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  1. chronique d'Evariste
    1. Il est minuit en 2006 : nous avons la gauche anti-libérale la plus bête du monde !, par Évariste
  2. élections présidentielles 2007
    1. Alain Soral, du marxisme révolutionnaire au Front national, par Jeanne Bourdillon
    2. Ce gauchisme destructeur de l'extrême gauche, par ED
    3. Dix circonscriptions, un plat de lentilles et la (non) pensée Autaine. Tel a été le menu du week-end., par Simon Archipenko
    4. Pauvre Suisse, par Stéphane Arlen
  3. combat laïque
    1. Commentaire du rapport de la Commission Machelon (1ère partie), par Jean-Paul Scot
  4. combat social
    1. Nous, les travailleurs pauvres, par Claire Guélaud
    2. Une rupture radicale est nécessaire en ce qui concerne la situation économique en France, par Emmanuel Todd
  5. débats républicains
    1. Téléthon : les bons sentiments ne doivent pas empêcher la critique, par Christian Gaudray
    2. Comment j'ai aidé mes enfants à apprendre à lire, par Evelyne Szafraz
  6. courrier des lecteurs
    1. Racisme anti-blanc, par Marie-Claude Labourie
  7. à lire
    1. La face karchée de Sarkozy de Philippe Cohen, Richard Malka et Riss, par Pierre Cassen
    2. Les petits ruisseaux, de Rabaté, aux éditions " Futuropolis ", par Brigitte Bré Bayle
  8. à voir
    1. Hors jeu, un film de Jafar Panahi, par Jocelyn Bézecourt
  9. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - Il est minuit en 2006 : nous avons la gauche anti-libérale la plus bête du monde !

Quand on voit la situation actuelle, comment oublier ces quelques rappels. Le 29 mai 2005 dans les sondages à la sortie des urnes, les seules sondages véridiques, le non de gauche faisait 31,3% c'est-à-dire était majoritaire à gauche et majoritaire dans le non. Le fait que la très grande majorité de la représentation nationale ait été les thuriféraires du oui posait donc, entre autres, le problème de la recomposition politique pour faire vivre la gauche anti-libérale dans le champ politique.

Ainsi, nos camarades allemands, néerlandais et belges ont montré la voie, avec les réalités de leur pays, qui, certes sont différentes des nôtres. Le nouveau Parti de gauche allemand a plus de 50 députés au Bundestag, le Parti socialiste néerlandais fait presque jeu égal avec le vieux parti social-libéral,et les belges ont pris également ce chemin sous l'impulsion de Debrune, l'ancien grand syndicaliste belge.

Pourquoi en France, n'avons pas suivi la même voie, ni même ouvert cette discussion : celle de lier la recomposition politique dans une force politique nouvelle regroupant les communistes, des socialistes de gauche, des laïques et des républicains de gauche et l'ensemble de la gauche anti-libérale?

Parce que le gauchisme culturel a imposé la mode de décision et le processus dit de débat, parce que le parti communiste n'a pas de majorité politique, parce que la gauche anti-libérale comme le mouvement altermondialiste refuse de prendre à bras le corps les questions politiques de la période.

Le but initial aurait été de dilapider la victoire du non au traité constitutionnel européen, la gauche anti-libérale française ne s'y serait pas pris autrement.

Pourquoi a-t-elle été incapables d'interpeller Chirac, afin qu'il traduise dans les faits les réalités du vote du 29 mai : aller à l'affrontement avec l'Union européenne (de Gaulle, qui n'était pas un gauchiste, avait osé quitté l'Europe plusieurs mois, en 1967, pour revenir avec un rapport de forces), et ne plus accepter les règles européennes que le peuple français avait refusé ? Pourquoi a-t-elle eu peur de créer la crise dont le vote des citoyens était porteur ?

Voyons comment s'est joué la décomposition concommittante d'ATTAC et de la gauche anti-libérale. D'abord, il y a un acteur commun, le gauchisme culturel et ses caractéristiques principales : le rejet des acquis du mouvement ouvrier et du mouvement laïque et républicain français, la haine de la démocratie et du suffrage universel et l'amour du consensus totalitaire, le rejet de l'Etat-nation qui est pourtant le principal garant de la protection sociale, l'idéologie du "small is beautiful", une base sociale étroite : les couches moyennes radicalisées et le lumpenprolétariat sans les couches populaires, la volonté de promouvoir le communautarisme anglo-saxon et la discrimination positive en lieux et places des principes laïques et républicains, la complaisance avec l'intégrisme islamiste. Le refus de promouvoir l'idée que pour "aller vers le bonheur pour tous, il faut commencer par les couches populaires".

Ce courant politico-idéologique vient d'obtenir une victoire à la Pyrrhus à Attac. 30 sièges sur 30 au Conseil d'administration pour une représentation inférieure à la moitié des adhérents (la réforme des statuts n'étant pas votée, les 12 membres supplémentaires souhaités n'ont qu'un voie consultative) pour la simple raison que les statuts sont les plus anti-démocratiques de toutes les organisations de gauche. Pour une organisation qui souhaite construire un autre monde, on n'est dans la galéjade tant l'adage populaire "Si tu veux construire un nouveau monde, commence par en construire un chez toi à l'image de ce nouveau monde" est vrai. Les communautaristes sont responsables du déclin d'ATTAC qui est passé depuis le 29 mai (les gauchistes culturels déjà légèrement majoritaires à cette date au CA national) de 30.000 adhérents à 21.000 en 2006 et dont toutes les prévisions concernant les reprises de carte en début 2007 laissent entendre la continuation du déclin.

Plus d'idées nouvelles, plus de productions intellectuelles nouvelles, peu d'intérêt pour les questions posées par le peuple : emploi, chômage, oui ou non est-on contre les quatre libre-échange à savoir les capitaux, les produits manufacturés et agricoles, les services et la force de travail, etc., mais un raffinement dans les batailles bureaucratiques internes.

Ce même courant a réussi à imposer dans la gauche anti-libérale, à la place d'un processus démocratique, le double consensus totalitaire. Car le consensus, lorsqu'il est pratiqué à grande échelle, c'est l'application du rapport de forces sauvage.

C'est la soumission au plus puissant. Comme dans la famille patriarcale ou le consensus ne peut se faire qu'autour du mâle, comme avant la Grande révolution française, le consensus était réalisé autour du roi, comme au PCUS des années 30 ou le consensus ne pouvait se faire qu'autour des positions de Staline, etc. Comment penser un seul instant, qu'avec le consensus, la secrétaire nationale d'une organisation de 100.000 adhérents aura, dans un rapport de force sauvage, moins de souhaits des collectifs locaux que les organisations qui ont quelques centaines ou quelques milliers d'adhérents dans toute la France?

Comment s'étonner qu' Yves Salesse soutenu par les courants trotskystes "unitaires" et alternatifs et Clémentine Autin par le Bloc des Indigènes communautaristes n'aient pas fait le poids face à la principale force de la gauche anti-libérale ?

Espérer le contraire, c'est croire que le saint-esprit suffit à modifier les "âmes"!

En un mot comme en dix, croire que l'on peut faire consensus avec les bureaucrates du gauchisme culturel sans poser tous les débats de fond est une impasse dans laquelle sont tombés ATTAC et la gauche anti-libérale.

Le constat est aujourd'hui clair, il y a trois gauches : la social-libérale, la gauche anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine et le gauchisme culturel. L'avenir réside dans la formulation claire d'un espace anti-libéral, internationaliste, laïque et républicain.

Le PCF, principale force de la gauche anti-libérale, est traversé par une contradiction non assumée entre la gauche internationaliste laïque et républicaine et ce gauchisme culturel,ultra-communautariste et anti-démocratique. Le PCF n'a pas de majorité politique.

Marie-George Buffet gagne son congrès en s'alliant avec les gauchistes culturels regroupés derrière Braouzec et les rénovateurs, puis dans la dernière période s'allie avec la vieille garde, derrière Nicolas Marchand et les nostalgiques du mur, pour la présidentielle, contre les gauchistes culturels qui avancent, eux, la candidature de Clémentine Autin pour dynamiter le PCF.

La constitution d'une force anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine passe par la priorité de répondre aux questions du peuple : protection sociale, emploi et pouvoir d'achat, logement social, services publics, laïcité et institutions, Europe. Au lieu de cela, les gauchistes culturels nous "bassinent" avec les fondamentaux d'Attac et ne souhaitent pas ouvrir des débats sur les disssensus tant ils méprisent les couches populaires, sans qui aucune alternative n'est possible : on a gagné contre le CPE et contre le TCE avec eux, on a perdu sur la Sécu et sur les retraites sans eux.

Quant aux forces du " non socialiste ", c'est un désastre sur toute la ligne: Montebourg rallié tout de suite, Emmanuelli aux abonnés absents jusqu'à la victoire de Ségolène Royal, Gérard Filoche et ses amis ayant du mal à trancher définitivement en faveur d'un soutien critique à Ségolèné Royal, et Fabius hors jeu à cause d'un score qui constitue un revers cinglant pour lui. Quant à Jean-Luc Mélenchon et PRS, qui avaient suscité un plus grand espoir quand on pensait que PRS allait occuper créé par le fiasco de Chevènement en 2002, il s'est peu à peu éloigné de la perspective républicaine pour se fondre dans un espèce de Ramulaud du non de gauche, sans aller au clivage avec l'extrême gauche communautariste. Il est à craindre qu'il ne désespère ses propres partisans. Il a perdu ses deux combats, dans le PS avec Fabius, et de jouer le trait d'union dans la gauche anti-libérale, sans pour autant ouvrir la moindre perspective, car, sauf surprise de dernière minute, sa candidature n'a pas l'air au centre des débats.

Nos camarades de Mars et de la Gauche républicaine, développent l'illusion d'une possible action sans un mouvement refondateur d'une gauche laïque et républicaine de nouveau rassemblée. Tout cela paraît aujourd'hui dans l'impasse, après la réunion des instances du PCF, ce vendredi et ce samedi

A court terme, il nous reste (ce qui est insuffisant en soi) le travail de rassemblement dans le mouvement social des laïques et des républicains de gauche et d'extrême gauche, étendard déployé prêt à des compromis dynamiques faisant suite à une explicitation des dissensus, à combattre la conception totalitaire du consensus, et à prendre à bras le corps les questions posés par le peuple plutôt que celles posées par les intellectuels du gauchisme culturel toujours très prompt à nous envoyer dans toutes les impasses possibles. Sans doute, serait-il nécessaire de constituer un club de réflexion pour l'émergence d'une force, dans le champ politique, cette fois-ci, anti-libérale, internationaliste, laïque et républicaine qui oeuvre dans la continuité des acquis du mouvement ouvrier et du mouvement laïque et républicain dans les conditions du 21 ème siècle.

A moyen terme, il conviendra de répondre, au niveau organisationnel, après le ralliement sans gloire de Jean-Pierre Chevènement à Ségolène Royal, qui annonce le basculement au PS de qui reste des chevènementistes, après le probable retour de Jean-Luc Mélenchon au PS, à la nécessité d'une force de gauche, qui entend combattre le projet communautariste anglo-saxon de Sarkozy, mais qui ne se reconnaît ni dans le social-libéralisme et le régionalisme de Ségolène Royal, ni dans le gauchisme culturel des Salesse-Autain, mais dans un rassemblement antilibéral, laïque et républicain.

Si vous êtes intéressés par ces perspectives qui sont la seules potentiellement viables, écrivez-nous sur evariste@gaucherepublicaine.org qui jouera le rôle de l' intermédiaire trait d'union.

Salut et fraternité,

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - élections présidentielles 2007

2.1 - Alain Soral, du marxisme révolutionnaire au Front national

Il nous serait facile de nous réjouir de cette information, et d'y voir la confirmation que nous sommes du bon côté de la barricade : Alain Soral, journaliste, écrivain et essayiste, qui insulte régulièrement Evariste, vient d'annoncer son ralliement au Front national, dans le staff d'animation de la campagne présidentielle.

Pourquoi ne pas se réjouir ? Alain Soral avait beaucoup de qualités, et savait parfois trouver des accents justes et républicains, dans les années 2000, pour dénoncer la montée du communautarisme en France. On pouvait se retrouver d'accord avec certains de ses propos quand il dénonçait la collusion de la pensée unique, et quand il défendait une République universaliste.

Il avait une certaine nostalgie de la culture ouvrière du PCF, et osait prendre à rebrousse-poil la culture gauchiste prônant la libre immigration, montrant qu'elle était une aubaine pour la bourgeoisie qui entendait l'instrumentaliser pour casser l'influence de ce parti sur la société. Il a été un temps membre du PCF, et explique, selon lui, les raisons de son déclin. " Le PCF vivait de son encadrement et de sa défense historique de la classe ouvrière, anciennement majoritaire en banlieue. Le but du regroupement familial a donc été clairement, entre autres, de casser ce pouvoir en important massivement dans les banlieues, des Africains issus de la paysannerie pauvre du tiers monde et du bled, sans culture ouvrière, syndicale. Ainsi, on a cassé une organisation et une conscience de classe, comme on a cassé à la même période les forteresses ouvrières et syndicales, type Billancourt. Aujourd'hui, les gosses qui brûlent des bagnoles ne sont pas des enfants d'ouvriers qui se battent pour préserver des acquis de classe, mais des paumés violents, issus le plus souvent de familles sans pères et forcément nihilistes, puisque n'ayant aucune culture solide, aucun exemple valorisant auquel se raccrocher. Ces jeunes ne sont pas des opprimés en lutte, ce sont des névrosés sociaux. " Un discours qu'on peut ne pas partager intégralement, mais qui tranche singulièrement avec celui des " Indigènes de la République " et de tous les gauchistes, sur cette question.

Supporter de Chevènement dans les années 2000, Soral, fréquemment invité sur les plateaux de télévision, ne manquait pas de qualités polémistes, et aurait pu utiliser ces atouts et sa notoriété pour défendre une cause républicaine, sociale et laïque souvent absente des médias.

Hélas, Soral a un problème essentiel : les Juifs. Il est convaincu par la thèse du complot juif, ce qui explique sa complicité avec Dieudonné. Quand l'humoriste, dans un entretien avec l'ineffable professeur de philosophie Tevanian, dit ouvertement que les Juifs tiennent tout, et sont donc plus dangereux que le Front national, Soral, sur la deuxième chaîne, tient ces propos : "Quand avec un Français, Juif sioniste, tu commences à dire qu'il y a peut être des problèmes qui viennent de chez vous. Vous avez peut être fait quelques erreurs. Ce n'est pas systématiquement la faute de l'autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds. Parce qu'en gros c'est à peu près ça leur histoire tu vois. Ca fait quand même 2500 ans, où chaque fois qu'ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c'est bizarre ! C'est que tout le monde a toujours tort sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à hurler, à devenir dingue tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C'est à dire, je pense, c'est qu'il y a une psychopathologie, tu vois, du judaïsme sioniste qui confine à la maladie mentale..." Toute l'évolution de Soral vient de cette lecture du monde.

Certes, sa dénonciation du communautarisme était parfois ambiguë. Ainsi, il en arrive à qualifier tout mouvement féministe, ou de défense des homosexuels, de communautariste (ce qui est parfois vrai, par ailleurs, mais uniquement dans les secteurs les plus sectaires de ces mouvements, et pas dans leur globalité).

Mais surtout, sa vision de la société l'amène, lui aussi, à cloisonner le monde en deux : ceux qui soutiennent le complot américano-sioniste, et ceux qui luttent contre lui.

Il en arrive ainsi, lui qui se prétend marxiste révolutionnaire, à se retrouver, au nom de la théorie de " Les ennemis de mes ennemis sont mes amis " du côté de toute la mouvance islamogauchiste qui, en France, entend transplanter le conflit israélo-palestinien dans les banlieues, et ailleurs.

Il se retrouvera donc dans les comités Euro-Palestine, aux côtés de Dieudonné, et soutiendra ces listes aux dernières européennes, malgré le désaveu de Leila Chahid, représentante de l'OLP en France.

Lui qui se dit républicain ne verra, dans la loi contre les signes religieux à l'école, qu'une offensive partisane contre les seuls musulmans, une loi raciste, et soutiendra donc le droit à porter le voile à l'école pour les jeunes filles. Il fera donc un bout de chemin avec l'ineffable professeur de philosophie de Drancy, Pierre Tevanian, animateur du site " Les Mots son importantes ", et idéologue des " Indigènes de la République ", avant de se brouiller avec lui.

De même, son machisme l'amènera a attaquer frontalement le mouvement " Ni Putes Ni Soumises ". Il ne verra dans ce mouvement, comme toute une mouvance gauchiste communautariste, que la volonté de stigmatiser les jeunes issus de l'immigration. Certains, comme ce supporter de Tariq Ramadan, dans le Mantois, iront jusqu'à dire, dans une réunion publique, reprochant à un dirigeant de l'Ufal d'avoir manifesté avec eux, que cette association est une association manipulée par le PS, qui, comme chacun le sait, est aux mains des Juifs ! Soral, lui, se contentera de dire que les jeunes beurettes sont responsables de la misère sexuelle des jeunes des quartiers, en préférant aller avec les enfants de colonisateurs, plutôt qu'avec leurs frères !

Ses propos en font la bête noire de l'extrême droite juive, que cela soit le Betar ou la Ligue de Défense Juive, qui paraît à l'origine de deux agressions physiques que Soral a subie dernièrement. C'est naturellement inadmissible, et doit être condamné. On ne combat pas des idées en tapant sur ses adversaires, les gauchistes ont cru réduire l'influence des fascistes ainsi, et manifestement, cela ne marche pas ! Mais Soral sait rebondir sur cela pour jouer un rôle de victime, en se comparant, de manière articulièrement perverse, à Robert Redeker. Ainsi, sur ce sujet, il rejoint les propos ignobles de Tévanian et de tous les gauchistes communautaristes fascinés par le Hamas et le Hezbollah. Il voit dans les propos du professeur de philosophie toulousain du racisme, alors qu'il n'y a qu'une critique certes radicale de l'islam, mais rien qui ne soit dans la lignée de certains textes d'Oriana Fallaci, par exemple. La preuve : même le Mrap et Mouloud Aounit ont été incapables de porter plainte !

Mais surtout, le nouveau disciple de Le Pen se présente comme la vraie victime, ignorée des médias, face à ce qu'il appelle le simulacre politico-médiatique de l'affaire Redeker, oubliant au passage que Theo Van Gogh a été assassiné, qu'Aayan Hirsi Ali vit sous protection policière 24 heures sur 24 en Hollande, et que Mohamed Sifaoui vit depuis quatre années avec le même dispositif pour protéger sa vie, ce qui n'est tout de même pas le quotidien de Soral ! Quant à Redeker, contrairement au nouveau disciple de Le Pen, il ne peut même pas circuler librement, ni exercer son métier.

Comment donc Soral justifie-t-il son ralliement à Le Pen ? D'abord, j'ai bien regardé les cassettes où il l'annonce, et je ne le trouve pas à l'aise dans ses baskets. Il tente d'expliquer que le Front national n'est plus celui des années 1970 ou 1980, mais que c'est aujourd'hui le premier parti ouvrier en France. Il se bat pour lui donner une orientation à gauche. Soral se vante d'avoir infléchi la ligne droitière du FN, et appelle les électeurs à lire le contenu du discours de Le Pen, prononcé à Valmy (un symbole) qu'il se flatte d'avoir rédigé.

Nous prend-il pour des imbéciles ? Le fait que le leader du Front national, qui a toujours su intégrer dans ses rangs des franges aussi différentes que l'extrême droite chrétienne et l'extrême droite païenne, cède à l'air du temps, et prononce des discours laïques (sans attaquer l'église catholique, par ailleurs) et républicains, doit-il nous suffire à croire en son évolution ? C'est plutôt la preuve que l'avancée des idées laïques et républicaines est telle que ses pires ennemis, l'extrême droite, Le Pen ou Villiers, se doivent de reprendre des thèmes qu'ils ont toujours historiquement combattus, pour gagner des voix.

La vieille garde du Front national saura utiliser Soral comme un idiot utile, exactement comme Chirac a su utiliser Emmanuel Todd et tous ceux qui lui ont conseillé de gauchir son discours en 1995, sur le thème de la fracture sociale, pour tourner casaque quelque temps après. Les fascistes, historiquement, ont toujours eu besoin de parler le langage des ouvriers, pour les appâter, attirer leurs voix, et mieux les écraser ensuite. Soral ne peut pas ignorer cela.

En fait, Le Pen et le Front national sont le seul mouvement, encore plus clairement que les islamogauchistes, qui affichent ouvertement leur collusion avec l'Iran d'Ahmadinejad, le Hamas et le Hezbollah, et c'est cela qui attire des garçons comme Soral et Dieudonné. Il va être intéressant de suivre de près si le ralliement de Soral, et la visite de Dieudonné à la dernière fête Bleu Blanc Rouge, ne sont que des actes isolés, ou bien s'ils préfigurent une collusion rouge-brun d'une toute autre ampleur.

Scénario impossible ? Qui aurait pu envisager, il y a encore deux ans, que Dieudonné, qui combattait le FN à Dreux, serait bras dessus bras dessous avec Le Pen aujourd'hui ? Qui aurait pu envisager que Soral pourrait rallier ce parti ?

Dieudonné et Soral sont-ils deux soldats perdus, ou seulement des éclaireurs ? Le Pen sera-t-il capable d'attirer chez lui d'autres composantes de cette mouvance, essentiellement fédérée par la haine du sionisme, qui sert à maquiller un antisémitisme qu'ils ne peuvent afficher officiellement ?

A suivre avec attention.

Jeanne Bourdillon

2.2 - Ce gauchisme destructeur de l'extrême gauche

Il y a eu des dissensions au sein du PS, il y en a au sein de l'UMP. Il est donc normal qu'il y en ait aussi au sein de la gauche dite antilibérale. A ce détail aggravant près que les ridicules questions de personnes et les sectarismes partisans qui paralysent aujourd'hui la " gauche de la gauche " n'ont rien à voir avec les véritables divergences qui, en réalité, la rongent.

En vérité, deux courants au moins cohabitent à la gauche du PS : la gauche socialiste et l'extrême gauche d'un côté, et les gauchistes de l'autre. Or, ils sont totalement inconciliables dans la mesure où le premier courant se réclame du projet républicain, de l'idéologie démocratique et de la laïcité, alors que le second a, pour l'essentiel, basculé dans le communautarisme, l'ethnicisme et le sectarisme de posture et d'enfermement.

L'extrême gauche cherche à renouer avec le peuple perdu par la gauche sociale-démocrate et à rassembler les victimes de la " barbarie " néolibérale, alors que le " gauchisme " entend substituer au peuple méprisé et volontiers abandonné au Front national la coalition des " sans ", comme disent ses idéologues (sans-papiers, sans domicile fixe, sans-travail... ), et des identitarismes ethnico- religieux.

Ainsi est-ce " l'aile gauchiste " du mouvement qui a imposé, contre l'aile républicaine, la présence du théoricien islamiste Tariq Ramadan aux forums altermondialistes, qui a milité, dans le mouvement Une école pour toutes et tous, en faveur de l'autorisation du port du voile islamique dans l'espace scolaire, qui a toléré sinon appuyé l'appel " Nous sommes des indigènes de la République " à la tonalité violemment antirépublicaine, francophobe, raciste et à la limite fascisante (les oppositions de races remplaçant les solidarités de classes), et qui s'est intégralement et sans aucun recul solidarisé avec les tout petits groupes d'émeutiers ou de casseurs des banlieues, allant jusqu'à approuver leur hargne dirigée contre les services publics, les organisations syndicales et l'action politique.

Ainsi, sous l'appellation de " gauche antilibérale ", deux mouvances se font face qui n'ont strictement rien à voir l'une avec l'autre : l'une, qui va de Mélenchon à certains minoritaires de la LCR et inclut aussi bien des ex-chevènementistes et des communistes que l'ancienne majorité d'Attac, poursuit (en rupture avec la social-démocratie mais sans la considérer comme une ennemie malgré ses trahisons) le combat qui, toujours, fut celui du républicanisme et de l'humanisme socialiste depuis Jean Jaurès ; et l'autre, qui, en marge de cette tradition, enfermée dans son sectarisme minoritaire, privilégie l'agitation pour l'agitation (ou le mouvement pour le mouvement), se construit dans le rejet de la nation et du républicanisme, tout en attendant de l'immigration qu'elle lui offre un peuple de rechange...

C'est ce clivage qui a provoqué l'éclatement et, peut-être, la mort du mouvement Attac. Traditionnellement - et les exemples abondent, en particulier en Amérique latine -, alors que la gauche socialiste et l'extrême gauche participent des mouvements de résistance démocratique, le gauchisme fait systématiquement, par son maximalisme destructeur, parfois volontairement, le jeu de la droite dure ou même (comme au Chili, au Brésil, en Argentine) celui de la dictature militaire.

On remarquera, d'ailleurs, qu'à l'occasion, par exemple, de la crise d'Attac, les médias bien-pensants ont soutenu la tendance gauchiste contre la tendance d'extrême gauche républicaine. Et pour cause...

ED

Source : Article publié dans Marianne, n° 504, du 16 au 22 décembre 2006.

2.3 - Dix circonscriptions, un plat de lentilles et la (non) pensée Autaine. Tel a été le menu du week-end.

Sombres semaines politiques depuis début décembre. Pourtant ce mois avait démarré sous de bons auspices. A Lyon, la manifestation devant la madrassa, l'école coranique du " frère Hani Ramadan, savant en religion " a démontré non seulement qu'elle ne rassemblait pas que des militants, prodrome souvent encourageant des combats de longue haleine, mais qu'il est possible de rassembler dans des combats républicains dans des démarches loin des pratiques des islamo-gauchistes. Le colloque qui suivit a été de haute valeur, les interventions, notamment de Mohamed Sifaoui et de Pierre Cassen de Respublica, ont été riches et porteuses d'avenir dans la lutte contre l'obscurantisme et la promotion de la liberté de conscience.[1]

En retournant à mes pénates, samedi soir, j'entends à la radio un compte-rendu de la réunion de la " gauche de la gauche ". Clémentine Autain, germanopratine de la lutte de (première) classe (affaires) qui est à la gauche ce que Douste Blazy est à l'UMP, parle du score majoritaire de Marie-George Buffet et s'exprime ainsi au micro de France Inter :

Bien que Marie-George Buffet a obtenu plus de 60% des souhaits,[2] il était anti démocratique de lui accorder la représentation de la gauche de la gauche. On aura tout entendu ! Au moins Enver Hodja, le leader charismatique de l'Albanie, obtenait 99,00% des voix. Ca c'était démocratique coco !

Le vide sidéral de la politique est courant dans les sphères " archéo islamo-gaucho bobo bové ". Plus grave, ce barnum du week-end de la " gôche de la gôche ", confirme le discrédit de ses représentants pour longtemps, si tant est qu'ils aient été un jour crédibles. J'engage volontiers le pari moral sur leur déroute aux prochaines échéances.

Depuis (à cause? grâce?) Cronstadt[3], ce courant se refuse à un antécédent, à une mémoire politique, par purisme idéologique a marqué ses limites et arrive à son terme. Les élèves descendants tchékistes[4] en chapeau feutre et ventre repu ont pour pratique de laisser en ruine les champs de batailles investis après les avoir occupés par des stratégies de putschs successifs dans les organisations syndicales[5], associatives, stratégie de nid de coucou, pour s'investir dans d'autres combats. Ceux-ci seront désertés à leur tour, parce que les opprimés de circonstances ne sont plus " dignes de l'intérêt révolutionnaire " qu'ils leurs octroient du haut de leur certitude révolutionnaire, appliquant ainsi sans faille la théorie du peuple de substitution. Mais celui du 29 mai n'est plus dupe ; rendez-vous est donné le 22 avril 2007.

Encore plus inquiétant quoique prévisible, l'espoir et la dynamique suscités autour du NON au referendum du 29 mai sont foulés allègrement par ceux qui avaient un boulevard devant eux pour mener une vraie campagne politique anti-libérale. Il est vrai que pour beaucoup cela n'a pas plus d'importance que le dernier Stetson acheté sur les Champs Elysées entre deux commissions des résolutions au cours de laquelle ils n'auront pas manqué, pour souligner leur engagement révolutionnaire, de réciter le credo ; au moins trois fois le mot exploitation, autant pour la misère des " gens " et il faut que ça change. Ils n'auront, au passage, pas oublié, missel en main, à l'instar des casuistes, de gloser sur la consubstantialité et la transubstantialité de la bible révolutionnaire selon Lev Bronstein.

Amen, fermez le ban !

Voilà pour leurs pierres historiques sanguinaires dans leurs jardins chimériques. Issu d'aucun passif, le principe de réalité n'a jamais affecté les trotskistes. Il n'affecte pas plus la " pensée " Autaine que le Bovisme.

Mais qu'est- ce que Marie-George Buffet est allée faire dans cette galère ? Supportera-t-elle encore longtemps l'anticommunisme viscéral des prétendus anti libéraux ? Le mélange dialectique de ces tenants du NON risque d'être à très court terme ...détonant.

Pour paraphraser Régis Debray, je n'aurais pas l'outrecuidance de donner des leçons de justesse, et encore moins de rectitude politique(...) (aux) soldats de la révolution permanente, sacrifiés volontaires, maquisards de l'éternel été.[6] Mais point trop n'en faut des gâchis historiques. Le citoyen, même s'il n'est pas d'extrême gauche (prononcer gOOOche) peut aussi revendiquer le ras-le-bol. Alors basta !

SANS TAMBOUR NI TROMPETTE ? Même pas !

Et voici que dimanche, avec tambours et trompettes, surgit le coup de Trafalgar : Jean-Pierre Chevènement se rallie à Ségolène Royal. Sale temps pour la République.

Passons sur la pensée de Ségolène Royal ; quelques mots repris dans Respublica suffisent :

Lors du débat télévisé organisé par Arlette Chabot ("Mots croisés") sur France 3, le 19 mai 2005, Ségolène Royal avait dit : "Si le NON gagne, je serai obligée de privatiser les cantines scolaires en Poitou-Charentes". "La constitution est très belle".

Sur un chat du Monde, le 29 mars 2005, elle ajoutait que la victoire du NON " serait une forme de décadence. Au sens où l'Europe est à la fois notre famille, notre identité et notre avenir. Lorsqu'on quitte sa famille, lorsqu'on renie son identité et lorsqu'on a peur de l'avenir, alors il y a une forme de régression. "

Peut-être que la position Royale, relative au nucléaire iranien, aura fait pencher la balance en sa faveur ?

Je mets dans le lot toutes les insultes personnelles proférées par des militants socialistes du OUI durant la campagne du référendum.

Voyage à l'intérieur d'un courant peu ordinaire

J'ai adhéré au Parti Socialiste en 1975. Les idées du CERES étaient miennes. Pendant deux décennies, j'ai vu des centaines de militants constituer ce que nous avions coutume, à l'intérieur de ce courant et avec un certain recul sur nous militants soutiers, d'appeler l'association des anciens du CERES, puis de Socialisme et République puis le Mouvement des Citoyens dont je fus le premier secrétaire du Rhône en 1992. Peu de temps après, suite à une énième décision autocratique[7], je rejoignais la cohorte des membres de cette association virtuelle en quittant le MDC.

En 2002, 5,33% des électeurs ont au premier tour voté pour Jean Pierre Chevènement. Aujourd'hui je ne regrette en aucune façon ce vote qui a été aussi le mien. A mon sens, c'était le seul vote possible pour qui pense la République. Lionel Jospin n'a cessé, depuis le 21 avril de se tirer des balles dans le pied. Qu'il ne puisse plus marcher aujourd'hui est la preuve des limites qu'il a posées lui-même à sa candidature " faxale " en 2001.

Dans la campagne du referendum constitutionnel, nombreux avons-nous été à vouloir nous rassembler dans un pacte Républicain qui prolongerait ce Valmy infligé aux tenants du libéralisme, quand bien même il serait social.

J'ai pensé avec beaucoup d'autres sûrement, il suffit de lire Respublica pour ce faire, que les tenants de la gauche de la gauche et ses représentants bobos, ne pouvaient être porteurs d'un projet alternatif crédible pour cette échéance présidentielle. Le déplorable spectacle de dimanche est là pour en appuyer la certitude.

J'ai aussi pensé avec beaucoup d'autres sûrement, il suffit de lire Respublica pour ce faire, et n'en déplaise à tous ceux qui, y compris dans Respublica, sont déjà dans le second tour des élections 2007, que Jean-Pierre Chevènement bénéficiait d'une légitimité certaine pour se présenter.

Mais voici que le syndrome du CERES reprend le dessus. Jean-Pierre Chevènement, qui a toujours eu l'habitude de s'asseoir sur ses troupes, généraux compris, a décidé une fois de plus d'éliminer une grande partie de ceux qui lui font confiance. N'a-t-il pas en pleine campagne présidentielle de 2002, transformé le Mouvement des citoyens en MRC ? Comme si au moment de la mère de toutes les batailles, il fallait changer la couleur des chars ! Je reste persuadé que cette stratégie de la terre brûlée lui a coûté des voix. Mais contrairement à Koutouzov, qui brûla les terres russes pour entraver la marche de Napoléon et préserver la vie de ses troupes pour déboucher sur la Bérézina par la mort de milliers de soldats de la Grande Armée, Jean-Pierre Chevènement en mettant le feu à la terre brûle son armée, généraux compris, en préservant l'armée de Koutouzov ! Ce n'est plus la Bérézina, c'est le MeccanoŽ de la générale !

Il est aisé de comprendre que nombreux sont ceux qui ont été abandonnés le long de cette retraite de Russie qui n'en finit pas de s'éterniser depuis des années. Je ne veux pas ici citer de noms, ne leur ayant pas demandé l'autorisation de le faire. Mais je sais qu'ils et elles se reconnaîtront.

En ce qui concerne l'auteur de ces lignes, tout en soutenant les projets que sous tendaient la campagne électorale de 2002 et le référendum, j'avais pris la décision de ne pas radhérer au MRC. Le projet m'intéresse, depuis 1992, en qualité de militant et d'élu local de la République, j'avais pris mes distances vis à vis de l'homme qui placera toujours sa confiance dans un Pinton plutôt qu'envers ses militants.

Il me vient en tête la question suivante : dans quelle circonstance, Jean Pierre Chevènement ministre de la présidente Royal, donnera-t-il sa démission ? Que Jean-Pierre Chevènement nous dise si la renonciation vaut 10 circonscriptions ? Le plat de lentilles est-il accommodé à la bonne sauce ? Sauce Corrézienne ou Poitevine ?

Jean-Pierre Chevènement écrit sur son blog le 11 décembre :

" ....J'entends les objections de ceux qui auraient voulu que nous nous battions jusqu'au dernier sang, le mien bien évidemment.... ".

" ''Mais du sang il en a coulé aussi chez ceux qui t'ont soutenu, cher camarade ! Quand le sang a giclé après le 21 avril 2002, combien parmi tes nouveaux alliés nous ont couverts d'injures pour n'avoir point permis à Jospin d'être présent au second tour ? Combien de militants ont été fusillés en se voyant refuser l'accès à des mandats électifs pour n'être plus dans le bon camp ? Tu en sais quelque chose à Belfort, d'autres aussi. Sans évoquer les interdits professionnels, même si cela ne peut se clairement prouver.

Et le référendum du 29 mai ? Faut-il te rafraîchir la mémoire pour te rappeler le dictionnaire des noms d'oiseaux dont nous étions affublés ? Tant et si bien qu'aujourd'hui encore nous pouvons voler grâce à tes nouveaux alliés !'' " Mon grand regret est de ne pas avoir conservé les écrits à ces propos échangés avant le referendum.

Je ne sais, mais je peux imaginer la souffrance endurée d'une candidature à la magistrature suprême et les séquelles que celle-ci peut laisser. Mais Jean-Pierre Chevènement a renouvelé sa candidature il y a deux mois ; il savait à quoi il s'engageait. Alors de grâce, je peux aussi imaginer qu'il est plus facile de lécher ses blessures à l'abri des revenus assurés que comme soutier dans les contingences quotidiennes. "

Et voici que jours après jours, l'information se fait plus pointue. Un entretien accordé par Jean Pierre Chevènement à l'Hebdo des socialistes, révèle de l'aveu de Chevènement lui-même que des négociations ont eu lieu dès le mois de juin avec François Hollande en vue d'un accord :

" Nous avons pris soin, avec Ségolène Royal, puis François Hollande, d'améliorer le texte, à partir d'une mouture élaborée entre nos deux partis dès le mois de juin. Après une suspension de plusieurs mois, les négociations ont repris la semaine dernière pour aboutir à cet accord. ".[8]

J'en déduis que la candidature de Chevènement, dès le départ était biaisée avec pour seul objectif de faire monter les enchères quant à la répartition des circonscriptions en vue des élections législatives.

En clair, la mise en puissance de la candidature avec la création d'un comité de soutien, dont j'ai été signataire, n'avait qu'un objectif : faire monter la pression vis à vis du Parti Socialiste pour un accord électoral. Décidément, je bannis pour longtemps les lentilles de mes menus !

Jean Pierre Chevènement dans sa dernière livraison nous livre une citation de Saint Matthieu : " Celui qui veut sauver sa vie la perdra, celui qui la risquera la sauvera ".[9] Ne viens-tu pas de sauver ta vie Jean Pierre ?

Je suppose que parmi les lecteurs de Respublica, beaucoup s'interroge sur un avenir politique réellement républicain, avenir qui ne passera pas par le ségolisme ou par le bovo-autainisme mais par la RECONSTRUCTION. Je sollicite leur avis.[10]

Je ne suis ni un bien ni un mauvais pensant, j'essaie d'être cohérent. Au moment des crises importantes, la logorrhée de la tribu se met en marche avec pour objectif de discréditer le discours de celui qui parle afin de mieux masquer ses renonciations. C'est le syndrome de la Gauche. C'est une arme redoutable de l'ex ministre de la Défense. Mais je me refuse à entrer dans cette dialectique. J'écoute tout ce qui est politique et rends à chacun ce qui me fait obligation politique voire morale de débattre. On peut conserver une estime politique humaniste pour un homme et ne point en accepter les diatribes.[11] Je ne suis pas devenu anti-chevènementiste ; je conserve beaucoup d'estime pour l'homme. Nous ne sommes pas au printemps, l'hiver est là.

Notes

[1] Voir à ce sujet le site de l'association : www.regardsdefemmes.com

[2] cf. édito d'Evariste Respublica 464

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_de_Kronstadt. Lire également la prose de Léon Trotsky in Oeuvres - juillet 1938.

[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Tcheka

[5] J'ai personnellement connu ce phénomène dans les années 70 à la CGT, CFDT et FO. Pour cette dernière, c'est Lutte Ouvrière qui incitait à "investir" cette organisation ; la LCR avait quant à elle mis ses ½ufs dans la CFDT.

[6] in Supplique aux nouveaux progressistes du XXIème siècle p 14 Régis Debray Editions Gallimard mars 2006

[7] En guise de clin d'oeil à MS qui se reconnaîtra mais j'avais bien écrit le terme avant son appel téléphonique.

[8] Voir blog : www.chevenement2007.fr/Entretien-de-Jean-Pierre-Chevenement-a-L-Hebdo-des-socialistes_a129.html.

[9] Voir www.chevenement2007.fr/Reponse-a-Claire-Strime_a132.html?voir_commentaire=oui#comments

[10] Afin de prévenir les éventuels réactions épidermiques des psychologues germanopratains, je n'ai aucune aigreur et mes rancunes sont toujours d'ordre humain jamais politique. Simplement, une page est tournée.

[11] Voir : www.chevenement2007.fr/Un-nouveau-printemps-pour-l-antichevenementisme_a131.html

Simon Archipenko

2.4 - Pauvre Suisse

Ainsi donc, le triste Johnny Halliday (prière de ne pas rire en lisant ce nom d'un autre âge) a décidé de fuir la France et de demander l'asile fiscal à la Suisse. Pauvres amis suisses. Après avoir récupéré Alain Delon et Patricia Kaas, vous voici contraints d'accueillir cette autre sommité de la culture française.

N'en avez-vous pas assez de ramasser les crapules de tous les pays ? Les salauds qui, bien qu'ayant les poches pleines, refusent de contribuer à l'effort national en payant des impôts ? Les ordures qui veulent bien gagner de l'argent sur le dos de ces Français assez bêtes pour être encore contribuables, mais qui n'acceptent plus de partager leur richesse, si chèrement acquise ?

Pauvre Johnny, pauvre Suisse ! Et pauvre Nicolas Sarkozy, qui se retrouve soutenu par une floppée de boulets (Jonnhy Halliday, Doc Gynéco, Pascal Sevran, etc.), lui qui était déjà obligé de faire les poubelles pour trouver quelques soutiens " culturels ".

Alors bon vent Johnny, bon débarras ! La France n'a pas besoin de types comme toi. Elle a besoin d'hommes et femmes qui savent que la richesse doit être répartie et qui sont fiers de payer des impôts pour avoir des écoles, des hôpitaux, une police, une justice, des routes, une sécurité sociale, et beaucoup d'autres services publics. Tu peux te tirer en Suisse, dans ton chalet refait à neuf, pour vivre au milieu d'autres millionnaires ayant fait fortune grâce aux pauvres cons de citoyens que nous sommes, tu ne nous manqueras pas.

Stéphane Arlen président de l'association Faire Le Jour
www.fairelejour.org

3 - combat laïque

3.1 - Commentaire du rapport de la Commission Machelon (1ère partie)

Mise en place par le Ministre de l'Intérieur, la " commission de réflexion juridique ", présidée par le professeur de droit Machelon , n'avait ni la représentativité d'une commission parlementaire, ni la légitimité d'une commission pluraliste d'enquête. Dans sa lettre de cadrage du 20 octobre 2005, Nicolas Sarkozy lui demandait de " prendre en compte les attentes des grandes religions de France ", se disant " convaincu de la nécessité d'apporter aujourd'hui un certain nombre d'amendements au corpus des textes (loi de 1905, code général des collectivités territoriales, code de l'urbanisme, code des impôts) régissant l'exercice des cultes et leurs relations avec les pouvoirs publics ".

Cette commission ministérielle, formée de 16 conseillers d'État, magistrats, universitaires et théologiens connus pour leurs options religieuses ou leurs opinions favorables au droit local alsacien, a auditionné 45 personnalités, dont 21 religieux de diverses obédiences mais seulement deux militants laïques membres de la Ligue de l'enseignement. On peut douter de l'objectivité du rapport de cette commission dès l'analyse de ses " considérations générales ". Si elle reconnaît " l'attachement des Français à la séparation des Églises et de l'État " et la nécessité de " réaffirmer la laïcité ", elle se fixe pour objectif de " rechercher une meilleure adaptation du droit des cultes à l'évolution de la société française (...) pour donner tout son sens à la liberté de religion " (p. 9).

Des " considérations générales " fort discutables

La commission entend d'abord fonder sa réflexion au plan sociologique en partant d'un tableau des " appartenances religieuses " des Français. À partir du sondage IFOP-La Croix de 2006, elle constate que " le paysage confessionnel a changé depuis cent ans " : même si " 65 % d'entre eux se déclarent catholiques ", " la France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de boudhistes ". Même si les pratiques régulières sont en déclin, même si " l'agnosticisme progresse ", les religions continueraient à jouer un rôle majeur dans les affirmations identitaires, en particulier chez les évangélistes, les musulmans et dans les " groupes charismatiques ". La commission confond ainsi l'" exercice des cultes " et le " sentiment d'appartenance à une religion ". Elle privilégie les comportements culturels ou coutumiers d'origine religieuse.

La commission ignore les conclusions d'autres études sur les types de convictions spirituelles des Français. D'après l'enquête du CSA-Le Monde de 2003, 58 % des personnes interrogées se disent " croyantes " (24 % affirmant que l'existence de Dieu est certaine et 34 % probable), 41 % se disent " incroyantes " (19 % estimant que l'existence d'un dieu est improbable et 22 % la niant absolument. Les athées sont donc presque aussi nombreux en France que les croyants convaincus et les agnostiques représentent entre 19 et 54 % des Français. Les Données sociales de l'INSEE de 2003 apportent des précisions incontestables sur les pratiques cultuelles : 12 % seulement des Français de toutes religions ont une pratique cultuelle régulière et 15 % une pratique occasionnelle. Avant de statuer sur l'exercice des cultes, il conviendrait de remarquer que 58 % n'ont aucune pratique religieuse et que les agnostiques et les athées sont des citoyens tout autant que les croyants pratiquants.

La commission se livre ensuite à un rapide historique pour affirmer que " l'actualisation (de la loi de 1905) ne paraît pas illégitime et ne menace aucunement notre héritage républicain " (p. 10). Puisque la loi de 1905 admet que " la République ne peut ignorer le fait religieux en tant que fait social " et que " la contributions des Églises à la vie en société n'est plus perçue désormais comme la manifestation indésirable d'un désir (sic) d'hégémonie politique ", le rapport conclut bien vite que " l'histoire même de la laïcité en France contredit l'idée d'une étanchéité entre les deux sphères " (p. 7). Admettant comme nécessaires à la paix civile toutes les concessions faites depuis 1914 par l'État aux Églises, la commission souligne que les Présidents de la République reçoivent les représentants des divers cultes et que Lionel Jospin a décidé le 13 février 2002 que le gouvernement recevrait régulièrement les délégués de la Conférence des évêques de France. Elle se félicite que Mr Raffarin ait même reconnu devant eux le 14 février 2005 " l'intervention positive des religions dans le dialogue public ". La commission considère donc les religions comme des " réalités sociales " devant entretenir un " dialogue ouvert, transparent et régulier " avec l'État comme le prévoyait le projet de constitution européenne.

Enfin, la commission légitime ses propositions au nom du principe d'une " laïcité apaisée " (p. 7) car elle entend " poser en termes renouvelés la question de l'égalité de traitement entre les cultes. " Les rédacteurs affirment donc ouvertement que la laïcité est " l'égalité entre les religions " selon la conception anglo-américaine et non l'égalité entre toutes les croyances spirituelles et options philosophiques selon la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ils se réfèrent à un arrêt du Conseil d'État de 2004 pour définir la laïcité par les seuls principes de neutralité de l'État et de respect de la liberté religieuse. Mais ils ignorent que le principe premier de la laïcité est " La République assure la liberté de conscience ", la liberté de croire ou de ne pas croire (article 1er de la loi de 1905).

La commission ne songe même pas à dissimuler l'instrumentalisation politique de la question religieuse qui est recherchée. Elle affirme en effet qu'il y a contradiction entre le principe selon lequel " La République respecte toutes les croyances " (art 2 de la constitution de 1958) et le fait que " les fidèles des deux confessions en expansion récente, l'islam et le christianisme évangélique, rencontrent de réelles difficultés pour pratiquer leurs cultes " (p. 12). La République devrait donc " répondre à leur attente en matière cultuelle " pour " favoriser l'intégration de ces populations ". C'est avouer que le but des réformes proposées n'est pas tant la garantie de la liberté de culte que le ciblage politique de deux communautés religieuses dynamiques. Et cela dans un double intérêt, par " sollicitude à l'égard de groupes sociaux souvent en relégation sociale " et " dans le contexte international actuel "(p. 28).

Comment " faciliter la construction de nouveaux édifices du culte " ?

La commission Machelon propose non seulement d'améliorer les aides indirectes que les communes accordent aujourd'hui aux cultes mais encore d'" autoriser formellement l'aide directe à la construction de lieux de culte " (p. 25).

1) Les baux emphytéotiques auxquels ont souvent recours les communes pour louer des terrains, afin que des associations cultuelles puissent y construire des lieux de culte, devraient être assortis d'une " option d'achat " du foncier afin de garantir à ces associations la propriété des édifices cultuels à l'expiration du bail.

2) Toutes les collectivités territoriales auraient la possibilité d'octroyer soit des " garanties d'emprunts ", soit des " avances remboursables " à " toutes les associations à vocation cultuelle " prenant en charge la construction d'édifices du culte sur " tout le territoire national ", et non seulement dans les zones nouvelles de développement urbain comme admis par la loi du 29 juillet 1961.

Mais " une large majorité " de la commission a estimé que ces améliorations des pratiques actuelles n'étaient pas suffisantes. Elle propose donc

3) " l'octroi d'aides à la construction d'édifices du culte ", sans plafonnement ni discrimination. Alors que la législation actuelle privilégie " l'aide à l'existant " et au fonctionnement, il s'agirait de passer à l'aide directe à l'" investissement ". Toutes les religions seraient concernées, l'Église catholique ayant des problèmes de " redéploiement ", l'islam connaissant une " remarquable phase de rattrapage " et " la situation des mouvements évangéliques étant la plus préoccupante " p. 16). Bien que cette aide directe des communes à la construction de lieux de culte ne soit présentée que comme une " faculté ", on peut imaginer que toutes les propositions en ce sens ne manqueraient pas de soulever des débats très vifs dans les conseils municipaux au sujet de " l'intérêt général de ces initiatives ". Au lieu de maintenir la paix religieuse entre les citoyens, cette innovation créerait des conflits permanents entre communautés.

L'opinion publique n'a pas été alertée sur trois autres propositions particulièrement graves de la commission.

1) Elle appelle à sanctionner les maires refusant l'établissement de lieux de culte par des considérations d'urbanisme et demande que des terrains municipaux soient destinés à des lieux de culte en tant qu'" équipements d'intérêt collectif à caractère public ou social " (p. 31) comme en Espagne et en Allemagne.

2) Elle propose que les collectivités locales procèdent à l'entretien et aux réparations de tous les bâtiments " propriétés de tout type d'association à vocation cultuelle " (p. 32). C'est étendre encore le champ de la loi du 25 décembre 1942, jamais abrogée, par lequel le régime de Vichy faisait obligation aux communes de procéder aux réparations de toutes les églises, même de celles qui n'étaient pas biens communaux.

3) Enfin " la commission préconise la suppression de l'article 22 de la loi de 1905 ... " (p. 42). Or le dernier alinéa de cet article méconnu stipule que les associations cultuelles peuvent " constituer une réserve spéciale dont les fonds devront être déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour être exclusivement affectés à l'achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinées aux besoins de l'association. " En supprimant l'article précisant les conditions dans lesquelles le financement de l'achat et de la construction de lieux de culte est aujourd'hui possible grâce à la contribution volontaire des seuls fidèles et d'autres associations, la commission abolit tous les moyens de contrôle financier sur les fonds recueillis par les associations et invite celles-ci à demander systématiquement des aides publiques.

Comment légitimer ces propositions de financement public des lieux de culte ?

Pour cela la commission entend récuser " la portée constitutionnelle de l'article 2 de la loi de 1905 " : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ".

La commission affirme que " la "non-reconnaissance" ne paraît pas revêtir le caractère d'une règle constitutionnelle " car l'article 2 ne définirait que le " principe général de neutralité et d'indétermination religieuse de l'État ". Certes elle admet que la loi de 1905 a abrogé l'ancien statut de droit public des cultes pour y substituer " un statut commun de droit privé ", mais elle estime que l'État continue à reconnaître les cultes puisqu'il exerce toujours un " contrôle public sur l'acquisition du statut d'association cultuelle " (p. 22). La commission ignore que la loi de 1905 a mis fin à la reconnaissance publique de l'utilité sociale des religions, mais qu'elle s'est refusée à ignorer l'existence des cultes dans la société, ne serait-ce que pour des raisons d'ordre public. L'ignorance historique des rédacteurs est flagrante quand ils écrivent que " la loi de 1905 maintient en vigueur le régime particulier des congrégations lequel comporte une procédure de reconnaissance. " Non seulement les législateurs de 1905 avaient écarté volontairement les congrégations du champ de la loi de 1905, mais la plupart de celles-ci avaient été interdites pour avoir refusé de se conformer à la loi sur les associations de 1901. Les rédacteurs du rapport Machelon interprètent donc abusivement les articles 4 et 6 de la loi de 1905 comme une déclaration de reconnaissance des cultes et estiment donc implicitement qu'ils sont en contradiction avec l'article 2 qu'ils remettent en cause ouvertement.

La commission nie également le caractère constitutionnel de l'article 2 de la loi de 1905 en affirmant que " l'interdiction de subventionner les cultes n'est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République " (p. 19). La loi de 1905 ne fixerait que " les modalités concrètes " du principe de neutralité religieuse de l'État. Là encore les rédacteurs font preuve ou de leur ignorance ou de leur mauvaise foi. En effet, l'article 2 qui déclare que " La République ne subventionne aucun culte " fait partie du titre I de la loi qui a été intitulé volontairement " Principes ". Briand s'en expliqua en précisant que " les législateurs s'engageaient ainsi envers le pays en proclamant des principes rationnels d'action quelles que soient les circonstances ultérieures de la séparation " et que ces principes devaient à l'avenir inspirer les législateurs et les magistrats. Mais les rédacteurs osent contredire cette déclaration en écrivant qu'" incertaine dans sa définition, l'interdiction de subvention des activités religieuses s'avère aussi peu cohérente eu raison de la multiplicité des dérogations que connut cette règle (p. 20). Et la première dérogation qu'ils invoquent est la loi du 25 décembre 1942 de l'État français, qui certes n'a pas été abrogée en 1944 par le général de Gaulle, mais qui ne peut passer pour une loi de la République ! Autres dérogations invoquées par les rédacteurs : les aumôneries et l'affectation aux cultes de bâtiments publics prévues par ... la loi de 1905 elle-même qui serait ainsi contradictoire. Ils ignorent que les législateurs admirent alors ces modalités pour que l'État puisse garantir à tous les citoyens l'exercice de leur culte, et non pour financer les cultes. Ils confondent donc la garantie par la République de la liberté religieuse et la conservation du patrimoine public avec le financement direct de biens privés et d'activités particulières.

Sans l'avouer ouvertement, la commission propose donc l'abrogation de l'article 2 de loi de 1905 en le vidant de son contenu théorique et pratique. Pour cela, elle part d'une lecture déformée de l'article 1 de loi et définit la laïcité par la simple " neutralité confessionnelle de l'État " et " l'égalité de traitement entre les cultes. "

Nicolas Sarkozy, en reprenant les propositions du rapport Machelon, s'engagera dans une véritable opération de remise en cause de la loi de 1905 et de la séparation des cultes et de l'État. Oui, la laïcité et la démocratie sont en danger !

Jean-Paul Scot " L'État chez lui, l'Église chez elle ". Comprendre la loi de 1905, Point Histoire, Le Seuil, 2005

4 - combat social

4.1 - Nous, les travailleurs pauvres

Ils survivent. Grâce à quelques heures de travail, d'un bout d'allocation, d'un salaire trop maigre. On les appelle pudiquement les travailleurs pauvres. " On a de la chance, disent-ils. Il y a bien pire que nous. Il y a des gens qui n'ont rien. ", Mais dans leurs vies fragilisées, un incident suffit pour basculer. Une facture imprévue, un avis de la Caisse d'allocations familiales (CAF), une amende...

L'angoisse a ressurgi dans la vie de la famille Lewille, un matin de novembre, lorsque Pascal, agent d'entretien dans une PME de transport, a reçu une lettre de son patron l'informant qu'à partir du 4 décembre, son temps partiel passait de 5 heures à 3 h 30 par jour, sans heure de nuit. " Juste avant Noël avec les gosses, cela m'a pris un peu à la gorge. Je vais passer de 900 à 600 euros par mois. J'ai accepté. J'étais le dernier embauché, je n'avais pas le choix ", témoigne le quadragénaire.

Avec son salaire, M. Lewille nourrit cinq personnes, paie les factures d'eau (36 euros), de gaz et d'électricité (110 euros), les pleins de gasoil (plus de 250 euros) pour ses 60 kilomètres de trajet quotidien, et 120 euros de lait en poudre et de couches pour sa petite fille de quatre mois. L'aide personnalisée au logement (APL) et les allocations familiales servent à acquitter les 840 euros de loyer, une somme astronomique pour une maison située dans un des quartiers les plus déshérités de Roubaix (Nord), mais suffisamment grande pour accueillir deux de ses quatre beaux enfants.

" Pendant des années, se souvient-il, je n'avais pas de boulot. J'étais RMiste. J'ai commencé à remonter la pente. Je ne veux pas retomber. " La signature d'un contrat à durée indéterminée en mars et la naissance de sa fille en août lui avaient redonné le moral. La diminution de son temps partiel lui fait craindre le pire. Et le pire pour cet homme placé en foyer à huit ans serait que la Ddass lui retire son bébé pour cause d'insuffisance de ressources. Pascal se fait donc à l'idée qu'il doit vendre sa moto achetée à crédit. Il a accepté d'inscrire les enfants au Noël du Secours catholique et toute la famille aux Restos du coeur. " La demande a été acceptée, s'émerveille sa compagne. D'habitude, on dépasse toujours les plafonds. "

Dépasser le plafond, c'est la mésaventure qui est arrivée à Ophélie Lebrun, 19 ans, à Joaquim Abreu, 21 ans, et à leur bébé de six mois, Rayan. Après des années de galère et de rue, le couple avait obtenu le revenu minimum d'insertion (RMI) parce qu'il attendait un enfant. Dans la foulée, Joaquim, illettré, a décroché un contrat d'avenir à la mairie de Roubaix. Il travaille 112 heures par mois comme agent de nettoyage. Avec l'aide d'une association, ces parents heureux ont trouvé un appartement à louer. En sept mois, leur vie s'est métamorphosée : un travail, un toit, la naissance d'un superbe petit garçon. Et voilà que la CAF leur annonce, sans crier gare, la suppression de leur allocation différentielle de RMI ; 168 euros qui pèsent lourd dans le budget du jeune ménage.

Entre le salaire de Joaquim (600 à 700 euros par mois) et les allocations, Ophélie fait des prouesses pour joindre les deux bouts. Pas facile avec 130 euros de loyer pour un appartement qui s'est révélé insalubre, 85 euros d'électricité, 13 euros d'assurance, sans compter les frais pour le bébé et le remboursement progressif de 800 euros de dette. " Je suis allé à la CAF, pour qu'ils m'expliquent pourquoi ils avaient arrêté d'un coup de nous verser nos 168 euros. Ils m'ont envoyé balader ", s'offusque Joaquim. Il a raison. Mais les services sociaux sont débordés. Le jeune homme ne baisse pas les bras pour autant. Il suit une formation de remise à niveau, indispensable pour réaliser son rêve : travailler dans le bâtiment.

Catherine Leroy non plus ne s'avoue pas vaincue. L'énergie du désespoir sans doute : les bons mois, elle gagne 350 euros en faisant des ménages chez des personnes âgées. Les mauvais, moins de 300 euros. Comme ses heures de travail sont déclarées, elle ne touche plus que 505 euros d'allocation de parent isolé (API) par mois au lieu de 635. Elle s'en débrouille pour vivre et faire vivre sa dernière fille qui prépare un " bac pro ". Contre l'avis de ses proches, Catherine a accepté que sa petite dernière poursuive des études, car " rien ne dit qu'elle aurait trouvé un emploi ". Elle sait de quoi elle parle. Ses deux garçons, 24 et 22 ans, sont au chômage. Son aînée, 27 ans, est mère au foyer.

Au bout de trente ans de vie commune, Catherine Leroy a trouvé la force de se séparer d'un mari dont elle tait la violence. " J'ai passé trois mois chez mes parents, quatre en foyer et je viens d'emménager avec ma fille dans un appartement meublé grâce à une amie ", explique-t-elle, les larmes aux yeux. Travailler plus ? Cette grand-mère de 49 ans, titulaire d'un CAP d'employée de bureau, en rêve. Mais les associations d'aide à domicile ne lui trouvent rien de régulier. Quelques heures en plus, qui lui coûtent cher en déplacement. Et elle vient d'écoper de 90 euros d'amende pour ne pas avoir fait réparer sa voiture après un contrôle technique.

Ce n'est pas un emploi, mais l'argent qui manque à David Mortelette, 34 ans, pour sortir du surendettement. " J'ai une belle qualification dans le bâtiment, mais le salaire ne suit pas ", explique ce trentenaire qui travaille depuis qu'il a 14 ans.

Au début des années 2000, son patron se suicide. Resté six mois sans salaire, il se résout à faire une demande de RMI, bricole et s'endette pour faire vivre sa femme et ses deux fils. Un troisième garçon vient au monde. David Mortelette retrouve un job de salarié, contracte un nouveau crédit. En accord avec son patron, il se fait licencier pour se mettre à son compte. Les Assedic crient à la démission déguisée et refusent de l'indemniser. La famille plonge un peu plus.

Aujourd'hui, le salaire de David est de 1 340 euros, sur lequel 900 euros sont prélevés, en début de mois, pour payer les dettes et le loyer. " Depuis qu'il y a l'euro, c'est très dur. Je dois encore 3 800 euros. C'est beaucoup. Même en faisant les brocantes, je n'y arrive pas ", se désole-t-il. Sans le Secours catholique et ses familles d'accueil bénévoles, ses enfants n'auraient jamais connu le plaisir de partir en vacances.

" Evidemment, on pourrait divorcer, ma femme et moi. Ou faire de fausses déclarations. Mais ce serait voler l'Etat. Ce n'est pas mon genre ", remarque David. Songeur, il couve des yeux ses enfants qui jouent paisiblement sur le canapé du séjour : " J'ai toujours travaillé. J'ai réussi à monter. Maintenant, je n'y crois plus. Je ne suis jamais parti en vacances, même pas à Dunkerque. Partir quinze jours avec mes trois garçons, serait-ce trop demander après vingt années de travail ? "

Claire Guélaud

Source : dans Le Monde du vendredi 15 décembre 2006

4.2 - Une rupture radicale est nécessaire en ce qui concerne la situation économique en France

On vit dans une société au bord de l'explosion. Pour un historien, la réalité de la société française, c'est l'élection présidentielle de 2002 avec une extrême droite arrivant au deuxième tour, c'est la crise des banlieues en flammes, c'est la crise du CPE qui a montré une forte résistance des classes moyennes.

Les discusssions que vous allez avoir sont conditionnées, presque prisonnières d'un système économique mondial qui tend de plus en plus à asphyxier la société française et à lancer les partenaires sociaux les uns contre les autres presque à leur insu.

La réalité du cadre économique dans lequel vous allez discuter, c'est le libre-échange. La vérité du libre-échange, c'est que, pas à pas, il a fait revenir le capitalisme à ses défauts du XIXè siècle.

Le capitalisme civilisé d'après-guerre était un capitalisme dans lequel les gens avaient compris la complémentarité des salaires et de la demande. Les entreprises qui laissaient filer les salaires à la hausse avaient compris que les salaires concouraient à la formation d'une demande nationale

Dans une première phase le libre-échange a été une bonne chose. Mais si les entreprises se mettent à produire prioritairement pour les exportations, le lien entre les salaires et la formation de la demande dans l'économie est brisé et le salaire finit par être perçu comme un coût pour l'entreprise.

A l'échelle mondiale, si toutes les entreprises se mettent à considérer le salaire comme un coût pur, vous entrez dans une logique mondiale de déflation et de compression de la demande.

Au stade actuel, et surtout depuis l'émergence de la Chine comme acteur mondial, je crains qu'on ne puisse imaginer une fin à ce processus économique d'ajustement.

L'histoire économique devient un puits sans fond dans lequel tous les acteurs sociaux (entrepreneurs comme salariés et ouvriers) se débattent dans une certaine forme d'asphyxie.

Je suis arrivé à la conclusion, il y a quelques années, que le protectionnisme était la seule conception posssible et, dans un second temps, que la seule bonne échelle d'application du protectionnisme était l'Europe.

La réalité de l'économie actuelle, c'est que le bon niveau d'intégration et de régulation, c'est l'Europe, et je ne vois pas comment on pourrait sortir de ce monde d'asphyxie sans penser un marché européen de 450 millions d'habitants.

Pour se raconter qu'il n'est pas possible d'organiser un monde décent dans un ensemble de 450 millions d'habitants qui contient la plus grande masse d'ouvriers et d'ingénieurs qualifiés de la planète, il faut vraiment être à côté de ses pompes !

Les deux problèmes majeurs auxquels sont confrontés les politiques de ce pays et les syndicalistes sont les suivants :

Le premier problème - je vais apparaître dans mon rôle de chercheur mal élevé - ce sont les économistes en France.

Je crois qu'il faut admettre que statistiquement, qu'il s'agisse des économistes bancaires, universitaires ou de la haute fonction publique, ce sont des gens qui refusent de réféchir à ces questions.

J'ai en tête un papier du Monde signé par trois économistes - que je ne nommerai pas - mais qui dans ma tête sont maintenant les pieds nickelés de l'économie, qui, s'inquiétant d'un début de discussion de la thématique européenne protectionniste, renvoient tout cela dans les cordes en ne parlant que de protectionnisme national, c'est-à-dire en refusant même d'envisager la possibilité d'une réflexion sur ce que pourrait être une économie européenne protégée.

Le second problème, c'est que je pense que la France va être amenée à jouer dans les années qui viennent un rôle très particulier dans la contestation de ce libre-échange et de cette ambiance d'asphyxie qui touche tous les pays européens les uns après les autres.

La réalité du monde économique en Europe, c'est que nous avons une puissance centrale économiquement dominante qui est l'Allemagne, et il est vrai que l'Allemagne est attachée au libre-échange. Dans la phase récente, elle a choisi l'exportation vers le monde plutôt que de se concentrer sur l'organisation de l'espace européen. C'est d'ailleurs ce qui l'a amenée à mettre ses partenaires dans la zone euro en situation difficile dans la période la plus récente, mais je crois que l'un des problèmes que l'on a en France, c'est une certaine névrose allemande des dirigeants français.

Devant cette puissance industrielle allemande, on se dit qu'on ne peut pas négocier et qu'on ne peut rien faire, donc qu'est-ce qu'on fait face à l'Allemagne ? Je dirais : on plie et on ricane. On plie parce qu'on pense qu'on ne pourra pas changer les Allemands et on ricane en disant justement qu'on ne peut pas les changer et qu'ils sont très rigides...

C'est une perspective qui me semble fausse. Il me semble tout à fait possible d'affronter cette question, de commencer à discuter avec l'Allemagne qui souffre aussi avec des taux de chomage élevés, ne trouve pas la solution dans le mondialisation et où la logique de compression salariale est encore plus forte qu'en France.

Je pense qu'il est possible d'expliquer aux Allemands qu'un espace de 450 millions d'habitants, avec des protections commerciales qu'il faudrait définir et sur lesquelles il faudrait travailler, dans lequel on pourrait faire remonter les salaires et donc la demande intérieure, serait un projet tout à fait acceptable et intéressant.

Alors, je sais, on va dire : " l'Allemagne ne peut pas changer ! ". Mais je me souviens de l'époque où on disait " mais jamais l'Allemagne n'abandonnera le droit du sang " : l'Allemagne est passée au droit du sol. Je me souviens aussi de l'époque où on disait " mais jamais l'Allemagne ne sera autre chose que le toutou des Etats-Unis ". Et je me souviens de la guerre d'Irak.

On peut discuter avec les Allemands et on peut les contraindre à prendre leurs responsabilités dans une organisation économique nouvelle de l'Europe et, de ce point de vue, on peut tout à fait imaginer un redémarrage d'un partenariat franco-allemand avec, pour la spécialisation internationale de la France, en faisant un mauvais pastiche de Ricardo, l'esprit de révolte et de contestation, et pour l'Allemagne plutôt l'esprit d'organisation.

Ce qui est sûr c'est qu'il est possible de concevoir une Europe dans laquelle, avec une protection des frontières, on pourrait réconcilier les Européens de l'Ouest et les Européens de l'Est ; comprendre la complémentarité des intérêts économiques français, allemands et polonais ; et en national, un monde de protection dans lequel les groupes sociaux et les catégories économiques ne seraient plus nécessairement lancés les unes contre les autres.

Dans un monde protégé à l'extérieur, on arrêterait d'essayer de lancer les gens du secteur privé contre les gens du secteur public. On arrêterait de lancer les Français d'origine lointaine contre les immigrés ou contre les Français d'origine récente.

Ce projet serait un monde dans lequel, bien entendu, les représentants du monde des salariés et les représentants du patronat pourraient continuer à négocier durement et à s'affronter sur toutes sortes de problèmes, mais dans un contexte où le résultat des négociations serait une remontée des salaires pour le côté syndical et, du côté du patronat, le retour à un univers où l'on pourrait avoir plus de souplesse et moins de rigidités.

Propos recueillis par Julien Landfried et François Vignal

5 - débats républicains

5.1 - Téléthon : les bons sentiments ne doivent pas empêcher la critique

Dans une première partie (Respublica 494), j'ai analysé les conditions de l'offensive ratée des catholiques contre le Téléthon. Mais cela ne dispense pas de porter un regard critique à cette opération qui, si nul n'en conteste les bons sentiments, doit se voir poser la question de sa légitimité dans un cadre républicain.

Qu'est que le Téléthon ? C'est une opération montée par une association, l'Association Française contre les Myopathies (AFM), qui regroupe des familles d'enfants atteints de maladies génétiques. C'est une collecte de fonds qui utilise des média publics comme cadre et un show médiatique comme support. Le but étant de collecter un maximum de fonds, qui sont destinés à la recherche, à l'accompagnement et au soutient des malades et de leur famille.

Les critiques que je vais formuler peuvent se classer en deux groupes : d'une part les critiques d'ordre général, et d'autre part les critiques par rapport à l'objet même du Téléthon, la recherche médicale, et sur la place de cette opération dans le cadre républicain.

Voyons tout d'abord les critiques d'ordre général qui ne se prêtent pas en particulier au Téléthon, mais qui pourraient être reproduites pour toute entreprise similaire.

Lorsque l'on "pèse" 100 millions d'euro par an en défendant un intérêt particulier, on est un groupe de pression, un lobby. Avant le Téléthon, l'AFM ne parvenait pas à faire entendre sa voix, maintenant, son influence est certaine et elle a la capacité de peser dans les débats qui précèdent l'élaboration de la législation et de la réglementation.

Si un tel budget (obtenu sans subvention) assure l'indépendance, il ne garantie pas pour autant l'à-propos de son emploi. De même, défendre une cause juste ne donne pas forcément les compétences pour le faire.

Une telle somme peut par contre aiguiser des appétits, et en corolaire favoriser la crainte de tentatives d'entrisme, ou tout simplement des luttes internes de pouvoir, ce qui peut conduire à un climat délétère pouvant compromettre la pérennité de l'action. Qui a oublié Jacques Crozemarie ?

Il faut aussi parler des frais de collecte. Pour le Téléthon, l'AFM déclare que les frais de collecte et de traitement des dons ont représenté en 2005 11,3 % des sommes collectées. Heureusement qu'il n'y a pas en plus des actionnaires à rémunérer !

Il faut aussi parler des dispositions fiscales qui consistent à permettre une déduction d'impôt correspondant à une partie du don. Cette mesure, généreuse et limitée à ses débuts, est devenue complètement pervertie par les augmentations progressives de la part déductible. C'est ainsi devenu un moyen de subvention caritatif des associations par l'Etat, au travers de choix individuels, ponctionné sur le produit de l'impôt, sans qu'il n'y ait d'engagement de fixé par les associations, et sans consultation de la représentation nationale. Et comme d'habitude, le système ne s'applique qu'aux 50 % de foyers fiscaux qui paient l'impôt sur le revenu. Quand on a les moyens, l'obole coûte 66 % moins cher...

Voyons maintenant les critiques par rapport à l'objet même du Téléthon.

La recherche médicale relève de l'intérêt général et doit être du ressort de l'Etat. Ce qui ne veut pas dire que toute initiative privée ou toute participation du privé soit à rejeter. Mais c'est la garantie que l'orientation sera celle de l'intérêt général et non celle d'intérêts particuliers. Encore faut-il se donner les moyens de la définition démocratique de l'intérêt général et ne pas donner l'impression à certains d'être laissé pour compte ! Comme souvent, comme le système est imparfaitement appliqué (on peut en l'occurrence considérer que la recherche sur les maladies génétiques était anormalement délaissée en France), on en vient, au lieu de l'améliorer, à choisir d'autres orientations qui n'offrent pas les mêmes garanties et qui ne répondent pas aux mêmes principes.

Les effets pervers sont nombreux. Des jeunes chercheurs choisissent de s'orienter non pas en fonction de leur choix ou des besoins, mais en fonction des axes qui bénéficient de financement. De même, des équipes se retrouvent face au dilemme de choisir d'être financé mais alors de se voir imposer les sujets de leurs recherches, ou bien de courir après les financements.

Le montant collecté lors du Téléthon 2005 représente près de 18 % du budget total de l'INSERM (Institut de la santé et de la recherche médicale), qui coordonne la recherche dans tous les domaines de la médecine. Posons la question crûment, les maladies génétiques représentent-elles 18 % des personnes malades, ou encore des causes de décès ? Bien évidemment non, on est même loin de ce chiffre, même si cette vision est simpliste car la recherche en génétique aura probablement des applications futures qui dépasserons le cadre stricte des maladies génétiques.

En conclusion, ce doit être l'impôt sur le revenu qui assure la "collecte des fonds", selon une certaine justice fiscale, et non la charité, qui au travers d'un message fortement émotionnel (ce qui est facile lorsque l'on parle de maladie), parfois même culpabilisant, transforme la générosité en taxe sur les bons sentiments.

Christian Gaudray

5.2 - Comment j'ai aidé mes enfants à apprendre à lire

Cher Evariste,

Permets-moi de réagir à la rubrique concernant le débat (passionné) sur l'apprentissage de la lecture.

Je dois te dire que je parle en tant que parent et non en tant que spécialiste.

J'ai eu trois enfants (j'ai perdu ma fille aînée qui avait 28 ans, il y a deux ans. Atteinte d'insuffisance rénale, mal diagnostiquée, mal soignée, médecine de merde pour les pauvres),

Je ne suis pas intervenue dans les premières années où mes deux enfants ainés, apprennaient à lire et à écrire. Conclusion, à 8.5 ans mon fils, intelligent n'avait pas appris à lire, ni à écrire il retenait des tas de trucs par coeur. Il avait réussi à passer des tas d'étapes sans que personne ne s'en rende compte où ne nous le signale. à 8.5 ans à la fin de l'année scolaire, l'école nous l'a annoncé . J'ai pris tout le temps des vacances, pour apprendre moi-même à lire et à écrire à mon fils (avec la vieille méthode syllabique "le fameux Boscher", dont j'avais encore le livre dans un de mes cartons) Ma fille ainée, prenait le même chemin, elle aussi apprenait par coeur, mais j'étais prévenue par le problème de mon fils, je n'ai pas attendu et dès le CP, je l'ai aidée à apprendre à lire et à écrire avec mon vieux Boscher.

Ma dernière fille, née 16 ans après sa soeur et 20 ans après son frère , a aussi eu affaire à la méthode globale, elle aussi sans succès.

Je l'ai donc inscrite pendant deux ans, dans une école privée, où la méthode syllabique était utilisée. Je ne l'ai ramenée à l'école républicaine que lorsque j'ai été sûre, qu'elle savait lire et écrire.

Pourquoi ne pas utiliser à l'école républicaine cette méthode syllabique, qui nous a si bien réussi. Ce "boscher" a été couronné "méthode de l'année" en 1958. Apprendre à lire et à écrire bien rapidement et en comprenant le sens des phrases est une phase longue et fastidieuse de la vie des enfants mais incontournable et indispensable. Qu'est-ce qui peut bien pousser les instituteurs à lui préférer cette méthode globale qui a laissé des tas d'enfants en difficultés scolaires diverses et cela sur des dizaines d'années.

A très bientôt,

Evelyne Szafraz

6 - courrier des lecteurs

6.1 - Racisme anti-blanc

Je trouve le texte sur le racisme anti-blanc très déplacé, voire ridicule, dans votre revue sensible à la lutte des classes , un texte petit-bourge car tout de même , c'est le blanc qui est en position de dominant non ? Y a-t-il des blancs à Sangatte ? Dans nos prisons ? Dans les centres de rétention ? Dans les taudis parisiens ? En grève de la faim ? La nénette qui a écrit ça me semble un bel exemple de bobo ! A-t-on jamais vu un RACISME contre LES DOMINANTS ? C'est lamentable ce qu'elle écrit !

Ils ont piqué les portables, et les chevignon et les Nike des gamins du centre ville ? Et bien c'est une revanche c'est tout ! Il ne s'agit pas de racisme contre les gaulois mais d'envie. Elle charrie la petite !


Commentaire d'Evariste. Voilà une caricature de toute la gauche bobo, compassionnelle, culpabilisée par le post-colonialisme, qui en arrive à justifier les agressions de jeunes contre d'autres jeunes, au nom de la "revanche" !

C'est la même caricature que celle qu'exprimaient certains leaders des "Indigènes de la République", qui expliquaient que les ouvriers devaient comprendre que leur voiture brûlée était un acte de révolte juste, même si elle était mal canalisée !

C'est bien évidemment cet aveuglement, ce mépris devant la réalité de la vie des classes populaires, première victime d'une violence quotidienne et d'une barbarie qui n'ont aucun rapport avec les luttes sociales, qui jette des millers d'électeurs dans les bras du Front national.

Ce discours culpabisateur, compassionnel et chrétien, tenu par notre lectrice, mais aussi par toute une partie de la gauche et de l'extrême gauche communautariste, est une insulte pour les jeunes des familles populaires, qui, eux, essaient, par les études et le travail, de s'en sortir, dans une société de plus en plus inégalitaire, sans agresser pour autant leurs camarades, sous prétexte qu'ils ne seraient pas de la même couleur de peau qu'eux.

Cela s'appelle ni plus ni moins un racisme à l'envers, et la " petite " Mireille Popelin, notre collaboratrice, a raison de pointer du doigt ce phénomène qu'aucun antiraciste sérieux ne peut ignorer.

Marie-Claude Labourie

7 - à lire

7.1 - La face karchée de Sarkozy de Philippe Cohen, Richard Malka et Riss

Si vous avez envie de bien rigoler, pour le prix de 14,50 euros, en lisant la vie de Sarkozy, dans une bande dessinée de 155 pages (éditions Fayard), qui va de son enfance dorée des années 60 à sa campagne pour 2007, précipitez-vous chez le libraire. D'abord, le dessin de Riss, avec le rictus permanent qu'il a réussi en croquant un Sarkozy obsédé par sa réussite personnelle (" Je vais les niquer tous ", ne cesse-t-il de dire tout au long de l'histoire) est vraiment bon, tout comme d'autres portraits, comme celui de Chirac ou de Pasqua.

Ensuite, la carrière de Sarkozy défile, tout au long de ces pages. Son adhésion à dix-neuf ans à l'UDR sera le début de plusieurs moments marquants de sa carrière.

Le scénario, raconté avec beaucoup d'humour, de sa prise de la mairie de Neuilly, où il "niqua" un Pasqua alors au sommet de l'appareil RPR est croustillante.

L'épisode des années Balladur, où il orchestre le complot contre Chirac, qui l'avait adopté comme le fils qu'il n'a jamais eu, est également à déguster.

Il ne faut jamais oublier qu'à cette époque, Sarkozy a été capable, avec un discours libéral, de creuser le déficit de Bercy, de manière clientéliste, de 1000 milliards de francs, malgré toutes les privatisations. Cela lui sera sans doute rappelée pendant la campagne.

Son rôle lors de la guerre civile Chirac-Balladur, les fuites dans la presse qu'il a organisées, les contrôles fiscaux qui tombèrent sur les proches de Chirac, expliquent que l'actuel président n'ait pas très envie de voir le maire de Neuilly lui succéder à l'Elysée.

Cette BD décrypte longuement la manière particulière de Sarkozy d'apprivoiser les médias, et de créer les conditions pour être au coeur de l'événement.

Les " chiens de garde ", comme l'avait dit Serge Halimi, des grandes chaînes de télévision et de la presse écrite ne sortent pas grandis par la lecture de cet ouvrage.

Elle insiste également sur l'absence de réelle conviction du ministre de l'Intérieur, et là-dessus, il ressemble à Chirac, obsédé par les sondages et par l'opinion, et capable de changer de position à 180 degrés, au nom du réalisme.

Ainsi, les auteurs mettent-ils en parallèle, avec cruauté, les discours du libéral Sarkozy de 2002, et ceux du néo-républicain de Lyon et de Nîmes.

L'épisode de son allégeance aux Etats-Unis, les propos qu'il a tenus là-bas sont fidèlement reproduits, ce qui fait mal à un futur candidat aux présidentielles.

Le communautarisme du ministre de l'Intérieur, et la création du Conseil Français du Culte Musulman, sont également fort bien décortiqués.

Les déboires conjugaux de Sarkozy sont traités dignement, sans occulter quand même le boomerang que lui a valu la surmédiatisation de son couple.

Ce livre, outre l'humour des dessins, et de certaines répliques, est également un défilé de toute l'histoire du RPR et de Chirac, à laquelle Sarkozy a participé, de la trahison de Chaban en 1974, à celle de Giscard en 1981, puis le sévère échec de Chirac en 1988, qui donna naissance à la révolte des quadras du RPR, que Sarkozy contribua, avec Juppé et Chirac, à écraser dans l'oeuf.

Le double jeu de Sarkozy pendant le CPE est fort bien décodé.

Naturellement, la multiplication des portraits, au mur, tout au long de l'histoire, de ses victimes, dont les derniers sont Gaymard et Villepin, avec une croix barrant leur portrait, ne peut que faire rire ceux qui, comme moi, sont bons publics avec ce genre d'humour.

Si vous avez, autour de vous, des amis qui sont prêts à voter Sarkozy, n'hésitez pas, offrez-leur cette bande dessinée pour les fêtes, et lisez là avant, vous ferez d'une pierre deux coups !

Pierre Cassen

7.2 - Les petits ruisseaux, de Rabaté, aux éditions " Futuropolis "

Cette bande dessinée est un vrai régal, une balade intimiste et émouvante qui donne à voir la face cachée d'une vieillesse où le sexe fait encore partie des meilleurs plaisirs de la vie.

Il y est question de parties de pêche, d'amitié, de copains de bistro, de solitude, de rencontres insolites et du désir des corps à un âge où il n'est pas toujours facile de jouir sans entrave de tous les plaisirs des sens.

Emile est un veuf taciturne au quotidien habité par le souvenir de sa femme. Son seul plaisir c'est la pêche. C'est une passion qu'il partage avec Edmond, un " vieux " de son âge, jovial et bon vivant qui aime à se vanter de ses nombreuses conquêtes féminines.

Car Edmond, lui, a une autre passion : les femmes. Il les peints dans son atelier secret qu'il fait découvrir un jour à Emile. La sensualité de ces portraits de " femmes à poils " envahissant les murs du cabanon, et l'érotisme débridé qui s'en dégage, preuve du talent caché de son ami, font l'admiration d'Emile.

Décidemment, Edmond est un " sacré cochon ! "... et un sacré veinard.

Veinard, cet Edmond, pas vraiment, puisqu'il casse sa pipe (crise cardiaque) en posant une dernière touche du bout de son pinceau sur le sexe d'une de ses oeuvres.

Emile a perdu son ami mais il sauve du bûcher, allumé par un fils outragé par la découverte d'un héritage " dégueulasse ", deux de ses tableaux.

Mais voilà, la vie pour Emile, n'a plus le même sens. Ses souvenirs viennent lui rappeler les difficultés d'une existence solitaire, sans amour, sans passion et sans désir.

Il décide de faire une dernière virée dans le monde des vivants avant d'en finir.

Pourtant la vie lui réserve encore bien des surprises.

De retour d'une étrange et merveilleuse aventure dans une communauté de hippies déjantés, une femme le heurte de plein fouet. Avec sa gouaille, son humour et sa désinvolture, Lyse, débarque dans la vie d'Emile comme un feu d'artifice.

Les amours se déclarent, les corps se donnent et on aime à penser que le bonheur de cette nouvelle vie de plaisirs partagés aura pour eux le goût délicieux des passions de tout âge.

Rabaté a du talent. Avec " Les petits ruisseaux ", il montre avec une merveilleuse impudeur le plaisir amoureux des corps vieillissants. Il nous dit que la solitude du grand âge n'est pas une fatalité, que le désir, le sexe et la bonne bouffe, c'est comme une partie de pêche, c'est toujours mieux quand on est deux.

Brigitte Bré Bayle

8 - à voir

8.1 - Hors jeu, un film de Jafar Panahi

En Iran, revendiquer la liberté et l'égalité des droits pour les femmes peut passer par des chemins très inattendus. Ainsi en est-il de la passion pour le football. En préparation de la Coupe du monde de football 2006, le stade de Téhéran est en effervescence : l'Iran affronte Bahreïn, la qualification est en jeu. Des milliers d'iraniens affluent vers le stade, ils chantent, crient, s'insultent; bref, des cons de supporteurs comme dans n'importe quel autre stade. Les femmes, elles, sont interdites de stade et les plus passionnées usent de mille subterfuges pour pénétrer dans l'enceinte sacrée. L'une se coiffe d'une casquette et d'un drapeau iranien, une autre se fait passer pour un aveugle, une troisième, les cheveux très courts, est, à s'y méprendre, habillée comme un garçon, et une autre ose revêtir une tenue de militaire pour échapper à la vigilance des soldats omniprésents.

Mais les stratagèmes échouent et six resquilleuses sont parquées dans le stade, en haut et à l'extérieur des gradins. Leurs gardiens font leur service militaire et n'ont pas la perversité des miliciens du régime. Ils acceptent même de commenter le match pour les filles qui halètent, tremblent ou s'exclament à chaque action avortée, à chaque promesse d'un but décisif.

Un dialogue entre le garde chargé de surveiller les jeunes filles et l'une d'elles, étudiante, exprime avec simplicité et brio toute l'injustice et l'absurdité d'une situation établie au nom de l'islam. Pourquoi interdire l'accès du stade aux femmes ? Parce qu'il y a des hommes qui ne sont pas des intimes (père, frère, mari). Ah ? Mais au cinéma, c'est possible, les femmes peuvent y aller du moment qu'elles portent leur voile. Alors ? Certes, mais au stade, c'est différent : les hommes y jurent, ils écrivent des obscénités sur les murs des toilettes, et ces propos ne doivent pas être entendus ou vus par les femmes. Le problème serait donc les propos salaces des hommes ?, s'étonne finement l'étudiante. Sous-entendu : le problème, ce n'est pas les femmes... Le jeune soldat, pas méchant mais d'une instruction superficielle, se perd dans l'impasse d'une justification impossible : ce sont les ordres, c'est tout. Il regrette surtout son bétail et ses terres et n'a que faire de Téhéran et du football.

A partir d'un sujet simple et futile, vingt deux types qui tapent dans un ballon, Jafar Panahi exprime le talent immense déjà montré dans son autre excellent film "Le cercle". La condition des femmes y demeure centrale comme illustration majeure de la folie et de l'absurdité d'un régime névrosé où la religion règle des consciences aux ordres. Hors jeu, les femmes le sont dans le stade, sans accès aux gradins, et elles le sont aussi dans la société, harcelées par la police ou surveillées par les hommes. Interdit en Iran, "Hors jeu" remplit son office pour un cinéma qui se conçoit d'abord comme une fenêtre sur le monde, l'ailleurs, sur, en un mot, la liberté.

Jocelyn Bézecourt www.atheisme.org

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