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  1. chronique d'Evariste
    1. ATTAC se précipite vers le mur et accélère !, par Évariste
  2. bonne nouvelle
    1. Les Amis de Respublica reprennent leurs débats, par ReSPUBLICA
  3. débats républicains
    1. Du squat de Cachan à la question de l'égalité, un enjeu de la nation, par Guylain Chevrier
    2. L'immigration, clé du succès économique, par Philippe Randrianarimanana
  4. énergies
    1. Laurent Fabius : " Je ferai le maximum pour que la fusion Suez-GDF ne soit pas irréversible ", par Cécile Cornudet, Françoise Fressoz, Elsa Freyssenet
    2. Pétrole et politique extérieure chinoise, par Alexandre Carme
  5. élections présidentielles 2007
    1. " Les deux grands partis n'intéressent plus personne ", par Christophe Deloire
    2. Pour qui dois-je voter en 2007, par Simon Victor
  6. le non de gauche
    1. José Bové: Laisse les communistes décider!, par André GERIN
  7. place Jean-Paul II
    1. Le coup de crosse de Bertrand Delanoe, par Aline Pailler
    2. Pensez aux chrétiens progressistes, par Jean-Claude Paupert
    3. Quelques sites parlent des incidents, par ReSPUBLICA
  8. rentrée scolaire
    1. Cachez ces violences que je ne saurais voir ?, par Mireille Popelin
    2. Le Service public éducatif dangereux ... Ou en danger ?, par Jean-Claude Santana
  9. laïcité
    1. Quand l'Etat Français ne respecte pas le principe de laïcité, par Emmanuel Itié
  10. à voir
    1. Water (1h57) de Deepa Metha, avec Lisa Ray, Seema Biswas et surtout Sarala!, par Mireille Popelin

1 - chronique d'Evariste

1.1 - ATTAC se précipite vers le mur et accélère !

Alors qu' Attac a été la seule nouveauté organisationnelle de ces dix dernières années, que son action a été décisive pour la victoire du non le 29 mai 2005, force est de constater que depuis le 30 mai 2005 au matin, elle a du mal à passer à une deuxième étape celle des alternatives au turbocapitalisme. Pire, elle semble, à sa tête, se fossiliser entre deux camps.

D'un coté l'équipe Harribey (Conseil Scientifique d'Attac) - Khalfa (SUD Solidaires) - Delepouve (FSU) - Azam (Conseil Scientifique d'Attac) - George appuyée par la majorité du Collège des fondateurs (dont la direction de la FSU donne le la et organise les décisions centrales), la direction du Conseil scientifique, le Bloc néocommunautariste des Indigènes de la république et des soutiens à José Bové qui veulent un Attac au milieu des collectifs de la tendance " mouvementiste " du mouvement social.

De l'autre coté, l'équipe historique Cassen - Nikonoff - Dessenne soutenue par le Monde diplomatique (créateur d'Attac) et les camarades qui souhaitent une Attac indépendante des autres organisations fondatrices, qui privilégie le travail d'éducation populaire tourné vers l'action, qui en appelle au soutien de la base des adhérents. Cette dernière tendance est soutenue par les altermondialistes attachés au pluralisme de l'altermondialisme, par ceux qui sont attachés aux principes laïques et républicains et par ceux qui sont des anciens militants de la sensibilité PC - CGT ou des militants de la gauche du PS.

La majorité du Collège des fondateurs (qui contrôle 18 postes dans un Conseil d'Administration en comprenant 30, CA qui a du mal à passer au 42 prévus dans le réforme des statuts) est le véritable organe dirigeant de l'association. En fait des personnes nommées avec des pouvoirs en lieu et place des personnes élues. Comme dans l'Union européenne néolibérale. Enorme épine contre la démocratie qui depuis la Grande révolution française s'appuie sur le suffrage universel.

Incapable de mener au sein d'Attac, les débats sur les divergences pour construire des compromis dynamiques, l'équipe Harribey - Khalfa - Delepouve - Azam - Georges préfère employer le principe néo-stalinien du consensus à priori qui oblige à être d'accord avec celui qui tient le manche. Par exemple, la majorité du Collège des fondateurs et la direction du Conseil scientifique ont réussi à éditer au nom d'Attac un dictionnaire ALTER dont les mots laïcité, république, etc. ont été écrit par des camarades proches des néocommunautaristes du style des Indigènes de la république faisant fi des remarques de la composante laïque du mouvement altermondialiste.

Récemment les camarades du camp Harribey - Azam - Khalfa - Georges (camp qui regroupe tous les soutiens de la pétition néocommunautariste des Indigènes de la république) ont sortis un texte souhaitant le retrait de la direction d'Attac des camarades Massiah - Georges - Khalfa d'une part et de Nikonoff - Cassen - Dessenne d'autre part.

Jacques Nikonoff a répliqué, avec un certain panache, en disant qu'il fallait, si on suit la même logique organiser le retrait de tous les dirigeants ayant dirigé l'association depuis 1998 en critiquant la position précédente qui laisserait notamment chez les fondateurs, une dizaine de dirigeants inamovibles.

Par ailleurs, Bernard Cassen (Monde diplomatique) et Jean-Pierre Beauvais (Politis) ont émis un texte qui déclare qu'ils ne seront pas sur la liste du Collège des fondateurs pour l'élection de décembre. Ce texte est en réalité un séisme dans Attac tant sa naissance est liée au Monde diplomatique, à l'éditorial d'Ignacio Ramonet " Désarmer les marchés " paru fin 1997 et à la pugnacité de Bernard Cassen.

Mais la majorité du Collège des fondateurs (sous impulsion de la direction de la FSU) n'en a cure. Elle veut prendre la direction même dans une Attac dévastée (30.000 adhérents fin 2004,moins de 22.000 aujourd'hui, combien demain ?) sans tenir compte du fait que c'est la diversité d'Attac qui a fait sa force. Le Collège des fondateurs ne débat même plus de la situation politique générale alors que dans les statuts, il devrait le faire pour proposer les grands orientations (article 11). Il centre leurs attaques sur le " style de direction " et les anomalies statistiques du dernier scrutin comme si cela pouvait remplaçer le débat politique général qu'il craigne manifestement.

En fait, l'élimination du trio historique Nikonoff - Dessenne - Cassen et la prise de contrôle de l'organisation devient leur objectif central. Toutes les propositions visant à produire un accord global interne pour relancer Attac sont reçues par des ricanements de prédateurs. Pour les réunions d'adhérents prévus en septembre et octobre, le camp Harribey - Khalfa - Azam - George - Delepouve veut des débats contradictoires dans les comités locaux animés par l'autre camp mais ferme les débats dans les comités locaux qu'ils animent.

Comment une aussi belle réussite a pu en arriver là ? Pourquoi les appels à un accord global interne sont refusés par le Collège des fondateurs ? Y aura-t-il un sursaut des adhérents ? Le collège des fondateurs souhaite-il un divorce sauvage ? Une chose est sûre : quand on ferme la porte à un débat, il rentre par la fenêtre comme une tornade ! Pourquoi ne pas organiser les débats avec sérénité et conserver cette belle organisation qu'est Attac ?

Évariste

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2 - bonne nouvelle

2.1 - Les Amis de Respublica reprennent leurs débats

Dans une année 2007 décisive, les Amis de Respublica, après une année marquée par des réunions publiques en province et des banquets républicains parisiens, a décidé d'intensifier les réunions publiques, partout où cela est possible, partout où vous solliciterez nos collaborateurs.

Nous entendons multiplier les conférences, débattre sans sectarisme, dans la clarté, avec des groupes ou personnalités qui ne partagent pas forcément toutes nos positions (et vice-versa), comme nous l'avions fait l'an passé avec le groupe Vive la République.

Le vendredi 22 septembre, nous avons invité à Paris, bourse du Travail, salle Varlin, à 19 heures, le groupe Démocratie et Socialisme, et son porte-parole le plus célèbre, Gérard Filoche, inspecteur du Travail, syndiqué à la CGT, membre du Parti socialiste, et du courant Force Militantes Démocratie Sociale (FMDS).

Le thème de la soirée sera : 2007, enjeux sociaux et enjeux laïques, et notre collaborateur Pierre Cassen interviendra pour les Amis de Respublica.

Nous sommes sollicités sur d'autres thèmes, notamment " Energie et développement durable ", " Santé et Sécurité Sociale ", " l'Ecole de la République " " Laïcité et Féminisme ", " Immigration et République ", etc.

Si vous souhaitez nous contacter, n'hésitez pas à solliciter Evariste, evariste@gaucherepublicaine.org

ReSPUBLICA

3 - débats républicains

3.1 - Du squat de Cachan à la question de l'égalité, un enjeu de la nation

La majorité des expulsés du squat de Cachan, dont certains sans-papiers, ont refusé d'être éparpillés, pour une part d'aller en hôtel pris pour l'essentiel en charge par les services sociaux, jugeant irrecevable cet accueil et demandant l'attribution de logements sociaux, et se sont réfugiés dans un gymnase ouvert par la municipalité.

Depuis plusieurs années, les " 1 000 de Cachan " incarnent pour les organisations qui les défendent " l'échec du combat pour l'égalité des conditions d'accès au logement et le respect des droits des familles et des personnes issues de l'immigration " (l'Humanité du 28 août 2006) Les revendications en sont les suivantes : l' attribution prioritaire de logements sociaux aux ex-squatters et la régularisation de tous les sans-papiers. Des revendications sur fond d'autres que soutiennent ces associations ou organisations politiques : la régularisation globale des sans-papiers en France et le droit de vote aux immigrés à toutes les élections. Pour justifier cette démarche les défenseurs des squatters expliquent que leur situation relèverait d'un climat de discriminations dont ils seraient frappés en raison de leur origine d'Afrique noire (dixit). Un discours qui fait échos à tout un contexte d'idées qui justifient de penser que la France est dominée par le raciste et les discriminations.

La situation des immigrés en France, égalité ou discrimination ?

Derrière l'émotion où le simple sentiment d'humanité que peut légitimement inspirer cette situation, on doit se poser certaines questions en ce qui concerne la portée de ces revendications et leurs conséquences, qui entrent dans l'ordre de la responsabilité que nous avons collectivement comme citoyens d'un pays qui est le nôtre. Le postulat de l'immigré victime de mauvaises conditions d'accueil et de préjugés raciaux est la toile de fond de ces revendications. Qu'en est-il en réalité ?

Les familles immigrées sont avec les familles françaises les plus modestes en première ligne des difficultés économiques et sociales, mais ce sont aussi les premières à être secourues par les services sociaux, en bénéficiant de système d'aide comme il n'y en a nulle part ailleurs dans le monde : les allocations familiales, la Couverture Maladie Universel (CMU) et le RMI pour les sans travail, les bons CAF pour financer les vacances des enfants, lorsqu'il y a des retards de loyers et ce malgré l'allocation personnalisée au logement elles bénéficient du Fond de Solidarité Logement qui permet l'apurement d'une partie ou totalité de la dette, les accords passés par les départements avec l'EDF permettent d'éviter généralement les coupures d'énergie, de la prime de rentrée scolaire, de bourses pour financer la scolarité... Les familles d'origine immigrée en raison de leur situation sociales modestes bénéficient d'aides dans des proportions bien supérieures à ce qu'elles représentent sur l'ensemble de la population française, et cela est globalement admis par les Français.

Il y a l'obligation de scolarisation des enfants quelle que soit la situation régulière ou pas des familles. Pas un enfant ne peut avec sa famille dormir dans la rue, les services sociaux se doivent de trouver une solution d'hébergement sans les séparer et les familles d'origine étrangère y compris n'ayant pas de papiers bénéficient dans certains départements de ce dispositif, les services sociaux prenant à leur charge le loyer. Certes, elles sont trop nombreuses à être mal logées, en raison de leurs ressources souvent faibles, mais aussi du nombre d'enfants par famille qui pose parfois des exigences difficiles à résoudre, particulièrement pour certaines familles africaines. Si elles se retrouvent à être logés dans des hôtels ou des meublés, elles sont pour un tiers d'entres-elles néanmoins dans d logements sociaux de type HLM, contrairement à ce qu'on laisse entendre en général, même si c'est pour vivre parfois dans des cités tendant au ghetto par l'homogénéité des populations qui y sont rassemblées. Plus de vint-cinq ans après la création du collège unique qui avait pour but de dissocier au maximum la réussite scolaire de l'origine sociale, entre 1959 et 2003 la proportion de bacheliers est passée de 11% à 65%. Une tendance qui a tiré toutes les catégories de la population, y compris beaucoup d'enfants d'immigrés qui ont saisi leur chance. Pour prendre l'exemple de la République islamique des Comores qui a choisi l'indépendance alors que Mayotte est restée française après référendum, les familles comoriennes ne cessent de fuir leur pays pour tenter coûte que coûte d'arriver à Mayotte parce que l'école y est gratuite et prépare à autre chose qu'à la lecture du Coran. Contrairement aux idées reçues, 63% des actifs étrangers travaillent dans le tertiaire. Les étrangers sont plus exposés au chômage (23% contre 11% ) que les Français, mais on ne saurait oublier que les étrangers souffrent d'un niveau de formation plus faible et particulièrement pour les emplois qualifiés, et sont handicapés les difficultés rencontrées dans la maîtrise de la langue française. Si dans la construction le nombre de cadres immigrés n'excède pas 6,13%, ils représentent dans l'industrie 19,31%. On voit que s'il existe des difficultés pour les familles immigrées qu'elles partagent le plus souvent avec les familles modestes françaises, elles accèdent à une large égalité sociale dans le traitement de leurs demandes lorsqu'il est question de l'aide publique. Est-ce à dire qu'il n'y aurait pas d'effort encore à faire, de discrimination, évidemment non. Des villes refusent par exemple l'application d'un quotient familial pour empêcher des enfants de famille immigrée de manger à la cantine scolaire, et glissent leur demande de logement sous la pille des demandeurs, afin de pousser celles-ci à partir ailleurs. Il y a des discriminations à combattre en tant que telle sans aucun doute, mais les proportions que certaines organisations de gauche qui soutiennent les revendications énoncées plus haut, donnent de celles-ci vis-à-vis de l'immigration en France est très exagérée.

Une thèse en martyrologie dangereuse pour les immigrés eux-mêmes qui ne passe pas

C'est donc l'égalité de traitement des personnes immigrées ou non qui domine en France, avec des discriminations bien réelles mais largement limitées, situation qui ne saurait justifier un discours de victimisation comme on y assiste. Le principal problème est celui d'une crise de la société française qui freine bien des progrès et met sur le même plan tous ceux qui en sont victimes.

Il semble que pour une frange de la gauche altermondialiste et particulièrement de l'extrême gauche, l'immigré ait été mythifié, martyr de la modernité devenue une sorte d'icône, nouvelle figure de la lutte contre les injustices à la place de l'ouvrier délaissé avec la lutte des classes. Rappelons-nous, lors des événements qui se sont déroulés dans les banlieues, en octobre-novembre derniers, qui ont montré l'état de poudrière de la situation actuelle dans nombres de quartiers populaires, où le chômage et les difficultés sociales se concentrent, les mêmes qui défendent la régularisation de tous les sans-papiers et le droit de vote à toutes les élections pour les immigrés, présentaient les jeunes qui cassaient comme la nouvelle avant-garde éclairée, au projet pourtant introuvable, faisait preuve d'une violence aveugle tournée contre ceux avec lesquels ils vivent où on ne compte que des familles populaires et aucun nanti.

Le droit des minorités et la discrimination positive à la place de la lutte pour l'égalité

Selon une étude de l'UNICEF, alors que les richesses ne cessent de croître en France, un million d'enfants y vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les retraités il y a vingt ans étaient les pauvres les plus nombreux, aujourd'hui, ce sont les familles ayant des enfants, toutes origines confondues. Ce qui pose bien le problème des plus pauvres comme étant économique, social et politique avant toute autre considération. Pourtant, la lutte des classes semble chez certains avoir laissé la place à un combat en trompe l'oeil qui prend l'immigré sans-papier, la jeune fille voilée, le jeune d'origine immigrée qui casse, comme des enjeux et des symboles d'une nouvelle lutte pour la justice, celle contre les discriminations qui seraient le problème majeur de notre société. Leur solution, la reconnaissance des identités, de communautés ethniques, religieuses ou culturelles, comme la condition moderne du droit et de la société. S'en suit de la part de ce courant de pensée une invitation aux personnes issues de l'immigration à revendiquer une culture d'origine, une couleur comme fait de communauté ou une religion, une culture identitaire comme première vis-à-vis de la citoyenneté. Il s'agirait même d'une nouvelle citoyenneté, celles des minorités. Une incitation qui conduit en fait à des mises à part volontaires liées à un repli identitaire qui est de plus en plus visible et à une auto-stigmatisation dangereuse. Ceux, français ou non issues de l'immigration, sont dans ce contexte d'idées incités à refuser l'intégration identifiée à une assimilation. En réalité, cette idéologie est le produit du renoncement à l'égalité, et c'est au nom de la lutte contre les discriminations, pour l'égalité entre Français et immigrés, qu'il s'agit de reconnaître des droits particuliers à des minorités par l'entremise d'une discrimination positive à leur égard, priorité d'accès à des logements sociaux pour les sans-papiers par exemple qui en est le début, pour compenser une soi-disant discrimination généralisée.

Ce dont il est question, c'est en théorie de choisir le chemin le plus court pour résoudre la situation malheureuse des immigrés potentiels du monde entier. Il s'agit ainsi de faire l'économie de la nation, de la souveraineté du peuple, de l'évaluation des conséquences désastreuses d'une politique de l' immigration fondée sur le droit d'installation en France sans conditions des immigrés et du droit de vote à toutes les élections, au nom de la libre circulation des personnes, sous le signe d'un humanisme qui nie toute réalité nationale identifiée avec le nationalisme. En fait, au nom de principes apparemment respectueux de la personne humaine, on met en danger mortel notre démocratie en niant la citoyenneté nationale à la faveur d'une citoyenneté identitaire qui ignore le bien commun et on ruine toute possibilité de transformation sociale par cette division du peuple en minorités de droits concurrents.

(suite au prochain numéro)

Tous les chiffres exposés dans cette analyse sont tirés de l'enquête récente sur l'Immigration confiée au Haut Conseil du CREDOC et de celle de l'Atlas des populations immigrées en Ile de France réalisée par l'Insee, décembre 2004.

Guylain Chevrier

Docteur en Histoire

3.2 - L'immigration, clé du succès économique

L'Union européenne poursuit son élargissement. Après les huit pays de l'Est entrés en mai 2004, plus Malte et Chypre, ce devrait être au tour de la Bulgarie et de la Roumanie de rejoindre le club communautaire, en janvier prochain. Même si ces entrées suscitent encore des débats, entre autres autour de "l'invasion" supposée des marchés de l'emploi des pays membres riches par des travailleurs en provenance de pays membres plus pauvres. A ceux qui sont convaincus qu'il faut désormais fermer l'Union européenne à l'élargissement mais surtout aux pays et aux personnes qui n'en sont pas membres et ressortissants, d'autres leur opposent un solide désaveu en leur citant les cas de l'Espagne et du Royaume-Uni.

L'ensemble de la presse espagnole traite des effets bénéfiques de l'immigration pour le pays. "L'économie espagnole croît seulement grâce aux immigrés", écrit en gros titre de couverture le grand quotidien catalan La Vanguardia. En pages intérieures, El Mundo, journal de droite, titre que "l'apport des immigrés sauve l'économie espagnole de la récession depuis 1995", alors que le grand quotidien national El País, de centre gauche, précise que "le revenu par habitant aurait chuté de 0,6 % par an durant la dernière décennie sans les étrangers". Ce constat unanime s'appuie sur les données du "Rapport semestriel sur l'économie espagnole et le contexte international" que vient de publier la banque Caixa de Barcelone.

De 1995 à 2005, l'Espagne a été le principal pays d'accueil des étrangers en Europe, avec 3,3 millions de personnes sur les 11,95 millions entrés dans l'UE au cours de cette période. "Les conséquences de cette impulsion démographique sur l'évolution du produit intérieur brut (PIB) ou sur la richesse produite sont d'envergure", note El País. L'immigration en Espagne a permis au PIB annuel par habitant de rester positif pendant la décennie en étant à l'origine d'une croissance de 3,2 %. En stimulant l'emploi et en contribuant à la hausse de la consommation des ménages, les immigrés ont eu un impact bénéfique et "l'économie espagnole peut leur dire merci", constate La Vanguardia, car, "sans eux, elle aurait été globalement en mauvaise santé".

El Mundo va dans le même sens. Le journal espagnol de droite reconnaît que "l'arrivée d'immigrés a non seulement sauvé les comptes de la sécurité sociale grâce à aux régularisations de ces dernières années, mais elle représente aussi l'un des déclencheurs du miracle économique espagnol". Et le phénomène n'est pas qu'espagnol. "L'apport économique des immigrés à l'UE (avant l'élargissement) a été de 2 % en termes de croissance annuelle du PIB par habitant", note La Vanguardia. Sans cela, le PIB par habitant aurait été négatif, à - 0,2 %, dans l'Europe des Quinze.

Au Royaume-Uni, le débat porte surtout sur l'ouverture du marché du travail aux ressortissants des nouveaux entrants dans l'UE. The Observer veut sortir de la polémique alimentée par les tabloïds anglais sur l'afflux massif de travailleurs migrants. "Les plombiers polonais imaginaires qui ont terrorisé les travailleurs britanniques avant l'entrée des huit pays d'Europe de l'Est, en 2004, ont cédé la place à une réalité complexe et dynamique. Selon le ministère de l'Intérieur, le secteur d'emploi le plus fréquent des nouveaux arrivants n'est ni la plomberie ni la maçonnerie, mais 'l'administration, le commerce et le management'."

A cet égard, "des dirigeants du monde des affaires au Royaume-Uni, employant des millions de personnes, ont appelé le gouvernement à autoriser l'accès illimité à l'immigration en provenance de Bulgarie et de Roumanie quand ces deux pays rejoindront l'UE, l'an prochain", note The Independent. Roland Rudd, président de BNE, un lobby pro-européen, explique dans le quotidien "pourquoi le monde des affaires devrait soutenir l'immigration".

"Une étude affirme qu'un accroissement de 1 % de la population entraîne une croissance de 1,5 % du PIB. Or ce sont les immigrants qui assurent aujourd'hui la croissance de la population". Par ailleurs, "d'une manière générale, ces travailleurs de l'Est sont jeunes, motivés et actifs - 80 % d'entre eux sont âgés de 18 à 34 ans. Et, à l'opposé des caricatures odieuses, peu d'entre eux réclament des allocations."

Pour Alice Thompson, éditorialiste au Daily Telegraph, "les immigrés rendent les Britanniques paresseux", du fait que les premiers occuperaient les postes que les seconds refusent. A partir de ce constat, l'auteur plaide pour une réforme du système d'aide sociale qui entretient dans leur oisiveté les Britanniques, "qui préfèrent rester assis devant leur téléviseur" plutôt que d'occuper des postes peu reluisants à leurs yeux.

The Observer met aussi en exergue le problème de la rivalité entre migrants et nationaux sur le marché du travail. Cependant, l'hebdomadaire de gauche en tire d'autres conclusions. "En prenant l'économie britannique dans son ensemble, avec une croissance élevée, un taux de chômage faible et de faibles taux d'intérêt, l'arrivée des Polonais, Tchèques et des autres apparaît sans équivoque comme un bonus, en comblant les déficits de compétences, en boostant la productivité et en créant de nouveaux contribuables. Pour le quasi-million de travailleurs qui demeurent sans emploi alors que les Européens de l'Est sont recrutés, le tableau est bien différent. Fermer les portes aux Bulgares et aux Roumains n'y changera rien. Il faudrait plutôt améliorer la formation et l'éducation."

Philippe Randrianarimanana

4 - énergies

4.1 - Laurent Fabius : " Je ferai le maximum pour que la fusion Suez-GDF ne soit pas irréversible "

Dans une interview aux "Echos", l'ancien Premier ministre socialiste et candidat à l'investiture présidentielle pour 2007 explique qu'en 2001, il était favorable à des partenariats industriels, pas à la privatisation de GDF

Les Echos.Le PS a déposé 43.000 amendements contre la fusion GDF-Suez. C'est de l'obstruction ?

Laurent Fabius : C'est de la détermination. Nous voulons dire aux Français que ce projet est dangereux et nous mobiliser pour qu'il ne soit pas adopté. A l'Assemblée, notre seule arme est de mener le débat avec assez de force pour que tout le pays soit informé du problème. La privatisation de GDF se solderait par des hausses de tarifs ; elle serait contraire aux intérêts de GDF, à ceux d'EDF et finalement de la France : d'où notre opposition.

Suez-GDF Les Echos. Comment justifiez-vous de bloquer une opération qui peut donner une taille plus importante à Gaz de France ? C'est même pour permettre à GDF de "nouer des alliances industrielles" que vous défendiez en 2001 une ouverture de son capital.

Laurent Fabius : Les mots ont un sens : en 2001, j'étais favorable à des partenariats industriels mais pas à la privatisation. D'autre part, contrairement à ce que prétend le gouvernement, la taille du groupe Suez-GDF ne pèserait pas de façon suffisante sur nos approvisionnements en gaz. Elle ne mettrait pas le nouveau groupe à l'abri d'une OPA. Au contraire, en privatisant GDF, on l'expose à une prise de contrôle. On menace l'emploi. On crée de surcroît un concurrent à EDF. Belle perspective !

Les Echos. Le PS propose la renationalisation d'EDF et la constitution d'un pôle public EDF-GDF...

Laurent Fabius : La question énergétique sera cruciale dans les prochaines décennies. Y répondre implique de faire primer l'intérêt général - l'indépendance stratégique, l'environnement, la sécurité nucléaire. L'intervention de la puissance publique est légitime dans ce domaine parce que la logique du tout-marché s'y révèle myope.

Les Echos. En 2004, la Commission européenne a posé son veto à un rapprochement entre le gazier et l'électricien portugais. (1)

Laurent Fabius : Il n'est pas du tout certain que la Commission, ou la juridiction européenne, s'opposerait à un rapprochement EDF - GDF, qui a ma forte préférence. Il serait logique qu'électricien et gazier travaillent ensemble afin de constituer un pôle public de l'énergie nouant des partenariats industriels à l'échelle européenne. Il existe une seconde solution : l'opération inverse, avec une prise de contrôle de Suez par Gaz de France. GDF qui n'a pas un endettement massif en a les moyens financiers. Le systématisme idéologique du gouvernement fait obstacle à un tel regroupement, qui préserverait GDF et éviterait des hausses de tarifs.

Les Echos. Les actionnaires belges de Suez pourraient s'y opposer...

Laurent Fabius : Le rôle de l'Etat n'est pas de brader les entreprises publiques, il n'est pas non plus de spolier les actionnaires privés. Ces derniers ne perdraient pas au change.

Les Echos. François Hollande estime que si le Parlement vote la fusion Suez-GDF, il y a " un risque d'irréversibilité ". Et vous ?

Laurent Fabius : Pour les raisons que j'ai dites, cette opération est mauvaise et je la combattrai. Et si, malgré tout, le gouvernement s'obstinait, je ferai le maximum, en cas de victoire à la présidentielle, pour qu'elle ne soit pas irréversible. Nous aurions au moins deux voies possibles. Soit apporter à EDF les actions du groupe Suez-GDF encore détenues par l'Etat et bâtir ainsi une stratégie progressive de contrôle. Soit adopter une loi interdisant aux opérateurs de gaz privés de posséder les réseaux de distribution. Ce sont les réseaux qui sont " juteux ". Et là se trouve une clé de notre indépendance. Ces solutions sont toutes compatibles avec l'Europe. Mais, je le répète, la meilleure solution est le rapprochement EDF-GDF. Avec une vraie politique européenne de l'énergie.

(...)

Lire l'interview complète : http://www.lesechos.fr/info/france/300054940.htm

Cécile Cornudet

Françoise Fressoz

Elsa Freyssenet

Source : Paru dans Les Echos du 5 septembre

4.2 - Pétrole et politique extérieure chinoise

Comme chacun sait, la Chine se développe rapidement et se doit d'adapter sa politique énergetique à ses futures besoins. Etant donne l'abondance du charbon sur son territoire (qui représente l'essentiel, soit environ deux tiers, de l'énergie consommée chaque année), la faible place qu'occupe le gaz dans l'économie chinoise et le fait que l'électricité soit une source d'énergie plus accessible, c'est le pétrole sur lequel le gouvernement chinois a concentré ses efforts, ce qui a aboutit à une transformation notable de sa politique extérieure. Bien qu'étant un gros producteurs de pétrole au niveau mondiale et que des entreprises locales de plus en plus nombreuses travaillent sur les nouvelles énergies et les sources d'énergie renouvelable (la Chine est le leader mondial incontesté pour la production de panneaux solaires), sa population gigantesque ainsi que la croissance soutenue de son économie font que sa production ne suffise plus.

Vers une amélioration de sa politique énergétique nationale

Des 1993, la Chine est devenue importateur net de pétrole. Aujourd'hui sa consommation journalière atteint 7 millions de barrils alors que sa production n'est que 3.3 barrils (environ 47 % de sa consommation). La Chine est forcée de répondre au défi que représente la demande croissante en matières premières et a déjà pris certaines initiatives au niveau domestique.

Dans un premier temps, Beijing va suivre l'exemple américain dans le but de constituer des réserves stratégiques de pétrole (on parle de 100 millions de barrils): dès cette année, Zhenhai, le center pétrolier chinois va créer la premiere réserve. D'ici 2008, trois autres suivront (probablement à Dalian, Qingdao et Zhenshan).

Deuxièmement, l'Etat soutient le groupe Shenhua dans son programme de construction d'usines pour transformer le charbon en pétrole. Ce programme concerne quatre provinces du nord du pays (Mongolie Interieure, Ningxia, Shaanxi et Xinjiang). Des relations ont déjà été établies avec l'entreprise sudafricaine Sasol (pour un transfert de technologie) ainsi qu'avec les géants BP et Shell. L'objectif est d'atteindre une production annuelle de 30 millions de tonnes en 2020. La construction pourrait commencée en 2007.

Troisièmement, la National Development and Reform Commission a établi des règles et des standards plus stricts pour les automobiles, les organismes publiques, les complexes résidentiels et les sites industriels. Le but est bien sûr d'éviter autant que faire ce peut le gaspillage.

Enfin, Beijing s'est lancé dans une politique d'amélioration de ses infrastructures pétrolières afin d'optimiser la production. Des liens ont été tissés tout azimut: cela concerne entre autres Statoil (Norvège); Chevron, Exxon Mobil, ConocoPhillips (Etats-Unis); BP (Grande-Bretagne); Shell (Hollande-Grande Bretagne), TotalFinaElf (France); ENI (Italie); Saudi Aramco (Arabie Saoudite). (1) Ceci nous amène directement à un autre aspect important de la question énergétique chinoise, c'est-à-dire la modification de sa politique extérieure du fait de "soif de pétrole."

Une internationalisation croissante de sa politique énergétique

Les importations chinoises de pétrole ont augmenté de 30 % sur les trois dernières années. Beijing a, pour cette raison, crée différents moyens pour parvenir à ses fins commerciales et convaincre ses interlocuteurs de signer des accords pétroliers. Cela peut consister en un accès facilité au marché chinois, des contrats privilégiés pour l'importation de biens de consommations chinois, des armes, de l'aide humanitaire, des projets d'infrastuctures, etc.

C'est de cette manière que non seulement la Chine 'invitent' les entreprises étrangères a venir travailler sur le sol chinois mais surtout qu'elle va chercher des contrats à l'étranger. En effet, grâce au soutien du gouvernement, China National Petroleum Corporation (CNPC), China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et Sinopec se sont lancées dans une stratégie d'investissement à l'étranger. Tous les continents sont concernés. CNPC a obtenu des concessions pétrolières en Azerbaijan, au Canada, au Kazakhstan, au Vénézuela, au Sudan, en Indonesie, en Irak et en Iran. Sa plus grosse opération est sans doute la prise de participation (60 %) dans le groupe kazakh Aktobemunaigaz. Cette transaction s'inscrit dans une perspective plus large de coopération avec l'Asie Centrale: outre la création en 2001 de la "Shanghai Cooperation Organization" (SCO) qui a pour but de promouvoir les discussions sur les problèmes sécuritaires et économiques entre la Chine, la Russie et les Républiques centrasiatiques (2), le fameux pipeline entre Atasu et le Xinjiang est finalement operationnel en juillet 2006. Ayant coûté 700 millions de dollars, ce pipeline devrait approvisioner en pétrole trois raffineries avec 200 000 barrils par jour. Sinopec, quant à elle, a réalisé ses plus belles réussites commerciales en signant un contrat pour développer le puits de petrole iranien de Yadavaran en 2004 et en acquérant 40 % des parts pour le projet canadien "Northern Lights" en mai 2005. Ces deux puits devraient à terme produire respectivement 300 000 et 100 000 barrils par jour. Enfin, si la tentative de rachat du groupe américain Unocal par CNOOC a échoué (3), CNOOC participe au développement d'un puits dans le détroit de Malacca en Indonésie. Si les résultats font dire à certains que les entreprises chinoises partent à la conquête du monde, il faut tout de même rappeler qu'elles ne contribuent (via les prises de participations et projets à l'étranger) encore aux importations que très modestement: moins de 250 000 barrils par rapport au total de 3.5 millions de barrils importes chaque jour (4). C'est la nouveauté que représente l'internationalisation d'entreprises chinoises qui fait du bruit dans les médias et fait peur à certains.

Récemment, c'est la possibilité d'un rapprochement politique avec la Russie qui a beaucoup fait parler. Il y a deux projets de pipelines sibériens que le Président chinois Hu Jin-tao aimerait bien voir se concrétiser. Alors que les livraisons via la ligne de chemin de fer du Trans-sibérien ont augmenté de 23 % au cours du premier semestre 2006 par rapport à l'année dernière, TNK-BP, une joint-venture russo-britannique, a d'ailleurs annoncé début août qu'elle étudiait un projet pour fournir du pétrole à la Chine via un terminal situé dans la région de Novosibirsk. Cependant, aucun projet d'envergure n'est encore à l'ordre du jour entre les deux pays.

Comme on a pu le voir rapidement, la politique énergétique chinoise est en mutation et les entreprises nationales concernées sont en pleine effervescence. Alors que de nombreux commentateurs ont du mal a accepter l'arrivée d'entreprises non-occcidentales sur le marché de l'énergie (tout comme il a été difficile, dans le passé, aux entreprises automobiles japonaises de s'imposer), c'est surtout les liens politiques que le gouvernement noue des relations avec certains pays "parias" qui laissent certains perplexes. Beijing entretient non seulement des relations privilégiées avec le Vénézuela, le Pakistan ou le Kazakhstan qui ont une position ambiguë face aux Etats-Unis mais cultive surtout des liens avec l'Iran, Myanmar et le Soudan, ce qui pose un problème majeur aux politiciens occidentaux au niveau de leur stratégie internationale globale ainsi qu'au niveau éthique. La Chine est, en effet, devenu le premier investisseur étranger dans le secteur énergétique soudanais, ce qui a permis indirectement d'attiser la guerre civile. D'un certain côté, on pourrait se rappeler la politique française au Rwanda ou le feuilleton irakien proposé par la Maison Blanche depuis le soutien de Saddam Hussein pendant la guerre froide jusqu'à son procès actuel et dire qu'il est difficile de critiquer la Chine en nous targuant de promouvoir des valeurs démocratiques et pacifiques. D'un autre côté, évidemment, cela ne justifie rien. Le fait est qu'il est aujourd'hui primordial pour les pays occidentaux et leurs alliés d'avoir une politique uniforme et cohérente permettant a la Chine de s'intégrer au système économique international, tout en contrôlant autant que possible son expansion à l'étranger et en minimisant les risques de conflits et de disputes.

Alexandre Carme

5 - élections présidentielles 2007

5.1 - " Les deux grands partis n'intéressent plus personne "

Un an avant la présidentielle de 1995, Emmanuel Todd avait été le premier à théoriser la fameuse " fracture sociale ". Plus de dix ans après, il constate que les classes moyennes sont à leur tour entrées en dissidence politique.

Le Point : Votre fameuse note de 1994 sur la " fracture sociale " avait inspiré Jacques Chirac pendant sa campagne pour l'élection présidentielle de 1995. Serait-elle toujours pertinente ?

Emmanuel Todd : Un événement nouveau s'est produit depuis cette note où je décrivais comment la gauche s'était détachée du peuple. A l'époque, les classes supérieures contrôlaient encore les classes moyennes. Ces dernières croyaient volontiers à la pensée libérale, européenne. Mais le référendum sur la Constitution prouve qu'après les classes populaires elles sont entrées à leur tour en dissidence politique. C'est un fait crucial. L'idée dérivée du marxisme selon laquelle l'Histoire est faite par le prolétariat est fausse. La Révolution française, la révolution russe et même le nazisme se sont joués dans les classes moyennes.

Le Point : Est-ce à dire que la période est prérévolutionnaire ?

Emmanuel Todd : Je n'ai pas en tête l'image de la Révolution. Je songe plutôt à ce moment de l'histoire de Rome où le peuple, la plèbe, a fait sécession et s'est retiré dans un quartier de la ville pour contester le pouvoir des patriciens. Les classes moyennes, ça pèse très lourd. Déjà, Aristote estimait qu'un système politique doit s'appuyer sur des classes moyennes prospères et stables.

Le Point : Pourquoi n'éprouvent-elles plus le même respect pour l'élite ?

Emmanuel Todd : Le discours de l'adaptation à la globalisation économique et financière n'est plus perçu comme moderne et raisonnable. Les partis politiques qui ont été désavoués au dernier référendum sont qualifiés de raisonnables dans les journaux, mais la population les trouve déraisonnables. Ces partis ont en commun l'incapacité de réguler la mondialisation. Les classes moyennes veulent une Europe capable de protéger, et qui ne soit pas le cheval de Troie de la globalisation.

Le Point : Avons-nous le choix de nous opposer au marché ?

Emmanuel Todd : Au marché sans régulation, évidemment. Mais les gens d'en haut acceptent le libre-échange, car les inégalités ne sont pas graves quand on est du bon côté. Ces puissants sont confrontés à une population qui refuse leurs projets ou leur absence de projets. Si bien que les classes dirigeantes tentent d'empêcher que le désir de la population s'exprime à travers le vote. Elles tentent de neutraliser le suffrage universel.

Le Point : Comment ?

Emmanuel Todd : Les gens ont le sentiment que ce qui les intéresse, ce qu'ils souhaitent, est interdit de débat public. Le corps électoral est obligé de ruser avec une classe dirigeante qui n'en fait qu'à sa tête. Comme les électeurs voient que les politiques refusent d'agir, à chaque élection ils éconduisent le vainqueur précédent.

Le Point : L'alternance n'est-elle pas une vertu démocratique ?

Emmanuel Todd : Au dernier référendum, j'ai voté " oui ", mais le " non " a gagné, et les gens du " non " doivent être entendus. A la prochaine présidentielle, l'un des deux grands partis va-t-il représenter les gens du " non " ? Je n'en suis pas certain. Alors existe la menace d'un triomphe du Front national. Au stade actuel, je pronostique un second tour entre le Parti socialiste et le Front national.

Le Point : Ces perspectives sont-elles la conséquence de l'échec des politiques ?

Emmanuel Todd : Ce serait l'ultime illusion de croire que c'est la faute des hommes politiques. Ces derniers ne peuvent agir qu'en relation avec une idéologie dominante. Ce système de croyances, qui dit que seules les privatisations, le marché et le libre-échange sont concevables, ne convainc plus. Les notes des inspecteurs des finances invoquent la théorie des avantages comparatifs de Ricardo comme si c'était un canon de l'Eglise. On ne le croit que dans un microcosme.

Le Point : Pourquoi la résistance à la mondialisation semble-t-elle une exception française ?

Emmanuel Todd : La France ne fait pas exception. Simplement, si elle est faible du point de vue de la créativité en science économique par rapport aux pays anglo-saxons, elle produit et parfois exporte de la sociologie et de la révolte politique. Même les enfants d'immigrés y sont politisés comme nulle part ailleurs. Il y a chez nous une valeur égalitaire qu'il n'y a pas en Grande-Bretagne, liée à l'héritage des structures familiales. Outre-Manche, la primogéniture et le testament étaient en vigueur. L'Angleterre est le pays des différences acceptées. A l'inverse, dès le XVIe siècle, la famille paysanne du Bassin parisien était fondée sur une valeur d'égalité féroce, comme c'était le cas à Rome sous le Bas-Empire. Si l'on comprend que nos schémas mentaux viennent de Rome, vous imaginez bien que ce n'est pas en quelques années que l'on va changer les moeurs françaises.

Le Point : Du point de vue des immigrés, l'égalité n'est-elle pas seulement formelle?

Emmanuel Todd : Le rapport d'égalité permet de comprendre pourquoi le pourcentage des mariages mixtes est si élevé en France par rapport aux autres pays. Nous avons l'idée que les hommes sont les mêmes partout. La variable égalitaire permet de dire que, si les populations immigrées ne sont pas trop différentes en termes de moeurs, l'intégration sera plus facile qu'ailleurs. Sinon, il y a un potentiel de rejet très fort. C'est parce que la famille immigrée se désintègre plus vite en France qu'en Grande-Bretagne que les problèmes de délinquance y sont aussi importants.

Le Point : C'est la raison du vote d'extrême droite ?

Emmanuel Todd : A partir du milieu des années 80, les classes supérieures refusaient de constater que les milieux populaires avaient un problème avec les immigrés, avec le statut de la femme maghrébine. A l'époque, le discours des élites était optimiste, multiculturaliste, méprisant envers les classes inférieures. Aujourd'hui, les gens sont moins intéressés par l'immigration que par le chômage et les problèmes économiques, mais la droite ranime la thématique de l'immigration. Alors que ce n'est plus ce que les classes populaires ont prioritairement à l'esprit, les classes supérieures cherchent désormais des boucs émissaires. J'ai d'ailleurs le sentiment qu'est en train de s'opérer un renversement du même ordre pour la thématique sécuritaire.

Le Point : Il y a une dizaine d'années, les classes privilégiées ne voulaient pas parler du problème de la sécurité dans les quartiers. Maintenant, alors que la société française voudrait entendre parler de modification des règles du jeu économique, elle n'a plus droit qu'à un discours sécuritaire, dont on constate pourtant à chaque élection qu'il ne paie pas électoralement.

Emmanuel Todd : L'impopularité actuelle de la droite est le résultat d'un programme sécuritaire. Mais il faut dire que, dans une société de plus en plus inégalitaire, les privilégiés vont vouloir jouir en toute sécurité de leurs richesses. La sécurité est peut-être en train de devenir l'obsession des gens d'en haut.

Le Point : Ce sont les élites ou les autres classes sociales qui se sont refermées ?

Emmanuel Todd : Si vous avez 1 % des gens qui font des études supérieures, et qu'ils sont disséminés sur le territoire, ils ne peuvent pas vivre en vase clos. S'ils constituent 20 % de la population, cela devient possible. Le système politico-médiatique et sondagier est un morceau de système social qui ne tient plus guère compte de la société.

Le Point : Les études servent pourtant à effectuer des mesures à grande échelle.

Emmanuel Todd : Les sondages d'opinion nous entretiennent dans une vision irréelle. Certains sont utiles, mais ils ne sont jamais validés lors des élections. Ils reflètent l'opinion journalistique commune. L'atteinte de l'opinion des milieux populaires est difficile en dehors des périodes électorales. Le combat titanesque à venir entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy n'existe que dans la tête des journalistes.

Le Point : Comment sonder le tréfonds du pays ?

Emmanuel Todd : Pour mieux percevoir le corps électoral, je recommanderais aux commentateurs de comprendre qu'en matière politique les électeurs français sont moins intéressés mais beaucoup plus compétents qu'on ne le croit.

Le Point : Quel type de président les Français voudront-ils élire en 2007 ?

Emmanuel Todd : Chirac a sérieusement ébranlé l'image du père de la nation. Il faut dire que les systèmes familiaux contemporains n'encouragent pas les images paternelles fortes. De toute façon, cette problématique est très " people ". Les commentateurs sont passionnés par la représentation des gens sur le plan symbolique. Mais les gens se moquent de quel genre serait le personnage qui occuperait l'Elysée, pourvu qu'il ait un programme. La politique ne consiste pas à s'intéresser au style et à la vie affective des détenteurs du pouvoir.

Le Point : La morale publique est-elle un point important ?

Emmanuel Todd : Cela ne passionne pas les gens. Nous ne passons pas notre vie dans un monde de corruption. La contestation du CPE a augmenté quand on a annoncé l'augmentation des profits des entreprises du CAC 40 et du nombre de milliardaires dans le monde. Qu'il n'y ait plus de limites aux privilèges, voilà la question cruciale.

Le Point : L'affaire Clearstream a pourtant fait couler beaucoup d'encre.

Emmanuel Todd : Les deux grands partis politiques n'intéressent plus personne. Ils parlent tout seuls. Donc apparaissent des phénomènes d'hystérisation de choses insignifiantes.

Le Point : Mais avec cette affaire les journaux ont accru leurs ventes !

Emmanuel Todd : 20 % d'augmentation de tirage pour un quotidien français, c'est insignifiant à l'échelle de la société française. Cela prouve tout juste l'isolement d'une classe par rapport aux autres. Le dossier a fait apparaître un début de dimension psychiatrique. Comme la situation sociale est immaîtrisable, les élites fuient la réalité.

Les passions politiques des classes supérieures vont se loger dans des préoccupations sans rapport avec l'intérêt de la population, comme aujourd'hui la réintroduction des ours dans les Pyrénées. L'historien de l'année 2030 trouvera que c'était parfaitement secondaire. Non, j'exagère : l'un d'entre eux écrira une superbe thèse d'inspiration structuraliste sur la réintroduction des animaux prédateurs comme métaphore de la réapparition du capitalisme prédateur, quelque chose entre Barthes et Lénine .

Interview Emmanuel Todd, Sociologue et démographe
Propos recueillis par Christophe Deloire © Le Point 24/08/06

Christophe Deloire

Source : Le Point 24/08/06

5.2 - Pour qui dois-je voter en 2007

Etant depuis toujours un citoyen respectueux des valeurs républicaines de mon pays, intérêt général et justice sociale; quel candidat répondra le mieux à mes voeux?

Je suis pour le co-développement avec les pays pauvres, et non l'aide aux dirigeants corrompus. Je suis contre la régularisation systématique des sans-papiers, mais pour la simplification des règlements afin de faciliter l'intégration et la naturalisation des étrangers, mais farouchement contre le droit de vote à toutes les élections, et contre la double nationalité.

Pour le contrôle démographique partout dans le monde, la régulation des naissances en promouvant le planning familial. Contre l'exploitation de la misère, en revalorisant les matières premières provenant de ces pays.

Pour une politique drastique en faveur de l'environnement donnant au Ministère de l'Ecologie les mêmes pouvoirs qu'aux autres Ministères. Pour la production et la vente des bio-carburants.Pour un moratoire sur les OGM,mais favorable à la poursuite des expériences en milieu protégé.

Je suis pour l'apprentissage optionnel des langues régionales, mais contre le bilinguisme officiel sur la voie publique et l'administration.

Je suis pour les peines de substitution à l'égard des petits délinquants, mais pour l'application stricte de la loi concernant les crimes,et sans aucune mansuétude pour les délits y compris financiers.

Je suis pour l'abrogation du statut Concordataire d'Alsace-Moselle-Guyane, Mayotte etc..Contre le financement public &des établissements confessionnels et les subventions déguisés octroyés par les collectivités locales aux édifices du culte à leur contruction et fonctionnement.

Très attaché à la liberté de conscience, je réclame le même traitement médiatique pour les Libres-Penseurs, Athées, ou Agnostiques, à l'instar des religions qui profitent des antennes depuis toujours.

Je suis pour l'attribution (à partir d'un certain plafond) des hauts revenus scandaleux au profit d'un fond national de solidarité.Contre l'augmentation du RMI mais fortement pour celui du SMIC. Je suis pour le contrôle strict des dépenses somptuaires de l'ETAT, Ministères, Assemblée Nationale, Sénat, Conseil d'Etat, Banque de France etc... Pour le retour des autoroutes dans le giron de l'Etat, et la gestion de l'eau par les Collectivités locales.

Contre le cumul des mandats électifs, mais favorable à la rotation des fonctions. (pourquoi un Maire abandonnant sa Mairie ne deviendrait-il pas Député ou vis-versa, il y a des compétences et des expériences acquises dont on ne doit pas se passer si les élus sont honnêtes).

Je suis favorable à une nouvelle Constitution plaçant l'Homme avant les intérêts économiques privés des chapelles et des bullocrates. ALORS POUR QUI DOIS-JE VOTER ? aidez-moi...Sinon je voterai blanc!!!

Simon Victor

65200 Bagnères de Bigorre

6 - le non de gauche

6.1 - José Bové: Laisse les communistes décider!

Réponse à la lettre ouverte de José Bové au Conseil national du PCF : "Laisse les communistes décider !"

Cher José,

Tu imagines, j'en suis sûr, que ta lettre m'a choquée. S'immiscer dans le débat d'une formation politique en train de choisir sa candidature aux présidentielles est malvenu et déplacé. C'est bien aux militants, aux adhérents qu'il appartient de choisir en dernière instance, dans le respect de la vie démocratique de leur parti. Que tu sois candidat, c'est ton choix personnel. Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais cru à l'homme providentiel.

Tu justifies ta candidature au nom de la " Charte antilibérale " des collectifs du 29 mai. Tu sais comme moi que ces collectifs n'ont pas de réelle existence populaire. Surtout, l'enjeu des élections présidentielles et législatives de 2007 est d'une toute autre dimension. Met-on ou non en cause le système capitaliste ?

Mobiliser des millions d'électeurs pour qu'ils votent en masse au premier tour exige le respect de nos différences et un véritable débat de fond sur nos projets d'avenir, sans se fondre ni se confondre. Dans ce contexte, l'action originale du Parti communiste français constitue une chance pour toute la gauche et pour la France, comme ce fut le cas pour le référendum sur la Constitution européenne.

Tu penses que la multiplication des candidatures est condamnable. Je pense au contraire qu'il faut défendre les partis politiques, leur pluralité et combattre leur dévalorisation. Ce n'est pas le pluralisme à gauche qui a éliminé Lionel Jospin le 21 avril 2002 mais l'abstention de l'électorat socialiste historique : Lionel Jospin a fait 4,6 millions de voix en 2002 contre 7,1 millions au premier tour en 1995 ! Arrêtons de nous cacher la réalité des électeurs de gauche qui votent FN pour sanctionner une politique qui ne répond pas à leurs attentes. C'est bien là que s'exprime la fracture politique !

Nier le rôle que peut jouer le Parti communiste français dans la reconquête des milieux populaires, du monde du travail et intellectuel serait une faute impardonnable. Car l'objectif c'est bien de redonner la primauté à la souveraineté populaire en dehors de toute combinaison politicienne ou personnelle, le faire dans la clarté pour battre la droite et réduire durablement le Front national. L'identité communiste constitue une pièce maîtresse pour engager des ruptures avec le capitalisme prédateur, porter l'idéal du socialisme et du communisme.

Il serait illusoire de prétendre rassembler notre peuple en déniant à un candidat le droit d'être " le porte parole d'un parti ", comme tu le dis. C'est au contraire en affirmant avec force son identité que le Parti communiste a pu participer aux plus beaux et aux plus larges rassemblements de l'histoire de notre pays, dans le Front populaire, en 1936, ou au sein du Conseil national de la Résistance, à la reconstruction de 1944, 1947.

En te faisant part de mes réflexions en toute franchise et amitié, je m'adresse aussi à mes camarades communistes qui militent pour une candidature non communiste. Je m'interroge sur une stratégie qui milite pour l'effacement du Parti communiste et laisse, de fait, tout l'espace au Parti socialiste. Je refuse cette hypothèse car elle aboutirait selon moi à ouvrir une période d'incertitude. Le pire est peut être devant nous.

Le choix du candidat du PCF aux présidentielles est l'urgence du moment. Sa désignation créera les conditions de l'unité des communistes et ouvrira une dynamique combative de rassemblement. Malgré tout le temps perdu, il n'est pas trop tard pour bien faire.

Laisse décider les communistes !

André GERIN

7 - place Jean-Paul II

7.1 - Le coup de crosse de Bertrand Delanoe

Même si on voulait oublier le poids que prit l'Opus Dei sous le pape Jean-Paul II ainsi que sa bienveillance envers les régimes d'extrême-droite d'Amérique du Sud, comme celui du sinistre Pinochet, la répression des Parisiens venus protester pacifiquement ce dimanche 3 septembre sur le parvis de Notre-Dame contre l'inauguration de la " place Jean Paul II " a rappelé de sinistres époques !

En effet, des Parisiens s'étaient rassemblés à l'appel d'organisations comme: L'UFAL (l'Union des Familles Laïques) Act-Up, Brigade des Clowns, Les Soeurs de la perpétuelle indulgence, les Verts, Panthères Roses...Ils ont été systématiquement chassés des lieux, arrêtés et emmenés dans des bus, molestés, insultés. Certains policiers repéraient au faciès ceux qu'ils allaient arrêter : " Tiens le mec à la chemise rose, c'est un client pour nous, on va le serrer ". Il me semble qu'il s'agit de propos homophobes, à moins que le maire de Paris ait donné des ordres pour interdire la couleur rose en-dehors du Parti Socialiste !

Porteurs de chemise rose, parapluie couleur arc en ciel et autres signes que les policiers interprétaient comme signes manifestes de l'homosexualité de la personne, étaient repoussés loin du parvis et arrêtés s'ils protestaient.

Un clown professionnel, qui travaille habituellement dans ce quartier hautement touristique, a même été arrêté car pris pour un militant de la " Brigade des Clowns " ! Pour ma part, alors que, pendant les applaudissements qui accueillaient le début du discours de Bertrand Delanoé, maire de Paris, je protestais en huant (car je ne sais pas siffler), je me suis fait ceinturer, ballonner par la main puissante d'un " supplétif " de la police et traîner par deux autres hors du parvis.

N'écoutant pas mon épaule droite, ni mes côtes meurtries, je tentai deprotester contre ces brutalités. J'ai été alors à nouveau " prise en main " et menacée d'être embarquée dans le bus surchargé où la présidente de l'UFAL venait d'être brutalement conduite au motif qu'elle avait un badge sur la poitrine. Il faut dire que tout badge, tout tract même dans un sac ou t.shirt suspect (le Che par exemple) empêchait d'approcher du parvis .

Une heure avant mon arrestation musclée et totalement disproportionnée, j'ai été contrôlée sur le parvis au motif que je parlais (sans doute depuis trop longtemps) avec trois autres personnes qui se trouvaient être journalistes à " La Vie " et au " Parisien ".

J'ai alors demandé la carte de police à l'homme en civil qui nous demandait d'ouvrir nos sacs et de nous disperser (sic !). En guise de réponse à ma question légitime, l'homme ouvrit le côté gauche de sa veste coquille d'oeuf pour me montrer son arme. J'ai pris cela comme une menace et j'ai protesté en redemandant sa carte. Il m'a alors montré un talkie-walkie et j'ai encore protesté. Alors seulement, un autre homme en civil a sorti sa carte puis un second et un troisième qui venaient nous encercler. Je précise qu'à ce moment-là nous ne faisions que discuter, la journaliste de " La vie ", prenait quelquesnotes et la cérémonie n'était pas encore commencée. Nous venions pourtant d'être fouillés comme tous les gens qui avaient passé le barrage. Il s'agissait bien de nous empêcher de parler et de nous impressionner alors que nous disions que nous étions journalistes !

Ces hommes en civil, pour certains armés, d'autres porteurs de talkie-walkie, n'étaient visiblement pas des policiers car incapables de sortir leur carte contrairement à leurs collègues.

Nous les avons vus arriver en renfort : une colonne d'une quarantaine d'hommes particulièrement costauds aux allures de caïds, avançant en rangs pour prendre les talkie-walkie et les consignes données par des gradés de la police, avant de se disperser dans la foule par groupe de deux ou trois.

Le recours à ces " supplétifs " pose un sérieux problème de démocratie et de sécurité pour les citoyens. La menace précise que j'ai eue comme réponse à ma demande de carte pour " accepter " d'être fouillée et tenue par le bras montre bien à quel point ils peuvent être imprévisibles, car aucun des policiers à qui j'ai fait la même demande n'a eu cette réaction d'une grande violence psychologique. Je vais donc saisir la commission de déontologie pour qu'une enquête soit menée et que la lumière soit faite sur ces pratiques et ces recrutements sauvages !

Seul point positif pour ceux qui se reconnaissent dans les principes laïques, les partisans de ce baptême du parvis de Notre Dame n'étaient pas si nombreux que prévus. Quelques religieux en tenue, quelques familles brandissant des drapeaux que l'on retrouve dans les manifestations intégristes ou d'extrême-droite, des touristes italiens, polonais, des curieux et des croyants inquiets de " voir un pays catholique menacé par l'islam qui tenait à rester catholique " (sic !).

Tout ce monde était bien protégé (de quoi, de qui?) par un déploiement impressionnant de CRS, de policiers en civil , le tout parqué derrière des barrières.

Il est évident que les catholiques n'avaient pas fait le déplacement, ce qui est assez logique quand on sait combien ce pape était contesté de son vivant pour ses positions réactionnaires notamment sur les moeurs.

Peut-être même, les catholiques progressistes, attachés à la laïcité, ont-ils pris cette décision rapide du maire de Paris comme un coup de poignard dans le dos, une manoeuvre électoraliste.

Grand regret aussi, le manque de mobilisation des partis politiques opposés à cette OPA religieuse ainsi que des grandes associations ou mouvements laïques qui feraient bien de ne pas désarmer face à la montée des revendications religieuses de plus en plus précises en Europe !

Aline Pailler

7.2 - Pensez aux chrétiens progressistes

De sensibilité chrétienne, je trouve parfois certains propos, lus dans Respublica, un peu outrés mais concernant Jean-Paul 2, je trouve inconvenant pour un maire de gauche de donner le nom de ce pape réactionnaire à ce lieu symbolique qu'est le parvis de la Cathédrale de Paris. Ville aussi emblématique des Lumières, des révoltes populaires, de l'insurrection contre l'occupant nazi.

Je ne suis pas le seul, parmi les miens à penser ainsi. Le ton de votre article est cette fois justifié.

N'oubliez pas, cependant, l'engagement de nombre de chrétiens dans la Résitance, l'anticolonialisme, l'action sociale avec Emmaüs ou la Cimade et en d'autres lieux. Merci pour nous.

Jean-Claude Paupert

7.3 - Quelques sites parlent des incidents

Manifestation contre la place Jean Paul II : Delanoë et la police interdisent la contestation

Compte rendu avec photos de la manifestation qui a eu lieu à 12 h devant la cathédrale de Paris, dimanche 3 septembre : http://atheisme.org/delanoe.html

Des photos des arrestations par les policiers en civil sur vigilance-laique.over-blog.com

ReSPUBLICA

8 - rentrée scolaire

8.1 - Cachez ces violences que je ne saurais voir ?

Si on veut lutter contre l'échec scolaire, il faut dénoncer les violences scolaires. Et pour ma part, je félicite les journalistes du Point pour avoir obtenu le classement des établissements scolaires recensant le plus de violences en France.

Mais oui, les citoyens ont le droit de savoir ! Comme l'écrit un lecteur de Libération (le 4/9/2006), avec lequel je suis entièrement d'accord .

Et voilà tous les syndicats, associations de parents d'élèves qui crient au scandale : c'est un peu " Toi, le citoyen lambda, tu n'as pas le droit de savoir ! C'est à NOUS de gérer " Voilà une curieuse façon de traiter le CITOYEN quand on parle tant de la formation de l'élève CITOYEN ?

Et pourquoi donc ne pas informer les citoyens ?

Les incidents en Seine-Saint-Denis (il y eut même tentative de meurtre sur une enseignante) sont curieusement peu relatés... la politique de la tête dans le sable n'a jamais permis de régler les problèmes. Il y a des problèmes de violence à l'école ! Alors, les enseignants, qui sont souvent les victimes, comme les élèves), s'ils ne veulent pas que les SEULS journalistes révèlent ces problèmes, qu'ils prennent, EUX,ces problème en charge, en refusant de les taire (malgré la pression du chef d'établissement qui, lui, souvent, préfère le silence, pour ne pas nuire à la réputation de "son" établissement) - Qu'ils prennent ces problèmes en charge, avec les parents d'élèves ET les citoyens.

Dans le Rhône (presse locale le Progrès) on a comptabilisé 11 établissements à problèmes, 7 collèges ; 3 lycées et 1 lycée professionnel.

Et on sait très bien que TOUS les établissements à problèmes ne sont pas dans la liste. Ainsi, le collège Jean Mermoz (8e arrondissement) : une voiture incendiée a été lancée dans le hall du collège, occasionnant de très gros dégâts , le 30/8/2006

Ce collège n'est pas dans la liste.

Le recteur" réagit "... contre la violence, croyez-vous ? Que nenni ! Il conteste cette " stigmatisation des établissements " Et écoutez bien " Cette publication encourage les chefs d'établissements à ne plus faire remonter les données . Dans cette mesure , j'estime que celles-ci doivent rester SECRETES " ( Progrès du 2/9/2006)

Je crois que l'UFAL du Rhône a eu raison d'organiser un débat sur " la violence et les jeunes " le 28/9/2006 à Lyon ,puis le 14/12/2006 à Vaulx en Velin ..

Pour en parler , de la violence , à l'école et partout ..Si on refuse de parler de ce problème , alors il ne faudra pas s'étonner que les parents mettent leurs enfants dans le privé !

En parler, de la violence, c'est défendre le service public !

Mireille Popelin

8.2 - Le Service public éducatif dangereux ... Ou en danger ?

Je me permets d'énoncer une petite note discordante .... Je suis enseignant et membre du conseil de discipline d'un lycée "nominé" au palmarès des établissements "dangereux" (La Martinière Duchère) et je trouve que cette affaire est caricaturale du "travail" des journaleux". Ce pseudo travail des grands médias, dans le cas présent : manipulation de statistiques ministérielles, s'est déjà illustré à l'occasion du référendum sur le TCE et durant tout l'été avec le feuilleton "Ségolène à la plage, Ségolène en Bikini;... On nous parle d'établissements scolaires dangereux. Tiens à propos : Ségolène parle d'instaurer un "ordre juste à l'Ecole".. La situation actuelle serait-elle celle d'un désordre juste ou bien d'un ordre injuste, ou encore d'un injuste désordre Le point roule t-il pour Ségolène

Pour ma part, je ne vois aucun inconvénients à la publication des données statistiques de la violence qui s'exprime au sein des établissements scolaires. Mais je me demande quel est le critère de dangerosité retenu !

Dans mon établissement (plus de 2000 élèves et étudiants) un vingtaine de conseils de disciplines se sont tenus durant l'année scolaire 2005-2006, et seulement 2 pour faits de violences physiques ou verbales et l'essentiel des motifs de convocation de cette instance résultait d'un absentéisme frénétique. Alors quel est le danger qui menace nos élèves et collègues ?

Est ce celui que prennent les jeunes en ne fréquentant pas de manière assidue notre établissement ? Ou bien celui qu'ils prennent sur les chemins de l'Ecole buissonnière ? L'établissement dans lequel je travaille est situé au coeur du quartier de La Duchère. Est-il plus dangereux d'aller au lycée que de rester dans les rues qui l'environnent ? Je sais que l'exemple de mon lycée ne reflète pas la situation de nombre d'établissements scolaires mais il me paraît clair que dans l'affaire de la publication des statistiques ministérielles par le Point, il y a une vraie manoeuvre destinée à "paniquer" les parents et à jeter le discrédit sur le service public d'éducation qui, le dit on suffisamment à perdu plus de 20.000 postes d'enseignants en 5 ans. La violence à l'Ecole n'est, me semble t-il que le reflet d'une violence générale qui s'exprime, j'en suis convaincu, de manière moins contrôlée dans d'autres espaces que celui de l'Ecole. Il ne s'agit pas de faire d'angélisme en la matière : la violence des rapports sociaux ne disparaît pas sitôt franchie les grilles de l'Ecole, mais devons nous pour autant nous laisser "enfumer" par une campagne qui surfe sur les fragilités affectives des parents à la veille de la rentrée des classes ?

Quels sont les faits recensés comme dangereux par les équipes de direction ?

A l'occasion des luttes conduites par les lycéens et enseignants contre le CPE, un certains nombre d'établissements scolaires ont été le théâtre de piquets de grèves. Est ce que cette modalité d'action collective contre un projet scélérat est classée "acte de violence" ? Ces piquets de grève ont parfois donnés lieu à quelques opérations musclées.. Alors violence ou action citoyenne de résistance ? N'oublions pas que cette jeunesse qui s'est mobilisée contre un projet régressif (dont l'une des mesures phares est l'apprentissage à 14 ans) a été victime lors de manifestations de violentes attaques conduites par d'autres jeunes qui venaient "casser du blanc" sous les yeux des passants et membres des personnels en charge de l'ordre et de la sécurité publique. Le véritable danger qui menace notre jeunesse n'est pas celui de la violence à l'école mais bien celui qui s'exprime de manière tribale dans l'espace public.

Jean-Claude Santana

militant UFAL et syndicaliste SNES

9 - laïcité

9.1 - Quand l'Etat Français ne respecte pas le principe de laïcité

Si l'on y prête une petite attention, les atteintes au principe de laïcité sont omniprésentes et se manifestent sous des formes les plus diverses. Par exemple, vous pouvez remarquer en ce moment même une campagne publicitaire pour le catéchisme catholique d'Ile de France. Rien de choquant de voir trois enfants s'émerveiller, une bougie à la main devant des symboles kabbalistiques. Si ce n'est que cette campagne inonde les gares de la SNCF à cette minute ! Que fera la SNCF lorsque des intégristes de tout poil tel le pasteur TS Osborne récemment en visite à Vincennes devant 5000 adeptes " miraculés ", demandera lui aussi à avoir le droit à sa campagne de pub dans nos gares ? Et pourquoi ne pas aussi envisager une affiche représentant le Mollah Omar ou une afghane en burka appelant au port du voile ? Ce que l'on autorise commercialement pour les uns devra l'être pour les autres ! Ici l'atteinte est flagrante, mais il en est d'autres plus insidieuses. Que dire d'un site Internet municipal affichant le maire baptisant et bénissant une cloche suite à des travaux de rénovations ? Tel monsieur Santini maire UDF d'Issy-les-Moulineaux ? Allez demander la suppression d'un contenu illicite au webmestre de ce site ! Il refusera de s'exécuter ! (j'ai essayé). La scène ne serait elle pas cocasse de voir Martine Aubry aux côtés d'un " barbu " intégriste sur le site Internet municipal de Lille ?

Mais allons un peu plus loin : par extension, le principe de laïcité suppose aussi une vision de la famille non sexiste et non empreinte d'une représentation religieuse. Une mère n'est pas Marie, simple réceptacle d'une semence sinon divine, au moins masculine, et un père ne l'est pas par procuration, tel Joseph, absent de toute cause et effet, absent de toute éducation aussi. Car la laïcité n'est rien sans l'égalité des sexes et l'absence de discriminations. Le projet de loi Vanneste de réforme de la HALDE n'est jamais qu'un avatar grotesque de cette vision de la famille. Et qu'il touche la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité n'est pas un hasard : pourquoi vouloir autoriser les propos visant à l'infériorité morale des homosexuels et imposer une définition religieuse de la famille pour cet organe de régulation de l'application du principe d'égalité ?

La laïcité sous-tend donc une vision républicaine du modèle familial, un modèle dans lequel les deux parents, homme ou femme, ont les mêmes droits, les mêmes devoirs. Parler de laïcité, sans parler de Liberté et d'Egalité est un non sens total : la laïcité n'est plus ni moins que la possibilité d'être libre de croire ou de ne pas croire combinée à l'égalité de traitement de toutes les religions par l'Etat : aucune n'est reconnue. C'est ainsi que le combat laïque est fortement lié à celui de l'égalité des sexes puisque toutes les religions du monde sans exception visent à assujettir la femme à l'homme, la transformant en une icône symbole d'une pureté que n'importe quelle femme raisonnable n'aura envie de porter sur ses épaules - ou sur le visage.

L'autorité parentale conjointe existe aujourd'hui depuis 2002. Est-elle appliquée ? Je viens de saisir la HALDE pour discrimination sexuelle à l'encontre d'un commune : mon fils a été inscrit à l'école sans mon autorisation écrite, sans photocopie de ma carte d'identité, sans même enregistrer mon identité, et ce, alors qu'une décision de justice écrite était entre les mains des services de la scolarité stipulant clairement mes droits. Pourquoi ? Parce voter une loi n'est pas suffisant : la coutume reste ancrée. S'est-on poser la question de savoir si je dois être prévenu en cas d'accident ? Non. J'ai demandé un " recadrage " amiable de la maman par une courtoise convocation afin de lui faire comprendre son obligation de m'intégrer dans le processus d'inscription. Les pieds trainent : on me demande de fournir les articles de loi m'autorisant une telle démarche !

Mais que voulez-vous ? Tel ce père invisible que fût Dieu, il semblerait qu'à son inverse je n'ai aucun pouvoir terrestre, même lorsqu'ils sont inscrits dans le Code Civil.

Emmanuel Itié

10 - à voir

10.1 - Water (1h57) de Deepa Metha, avec Lisa Ray, Seema Biswas et surtout Sarala!

Nous dénonçons tous les intégrismes, catholique, protestant, juif, musulman... Mais on parle peu du fondamentalisme hindou. Les fondamentalistes hindous se servent aussi de la religion pour opprimer, surtout (est-ce surprenant?) les femmes. La réalisatrice, Deepa Metha, a situé l'histoire en 1938 : les mariages d'enfants existent encore (bien qu'interdits en 1920). Une fillette, Chuyia, a été mariée à un homme beaucoup plus âgé qu'elle, et cet homme se meurt: elle va subir le sort des veuves en Inde, enfermées à vie dans l'ashram , vêtues de blanc , le crâne rasé .Elles n'ont pas le droit de se remarier , elles sont recluses , elles doivent mendier ou se prostituer pour ne pas mourir de faim . Elles sont devenues des parias ..

La réalisatrice a dû interrompre son film pendant 4 ans, il avait déclenché des manifestations violentes à Bénarès, décors jetés à la rivière etc.

Le film est très beau, à l'intérieur noir, sordide de l'ashram s'opposent les scènes extérieures, arbres centenaires, l'eau du Gange, des couleurs vives, du bleu, de l'orange . Avec de la musique, la pluie rythmée à quatre mains claquées avec un talent extraordinaire !

Tout cela sur fond de la lutte de l'apôtre de la non-violence Gandhi , qui prêchait pour que cessent les coutumes religieuses inhumaines dont les femmes étaient les victimes . Etaient et sont encore les victimes. Il y aurait encore 30 millions de veuves abandonnées à leur sort en Inde.

Et la montée des fondamentalistes hindous est inquiétante... Vous n'oublierez pas le joli visage de Chuyia, la petite pakistanaise, avec son crâne rasé, sa vivacité, sa drôlerie . Nous savons, nous, féministes et laïques, qu'il sera long le chemin pour que LES dieux restent à leur place, dans les églises, dans les mosquées, dans les synagogues, dans les temples... Et qu'ils laissent les hommes et les femmes s'organiser selon LEUR loi !

Mireille Popelin