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ENA :  des bâtisseurs... aux syndics liquidateurs !

par Philippe Hervé

 

La France est connue pour son centralisme. Cette notion est loin d’être vraie aujourd’hui, sauf dans deux domaines primordiaux : d’une part, la structure concentrée à l’extrême de son capitalisme monopoliste et parasitaire ; et d’autre part, sa haute administration dont les membres sont la plupart du temps des anciens élèves de l’ENA.

Or, le Président Macron, lui-même énarque, vient d’annoncer récemment la fin de cette prestigieuse école de l’administration. L’ENA a-t-elle effectué sa révolution complète au sens astronomique du terme ? Rappelons que dans ce domaine, faire une révolution ramène à son point de départ ! Certains diront plus simplement que l’ENA a fait son œuvre… a fait son temps. Après avoir contribué à la construction du capitalisme français des années 1950 aux années 1990, ce réservoir de compétences bureaucratiques a déconstruit méthodiquement la France industrielle depuis plus de vingt ans. Alors mission accomplie ?

A l’origine de l’ENA

Créée en octobre 1945 par le gouvernement provisoire du général de Gaulle, et sous l’autorité exécutive du vice-président du Conseil, Maurice Thorez, l’ENA se voulait la solution pragmatique, en particulier pour épurer la haute administration. Celle-ci avait servi de cheville ouvrière la plus servile à la collaboration de l’État français de Pétain avec les occupants nazis. Prenons un exemple de son efficacité pendant ces années noires : du conseil d’administration de la SNCF à la Police nationale créée en 1941, en passant par la justice, la pénitentiaire, l’administration préfectorale, entre autres, l’élite de cette administration fut l’exécutante zélée des rafles des juifs conduisant à leur extermination.

La naissance d’un nouveau conformisme d’État

Il fallait donc une école pour le « haut fonctionnaire nouveau », prélude peut-être pour Thorez à l’avènement d’un « homme nouveau » tout court ! En tous les cas, gaullistes et communistes étaient bien d’accord pour « cadrer » idéologiquement les nouveaux hauts fonctionnaires grâce à l’ENA. Ainsi, et c’est assez naturel lorsque l’on se trouve sur le terrain de l’administration  d’État, un nouveau « conformisme administratif » était né. D’ailleurs, ce conformisme, érigé presque en éthique, fut la vertu cardinale de cette prestigieuse école d’application tout le long de ses 76 ans d’existence, avant sa disparition sous nos yeux.

Ils sont peu présents aux postes stratégiques de commande administrative à la fin des années 1940 et au début des années 1950, car encore cantonnés aux échelons intermédiaires. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958 coïncidera avec leur envol. C’est la génération des Chevènement (inventeur du terme énarque), des Rocard et de bien d’autres, de toutes tendances politiques ou sans appartenance à un parti.

L’ENA au temps du gaullisme

Les premiers énarques des promotions d’après-guerre arrivent en milieu de carrière à la fin des années 1950 dans une période gaulliste, technocratique en diable, par essence politique pourrait-on dire. En effet, la nouvelle constitution liquidant pratiquement la République parlementaire et imposant un pouvoir fort présidentiel, est parfaitement compatible avec le développement d’une technocratie hégémonique. Bref, l’exécutif commandait l’administration directement sans s’encombrer de la « politicaille » parlementaire. Une légende a encore la vie dure aujourd’hui : les années de Gaulle auraient permis le décollage économique d’après-guerre… C’est faux ! La période de la IVe République, malgré son instabilité politique certaine, a connu une très forte croissance malgré le coût financier et humain des guerres coloniales. Sur le plan de la restauration des forces productives, elle a mené son œuvre de manière finalement assez brillante, pensons à la reconstruction des villes bombardées. Citons trois exemples au croisement de l’administratif, de l’innovation et du développement industriel : la création d’EDF, celle du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), ou encore la création du Commissariat général au plan.

Mais il est vrai que ces énarques d’après-guerre vont structurer la haute administration, des années 1960 aux années 1980, sans démocratie trop intrusive comme le contrôle parlementaire par exemple, ne rendant compte qu’au gouvernement, lui-même sous l’autorité réelle et draconienne de la présidence de la République. En fait, sous de Gaulle, Pompidou et Giscard, la France fut gouvernée par un pouvoir politico- administratif autoritaire. Les énarques ne sortiront jamais de ce « conformisme administratif » anti-démocratique. Ils prennent le pli de considérer les citoyens comme incompétents et ignares par nature, d’une manière au mieux condescendante et, pour beaucoup d’entre eux, carrément arrogante !

Un effet accélérateur indéniable

Au service d’un pouvoir politique présidentiel tout puissant, les énarques ont servi fidèlement et sans états d’âme. Il est certain que sur le plan de l’urbanisme, des infrastructures, de l’aménagement du territoire, de l’énergie et des télécommunications, la concentration du pouvoir administratif aux mains de quelques centaines de fonctionnaires formés de la même manière et constituant un même réseau homogène « parlant la même langue » a eu un effet accélérateur indéniable pour la France. Couvrir le pays de centrales nucléaires, d’autoroutes, de lignes TGV ou de centraux téléphoniques a nécessité certes des ingénieurs extrêmement compétents, mais aussi des fonctionnaires en missions de « facilitateurs » de haute qualité.

Le « conformisme administratif » d’obéissance sous la gauche

Cette réalité traversa les décennies et ne fut que peu perturbée par le changement politique majeur de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981. Le « conformisme administratif » d’obéissance fit encore son office. Contrairement aux périodes du Front Populaire en 1936 ou, avant encore, à celle du cartel des gauches en 1924, la haute administration ne déclencha pas une sourde résistance, même entre 1981 et 1983, lorsque le programme électoral du candidat Mitterrand fut en partie mis en œuvre, avec en particulier une vague de nationalisations. Les énarques « de gauche » réseautaient avec leurs camarades de promotion de droite… et la chose, c’est-à-dire la neutralité de la fonction administrative, fut entendue !

La révolution culturelle des énarques

Tout allait pourtant changer progressivement au cours de la fin des années 1980 et 1990. Du « tournant de la rigueur » en 1983 et passant par la « cohabitation Mitterrand-Chirac » de 1986, pour aboutir au triomphe de l’idéologie de l’entreprise à la sauce un peu « canaille » de Bernard Tapie sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy, les énarques durent faire leur révolution culturelle… Et quoi de pire pour un pays que des hauts fonctionnaires d’État se prenant pour des chefs d’entreprises ? En fait, l’idéologie du « service de l’État » fut progressivement vidée de toute substance, au profit… du profit privé justement. Le moment charnière de cette évolution est certainement celui des reprivatisations sous l’égide d’Edouard Balladur entre 1986 et 1988, autour de noyaux durs de la haute finance française. Orphelins idéologiques, les énarques allaient retrouver un rôle : faciliter la symbiose entre l’État et les intérêts financiers des monopoles privés autour du secteur bancaire. Encore une fois sans état d’âme et avec le conformisme qui les caractérisent depuis la fondation de l’école, les anciens élèves de cette école d’application vont adopter les mœurs, le langage, les objectifs et les méthodes « managériales » du capitalisme financier triomphant.

Or, au tournant des années 1990-2000, la finance française opte pour une nouvelle stratégie : l’intégration progressive et complète dans la sphère financière anglo-saxonne. Contrairement à l’Allemagne, par exemple, qui dispose d’une industrie puissante et donc d’un pouvoir industriel fort, la «  banque-assurance » hexagonale va jouer à  fond la liquidation industrielle à l’instar du Royaume-Uni mais surtout des USA et de sa célèbre « ceinture de rouille », ces milliers de kilomètres carrés de territoires où les usines ont été brutalement fermées. Le transfert de la création de valeur en Asie, particulièrement en Chine, devint donc la nouvelle loi d’airain.

En première ligne de la liquidation industrielle

Pour ce travail de liquidation industrielle, les énarques montèrent en première ligne. Sous la présidence de Chirac, entre 1995 et 2007, la France a connu un déferlement « d’investissement direct étranger » (IDE)… dont d’ailleurs le gouvernement de l’époque se vantait comme preuve de sa réussite. En fait, des centaines de grosses PME furent rachetées, siphonnées de leurs brevets et de leur savoir-faire, puis démantelées… et bien sûr leurs productions délocalisées en Asie ou dans d’autres régions à bas coût de main d’œuvre. Les énarques intégrèrent progressivement ces structures financières et leurs connaissances du « terrain » administratif dans les régions montra toute son efficacité.

Par ailleurs, et surtout à partir de la crise de 2007-2008, ils excellèrent dans une autre mission : la liquidation progressive des services publics. Dans les domaines de la santé, des transports, de l’armée, du trésor, des télécoms par ailleurs privatisés au fil des années, et même de l’éducation nationale, la logique du « dégraissage » et de la fermeture de postes ou d’antennes fut la règle absolue, en particulier dans les villes moyennes.

Construire un CV de « syndic liquidateur ».

Ainsi, à partir des années 2000, pour « faire carrière », élément existentiel suprême pour un haut fonctionnaire, il fallait construire un CV de « syndic liquidateur ». La « déconstruction » industrielle de notre pays fut presque aussi rapide que sa construction, une vingtaine d’années tout au plus.

Le Graal au niveau de ladite carrière d’un énarque fut dans cette dernière phase l’intégration dans les directions des « fusions-acquisitions » des groupes financiers et bancaires. La prise de pouvoir, après une sorte de big bang politique d’Emmanuel Macron en est l’expression presque caricaturale. Jeune énarque, ne disposant pour toute expérience professionnelle que de deux ans et demi dans l’équipe de direction des fusions-acquisitions du groupe Rothschild, il incarne la success story et l’exemple à suivre pour toute la nouvelle génération des hauts fonctionnaires issus de l’école d’application de Strasbourg.

Et le « syndic liquidateur » en chef liquida… l’ENA

Après ce paroxysme éclatant, cette caste de l’ENA a-t-elle encore un sens en 2021? En fait, non. Le « capitalisme tardif », comme diraient les philosophes de l’école de Francfort, se veut aujourd’hui fluide, sans contrainte et imprévisible. Pour le capitalisme mondialisé, l’État français et son « service » ont-ils même encore un sens à l’époque de l’Internet, des crypto-monnaies ou des GAFAM ? Macron, l’énarque « bon élève » en a tenu compte et a tiré la conséquence qui s’impose. Le « syndic liquidateur » en chef, tel un reptile autophage, a liquidé… l’ENA ! Ainsi, plus rien n’étant à construire ou à démolir, il a fermé le ban… Le président de la République a donc décidé de jeter cet appareillage idéologique de formation et de « conformisme administratif » aux poubelles de l’histoire.

 

 

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Un appel à la sédition en France : l’Amérique latine s’inquiète

par Lucho

 

Des généraux, hiérarques ou troupe de l’armée française, mais aussi gendarmes et policiers (tous en retraite dit le texte) qui appellent à la sédition : voilà de quoi surprendre l’Amérique latine. La France y est en effet considérée comme un pays dont la stabilité permet d’intervenir dans les débats du monde, de donner son avis, et même de menacer de sanctions ceux qui ne se soumettrait pas à ses injonctions !

L’Amérique latine, elle, est une terre de coups d’État souvent perpétrés par des généraux, mais commandés en sous-main la plupart du temps par les États-Unis, le pouvoir de l’argent s’imposant contre des régimes politiques jugés non conformes au libéralisme en cours, comme au Chili en 74, mais plus proche aussi en 2002 au Venezuela, en 2007 au Honduras, en 2008 au Paraguay, en 2019 en Bolivie… La liste est longue.

Le général Jorge Videla et la junte militaire en juin 1978 en Argentine. (Gilbert Uzan/Gamma-Rapho via Getty Images)

Un appel à la sédition publié en France dans un important hebdomadaire ? L’Amérique latine progressiste est inquiète. Elle sait qu’un appel de ce type n’est pas anodin, d’autant que la réaction des pouvoirs publics, ou celle de la plupart des partis politiques, ne semble pas à la hauteur de la menace.

L’Amérique latine a du mal à comprendre que le pays dit « des droits de l’homme », actuellement sous une menace terroriste permanente de ceux qui veulent faire taire les valeurs de la République, soit aussi menacé de l’intérieur par des nostalgiques du pouvoir par les armes.

Car il est difficile de ne pas voir qu’avec cet appel, les signataires et ceux qui sont derrière testent la réponse de l’État. Or justement, côté État, la ministre des armées a mis du temps à réagir. Le ministre de l’Intérieur, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas encore fait auditionner ces ex-policiers et ex-gendarmes, qui sont pourtant nombreux à avoir signé. On l’a connu plus téméraire, quand, sur des plateaux de télévision il est vrai, il reprochait à la candidate de l’extrême droite de manquer d’audace.

La timidité de la réponse tant du pouvoir et que du contre-pouvoir a de quoi inquiéter car ce n’est pas en feignant d’ignorer la menace qu’elle cessera d’exister. L’Amérique latine progressiste sait bien ce que sont ces régimes militaires qui censurent, emprisonnent et torturent au nom de l’honneur de la patrie et de la défense de la liberté contre le péril du socialisme. Ils le savent bien, ces Argentins, ces Chiliens, pour ne citer qu’eux, qui ont fui leur pays tout simplement parce qu’ils étaient communistes, tandis que ceux qui restaient étaient arrêtés, emprisonnés, assassinés.

Tout récemment encore, en 2019, un coup d‘État a eu lieu en Bolivie à la suite de l’élection gagnée par Evo Morales (voir mon article précédent). Et pourtant, lorsque le peuple a pu voter à nouveau, il a encore voté pour le parti d’Evo Morales (et élu Luis Arce). Aujourd’hui, celle qui avait incarné ce pouvoir EN conquis par les militaires et l’extrême droite est emprisonnée, mais des voix s’élèvent au parlement européen pour qu’elle soit libérée !

L’Amérique latine le sait : une démocratie ne devrait jamais prendre à la légère une volonté de soulèvement, un appel à la sédition, une tentative de coup d’État. C’est pourtant ce qui semble se passer actuellement en France. Alors une question se pose : qui a intérêt à ce que les protagonistes de cet appel ne soient pas inquiétés?

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Colombie : la révolte en marche

Le premier producteur mondial de cocaïne déploie pourtant une main de fer contre les mouvements sociaux depuis des décennies

par Lucho

 

Dans un article publié en janvier dernier dans ReSPUBLICA, j’évo-quais un mouvement de protestation qui semblait s’enclencher dans ce pays. Nous y voilà. Le catalyseur de ce mouvement aura été un projet de réforme touchant à la santé, aux retraites et aux impôts, notam-ment ceux portés sur l’électricité, les services publics et les produits de première nécessité – autrement dit, la facture que le président Ivan Duque a présenté à une Colombie secouée par la crise pandémique (2 934 611 cas ,76 015 décédés).

Ivan Duque doit avoir la mémoire courte : il a oublié la réaction des Colombiens qui, en novembre dernier, avaient déjà réagi en masse contre une augmentation de la TVA sur les biens et les services. La mobilisation avait tenu alors pendant sept jours, fait exceptionnel dans un pays où ce type de réaction de masse n’avait pas eu lieu depuis 1997. Dans les cortèges, on pouvait alors entendre « Nous n’avons pas peur, la Colombie s’est réveillée ». Mais Ivan Duque n’a pas compris cette première leçon et a donc récidivé. Et pour quel résultat ! Catastrophique sur tous les plans.

Dès le 28 avril, plusieurs organisations syndicales dont la CUT, la CGT, la CTC et les confédérations de retraités CPC, CDP et Fecode, lançaient un appel à la grève générale. Dans tout le pays, de nombreuses manifestations secouaient notamment les grandes villes, Bogota, Cali, et Medellin.

En marge des cortèges, plusieurs scènes de pillages de magasins et de centres commerciaux ou des saccages d’agences ban-caires ont provoqué un désordre général dans les centres urbains. Or les manifestations, comme par hasard, étaient infiltrées pas des policiers en civil chargés d’aiguillonner les plus violents, et donc de provoquer de la casse. L’occasion donc pour Alvaro Uribe (ex-président de la Colombie de 2002 à 2010 et mentor d’Ivan Duque) de demander à ce que les forces de l’ordre soient autorisées à tirer à balles réelles sur ces « terroristes vandales ».

Son appel a été entendu puisqu’à l’issue de ces quatre journées de protestations, on dénombrait 31 morts, près de 900 blessés, 13 éborgnés, sans compter 6 viols, 726 détentions arbitraires, 1 089 faits constatés de violences policières.

Ce n’est qu’à l’issue de ce bilan désastreux qu’Ivan Duque retirait son projet, tout en promettant d’en présenter un nouveau, mais qui ne serait pas l’œuvre du ministre de finances Alberto Carrasquilla, démissionné « pour ne pas gêner à la possibilité d’un nouveau consensus ». Le 5 mai, Ivan Duque appelait au dialogue et se déclarait prêt à recevoir les centrales syndicales, alors que celles-ci maintenaient l’appel à la grève générale.

Le ministre de la défense Diego Molano dénonçait le coupable : c’était la guérilla de l’ELN ! En cela, Diego Molano incarne parfaitement la pensée des gouvernants colombiens depuis des décennies, pour qui : revendication sociale = guérilla = terrorisme. Une équation parfaite qui vaut bien les « terroristes vandales » désignés par Uribe.

Ces deux-là ne sont pas seuls à ne pas comprendre que le pays a bougé : le principal hebdomadaire du pays, Semana, pense aussi que la ville de Cali serait actuellement une ville assiégée par le terrorisme, le narcotrafic et les bandes criminelles, et qu’il faudrait délivrer. La revendication, c’est encore du terrorisme ! C’est un schéma que certains ont voulu faire entrer de force dans la tête des Colombiens des années durant. Mais ceux qui s’y obstinent refusent de voir la situation actuelle et cette réalité : c’est tout un pays qui aujourd’hui se lève contre l’oligarchie qui a muselé toute contestation depuis tant d’années.

Depuis tant d’années, en effet, la Colombie est le théâtre d’une violence sourde, étendue méticuleusement à tout le territoire. La guerre civile qui a sévi durant 60 ans contre les FARC a servi de prétexte pour maintenir un pays bâillonné.

Mes amis sont nombreux en Colombie qui pourraient témoigner des pressions, des arrestations, des disparitions de leurs proches, pour avoir pris position ou revendiqué un meilleur statut social. Le moindre signe de protestation les assimilait à un membre des FARC, donc à un terroriste.

Les accords de paix signés en 2016 (grâce à la bonne volonté de Cuba et du Venezuela de Hugo Chavez puis de Nicolas Maduro) n’ont pas fait cesser les assassinats :  300 défenseurs des droits (syndicalistes, représentants des mouvements indigènes ou des minorités sexuelles) sont tués chaque année (57 depuis le 1er  janvier 2021) dans le cadre de leur mandat. Il faut y ajouter les 271 membres de FARC, signataires des accords de paix qui eux aussi ont été exécutés depuis.

Pourtant les Colombiens ont pris conscience que maintenant, enfin, il leur appartenait de s’exprimer, de revendiquer, d’exiger, que ce soit par le vote ou par la pression de la rue. D’une certaine manière, les dernières élections régionales et municipales d’octobre 2019 (voir l’article cité plus haut), traduisaient cette volonté de changement : les partis traditionnels de droite avaient été boudés. Alvaro Uribe lui-même avait dû reconnaître la défaite.

Un Alvaro Uribe, cerné d’ailleurs par l’ONG américaine Human Rights Watch qui au détour d’un rapport de 136 pages détaille les cas d’assassinats contre les défenseurs des droits de l’homme et le peu de moyens mis en œuvre par les gouvernements pour les prévenir. Réaction du président Duque à la lecture du rapport : « les représentants de défense des droits sont trop nombreux pour qu’on puisse les protéger ». Un Duque toujours fidèle à son maître Uribe qui, sous sa présidence (2002-2010) dénonçait les assassinats des FARC alors qu’en vérité, ils étaient commis par des militaires. Il suffisait pour cela de faire monter dans des camions quelques paysans, de les exécuter dans des champs, et de jeter les corps revêtus d’uniformes dans des fosses communes. Cela suffisait alors pour accuser les FARC du meurtre des 6 402 corps retrouvés pendant cette période.

Or la Colombie, premier pays producteur de cocaïne au monde, n’est jamais inquiétée sur la scène internationale pour le non-respect des droits de l’homme, pour les exécutions sommaires ou les découvertes de fosses communes pleines de cadavres assassinés par des militaires pendant la présidence Uribe. Ces grands défenseurs des droits de l’homme que sont les États-Unis et l’Union européenne dans les pays situés plutôt à gauche de l’échiquier politique prennent soudain des gants lorsqu’il s’agit de demander des comptes au pouvoir colombien.

La Colombie représente le prototype même du pays où l’oligarchie règne sans partage depuis des décennies et combat le communisme – où ce que l’on appelle aujourd’hui la gauche radicale – sous toutes ses formes. Son attitude ne déplaît donc pas du tout aux États-Unis, qui ne peuvent entendre le mot « socialisme » sans frémir, ni à une Union européenne sous influence d’un parlement très conservateur. Les quelques familles colombiennes qui se partagent les richesses du pays se servent comme d’un paravent des deux principaux partis politiques, le parti libéral et le parti conservateur, pour maintenir un couvercle sur la marmite du pays et la pression sociale.

Le premier producteur mondial de cocaïne déploie pourtant une main de fer contre les mouvements sociaux depuis des décenniesMais, et c’était prévisible, le couvercle a sauté. La Colombie s’est réveillée, et refuse désormais en bloc cette violence d’État qui s’est toujours imposée et veut aujourd’hui encore écraser la rue. Les syndicats, les associations, la jeunesse colombienne mènent la révolte ; il faut encore que les partis de gauche se réveillent à leur tour et saisissent ce moment historique en soutenant plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent les milliers de Colombiens qui ne se laisseront pas traiter de terroristes.

A un an des élections présidentielles, l’oligarchie colombienne va très certainement se servir de l’appui des États-Unis et de la complicité européenne pour caricaturer ce mouvement. Les médias en chœur vont entonner le refrain du danger de la gauche radicale et de la menace de son arrivée au pouvoir, avec pour objectif de préserver au mieux les intérêts du capitalisme (et des narcotrafiquants).

Combat laïque - Combat social
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A ne pas manquer le 19 mai, deux débats d’importance pour notre prochaine visioconférence !

par ReSPUBLICA

 

Pour préparer la 3e visioconférence « Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple » (Clcs-flp) de l’année, le mercredi 19 mai à 18h 30, un groupe de travail formé par ReSPUBLICA, le Réseau Education Populaire (REP) et Clcs-flp a défini l’ordre du jour suivant :

1) Comment agir face aux feux croisés contre la laïcité auxquels nous assistons ?

2) Avec une réindustrialisation qui permette la bifurcation écologique, quelle création et quelle répartition de la richesse ?

Comme vous le voyez, nous avons pris deux sujets auxquels la réponse n’est pas simple. Mais si elle ne traite pas ces deux sujets, nous avons la conviction que la gauche ne sera pas à la hauteur des enjeux pour jouer son rôle au XXIe siècle. C’est le rôle de Clcs-flp de pointer les lacunes de la gauche dans l’analyse du réel, pour lui permettre ensuite de porter un idéal crédible au sein d’un bloc historique majoritaire.

Comme nous avons subi lors d’une visioconférence de la Convergence Services publics, suivie par plusieurs centaines de personnes, une attaque malveillante de trolls, nous ne donnerons le lien de visionnage qu’à ceux qui s’inscrivent sur l’une des adresses banalisées :

Merci de le faire le plus rapidement possible pour nous permettre de vous répondre tout aussi rapidement.

Amitié et solidarité !

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Carlos Ghosn en illusionniste

Découvrez la nouvelle chanson de Pascal Genneret

par ReSPUBLICA

 

A l’occasion de la fête du Travail, un hommage à ce bienfaiteur de la classe ouvrière par notre invariant champenois :

 



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