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ReSPUBLICA, le journal de la gauche républicaine

n°560 - mardi 18 septembre 2007

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1 - chronique d'Evariste

1 - « UNE JOURNÉE SANS SARKO »… POUR COMBATTRE LA ROUTINE MEDIATIQUE.

On s’habitue à tout, même à l’insupportable. En quatre mois, le « bruit médiatique » sarkozyste, propre à nous crever les tympans, commence progressivement à faire partie de notre vie quotidienne. L’omniprésence quotidienne de l’image du Président dans les journaux télévisés, convoquée sur tous les sujets, donnant son avis sur l’ensemble de l’actualité, est un élément du décor de la rentrée.

Mais rien de nouveau sous le soleil. Sur le fond, on réinvente l’eau tiède. Et cette saturation médiatique constitue une formidable régression. En matière d’information, nous sommes en lice avec la Tunisie voire, à condition d’être d’un tempérament optimiste, avec l’Algérie qui compte quelques journaux d’oppositions « soft ». Seul coup de génie du Sarkozysme : donner un coup de jeune à cette tyrannie médiatique vieillotte, en pratique de l’autre côté de la Méditerranée, pour la transformer en nouveauté post moderne française. Les manipulateurs de cet abrutissement organisé visent sans doute à l’exemplarité. A quand « l’école française du contrôle médiatique » ? Notre pays est-il le laboratoire expérimental d’une rénovation du bourrage de crâne hertzien ? Reste qu’il est sûr que les pays occidentaux, anglo-saxons en particulier, se montrent particulièrement attentifs à l’évolution de la situation hexagonale. Est-il possible que les Français, amoureux quasi génétiquement de la chose politique, puissent accepter un tel traitement de choc ? Jusqu’où peut-on aller sans provoquer la crise de nerf sociale ? Et si ça marche en France, gageons que ce dispositif peut se mettre en place partout !

Mais quels sont donc ces éléments de rénovations de la vieille propagande ? En dehors des figures connues que sont l’hagiographie, la servilité journalistique, l’apologie et l’esprit de cour, la rénovation réside principalement dans deux modèles rhétoriques mis en avant de manière systématique : la diffusion d’informations absurdes (… et non contredites) et la fausse promiscuité avec la vie du Prince.

Absurdes et aberrants sont les mots appropriés pour qualifier certaines déclarations du chef de l’état. Prenons un exemple simple : les vacances du clan Sarko. Son séjour dans une maison de milliardaire lui aurait été offert par des « amis américains ». Or les faits sont sans rapport avec cette affirmation. Pour toute personne de bon sens, il ne peut y avoir que deux comportements rationnels liés à l’amitié et aux vacances. Première possibilité : « je suis ton ami et je t’aime tellement que je t’invite chez moi tous frais payés pour passer ensemble un bon moment ». Seconde possibilité : « je suis ton ami, et je t’aime tellement que je te laisse ma maison où, hélas, je ne serai pas car je travaille, mais je suis heureux que tu en profites en famille ».

Rien de tout cela dans l’épisode des Sarkovacances car nous apprendrons plus tard que cette maison a été louée et donc n’appartient pas aux « amis ». Il s’agit donc d’une location offerte par une association de deux familles dont on ignore les liens avec les Sarkozy. Ces amis américains se sont donc cotisés pour payer des vacances chiffrées au minimum à 80 ou 100000 dollars. A priori, il ne s’agit pas d’un comportement amical au sens « normal » du terme. Or aucun média important n’a signalé l’absurdité de l’information « invitation par des amis américains ». L’absurde devient l’évidence.

Deuxième innovation, l’utilisation factice de la promiscuité avec l’entourage de Sarko. L’épisode libyen en est une très bonne illustration. La poussée en avant de Cécilia -par ailleurs mise en scène en permanence comme la « rebelle magnifique », capable de donner une dimension extraordinaire au couple Sarkozy- permet de détourner l’attention et de dépolitiser des sujets brûlants. L’affaire libyenne est concomitante de ventes d’armes massives aux pires dictatures arabes par les Etats-Unis. Après le naufrage irakien, les Américains sont bien obligé d’accommoder les restes et de renforcer un Moubarak ou un Kadhafi avant qu’ils ne se transforment en cadavres politiques. Or, le caudillo de Tripoli a du sang anglo-saxon sur les mains et il n’est pas possible de traiter directement avec lui … l’on sous-traite donc l’opération à la France, trop heureuse de faire marcher ses usines d’armements. Toutes ces considérations stratégiques passent à la trappe grâce au subterfuge nommé Cécilia. L’attention est polarisée par son soi-disant rôle et les socialistes, toujours aussi malins, exigent qu’elle soit convoquée par la commission parlementaire, comme si cette audition avait la moindre importance. Cécilia noie le poisson de l’armement d’une dictature et de l’alignement français au doigt et à l’œil sur les USA. Et ceci sous un déluge médiatique avec la presse people en première ligne.

Face à cette déraison, comment réagir ? Tout simplement en adoptant une démarche simple : si l’information-propagande hertzienne ne nous convient pas, nous ne devons pas la consommer ! Cela s’appelle une dissidence. Notre défiance envers les journaux télévisés- qui constituent le medium à l’impact le plus fort- doit se traduire au minimum par la préparation d’une première grève d’avertissement. Bref, quelque chose du genre : nous refusons d’être le jouet d’un dispositif médiatique, donc nous organisons une « Journée sans Sarko » qui se traduira par le fait de ne pas ingérer d’info télévisé pendant 24h.

Voilà l’idée lancée, qu’en pensez-vous ?

On en reparle bientôt…

Évariste Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

2 - politique française

1 - Non à l'amendement sur les tests génétiques dans la politique d'immigration !

Communiqué de l'UFAL

Parce que l'UFAL considère que la famille est une catégorie sociale et non pas la cellule de base de la société ;

Parce que pour l'UFAL, la famille ne se réduit pas à un couple marié, avec ou sans enfant, ou à une famille monoparentale, et en tout état de cause, elle ne saurait se réduire à un patrimoine génétique commun ;
Parce que l'UFAL a participé à la campagne sur l'égalité en droit des enfants légitimes, naturels et adultérins ;
Parce que l'UFAL combat pour l'égalité en droits des couples ;
Parce qu'au nom du principe d'égalité nous refusons que soit exigé pour un étranger ce qui est interdit pour un français (les tests de filiation génétique ne peuvent être pratiqués en France que sur saisine judiciaire) ;

L'UFAL s'indigne de l'amendement concernant l'introduction de tests génétiques dans la politique d'immigration et de regroupement familial.

L'UFAL demande donc à la représentation nationale de repousser cet amendement.

Cela n'est pas la France.

L'Union Des FAmilles Laïques www.ufal.org

2 - Non au contrôle génétique de l’immigration

L’utilisation de tests génétiques pour contrôler l’immigration, actuellement en discussion au Parlement, constituerait une mesure régressive profondément choquante, car elle viserait à discriminer une certaine catégorie de la population, et ouvrirait insidieusement la porte au fichage génétique.

Alors que ce projet est encore en débat, vous trouverez ci-dessous un appel à signature, demandant à nos élus de voter non à ce texte. (...)

APPEL AUX PARLEMENTAIRES

Selon la loi actuellement en vigueur en France, les tests génétiques ne sont utilisables qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou après une saisine judiciaire. Les résultats de la recherche peuvent permettre certains progrès, mais aussi des utilisations inacceptables. Il serait aberrant que la loi favorise ces dernières. Pour la communauté scientifique, cela constituerait un détournement dangereux du fruit de leurs travaux, qu’elle doit dénoncer.

Or, un amendement à la loi sur l’immigration et le regroupement familial a été voté en première lecture le 12 septembre 2007 à l’Assemblée Nationale. Selon cet amendement, les autorisations à un tel regroupement pourraient se fonder sur des tests de filiation biologique, le plus souvent de paternité. Sa justification serait que lorsque des travailleurs immigrés en situation régulière veulent faire venir leurs enfants en France, l’administration n’est pas toujours certaine qu’il s’agisse exclusivement de leurs enfants biologiques. Si les parents qui souhaitent légitimement un regroupement familial peuvent payer environ 1000 € le test génétique, selon cet amendement, ils auraient leurs documents en règle plus facilement, bien qu’exclusivement pour les enfants du même sang qu’eux.

En France, les législateurs ont souligné l’importance du fait que le lien de filiation ne pouvait en aucun cas se réduire à sa dimension biologique. L’importance de ce principe est évidente lorsque l’on songe aux enfants adoptés ou aux familles recomposées. Ce principe cesserait-il d’être important pour ceux qui ne sont pas nés en France ? Le droit à vivre en famille, reconnu par la convention européenne des droits de l’homme, serait-il réservé aux Français ou à ceux qui ont les moyens de payer des tests génétiques, présentés avec une hypocrisie certaine comme non obligatoires, mais qui deviendraient vite indispensables ? Ignore-t-on que ce contrôle suplémentaire engendrerait immanquablement des trafics de documents et autres irrégularités ?

En contribuant une fois de plus à stigmatiser les candidats à l’immigration et sous prétexte de réduire un désordre, cette disposition en créerait un autre, infiniment plus grave, car il entamerait pernicieusement des principes éthiques, et ouvrirait la porte au fichage génétique de certaines catégories de la population. L’histoire nous a appris à quels désastres s’exposent les peuples qui acceptent de rogner peu à peu leurs principes éthiques, de banaliser l’inacceptable.

Nous, soussignés, demandons solennellement à nos représentants au Parlement de voter contre l’adoption définitive d’un texte inacceptable, qui ouvrirait la porte à d’autres abandons. Réagir à cet article réagir à cet article

signer la pétition

Source

Sauvons La Recherche recherche-en-danger.apinc.org

3 - Immigration: le test ADN "viole le principe de la famille française", selon des spécialistes

Le projet d'instaurer des tests ADN pour les candidats au regroupement familial promeut une conception de la famille "en contradiction" avec celle en vigueur en France, qui tend à reconnaître les recompositions de la cellule familiale, et viserait en fait à discriminer les migrants africains, estiment chercheurs et spécialistes interrogés par l'AFP.

"On demande aux familles étrangères, à peau noire ou basanée, d'être une vraie famille par le sang, or la vraie famille ne l'est pas tout le temps par le sang, il y a de nombreuses exceptions!", s'insurge le généticien Axel Kahn.

Il rappelle que la France "a décidé en 1994, au terme d'un débat exemplaire, que la définition de la famille ne pouvait pas être réduite à sa composante biologique et depuis ce texte n'a jamais été remis en cause".

L'amendement proposé par le député UMP Thierry Mariani, vivement critiqué par la société civile et même au sein de l'UMP, "est une violation du principe de la famille française où l'on peut reconnaître des enfants qui ne sont pas les siens et notamment adopter", renchérit Patrick Weil, historien et spécialiste de l'immigration.

"Il y a deux poids, deux mesures. Ce n'est pas cohérent quand au même moment Nicolas Sarkozy demande à son gouvernement de plancher sur un statut du beau-parent et sur les droits de succession pour les couples pacsés", insiste Jeanne Fagnani, spécialiste des politiques familiales.

"Ce qui serait vrai d'un côté de la frontière ne le serait pas de l'autre?", s'étonne la directrice de recherche au CNRS, pour qui "le gouvernement vise sans le dire les familles africaines qui vivent souvent en familles élargies".

"Il n'est pas exclu qu'il y ait des recompositions familiales dans le but d'organiser une migration mais il faut voir combien de personnes cela représente", nuance Patrick Weil. En 2005, près de 23.000 titres de séjours ont été délivrés au titre du regroupement familial, dont environ 9.000 pour des enfants: "les fraudes ne concernent que quelques dizaines ou centaines d'enfants" venus d'Afrique, dit-il.

Le test ADN n'est pas à proscrire forcément: il pourrait débloquer des situations kafkaïennes dans des pays sans état civil "pour éviter que le consulat de France ne bloque ad vitam aeternam une demande", estime M. Weil.

L'aspirant migrant pourrait demander ce test si sa demande n'a pas obtenu de réponse dans un délai fixé (6 mois par exemple): si son bon droit est prouvé, le coût -150 euros a minima, exorbitant pour la plupart des Africains- est à la charge de la France, sinon à la sienne: "ça serait dissuasif pour les deux parties".

En l'état actuel, le projet examiné mardi à l'Assemblée "est une fausse bonne idée qui présente deux inconvénients majeurs: le coût, bien sûr est le premier obstacle, et le bazar humain que cela peut provoquer si un père découvre qu'il n'est pas le père d'un de ses enfants...", explique Hélène Poivey-Leclercq, avocate spécialiste en droit de la famille.

En France, "3 à 8% des enfants ne sont pas ceux de leur père légal", fait valoir Axel Kahn, qui n'hésite pas à parler d'une "grenade dégoupillée qui risque d'exploser au sein de la famille".

Il en appelle "à la conscience" des députés: "la population française peut désirer des politiques d'immigration extrêmement restrictives sans vouloir régresser à ce point dans ce qui caractérise sa pensée morale".

AFP

4 - Ahurissantes propositions du Conseil d’analyse économique à M. Fillon

Page 5 dans « Ouest-France » de ce samedi matin 15 septembre, un article non-signé qui mériterait de faire la une de tous les journaux.

Après avoir brocardé la France qui serait la seule, donc « mauvais élève » en Europe à regretter l’euro fort (doit pas être très à gauche, ce chroniqueur), voici qu’on apprend les ahurissantes recommandations déposées jeudi dernier au premier ministre par le Conseil d’analyse économique.

Je cite « Ouest-France » car sinon on ne me croira pas :

« (…)

Merci à « Ouest-France », car ces hautes recommandations ne figurent pas du tout dans le compte-rendu anodin publié hier 14 septembre dans « Le Monde », sous la signature de Claire Guélaud.

Hormis le dernier point avec lequel je suis plutôt d’accord, il ne s’agit que de l’obsession de nos élites à nous ramener au niveau social des Chinois. Le pan-capitalisme esclavagiste et néo-maoïste est donc leur nouvelle « Ligne bleue des Vosges », la nouvelle utopie, la terre promise des décideurs parisiens et bruxellois, le péché mignon de ces hauts fonctionnaires décidés à casser coûte que coûte : l’ascenseur social qui les a personnellement favorisés dans la carrière universitaire, les services publics utiles à tous et toute protection sociale des plus faibles.

Donc passe encore pour la suppression de toute législation sociale et des retraites issue de la Résistance et de la Libération de 1944, c’est un cantique habituel, et on a les obsessions qu’on peut.

Mais quant à supprimer les dispenses de recherche d’emploi, c’est une pure fantasmagorie : S’il s’agit des handicapés et des vieux travailleurs usés prématurément (environ 400 000 chômeurs « seniors » dispensés de recherche de travail, soit 2 points de plus de chômage si on devait les compter dans les statistiques…) , autant leur dire directement de se diriger vers les bagnes de travaux forcés, ou carrément la chambre à gaz pour éléments sociaux parasites et improductifs… Rentrons en résistance !

Ce n’est pas moi qui exagère, c’est le « Conseil d’analyse économique » près du premier ministre ! Pauvre France !

 

Note :

Le Conseil d’analyse économique, ne riez pas :

« Le CAE est une instance pluraliste composée d’économistes reconnus de sensibilités diverses. Il comporte une trentaine de membres nommés à titre personnel, dont plusieurs membres étrangers, et six membres de droit qui représentent les grandes administrations économiques et sociales.
Le CAE est présidé par François Fillon, Premier ministre.
»

Pour connaître sa composition

Source

Luc Douillard

5 - Une politique de classe

Jamais un président de la République française n’aura autant incarné la défense des intérêts de la classe bourgeoise. Les symboles sont éclairants : descente au Fouquet’s le soir du second tour de l’élection présidentielle, vacances payées par des milliardaires... Nulle autre attitude ne pouvait mieux témoigner de la compromission du nouveau chef de l’Etat désormais nourri, blanchi, logé et transporté par la haute société dont il est l’agent.

La politique de classe qui est engagée a pour perspective d’achever la révolution conservatrice à la française. Initiée dans le monde au tournant des années 70 et 80 dès l’élection de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, elle avait débuté en France en 1976 avec le plan d’austérité du Premier ministre Raymond Barre, sous la présidence de Valérie Giscard d’Estaing. Interrompue 18 petits mois après la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle le 10 mai 1981, elle reprenait en 1983 avec le nouveau plan d’austérité décrété par Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances de François Mitterrand.

A l’époque, la France était le seul pays occidental à ne pas mener de politiques d’inspiration néolibérale, situation insupportable à tous ceux qui craignaient la force de cet exemple et le risque de la contagion. C’est pourquoi l’épouvantail de la « contrainte extérieure » a été inventé. Il sert à amuser la galerie afin de persuader les citoyens que rien ne peut plus se faire au niveau des nations, que celles-ci seraient dépassées, impuissantes, et même nuisibles, au point que la seule évocation du mot devient un délit de nationalisme, dévoilant nécessairement chez les coupables, étatisme, populisme et ouvriérisme.

Depuis, avec plus ou moins d’intensité, tous les gouvernements qui se sont succédés sont restés globalement sur cette ligne stratégique visant à rediscipliner le salariat. La « mondialisation », d’ailleurs, possède cet objectif central : celui d’une politique visant à réorganiser le travail à l’échelle planétaire. Il fallait punir les ouvriers, particulièrement les ouvriers français, qui, du Front populaire à la Libération en passant par 1968 et 1981, avaient fait trembler les puissants. Paradoxalement, Nicolas Sarkozy a pu donner à une partie non négligeable du salariat l’illusion du volontarisme et du retour de la politique. Ainsi, 48 % des ouvriers et 44 % des employés se déclaraient « satisfaits » de son élection…

Face à cette politique de classe menée désormais « sans complexes », c’est à la consolidation d’une conscience de classe du salariat qu’il convient d’œuvrer. A cet égard, la référence au programme du Conseil national de la Résistance et au préambule de la Constitution – qui s’en inspire – reste indispensable. Le récent déplacement du chef de l’Etat à l’université d’été du Medef le confirme.

Nicolas Sarkozy, en effet, a parfaitement bien résumé sa politique de classe : « Mon souhait est que toute la nation soit rassemblée derrière ses chefs d’entreprise ». Il faisait écho à la stratégie de « refondation sociale » du Medef, portant sur les régimes de retraite, l’assurance-chômage, le contrat de travail, la médecine du travail et les voies et moyens de la négociation collective. Cette véritable tentative de coup d’État rampant vise à remplacer la loi par le contrat. Les représentants du peuple, les députés, ne voteraient plus la loi dans le domaine social, celle-ci serait remplacée par des contrats à géométrie variable décidés dans les bureaux du Medef !

Laurence Parisot, la présidente du Medef, a proposé à Jouy-en-Josas d’intégrer les principes de la « refondation sociale » à la Constitution. Que répondra Nicolas Sarkozy qui vient de mettre en place le « comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République », présidé par l’inénarrable Edouard Balladur, et comprenant Jack Lang dans le rôle de bouffon du roi ? Il serait déjà question de faire disparaître le préambule de la Constitution…

Ainsi, les derniers vestiges du programme du Conseil national de la Résistance partiraient en fumée. On pourrait considérer, le monde ayant changé, que la modernité justifierait de passer à autre chose. C’est vrai, le monde a changé : jamais la richesse et la puissance n’ont été concentrées en si peu de mains. En 1944, le programme du CNR voulait « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et le « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ». Ce qui était valable en 1944 l’est encore aujourd’hui, avec une force décuplée.

Au fait, face à la crise financière, pourquoi personne n’évoque plus le « retour à la nation » des grandes banques ?

Source

Jacques Nikonoff

3 - Liberté d'expression

1 - Un groupe jihadiste irakien menace de mort un dessinateur suédois

«Nous exhortons à la liquidation de l'auteur de la caricature, Lars (Vilks), pour avoir offensé notre prophète» et «nous annonçons une récompense de 100.000 dollars pour celui qui tue ce criminel infidèle». Voilà pour le communiqué d'un groupe qui se revendique de «l'Etat islamique d'Irak» pour s'autoriser à lancer une fatwa.
En effet, en principe, une fatwa ne peut avoir valeur de "loi" si elle n'est pas émise depuis un Etat islamique, en l'occurence totalement virtuel.

caricature-mahomet.jpg

La caricature suédoise

Le groupe se présente comme une branche irakienne d'Al-Quaïda et vise un dessinateur suédois ayant publié un dessin montrant Mahomet avec un corps de chien dans un journal danois local d'Örebro Nerikes Allehanda, le 18 août dernier. Un dessin publié suite au refus de plusieurs galéries d'art suédoise de l'exposer. Autant dire que personne n'aurait vu ce dessin sans l'hystérie habituelle des islamistes. En l'occurence d'un groupe irakien exigeant des excuses des «croisés» sous peine de s'en prendre à leurs grandes entreprises du pays. «Nous nous réservons le droit de punir l'auteur de ce crime. Nous savons comment vous amener à faire des excuses, sinon attendez-vous à ce que soit frappée l'économie de vos firmes géantes telles que Ericsson, Scania, Volvo, IKEA et Electrolux», menace le dirigeant de la guérilla irakienne.

Il y a huit jours, le Premier ministre suédois Frederik Reinfeldt a tenté de désamorcer la crise en recevant à Stockholm les ambassadeurs d'une vingtaine de pays musulmans. Ce que le gouvernement danois avait refusé de faire au moment de la crise des caricatures de Mahomet. Un geste qui n'a rien changé. Le chargé d'affaires suédois a été convoqué à Téhéran. Et l'ambassadeur de Suède en Arabie saoudite a dû présenter les excuses de son pays à l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Mais les menaces continuent.

Le dessinateur est en sécurité à l'étranger et le directeur du journal, également menacé de mort, a été placé sous protection.

Source

ProChoix

4 - débats politiques

1 - Rentrée douloureuse en Sarkozie

C’est toujours plus douloureux de rentrer de vacances dans un pays que vous avez quitté fâché. Ceux qui ont voté Sarkozy ont sans doute plus de facilité à faire leur rentrée que les autres.

Ces petits riens qui coincent

Il était déjà difficile de trouver un coin du monde, une simple petite plage, où l’hyperactivité de notre nouveau président ne fasse du vent. Il est encore plus difficile de se mettre à l’abri de une fois de retour. Il se passe pourtant des choses dans le monde : un président islamiste en Turquie, une percée contenue au Maroc, de nouveaux attentats en Algérie, des morts au Pakistan, en Irak… Il y a de quoi s’occuper l’esprit. Mais il y a toujours ces toutes petites choses, insignifiantes me direz-vous, mais qui vous donnent le sentiment de voir la France s’enfoncer dans une comédie grotesque. Des bourrelets corrigés à coups de Photoshop par des infographistes de Paris-Match craignant la réprimande élyséenne. Des journalistes politiques révérencieux comme jamais. Des opposants qu’on ne voit plus tellement à la télé. Une équipe de rugby à qui on lit la lettre de Guy Môquet avant d’entrer sur la pelouse. Et que l’on trouve bizarrement fébrile (vous avez déjà vu des gens vouloir se mettre à massacrer un groupe adverse après avoir lu la lettre d’un résistant méditant sur le drame de la violence humaine ?). C’est un peu comme donner du hasch à un athlète juste avant sa course. Remarquez, je m’en fiche moi que des joueurs de rugby aient envie de pleurer plutôt que de foncer comme des brutes sur un ballon ovale. Vraiment. Simplement, comme notre nouveau président avait laissé entendre qu’il serait dans les tribunes pour s’associer au triomphe, je fais nécessairement partie de ceux qui, mauvais joueurs, ont envie de voir l’équipe de France se faire écraser par l’Afrique du Sud…

Privation et renoncements

Plus sérieusement, puisque je fais aussi partie de ceux qui aimeraient que l’on critique le nouveau président de façon constructive et non de façon mesquine, il y a quantité de dossiers en cette rentrée qui donnent envie de hurler. Achever la privatisation de GDF, ce que Nicolas Sarkozy avait promis de ne pas faire. Dans ce domaine, toutefois, il faut reconnaître que le retournement de Sarkozy est moins une trahison que celui de Jospin, l'homme qui a amorcé ce processus en privatisant plus que Balladur... Tous ceux qui pensent y voir un progrès, je leur conseille vivement d’aller choisir un opérateur privé et de nous en donner des nouvelles quand leurs factures s’envoleront et qu’ils se retrouveront aux prises avec un contrat kafkaïen, comme ceux qu’ils ont déjà à cause de la privatisation de la téléphonie. Vous avez déjà vu une coupure de courant massive en France due à la financiarisation de l’énergie ? Attendez, vous verrez c’est dépaysant, on se croirait en vacances dans un pays du Sud ou en Angleterre…

L’école, ce grand corps malade

Autre dossier, celui de l’école. Ceux qui n’ont pas vu l’excellent documentaire diffusé par Canal +, l’ « Education nationale, ce grand corps malade » ne peuvent mesurer combien jamais, dans l’histoire politique récente, il n’a existé un tel consensus pour repenser et redynamiser ce secteur. Les conseillers de Nicolas Sarkozy, peut-être le président lui-même, ont eu l’intelligence de le voir. La lettre de rentrée adressée par Nicolas Sarkozy aux enseignants, quoi qu’en disent les syndicats, est absolument superbe. Le président semble avoir pris la mesure du défi. Malheureusement, comme toujours, les politiques concrètement mises en place ne sont absolument pas à la hauteur de la communication présidentielle. Le défi, quel est-il ? 83 % d’élèves dotés d’un bac noté au rabais se retrouvent pleins d’illusions sur les bancs de la fac, qu’ils quitteront au cours de la première année à 51 %. Parce que le système a surévalué leurs capacités depuis le primaire, au lieu de fortifier leurs bases, au point de leur faire croire que n’importe quelle orientation était possible. Quitte à ce qu’ils tombent du 14ème étage au dernier moment, c’est-à-dire celui où la réorientation sera presque impossible (puisqu’il leur manque les bases). Sans parler de la primauté donnée à la créativité pédagogique, source de toutes sortes d’innovations au détriment d’un tronc commun peut-être classique mais solide. Ni de la méthode globale qui a massacré l’orthographe de toute une génération, dont je suis… Sarkozy était peut-être le seul président à pouvoir s’attaquer à tout cela étant donné son état de grâce et l’image détestable qu’il a de toute façon auprès des dinosaures syndicaux. Mais que va-t-il faire ? Libéraliser l’école et les méthodes pédagogues, diminuer les heures de cours, pour dégraisser le nombre d’enseignants, abandonner la carte scolaire et pulvériser le collège unique. Bref, démanteler le principal secteur pour sauver les enfants de riches de la mixité avec le niveau tragique des enfants de pauvres… Derrière les mots volontaristes se trame un renoncement, un abandon gravissime. Celui du ciment commun, centre de la citoyenneté et de l’égalité des chances.

La citoyenneté sacrifiée sur l’autel de l’identité

La citoyenneté ? Les supporters de Nicolas de Sarkozy vous diront qu’elle fait désormais partie des compétences du ministère de l’"Immigration et de l’Identité Nationale" ! Tout à l’envers. On le sait, la crise des valeurs républicaines communes n’est plus liée depuis longtemps à l’immigration mais bien à celle de l’éducation de Français écartelés selon leur identification culturelle et leur classe sociale. Mais ce serait trop long à expliquer aux Français… Mieux vaut faire lire la lettre de Guy Môquet dans les classes et continuer à faire croire que tout sera résolu quand on aura interdit aux Français de continuer à épouser des étrangers qui ne parlent pas bien français. Une loi en préparation qui constitue une violation caractérisée des Droits de l’homme et du citoyen français. Mais tout le monde s’en fiche, tellement heureux de savoir que la solution était si simple et qu’il suffisait d’avoir le courage d’y penser.

Communautarisation et guerres de bandes

Autre dossier, toujours lié à la cohésion sociale et au renoncement qu’incarnent, en dépit des apparences, les politiques mises en place depuis 2002 : la violence et la communautarisation rampante. Les deux vont de pair. Même les RG s’en sont rendu compte et le signalent dans leur rapport faisant suite aux affrontements entre bandes de la Gare du Nord : plus 29 % de violences dues aux bandes depuis 6 mois ! Qu’en pense l’opinion publique sarkophile à toute épreuve ? Rien. On ne leur a pas posé cette question remarquez. C’est pourtant bien la politique mise en place par Nicolas Sarkozy depuis maintenant cinq ans qui mériterait d’être interrogée au vu de cette flambée de violence. Comme elle aurait dû l’être au vu des émeutes de novembre 2005. Ceux qui se sont penchés sérieusement sur le dossier, comme j’ai souhaité le faire dans mon dernier livre (Le Choc des préjugés) savent combien les méthodes employées vont à l’opposé de ce qu’il faudrait faire. Les autres préfèrent se persuader que la violence est une fatalité et qu’il suffit de cogner toujours plus fort pour s’en protéger. Pourtant, c’est bien la communautarisation et l’abandon du social qui nourrissent les identifications radicales, sources de violences. Y remédier supposerait un plan Marshall des quartiers populaires, des crédits pour les travailleurs sociaux et les associations citoyennes, une police de liaison et non uniquement de répression, mais surtout une école citoyenne et non à la carte, démantelée, abandonnée !

Je m’arrête là pour les sujets de fond. Je regarde notre nouveau président. J’entends ses discours dont la tonalité républicaine et volontariste manque tant à gauche. Je comprends ceux qui, malgré quelques mauvais pressentiments, veulent y croire. J’aimerais sincèrement que la France passe au mieux les défis de notre époque. Et je me dis qu’il faudra tout reconstruire après. Quand la lucidité et la raison auront triomphé de la fascination pour l’image, des effets de manche et des beaux discours. Le chemin sera long, parfois désertique. Mais nous devons tous être les acteurs de cette démystification.

Source

Caroline Fourest

2 - Emmanuel Todd : « Kouchner est passé de Médecins du monde à Militaires sans frontières »

Emmanuel Todd vient de publier, avec Youssef Courbage, un ouvrage, Le rendez-vous des civilisations[1], qui tord le cou à la thèse du choc des civilisations. Pour ces deux démographes, la montée de l'islam radical n'est que l'un des signes, nombreux, de la modernisation du monde musulman dont l'aspect démographique est d'ailleurs le plus éclatant. Les sociétés du monde musulman sont entrées dans une transition démographique qui voit progresser l'alphabétisation des hommes puis des femmes, avant que le nombre d'enfants par femme se rapproche de celui de l'occident. Tout cela évoque selon eux une montée de l'individualisme dans ces sociétés. L'analyse démographique les conduit ainsi à rejeter l'idée d'une différence de nature entre les sociétés anciennement chrétiennes et les sociétés musulmanes.

Que penser de la déclaration musclée de Bernard Kouchner sur l'Iran?

Emmnuel Todd : Son intervention ravive une interrogation personnelle qui date de la guerre d'Irak, où il s'était déjà prononcé en faveur de l'intervention américaine : quelle peut être la psychologie d'un médecin qui manifeste une préférence stable pour la guerre ? Nous passons trop vite de Médecins du monde à « Militaires sans frontières ».
Plus sérieusement Bernard Kouchner n'a fait qu'exprimer maladroitement la ligne Sarkozy, qui de fait est la ligne de Washington. Avant la présidentielle, j'avais suggéré que les Américains attendaient l'élection de Nicolas Sarkozy pour s'attaquer à l'Iran.

Le Quai d'Orsay propose une autre lecture de cette déclaration : il ne s'agirait pas, en fait, de menacer l'Iran mais de montrer à ses dirigeants actuels le coup économique de leur refus d'obtempérer aux recommandations de la communauté internationale.

On peut dire ce qu'on veut, mais le mot guerre a été prononcé, et le Quai d'Orsay apprendra d'autres nouvelles par la presse.

L'Iran inquiète davantage certains observateurs que l'Irak avant l'intervention américaine.

La question de l'Iran se présente sous la forme d'un flot d'images et de faits difficiles à interpréter vu de France. Il y a les propos absurdes du président Ahmadinejad, les images de femmes couvertes de noir, et l'islamophobie ambiante. Tout cela masque la réalité profonde de l'Iran : une société en développement culturel rapide, dans laquelle les femmes sont plus nombreuses que les hommes à l'université, un pays dans lequel la révolution démographique a ramené le nombre d'enfants par femme à deux, comme en France ou aux Etats-unis. L'Iran est en train de donner naissance à une démocratie pluraliste. C'est un pays où, certes, tout le monde ne peut pas se présenter aux élections, mais où l'on vote régulièrement et où les basculements d'opinion et de majorité sont fréquents. Comme la France, l'Angleterre ou les Etats-unis, l'Iran a vécu une révolution qui se stabilise et où un tempérament démocratique s'épanouit.
Tout cela est à mettre en rapport avec une matrice religieuse dans laquelle la variante chiite de l'islam valorise l'interprétation, le débat et, éventuellement, la révolte.

Pour un simple observateur occidental, l'assimilation du chiisme au protestantisme n'est pas une évidence qui tombe sous le sens.

Il serait absurde de pousser à l'extrême la comparaison. Mais il est clair que de même que le protestantisme a été, dans l'histoire européenne, un accélérateur de progrès et le catholicisme un frein, le chiisme apporte aujourd'hui une contribution positive au développement, notamment dans le domaine du contrôle des naissances : l'Azerbaïdjan, certes postcommuniste, mais également chiite, est à 1,7 de taux de fécondité, les régions alaouites de Syrie rattachées au chiisme, ont terminé leur transition démographique contrairement aux régions majoritairement sunnites. Au Liban, la communauté chiite, base sociale du Hezbollah, était en retard sur le plan éducatif et social, mais elle est en train de rattraper les autres communautés, comme on le voit dans l'évolution du taux de fécondité.
L'Iran est aussi une très grande nation qui manifeste une conscience réaliste de ses intérêts stratégiques dans une région où la majorité de ses voisins possède l'arme nucléaire : le Pakistan, l'Irak et l'Afganistan (via la présence de l'armée américaine), Isräel. Dans ce contexte, l'attitude européenne raisonnable serait d'accompagner l'Iran dans sa transition libérale et démocratique et de comprendre ses préoccupations de sécurité.

Dans votre livre, vous faites l'hypothèse tout à fait surprenante d'une possible laïcisation des sociétés musulmanes.

Dans la mesure où dans les mondes catholique, protestant, orthodoxe et bouddhiste, la baisse de la fécondité a toujours été précédée d'un affaiblissement de la pratique religieuse, on doit se demander si des pays musulmans dans lesquels le nombre d'enfants par femme est égal ou inférieur à 2 ne sont pas en train de vivre aussi, à notre insu – et peut-être même à l'insu de leurs dirigeants – un processus de laïcisation. C'est le cas de l'Iran.

Pourquoi les Américains et Sarkozy ont-ils adopté cette stratégie de confrontation avec l'Iran ?

Les services diplomatiques américains sont parfaitement au fait de la réalité iranienne, de la montée de la démocratie et de la modernisation du pays. Mais ils veulent abattre une puissance régionale qui menace leur contrôle de la zone pétrolière. C'est un pur cynisme utilisant l'incompréhension actuelle du monde musulman. Dans le cas de Sarkozy, je pencherais plus pour l'idée d'incompétence ou de sincère ignorance, qui le conduit néanmoins à amorcer une politique extérieure contraire à la morale et à l'intérêt de la France. D'éventuelles sanctions économiques françaises contre l'Iran feraient rire les Américains qui n'ont plus d'intérêts dans ce pays, et sourire les Allemands, qui ont comme nous en ont beaucoup, mais semblent pour le moment plus réalistes.

Notes

[1] Le rendez-vous des civilisations, Emmanuel Todd et Youssef Courbage, Le Seuil, 2007

Source

Le Journal Marianne www.marianne2007.info

3 - L’attaque contre l’Histoire

Il est important de rapprocher l’article de Robert Fisk de ce jour dans The Independent de la nouvelle mise en ligne sur notre site le 15 septembre concernant le véritable coût humain de la guerre en Irak et son aspect désormais génocidaire. Les deux points de vue sur la guerre se complètent. Ils composent une appréciation catastrophique et radicale de l’événement. Cette appréciation est expliquée dans son mécanisme, par Noami Klein, selon l’interprétation qu’en fait Kimberly Phillips-Fein, professeur à l’université de New York, comme «a political project driven by neoliberal ideology and economic interest — a natural extension of the corporate dominance of the 1990s, instead of a radical break» (voir «The education of Naomi Klein», sur le site du The Ottawa Citizen, le 16 septembre).

Il y a une continuité historique dans ce processus, précipitée par 9/11 plutôt que rompue par lui. Nous écrivons une “continuité historique” pour décrire la chronologie mais, dans l’esprit lorsque la chose se prétend idéologie, c’est évidemment l’inverse : cette “continuité historique” est une une attaque contre l’Histoire, une volonté réalisée ou non de détruire l’Histoire (la mémoire, l’identité, etc.). On peut sans hésiter qualifier la substance de l’événement de maléfique. C’est une sorte de malédiction systémique, où la pensée humaine est prisonnière du système qu’elle a elle-même enfanté.

L’article de Fisk est une enquête sur l’état de l’histoire archéologique de l’Irak, ce pays célébré comme berceau archéologique de l’humanité. La destruction systématique de ce patrimoine a commencé avec l’invasion US, a été permise par cette invasion, dans nombre de cas cette invasion y a largement et précisément contribué. Il est nécessaire de voir un lien de cause à effet direct entre l’invasion et cette destruction-là jusqu’à une intentionnalité inconsciente, — à peine inconsciente en réalité, au point qu’on peut avancer le concept de “deux guerres” (voir plus bas).

Fisk a enquêté en Irak comme il sait le faire, avec patience et minutie. Il rapporte une peinture saisissante de cet aspect de la guerre, à la fois symbolique et véridique, qu’il désigne comme ceci : «It is the death of history.»

»( Lebanese archaeologist Joanne Farchakh), who helped with the original investigation into stolen treasures from the Baghdad Archaeological Museum in the immediate aftermath of the invasion of Iraq, says Iraq may soon end up with no history.
»“There are 10,000 archaeological sites in the country. In the Nassariyah area alone, there are about 840 Sumerian sites; they have all been systematically looted. Even when Alexander the Great destroyed a city, he would always build another. But now the robbers are destroying everything because they are going down to bedrock. What's new is that the looters are becoming more and more organised with, apparently, lots of money.
»“Quite apart from this, military operations are damaging these sites forever. There's been a US base in Ur for five years and the walls are cracking because of the weight of military vehicles. It's like putting an archaeological site under a continuous earthquake.”
(…)
»US officers have repeatedly said a large American base built at Babylon was to protect the site but Iraqi archaeologist Zainab Bah-rani, a professor of art history and archaeology at Columbia University, says this “beggars belief”. In an analysis of the city, she says: “The damage done to Babylon is both extensive and irreparable, and even if US forces had wanted to protect it, placing guards round the site would have been far more sensible than bulldozing it and setting up the largest coalition military headquarters in the region.”
»Air strikes in 2003 left historical monuments undamaged, but Professor Bahrani, says: “The occupation has resulted in a tremendous destruction of history well beyond the museums and libraries looted and destroyed at the fall of Baghdad. At least seven historical sites have been used in this way by US and coalition forces since April 2003, one of them being the historical heart of Samarra, where the Askari shrine built by Nasr al Din Shah was bombed in 2006.”
»The use of heritage sites as military bases is a breach of the Hague Convention and Protocol of 1954 (chapter 1, article 5) which covers periods of occupation; although the US did not ratify the Convention, Italy, Poland, Australia and Holland, all of whom sent forces to Iraq, are contracting parties.»

Les deux guerres d’Irak

Ces différents éléments rassemblés ci-dessus mettent en lumière ce qu’on pourrait désigner comme une “théorie des deux guerres” pour caractériser les événements irakiens depuis mars 2003. Il y a une convergence des événements opérationnels, techniques, voire idéologiques, pour conforter l’hypothèse.

Nous sommes en train, au travers de nouvelles et d’enquêtes comme celles que nous citons ici, de prendre la mesure de la radicalité du phénomène de la guerre d’Irak (“les deux guerres”). Même l’explication d’Alan Greenspan nous semble incomplète, — même si certains se satisferont d’avoir confirmation de “ce que tout le monde savait” : «I am saddened that it is politically inconvenient to acknowledge what everyone knows: the Iraq war is largely about oil.» Il y a dans cette explication une rationalité classique, un “réalisme” même cynique qui nous évitent la principale confrontation avec la monumentale signification de cette guerre. (Mais Greenspan se doute peut-être de quelque chose puisqu’il écrit: “largely”, ce qui laisse une place pour une/des autres explications…)

Le problème des dirigeants non-US, particulièrement européens, est de ne pouvoir prendre en compte une dimension que tout en eux, — politiquement, mais aussi culturellement et psychologiquement (fascination conformiste de l’Amérique), — les pousse à ignorer mais qu’il leur sera de plus en plus difficile d’ignorer. Cette dimension n’est ni politique, ni géopolitique, ni stratégique ; c’est une dimension de “rupture de civilisation” ; c’est une dimension qui se traduit par le fait de savoir qu’en s’alliant aux USA on s’allie à une machine dont la fonction est devenue aujourd’hui, à ciel ouvert pour une raison ou l’autre, la destruction de toutes les structures de ce qui forme une civilisation.

Source

DeDefensa.org www.dedefensa.org

5 - Média

1 - Une télé si à droite...

Petit aperçu du nouveau ton de la télévision publique en cette rentrée. Sur France 5, "Revu et Corrigé" de Paul Amar remplacera le décryptage sans merci de "Arrêt sur Images". Autrement dit, on ne s'y interrogera pas sur la complaisance des médias envers le nouveau pouvoir mais plutôt, selon la bande-annonce, sur pourquoi les médias se sont montrés si "accueillants" (sic) envers Dominique de Villepin à propos de sa convocation dans l'affaire Clearstream... Fallait-il en plus ne pas lui donner l'occasion de s'expliquer ? Lui qui est mis en examen pour avoir simplement osé demander une enquête sur des malversations où le nom de Sarkozy apparaissait. Certes à tort. Mais comment le savoir si l'on ne demande pas une enquête ?

On enchaîne par "Chez FOG", l'émission la plus rance du PAF. Avec un Franz-Olivier Giesbert égal à lui-même, cynique, sarkozyste en diable et amoureux de tout ce qui sent bon la droite virile. En l'occurence Maurice G. Dantec, sorte de Maurras des temps modernes, l'amour de la France et le talent en moins. Vous me direz, pour une fois qu'il n'invite pas Tariq Ramadan ! Et oui, il est comme ça Giesbert. Il aime autant Tariq Ramadan que Dantec, autant l'islamisme que le racisme anti-musulmans (Dantec rêve de voir l'"occident prendre les choses en main de façon virile", entendez envoyer quelques bombes sur l'Iran et faire vivre aux musulmans en général une sorte d'extermination façon Bosnie mais à l'échelle du globe). À ses côtés, même Xavier Bertrand et son ton de vendeur d'assurance a quelque chose de rassurant. On apprend tout même que son bouquin favori n'est autre que "l'art de la guerre". "Les syndicats n'ont qu'à bien se tenir !" ricane Giesbert. Humour de droite on vous dit...

Comme si cela ne suffisait pas, il a fallu endurer une leçon de féminisme de... Marie Darrieussecq. Ah oui parce que dans le nouveau monde, être féministe c'est voter Ségolène Royal... Face à Jean-Luc Mélenchon, qui rappelait à juste titre combien mettre en avant sa nature de femme comme une vertu en soi n'était pas guère progressiste, l'écrivaine s'est lancée dans une leçon à retourner les tripes de toutes les héritières du MLF.

À l'écouter, avant, il y avait un "féminisme de dames" qui proclamait l'égalité entre les hommes et les femmes en insistant sur le fait qu'il n'y avait pas de différence. Le féminisme moderne, lui, aurait l'idée géniale d'insister au contraire sur la différence des sexes pour ne pas noyer le féminin dans le masculin. En fait de modernité, ce féminisme hormonal, dégoulinant de nature, est vieux comme le carcan de la féminité, digne des envolées mystico-psychanalytiques d'Antoinette Fouque ou d'un féminisme de droite, certainement digne aussi d'une écrivaine venue au féminisme par le ségolisme, mais franchement si c'est ça le progrès — réclamer le droit à la différence et la reconnaissance par les hormones — autant choisir Christine Boutin pour représenter le PS aux prochaines élections. En passant directement à droite, on perdrait moins de temps à se demander comment réformer la gauche !

Source

Caroline Fourest

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