Chronique d'Evariste
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Sortie de crise : tenter d'y voir clair dans un nuage de poudre aux yeux

par Évariste
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Il y a quelque obscénité pour le gouvernement et ses relais médiatiques à parler de sortie de crise aujourd’hui alors que le chômage ne cesse d’augmenter (4,25 millions d’inscrits à Pôle emploi fin septembre toutes catégories confondues ; 2,58 millions en catégorie A, soit une augmentation de 25% en un an et un taux de chômage repassé au dessus des 9% de la population active), le nombre de ménages en situation de surendettement explose (17,6% de dossiers déposés depuis le début de l’année par rapport à 2008), les impôts locaux en hausse sensible (taxe d’habitation : +8,1%, taxe foncière : +9,1%).

Mais en plus, tout cela n’est que de la poudre aux yeux si on se donne la peine de regarder les chiffres de près. Certes, la consommation en produits manufacturés a augmenté de 2,3% en septembre et le PIB a augmenté de 0,3% au 2ème trimestre 2009 après une baisse de 1,4% aux 2 trimestres précédents ; mais lors des 2 trimestres précédents, le « prix » du PIB avait augmenté et la baisse globale était due à une baisse importante en volume. Le trimestre dernier, le volume a augmenté mais le prix à baissé. Car il faut rappeler que nous sommes en déflation (le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation est négatif depuis le mois d’avril). Dit autrement, la valeur ajoutée dégagée par cette augmentation du PIB est bien moindre que le laisse penser le chiffre brut. Tout cela laisse craindre que nous rentrons dans une spirale combinant une hausse de la consommation, et du PIB en volume à une déflation, et une baisse du PIB en valeur, d’où une baisse des profits et une hausse des fermetures d’entreprises et du chômage.

Alors que les dogmes européistes (un déficit public <3% du PIB et une dette publique <60%) ont été pulvérisés avec la crise, il est temps de s’interroger sur les lendemains de la relance budgétaire keynésienne qui pourraient se révéler plus que difficiles.

En gardant comme seule boussole la croissance à tout prix du PIB, le gouvernement non seulement rate une occasion unique de poser les bases d’une nouvelle économie qui combine justice sociale et protection environnementale, mais il nous prépare un avenir sombre. Car cette masse de dette accumulée, il faudra bien la solder un jour, et puisqu’elle n’aura pas été utilement employée à changer notre système économique qui repose sur une double exploitation, sociale et écologique, il faudra la solder avec les deux seules possibilités qu’il offre, à savoir la hausse des impôts et un retour de l’inflation.

Dans le champ de ruines sociales et écologiques qui succèdera à l’illusion de la relance, pas sûr que notre omniprésident ne préfère pas postuler à la présidence de l’UE plutôt que de chercher à rempiler à une place qui pourrait bien devenir très inconfortable.

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Les ruptures fondamentales dans le schéma du capitalisme

par Guillaume Desguerriers

Suite de l’article : Les catégories fondamentales du capitalisme

Dans le schéma bien huilé du « capitalisme fordiste », plusieurs ruptures fondamentales vont subvenir à partir des années 70 pour mener à la crise actuelle qui n’est pas une crise d’ajustement, mais bien une crise due aux impossibilités de l‘économisme à faire face aux réalités par ses catégories fondamentales que sont : le travail, l’argent et le trio production / consommation / exploitation. Plus que des catégories de pensées économiques, ces éléments sont le socle du paradigme dominant, c’est-à-dire ce qui permet d’orienter les individus dans la perception (et donc leurs actions pratiques… ) qu’ils ont du monde vivant (écologie), du rapport à autrui (la société) et du rapport à eux-mêmes (construction de sa vie personnelle, identité).

Une rupture historique

L’effondrement du mur de Berlin et la fin de « l’alternative » soviétique laisse le capitalisme seul maître sur la planète. De fait, il peut définitivement laisser dérouler la logique de son paradigme (c’est-à-dire de ses valeurs éthiques et culturelles) sans obstacles. Certains parleront du « turbo-capitalisme » signifiant par là l’absence totale de frein. Ainsi, libérée des contraintes, la distribution des richesses à travers le modèle de cohabitation des deux sphères : l’une capitaliste, l’autre de « l’état social » n’a plus de sens. Et comme le modèle de l’état social ne s’est pas préoccupé de se pérenniser par un socle de construction individuel (mais par une vision purement étatisée et collective), c’est la culture et l’éthique capitaliste qui l’emporte, puisque celle-ci interpelle l’individu dans sa singularité (voir article précédent).

Rupture dans l’appareil de production due à l’automatisation

Durant les années 70, l’informatisation et l’automatisation de la production permettent d’accroître considérablement la productivité. L’un des socles du paradigme étant toujours le trio production / exploitation / consommation, les gains en rendement ne servent pas à réduire le temps consacré à la production, mais à produire davantage. La première conséquence est un accroissement de la pression sur l’environnement, car il s’agit d’alimenter la croissance des cadences de production. La seconde conséquence est la détérioration et l’avènement de produits de plus en plus jetables. En effet, il s’agit, coûte que coûte, d’écouler une production grandissante par la consommation.
Pour assurer cette (sur)consommation, la durabilité des biens est réduite afin d’obliger les individus à remplacer l’existant (par exemple : une machine à laver durait 25 ans, elle n’est aujourd’hui conçue que pour tenir 7 ans). Dans un contexte où le capitalisme veut absolument assurer la rente alors que l’automatisation et l’informatisation tendent à accélérer la baisse tendancielle de la plus value (même si elles ont augmenté la plus value), la pression sur les salaires et la jetabilité des biens produisent l’endettement massif des citoyens, puis des États. C’est ce passage à une automatisation qui, en nécessitant de lourds investissements, va accroître le recours à la financiarisation. Cette sphère financière, développée à l’origine pour soutenir l’industrie, va finir par s’autominiser de plus en plus, et s’imaginer qu’elle peut produire de la valeur à partir de rien, au point de n’avoir plus aucun rapport avec la production matérielle.

Une rupture écologique au sens global

Dans les logiques de l’économisme, l’accroissement de la productivité ne vise d’autres possibilités que de fabriquer davantage, ce qui montre la rupture d’avec une « finalité humaine » (écologique au sens global), puisque produire 10 voitures en deux fois moins de temps ne devrait permettre, in fine, que de réduire de moitié le temps de travail ! C’est-à-dire de donner plus de temps aux individus. Mais les valeurs éthiques et culturelles, sous tendues par les pratiques de l’économisme, ne sont pas à l’écoute du monde, et ne visent que le fonctionnement de l’activité économique. L’économisme, en centralisant tout sur l’économie, a opéré un effacement des « finalités humaines et écologiques » pour proposer des valeurs de vies individuelles qui garantissent la suprématie de l’économie par les préoccupations individuelles. À gauche, la culture identitaire ouvriériste relève de cet assujettissement à l’économisme. Pour le productivisme et le capital, il s’agit de forger des mentalités et des valeurs identitaires qui soutiennent le règne de l’économie face à des finalités humaines et écologiques.
Ainsi, le développement du capitalisme suit le trio production / exploitation / consommation d’une manière autiste, en totale coupure avec le reste du monde, donc avec l’écologie au sens global (c’est-à-dire le monde vivant, la vie des individus au sein de ce monde vivant, mais aussi la capacité à être à l’écoute des rythmes biologiques). L’accroissement de la productivité par l’automatisation va accélérer la pression environnementale exercée pour subvenir aux cadences de production. Si les dégâts environnementaux pouvaient être ignorés (car locaux) jusque dans les années 70, la fin du capitalisme fordiste accélère la dégradation de l’environnement et, surtout, la mondialise ! Ainsi, la position écologique au sens global ne trouve pas son fondement dans la seule « préservation de l’environnement pour l’environnement », mais dans une vision bien plus large qui accuse le mode de développement productiviste au sens où il détruit le monde vivant et écarte des équilibres biologiques, c’est-à-dire : le monde vivant, l’homme et les équilibres écologiques.

Mutation du « capitalisme fordiste » vers un « capitalisme cognitif »

L’accroissement de la productivité a rendu, dans un second temps, toute une catégorie de biens peu rentables, car assurant peu de plus value. De fait, tous les biens courants, simples à produire (et souvent les plus nécessaires !) ont été de plus en plus délaissés ou modifiés pour aller vers d’autres types de biens capables d’assurer la rentabilité. Dans le capitalisme fordiste, la part de la plus value était fortement liée aux conditions de fabrication (dont la main d’oeuvre) et aux services effectivement rendus par l’objet fabriqué et vendu (valeur d’usage). Aussi, pour garantir un taux de rentabilité, les capitalistes vont-ils modifier leurs activités de fabrication vers la production et la vente de produits plus « cognitifs ».
En effet, dans un « capitalisme fordiste » le prix est fortement dépendant de la valeur d’usage d’une marchandise, la plus value est donc fortement contrainte. Du fait de l’automatisation et de l’informatisation de la production, cette possibilité de rente s’est effondrée. Il fallait donc trouver le moyen de maintenir un fort niveau de rentabilité, donc de déconnecter au maximum le prix d’une marchandise de sa valeur d’usage réel. C’est le passage vers le « capitalisme cognitif ». Il s’agira désormais moins de vendre « un produit » (avec une valeur d’usage) que de vendre « une identité ». La valeur de l’objet vendue (valeur d’échange) relevant davantage du cognitif (la perception qu’en ont les individus consommateurs) que de l’usage réel du produit. Par ce passage du fordisme au règne du cognitif, la détermination de la rente se trouve ainsi déconnectée de la valeur d’usage du produit. Par cette mutation de la production et de la consommation, il est possible au capitalisme de maintenir le taux de profit à des valeurs inégalées, puisque le prix n’a plus rien à voir avec la valeur réelle d’un objet.

Dans les faits, cette mutation voit l’explosion des budgets de publicités, pudiquement désignés par « budgets de communications » (début des années 80), car il est désormais nécessaire de travailler les esprits au travers des modes pour rendre indispensable tel caractère, telle couleur, telle preuve d’identité, et de vendre le produit qui va permettre d’afficher et de répondre au besoin ainsi créé dans la tête de l’individu domestiqué en consommateur. Le capitalisme utilise donc la construction d’identité naturelle à des fins de rentabilité. Cette mutation de la production tient sa preuve par le fait que même dans les industries dites « scientifiques » ou « médicales », comme par exemple l’industrie pharmaceutique, le budget dit « de communication » est le double – voire le triple ! – du budget de la recherche et du développement de nouvelles molécules.
Pour référence, Antonio Negri et Jean-Marie Vincent, mais aussi Carlo Vercellone, ont largement contribué à expliciter cette mutation du capitalisme ; le concept de « capitalisme cognitif » ayant été initialement forgé par Enzo Rullani, puis davantage structuré par le groupe travail ISYS du Matisse-CES de l’université Paris-I.

Les conséquences de cette mutation du capitalisme vers une optique cognitive sont très importantes, et il sera vu, dans l’article suivant, comment cette mutation de la production place la société dans une crise de la valeur c’est-à-dire dans une situation où il n’est plus possible de fixer un prix à quelque chose, mais où les repères identitaires, gouvernés pas les modes (jetabilité, désirs standardisés et programmés, règne de l’instantané, etc. ) sont le jouet des intérets financiers via l’impact cognitif ; situation très grave d’un point de vue social, mais également en terme de construction identitaire.

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L'imposture de la création du secteur optionnel

par Raymond MARI

La santé : un capital individuel et collectif

Nous approchons d’une nouvelle année à l’orée de laquelle nous exprimerons peut être ce que l’on considère comme une banalité : « Bonne année, bonne santé ». Banalité ? A la réflexion, c’est bien le facteur le plus important d’une qualité de vie, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif, l’état de santé des personnes constituant un niveau de santé général qui sera le meilleur rempart des épidémies et le garant d’une société dynamique.

C’est cette interaction de l’intérêt individuel et de l’intérêt collectif qui a inscrit la protection de la santé au fronton de notre nation. La Constitution (11èeme alinéa du préambule) l’inscrit aux droits fondamentaux des citoyens.

Au sortir de la dernière guerre, le législateur à conçu un dispositif de protection sociale fondé sur la solidarité qui devait permettre à chacun d’être soigné selon ses besoins en contribuant au système selon ses moyens.

Afin de concilier les intérêts du service public de la santé (délégué à la branche maladie de la sécurité Sociale) et le dispositif libéral de production des soins ambulatoires, dès l’origine, l’assurance maladie à proposé aux personnels de santé « un contrat » (la convention) destiné à encadrer les honoraires de telle sorte qu’ils correspondent aux tarifs de remboursement.

Sans une couverture des frais de santé optimale en effet, compte tenu du coût des soins, peu de malades pourraient assurer la charge de leur pathologie.

Encadrer le prix des prestations sanitaires pour optimiser leur remboursement.

En contrepartie de leur adhésion à la convention, l’assurance maladie offre au corps médical des avantages considérables au premier rang desquels se trouve la solvabilité (du fait des remboursements) d’une clientèle qui, à défaut, déserterait les cabinets médicaux. Mais la collectivité assume également une quantité impressionnante d’avantages exorbitants de la règle générale (c’est l’assurance maladie qui paie les 2/3 des cotisations sociales des médecins du secteur 1, qui règle une forte partie des assurances en responsabilités civiles, la formation permanente des médecins, la permanence des soins, etc…, etc…), le tout entraînant une certaine perplexité sur le caractère « libéral » d’une corporation crispée sur le maintien de ce statut.

Dès la création de la Sécurité Sociale, la résistance du corps médical à l’encadrement des honoraires s’est manifestée. Jusqu’en 1960, les dispositions tarifaires ont été ignorées. A partir de cette date, les pouvoirs publics ayant arrêtés quelques mesures contraignantes, le régime conventionnel et, en conséquence, la généralisation des honoraires encadrés a développé l’accès aux soins avec l’élévation corrélative du niveau de santé et …des dépenses de l’assurance maladie. Dépenses ou investissement… ?

La dégradation progressive de l’encadrement des honoraires médicaux.

Toutefois, les syndicats professionnels avaient obtenus l’obtention à un droit à dépassement pour certains praticiens désignés sur des critères de notoriétés très contestables (secteur 1+DP). La proportion de ces médecins devenant préoccupante, cette particularité a été supprimée en 1980, mais ceux qui l’avaient obtenu l’ont conservée. En échange - si l’on peut dire - une nouvelle dérogation a été créée avec l’instauration d’un secteur de « liberté » tarifaire supplémentaire (le secteur 2), les médecins pouvant opter pour cette possibilité tous les ans. L’effectif des praticiens appliquant le tarif conventionnel s’amenuisant régulièrement, la migration vers le secteur 2 a été supprimée en 1990, sauf pour les praticiens dotés de titres universitaires (essentiellement des spécialistes) qui peuvent s’inscrire dans ce secteur conventionnel (ce qu’ils font dans leur grande majorité) lorsqu’ils s’installent. A noter que les médecins qui avaient choisi le secteur 2 avant son « gel », ont conservé leur droit à dépassement.

Il convient d’observer que la « liberté tarifaire » comporte des limites que le code de déontologie médicale, le code de sécurité sociale et la convention déterminent. Si les médecins du secteur 1 ne peuvent se soustraire à l’encadrement tarifaire qu’exceptionnellement (leurs dépassements augmentent pourtant de façon inquiétante), les médecins du secteur 2 doivent fixer leurs honoraires avec « tact et mesure » et, en conséquence, être adaptés aux moyens du patient, ce qui exclut tout systématisme et tout excès. En cas d’irrégularités aux règles énoncées ci-dessus, les caisses d’assurance maladie devraient sanctionner les abus en application des dispositions législatives et conventionnelles. Or, comme l’ont dénoncé la Cour des Comptes et l’Inspection Générale des Affaires Sociales, l’assurance maladie fait preuve d’une stupéfiante inertie en la matière

La dernière convention (2005) a créé deux dispositifs supplémentaires concernant les dépassements d’honoraires :

  • « L’option de coordination » propose aux médecins du secteur 2 de limiter leurs dépassements d’honoraires en volume (30% des honoraires) et en montant (15% des tarifs) pour leurs actes techniques. En échange, l’assurance maladie prend en charge une partie de leurs cotisations sociales. Cette possibilité, il faut le noter, n’a obtenu que très peu d’adhésion.
  • Les spécialistes du secteur 1 consultés sans avis préalable du médecin traitant, peuvent désormais majorer leurs honoraires dans la limite de 17,5% des tarifs conventionnels et observer un ratio honoraires sans dépassement sur honoraires totaux de 70%.

L’inflation des honoraires, le recul de la protection sociale

Sans être parfaitement actualisé, le tableau figurant ci-dessous présente la répartition des médecins libéraux dans les secteurs conventionnels. On y voit que la convention obtient l’adhésion de la quasi-totalité des professionnels.

Le secteur 1+DP fermé en 1980 est résiduel. Le secteur 2 généraliste diminue. En revanche, le secteur 2 spécialistes augmente (30% en 1985, 40% en 2004). Ces moyennes nationales recouvrent de fortes disparités : 30% de généralistes en secteur 2 dans l’Ile de France, mais 4% dans le Limousin - 60% de spécialistes secteur 2 en Ile de France, 11,6% en Bretagne. La disparité s’observe dans les spécialités : 82% des urologues sont en secteur 2. Seulement 4% pour les néphrologues.

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Sachant que les taux moyens de dépassements s’élèvent avec la proportion des médecins en secteur 2, la diversité règne sur ce plan également au sein des spécialités : Ex : En Ile de France, on observe un taux de 181% pour les neurochirurgiens, 87% pour les chirurgiens, 86% pour le gynécologues. Là aussi, les pratiques individuelles sont très différentes : Ex : pour la moitié des chirurgiens du secteur 2, le taux de dépassement est au maximum de 49%, mais 10% d’entre eux présentent un taux supérieur à 229 % et 0,1% culminent à 630% (!).
Les dépassements tarifaires représentent plus de 6 Mds E. (médecins 2 Mds + dentistes 4 Mds). Ceux des médecins progressent vivement (9% par an en secteur 1 et 14,1% en secteur 2 entre 1980 et 2004).
Dans certaines régions (Ile de France, PACA,…) et d’une façon générale dans les spécialités, notamment pour les soins onéreux (chirurgie en particulier), les dépassements tarifaires constituent désormais un obstacle majeur pour l’accès aux soins. L’IGAS le dénonce en estimant qu’il s’agit d’un « recul de la solidarité ».
Non remboursés par l’Assurance Maladie, les dépassements ne le sont que faiblement par les assurances complémentaires. Ces 6 Mds pèsent donc directement sur le budget des ménages.
C’est un constat d’échec pour le système conventionnel, dans la mesure où l’encadrement des tarifs se dégrade en permanence, les autres finalités de la convention (la gestion du risque par exemple) ne pouvant pas être considérées comme atteintes (Cf. rapport de la Cour des Comptes.).

Vers une libéralisation générale des honoraires médicaux : la création du secteur optionnel. Une mascarade !

Alors que de multiples études et enquêtes viennent corroborer les plaintes des patients qui ne peuvent plus se soigner et que, désormais, une proportion de plus en plus importante de la population renonce aux soins pour des raisons financières, le gouvernement avec la complicité de deux instances crées par la loi « Douste-Blazy » l’UNOCAM (où siègent les organismes d’assurance complémentaires (mutualité, compagnies d’assurance, …) et l’UNCAM (composée des représentants des régimes obligatoires) viennent d’agréer la création d’un nouveau secteur au sein de la convention médicale.
Comme le démontre fréquemment le pouvoir en place, ce délit social est présenté avec une hypocrisie d’un cynisme effarant : « Vous vous plaignez d’être confrontés à des dépassements considérables et bien, nous allons limiter les dépassements… ! » La logique est séduisante, c’est en fait une mascarade !
Au passage, on notera qu’il n’est pas question d’en revenir à un encadrement des honoraires, seul moyen de garantir un accès aux soins pour tous, mais au contraire, d’élargir le cadre, sans majorer bien entendu les tarifs de remboursement.

Car on va permettre, à des médecins (anciens chefs de clinique) actuellement en secteur 1 et contraints de respecter les tarifs conventionnels, de les dépasser de 50%, sous condition de limiter leur facturation avec dépassement à 70% de leur activité (les syndicats professionnels demandaient depuis longtemps que l’on « exfiltre » ces praticiens « coincés » dans le secteur 1 pour s’y être inscrits avant son gel).

On offre aussi cette possibilité aux médecins de trois spécialités (chirurgie, anesthésie, gynéco-obstétrique) du secteur 2 (qui disposent donc actuellement du droit à dépassement) en tentant de les séduire par la prise en charge de leurs cotisations sociales. Or, compte tenu des taux moyens de dépassements constatés dans ces trois catégories (La moitié de chirurgiens et des anesthésistes dépasseraient les tarifs de 50% à 630% (!) pour les premiers et de 50% à 419% pour les seconds, 70% des gynéco-obstétriciens dépassants de 58% à 316%), il semble plus que douteux que beaucoup d’entre eux choisissent une limitation de leurs dépassements à 50% pour 70% de leur activité, quand bien même on leur paierait une partie de leurs cotisations sociales (Cf. le faible succès de « l’option de coordination » - voir ci-dessus-).

Quant aux autres, ceux qui restant en secteur 2 facturent parfois des honoraires vertigineux (Ex : 10% des chirurgiens hospitaliers temps plein du secteur 2 pratiquent des taux de dépassement de 275% à 856% - 10% des gynécologues exerçant dans les mêmes conditions démontrent des taux de dépassements de 192% à 525%), ils pourront tranquillement continuer à le faire dans la mesure où, comme à l’accoutumée, la sécurité sociale et le Conseil de l’Ordre regarderont ailleurs1.

Le pire est certainement devant nous : Outre les anciens chefs de clinique du secteur 1, « l’ouverture » est aujourd’hui réservée à trois spécialités. En fait, sous la pression de la majorité des syndicats professionnels et la volonté du gouvernement (ce dernier avait mis en demeure le conseil de l’UNCAM d’instaurer le secteur optionnel), les trois spécialités choisies constituent le cheval de Troie destiné, par une extension aux autres spécialités dans un avenir plus ou moins proche, à diluer définitivement la notion de tarifs opposables.

La complicité des acteurs sociaux. Une victoire du « marché »

Les organismes complémentaires complices de cette grave atteinte à la protection sociale se sont engagés à prendre en charge (encore faudra-t-il en mesurer la réalité) ces dépassements « optionnels ». Si l’on comprend la logique des compagnies d’assurance qui lorgnent depuis longtemps sur le budget sanitaire (CSBM : 170,5 Mds en 2008), on ne peut qu’être atterrés par l’adhésion du mouvement mutualiste à cette escroquerie sociale.

La course aux parts de marché engagés par les organismes complémentaires (les syndicats président souvent à la gestion des mutuelles) explique-t-elle la scandaleuse caution desdits syndicats aux prémices d’une généralisation de la liberté des honoraires ? Comment de ne pas être effarés de l’accord de la CFDT, de la CFTC, de la CGT-FO joignant leur vote favorable à la CGC, la CGPME et l’UPA, établissant ainsi une forte majorité avec la MSA (agricoles) le RSI (indépendants), la CGT étant la seule organisation à timidement (abstention) refuser de contribuer à cette basse besogne (comment la CGT peut-elle s’abstenir sur une question comme celle-là… !?), le MEDEF ne prenant pas part au vote (sans doute la libéralisation n’allait pas assez loin ?).

Comment expliquer la discrétion des partis « de gauche », le parti socialiste notamment, si prompt à diffuser des communiqués (seulement des communiqués) outrés sur les mesures anti-sociales du gouvernement, mais étrangement silencieux sur le secteur optionnel auquel étaient favorables certains animateurs (médecins) de son département « santé » ?

Dans cette conspiration contre l’intérêt collectif, on trouve la confirmation d’influences occultes au sein de médias (le Monde en particulier) dont on pouvait espérer une information objective et qui contribuent depuis longtemps à relayer les messages subliminaux du lobby médical.

Mais il n’existe aucune incertitude sur les intentions d’un pouvoir politique qui applique sa logique libérale et atteint ses objectifs : satisfaire une clientèle électorale majoritairement favorable (les professionnels de santé libéraux), sans altérer les dépenses de l’assurance maladie qui ne rembourse pas les dépassements et transférer la prise en charge des soins de santé de la solidarité collective vers l’assurance individuelle, source de toutes les inégalités.

Les dindons de la farce ce sont, bien entendu, les citoyens : ils vont « payer plus pour gagner moins » selon la formule consacrée. Ils trouveront de moins en moins de médecins pratiquant les honoraires conventionnels et renonceront davantage aux soins. Ils verront le financement de la sécu auquel ils contribuent régler une facture plus lourde pour le paiement des cotisations sociales des médecins. Leurs contrats d’assurance complémentaire (pour ceux qui en disposent) seront plus chers (Cf. les déclarations des dirigeants de ces organismes qui doivent en plus couvrir le déremboursement des médicaments).

Quelle belle ouvrage ! Cela doit éclairer la communication mensongère qui étourdit notre collectivité. La volonté du pouvoir actuel est bien de nous engager sur les sentiers pourtant battus du libéralisme, notamment sur beaucoup des droits essentiels que nous pensions hors d’atteinte de « la main invisible du marché ». Au moment où les USA, modèle de notre Président, s’efforcent de mettre en place une protection sociale collective rompant avec la sélection naturelle dudit marché, nous y entrons de pleins pieds. Un grand bon en arrière !

  1. Les chiffres énoncés ci-dessus figurent dans les rapports de l’IGAS (avril 2007, Janvier 2009) []
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Usurpation d'identité: un débat à éviter

par Le Collectif National des Gaullistes de Gauche

Il est indispensable que tous les Démocrates refusent le débat piégé relatif à l’identité nationale.
Ce soi-disant grand débat relève, en réalité, d’une grossière et misérable diversion politicienne de bas étage destinée à camoufler le calamiteux bilan du gouvernement et la crise sociale dont il porte l’entière responsabilité.

Il s’agit également, à quelques semaines d’une importante échéance électorale, d’évoquer la préférence nationale chère à Jean Marie Le Pen, sans même avoir le courage de le dire, pour draguer son électorat.

Il est impératif de refuser un débat qui ne peut conduire qu’à des idées d’exclusion en favorisant la désignation de boucs émissaires assise sur des critères raciaux. Les grandes crises provoquent souvent ce genre de réaction, il est inadmissible que le gouvernement l’encourage.

Proposer un tel débat en période de prospérité serait seulement stupide. Le proposer en pleine crise est honteux. Il est encore temps de refuser d’engager la France dans une voie qui peut se révéler mortelle en ce qu’elle est une incitation à la xénophobie.

Une seule solution pour cela : le refus pur et simple de participer à la mascarade.

Nous rappellerons simplement en tant que gaullistes de gauche, profondément attachés à une « certaine idée de la France », cette superbe définition du patriotisme et du nationalisme donnée par le général de Gaulle à Romain Gary, et que nous appelons nos compatriotes mais, surtout, nos actuels dirigeants, à méditer : « le patriotisme, c’est l’amour des siens, le nationalisme, c’est la haine des autres peuples. »

Pour le CNGG

Gilles Bachelier, Etienne Tarride et Paul Violet

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Les sans-papiers révèlent la fabrique du travailleur pauvre

par Sébastien Claeys
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Source de l'article

Depuis le 1er octobre, plus de 3800 sans-papiers ont pris position sur leur lieu de travail avec le soutien de syndicats, de partis politiques et d’associations. Les revendications traditionnelles de régularisation se mêlent à la dénonciation des patrons voyous contre la fabrique des travailleurs pauvres.

Un an et demi après le déclenchement de la première grève en avril 2008, les travailleurs sans-papiers profitent de la rentrée pour ressortir les piquets de grève sur leurs lieux de travail. Le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur. Le 24 octobre, une quarantaine de chinois travaillant illégalement dans les domaines de la restauration, du bâtiment, et des services d’aides à la personne ont rejoint le combat des 3800 sans-papiers grévistes. Les chantiers de rénovation bloqués, les restaurants chics envahis par les manifestants, et les agences d’intérim occupées deviennent les symboles du nombre de travailleurs sans-papiers dans des secteurs économiques clés.

Travaille, sois sage et tais-toi

Reconnaissant cet apport indispensable de main d’œuvre, la Fédération Nationale des Travaux Public (FNTP) appelle le gouvernement à appliquer la circulaire de régularisation par le travail. Celle-ci permet aux employeurs de « bonne foi » de demander aux préfectures la régularisation de leurs employés sans-papiers s’ils disposent d’une qualification dans une profession connaissant des difficultés de recrutement.

L’efficacité de cette circulaire pour résorber les besoins de main d’œuvre légale n’est pourtant pas avérée. « En privilégiant le monde économique au monde associatif, cette circulaire favorise les agences d’interim et les patrons voyous qui refusent de légaliser leurs employés. Les dispositifs légaux sont rarement utilisés pour punir les employeurs de sans-papiers alors que les reconduites à la frontière sont de plus en plus nombreuses. Le blocage des régularisations par les préfectures profite à tout le monde », nous confie une militante de l’Union Syndicale de l’Intérim (USI CGT) dans le local de l’agence Synergie rue de Rome à Paris.

Sur le chantier de rénovation de Hôtel Majestic près de la place de l’Etoile, Doukouré, un sans-papier employé en interim depuis 6 ans par la société ADEC confirme le sentiment que les préfectures ne jouent pas le jeu des employeurs de « bonne foi » : « Il y a des patrons qui ont fait une demande de régularisation à la préfecture. Pendant ce temps, ils ont mis ces employés au chômage pour respecter la loi. Mais au bout de deux ans, les sans-papiers ne sont toujours pas régularisés et ne peuvent pas être réintégrés dans leur entreprise. Par contre, les patrons qui profitent des travailleurs illégaux en prétendant ne pas connaître leur situation ne sont pas touchés par cette circulaire ».

Ces « patrons voyous » profitent d’une main d’œuvre corvéable à merci pour accomplir les travaux les plus difficiles. Un militant indépendant renchérit : « Les entreprises profitent des sans-papiers car ils travaillent dans des conditions déplorables. Par exemple, les intérimaires illégaux remplacent le bitume qui revêt les quais du métro parisien. Ils portent des plaques de 50Kg à même le dos, dépourvus de chaussures de chantier et des protections réglementaires. Les inspecteurs des travaux de la RATP voient les sans papiers travailler quand ils passent sur les chantiers mais ferment les yeux. »

Hypocrisie, patrons voyous et statut quo

Le système économique du travail illégal est bien rôdé pour favoriser la fabrique du travailleur pauvre. Les sans-papiers sont recrutés dans les agences d’interim qui acceptent leurs faux papiers pour fournir une main-d’œuvre malléable aux entreprises de sous-traitance dans les domaines du bâtiment, des services à la personne ou du textile. Cette pratique très répandue se mue parfois en véritable réseau de main d’œuvre illégale. Un sans-papier nous expose ses suspicions : « Nous sommes presque sûrs que la directrice de l’agence ActivInterim qui nous a placé ici (sur les travaux de rénovation de l’Hôtel Majestic, NDLR) est la femme du parton de la société ADEC qui nous emploie sur le chantier. ».

Cependant, dire que des agences comme ActivInterim auraient pour seul objectif de fournir des travailleurs illégaux dans une ambiance d’impunité générale est un pas que les associatifs ne franchissent pas. Une militante de l’association « Autre Monde » tempère : « Je ne sais pas si on peut parler de filière parallèle de main d’œuvre. La lutte contre le marché noir est sans fin et c’est vrai que les sans-papiers accomplissent un travail que personne ne veut faire. Mais ce dont il est question, c’est de défendre les droits de travailleurs qui payent leurs cotisations sans toucher de retraite. »

Intérimaires, travailleurs précaires et sans papiers : même combat ?

Il s’agit bien d’un nouveau front de la lutte sociale. Le 26 octobre, les sans–papiers manifestent pour demander à la Direction Générale du Travail de participer aux négociations en cours avec le Ministère de l’Immigration. Le caractère de « conflit social » du mouvement est désormais clairement affiché. « Nous menons un combat pour tous les intérimaires car la condition des sans-papiers est représentative de l’ensemble des précaires. Il ne faut pas que le travail des employés illégaux soit un moyen de niveler les conditions de travail par le bas », déclare une militante de l’USI CGT.

Ces revendications ne laissent pas les acteurs politiques indifférents au moment où la lutte contre le travail précaire est devenu une priorité. En adoptant la grève comme mode de revendication, les sans-papiers optent pour une nouvelle stratégie de politisation appuyée par des partis politiques (Parti de Gauche, NPA, PCF, Vert) et des syndicats (CGT, CFDT, FSU, Union syndicale Solidaires, UNSA).

Nouvelle tentative de récupération politique ? Emmanuel Terray (Ligue des Droits de l’Homme) préfère y voir un pas en avant décisif dans le mouvement des sans-papiers : « Avant 1996, les sans-papiers étaient des clandestins […] puis ils se sont devenus des sans-papiers. Grâce au mouvement commencé en 2008 […] ils ont acquis le statut de travailleurs sans-papiers. ».

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Spiritualité laïque ou philosophie laïque ?

par Catherine Kintzler
www.mezetulle.net
Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007.

Source de l'article

On demande s’il peut exister une « spiritualité laïque » - question qui, sur le modèle d’un sujet de bac circulant dans un dîner en ville, se veut oxymorique.
L’oxymore consiste à réunir dans la même phrase la carpe et le lapin, la « spiritualité » et la « laïcité » : on s’en esclaffe encore dans l’arrière-cuisine d’où sont sortis le discours de Latran et celui de Riyad, naguère prononcés par le Président de la République. Effectivement, si par « spiritualité » on entend ce qui relève d’une aspiration à la transcendance – telle qu’on la trouve dans beaucoup de religions – parler de « spiritualité laïque » serait un contresens, car ce serait situer la pensée laïque sur le même plan qu’une croyance religieuse. Or la laïcité n’est pas un courant de pensée comparable à une religion, à un corps de doctrine, c’est avant tout un mode d’organisation politique. De là à conclure qu’il n’y a dans la laïcité ni esprit, ni élévation de pensée, il n’y a qu’un pas : c’est oublier que la théorie et la philosophie critique ne sont pas réductibles à une spiritualité.

1 - Pensée et théorie : une position minimaliste

La pensée et l’esprit ne se réduisent pas à la spiritualité entendue comme aspiration à une transcendance ni à l’adhésion à des « valeurs ». Pour rendre compte du mode d’organisation politique qu’est la laïcité, il est en effet nécessaire de faire l’effort de construire une théorie. Il existe une grande tradition de pensée critique et théorique, une tradition du libre examen dans laquelle la théorie laïque prend place, dont elle est l’héritière et à laquelle elle apporte sa contribution. Il convient donc d’abord, pour entrer dans la pensée laïque, de rappeler les points essentiels de cette théorie.

A la différence de la simple tolérance, qui se pose la question de faire coexister les libertés telles qu’elles sont, les gens tels qu’ils sont, les communautés telles qu’elles sont dans une société donnée, la laïcité construit un espace a priori qui est la condition de possibilité de la liberté d’opinion de chacun. Cela semble très complexe et très abstrait, mais il s’agit tout simplement de construire un espace qui ne se contente pas de prendre en compte les données sociales, qui ne fonctionne pas avec des groupes d’influence. La liberté de chacun est reconnue a priori, pourvu qu’elle reste dans le cadre du droit commun : j’ai le droit d’avoir une religion, de ne pas en avoir, d’en avoir une dont je suis le seul fidèle… Il faut aller jusqu’au comble de l’abstraction pour exprimer cela : dans un État laïque, on assure la liberté de chacun, y compris de celui qui n’existe pas, parce que c’est celui-ci qui est le critère de mon droit réel. Cette abstraction est en réalité très concrète : lorsque je m’arrête au feu rouge à 3 h du matin et qu’il n’y a personne de l’autre côté, je respecte le droit d’une personne fictive. Mais cette personne, c’est également moi : je pourrais être là-bas. La laïcité fonctionne un peu comme cela à l’égard de la liberté de croire et de ne pas croire : elle est la condition de possibilité de la tolérance qui règne dans la société civile et elle assure toute liberté d’opinion, pourvu que celle-ci respecte le droit commun. C’est un dispositif aveugle qui ne regarde pas s’il y a telle ou telle religion, telle ou telle opinion, et qui ne se demande jamais si telle ou telle religion, telle ou telle opinion est numériquement importante. On a le droit de croire et de penser comme personne d’autre ne le fait…

Au fond, la laïcité engage un modèle politique fondé sur un paradoxe : c’est la supposition de la suspension du lien communautaire préalable qui rend possible la formation du lien politique. Autrement dit, dans une association politique laïque, la proposition je ne suis pas comme le reste des hommes est non seulement une proposition que chacun peut revendiquer, mais elle est au fondement même de la cité.
En termes philosophiques, on peut dire que la laïcité a pour base une sorte de « vide expérimental » : c’est comme un tube de Newton, on fait abstraction de certaines données pour voir apparaître un principe fondamental. Ici le vide, c’est celui de la croyance et de l’incroyance comme doctrines, comme contenus : la laïcité fait le vide sur ce que nous croyons ou pas, elle dit que la puissance publique n’a pas besoin pour être et pour être pensée d’un quelconque acte de foi. C’est une position minimaliste qui écarte tout contenu doctrinal de croyance (ou d’incroyance) du fondement de la loi.

Au cœur de ce vide, qui n’est pas un vide de pensée, apparaît le noyau philosophique de la laïcité : c’est une association politique qui écarte toute religion civile, qui ne fait pas de la loi elle-même un acte de foi. L’association ne repose pas sur une adhésion dont le modèle est l’adhésion religieuse, mais sur un consentement mutuel garantissant des droits. C’est pourquoi ce ne sont pas les religions qui s’opposent à la laïcité, mais leur la partie civile, leur prétention à faire la loi au nom d’une communauté ou d’un ensemble de communautés préconstituées, préalables à l’association politique elle-même. Ce qui est également contraire à la laïcité, c’est la religion civile – l’idée que la loi doit être acceptée comme une forme de croyance, qu’on doit y adhérer, qu’il faut l’aimer, comme un acte de foi.
A partir de là, on peut émettre des réserves à l’égard des déclarations brandissant des « valeurs », y compris démocratiques, comme des dogmes intangibles auxquels il faudrait croire sans qu’on ait besoin de les établir. Les valeurs ne sont que des objets de croyance, elles peuvent être supplantées par d’autres valeurs ; par définition les valeurs fluctuent, elles sont sujettes à une mode d’opinion. En revanche, des principes rationnels minimaux n’ont pas besoin d’être traités comme des objets de culte : on les discute, on y consent parce qu’on en établit l’utilité et la nécessité, et on les améliore au fur et à mesure que l’expérience politique s’enrichit. C’est beaucoup plus solide et beaucoup moins dangereux car cela repose sur la discussion. En outre, c’est beaucoup moins pesant : on n’est pas tenu à l’adhésion, on n’est pas obligé de les aimer.

2 - Au-delà de la théorie : une philosophie critique des humanités

L’association laïque ne repose pas sur un acte de confiance, mais sur un jugement raisonné. Cela fait apparaître une dimension fondamentale du noyau philosophique dont je viens de parler : la théorie de la laïcité suppose des agents politiques exerçant leur jugement et elle engage par là plus qu’une théorie mais une véritable philosophie où se déploie une façon dont la pensée se rapporte à elle-même, proche du concept des humanités.
Car si on consent à un fondement immanent de la cité, si on s’efforce de la construire sur un socle qui écarte a priori toute référence transcendante, cela met la pensée en relation avec elle-même de manière décisive. Pour construire la cité, la pensée et les efforts humains ne peuvent compter que sur eux-mêmes. C’est exactement ce qu’on entend par philosophie critique.

Une conception critique, c’est une réflexion sur la façon dont la pensée peut et doit elle-même se réfléchir, se corriger, se juger, s’améliorer : et cela est inséparable d’une expérience et d’une théorie de l’erreur. Parce qu’elle veut faire l’économie de la transcendance, la laïcité ne peut pas faire l’économie d’une réflexion critique, d’une position critique : dans l’acte politique le plus élémentaire, une association laïque est livrée à sa propre pensée, elle ne peut faire appel à aucune autre autorité qu’elle-même. Ne pas croire préalablement à un lien, c’est s’obliger à réfléchir au bien-fondé des lois et de tout ce qu’on fait et de tout ce qu’on pense. Il y a un devoir de la pensée à l’égard d’elle-même qui devient virulent dans une association laïque plus qu’ailleurs : non que ce devoir soit absent ailleurs et qu’on ne s’en préoccupe pas, mais si ce devoir est négligé dans une république laïque, alors celle-ci est en danger. Ce devoir est consubstantiel à l’autoconstruction par chaque citoyen de sa propre autorité.
C’est probablement une des raisons pour lesquelles le concept de laïcité est fortement lié à l’institution scolaire et plus généralement au modèle du développement et de l’appropriation des savoirs. En effet, pour s’approprier une connaissance, il faut la penser soi-même, il faut la comprendre soi-même et devenir l’auteur de sa pensée. Cela demande un moment de retrait, où s’exerce le sérieux contemplatif, une forme de recueillement que partagent enfants et adultes. Ce moment est celui où s’expérimente la liberté de la façon la plus forte : c’est la seule expérience à la fois concrète et absolue de la liberté, où je suis vraiment maître de moi-même. Un enfant qui a compris, après s’être trompé, après avoir fait le deuil d’une fausse certitude, pourquoi deux et deux font quatre, comment fonctionne une retenue dans une soustraction, pourquoi tel participe passé ne s’accorde pas, pourquoi il y a des saisons, cet enfant fait l’expérience de la souveraineté absolue, car rien ni personne ne lui dicte ce qu’il pense. Mais on doit souligner que cette opération suppose un parcours difficile, qui passe nécessairement par le doute et par l’erreur : car on ne comprend vraiment que quand on comprend pourquoi on n’avait pas compris – et on ne peut vraiment expliquer quelque chose qu’en provoquant d’abord l’erreur qu’il faudra élucider pour la rectifier.
Cette expérience immanente et fragile de la liberté, cette constitution du vrai perpétuellement hantée d’inquiétude, cette institution de soi-même dans la division et la révision intellectuelle, cette capacité à se fâcher avec soi-même, toute une tradition philosophique peut être invoquée pour les penser1 , mais nul ne l’a mieux reliée au paradigme scolaire que Gaston Bachelard, dans sa théorie d’une psychologie de la connaissance, d’une psychologie dépsychologisée2. Et en construisant le concept d’instruction publique, la Révolution française lui avait déjà donné une forme institutionnelle.
Mais reprenons l’exemple de cet enfant qui, revenant d’une erreur, s’approprie un élément du savoir. Il fait l’expérience d’une liberté qui l’institue dans sa propre autorité. Et en même temps, au cœur de cette séparation radicale il voit que l’autre, son semblable (et non pas son proche), c’est celui qui comme lui est capable de cette opération, c’est le sujet de la liberté. Il est au-delà de son petit groupe de « potes ». Au-delà de tout groupe ou rassemblement réel se forme alors, avec l’idée d’une république des lettres, celle d’humanité – un espace critique commun qui s’étend aux morts et aux vivants, ici et ailleurs. La pensée critique est un modèle de fraternité et elle s’incarne dans ce qu’on a appelé les humanités.
Les humanités dans leur version classique sont fondées sur le principe de la singularité des œuvres, celle des auteurs, et sur la nécessité de l’écart critique à construire par chacun pour se les approprier et en jouir. Historiquement, cette position critique est liée à l’étude des lettres (littérature, grammaire, langues anciennes) mais on voit bien que dans cette position est incluse de plein droit l’étude des sciences, lesquelles seraient impossibles sans le moment critique, sans le doute salutaire, sans l’erreur rectifiée et sans cesse éclairée.

Dans un parcours d’humanités, on n’ignore pas non plus les religions ni les spiritualités au sens courant que l’on donne à ce mot. Mais elles sont abordées d’un point où elles ne sont pas que des « faits de société ». Faire choix de privilégier les auteurs plutôt que les ethnies, les œuvres plutôt que les mentalités, les singularités plutôt que les faits sociaux ou la dimension communautaire et, s’agissant des religions, choisir de commencer par celles auxquelles on ne croit plus, c’est s’inscrire dans une conception critique du savoir et non dans une positivité dogmatique. Un enseignement républicain ne peut pas souscrire à l’existence a priori de données sociales, ethniques, religieuses : il ne peut que les réinscrire dans une perspective critique qui arme l’individu ; en aucun cas il n’a à effectuer de génuflexion devant le fait social et le moment d’adhésion que comporte une croyance. Montrer que les religions sollicitent la pensée en tant qu’elles sont d’abord des mythologies, des systèmes de pensée et de représentations et non pas seulement des actes de croyance c’est bien, par extraction, séparer l’esprit de la spiritualité, mieux : c’est donner l’idée qu’une certaine spiritualité peut être contraire à l’esprit.
Mais aujourd’hui, sous couvert d’enseigner les « idées » et les « faits » religieux, on s’expose à accréditer l’idée même qu’il est normal d’avoir une religion ou une croyance : en décrivant les religions comme de purs faits de société, on invite chacun à s’y inscrire. C’est ici que le principe de laïcité est contredit, et avec lui la libéralité des savoirs critiques et l’autonomie des individus auxquels il est lié, ainsi que le modèle politique qu’il institue. L’effet religieux est désormais présenté, au prétexte que les religions sont partout répandues, comme le modèle en dehors duquel toute association apparaîtra bientôt comme impossible ou vaine : il deviendra bientôt impensable qu’une cité puisse avoir pour fondement autre chose que la sacralisation d’un lien, autre chose que des « valeurs communes ». Il deviendra impensable qu’on puisse s’associer pour se soustraire à toute appartenance. La figure classique du théologico-politique, subreption du politique par la religion, est surclassée, dépassée par sa projection formaliste et totale : la subreption du politique par le religieux et la subversion de l’esprit par une forme de spiritualité.

  1. Depuis les grands dialogues de Platon jusqu’au doute cartésien et aux Propos d’Alain sur l’éducation. []
  2. Voir notamment sa communication au VIe Congrès d’Education morale de Cracovie, en 1934, intitulé « Valeur morale de la culture scientifique », publié par Didier Gil dans son ouvrage Bachelard et la culture scientifique, Paris : PUF, 1993. « Ce n’est pas au moment de l’application qu’il faut juger la science. Du point de vue moral comme du point de vue psychologique, c’est au moment de son acquisition qu’on doit en saisir la valeur. Il faut donc souligner l’importance formative du moment où la connaissance illumine une âme, il faut insister sur l’instant où une activité de la raison constituante enrichit la raison constituée. L’être qui pense le vrai rompt dans ce moment même avec l’égoïsme ; il oppose en soi-même la conscience universelle à un inconscient subjectif mystérieux et impur. ». On peut aussi penser aux célèbres pages de La Formation de l’esprit scientifique où Bachelard emploie l’expression de « repentir intellectuel ». []
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Obama sacrifie l'IVG dans la bataille pour l'extension de l'assurance maladie

par Jocelyne Clarke

Octobre 2009 : après avoir dit non au Traité de Lisbonne en 2008, l’Irlande dit oui : les anti-IVG ont reçu l’assurance que l’IVG resterait illégale. (En 2004, Malte avait posé le même préalable pour adhérer à l’U.E.)
Toujours en octobre 2009, en Espagne, à l’appel de l’épiscopat, la droite défile en masse contre le projet de loi de Zapatero visant à dépénaliser l’IVG.
Le 7 novembre 2009, les démocrates américains cèdent sur le financement de l’IVG : l’interdiction d’utiliser des fonds publics est renforcée.
Rappelons que le 2 octobre dernier, Benoît XVI recevait à Castel Gandolfo, le nouvel ambassadeur des États unis auprès du Vatican, Miguel Humberto Diaz, et soulignait que « l’Église aux États-Unis contribue à ce discernement en particulier à travers la formation des consciences et son apostolat éducatif, par lesquels elle rend une contribution significative et positive à la vie civile et au débat public américain », ajoutant : « Je pense surtout à la nécessité d’un discernement clair sur les questions qui touchent la protection de la dignité humaine et le respect inaliénable du droit à la vie, du moment de la conception à la mort naturelle, et la protection du droit à l’objection de conscience de la part des médecins et, de fait, de tous les citoyens ».
Benoît XVI avait également reçu au Vatican le président Obama, en juillet dernier, et le thème de la « défense de la vie » avait été au centre de leur rencontre.
La messe était dite.

En France, 35 ans après la loi Veil, des menaces pèsent sur l’IVG : l’État se désengage peu à peu — il est vrai que l’IVG est un acte peu rentable ! —, ferme des centres d’IVG et ne renouvelle pas les crédits des centres de planification.

De par le monde, le libre choix des femmes sur leur corps est ainsi remis en cause et les avortements clandestins peuvent refleurir, dangereux pour la santé des femmes et coûteux pour les femmes des couches populaires.

Décidément, l’obscurantisme religieux n’en finit pas de « reprendre du poil de la bête » !

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A propos du réseau WLUML

par Marième Helie Lucas

Le réseau international de solidarité “Femmes Sous Lois Musulmanes” est plus connu sous l’acronyme WLUML de son nom en anglais (“Women Living Under Muslim Laws”). Créé en 1984 en réponse à des situations urgentes dans lesquelles se trouvaient des femmes (en Algérie, puis en Inde, au Soudan, etc), pour soutenir leurs luttes locales, nous avons rapidement découvert que nous pouvions aisément faire tomber les accusations d’être vendues à l’occident et traîtres à nos culture-religion-nation-révolution, en mobilisant largement le soutien des femmes des pays musulmans elles mêmes, ce qui n’avait pas été fait auparavant.
C’est un réseau non confessionnel qui relie les femmes qui vivent dans des pays ou des communautés (en Asie, en Afrique, au Moyen Orient, dans le Pacifique, et plus récemment en Europe et aux Amériques) où s’applique des lois, et en particulier un code de la famille - ou loi de statut personnel -, dites musulmanes. Ce qui nous lie, c’est donc une situation sociopolitique commune, et non pas une croyance religieuse; en effet bien des citoyennes non croyantes, faisant partie de minorités d’autres religions ou bien mêmes étrangères, vivent également sous ces lois. Celles ci affectent spécifiquement les femmes car elles régissent le mariage, le divorce, la répudiation, la polygamie, la garde des enfants, l’héritage, etc…

Ce que nous avons en commun, c’est que nos situations sont justifiées par un péremptoire : c’est comme ça, parce que c’est l’islam, qui a longtemps réduit au silence ou limité les revendications des femmes. Or il suffit de franchir quelques frontières pour se rendre compte que les droits des femmes différent, et parfois fondamentalement, d’un pays musulman à l’autre, bien que chacun prétende être en parfaite conformité avec l’islam: à titre d’exemple, la loi donne des responsabilités et des droits égaux à l’homme et à la femme dans le mariage en Turquie, à Fidji, dans les Républiques (musulmanes) d’Asie Centrale, en Indonésie, en Tunisie; alors que, bien que l’obéissance de l’épouse ne soit pas codifiée dans la loi, l’homme est le chef de famille au Bangladesh, au Pakistan, en Inde (pour les musulmans), au Sri Lanka, aux Philippines (pour les musulmans), au Sénégal, au Cameroun ; et que l’obéissance de l’épouse est inscrite dans la loi en Malaisie, en Iran, en Egypte, au Soudan…. De même, le consentement au mariage est indispensable et le mariage forcé puni par la loi en Tanzanie, en République Kyrguyze, au Sénégal, en Tunisie, en Turquie, en Ouzbékistan; au Bangladesh, au Pakistan et en Iran, il n’est pas fait mention de mariage forcé dans la loi, mais la mariée doit être physiquement présente et signer son contrat de mariage, il est interdit mais non puni par la loi à Fidji, en Algérie ; le consentement de la mariée est requis mais d’autres mesures légales en affaiblissent la portée en Egypte, aux Philippines, en Malaisie, au Nigeria, au Sri Lanka, en Indonésie, au Soudan, en Gambie…1 Cette diversité se retrouve dans l’âge légal au mariage, le droit des femmes à initier ou non le divorce, la polygamie, etc, tous droits légaux qui affectent lourdement la vie des femmes.

C’est là une preuve suffisante, s’il en était besoin, que ces lois dites divines sont bien faites de la main de l’homme et peuvent être combattues en tant que telles. Et cela a aussi le mérite de démystifier le mythe d’un monde musulman homogène. Il n’y a donc pas une loi islamique (c’est à dire issue directement de l’islam), mais de multiples et diverses lois musulmanes (c’est à dire faites par des humains musulmans), qui tirent leurs sources non pas seulement d’interprétations du Coran et d’autres sources purement religieuses, mais incorporent également des coutumes locales (comme la mutilation sexuelle des femmes (MSF) pratiquée dans une région spécifique de l’Afrique, le wali ou tuteur matrimonial qui maintient la femme dans une éternelle minorité juridique, le mariage muta’a ou mariage temporaire dit de jouissance, etc…), ainsi même des éléments des lois coloniales2 (ainsi en Algérie la loi nataliste française de la fin de la première guerre mondiale criminalisant non seulement la pratique mais également la diffusion de connaissances sur la contraception et l’avortement fut prorogée jusqu’en 1976 - et ce au nom de l’islam, en dépit d’une fatwa du Haut Conseil Islamique Algérien de 1963 déclarant explicitement que la contraception était licite et les indications de l’avortement très larges, y compris celle de la santé mentale et morale de la mère -; ou bien au Pakistan qui, à sa création en 1947, n’accorda aux femmes de la nouvelle nation aucun droit à l’héritage, jusqu’à ce que celles ci découvrent que c’était en application de la loi victorienne, tombée en désuétude depuis fort longtemps en Grande Bretagne ! Patriarches de tous les pays, unissez vous!).
Il n’y a donc pas de divine sharia3, comme veulent nous le faire croire les intégristes qui sélectionnent parmi les diverses interprétations religieuses ainsi que parmi les coutumes purement locales ou les lois coloniales celles qui sont les plus rétrogrades, pour en manufacturer ce qu’ils appellent LA sharia, et exiger sa reconnaissance officielle, y compris actuellement en Europe occidentale.

Le réseau WLUML a donc été amené, tout en poursuivant le soutien aux luttes locales des femmes en contextes musulmans qui demeure son but ultime, à accroître l’échange d’informations et de connaissances existantes, à créer un savoir qui n’existait pas. A cet effet, WLUML publie régulièrement en anglais, en français, en arabe, en russe, en persan, une revue: ‘Dossier’ qui est distribuée aux groupes de femmes concernées, ainsi que plusieurs autres publications occasionnelles. Le soucis constant est de faire retourner aux femmes sur place le résultat des recherches que les professionnels, locaux ou occidentaux, font sur elles, sans jamais se soucier de renvoyer leurs conclusions aux femmes concernées.
WLUML a initié diverses recherches pluridisciplinaires, dont la recherche ‘Femmes et Lois dans le monde musulman’ qui a produit des dizaines de rapports nationaux et régionaux, ainsi que le manuel Knowing Our Rights (cité en note 2). Bien que des chercheuses y ait également participé, cette recherche a été délibérément placée dans les mains des groupes locaux, afin que les femmes de la base s’en approprient les résultats. De plus, dans la mesure où notre intérêt portait non seulement sur la loi écrite des états, mais également sur les systèmes parallèles de justice (coutumière, religieuse, etc…) ou sur les lois non écrites, et surtout sur l’application des lois aux femmes, ces groupes étaient les mieux placés pour partager une information qu’elles détenaient et vivent au quotidien.

WLUML n’est pas une organisation pyramidale, mais un réseau dont la fonction principale est celle de lien. Par voie de conséquence, il n’a pas de ‘membres’, chacune y entre, en sort et y revient , s’en sert et y contribue suivant ses besoins et ses possibilités. Ainsi quand les Sri Lankaises dans les années 90 ont été confrontées à l’introduction par des groupes intégristes des MSF dans leur pays au nom de l’islam - pratique dont elles n’avaient jamais entendu parler -, le réseau a fait circuler leur demande d’information aux africaines concernées, et ce sont les Gambiennes qui ont débarqué au Sri Lanka munies de leur matériel didactique, leurs vidéos et … leurs témoignages personnels, ce qui a rapidement réglé le problème car les Sri Lankaises ont aussitôt pu organiser, sur la base des informations de première main qu’elles avaient ainsi acquises, le lobbying de leurs autorités politiques et religieuses contre l’introduction de cette pratique inconnue. Et quand les Canadiennes de la communauté musulmane se sont vues menacées, au nom des droits humains, des droits des minorités, des droits religieux et des droits culturels, de l’introduction de tribunaux d’arbitrage religieux pour les affaires familiales, ce sont des algériennes, des pakistanaises, des iraniennes, des sud africaines qui sont allées sur place expliquer ce que les femmes avaient à perdre dans cette affaire, et ont ainsi pu soutenir la lutte des femmes issues de l’émigration de pays musulmans (improprement désignées toutes comme ‘musulmanes’) devant la frilosité politique de la gauche et des féministes canadiennes.

Les femmes qui participent au réseau WLUML ont souvent été amenées à conduire des projets communs, quand il apparaît à travers les échanges réguliers entre nous, que cela s’avère nécessaire. Cela a été le cas pour la recherche Femmes et Lois, mais également pour de vastes Programme d’Echange entre femmes de pays musulmans, qui ont permis à des femmes de vivre une réalité dite musulmane très différente de la leur. Ainsi des femmes venant de pays où elles sont voilées sont allées passer plusieurs mois dans des pays où les femmes ne le sont traditionnellement pas, celles de pays où l’on pratique la MSF sont allées dans des pays où on n’en a jamais entendu parler, celles des pays où les femmes votent et peuvent être chefs d’état sont allées dans des pays où les femmes sont enfermées - et vice versa. Le choc culturel qui en résulte est le meilleur garant de leur définitive compréhension du fait que le monde musulman est très divers, religieusement, culturellement et politiquement.

Ces dernières années, une demande s’est intensifiée pour que des formations soient organisées collectivement pour les femmes du réseau. Ces instituts, appelés ‘Féminisme dans le monde musulman’ traitent à la fois des exemples des diverses stratégies utilisées par les femmes pour combattre l’intégrisme dans nos pays et des instrument internationaux que nous pouvons également utiliser. Ils se sont déjà tenus en Turquie, au Bangladesh, en Malaisie, au Nigeria, et le prochain se tient actuellement au Sénégal.

Dans un réseau qui s’étend sur tous les continents, les stratégies des femmes pour conquérir ou préserver leurs droits sont des plus diverses et conditionnées par le climat politique dans lequel elles vivent: il va de soi que réclamer la laïcité en Iran ou au Soudan actuellement, c’est signer sa condamnation à mort, alors que c’est encore la stratégie dominante en Algérie par exemple et que, plus récemment, à la suite des persécutions contre les chrétiens au Pakistan, les organisations de femmes et de droits humains pakistanaises, qui ont longtemps choisi une stratégie entriste basée sur la réforme de la religion, ont entrepris des démarches pour promouvoir un état laïc. WLULML n’a donc pas de stratégie préférentielle en tant que réseau, mais considère que c’est à chaque groupe, localement, de déterminer la façon la plus adéquate, à un moment donné de leur histoire politique, d’avancer la cause des femmes.
Il s’ensuit que certaines portent leurs efforts sur une réinterprétation humaniste et féministe de l’islam4, que d’autres s’appuient sur la CEDAW et les autres conventions internationales, et font intervenir divers Rapporteurs Spéciaux de l’ONU pour faire pression sur leurs gouvernements et obtenir des changements législatifs, alors que d’autres encore mènent des actions en justice pour faire évoluer la jurisprudence, ou que d’autres enfin se battent au nom des droits universels, des droits humains, ou exigent des constitutions laïques. Le soutien de tout le réseau leur est acquis, quelle que soit la stratégie adoptée. Ces diverses stratégies sont considérées par WLUML comme non antagonistes, complémentaires et souvent concomitantes; il est d’ailleurs intéressant de voir que la plupart des groupes en utilisent plusieurs à la fois, ou évoluent de l’une à l’autre au cours du temps.
Cela nous vaut toutefois régulièrement d’être traitées soit d’intégristes déguisées soit d’athées sanguinaires, par ceux et celles qui ne voient qu’ un aspect local et partiel des stratégies diverses menées conjointement par le réseau. Nous croyons fermement que l’intégrisme est une forme de fascisme contemporain, bien trop énorme et dangereux pour ne pas utiliser contre lui absolument toutes les armes à notre portée.

Enfin le WLUML n’est pas un ghetto: bien que notre priorité soit la défense des droits des femmes dans les contextes musulmans, nous collaborons régulièrement avec des groupes hors ces contextes qui partagent certains aspects de notre lutte. Ainsi, par exemple, Catholics for a Free Choice et les résistantes de la majorité juive de l’intérieur d’Israël à sa politique ethnique expansionisme ont partagé, à notre initiative, certaines de nos plateformes internationales contre l’intégrisme, spécialement au cours des Conférences Mondiales de l’ONU sur les Droits Humains (Vienne), sur la Population (Le Caire) et sur les Femmes (Pékin). Nous avons très activement soutenu la lutte des Femmes En Noir de Serbie contre l’alliance militaro-Intégriste Orthodoxe, de même qu’elles soutiennent la notre contre l’intégrisme musulman. Et le Center for Women’s Global Leadership est depuis des années un soutien fort pour ceux de nos groupes qui entreprennent des luttes au niveau des instances internationales.
Toutefois, les collaborations se font entre partenaires égales, chacune balaye d’abord et avant tout devant sa propre porte, et nous évitons comme la peste les organisations de femmes ou de droits humains qui se substituent aux femmes concernées et lancent des luttent au nom d’autres femmes5.

  1. WLUML a produit en 2003 un manuel à l’usage des militantes qui résume les différences entre lois dites musulmanes dans le monde, résultant de dix années de recherche sur le terrain par des groupes de base. Knowing Our Rights: Women, family, laws and customs in the Muslim World. Une version française sera publiée fin 2009. []
  2. Voir par exemple : Islamic Law and the Colonial Encounter in British India, Michal R.Anderson, WLUML Occasional Paper n°7, June 1996. et : Reform of Personal Status Laws in North Africa: a Problem of Islamic or Mediterranean laws? Ann Elizabeth Major, WLUML Occasional Paper n°8, July 1996 []
  3. Selon Soheib Bencheikh, ex Grand Mufti de la Mosquée de Marseille et actuel directeur de l’Institut des Hautes Etudes Islamiques à Marseille, ’ sharia’ n’a qu’un seule sens : la voie, le chemin de chacun vers Dieu. Il ne peut en aucun cas signifier une loi humaine d’inspiration divine.«C’est un concept […] spirituel, donc synonyme en quelque sorte d’un cheminement personnel mais qui, à travers l’histoire, couvre le travail juridique des écoles [juridiques, malékite au Maghreb, hanafite en Turquie, hanbaliste en Arabie Saoudite], si bien que le droit musulman est varié. Il n’a aucune sacralité et souffre de n’avoir pas été mis à jour. » [http://www.pointdebasculecanada.ca/article/44-charia.php] []
  4. Il me faut ici faire une claire distinction entre les groupes œuvrant à la réinterprétation progressiste et féministe de l’islam et ceux que la presse occidentale qualifie de “féministes islamiques”, lesquelles ne sont que la branche féminine des mouvements intégristes. Ces groupes ne tolèrent aucune autre stratégie que celles de l’intérieur de la religion et ne font pas partie du réseau WLUML. []
  5. “Tu ne convoiteras pas la révolution d’autrui”, Marieme Hélie Lucas, à paraître en 2010 []
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Commémoration du 17 octobre 1961, mise au point

par Le Collectif de Pratiques et de Réflexions Féministes « Ruptures »

Mise au point du Réseau Féministe « Ruptures », concernant le déroulement du rassemblement du Collectif Vérité et Justice pour la commémoration des massacres du « 17 octobre 1961 »

Le Réseau Féministe « Ruptures », signataire de l’Appel du Collectif 17 octobre 1961 Vérité et Justice depuis plusieurs années, a commémoré cette année encore, sur le pont St Michel à Paris, le 17 octobre 2009, l’assassinat par la police française de centaines d’Algériens venus manifester pacifiquement le 17 octobre 1961.

Comme cela était prévu par les organisateurs, Monique Dental, en tant que fondatrice et animatrice de l’association devait intervenir pour rappeler le rôle des femmes algériennes pendant ces terribles heures. Après les trois premières interventions de Mehdi Lallaoui, de représentants du MRAP et de la LDH écoutées dans le calme, alors que Monique Dental venait de commencer la lecture de la déclaration, elle a d’abord été brutalement interrompue par les Indigènes de la République et d’autres personnes. Ensuite, sa voix a été entièrement couverte par un chant diffusé par la sono dont cette association s’est emparée.

Cette censure brutale d’une parole de femme militante évoquant d’autres femmes résistantes, cette attitude liberticide, voire terrorisante ont eu pour résultat de saccager la cérémonie et de bafouer les raisons pour lesquelles nous nous réunissons depuis de nombreuses années. Elles nous interrogent sur les motivations réelles de la présence de cette association qui n’était pas signataire de l’Appel du Collectif 17 octobre 1961 Vérité et Justice.

Nous condamnons ces pratiques inquiétantes qui instrumentalisent la mémoire des victimes algériennes du 17 octobre 1961. Depuis de nombreuses années, nous avons su nous rassembler dans l’unité et la dignité et nous entendons continuer dans cet esprit jusqu’à ce que l’Etat français satisfasse nos demandes.

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A quel modèle de Français Nicolas Sarkozy veut-il que je sois identique ?

par Paul Vincent

Il prétend vouloir rassembler les Français, mais lui-même a pour souci prioritaire de régler des comptes personnels avec l’un d’eux, et qui appartient à son propre camp ? Car si dans les discours des hommes politiques c’est toujours « La France », « La Patrie », l’intérêt général, le bien commun, dans la réalité il existe différents camps, à l’intérieur desquels il y a des clans, et l’on se bat pour son camp, on se bat pour son clan et en réalité on se bat chacun pour soi contre les autres. Quid de l’intérêt général ?Ceci, c’est sur le plan politique, mais c’est encore pire sur le plan économique. Des gouvernements successifs ont suscité des jalousies entre les salariés du privé et ceux du public pour pouvoir à tour de rôle, en définitive, les maltraiter tout autant, entre les jeunes qui trouvent difficilement du travail et les vieux qu’on veut mettre en retraite le plus tard possible. Tout cela dans la France d’en bas, celle de la grande majorité des Français qui gagnent moins de deux fois le SMIC et dont on calcule les salaires avec deux chiffres après la virgule, pas chez la minorité dont on évalue seulement au million près les revenus et qu’on a peur de faire fuir en lui faisant payer trop d’impôts. Pas question de surtaxer les profits rapidement réapparus des banques accidentées sauvées avec l’argent des contribuables, mais on envisage sans honte d’imposer les modestes pensions d’invalidité des accidentés du travail.

Nicolas Sarkozy, à son arrivée au pouvoir, laissait entendre que le stock de chômeurs dont il héritait, certes d’un septennat de droite mais entaché de socialisme (Ah! cette maudite semaine de 35 heures ! C’est bien mieux de chômer une semaine par mois comme cela se passe aujourd’hui), n’était constitué que de paresseux ou d’incapables. Il allait donc mettre les premiers en demeure d’accepter n’importe quel emploi, les autres en stage de formation dans des domaines où ils pourraient immédiatement trouver du travail, et le problème serait réglé. Or, il y en a un demi-million de plus aujourd’hui, dont il connaît la provenance, tel Gandrange ou autres lieux rendus célèbres par ses discours, où il a pu se rendre compte qu’il ne s’agissait ni de paresseux ni d’incapables.

Le problème viendrait plutôt du côté des employeurs. On aimerait y rencontrer davantage de vrais entrepreneurs plutôt que des acquéreurs d’entreprises dont le seul objectif est de gagner beaucoup d’argent à court terme, pour eux et leurs gros actionnaires, à coup de licenciements et de délocalisations, bref des fossoyeurs d’entreprises. Et pourquoi, à leur place, l’État ne s’y est-il pas mis, au lieu de subventionner leurs défaillances ? De la part de ceux qui se disent encore gaullistes quand cela les arrange, cela  n’est pas renier de Gaulle. Mieux valait son dirigisme en soutien à de grands projets, ou à des PME comme la Société de l’ingénieur Jean Bertin, dont l’«aérotrain» que torpillera plus tard Giscard d’Estaing fut longtemps en avance sur le «transrapid» de Siemens qu’ont aujourd’hui acheté les Chinois. Et personne ne soutiendra, sauf peut-être Jean-Marie Messier, que l’eau privatisée nous était alors vendue à un plus juste prix que de l’électricité ou du gaz étatisés.

Au moment où le 11 novembre va encore être l’occasion de beaux discours sur le patriotisme et le sacrifice de millions d’hommes, il serait bon de s’interroger sur la liberté qui était accordée à quelques-uns de planquer leur fortune dans des paradis fiscaux. Si la Patrie était à nouveau en danger, il me paraîtrait difficile d’empêcher celui qui n’a que sa peau à sauver d’aller lui aussi la mettre à l’abri en Suisse. Je ne comprendrais pas qu’on osât lui faire la morale dans une Société du «chacun pour soi» où l’on se porte mieux d’avoir des ancêtres négriers que d’avoir eu un père mort pour la France. Que restera-t-il d’ailleurs du patrimoine commun que nous aurions à défendre ? En ce qui concerne le patrimoine matériel, on est en train d’en achever la privatisation et il ne nous restera bientôt plus en commun que les dettes colossales de l’État. Quant au souvenir glorieux de nos victoires militaires et de nos conquêtes sociales, ce ne sera pas un patrimoine trop lourd à emporter et ce n’est pas ce qui restera de la Patrie à la semelle de ses souliers qui sera de nature à retenir quiconque.

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Le Mur, souvenir écran

par Claude-Bernard Berkowitz

En ce 9 novembre 2009, les médias battent le rappel. C’est le 20e anniversaire de la chute du Mur de Berlin. L’évènement est de taille, semble-t-il, puisque je ne peux pas me brancher sur une station de radio ou une chaîne de télé sans entendre et voir des commentaires enfiévrés, des documents anciens ou inédits, relatant et expliquant les tenants et les aboutissants de cette date historique du 9 novembre 1989. La passion et l’enthousiasme qui semblent animer les reporters et commentateurs divers nous laissent penser que, pour l’Allemagne et pour le monde, cet évènement marquait l’avènement de la liberté, la fin de l’oppression. Cette date était-elle comparable, en symbole, à celle de la prise de la Bastille, exactement deux siècles auparavant ? …Sur le petit écran, je vois des foules sympathiques, délirantes de joie qui courent, franchissant dans l’euphorie la barrière Est-Ouest, galopant vers les espaces du bien-être et de la liberté… Ils courent, ils escaladent, il abattent des murs à grands coups de pioche. Ils m’ont l’air bien en forme pour des victimes de la cruelle oppression qu’exercèrent sur eux les affreux bourreaux venus de l’Est. Il est vrai, certes, que la liberté retrouvée et l’espoir de meilleurs lendemains peuvent redonner des ailes et de la vigueur aux victimes les plus éprouvées. Mais je connais des cas, j’ai vu dans le passé, je vois même dans l’actualité présente des images d’êtres humains tellement détruits par l’oppresseur que la libération même ne parvient plus à déclencher les gestes de la joie, ni même l’ébauche d’un sourire.
Alors je me souviens de ce que j’ai éprouvé en novembre 1989, face à l’actualité du moment. Des hommes épris de liberté montaient dans des trains qui roulaient d’Est en Ouest. Les autorités de l’Est essayaient encore de les empêcher de monter dans les wagons, tentaient en vain de les retenir. A l’Ouest, à leur descente du train, on leur faisait une haie d’honneur, on les applaudissait, on les accueillait dans l’allégresse. Quelle joie ! Une Allemagne enfin réunifiée, des familles qui se retrouvaient… Tout allait pour le mieux. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de penser que quelques quarante-cinq ans auparavant, sur ces mêmes rails circulaient, en sens inverse, d’Ouest en Est, des trains semblables qui transportaient des foules. Si les wagons étaient plombés, ce n’était pas pour empêcher les gens de monter mais de descendre. Et à l’arrivée des voyageurs il n’y avait pas l’ovation de la foule. La haie d’honneur était faite de SS armés. Les familles ne se retrouvaient pas mais, au contraire, étaient écartelées sans espoir d’aucune retrouvaille. Curieuse mémoire imprimée sur des rails de chemin de fer… Étrange reproduction inverse de l’histoire des hommes et des oppressions.
Alors, en ce 9 novembre 2009, j’entends des commentaires d’Allemands de mon âge (qui ont donc vécu la dernière guerre) qui, à juste titre, se révoltent et s’insurgent contre ce mur : « Comment avons-nous pu laisser faire cela ? » s’exclame l’un d’entre eux à qui j’ai envie de rétorquer : Comment avez-vous pu, quelques années auparavant, laisser s’installer le Nazisme ? Car après tout, l’édification du mur n’en est que la conséquence. Tant mieux qu’il soit tombé. Mais la commémoration de sa chute avec une telle solennité ressemble beaucoup à un souvenir écran destiné à oublier le pire. En cure psychanalytique, on appelle « souvenir écran » un affect enfoui que le sujet parvient à faire remonter dans son conscient, mais qui en fait ne sert qu’à masquer et empêcher l’émergence de l’affect principal.
On peut penser également que cette excessive solennité sert à nous rendre aimable, présentable et infiniment souhaitable le monde qui naquit de la chute du mur, c’est-à-dire le modèle du libéralisme économique dont on veut affubler la nouvelle Europe et qui ne correspond pas tout à fait, loin s’en faut, à l’idéal espéré. Mais cela est une autre histoire.

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Halte à la répression à EDF GDF/SUEZ

par Ligue des Droits de l’Homme de Toulouse

Cinq mois après la fin du conflit du printemps pour l’emploi et le service public, la Direction des groupes EDF et GDF/SUEZ, répondant à plusieurs demandes gouvernementales invitant à prendre des sanctions contre les salariés en lutte, s’est lancée dans une vaste opération nationale de répression et de sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement de plusieurs salariés. Cette opération s’inscrit dans un contexte de criminalisation du mouvement social inacceptable dans une société démocratique.

En Midi-Pyrénées, 18 conseils de discipline ont été convoqués à l’encontre de salariés choisis au hasard. 4 licenciements sont d’ores et déjà prononcés et 2 sur le point de l’être. Il est reproché aux deux premiers salariés d’avoir fait grève sans autorisation. Pour les quatre autres, ces licenciements font suite à des dégradations de bureaux commises le 21 avril 2009 en présence de près de 600 salariés en grève sur le site, venus exiger l’ouverture de négociations de la part de la Direction.

Les décisions de la Direction régionale d’EDF GDF/SUEZ sont inacceptables, au regard notamment :

  • d’une atteinte grave à l’exercice du droit de grève
  • du refus total de la Direction de négocier malgré les appels répétés des syndicats et de l’exaspération qu’elle a ainsi elle-même provoquée chez des salariés extrêmement inquiets pour leur avenir,
  • de l’absence de toute forme de violence aux personnes ou de “block-out” de la part des salariés en grève,
  • de l’absence d’identification des auteurs des dégradations. La Direction a déposé plainte pour ces faits de dégradations. L’enquête n’a semble-t-il pas avancé et aucune convocation en justice n’a en tous cas été notifiée. Plus de 600 salariés étaient présents sur le site, sans qu’il ait été possible de déterminer ceux qui ont procédé aux dégradations. La Direction elle-même a confessé n’avoir pas identifié précisément les auteurs, mais invoque de manière inacceptable des “faisceaux d’indices”,
  • de la disproportion manifeste entre les faits reprochés et les sanctions de licenciements prononcées.

Dès lors que la Direction d’EDF GDF/SUEZ a cru devoir déposer plainte pour ces faits, il lui incombe, sauf à porter une atteinte inacceptable au principe de la présomption d’innocence, d’attendre la décision de la Justice avant de prononcer quelque sanction que ce soit.

Les organisations et personnalités signataires invitent en conséquence la Direction d’EDF GDF/SUEZ à revenir sur les licenciements prononcés et à suspendre sans délai l’ensemble des procédures disciplinaires engagées dans l’attente des éventuelles décisions de Justice. Elles appellent l’ensemble des pouvoirs publics, et singulièrement le gouvernement, à user de toute leur persuasion pour inciter EDF GDF/SUEZ à s’engager à ne prononcer aucun licenciement.

Les premiers signataires
A l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulouse :

Les organisations syndicales :
Confédération CGT Bernard Thibault, FNME-CGT Frédéric Imbrecht, FSU 31 Bernard Dedeban, Région mines
énergie CGT Marc Courdés UD CGT 31 Gisèle Vidalet, UD CGT 09 Couderc Christophe, Union Syndicale
Solidaires 31 Claude David Sud PTT 31 Christian Manzoni
Les organisations politiques :
Les Alternatifs JJ Boislaroussie, Les Alternatifs Midi-Pyrénées Jean-Marc Fullana, Fédération pour une
alternative sociale et écologique (FASE) Clémentine Autin, FASE 31 Nadine Stoll, Lutte Ouvrière, Motivé-e-s Salah Amokrane, NPA Olivier Besancenot, NPA 31 Myriam Martin, PCF Marie-Georges Buffet, PCF 31 Pierre Lacaze, PG Jean Luc Mélenchon, PG 31 Jean-Christophe Sellin, PRG 31 Bernard Keller, PS 31 Sébastien Denard, Les Verts Cécile Duflot, Les Verts Midi Pyrénées Guillaume Cros.

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Israël après Goldstone

par Shlomo Ben Ami
Ancien ministre des affaires étrangères israélien, Shlomo Ben Ami est l’actuel vice-président du Centre International de la paix de Tolède. Il est l’auteur de Scars of War, Wounds of Peace: The Israeli-Arab Tragedy [Cicatrices de guerres, blessures de paix : la tragédie israélo-arabe, ndt].

Source de l'article

Article publié sur le site Project Syndicate.

TOLÈDE – Après la parution du rapport du juge Richard Goldstone, l’accusant de crime de guerre à Gaza, et l’approbation du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’embarras d’Israël rappelle la réaction du Vice-président des Etats-Unis Spiro Agnew lors de sa mise en accusation pour corruption en 1973 : « Les bâtards, ils ont changé les règles sans me prévenir ».

En effet, les règles ont changé, et Israël ne peut prétendre ne pas avoir été prévenu : nous vivons à une époque où le droit international et la justice universelle sont vigoureusement brandis comme les piliers du nouvel ordre d’un monde meilleur. Ce n’était pas le cas au début du conflit israélo-arabe il y a plus de 60 ans. Mais aujourd’hui, la communauté internationale se doit d’analyser minutieusement le déroulement des guerres et les crimes commis ne peuvent rester impunis.

Enfin, paraît-il. Car ces nouvelles règles ne s’appliquent malheureusement qu’aux pays qui ne sont pas des puissances mondiales. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies n’aurait pas osé mettre la Russie sous les verrous pour avoir détruit Grozny, la capitale de la Tchétchénie, ni la Chine pour avoir brutalement opprimé les peuples du Tibet ou la minorité Ouigour musulmane.

Effectivement, lors de sa première visite à Pékin, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton était limpide : lorsqu’il s’agit de la Chine, l’état de droit et la stabilité passent avant les droits de l’homme. Après tout, a-t-elle expliqué à un collègue européen, il est impossible de malmener son banquier. Or, ce dernier en particulier finance le budget du Pentagone dans sa totalité.

Il aurait également été inconcevable de demander aux Etats-Unis ou à l’Angleterre de rendre des comptes à la Commission de Genève, elle-même composée de certains des abuseurs les plus violents au monde, pour les considérables pertes subies par les civils en Irak et en Afghanistan. Les centaines de victimes des bombardements massifs de l’OTAN en Serbie en 1999 resteront donc à jamais dans l’anonymat.

L’un des défauts majeurs du système du droit international est que l’application des grands principes de la justice universelle soit conditionnée par un équilibre de puissances politiques, et que les abuseurs les plus notables au monde, tels que la Libye ou l’Iran, puissent s’ériger en gardien des droits de l’homme dans certaines organisations des Nations Unies.

Israël peut-il vraiment être impressionné par la critique vertueuse en provenance de l’Iran, affirmant qu’il a « défié le droit » ? De plus, au grand dam du juge Richard Goldstone qui déplore cette nouvelle, le Conseil des droits de l’homme a décidé de ne censurer qu’Israël, sans prendre la peine de mentionner le Hamas, que Goldstone accusait ouvertement de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Il n’est pas vraiment déplacé de présumer que la situation dans laquelle Israël se trouve en ce moment est due à un « effet Obama ». L’attaque contre Israël était indirectement encouragée par la perception désormais répandue que le soutien sans faille de l’Amérique pour l’état hébreu ne peut désormais plus être considéré comme acquis, puisque Obama est à la Maison Blanche. L’indifférence de quelques pays européens à l’appel à l’aide d’Israël pendant le débat sur le rapport Goldstone n’était d’ailleurs pas sans rapport à la frustration engendrée par le refus du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou de geler l’extension des colonies, à l’encontre de la demande d’Obama.Or, même si Israël peut, à juste titre, se sentir injustement rudoyé, il devrait viser plus haut, et éviter de se retrancher derrière le mur de ses propres convictions. Ses exploits à Gaza étaient une victoire à la Pyrrhus, et le pays est désormais prêt à changer son approche de « défense offensive ». Un spectacle d’une force dévastatrice, comportant peu de pertes civiles du côté israélien mais un nombre incommensurable du côté palestinien, n’est pas viable d’un point de vue international. Si cela se répète, cette approche empêchera irrémédiablement Israël d’appartenir à la famille des nations.

Israël va devoir réviser sa doctrine pour s’adapter au champ de bataille contemporain et à la sensibilité de la communauté internationale. Des armées régulières ne sont désormais plus la seule menace à la sécurité des pays. Des acteurs non étatiques – tels que le Hamas et le Hezbollah ou les Talibans en Afghanistan et au Pakistan – qui se protègent derrière une population civile sans défense montrent que le fossé entre les règles de guerre traditionnelles et la réalité du champ de bataille contemporain s’agrandit. Il est à douter qu’Israël puisse forger une alliance internationale qui lui permettrait d’adapter ses règles aux conditions d’un combat asymétrique.

Le rapport Goldstone n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour la paix au Moyen Orient. On peut soutenir que les combats à Gaza ont eu un nouvel effet dissuasif dans cette région déchirée par la guerre. L’offensive sans pitié d’Israël a découragé le Hamas, et, qu’il l’admette ou non, Israël sera bientôt découragé par le spectre de ses dirigeants et officiers devenant l’objet de mandats d’arrestation en Europe.

Un veto des Etats-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU pourrait venir suspendre le procédé légal. Israël pourrait continuer de s’en tenir à ses revendications traditionnelles, exigeant le « droit à à l’auto-défense ». Mais à la vérité, Israël a les mains liées. Ses dirigeants devront désormais prendre plus de mesures décisives vers la paix, s’ils souhaitent que l’argument qu’ils avancent pour faire dérailler le Rapport Goldstone – qu’il n’est autre qu’une « entrave au processus de paix » – soit crédible.

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Quand Israël pensait que les islamistes étaient ses alliés

par Pierre Haski

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C’est l’histoire d’un « grand aveuglement » historique lourd de conséquences. Le journaliste Charles Enderlin raconte dans un nouveau livre1  l’histoire des liaisons dangereuses entre Israël et « l’irrésistible ascension de l’islam radical » palestinien : un fait connu, mais auquel il apporte des témoignages et des documents montrant comment l’État hébreu a laissé grandir son pire ennemi d’aujourd’hui. Édifiant.

Le principe est vieux comme le monde : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Depuis sa conquête des territoires palestiniens de Cisjordanie et de Gaza en juin 1967, Israël a initialement considéré que son ennemi principal était la mouvance nationaliste palestinienne sous toutes ses formes, nationaliste arabe classique à la manière de Yasser Arafat et du Fatah, ou néo-marxiste façon Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de George Habache.
Pour mieux s’opposer à ces mouvements regroupés au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), les gouvernements successifs d’Israël et ses responsables militaires pourtant en première ligne sur le terrain de la confrontation, n’ont pas vu émerger le danger islamiste, et ont au contraire encouragé ce courant pour mieux diviser les Palestiniens et contrer les nationalistes.

Cette erreur a un prix lourd : Israël a conclu en 1993 un accord de reconnaissance réciproque avec Yasser Arafat et, malgré les échecs et les déboires du processus de paix, n’a jamais remis en cause cette relation ; alors que le Hamas, aujourd’hui en contrôle de la bande de Gaza, n’a jamais accepté de reconnaître l’État hébreu dont il est devenu le principal ennemi, comme l’a montré la guerre de janvier dernier.

L’occupation fait le lit du Hamas

Conclusion de Charles Enderlin : « Les décennies d’occupation ont fait le lit du Hamas. »

Pourquoi raconter cette histoire maintenant ? Charles Enderlin, correspondant de France2 à Jérusalem et auteur de plusieurs ouvrages aux occasions manquées de la paix au Proche Orient et aux impasses des processus de paix israélo-palestiniens, répond. (Écouter le son)

Pour être tout à fait honnête, l’erreur d’Israël est largement partagée dans le monde. Dans les années 70, nombreux ont été les régimes qui ont encouragé les forces religieuses pour s’opposer aux « marxistes », avant de réaliser qu’ils avaient permis la naissance d’ennemis implacables. Des campus marocains aux faubourgs du Caire et d’Islamabad, le scénario a été le même.

C’est en Afghanistan et au Pakistan que cette politique a été poussée à son paroxysme, avec l’appui de la CIA américaine aux courants islamistes les plus radicaux pour s’opposer à l’armée soviétique engagée au côté du régime de Kaboul. Pour voir apparaître, dans les années suivantes, des ennemis déterminés de l’Amérique, et en particulier Al Qaeda et Oussama Ben Laden. (Écouter le son)

Dans le cas d’Israël, Charles Enderlin montre bien que l’aveuglement ne fut pas total. Les quelques voix qui ont tenté d’alerter les responsables politiques ont été marginalisées et n’ont pas été prises au sérieux. A l’image de Avner Cohen, responsable des Affaires religieuses à Gaza pendant vingt ans, qui a mis en garde contre le radicalisme religieux du Cheikh Ahmed Yassine, le fondateur du Hamas. Ou du général israélien Yitzhak Segev, gouverneur militaire de Gaza en 1979, qui tente d’alerter ses supérieurs sur le danger, sans être entendu. (Écouter le son)

Cette erreur historique est d’autant plus grave, du point de vue d’Israël, que, pour Charles Enderlin, l’hypothèse d’un accord de paix, un jour, entre l’État hébreu et le Hamas est irréaliste. (Écouter le son)

Le plus troublant, dans ce récit, est le parallélisme qu’établit Charles Enderlin entre « le grand aveuglement » d’Israël qui donne son titre au livre, et la montée du sentiment religieux en Israël, et l’émergence d’un courant de pensée « néosioniste » qui veut remettre la religion au coeur de l’identité de l’Etat hébreu. Religieux vs religieux ? Un scénario qui rend une solution pacifique plus insaisissable encore. Le livre ne répond pas à cette question, mais en fournit la trame inquiétante.

  1. Charles Enderlin, Le grand aveuglement, Albin Michel, 378 p., 20,90€. []
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Assises de l’interculturalité : les dés sont-ils pipés ?

par Nadia Geertz

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Les critiques émises par le MR1 envers les Assises de l’interculturalité lancées en septembre dernier par Joëlle Milquet ont été présentées par certains comme une manœuvre déloyale visant à torpiller un projet à peine lancé, avant même d’attendre ses conclusions. Je ne suis pas devin, mais je voudrais néanmoins rappeler ici qu’il y a à mon sens des raisons objectives de se méfier de ces Assises.

L’appel à projet lancé aux associations était en effet on ne peut plus clair : l’article 3, définissant les actions subsidiables, stipulait clairement2 que « Les projets introduits doivent répondre aux domaines d’actions suivants :

  • Promouvoir le dialogue des cultures
  • Lutter contre les discriminations
  • Lutter contre les discriminations croisées
  • Favoriser la diversité
  • Promouvoir l’accommodement raisonnable
  • Promouvoir des politiques d’actions positives
  • Promouvoir des politiques d’intégration (découverte des autres religions, inter culturalité à l’école, etc.) ».

Autrement dit, une des conditions pour bénéficier d’un subside était de « promouvoir l’accommodement raisonnable ». Quid donc des associations qui estimeraient que la pratique des accommodements dits raisonnables ne contribueraient pas à favoriser l’interculturalité, mais au contraire à encourager le repli communautaire ?

Cette position est pourtant intellectuellement défendable. Et on gagnerait à lever enfin l’hypocrisie qui se cache derrière ce concept, aujourd’hui destiné exclusivement à faire droit à des revendications religieuses. Car contrairement à ce que d’aucuns prétendent, il ne s’agit absolument pas de permettre à des individus indirectement discriminés en raison de leur athéisme, de leur poids ou de leur orientation sexuelle d’accéder à l’emploi dans des conditions d’égalité. Et ce n’est guère étonnant. Car de deux choses l’une : soit l’accès à l’emploi se fait en fonction de critères objectifs – qui font par exemple qu’on ne peut être pilote d’avion si on a une vue déficiente ou hôtesse de l’air si on est obèse –, soit les critères en question sont discutables et doivent pouvoir être réévalués – par exemple la taille minimale fixée pour les agents de police.

Mais en quoi un athée ou un homosexuel pourrait-il se sentir indirectement discriminé en tant que tel dans le monde du travail ? Directement, je veux bien : perdre son emploi parce que votre employeur a découvert vos convictions philosophiques ou religieuses ou votre orientation sexuelle, ce sont des choses qui arrivent, et qui doivent être fermement combattues.

Mais la discrimination indirecte, c’est autre chose : ce sont des situations de discrimination nées d’une règle objectivement neutre, mais discriminatoire dans ses effets. Et là, je ne vois plus très bien à quoi pourraient s’appliquer les accommodements raisonnables, si ce n’est aux membres de communautés religieuses qui se sentiraient discriminés par le fait qu’ils doivent travailler un jour de culte ou apparaître comme neutres alors qu’ils portent un signe distinctif. Près de 80 % des demandes d’accommodements recensés au Québec par la commission Bouchard-Taylor concernent d’ailleurs des exigences religieusement motivées, le reste se ventilant entre des demandes à caractère ethnique – ouverture d’une école pour Noirs ! – et des demandes à caractère linguistique.

La question qui doit donc se poser concernant les accommodements religieux est celle de savoir s’ils vont favoriser la construction d’une véritable communauté civique, faite de valeurs partagées, ou s’ils ne vont pas au contraire accentuer la ghettoïsation de la société, en privilégiant le patchwork plutôt que le melting-pot.

Et comment ce débat peut-il avoir lieu si les associations qui défendent une autre conception du vivre ensemble que celle prônée par Milquet et consorts sont persona non grata, comme en témoigne par exemple l’association Insoumise et dévoilée, qui, malgré sa demande répétée, n’a pas été invitée à ces Assises ?

Tout cela donne l’impression désagréable que les Assises sont déjà pliées, et n’ont pour seul objectif, en réalité, que de conforter les trois partis politiques de la majorité dans les choix qu’ils ont déjà posés, avec la caution de représentants d’une « société civile » dûment triés sur le volet.

  1. Mouvement Réformateur []
  2. http://www.belgium.be/fr/publications/les_assises_de_l_interculturalite_2009/publ_assises_de_l_interculturalite_2009_reglement.jsp []

Agenda

samedi 14 - samedi 14 novembre 2009
Formation citoyenne sur la question de la gestion de l'eau

FORMATION CITOYENNE

Nous organisons une formation sur la question de la gestion de l’eau, avec un spécialiste Monsieur Linossier.

A la MAISON DES ASSOCIATIONS
2 rue des Corroyeurs DIJON
Grande salle du RC

Programme

La formation est essentiellement interactive pour être sûr de ne pas
passer à côté des attentes du public.

Programme sur l’organisation de la gestion de l’eau en France via les agences de l’eau notamment. Soit :
- la gestion de la ressource en France
- la gestion locale de la distribution d’eau et de l’assainissement
- les modes de gestion

  • la règlementation, les lois ;
  • les acteurs ;
  • les usagers et leurs associations ;

- que peut faire le collectif

  • les données sur lesquelles il doit s’appuyer
  • vers qui doit-il se tourner pour gagner son combat.

Etude à partir d’un contrat, en principe celui de Dijon.

Pour organiser cette formation une inscription est nécessaire dans les meilleurs délais et avant le 1° novembre.

Ecrire à “Eau 21 - 3 impasse du Vauloin 21370 LANTENAY”

Une participation aux frais, à votre bonne volonté, sera proposée. Le repas de midi pourra être pris à proximité au Foyer des Jeunes Travailleurs

samedi 14 - samedi 14 novembre 2009
Réunion publique sur la laïcité

Organisée par l’UFAL côte d’or, l’UFAL de l’Yonne et les AMD secteur de DIJON
Intervenant : Bernard Teper

Lieu maison des Associations
Rue des corroyeurs
21000 DIJON
contact:
Jacques Delémontez, 0650949804

jeudi 19 - jeudi 19 novembre 2009
Femme Travail Handicap

Sous le patronage de la Mairie de Paris
L’association « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir »
Organise son quatrième forum national

Parrainé par Claudie HAIGNERÉ,
présidente de la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, médecin et spationaute

Le jeudi 19 novembre 2009 à la Mairie du 18ème arrondissement de Paris

Télécharger le programme et le bulletin d’inscription.