sur un plateau très bas sans demander d’effort supplémentaire.

Cette irrationalité française tient-elle au fait que les décisions stratégiques sont prises dans l’opacité, sans débat public scientifiquement éclairé ? De fait, les moyens d’action proposés par les chercheurs de différentes disciplines ont été réduits à un unique curseur réglant le niveau de privation de liberté par le confinement. L’autocontrôle par les autorisations de déplacement dérogatoire et l’inutile couvre-feu de 18 heures nous valent d’être la risée de nos voisins, qui titraient dès novembre sur « l’Absurdistan autoritaire ». « Et inefficace », faut-il ajouter aujourd’hui. Alors que de nouvelles souches ont fait leur apparition, plus contagieuses et plus résistantes à l’immunisation, il est temps que l’action publique s’appuie enfin sur le débat démocratique et sur des propositions rationnelles préalablement soumises au travail de controverse scientifique.

Succès

La seconde stratégie exposée il y a un an, qui vise à l’élimination du virus, a été appliquée avec succès dans plusieurs pays, qui ont retrouvé leur vie sociale et leur activité productive. S’il est vrai que l’insularité a aidé certains pays comme la Nouvelle-Zélande, une concertation entre pays frontaliers permettrait de pallier cette difficulté en Europe. Insistons : quand bien même la présentation de la stratégie d’élimination inclut souvent une phase transitoire de reconfinement, tout l’intérêt du Zéro Covid réside dans le fait que cette stratégie n’est pas directement tributaire d’un confinement. Au contraire même : elle repose sur le déploiement de multiples mesures complémentaires, concourant à en finir avec le coronavirus en quelques mois sans porter atteinte aux libertés publiques.

Nous savons, depuis juin 2020, que le coronavirus se transmet principalement par voie d’aérosol, y compris par des porteurs asymptomatiques, lorsqu’ils respirent ou parlent. Le port de masques FFP2 dans les lieux clos permet de diminuer d’un facteur 50 la quantité de particules virales inhalées. Il faut généraliser leur usage, et donc en fabriquer ou en commander, et éduquer à leur nettoyage et à leur recyclage. Les lieux de restauration collective sont des endroits de forte contamination : en équipant chaque table de deux hottes de ventilation équipées de filtre Hepa, l’une qui apporte à la table de l’air non contaminé, et l’autre, aspirante, qui piège les gouttelettes produites avant qu’elles puissent être inhalées, on réduit la quantité de particules virales d’un facteur 10. Il faut donc produire ou acheter ces purificateurs d’air et former des techniciens pour leur déploiement rapide. Pour quantifier le risque et adapter les procédures sanitaires aux caractéristiques d’un lieu fermé, il convient de déployer des capteurs de CO2 et de particules fines, peu onéreux. Ce ne sont là que trois exemples, parmi des dizaines de techniques dont l’Etat doit assurer la conception, la mise en production et la généralisation dans les transports, les bureaux, les lieux de culture, les écoles et les universités, pour quelques milliards d’euros, un coût faible au regard du désastre économique et social actuel.

Fiasco national

La vaccination a un rôle clé à jouer dans le dispositif d’élimination du virus. Mais elle est menacée par le fiasco national en matière de conception, de fabrication et de distribution des vaccins. Cet échec est imputable à la politique de recherche court-termiste menée depuis quinze ans contre la volonté de la communauté scientifique, mais aussi au fait que l’appareil d’Etat, dont les hauts fonctionnaires sont dépourvus de formation scientifique, a de facto remplacé toute politique de recherche industrielle publique par l’octroi, en pure perte, de milliards d’euros de crédit d’impôt aux entreprises privées. Or, sans un pôle industriel de santé publique à même d’accompagner l’effort scientifique, la lutte contre le Covid sera vouée à l’échec.

Sur la durée, éliminer le coronavirus exige le recrutement et la formation d’équipes d’arpentage épidémiologique regroupant 50 000 personnes par groupes de cinq, affectés à des quartiers ou à des communes au gré des résurgences. Le test des eaux usées permettra leur déploiement rapide selon les besoins. Ces équipes tenues au secret médical auront la tâche de retracer les contacts, de proposer des méthodes d’isolement, d’effectuer des tests et d’assurer la politique de prévention de terrain, qu’une application ou un « centre d’appels » ne permettent pas de mener. Trois semaines à plein temps et cinq en alternance sont nécessaires à leur formation. Un confinement éventuel, imputable à l’impéritie de l’exécutif, n’a pas vocation à excéder cette période d’équipement et de formation, à l’issue de laquelle le taux d’incidence aura fortement baissé. Le pays entrera dans une nouvelle temporalité, celle d’une veille reposant sur un maillage sanitaire étroit mais respectueux des libertés publiques. Il faudra alors tirer les leçons des échecs stratégiques et recréer les conditions permanentes d’un débat public scientifiquement informé. Les errements d’une année sonnent comme un avertissement : l’intégrité, la responsabilité et l’autonomie de la science conditionnent notre capacité de délibération, notre démocratie et nos libertés publiques.

 



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