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  1. chronique d'Evariste
    1. Sarkozy sera-t-il le Jospin de 2007 ?, par Évariste
  2. combat laïque
    1. Autopsie d'une triple instrumentalisation... ou "Comment utiliser l'islam pour détruire le socle laïque de notre République", par Robert Albarèdes
    2. Interview de Raymond Mallet, président des "Rencontres de la Cité", par ReSPUBLICA
    3. Des intégristes ouvrent illégalement une mosquée à Champ-sur-Marne, par Jean-François Chalot
    4. Troisième Université Populaire Laïque, par L'Union Des FAmilles Laïques
  3. Nicolas Sarkozy
    1. Balkany et ses dettes municipales, par Dominique Cloarec
  4. élections présidentielles 2007
    1. Pour une résidence alternée à l'Elysée, par Elise Thiébaut
    2. A côté de la plaque, par Jean-Luc Mélenchon
    3. En 2012, cela sera moi, par Stéphane Arlen
    4. La voie royale, par Martine Storti
    5. "Au premier tour on élimine, au second tour on élimine", par Ilan Barzilaï
    6. Lettre ouverte à mes amis qui votent extrême droite, par Diane Beausoleil
    7. Cartes nationales d'identité ou cartes d'identité nationale?, par Michel Portal
  5. combat féministe
    1. "Les Irakiennes sont les cibles numéro 1 des milices", par Houzan Mahmoud
  6. devoir de mémoire
    1. Lucie Aubrac, par Mireille Popelin
  7. à lire
    1. " Nous vivons des vies héroïques ", d'Olivier Charneux, par Jean-François Chalot
  8. Agenda

1 - chronique d'Evariste

1.1 - Sarkozy sera-t-il le Jospin de 2007 ?

Dans la chronique du numéro 501, début janvier, je disais que j'étais prêt à prendre tous les paris : Sarkozy ne sera pas à l'Elysée en mai 2007 !

Certains m'ont écrit en me disant que j'étais un gentil garçon, fort sympathique, qu'ils souhaitaient que j'aie raison, mais que toutes les conditions étaient réunies pour que je perde mon pari. Il est vrai qu'à ce moment, le ministre de l'Intérieur paraissait intouchable.

Il se préparait à être couronné, le 14 janvier, dans un show à l'américaine, candidat unique de l'UMP. Il avait éliminé tous ses rivaux, et le seul départ courageux de l'UMP de Nicolas Dupont-Aignan ne le troublait pas. La presse ne jurait que par lui, Ségolène était contestée en interne, les sondages étaient au zenith, cela paraissait une balade de santé vers le sacre suprême, pour le maire de Neuilly.

Je me suis trompé sur une chose, je l'avoue, je pensais qu'il allait démissionner de la place Beauvau dans la foulée. Mais je persiste et je signe sur le reste, et je pense que mon pronostic, que j'avoue présomptueux à l'époque, a aujourd'hui davantage de chances de se concrétiser.

En effet, Nicolas Sarkozy se trouve, maintenant que Le Pen a annoncé ses cinq cents signatures, dangereusement pris en sandwich entre le leader du Front national et le président de l'UDF.

D'où l'incohérence de sa campagne, et le fait que plus personne ne comprend qui est véritablement Nicolas Sarkozy. S'agit-il du candidat atlantiste qui va se prosterner devant Bush, ou de celui qui dit que Chirac a eu raison lors de la guerre d'Irak ? S'agit-il du candidat de la discrimination positive et du communautarisme, ou bien de celui qui lit les discours de Guaino sur l'égalité républicaine ? De celui qui se fait applaudir debout par les patrons du Medef, ou bien de celui qui parle de Blum et de Jaurès ?

De celui qui veut toiletter la loi de 1905, ou celui qui dit que le modèle laïque français n'est pas négociable ? De celui qui met en place les intégristes de l'UOIF au conseil français du culte musulman, ou celui qui témoigne pour Charlie Hebdo ? De celui qui veut en finir avec la double peine, ou celui qui veut créer un ministère de l'immigration et de l'identité nationale ? Plus personne n'y comprend rien, et le " Canard Enchaîné " ne lui facilite pas la copie, en publiant des informations gênantes sur ses petits arrangements entre amis avec un promoteur de Neuilly. On apprend, d'autre part, à la lecture de notre palmipède préféré du mercredi, que Sarkozy pète de plus en plus les plombs, qu'il insulte de plus en plus fréquemment son staff de campagne, les traitant d'incapables, de connards et de bons à rien (on aimerait être petite souris) !

Dans ce contexte, on peut s'attendre à ce que le soutien envisagé de Chirac soit plus un cadeau empoisonné qu'un véritable renfort (quelques amis de trente ans du Président soutiennent ouvertement Bayrou, comme des amis de Mitterrand soutenaient Tapie contre Rocard), et Borloo, en bon radical valoisien, se fait désirer, se disant qu'après tout, si c'est l'UDF qui gagne, il ne faut pas insulter l'avenir.

Ceux qui ne peuvent pas se présenter, tel Corinne Lepage, préfèrent rejoindre Bayrou, voyant en lui l'homme qui peut faire exploser le tandem UMP-PS.

Le ministre de l'Intérieur a par ailleurs raison d'être inquiet. Chose encore plus grave, il pourrait bien être éjecté du second tour, de manière imprévisible, comme l'a été Jospin en 2002. Chacun s'accorde à dire que toutes les conditions sont réunies pour que Le Pen fasse un score nettement meilleur que celui dont le créditent les sondages. Le président du Front national, qui est médiatiquement redoutable, va apparaître de plus en plus sur les écrans, dans le dernier mois de campagne. Généralement, ses scores sont sous-estimés, et il créé toujours la surprise le soir des élections.

Sarkozy n'a pas réglé, au-delà des effets d'annonce, les problèmes de sécurité des quartiers populaires, et ceux qui ont été confrontés à la violence des émeutes, en novembre 2005, risquent de se tourner vers le leader du Front national. Ce dernier, par le ralliement de militants connus pour leurs positions radicales contre Israël et le sionisme, masquant souvent un antisémitisme inavouable, comme Dieudonné ou Soral, espère cartonner dur et drague ouvertement un vote musulman, présentant le vote Le Pen comme celui qui s'oppose au " lobby ".

De l'autre côté, la montée de Bayrou, et le fait que les sondages (sujets à caution), le donnent comme un présidentiable possible est un autre danger mortel, pour le leader de l'UMP. Il sait que l'électorat de droite n'est pas homogène, et que l'image lisse et rassurante du conducteur de tracteur du Béarn est plus rassurante que celle d'excité de la place Beauvau qu'il a contribué à créer.

Le fait que beaucoup de gros malins instrumentalisent la candidature Bayrou pour des raisons souvent différentes n'est pas non plus une bonne nouvelle pour Sarkozy. Entre l'aile droite du Parti socialiste, par Strauss-Kahn, qui lui fait des clins d'oeil, et certains apprentis-sorciers de l'aile gauche, qui disent en cachette qu'ils ne voteront pas pour elle, et souhaitent une défaite de Ségolène Royal pour faire éclater le parti socialiste, clarifiant ainsi les choses, cela fait beaucoup de personnes qui ont envie de voir Bayrou au deuxième tour.

Or, les chiffres sont les chiffres. Si Le Pen monte, et si Bayrou continue à progresser comme il le fait, il peut certes affaiblir quelque peu Ségolène, mais aussi prendre des électeurs qui ne veulent surtout pas de la gauche, et étaient prêts pour cela à voter utile Sarkozy. Mais maintenant qu'il y a Bayrou...

En tout cas, cette présidentielle passionne beaucoup plus les Français qu'on ne le croit. Respublica n'a jamais reçu autant de contributions, souvent excellentes, parfois contradictoires, polémistes de temps en temps. Nous pourrions faire un journal par jour, dans cette période, tellement nous sommes submergés, et nous regrettons vraiment de ne pas pouvoir les publier toutes. Mais continuez à enrichir ce débat, écrivez, c'est grâce à vous si on peut faire un journal apprécié de ses lecteurs.

Certes, lors des dernières semaines, il peut se passer beaucoup de choses.

Bayrou peut se dégonfler aussi vite qu'il a monté, quand on verra le creux de son discours politique, par ailleurs droitier, fédéraliste, communautariste et anti-républicain. Le Pen peut apparaître à ses électeurs habituels comme un vote seulement protestataire inutile, et certains d'entre eux peuvent être séduits par l'excité de la place Beauvau, s'il radicalise son discours. Une émeute judicieuse peut montrer qu'heureusement que Sarkozy est là pour ramener l'ordre...

Mais le scénario cauchemar, pour le président de l'UMP, serait que, d'un côté, Le Pen fasse un carton dans le dernier mois...

Que de l'autre, Bayrou continue sa progression, et apparaisse comme un gagnant possible...

Et que toute la gauche se reprenne, derrière Ségolène...

Cela serait énorme, mais la possibilité existe, dans ce cas, que Sarkozy se retrouve éjecté du second tour.

Certes, il serait encore un peu jeune pour en tirer toutes les conséquences, et se retirer définitivement de la vie politique.

Mais si cela arrivait, faites confiance à l'équipe de Respublica pour fêter l'événement, dans les meilleures traditions républicaines !

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - combat laïque

2.1 - Autopsie d'une triple instrumentalisation... ou "Comment utiliser l'islam pour détruire le socle laïque de notre République"

Nous vivons une époque curieuse : une religion, historiquement établie mais émergeant depuis peu, que toutes les enquêtes d'opinion désignent comme très minoritaire dans sa pratique comme dans son influence réelle, suscite une couverture médiatique, une attention bien-pensante, un intérêt politicien tels qu'on peut légitimement se demander ce qu'une telle résonance cache ...

Car l'Islam - puisque c'est de lui dont il s'agit - n'est reconnu comme religion de référence que par 4 % de notre population (enquête " CSA - Le Monde des Religions " de janvier 2007 , confirmée par l'étude parue dans "La Vie" du 01/03/07 ) , et pratiqué par à peine un quart de ceux-là mêmes qui le reconnaissent (et encore : 10 % des 20 000 français de culture musulmane pratiqueraient vraiment dans les Pyrénées Orientales selon les chiffres cités par l'imam de la nouvelle mosquée de Perpignan... alors que 13 mosquées existent dans le 66 - AFP du 18 /12/06 ).

Est-ce par leur activisme, leur dynamisme, leur technique affinée du " lobbying " que les " religieux " de ce culte obtiennent une telle " surface médiatique " ? Est-ce parce qu'ils se considèrent comme " mal servis " en lieux de prières et qu'ils mènent un combat revendicatif pour marquer le paysage français des images matérielles de leur foi que les politiciens locaux ont tendance à les écouter et à aller au-devant même de besoins qu'ils amplifient ? Est-ce parce que les tenants de cette religion ont compris comment il fallait jouer des leviers de la démocratie et des valeurs républicaines qu'ils trouvent les soutiens de la " bien-pensance " médiatico-intellectuelle toujours avide d'exotisme et de minorités à défendre ? Est-ce parce que leur demande de faire valoir comme première leur loi religieuse et coutumière face à la loi générale élaborée par la communauté républicaine leur ouvre une oreille complaisante en tous ceux que le mot " République " (et l'expression " République indivisible et laïque") hérissent au plus haut point ? Est-ce que c'est parce que la menace de l'intégrisme et du terrorisme islamistes fait peur à une société pusillanime, laissant par sa faiblesse s'exprimer la force de ceux qui veulent la détruire de l'intérieur, que le champ libre est donné à ceux qui souhaitent s'organiser " à part " dans une communauté repliée sur elle-même et hostile à notre Histoire et à nos valeurs ? ... Toujours est-il que le discours fractionniste des tenants de l'islam politique ( cela fleure bon le pléonasme) , relayé par tout ce que la France compte de défenseurs des " opprimés et stigmatisés " et de partisans de la libre circulation de la main d'oeuvre taillable et corvéable " à merci ", semble s'imposer chaque jour davantage , faisant imaginer à chacun ce que pourrait devenir notre espace politique et sociétal si y triomphait le communautarisme , islamique d'abord , puis de toutes les composantes possibles , et pas seulement religieuses. Discours porteur du danger d'émiettement de notre société, d'introduction dans notre espace politique de la loi des minorités ou des groupes d'influence, au détriment de la loi générale élaborée démocratiquement par tous , et qui se définit non par le suffrage universel mais par " des propriétés sociales, culturelles, économiques, religieuses au nom desquelles une règle peut être produite " (C. Kintzler) . Or notre socle républicain laïque, par le pouvoir qu'il donne au citoyen en tant que tel, par son système législatif, par ses institutions, peut empêcher ce délitement de notre espace politique et sociétal ... pour peu que chacun le veuille et que les représentants du peuple s'y emploient sans arrière-pensées et avec vigueur ...

Or c'est là que le " bât " blesse ...

Alors que la stricte application des principes de la loi fondamentale de 1905 et de l'ensemble des textes institutionnalisant la laïcité permettrait la mise en sommeil de toutes les revendications communautaristes islamiques ou autres, alors que le " paysage " spirituel de notre pays impose encore davantage aujourd'hui qu'hier la laïcité par la prédominance de la non-religion (1 français sur 3 ne se reconnaît en aucune, 50% des catholiques avouent ne pas croire en Dieu...), on assiste à une triple instrumentalisation de la religion musulmane, claironnée comme la deuxième religion de France (4% de la population totale...et encore !) dont il faut tenter de comprendre les raisons et les mécanismes . Il est de grande évidence que cette religion, nouvellement implantée vraiment à cause des flux migratoires du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne, est instrumentalisée par ses religieux eux-mêmes et les adeptes d'un islam plus politique que spirituel, tant ils ressentent le besoin de conserver sur ces populations déracinées l'emprise qu'ils ont sur les populations des pays d'origine. Construire ici une communauté autour de la religion, avec mosquée, centre social, école coranique, c'est réaliser dans le nouveau pays l'espace sociétal de l'ancien et maintenir sous la coupe aliénante du " prophète " ceux qui auraient des velléités de fuite au contact d'un monde nouveau, apaisé, développé matériellement, socialement, culturellement ... Vieux procédé de toute religion dominante qui ne se contente pas du salut des âmes mais veut décider du corps de chacun et du corps social en général.. Quand on arrive dans un pays où seulement 23% de la population répondent positivement à la question " la religion est-elle importante dans votre vie quotidienne ? " (AFP. Novembre 2006), on peut être tenté de relativiser la nécessité de se conformer à des lois, des rites, des préceptes dont la pertinence est toute relative.... Ce n'est pas pour rien que l'Arabie Saoudite a dépêché en Occident des milliers d'imams pour encadrer les " fidèles " expatriés ! Que l'immigré musulman soit contrôlé, pris en charge, modelé par le religieux permet de garder la main sur lui comme sur ceux qui sont restés, de construire une base solide à un prosélytisme dont l'islam s'est toujours recommandé, d'affaiblir les démocraties d'accueil dont les valeurs, les systèmes de pensée, les modes d'organisation nient, de fait, l'islam lui-même. Aussi ces nouveaux missionnaires n'ont-ils pas manqué d'oeuvrer en direction de ceux qui étaient déjà établis, jouant de leurs difficultés sociales, culturelles , intellectuelles , pour les réinsérer dans le giron d'une religion qu'ils avaient souvent quittée , la situation internationale se révélant pour ces convertis un prétexte commode et un exutoire rédempteur. ...Il n'est qu'à se tourner vers les " cités " de Trappes, de Mantes ou des Mureaux (exemples parmi d'autres...) pour se rendre compte comment une " islamisation rampante et à petits pas " les a transformées en espaces communautarisés que les leaders musulmans du secteur régissent d'une main ferme et où ils imposent une loi qui n'est plus celle d'une République qui a déserté les lieux, utilisant d'ailleurs leur influence religieuse pour peser sur les élus du suffrage universel ...

Mais cette instrumentalisation de cette religion par ceux qui la structurent ne serait pas possible ici sans une autre instrumentalisation qui la permet et la sous-tend , celle perpétrée par les politiciens locaux, qu'ils viennent de " l'humanitarisme bien-pensant d'une gauche révolutionnaro-caviar " ou , tout simplement, qu'ils soient représentants du libéralisme économique triomphant. Pour ceux-ci, l'enfermement de l'immigré musulman dans le cadre strict de son espace religieux est une aubaine : outre que la libre circulation de la main d'oeuvre (demandée même par un Krivine de haute volée...) leur apporte des travailleurs malléables et dociles, la prise en mains communautariste de cet afflux le soumet à la loi religieuse au détriment de la loi générale et freine par là même tout combat politique et social en transférant les difficultés , les revendications, dans le champ du sociétal où se nouent des conflits humains entre les groupes et non plus entre ceux qui possèdent l'outil de travail et ceux qui n'ont que leur force de travail à négocier... Qui ne voit ici que les " donneurs d'ordre " dans les domaines des activités non-délocalisables ont tout intérêt à laisser la main d'oeuvre " délocalisée " aux mains de la communauté religieuse, surtout musulmane, afin d'économiser un combat social et politique qui est celui de l'émancipation démocratique et de l'affirmation de l'identité individuelle ? Mais, dans cette perspective, les forces dominantes du marché libéral sont rejointes (consciemment ou non) par les tenants d'une idéologie " humanitariste " et " gauchisante " qui deviennent les apôtres d'un islam politique organisant dans l'espace sociétal unique de la République des espaces communautaires où les lois de la République(qu'ils honnissent le plus souvent) sont bafouées. Théorisant l'adage imbécile " les ennemis de mes ennemis sont mes amis " ( puisque les pays théocratiques musulmans sont les ennemis supposés des USA, et que " l'islam politique " s'oppose à la République... ), ils essaient d'exploiter là un nouveau " lumpenprolétariat " ( issu d'une immigration non-stop et de toutes les régularisations possibles et imaginables) qui leur donnerait des couleurs " électorales ", à eux qui n'arrivent plus à influencer le monde du travail dans notre pays... Portant au plus au point leur rejet de notre Histoire et de son processus de création d'une République indivisible et laïque, ils espèrent de l'émiettement en communautés religieuses et/ou autres (mais ils n'aimeraient pas des communautés évangélistes...allez savoir pourquoi !) un affaiblissement de la nation, courant de ce fait au-devant des intentions de tous ceux qui veulent construire l'Europe politique sur la " déstructuration " des nations et l'éclatement sociétal en un modèle anglo-saxon. Le bal des " faux-culs ", ici, est rythmé par les muezzins...

Pourtant, il faut essayer d'aller " plus loin " pour mieux comprendre cet engouement "médiatico-intelletuel" pour l'islam... et s'intéresser à un évènement auquel on n'a peut-être pas suffisamment porté attention : l'élection d'un pape allemand... à un moment " géopolitique " où s'engage l'un des processus historiques les plus déterminants de l'époque actuelle, la construction politique européenne dont la réalisation est à moyen terme. Il convient de s'attacher à l'action immédiate et permanente de l'ancien cardinal Ratzinger : de sa réception le 30 /03 /06 des dirigeants du parti populaire européen à celle , toute récente, de la chancelière allemande... du discours de Ratisbonne aux foudres lancées régulièrement contre " le laïcisme "... du prêche contre la liberté de la femme à enfanter à la revendication obsessionnelle d'imposer des seules racines chrétiennes à l'Europe, Benoît XVI n'en finit pas de vouloir faire jouer à son Eglise un rôle politique majeur en Europe ...et le travail permanent, auprès de la Commission Européenne qui la considère comme un interlocuteur privilégié, de la COMECE ( commission des épiscopats de la communauté européenne) est là pour conforter cette analyse : ne vient-elle pas le 18 octobre dernier, avec les représentants de la Conférence des Eglises d'Europe et ceux du parlement et de la commission européens, de tenir un séminaire pour examiner de quelle manière l'église catholique pourrait participer aux services sociaux et de santé en Europe ? L'élargissement de l'Europe aux anciens " pays de l'est ", la diversité des statuts qui , en Europe, régissent les rapports des églises et des Etats ( de la laïcité française au concordat et à la sécularisation à l'allemande, à la néerlandaise, à l'italienne, sans oublier la religion d'état anglicane ou polonaise...) montrent, à l'évidence, que l'église vaticane y a une position de force et que , dans cette diversité, détonne la spécificité française... dont le délitement ne pourrait que servir les intérêts d'une religion qui , chassée de l'espace public par la loi de 1905 , ne rêve que d'y revenir à l'occasion de la construction politique européenne...Il ne faut pas s'étonner, alors, de l'appui plus ou moins discret apporté aux différentes revendications de la religion musulmane en France par les représentants de l'église catholique : tout ce qui sera concédé à la demande religieuse et communautariste islamique ne pourra être refusé à l'église catholique, et l'effacement progressif des principes fondateurs de la loi de 1905 sous prétexte du financement de la construction de mosquées , du respect des lois et des comportements coutumiers , de la limitation de la liberté de conscience et d'expression accusée d'aller trop loin , sert , en fait, à préparer le retour dans la production de la loi de la spiritualité dominante ici et en Europe...Ne pas voir comment l'Eglise vaticane, sans le dire, instrumentalise l'émergence d'une autre religion dans l'espace européen qu'elle est sûre de contrôler pour obtenir des futurs pouvoirs nationaux et communautaire un rôle dominant dans l'organisation politique et sociétale de la future Europe, c'est faire preuve d'une cécité intellectuelle dont on pourra très bientôt mesurer les conséquences tragiques pour l'organisation et le mode de fonctionnement de notre société... D'où la nécessité redoublée de lutter contre tous les discours , toutes les dérives communautaristes , en particulier quand il s'agit de l'islam en France... contre toutes les atteintes , notamment politiques et législatives, aux principes essentiels édictés par la loi de 1905.

Il serait important qu'une réflexion s'instaure autour de ces axes d'analyse pour en étayer encore la pertinence...Mais il serait encore plus important que tous ceux qui sont accrochés à la défense et au confortement du socle laïque de notre République se rassemblent et agissent pour élaborer un " cordon sanitaire laïque " susceptible d'enfermer les futurs élus du peuple dans le respect strict et total de la " laïcité à la française ".

Robert Albarèdes Comité pour le Laïcité et la Démocratie

2.2 - Interview de Raymond Mallet, président des "Rencontres de la Cité"

Respublica : Tu es à l'initiative, en tant que président de l'association marseillaise "Les Rencontres de la Cité ", d'une grande initiative laïque qui doit se dérouler le 10 avril prochain. Peux-tu nous dire les raisons qui t'ont convaincu de cette nécessité ?

Raymond Mallet : Si depuis sa création, notre association est engagée dans le combat laïque c'est parce qu'elle sait, par expérience- échec et succès- que la Laïcité ne peut vivre et perdurer qu'au travers d'un combat permanent toujours renouvelé et à renouveler.

En abordant ainsi, en 2007, à la veille d'échéances électorales on ne peut plus importantes pour notre pays, le thème de la défense de la laïcité, nous avons voulu dire à nos partenaires traditionnels, aux militants de la République, à tous nos concitoyens qu'il fallait, ici sur les bords de la Méditerranée, comme sur l'ensemble du territoire national, réagir vite et fort face aux dangers qui guettent le patrimoine de nos valeurs. Ce patrimoine, dont le vivre ensemble, expression de notre vouloir et de notre pratique laïques est force de liberté, vecteur de cohésion et de progrès, marque supérieure de civilisation ne serait plus qu'un souvenir si nous demeurons inactifs face à ceux qui, depuis longtemps, ont programmé à la faveur de la prochaine échéance électorale et de ses suites législatives, de faire un sort au modèle républicain. Ouvrant ainsi la voie au délitement de ce socle républicain dans un l'espace européen où nos valeurs font problème et s'opposent aux projets identitaires par lesquels ils serviront la cause de l'économie libérale et ouvriront grandes les portes au religieux.

Face à cette véritable agression, réfléchie et programmée, nous devons, par milliers, dire non et nous mobiliser. Tel est le message contenu dans notre initiative.

Respublica : Penses-tu sincèrement que la loi de 1905 soit menacée par le seul Sarkozy ?

Raymond Mallet : Non, car sur le plan de la Laïcité le silence occupe une place de choix dans les programmes comme dans les débats !!!! Outre cette marque habituelle d'intérêt nous savons qu'il y loin de la coupe aux lèvres à propos de la laïcité. Les votes émis et les résultats enregistrés, l'oubli occupe l'espace jusqu'à la prochaine alerte. La Laïcité n'est pas un donné mais un acquis, donc la résultante d'un combat permanent, celui de la liberté et de l'esprit du peuple en tant que gardien du patrimoine républicain. Quel que puisse être le résultat de l'élection nous devrons poursuivre la lutte et anticiper, encore davantage, sur les dérives et destructions que, pour sa cause, l' Europe de l'argent et des communautarismes entend mener à bien.

Respublica : Sur quelles forces t'es-tu appuyé, et quelles initiatives militantes comptez-vous prendre, jusqu'au 10 avril, pour assurer la réussite du rassemblement ?

Raymond Mallet : Celles qui, notamment l'Ufal d'Aix-Marseille, présidée par Brigitte Bré Bayle, et " Laïques en Réseau ", animé par Robert Albarèdes, ainsi que les autres organisations qui soutiennent l'initiative, souvent avec peu de moyens mais beaucoup de conviction, occupent le terrain, vigiles de notre demain, intransigeants sur les fondamentaux de la République et font honneur à celles et ceux qui, hier et avant hier, ont enraciné la laïcité dans l'âme et le génie créateur de la République. Et, ce sont souvent des organisations jeunes dont la capacité de résistance aux discours ambiants sur cette "Laïcité dépassée" n'a d'égale que leur détermination à ne rien céder et à mener le combat sur le terrain, auprès des citoyens. Elles sont nombreuses dans notre département puisque, dès le départ, ce sont 12 organisations qui ont dit leur accord sur cette démarche et sur ce type d'action, unitaire et solidaire, pour un même objectif : défendre et promouvoir la laïcité dans tous les espaces de la vie publique.

Respublica : Sur quels intervenants comptes-tu, et qu'attends-tu d'eux, exactement ?

Raymond Mallet : Michèle VIANES, Henri PENA RUIZ, Patrick KESSEL et Pierre CASSEN formeront le quatuor de base de cette manifestation. Ils auront charge, avec d'autres, de rappeler ce que sont les enjeux laïques du vote des présidentielles, puis des législatives, pour la République et son socle de valeurs plus que jamais indispensable pour répondre aux défis d'une multiculturalité dont nous n'avons pas su, ou voulu, appréhender l'arrivée et préparer l'implication dans la construction de notre société, celle du vivre ensemble. Mais il leur faudra, avec nous, acteurs du terrain dans cette région, engager la phase de réalisation de nos objectifs qui postulent une réponse collective et citoyenne, ouverture sur un vaste mouvement national en faveur d'un maintien et d'une extension de l'espace laïque, en France et dans l' Europe nouvelle.

Respublica : Pour toi, ce rassemblement, qui se situera à douze jours du premier tour de la présidentielle, est-il une fin en soi. Sinon, comment vois-tu la suite ?

Raymond Mallet : Si au moment d'introduire leur bulletin dans l'urne nos concitoyens ont intégré la dimension laïque de notre société dans les déterminants de leur choix, nous aurons fait oeuvre d'avenir et engagé notre pays sur une autre voie en matière de morale, de cohésion et de dignité humaine. Et, ce sont, l'histoire en témoigne, ces petits plus qui forgent les esprits et rendent incontournables les acquis les moins lisibles mais, finalement, les mieux partagés, les plus utiles et précieux pour l'équilibre et l'évolution des sociétés libres et en mouvement. D'autres rendez vous sont, d'ores et déjà, programmés sur l'espace régional pour ancrer la laïcité au coeur des préoccupations de tous nos concitoyens. Du Vieux Port de MARSEILLE, vers PARIS et l'ensemble du pays, nous entendons porter le message de solidarité, de respect, de tolérance mais surtout de responsabilité qui incombe à chacun de nous pour que vive, longtemps encore, la République Laïque et Citoyenne que ce prochain mois de MAI doit définitivement ancrer dans le siècle naissant.

ReSPUBLICA

2.3 - Des intégristes ouvrent illégalement une mosquée à Champ-sur-Marne

Personne ne remet en cause la liberté de culte et surtout pas les habitants de l'allée des Sorbiers de Champ sur Marne.

Dans le quartier, les habitants de toutes origines vivent en bonne intelligence, beaucoup d'ailleurs se retrouvent au Centre social Georges Brassens.

Mais aujourd'hui les habitants, co-propriétaires et locataires sont inquiets depuis qu'en toute illégalité s'est installée une mosquée -école coranique au numéro 3 de l'alléedes Sorbiers.

Un lieu de prière? Pourquoi pas?

Mais voilà, il ne s'agit pas de paisibles croyants mais de salafistes qui , ne respectant pas les lois ont ouvert un local intégriste sous couvert d'une association. Cette installation s'est effectuée en violation des lois et règlements:

Les responsables de la dite association ont refusé l'accès à toute personne venant s'enquérir des conditions d'occupation, y compris quand il s'agissait de Madame Maud Taillet, Maire de Champ sur Marne, venue avec quatre adjoints.

L'arrêté de fermeture pris par Madame le Maire, motivé par l'absence d'une demande de permis de construire est resté lettre morte puisque le Préfet de Seine et Marne n'a pas assumé les responsabilités qui sont les siennes.

Le Préfet doit prendre ses responsabilités et ordonner l'interdiction d'ouverture et d'occupation de cette mosquée intégriste clandestine.

L'ouverture illégale de cet espace intégriste et l'occupation de l'espace public en face du local par les salafistes risquent de générer des tensions et nuire aux relations entre les habitants du quartier.

Aujourd'hui des pressions sont exercées par les dirigeants de cette mosquée qui est aussi une école coranique pour que les musulmans quittent le Centre Social pour ne fréquenter que ce nouvel espace cultuel particulier.

Il y a là un risque de communautarisme qui peut conduire à détricoter le lien social qui s'est construit entre tous les habitants au-delà de leurs origines.

Communiqué de l'UFAL 77

Jean-François Chalot

2.4 - Troisième Université Populaire Laïque

week-end de Pentecôte 2007 à Annonay (Ardèche), du vendredi soir 25 mai après 20h, au lundi 28 mai à midi, au centre du groupement des oeuvres Laïques, chemin du grand murier.

Programme

une série de thèmes qui vont apparaître d'une actualité brulante après les résultats de l'élection présidentielle, à traiter en ateliers ou en débats pléniers, centrés autour de:

Nombreux intervenants de qualité (dont des membres d'Avenir d'ATTAC)

L'organisation matérielle:

FORMULE CLASSIQUE:

Hébergement en chambres de 2 ou 4 lits sur place dans le Centre avec 3 nuits du vendredi au Lundi, 3 petits déjeuners, 2 repas le samedi et 2 le dimanche forfait à 125 euros Les chèques vacances sont acceptés. Acompte de 40 euros par personne à verser avant le 31 mars 2007 à UFAL-Rhône-Alpes 40, rue des écureuils 38500-Coublevie

FORMULE A LA CARTE

petit déjeuner: 4 euros repas samedi midi et dimanche midi :12 euros le repas repas festif le samedi soir et repas de qualité le dimanche soir: 20 euros le repas nuit de camping: 4 euros nuit d'hôtel: aux alentours de 50 euros nuit de gîte rural dans un cadre romantique à 15km: 180 euros pour 2 personnes et 3 nuits avec petits déjeuners

L'hébergement des enfants sera gratuit et ils seront pris en charge lors des principaux débats

L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

3 - Nicolas Sarkozy

3.1 - Balkany et ses dettes municipales

Monsieur le Maire,

Chers collègues,

En ces temps très électoraux, Monsieur le Maire, nous pourrions suivre la mode et vous demander le contenu de votre déclaration de patrimoine ou bien encore de savoir si, comme d'autres, vous êtes assujetti à l'impôt sur la fortune.

Mais la vraie question qui est posée ici est de décider si, dans sa grande magnanimité, notre assemblée émettra ce soir un avis favorable à votre demande de remise gracieuse d'intérêts liée au remboursement de la dette que vous avez contractée envers les Levalloisiens et à votre profit.

Pour cette affaire de détournement de fonds publics, la justice vous a définitivement condamné au pénal à quinze mois de prison avec sursis. Et elle vous a même, à l'époque des faits, rendu inéligible pendant deux ans !

Finalement vous payez-là votre entêtement à ne pas reconnaître votre faute, et les manoeuvres dilatoires qui sont allées avec. Bref, vous payez-là votre mauvaise stratégie judiciaire. À ce propos, votre cabinet conseil est-il, cette fois encore, le cabinet " Selas, Arnaud Claude, Nicolas Sarkozy ", sis à Neuilly-sur-Seine... et rémunéré sur le budget de notre commune ? Avec encore l'argent des Levalloisiens ?

Ainsi, pendant plus de 10 ans avez-vous tout tenté pour ne pas vous soumettre à cette obligation de remboursement. Et les intérêts de la dette ont naturellement couru !

Cet entêtement, Monsieur le Maire, a fait de vous un comptable public sans réel pouvoir puisqu'en effet, refusant de vous soumettre à vos obligations de remboursement et, ainsi, d'admettre enfin votre faute, vous avez choisi, la loi vous y contraignant, d'être privé de votre rôle d'ordonnateur des dépenses communales à l'avantage de votre épouse et première adjointe.

Monsieur le Maire, comme souvent, vous avez agi, et vous agissez ce soir encore, avec l'arrogance de la richesse et de ce que vous pensez être votre bon droit !

À présent, une devinette, Monsieur le Maire... Qui a dit, pas plus tard qu'hier : " Il faut remettre la morale au coeur de la politique... " ? Personne d'autre que votre ami Nicolas Sarkozy lui-même, en personne. Et, une fois n'est pas coutume, je le reconnais volontiers, je suis d'accord avec lui !

Quant à Jean de la Fontaine, il écrivait dans une de ses fameuses fables (Les animaux malades de la peste) : " Selon que vous serez puissant ou misérable..."

Un dernier mot, Monsieur le Député-Maire.

S'il devait être démontré que, comme des millions de Français, votre situation personnelle est si précaire que votre quotidien et celui de vos proches soit mis en danger... Alors, soyez en certain, il pourrait être envisagé non pas de vous exonérer de votre dette envers la justice et les Levalloisiens, mais de vous proposer un plan échelonné de remboursement. Il s'agirait alors d'une situation de surendettement insupportable dont les services sociaux, par exemple, pourraient s'occuper utilement.

Si tel n'est pas le cas, vous comprendrez, Monsieur le Député-Maire, que je ne puisse approuver cette demande de remise gracieuse, à tous les égards injuste.

Monsieur Maire, Monsieur le Député, vous faite partie des édiles français qui édictent les lois et doivent veiller à leur application. Vous ne pouvez, ni ne devez y déroger.

Permettez-moi, modestement, mais au nom des citoyens d'exiger que la loi soit égale et par conséquent applicable de la même manière pour tous !

J'ajoute que, si par extraordinaire, vous deviez être suivi dans votre requête par le Conseil Municipal puis par le Ministère concerné je ne manquerais pas d'adresser un recours contentieux devant le tribunal administratif dans le délai requis.

En ce sens, Monsieur le Député-Maire, je ne puis que vous recommander de vous soumettre à la justice et de définitivement rembourser votre dette aux Levalloisiens !

Levallois-Perret, le 12 février 2007

Dominique Cloarec Conseillère municipale, Les Verts

4 - élections présidentielles 2007

4.1 - Pour une résidence alternée à l'Elysée

J'en ai fait l'expérience sur le site même de Respublica, il y a plus d'un an. Je voulais publier un article sur les propos sexistes de Fabius, Mélenchon et consorts sur la candidature de Ségolène Royal. Que m'a-t-on répondu ? Pas nécessaire ! Fabius est candidat du non au Traité constitutionnel, donc, mathématiquement, il ne peut pas être misogyne. Ne croyez pas que cela m'ait vexée. Mais j'ai cessé d'écrire dans Respublica.

Seulement, quand je lis ce que je lis aujourd'hui sur le site, avec un appel par minute à voter pour François Bayrou, le foutre me saisit, comme dit ma mère, et je reprends ma plume.

Je voyais depuis plusieurs semaines déjà, planer la menace du vote Bayrou chez les hommes de mon entourage. C'est ma fille de dix ans qui m'a ouvert les yeux. Revenant de l'école, elle me raconte les débats qui déchirent à la cantine. La question du jour, me dit-elle, c'est : "Pour qui va voter ton père?"

Je reste calme, vous pensez bien. Je m'informe, l'air de ne pas y toucher : "Et pourquoi vous demandez seulement pour qui votent les pères ?" Elle me répond aussi sec :

Je lui demande pour qui elle voterait, elle.

Nous sommes le 8 mars. Un grand moment de lassitude s'abat sur moi. Comment ça, pas contre les hommes ?

Ségolène, dit ma fille, c'est pour les femmes qui en ont marre des hommes. Mais qui il y a pour les hommes qui en ont marre des femmes ?

Ma chérie, sois lucide cinq minutes, tu as dix ans. Comment on pourrait en avoir marre des femmes, puisqu'elles n'ont pas le pouvoir ?

Ce qu'il faudrait, c'est un candidat du milieu, dit-elle comme si elle venait d'inventer l'eau tiède, un candidat de l'entre-deux, ni homme ni femme !

C'est de la psychologie à quatre centimes, mais je vous la livre comme elle m'arrive : Bayrou, c'est le candidat des mecs qui n'ont pas le courage de dire franchement qu'ils ne votent pas pour Ségolène "parce que c'est une femme", ou qu'ils votent pour elle, "bien qu'elle en soit une". Un vote tout mou, pas franc, pas viril, qui prend des chemins de traverse pour trahir, encore une fois, les femmes et leurs aspirations légitimes à l'égalité. Car enfin, dites-moi, qu'est-ce qu'il a de pire, le programme de Royal, par rapport à celui de Jospin en 2002 ? Qu'est-ce qu'il a de pire que celui de Bayrou, surtout, qui est centriste c'est-à-dire, pour ceux qui ne suivent pas, de droite ? Je me demande sincèrement à quoi pensent ceux qui prétendent vouloir ainsi "punir la gauche". Moi, je vous le dis tout net, j'ai été bien punie pendant les cinq dernières années de règne chiraquien. Je suis plus pauvre qu'avant, plus vulnérable, plus précaire et plus inquiète.

L'expérience de 2002, je ne l'oublierai pas. C'est pourquoi, après des années de vote communiste, j'étais déterminée à voter "pour le candidat de gauche le mieux placé dès le premier tour". J'aurais voté Fabius ou Strauss-Kahn s'ils avaient été dans cette position, et ce malgré le gauchisme improbable du premier ou le libéralisme acharné du second. Je l'aurais fait sans plaisir mais sans état d'âme. Comme je voterai Ségolène Royal sans plaisir et sans état d'âme. Je n'ai d'ailleurs jamais voté jouissif, surtout aux présidentielles, et certainement pas aux dernières présidentielles. Certes, la social-démocratie ne me fait pas rêver, mais la droite me fait cauchemarder, et la gauche "anti-libérale" me donne juste envie de pleurer.

Le fait que Ségolène Royal soit femme ne change pas grand chose à cette décision de voter pour elle dès le premier tour. J'ai voté Buffet comme j'avais voté Hue. Je n'aurais pas voté Alliot-Marie, qui m'a toujours fait froid dans le dos, Laguiller n'est pas pour moi une option, sans parler de Boutin ou de Thatcher, grâce à qui nous savons qu'il ne suffit pas d'avoir un vagin pour mériter le respect.

Ségolène, je ne l'ai presque pas écoutée, ni regardée, pour ne pas me laisser "influencer" comme disait avec humour Oscar Wilde lorsqu'il prétendait ne pas lire les livres dont ils faisait la critique. J'avais peur qu'elle me décourage. Je craignais de céder au choeur des critiques, qui autour de moi fustigeaient sa voix de crécelle, ses approximations syntaxiques, sa position sur Israël, ses penchants sévères, sa dérive anti-profs ou son maternalisme grandiloquent.

Je m'en tenais aux faits et je m'y tiens toujours. J'apprécie qu'elle soit féministe et féminine, qu'elle ait quatre enfants sans être mariée, mais ce qui m'importe le plus, c'est qu'elle ait toujours agi, concrètement, en faveur de l'égalité hommes-femmes... Au fond, l'élection de Ségolène Royal serait une claque sur les couilles du patriarcat, et moi, le patriarcat, je ne le porte guère dans mon coeur. Je n'attends pas le grand soir au fond des urnes. En revanche si une élection me donne l'occasion de faire reculer la domination masculine en portant au pouvoir une femme qui a toujours montré sa volonté de défendre les droits des femmes, je suis preneuse. J'ai la faiblesse de croire que l'inégalité homme/femme est la matrice de toutes les autres, parce qu'elle s'inscrit au plus profond de chacun, chacune d'entre nous. L'attaquer, c'est créer les conditions d'un vrai changement, un changement qu'aucun autre candidat ne peut incarner. Il faut vraiment être aveuglé par la testostérone pour ne pas le voir. Et ce ne sont pas les appels du pied de Strauss-Kahn à Bayrou, sur le mode "balle au centre, on zidanera Ségolène après", qui vont me rassurer.

Comme le laissait entendre ma fille en parlant d'un candidat "ni homme ni femme", le centrisme de Bayrou me fait penser à cette neutralité de façade que l'on exige des femmes politiques sous prétexte "d'universalisme". Masquer sa féminité, la recouvrir, c'est au fond nier la réalité sexuée, et continuer d'accorder plus de valeur au masculin. J'apprécie tout particulièrement que Ségolène Royal n'y cède pas, même s'il faudrait me payer très cher pour porter les robes dont elle juge bon de s'affubler.

Je disais à mon frère, qui me demandait comment j'allais en ce moment : "Super ! Je travaille autant que toi, j'ai le même niveau de compétence mais je gagne 37 % de moins, et je n'ai pas de femme à la maison." Nous avons bien ri. Surtout lui, qui n'y est pour rien, et que j'aime profondément. Je préfère ne pas lui demander pour qui il va voter. Pareil pour mon beau-père, pour mes amis... qui considèrent mon engagement féministe comme une anomalie du cerveau sympathique mais un peu brise-menu. Beaucoup vont me trahir, je le sais, et j'y suis habituée. C'est pourquoi je leur fais aujourd'hui cette supplique : épargnez-moi Bayrou et son centralisme mou ! Calmez vos ardeurs et abstenez-vous de semer la petite graine anti-OGM chez Bové, ami des plantes, des bêtes et des islamistes ! Laissez le facteur porter des lettres de gens morts depuis longtemps, dont les noms finissent en ski et même en monoski. Lâchez Arlette qui est en voie de fossilisation aiguë, et Voynet qui erre au sommet des verts en écoutant l'écho de sa propre voix. Je pardonnerais le vote Buffet, si ce n'était pas le dernier meuble de ma salle à manger familiale.

En ne votant pas Ségolène Royal aujourd'hui, vous faites en sorte que la droite gagne au Kärcher, et nous impose un ministère de l'immigration et de l'identité nationale. Pour une fois, chers amis, chers frères, chers amants et chers maris, ayez la gentillesse de nous laisser gagner une élection, en votant pour celle qui, je vous le rappelle, a permis que vous ayez un congé paternité, et la résidence alternée. Alternée, vous captez ? Ça veut dire que cette fois, c'est à nous de l'avoir, l'Elysée. Juste pour changer. Et en plus, si ça se trouve, vous aussi, vous en profiterez !

Elise Thiébaut Auteure avec Agnès Boussuge de "Si j'étais présidente", Syros Jeunesse.

4.2 - A côté de la plaque

J'ai dit qu'il y avait le feu au lac parce que monsieur Bayrou pourrait bien expulser la gauche du second tour.

J'ai également souligné ce fait que la droite UMP pourrait aussi se faire sortir.

Beaucoup de gens m'ont approuvé d'affronter la vérité de la situation. D'autres, parfois fort importants n'ont pas aimé, déclarant que je contribuais à "installer" Bayrou.

Sornette. Il s'installe tout seul. Et ceux qui essaient en vain de le désinstaller le savent aussi bien que moi.

D'ailleurs, je note qu'en dépit des déclarations de sérénité, au PS et à l'UMP le danger est bien perçu si j'en juge par les dispositifs de réplique massive que l'on voit se déployer.

Mais quand je regarde ce qui se met en place, je crie au contre sens ! Regardons ça de près.

Côté UMP quelle trouvaille !

On ressort du placard madame Veil. "François Bayrou ne représente pas le centre mais seulement lui-même" déclare-t-elle pour jouer aussitôt son rôle de potiche centriste comme on les aimait au RPR !

Côté socialiste on demande à Strauss Kahn de montrer son pelage de centre gauche pour occuper le terrain.

Dans les deux cas on fait comme si le mouvement vers Bayrou était un mouvement vers le centre.

Erreur totale.

Le mouvement vers Bayrou est un mouvement contre le système politique actuel. Il est moins fait d'adhésion que de rejet et c'est justement pour ça que ça marche parce que c'est une glue électorale attrape tout de première force.

Ce que les gens veulent c'est que Bayrou soit bien hors système, hors de sa case, hors de toutes les cases.

Car c'est à ça qu'il doit servir pour tous les éxcédés qui se tournent vers lui: faire sauter le bazar!

Et de cette poussière de désemparés et de désorientés, le bougre travaille avec talent à faire une force en dynamique. L'incroyable, a cette étape, c'est qu'il a moins besoin de se fatiguer pour convaincre.

En effet ses adversaires lui accordent gratuitement tous les certificats de rébelle dont il a besoin.

Ainsi, à l'instant où elle a ouvert la bouche sur ce ton de mépris tout en servant la soupe à monsieur Sarkozy, madame Veil a produit l'effet exactement inverse à celui qu'elle visait. Car si c'est elle qui représente le centre et que Bayrou ne représente que lui-même, alors tout va bien pour tous ceux qui veulent voter Bayrou et qui ne veulent pas être pris pour des centristes.

Ca colle avec les chiffres car madame Veil n'a jamais eu plus de 10 points dans les sondages (6 % dans les urnes) tandis que Bayrou a déjà 24 % dans les sondages....

Au dela des mots le style : en politique le coup du mépris aujourd'hui tue surtout celui qui le pratique.

Qu'une altesse centriste trahisse le candidat de sa famille confirme que François Bayrou est bien hors norme.

La preuve : toutes les belles personnes de son camp lui tapent dessus.

Dans l'art de se tirer une balle dans le pied c'est un record. Seule Claire Chazal a fait mieux depuis, dimanche soir, en recevant Bayrou sur le plateau de TF1. Le parti pris, l'agressivité et la mauvaise foi de ses "questions" et interruptions sont tels que n'importe quel petit Mickey qui n'a pas peur des gros (la plupart des français sont fait comme ça) se range d'instinct derrière Bayrou quoiqu'il dise, surtout qu'il le dit bien. Dans la famille socialiste la riposte n'est pas plus au point. Certes il y a eu l'interview de Fabius dans le Parisien qui va tout droit à la confrontation d'idée. Mais il est bien seul.

Tout le reste est un étrange tissu d'arguments flottants et de positionnements que par camaraderie je vais juste qualifier d'approximatifs (je m'apprétais à écrire des mots bien plus durs...)

Ainsi Dominique Strauss Kahn pense faire une ruse très subtile en félicitant Bayrou d'avoir rompu avec Sarkozy pour mieux le mettre au défi ...de signer le pacte présidentiel de Ségolène Royal.

Trois sottises en une.

D'abord il confirme que Bayrou n'est plus le porteur d'eau de la droite classique. Ensuite il lui donne un brevet de gauche sous simple condition de signature. Enfin, il fait dans l'arrogance car la réplique pourrait être "pourquoi ne signez vous pas vous même le texte de Bayrou s'il est mieux placé que vous pour battre Sarkozy".

Bref, tout faux. Tout à côté de la plaque. Avec de tels adversaires, bientôt Bayrou n'aura plus besoin d'amis.

Si je m'en tiens à mes dirigeants de campagne socialiste je n'ai qu'une chose à dire: si pour contrer Bayrou vous n'avez pas d'autres idées que de nous donner un petit look centriste n'oubliez pas aussi d'acheter assez de bouées de sauvetage car le naufrage est garanti.

Jean-Luc Mélenchon

Source : www.jean-luc-melenchon.fr

4.3 - En 2012, cela sera moi

Longtemps, je n'ai eu que quelques convictions, sans m'impliquer activement dans la vie associative ou politique. Puis un jour, dans les années 90, j'ai décidé qu'il fallait que je m'engage davantage. J'ai alors adhéré au parti socialiste, mais j'ai été déçu dès la première année par les luttes internes et le manque de motivation des militants, plus intéressés par la prise de pouvoir que par l'action sur le terrain, c'est pourquoi je n'ai pas renouvelé mon adhésion. J'ai par contre commencé à soutenir plusieurs associations : Amnesty International, Handicap International, SOS Villages d'Enfants...

Grâce au développement d'internet (j'ai eu un accès dès 1995), j'ai pu m'informer, et ma conscience citoyenne s'est affirmée. En 2002, suite à une mésaventure subie avec un assureur, j'ai créé fairelejour.org, un site internet engagé destiné à dénoncer tous les dysfonctionnements de notre société... et les profiteurs, menteurs, manipulateurs, arnaqueurs. Un an plus tard, ayant compris qu'on ne peut pas espérer peser bien lourd en restant tout seul, j'ai créé l'association Faire Le Jour, ayant pour objet de défendre les droits fondamentaux et la laïcité, mais aussi de dénoncer tous ceux qui entraveraient lesdits droits.

Ces dernières années, j'ai rencontré beaucoup de femmes et d'hommes intéressants, dans différents milieux, notamment parmi les défenseurs de la laïcité et au sein de la gauche républicaine. Le référendum sur le traité constitutionnel a été un nouvel élément déclencheur d'une prise de conscience qu'il fallait se battre contre l'idée d'un " marché libre et non faussé ", contre la reconnaissance d'un " rôle spécifique " des religions... et pour des médias indépendants.

Aujourd'hui, en mars 2007, je suis, comme beaucoup d'amis, confronté au problème du choix d'un candidat à l'élection présidentielle.

J'élimine d'emblée l'extrême droite de Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers.

J'élimine aussi Nicolas Sarkozy, qui est le pire communautariste de France, qui a favorisé la représentativité de l'islam intégriste, qui fera tout pour liquider la loi de 1905 afin de financer les cultes qu'il juge utiles pour la paix sociale, qui a soutenu le OUI au référendum sur la constitution et qui veut entériner le projet par voie parlementaire, au mépris du choix du peuple.

J'élimine les Verts, qui sont incapables de s'entendre, qui soutiennent les mouvements régionalistes indépendantistes et qui ont soutenu le OUI au référendum européen.

J'élimine François Bayrou, qui a appelé à voter OUI au référendum, qui a un lourd passé d'homme d'État favorisant l'école privée catholique, qui a été candidat aux élections européennes et qui a choisi, une fois élu, d'envoyer son suppléant afin de rester élu en France, qui essaie de faire croire à tous qu'il est au centre alors que cela fait des décennies qu'il est un homme clairement à droite, et qui s'est abstenu quand il a fallu voter la loi sur les signes religieux.

J'élimine l'extrême gauche de José Bové, d'Olivier Besancenot et de Marie-Georges Buffet. Même si je partage certaines de leurs idées (par exemple quand il s'agit de promouvoir une meilleure répartition des richesses), je n'apprécie pas leurs copinages avec tout ce que la France compte de " pauvres ex-colonisés " (façon " Indigènes de la République"), leur opposition à la loi sur les signes religieux, ou encore leur fréquentation de personnes (comme Mouloud Aounit du Mrap) qui veulent rétablir un délit de blasphème. Comment peut-on être crédible quand d'un côté on prétend s'opposer à toute forme de totalitarisme, comme l'extrême droite, et de l'autre côté on soutient des mouvements religieux ou associatifs fascisants ?

J'élimine Arlette Laguiller qui, malgré de bons principes sur la révolution sociale à opérer, malgré un combat féministe contre le port du voile, malgré une opposition au traité constitutionnel proposé, ne me semble pas capable d'avoir la diplomatie nécessaire pour gouverner un pays.

J'élimine Corinne Lepage, qui m'a plu un moment, car elle s'est toujours impliquée dans des mouvements pour la laïcité, pour l'environnement et pour la justice. Malheureusement, elle aussi a voté OUI au référendum, ce qui est inadmissible quand on sait que ce traité imposait un " marché libre et non faussé " destructeur pour les humains et la planète. De plus, elle vient de rallier, honteusement, François Bayrou.

Je n'ai pas envie de voter Ségolène Royal. Cela fait des années que je la trouve peu intéressante, je n'apprécie pas ses déclarations déplacées (sur la souveraineté du Québec, la justice chinoise, etc.), je trouve que son entourage n'est pas forcément fiable pour gouverner sur la durée (certains la détestent, d'autres l'ont rejointe pour échapper à une déroute électorale, d'autres encore sont ceux-là mêmes dont les Français n'ont pas voulu en 2002) et je n'oublie pas qu'elle a soutenu sans ambiguïté le OUI au référendum sur la constitution européenne. Je ne voterai pour Ségolène Royal au premier tour que si le candidat suivant n'a pas ses 500 signatures, et je voterai pour elle au second si elle y est. Qu'elle y soit ou pas, j'appelle de mes voeux un éclatement du PS et la formation d'un PS du centre (rejoignant alors Bayrou) et d'un vrai parti de gauche républicaine et laïque que je soutiendrai.

Le candidat qui a donc pour l'instant mes faveurs est Nicolas Dupont-Aignan. Je sais que c'est un homme de droite, que ce n'est pas parce qu'il vient de quitter l'UMP qu'il renie ses soutiens passés à une politique que je n'apprécie pas. Je sais qu'il fréquente, comme Jean-Pierre Chevènement, certains souverainistes que je n'aime pas. Mais je sais aussi qu'il a, contre son parti, voté NON au référendum européen, ayant envie de redonner du pouvoir de décision à la France, qu'il défend la laïcité (en s'opposant à l'idée sarkosienne de " nettoyer " la loi de 1905), qu'il souhaite un territoire uni avec un État fort, et qu'il a l'ambition de protéger les services publics. J'ai envie de lui faire confiance.

Mais bien évidemment, j'aurais préféré être convaincu par un vrai candidat de gauche républicaine. Un candidat ayant pour ambition de redonner à la France une réelle grandeur, un nouveau poids dans les débats internationaux, une France qui ose demander au niveau européen un respect de ses spécificités, par exemple en ce qui concerne la laïcité ou les services publics, comme ont su le faire d'autres pays quand ça les arrangeait. Un candidat qui tienne compte du rejet des Français au référendum européen et qui impose à l'Europe la renégociation d'un nouveau traité, lui aussi validé par référendum. Un candidat qui s'attache à donner à tous les Français une éducation de haut niveau, qui assure la sécurité et la justice pour tous, et qui crée les conditions d'une réelle citoyenneté dépassant tous les communautarismes. Un candidat qui fasse respecter par tous les habitants les lois de la République, qui sache intégrer les nouveaux arrivants et donner envie d'être Français, mais qui sache aussi faire preuve de la plus grande fermeté avec ceux qui cherchent à profiter de notre démocratie pour promouvoir des idées antidémocratiques. Un candidat qui rappelle à quoi sert l'impôt et qui n'a pas peur de remettre en avant la valeur de la solidarité nationale contre l'individualisme et la charité. Un candidat qui défende les services publics, et qui combatte les délocalisations en étant plus ferme dans les négociations internationales avec les pays ne respectant pas les droits de l'homme et le droit du travail. Un candidat, enfin, qui redonne confiance en l'avenir, en permettant à chaque Français de penser que sa situation et celle de ses enfants s'amélioreront parce que l'État, fort, tiendra la barre, donnera le cap, soutiendra les entreprises collectives et individuelles, et aidera toujours ceux qui sont dans le besoin.

Ce candidat n'existe pas aujourd'hui. Alors, en 2012, ce sera moi.

Stéphane Arlen président de l'association Faire Le Jour
www.fairelejour.org

4.4 - La voie royale

Dans le contexte de l'actuelle socièté française, c'est-à-dire une socièté qui conserve encore, malgré des progrès non négligeables, des traits et des composantes misogynes, il est évident qu'une femme désirant être élue présidente de la République par le suffrage universel - je parle d'une femme le désirant vraiment et ne faisant pas seulement une candidature de témoignage - doit faire preuve d'une habileté stratégique particulière, spécifique, précisément parce qu'elle est une femme et qu'elle l'est dans une socièté où la différence homme/femme n'est pas seulement une différence mais une inégalité.

Cette nécessité d'une stratégie spécifique, Ségolène Royal, qui a montré un culot inouï en osant se lancer dans cette candidature, l'a parfaitement et admirablement compris.

Au moins deux mots résument sa stratégie : contourner et materner.

Pour se faire désigner par le parti socialiste, pas d'autre manière que de le contourner pour s'appuyer sur l'opinion, les sondages, le médiatique. S'y serait-elle prise autrement - par le programme, le discours, l'appareil, la rigueur des analyses, la reconnaissance de capacités ou de compétences, etc. - qu'elle aurait échoué.

On voit bien, depuis qu'elle est en campagne comme candidate, non plus à la candidature mais à la présidence et à une présidence qu'il faut conquérir non par une désignation mais par le suffrage universel, que cette stratégie du contournement continue : contournement des élites (non seulement dans le fonctionnement de la campagne mais aussi dans cette manière pour le coup assez jouissive qu'a Ségolène Royal d'avoir l'air de se moquer comme de sa première chemise des jugements que les uns et les autres peuvent porter et sur sa personne et sur ses propos), contournement des intermédiaires, des représentants, des délégués, des porte-parole, bref de toute la machinerie de la démocratie indirecte, de la démocratie représentative.

Au regard de l'objectif à atteindre, ce contournement est rendu nécessaire par l'illégitimité dans laquelle se retrouve une femme sérieusement candidate à la présidence de la République française, un peu comme en 1981, la gauche était jugée par une partie du corps politique comme occupant illégitimement, bien que légalement, les palais nationaux. Secondairement, il l'est par la misogynie encore vive qui existe dans ce qu'il est convenu d'appeler les élites et que l'on peut constater chaque jour dans les commentaires faits sur l'allure physique de la candidate, son corps de femme donc, bien conservé n'est-ce pas malgré des quatre maternités et la cinquantaine (sous entendu la ménopause, mais là quand même on sent un peu d'hésitation dans les commentaires, donc on le suggère dans le dire vraiment), sa manière de parler, sa voix, ses gestes, sa tenue vestimentaire, ses erreurs qui sont toujours et immédiatement qualifiées de bourdes, le soupçon puis l'accusation d'incompétence, d'incapacité à avoir de la hauteur de vue, de se situer au niveau des enjeux de la fonction présidentielle ou de représenter la France sur la scène internationale etc.

Au lieu de la machinerie de la démocratie représentative, Ségolène Royal place un dialogue direct avec le peuple, avec les " vrais gens ", (même si la formule n'est pas d'elle), ce qui, dans son langage à elle, s'appelle la " démocratie participative ". Elle place aussi une alliance nouée entre elle et le peuple, affirmant d'ailleurs qu'elle " ne doit rien à personne, si ce n'est au peuple français ".

La misogynie existe aussi dans le peuple bien sûr. Mais comme l'enjeu de pouvoir que représente la présidence de la République, au fond, ne le concerne pas vraiment, ce peuple, (en effet le citoyen de base, n'en tirera, quel que soit l'élu, aucune place, aucun poste, aucune prébende, aucune satisfaction narcissique, libidinale personnelle), il peut être plus enclin que les élites à donner sa voix à une femme.

A condition que cette femme sache compenser ce que ce vote peut avoir d'inédit, voire de transgressif et donc d'inquiétant, autrement dit qu'elle rassure.

Comment une femme peut-elle être rassurante quand ce qu'elle fait est une transgression et surtout quand le geste de voter pour elle en est aussi une (ou être perçu comme tel) ? En reconduisant la figure de la mère, sous un double aspect, et en assumant délibérément cette double figure maternelle, répond Ségolène Royal.

La mère qui est attentive, qui est à l'écoute, à qui l'on peut raconter ses malheurs, qui de surcroît les prend au sérieux, même lorsqu'il ne s'agit que de petits bobos, qui console. Voilà pour la proximité avec les gens. Ne pas mépriser (en tout cas ne pas en donner l'impression) ce qu'ils disent, prendre leurs paroles, leurs questionnements, leurs avis, leurs jugements au sérieux (et ne pas les disqualifier aussitôt en les nommant opinions, comme si la démocratie n'était d'opinion que lorsque s'expriment ceux qui sont d'ordinaire réduits au silence), ne pas considérer les difficultés de la vie quotidienne, même dans ses détails, comme une préoccupation indigne de l'intérêt d'un chef d'Etat, (qui devrait, bien sûr, on nous le répête assez, s'occuper surtout du vaste monde et de la place de la France), promettre de tout faire pour, sinon supprimer, du moins alléger, ces difficultés.

L'autre aspect de la mère, qui lui aussi rassure, c'est la capacité, quand même, à punir - et chacun le sait, bien souvent, dans les familles, c'est la mère qui punit, plus que le père, surtout au jour le jour, au quotidien, c'est la mère, bien souvent qui est, avec les enfants, plus sévère que le père - d'où les propos et propositions autour de la punition à la première incartade, l'encadrement militaire, l'ordre juste etc. D'où aussi cette tenue vestimentaire rassurante, jamais de pantalon, jupe, robe, veste, chaussures à talons, une tenue féminine traditionnelle, convenable et convenue (Je ne connais pas Ségolène Royale et je ne fréquente pas son entourage, mais tout indique que cette tenue s'apparente un peu à un déguisement, et sans doute est-ce une regrettable faiblesse que cela se devine.)

Je prétends que Ségolène Royal a fait le choix - mais un choix contraint par son sexe, par son ambition et par l'état de la socièté française - de la seule stratégie qui lui donne une chance - non une certitude - d'atteindre son objectif.

Evidemment cette stratégie a de quoi faire grincer des dents - et les miennes ne sont pas sans grincer - du côté de la gauche, du féminisme, des tenants d'une démocratie qui doit s'efforcer de réduire autant que faire se peut la part de démagogie.

Ségolène Royal juge, comme d'autres avant elle, que Paris vaut bien une messe, par exemple comme le de Gaulle de 1958 (devoir son pouvoir aux Français d'Algérie - " je vous ai compris " - pour ensuite en finir avec l'Algérie française) et comme le Mitterrand de 1981 ( promettre de " changer la vie ", dénoncer " l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes "). En ce sens, elle est dans la realpolitik, ce qui n'est d'ailleurs pas de mauvais augure quand on veut être chef de l'Etat.

De Gaulle mentait pour ensuite conduire, en tout cas sous l'angle de l'affaire algérienne, une politique progressiste, tandis que le cynisme de Mitterrand aboutit à un Bernard Tapie au gouvernement et à une socièté pourrie comme jamais par le fric facile et l'arrogance de parvenus.

Si Ségolène Royale devient présidente de la République française, on verra si la stratégie qu'elle a adoptée pour être élue hypothèque ou non sa politique et sa manière d'être chef de l'Etat. Si elle ne le devient pas, sa candidature, en tant que telle, en tant qu'elle a eu lieu et comme elle a eu lieu, restera un moment de l'émancipation des femmes, même si tel n'est pas son objectif premier. Un peu comme l'audace et l'aplomb de la Brigitte Bardot des années cinquante ont contribué, même si BB s'en fichait, et même si des féministes ne la reconnaissaient pas comme une des leurs, à l'émancipation sexuelle des femmes. Mais les voies de la libération sont multiples et impénétrables !

Martine Storti

Source : www.martine-storti.fr/

4.5 - "Au premier tour on élimine, au second tour on élimine"

" Il n'y a qu'au premier tour que l'on peut dire vraiment ce que l'on pense. Au deuxième tour, on procède par élimination. Le moins pire, ou celui qui est un tout petit peu mieux. " A.L.

Oui, c'est bien Arlette Laguiller qui propose cette analyse aux travailleurs et aux travailleuses qui lisent Le Monde dans une étonnante chronique ... curieuse élection tout de même ... Il suffit que la candidate que se sont donnés les socialistes semble menacée dans les sondages pour que celles et ceux qui n'avaient pas de mots assez durs pour vilipender Ségolène Royal, de la gauche du PS à la " gauche de la gauche ", entonnent en choeur qu'ils aspirent à la présence de la candidate socialiste au second tour et que, promis-juré, pas une voix ne lui manquera ... néanmoins il y manquera la mienne ...

Il est en effet curieux que les uns et les autres refusent de se poser des questions sur le comportement électoral des citoyens français ... certes le fait que le taux de participation aux élections est faible ne saurait en soi être la signature d'une crise spécifiquement hexagonale de notre démocratie, mais à lire certains commentateurs le fait que les citoyens français aient voté " non " au référendum sur le projet de traité constitutionnel européen illustre uniquement ... qu' a été commise l'erreur ... de leur demander leur avis ; de la même façon, le fait que le parti socialiste ait été devancé par le front national au scrutin présidentiel précédent ne démontre ... que le fait qu'il importe désormais de réduire le nombre de candidats ...

Et bien je vais m'inscrire en faux avec ce que nous propose Arlette ... le vote utile pour moi ce sera " au premier tour on élimine, au second tour on élimine " ...

La gauche, quand elle méritait son nom, symbolisait la démocratie et le progrès social.

Que devient la démocratie quand la souveraineté nationale, condition nécessaire même si non suffisante de l'expression et de la mise en oeuvre de la volonté générale des citoyens, est niée au profit d'une supranationalité technocratique, notre indépendance nationale étant ravalée au rang d'autonomie subsidiaire ? De même, l'internationalisme est nié et non " actualisé " en se mutant en européisme voire en altermondialisme.

Que devient la démocratie quand le modèle social mis en avant tant en France qu'à l'échelon du machin européen n'est qu'une version relookée de la doctrine corporative ? Que devient la démocratie quand le " bien commun " réintroduit dans le débat politique hexagonal par le candidat socialiste à l'élection présidentielle précédente, préfigurant " l'ordre juste" du pacte présidentiel présent, se substitue à la " lutte des classes " c'est à dire au conflit d'intérets entre employeurs et salariés ?

Que devient la démocratie quand la laïcité républicaine est pensée par le parti socialiste d'aujourd'hui comme un " combat permanent contre les intégrismes " et non plus comme la liberté de conscience, première des libertés, garantie par la séparation entre les religions et l'état ?

Quant au progrès social, nous avions déjà constaté ce que donnait la revendication historique de la réduction du temps de travail quand elle se drape du manteau de Saint Martin en se faisant partage du travail et de la misère ; comme le pointe avec justesse Claude Allègre, le programme actuel du parti socialiste tourne encore un peu plus le dos à la tradition issue des Lumières qui voulait que l'avancement des sciences et des techniques soit mis au service de l'humanité pour réduire sa peine et améliorer sa qualité de vie ; c'est ainsi que le parti socialiste flirte avec le désengagement du nucléaire alors que la voie électronucléaire est la plus écologique pour produire l'énergie dont l'humanité a besoin ; c'est ainsi que le parti socialiste choisit le camp des fondamentalistes anti-OGM contre celui des chercheurs, et celui de la mise des biotechnologies (végétales, animales, humaines) au service de la santé publique et d'une agriculture propre et durable.

Point n'est besoin d'écrire un manifeste ... non seulement avec le parti socialiste d'aujourd'hui la gauche n'est plus la gauche mais elle ressuscite sous une cosmétique soft des concepts politiques parmi les plus moisis ; ne reste qu'une ouverture peut-être un peu plus grande sur certaines questions sociétales, ouverture dont elle n'a néanmoins pas le monopole. L'arrogance et l'agressivité dont le parti socialiste a fait preuve à la suite du " second tour volé " de 2002, puis durant toute la campagne référendaire, et enfin dans ce début de campagne présidentielle, présagent de ce qui nous attend si par malheur le parti de l'ordre juste venait à gagner les élections.

Pour moi, jamais en une élection, la préconisation de Coluche " votez éliminez " n'aura été aussi porteuse de sens ... Pourquoi faudrait-il donc voter " à gauche " quand la gauche n'est plus la gauche ? Il convient sans remords de mettre hors-jeu une nouvelle fois, cette fois-ci de façon consciente, le parti néo-corporatiste dit socialiste en votant utile dès le premier c'est à dire en l'empêchant d'accéder au second tour.

Le vote utile c'est donc Bayrou au premier tour.

Comme point n'est besoin ici de s'étendre sur l'atlantisme et le communautarisme de Nicolas Sarkozy ... Le vote utile ce sera aussi Bayrou au second tour. Oui mais alors ... et si ... le parti socialiste accédait quand même au second tour face à Sarkozy ? Quel serait le moins pire ? La question est indécente ? Ne nous laissons pas aveugler par les personnalités, ce qu'elles ont d'attirantes ou de repoussantes. A chacun d'examiner à travers le filtre de ses priorités politiques. Pour moi la première des priorités politiques c'est la démocratie. Sans cadre démocratique tout le reste n'est qu'illusoire. Quels sont donc les dangers les plus mortels pour la démocratie politique dans notre collectivité nationale ? Je n'hésite pas une seconde : "européisme" et "néocorporatisme" (ou démocratie participative en novlangue) On pourrait développer tout ce que cela signifie mais là n'est pas l'endroit et tel n'est pas le débat engagé dans le courrier des lecteurs. Qui des deux partis en lisse et des deux candidats victorieux représente le plus grand risque au regard de cette menace ? La réponse ne fait pas un pli : c'est le parti de l'ordre juste. Donc, tant pour préserver ce qui peut encore l'être, que pour se donner les moyens de reconstruire une perspective, républicaine, laïque, et sociale ... dans le cas d'un second tour opposant Royal à Sarkozy, je voterai Sarkozy ... pour éliminer Royal et mettre hors-jeu son parti... Ainsi, pour parler comme Arlette, mon choix n'est pas de celui qui est " un tout petit peu mieux " c'est le choix raisonné du terme de l'alternative qui est " le moins pire. " Alors, si comme moi vous préféreriez avoir à éviter de choisir entre les pires des pires...

Il ne reste bien qu'une seule solution pragmatique ... Celle du vote Bayrou dès le premier tour.

Ilan Barzilaï

4.6 - Lettre ouverte à mes amis qui votent extrême droite

Je suis une traumatisée du 21 avril 2002. Je me rappellerai toujours le sentiment que j'ai éprouvé ce soir-là : en quelques secondes, il m'a semblé que le monde autour de moi basculait dans la folie. Les deux semaines qui ont suivi ont été parmi les plus pénibles de ma vie. Jamais, même pendant la Guerre du Golfe où on avait déjà eu chaud, je n'ai eu à ce point l'impression que tout pouvait arriver, y compris le pire. J'ai voté Chirac et je le regrette : je me suis fait avoir. Le fait d'avoir renvoyé mon bulletin Le Pen à l'Elysée est une maigre consolation, puisque je n'ai jamais su combien d'électeurs avaient agi comme moi. Je n'ai retrouvé un peu de calme et de raison qu'après les résultats du deuxième tour. Mais depuis, je reste sous le coup de cette angoisse de fond. Déjà, ça durait depuis des années et ça recommençait à chaque élection : j'allais voter dans ma petite école, je rencontrais tous mes bons voisins, et le soir, j'apprenais qu'un sur quatre, presque un sur trois de ces braves gens avait voté Le Pen ! Et là, ce 21 avril, ce n'était plus à l'échelle de mon quartier, mais de tout le pays !

J'espère trouver des mots assez forts pour le dire : ce dont je parle n'est pas un souci, c'est un chagrin ! C'est un déchirement ! Car parmi ces électeurs, il y a des gens que j'aime, des voisins, des copains, de vrais amis, et même davantage. C'est pour eux que j'écris ce texte, avec difficulté, douleur et sincérité.

Je ne prétends pas énoncer des arguments contre le F.N. : je ne suis pas de taille. D'autres le font mieux que moi : journalistes, écrivains, philosophes. Je veux seulement ouvrir mon coeur, dire ce que je ressens, et pourquoi le vote Le Pen est pour moi une chose insoutenable.

I : pour en finir avec Le Pen

Je commence très fort ! Mais non, ce n'était qu'un rêve. Je veux dire que je passerai assez vite sur le personnage Le Pen, qui est encore ce qui me dérange le moins. Il est brillant, percutant, souvent rigolo, cultivé, avec ses citations latines qui s'adressent sans doute à l'aile catholique intégriste de son électorat. Il a le mérite d'éviter la langue de bois, ce qui le rend plus agréable à écouter que nos éternels énarques. Pour moi, ses dérapages verbaux n'en sont pas. Je pense qu'il joue en permanence à la fois côté cour et côté jardin : côté cour, il y a le grand public, le tout venant, qui veut bien entendre du politiquement incorrect, mais pas trop ; côté jardin, il y a son public à lui avec qui il peut se lâcher de temps en temps, histoire de leur prouver qu'il est toujours des leurs.

Ce qui m'horripile chez le personnage Le Pen, c'est sa prétention à se donner comme représentant du peuple. Certes, il est d'origine populaire ; mais enfin, comme dit Figaro, il s'est juste " donné la peine de naître ". Et s'il est devenu milliardaire depuis, ce n'est certainement pas en travaillant de ses mains comme ses ancêtres. Il faut croire d'ailleurs que les arabes ne le dérangent pas partout, puisqu'il a une maison au Maroc.

J'ai trop de vrai respect pour le peuple pour admettre qu'il suffit, pour être son champion, de pratiquer l'humour facile et la pensée sommaire. Les deux mamelles de la pensée sommaire sont le cliché et l'amalgame. J'y reviendrai.

Il y a plus grave que de voter Le Pen : c'est de penser Le Pen.

II : racisme, sexisme et consorts

Ami qui vote F.N., j'entends d'ici tes protestations indignées. Tu n'es pas raciste ! Tu n'as rien à voir avec les crânes rasés qui veulent bouter dehors bougnouls et négros, et parfois le font. Rappelle-toi ces pauvres types jetés dans la Seine ou du haut d'un train. Toi, tu ne ferais pas de mal à ton voisin bronzé ; tu le trouverais même plutôt sympa, à condition qu'il ne fasse pas de bruit et qu'il ne regarde pas de trop près ta voiture. Cependant, tu écoutes avec complaisance ceux qui te disent que ces gens-là ne sont pas comme nous (c'est-à-dire qu'ils sont moins bien), qu'il y en a trop, que l'immigration est un danger. Tu n'es pas raciste, mais... En plus, il n'y a pas que les arabes et les noirs. Il y a tous les autres : les juifs, les Belges, les corses. Ca en fait du monde qui n'est pas comme toi ! Toi-même d'ailleurs, es-tu à l'abri ? Ami breton, je te rappelle qu'il y a un siècle à peine, ce qui n'est rien, tu étais considéré partout ailleurs que dans ta région comme un péquenaud obtus et arriéré. Ami bon Français, sûrement qu'au bon temps tu n'aurais pas envoyé une lettre anonyme à la Gestapo pour dénoncer ton voisin juif et mettre la main sur son appartement et son argenterie. Et cependant, tu trouves qu'on parle trop de la Shoah, que c'est loin, que ça ne nous concerne plus. Ca ne te choque pas vraiment quand on te dit que c'est un " point de détail ", ou même que ça n'a jamais existé. Ah si ?

Alors, ami qui vote F.N., laisse-moi t'inviter à réfléchir à quelques questions :

  1. Au lieu de te contenter de clichés (le Suisse est lent, l'Auvergnat est radin, l'Arabe a tous les vices du monde et c'est bien commode), et d'amalgames (" ils sont tous pareils "), si tu essayais de connaître ces gens d'ailleurs, de les comprendre ? Au lieu de te prendre toujours, en bon Français, pour le professeur du monde, si tu admettais l'idée qu'eux aussi ont des choses à t'apprendre ?
  2. Crois-tu qu'ils sont venus là pour le plaisir, pour faire du tourisme, comme toi, quand tu vas chez eux ? Je te propose un exercice d'imagination : mets-toi cinq minutes dans la peau d'un homme ou d'une femme, traqué par la misère et la guerre, qui débarque dans un pays inconnu où on le regarde de travers.
  3. Si vraiment tu penses que les influences étrangères mettent en danger la culture française, pourquoi te gaves-tu de sous-culture américaine ? Elle n'est pas dangereuse, cette influence-là ?

Le F.N. dit : " J'aime mon village plus que ton village, ma province plus que ta province, et la France par-dessus tout. " Il n'a fait que reprendre la formule de ce grand couillon de Frédéric Mistral. C'est pourtant si beau, Mireille ! Moi, je dis : " J'aime ton peuple autant que mon peuple, ta culture autant que ma culture, et l'humanité par-dessus tout. " Le Pen dit : " J'aime mes filles plus que mes cousines, mes cousines plus que mes voisines, et mes voisines plus que le monde entier. " Et moi, je dis : " J'aime le monde entier, mais je n'ai que deux épaules. "

Ce que je n'admets pas, ce que je ne supporte pas, c'est le mépris. Encore plus que le parti de la haine, le F.N. est pour moi le parti du mépris : c'est pire. Il y a une sorte de courage dans la haine, tandis que le mépris est lâche et mesquin. Celui qui hait tue son ennemi ; celui qui le méprise le laisse tuer par quelqu'un d'autre, dit ensuite qu'il ne savait pas et pense dans le fond que c'est un bon débarras.

Je ne dis pas que c'est facile tous les jours. Dans le fond, nous sommes tous racistes, nous éprouvons tous la même méfiance envers l'autre. Il y en a pour qui l'étranger commence aux voisins de palier, surtout s'ils sont un peu bruyants. Pour moi, l'antidote du racisme n'est pas un antiracisme convenu qui gommerait artificiellement les différences : c'est l'ouverture à l'autre, c'est l'amitié entre les peuples.

Et le racisme ne vient pas seul ! La famille est nombreuse, elle est même tentaculaire. Comme plus proche parent, on trouve le sexisme. Ami électeur du F.N., sois franc : dans ton for intérieur, sous couleur de galanterie française, de bienveillance protectrice, ou même d'humour gaulois, ne couves-tu pas l'idée que la femme est un être juste un peu... légèrement... enfin, pas tout à fait égal à toi ? Si tu ne sais pas ce que féminisme veut dire, lis donc Le Deuxième Sexe. Ca te changera de l'Equipe.

Et toi, mon amie, ma frangine, tu t'indignes quand un " petit arabe " te claque la porte au nez, te double dans une file d'attente ou te fait un doigt d'honneur dans la rue. Mais, je te le demande, où aurait-il pris le bon exemple ? De son père, qui cogne sur sa femme pour oublier ses humiliations de la journée ? De la société, qui fait de toi une marchandise publicitaire ? De ton beauf de mari, qui trépigne devant le foot pendant que tu t'appuies la grosse vaisselle ? De ses aînés, qui lui répètent depuis dix mille ans que les femmes sont ménagères ou prostituées ? Et tu crois, pauvrette, que le F.N. ferait quelque chose pour toi ? Mais relis donc ton histoire ! Qui t'a donné tes droits ? Certainement pas les pères fondateurs de notre vieille droite, extrême ou pas. De Gaulle t'a donné le droit de vote en hommage aux héroïnes de la Résistance, dont sa propre nièce, l'admirable Geneviève rescapée de Ravensbrück ; mais il disait qu'on n'avait pas besoin d'un " secrétariat d'Etat au tricot ". Le Maréchal, lui, ne t'a donné que la Fête des Mères, l'autorisation de porter le pantalon seulement à vélo, et surtout le droit de faire des enfants à tire-larigot, en faisant guillotiner une pauvre fille qui aidait ses voisines à avorter. Malraux écrit dans La Condition Humaine que neuf hommes sur dix sont misogynes. Je cherche encore le dixième, mais j'ai peu de chances de le trouver au F.N., même si ce partia mis quelques femmes en vitrine pour se donner un air de modernité. Parmi celles-là, je voudrais faire un sort particulier à Marie-France Stirbois. Avec ses airs de bonne mère de famille, elle donne au F.N. un visage humain. Mais pour moi, ce visage n'est qu'un masque sous lequel se cache l'égoïsme le plus hypocrite. Quand elle dit " mes enfants d'abord ", moi j'entends : " Tous les autres peuvent crever. "

Dans la même hideuse galerie, on trouve l'intolérance haineuse ou méprisante des minorités sexuelles. Par parenthèses, nos fanatiques du ballon, qui passent des heures en contemplation devant les cuisses agitées de leurs idoles, est-ce bien sûr qu'ils aiment les femmes ? Je referme la parenthèse. Dis-moi, ami, en quoi te dérange cet homme ou cette femme qui aime son semblable ? Et même s'il affiche une dégaine un peu folklorique, que d'ailleurs la société lui impose, quelle importance ? Certes, tu n'irais pas jusqu'à crier " les pédés au bûcher ! " comme dans les manifs contre le Pax. Mais tu ricanes devant tel artiste bien connu pour " en être ". Tu doutes qu'un homme " comme ça " soit capable d'exercer un mandat électif. Et une femme donc ! Mon ami Serge est mort du SIDA à quarante-sept ans. Parfois, il me semble qu'on crache sur sa tombe.

Je te laisse continuer la visite de la galerie. Elle est longue et variée, et tu y rencontreras bien des vieilles connaissances. Je termine par l'intolérance la moins avouée : celle qui frappe les personnes handicapées. Dans le patrimoine culturel du F.N. figure en bonne place l'eugénisme, cher au docteur Alexis Carrel, théoricien de Vichy. Je regrette toujours d'avoir prêté cet article, fort intéressant ma foi, où Le Pen préconisait l'élimination des individus mal formés, à l'exemple (disait-il) des éleveurs de chiens et de chevaux. En 2002, la seule fois où je l'ai entendu aborder ce sujet, il n'avait qu'une seule idée : la ségrégation, la mise à part des indésirables. Il parlait des personnes handicapées mentales, qui pour moi ont d'autant plus besoin qu'on défende leurs droits qu'elles sont moins en mesure de le faire elles-mêmes. Mais ça court vite, ces idées-là ! Un jour, en ma présence, une hôtelière, qui venait de voir passer une femme aveugle avec ses enfants, disait texto : " On devrait empêcher ces gens-là d'avoir des enfants. "

Cela me sidère toujours de retrouver, dans la bouche d'une paisible citoyenne de base, la pensée d'un vieil oncle autrichien.

Résumons-nous. Dans les camps nazis, qui a-t-on exterminé ?

  1. les êtres humains racialement inférieurs : juifs, tziganes, slaves, et autres ;
  2. les êtres humains sexuellement inférieurs : femmes, homosexuels ;
  3. les êtres humains physiquement inférieurs : handicapés, malades, vieillards, enfants.

Tu n'en demandes pas tant ? Encore heureux ! Mais alors, pourquoi votes-tu pour le F.N., pour un parti qui traîne dans ses valises cette antique saloperie ?

(...)

Diane Beausoleil

4.7 - Cartes nationales d'identité ou cartes d'identité nationale?

Monsieur Nicolas Sarkozy a parlé "d'identité nationale". Erreur de logique ou perfidie? A vous de juger.

Il y a des cartes nationales d'identité. Il n'y a pas des cartes d'identité nationale. Par cette simple inversion le candidat de l'UMP passe de la gestion administrative au communautarisme.

Discerner n'est pas facile mais profitons de l'occasion pour éclaircir la question de l'identité: le fait d'être pareil, identique.

Les uns et les autres, nous avons beaucoup de références culturelles diverses et aussi des dépendances. Nos corps eux-mêmes sont tous différents et pourtant nous avons, par eux, une identité en commun: nous faisons partie de l'humanité. Notre identité est premièrement humaine.

Ce qui nous donne identité et appartenance à l'espèce ne sont : ni nos possessions, ni notre genre, ni notre lignée ou peuple, ni nos croyances ou incroyances, ni notre nationalité ou autre clôture, mais le fait d'avoir corps humain. L'Habeas corpus fut proclamé en 1679; il a peut-être besoin d'être remis au goût du jour?

Avoir corps humain est une donnée objective et naturelle, accessible à tous. Toute idée qui vient mettre une frontière étanche dans l'ensemble nommée humanité, peut être qualifiée raisonnablement d'attentatoire à l'unité de l'espèce. La loi de la jungle s'en trouve aggravée; comme si nous étions plusieurs espèces alors qu'une seule existe. Les concepts qui divisent au point de fermer les frontières, méritent d'être sanctionnés par nos consciences et par la loi comme formes de racisme.

En employant l'expression identité nationale, M. Nicolas Sarkozy provoque le même lâche soulagement que ceux qui parlent d'identité blanche, noire, jaune ou rouge, d'identité chrétienne, israélite ou musulmane, d'identité juive, arabe ou papoue. Il entre dans le communautarisme; ici un communautarisme français. Communautarisme que nous interdit avec raison la constitution française qui est déclarée laïque.

(...)

Michel Portal

5 - combat féministe

5.1 - "Les Irakiennes sont les cibles numéro 1 des milices"

A quoi peut ressembler la vie quotidienne des femmes en Irak ?

Houzan Mahmoud . Elles n'ont pas de vie quotidienne à proprement parler. Elles ne peuvent pas se réveiller le matin en se disant : " Je vais faire ça et ça ", car il peut y avoir un attentat à tout instant. Elles doivent batailler pour réussir à tenir leur foyer, vu la pénurie de ressources comme l'eau ou l'électricité. Et elles redoutent d'envoyer leurs enfants à l'école, parce qu'ils peuvent se faire enlever contre une forte somme d'argent, que les parents n'ont pas la plupart du temps.

Vous dénoncez la dégradation de leur condition depuis 2003...

Houzan Mahmoud . Les femmes ont été les cibles privilégiées des milices islamistes dès le début de l'occupation américaine en 2003. La guerre et la criminalité ont favorisé la multiplication de ces milices armées, dont le premier message fut : " Les femmes doivent rester à la maison, s'occuper des enfants, faire la cuisine et le ménage. Elles ne peuvent pas travailler et doivent sortir voilées. " Aujourd'hui, les femmes sont victimes de viols, d'enlèvements, d'assassinats, parfois en public, et de crimes d'honneur.

Qu'advient-il des femmes violées ou kidnappées ?

Houzan Mahmoud. Elles seront tuées de toute façon pour ces questions d'" honneur ". Je me souviens d'une femme qui avait été kidnappée. Ses ravisseurs avaient demandé une rançon au père pour la relâcher. Il leur a répondu : " Vous savez, il vaut mieux la tuer, parce qu'on devra le faire de toute façon pour laver l'honneur de notre famille. " Non seulement les femmes sont victimes, mais elles sont punies au lieu d'être soutenues. Environ cent femmes sont victimes chaque mois de crimes d'honneur à Bagdad. Imaginez à l'échelle du pays. C'est aussi pour ça que les familles ne viennent pas chercher ou reconnaître les corps des femmes retrouvées mortes, souvent décapitées, mutilées, et déposées à la morgue. Elles ne veulent pas que cela se sache. Nous avons ouvert deux centres d'accueil, à Bagdad et Kirkouk, pour accueillir ces femmes menacées de crimes d'honneur.

Vous avez découvert que de nombreuses femmes peuplaient les prisons...

Houzan Mahmoud . En 2006, notre organisation a effectivement révélé, grâce à une enquête menée dans des conditions difficiles dans la prison de Al Kazamiah, que des femmes et leurs enfants sont détenus en prison soit parce qu'elles ont un lien, même très vague, avec des insurgés, soit sans aucun motif. Elles n'ont aucun avocat ni recours légal. Certaines nous ont montré des marques de tortures qu'elles ont subies pendant leur enfermement, où elles sont maltraitées et violées par des gardiens ou des soldats irakiens.

Qu'en est-il des mariages dits " de plaisir " ?

Houzan Mahmoud. Ils ont été initiés par l'Armée du Mehdi, du milicien chiite Al-Sadr, dans le sud de l'Irak. Sadr a demandé ouvertement à des femmes chiites de rejoindre son armée pour quelques jours pour distraire ses hommes. C'est de la prostitution version islamique. Humiliées, elles risquent là encore d'être tuées si la famille l'apprend. Mais ces miliciens ont la force et les armes, donc ils peuvent imposer ce qu'ils veulent. Sous Saddam Hussein, ce n'était évidemment pas idéal, mais au moins les femmes ne subissaient pas toutes ces violences arbitraires. Avant, nous avions un seul dictateur, donc on savait contre qui on luttait. Désormais nous en avons des centaines.

Comment était-ce sous Saddam Hussein ?

Houzan Mahmoud. Les femmes pouvaient travailler, aller à l'école, divorcer, des droits acquis grâce à un mouvement de défense des femmes datant des années 1950. Aujourd'hui, elles peuvent se faire tuer pour rien. Nous assistons à une " brutalisation " de la société, à laquelle participe l'Etat.

Le président américain Bush avait notamment argué de la situation des femmes en Irak pour justifier l'invasion en 2003...

Houzan Mahmoud. Bush ne s'est jamais préoccupé de la situation des Irakiennes. C'était un prétexte. Aujourd'hui, les femmes sont encore plus cloîtrées chez elles. Mon opinion, c'est que l'administration américaine est responsable des violences qui leur sont faites, car les miliciens terrorisent les femmes sous la supervision des Etats-Unis. Les Irakiennes pâtissent d'une radicalisation de la société et d'un virage réactionnaire, tribal et sectaire qu'accroît la présence des troupes étrangères. Il faut que les Etats-Unis partent. J'étais contre la guerre, je suis contre l'occupation.

La société civile tente-t-elle de résister aux violences des milices ?

Houzan Mahmoud. Oui. La solidarité du peuple est capitale. Par exemple, quand en 2005 le pont que traversaient des milliers de chiites en pèlerinage s'est effondré, les sunnites du voisinage ont accouru pour les sauver de la noyade. Le problème, c'est que les milices et le gouvernement tentent de politiser les religions. Je m'élève contre cela. Je suis athée, je veux avoir le droit de critiquer la religion. Les gens essayent de lutter contre l'islamisation. C'est pour ça que les milices nous persécutent. Cette lutte vous a valu des menaces de mort...

Houzan Mahmoud. Au Kurdistan (nord de l'Irak), d'où je viens, un projet de loi visait à introduire la charia. Je m'y suis opposée. Cela rendrait la situation plus difficile encore pour les femmes. En février dernier, j'ai reçu un mail, intitulé " kill " (" meurs ") du groupe djihadiste Ansar al-Islam, lié à al-Qaida. Il me menaçait de mort pour " faire campagne contre l'islam ". Mais ce n'est ni une surprise, ni un obstacle pour nous empêcher de poursuivre notre combat.

Recueilli par Faustine Vincent, 20 minutes

Houzan Mahmoud Porte-parole de l'Organisation pour la libération des femmes en Irak. Elle vit à Londres depuis 1996 et a été menacée de mort en février par un groupe lié à Al-Qaida.

6 - devoir de mémoire

6.1 - Lucie Aubrac

Lucie Aubrac est décédée, la nouvelle tombe ce jeudi matin : c'est une femme au courage exceptionnel qui disparaît. Son combat nous touche doublement :

  1. parce qu'elle était une femme, impliquée ô combien dans la vie de son pays, qu'elle aimait, mettant sa vie en danger pour le libérer du nazisme.
  2. Parce que le reste de sa vie, elle l'a consacré à lutter contre le négationnisme, en témoignant contre son bourreau Klaus Barbie. Elle a, toute sa vie témoigné dans les lycées, les collèges, pour lutter contre ce poison : le négationnisme.
  3. Elle a aussi été de tous les combats, luttant pour les droits des femmes, l'égalité hommes- femmes, les droits sociaux etc.

Le négationnisme, qui est de plus en plus virulent, est porté par des négationnistes en France, tel Faurisson qui intente un procès en diffamation contre Badinter (dont le père a disparu à Sobidor). Ce négationnisme s'internationalise avec le président iranien Ahmadinejad, qui veut "rayer Israël de la carte", et se répand dans tout le monde arabo-musulman.

Procès honteux, souhaitons que d'autres Lucie Aubrac continuent le combat contre cette internationale négationniste, et imposent une législation commune européenne et même mondiale pour lutter contre le DENI de la Shoah.

Un grand salut ému et respectueux à cette grande dame.

Mireille Popelin

7 - à lire

7.1 - " Nous vivons des vies héroïques ", d'Olivier Charneux

Editions Stock, Février 2007, 173 pages, 15,50 Euro

L'auteur romancier nous propose une oeuvre originale.

Il nous retrace 40 témoignages, 40 vies racontées et nous offre par là -même une caverne pleine de trésors à découvrir.

Le propos n'est pas ennuyeux et si on a pas le temps de s'attacher aux différents personnages, aucun ne nous laisse indifférent.

Certaines personnalités montrent une force étonnante et un courage exemplaire comme la mère de Djamel qui, battue par son mari alcoolique trouve la force et la constance de soigner ce dernier, atteint par la maladie d'Alzheimer... Etonnant, non! Personne ne l'aurait blâmée si elle avait choisi de quitter très vite ce mari brutal...D'autres femmes ont fait d'autres choix comme Joséphine, trois fois mariée " qui s'était toujours débrouillée pour avoir un toit sans avoir besoin d'un homme ". Elle a décidé d'élever seule ses filles, ne pensant qu'à leur avenir : " La force des mères, leur courage, leur folie. " Joséphine s'est dépensée sans compter, elle est fière de son parcours tout en avouant : " mais si c'était à refaire, je ne le referais pas. " Les femmes sont bien présentes, avec leurs itinéraires particuliers, certes, mais l'auteur n'oublie pas de faire parler des hommes aux parcours différents.

Petit Jean, ingénieur en informatique est très lourdement handicapé, il a décidé d'être le plus autonome possible, de vivre pleinement, de travailler et de voyager; " La rencontre avec les autres reste primordiale dans sa construction. De nombreuses personnes sont passées dans sa vie pour l'aider: des étudiants, des auxiliaires de vie. Ils sont six aujourd'hui avec Xavier à se relayer autour de lui. Toutes ces personnes ont partagé son intimité. Beaucoup se sont révélées à son contact. " Qu'il s'agisse du marin pêcheur, sous-payé, de l'intérimaire malgré elle, obligée de masquer son état de santé pour pouvoir aller travailler pour pouvoir subsister ou du vieux mineur au poumon silicosé, ils décident tous de continuer malgré tout....

Une vie, c'est aussi une réflexion qui évolue, une personnalité qui se façonne au gré de rencontres.

Djamel rompt avec l'intégrisme après être tombé sur un verset du Coran qu'il a interprété comme " une injonction à travailler, à construire ".

Sarah semble lui réponde : " J'étouffais. Aujourd'hui encore, je refuse de me recponnaître uniquement à travers mes origines juives....Trop de communautarisme crée de la violence. Mon histoire m'a rendue sensible à toutes les minorités, à toutes les injustices. " Ce sont effectivement comme le dit l'auteur, des vies héroïques, faites d'actions et de réflexions qui méritent d'être connues et racontées.

Jean-François Chalot

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