n°634 - 16/03/2010

Sommaire

 
Chronique d'Evariste
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14 mars : dix points marquants et l'amorçe d'un retour du peuple au vote de gauche

par Évariste
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1) C’est un résultat électoral de crise. La carte électorale a énormément bougé. Nous sommes très loin d’une stabilité. La crise économique, le désastre de la politique néolibérale, la nouvelle géosociologie des territoires, le retard politico-stratégique de la gauche, promettent un avenir politique mouvementé à la France et tous ceux qui croient à un avenir linéaire seront “hors sol”.

2) Le chiffre record de l’abstention montre clairement que l’offre politique n’est toujours pas au rendez-vous, surtout pour les couches populaires (ouvriers, employés) majoritaires dans ce pays. Il nécessite d’admettre que l’analyse des résultats est également obérée par cette abstention massive.

3) Le président de la République subit un échec cinglant. Sa majorité néolibérale a reperdu une bonne partie de l’électorat populaire qui l’avait porté à la présidence. Les débats vont donc reprendre au sein de la droite néolibérale, comme chez leurs commanditaires des directions des firmes multinationales. Des turbulences y sont donc prévisibles.

4) Même si le Front national n’est pas au niveau de son score des régionales de 2004, il vient de montrer qu’il a redressé la tête depuis les élections précédentes et va donc probablement entraîner l’échec de Nicolas Sarkozy et de l’UMP dans ces élections en se maintenant dans 10 à 12 régions.  Et si on ajoute au Front national différentes petites listes insignifiantes en elles-mêmes mais qui participent des remises en question de l’électorat de droite, ces marques de mécontentement alimenteront le débat au sein de la droite.

5) Le MODEM est mort. En dehors de l’équipe Lassalle en Aquitaine, il a perdu son électorat populaire. Une stratégie sans base sociologique stable et un programme déconnecté du discours, voilà ce qu’ont petit à petit compris les électeurs. C’est pour eux, comme nous l’avons prédit, la fin de l’histoire.

6) L’installation d’Europe Ecologie comme troisième force du pays est la conséquence du mécontentement des couches moyennes de l’offre politique traditionnelle et du grand talent tactique de Dany Cohn-Bendit. Peu de commentateurs ont compris ces qualités tactiques, tant pendant le mouvement de Mai 68 que dans la montée d’Europe Ecologie. Mais qu’on se dise bien que les génies tactiques n’ont qu’un temps (Chevènement, Mitterrand, Bayrou, entre autres !) et que rien ne remplace l’analyse stratégique (comme l’ont expliqué Sun Tzu, Clausewitz et beaucoup d’autres). Pour comprendre pourquoi le mécontentement des couches moyennes de l’offre politique traditionnelle aboutit à Europe Ecologie, n’oublions pas qu’une couche sociale peut toujours tenter de privilégier la défense de ses intérêts avant de penser à faire alliance avec d’autres couches sociales et notamment dans ce cas, avec des couches populaires. De ce point de vue, l’histoire ne fait que commencer.

7) Le parti socialiste est un des bénéficiaires conjoncturels de ce premier tour des élections, notamment grâce d’une part au retour d’une partie des couches populaires qui l’avaient boudé lors des élections précédentes et d’autre part, à un discours moins gestionnaire de la direction du PS. Ces deux points sont majeurs bien que la situation reste pour le PS bien précaire.

8 ) Le Languedoc-Roussillon montre que les “élites politiques” de gauche (Front de gauche, Europe Ecologie et PS ) ont été incapables de traiter le cas singulier du populisme de gauche animé par Georges Frêche. Ils réussissent le tour de force d’être absents du 2ème tour de l’élection régionale et de permettre une triangulaire droite néolibérale- Front national - populisme de gauche. De la jospinade languedocienne. Une honte pour toute la gauche !

9) L’écroulement du NPA est dû principalement au fait que les couches populaires qui l’avaient rejoint aux européennes ne lui pardonnent pas d’avoir rompu l’unité de la gauche du non. Il aurait pu par exemple, disent beaucoup d’ouvriers et d’employés, avoir une position unitaire sans participer aux exécutifs de la gauche. Mais une raison secondaire a joué. La symbolique de la candidate voilée, émergence d’une stratégie d’alliance avec la religion supposée des pauvres, a suscité la réprobation de chez tous ceux attachés à la globalisation des combats (notamment laïques et féministes) et de tous ceux qui sont indignés que l’on puisse déclarer que pour représenter les quartiers populaires, il faut une candidate voilée. Que des trotskistes rompent avec la thèse marxiste de la religion “opium du peuple” et souhaitent instrumentaliser la religion à des fins politiciennes, c’est abject et dérisoire. Le peuple a de ce point de vue une certaine pertinence.
Lutte Ouvrière, qui tient un discours qui s’entend dans les couches populaires, est sanctionné de ne pas donner de perspectives politiques aux travailleurs gagnés à l’idée de lier le combat par les urnes au combat par les luttes sociales.

10) Le Front de gauche semble s’installer dans le paysage mais sa progression est enrayée. Et on ne peut pas dire qu’il est possible d’extrapoler un résultat proportionnel des 17 régions où il est présent aux 22 régions métropolitaines. C’est outrecuidant puisque ceux qui ont rompu l’alliance du Front de gauche l’ont fait précisément parce qu’ils étaient incapables de faire 5% au premier tour, préférant donc garder leurs élus plutôt que de participer à une expérience nationale !  Donc malgré une stratégie d’union qui garde une certaine pertinence, il stagne à cause de plusieurs causes conjoncturelles et structurelles. Quant aux causes structurelles, voir l’article sur les déficits politico-stratégiques du non de gauche. Quant aux causes conjoncturelles, proposer aux électeurs des communistes sur plusieurs listes concurrentes, dans plusieurs régions, proposer aux électeurs des alliances à la carte région par région, tout ceci a donné l’impression d’une stratégie opportuniste : ici alliance PG-NPA, ici Front de gauche élargi, ici alliance PS- communistes, etc.

Politique française
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Le début d'un retour (précaire) du peuple dans le vote de gauche

par Évariste
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Comme les sondages l’ont montré, les couches populaires (ouvriers, employés) ont démarré leur retour à gauche. Mais malheureusement aussi vers le Front national. Ce retour n’est que fragile et encore largement partiel. Notamment parce que une bonne partie des couches populaires gonflent l’abstention, voire les votes nuls, en grand nombre. Est-ce que les partis de gauche et d’extrême gauche sauront apporter les réponses aux questions que se posent les couches populaires majoritaires dans le pays ? Rien n’est moins sûr, même si nous l’espérons.
Quand le désastre du gouvernement de la Gauche plurielle de Jospin entraîna toute la gauche dans l’impasse : 13 % des chômeurs, 11 % des ouvriers votent pour Lionel Jospin (PS) et 1 % des ouvriers votent Robert Hue (PCF), alors que le Front national engrange 30 % des votes ouvriers !
En 2007, léger mieux de ce point de vue vers le PS et la LCR (devenu depuis le NPA) mais pas vers le PCF. Mais le compte n’y est pas car Jean-Marie Le Pen (FN), Ségolène Royal (PS), Nicolas Sarkozy (UMP) et François Bayrou se partagent l’essentiel des voix des couches populaires et qu’un candidat de gauche ne peut gagner qu’avec la très grande majorité de ces couches populaires.
Nous serons attentifs aux sondages à la sortie des urnes pour juger des votes ou des non-votes des couches populaires. Mais les résultats montrent un début de retour à gauche des voix des couches populaires. Malheureusement, c’est également le cas pour le Front national. Et trop de citoyens des couches populaires manifestent encore leur mécontentement dans l’abstention. La bataille pour l’hégémonie dans les couches populaires a donc repris entre la gauche et le Front national. Faire en sorte que la gauche gagne cette bataille de l’hégémonie est centrale pour la gauche. Et cette bataille ne doit pas simplement se faire par des gadgets, aussi médiatiques qu’ils soient.

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Les amis bientôt dévoilés du facteur

par Yann Barte
Journaliste au Courrier de l'Atlas

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« Ni loi, ni voile », c’était en 2004, la position de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Il n’était alors pas question de présenter une candidate voilée. Le débat qui ressurgit aujourd’hui au NPA (Nouveau parti anticapitaliste) n’avait pas été tranché lors de son congrès fondateur.

C’est en 2004 également que Chris Harman, dirigeant du Socialist Workers Party (SWP), principal mouvement d’extrême gauche britannique, exposait dans un texte, Le prophète et le prolétariat, les conditions d’une alliance tactique avec les islamistes. « Là où les islamistes sont dans l’opposition, notre règle de conduite doit être : ‘avec les islamistes parfois, avec l’État jamais’ ». Pour le militant trotskiste, cette attitude devait être la stratégie à adopter en France et en Grande-Bretagne. « Sur certaines questions nous serons dans le même camp que les islamistes contre l’impérialisme et contre l’État ».

Cette tendance est présente aujourd’hui dans l’actuel NPA, comme elle l’était déjà en janvier 2004 à la LCR, après l’adhésion du courant Socialisme par en bas (Speb) soutenu par le SWP. La correspondance tenue entre Chris Harman et le mouvement Speb français est d’ailleurs très instructive sur la façon dont le SPEP devait séduire les militants musulmans et réussir son entrisme à la LCR.

Socialisme International, autre organisation révolutionnaire française, avait intégré la LCR dès 2002. Elle décrit aujourd’hui « l’islamophobie » comme « une des formes les plus importantes du racisme » et préconise comme « souhaitable », « un travail commun avec des organisations musulmanes ». Une lecture surprenante de Marx.

Depuis, le mariage improbable ne cesse de nous surprendre. Comme celui des emblèmes faucille, marteau, Coran et kalachnikov à Paris en 2006, durant les bombardements au Liban : les drapeaux rouge de la LCR se mêlaient alors aux drapeaux jaunes du Hezbollah sur tout le boulevard de Magenta, comme en janvier 2009, lors des bombardements de Gaza.

A l’extrême gauche, seuls les anarchistes et Lutte ouvrière refusent de jouer les idiots utiles de l’islamisme en troquant leurs convictions anti-totalitaires au nom de leurs sympathies palestinienne et antilibérale. Pour la LCR, dont nombre de militants ont déjà noué des liens avec les Indigènes de la République, le Hezbollah semble incarner avant tout la « résistance ». Le projet de société islamiste, lui, se voit totalement gommé.

La LCR signera même avec la section France du Parti communiste libanais, allié du Hezbollah, une déclaration commune de refus de déploiement des forces internationales et de refus de l’application de la résolution 1559 sur le désarmement du Hezbollah. L’affaire du voile « féministe et laïque » que Besancenot semble presque décrire comme un accessoire de mode, n’est que le reflet de la confusion idéologique qui règne aujourd’hui dans les rangs du NPA. Une clarification est nécessaire.

in Le Courrier de l’Atlas, mars 2010

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Quartiers défavorisés : la situation reste préoccupante

par l’Observatoire des inégalités

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Echec scolaire, chômage important, pauvreté accrue, la situation des ZUS ne s’améliore guère. Une analyse de Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS-Cesdip.

publication officielle du Rapport 2009 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) est passée relativement inaperçue fin novembre 2009. Il faut dire que les pouvoirs publics communiquent étrangement beaucoup moins sur ces indicateurs que sur les statistiques de police, par exemple… Certes, le ton des discours est assez similaire : on vante « l’action engagée par le Président de la République et le Gouvernement pour réduire les écarts structurels qui demeurent entre les quartiers prioritaires et le reste de notre territoire national »,1 ou bien on insiste sur des « résultats prometteurs »,2 . La réalité est plus préoccupante et invite à davantage de modestie. On rappelle ici trois aspects qui sont liés aux problèmes de délinquance : les parcours scolaires des enfants, le chômage des jeunes et la pauvreté des familles.

L’échec scolaire persiste
En 2007-2008, 9,4 % des collégiens et 8,5 % des lycéens étaient scolarisés en ZUS. Et leur situation est globalement beaucoup plus mauvaise que dans les autres quartiers. Dès la 6ème, on trouve en ZUS deux fois plus d’élèves accusant un retard de deux ans ou plus que dans les autres quartiers. L’origine étrangère et la catégorie sociale défavorisée des parents sont deux déterminants importants de cette différence. L’écart de réussite au brevet entre les collèges des ZUS et les autres a très légèrement diminué ces dernières années mais reste de 12,1 points en 2008. Enfin, au lycée, les élèves de ZUS se dirigent davantage vers les filières technologiques ou professionnelles que vers les filières générales. Certes, parmi les indicateurs disponibles, certains s’améliorent mais dans de faibles proportions. Au total, l’écart entre les ZUS et les autres quartiers perdure à peu près dans les mêmes termes. Le rapport relève en outre que les ZUS sont caractérisées par des fonctionnaires de l’Education nationale plus jeunes et avec moins d’ancienneté dans le même établissement (turn over important), constat qui vaut pareillement pour d’autres catégories de fonctionnaires, la police nationale par exemple.

Le chômage reste très supérieur
Le taux de chômage est traditionnellement beaucoup plus élevé (supérieur d’au moins de 10 points) dans les ZUS que dans le reste des agglomérations où elles sont situées. Mais qu’en est-il en termes d’évolution ? Si ce taux a été globalement stable de 2003 à 2008 (autour de 17 % avec une pointe à 20 % fin 2005 et début 2006), la crise économique a amené un retournement de tendance mi-2008 et une remontée très forte depuis. Dès le 2ème trimestre 2009, on avait retrouvé le niveau de début 2006 (voir les « indicateurs de conjoncture » sur le site de l’INSEE. Il est donc probable que ce taux se situe toujours autour de 20 % en ce début d’année 2010. Ce taux global masque toutefois des écarts très importants selon l’âge, le sexe et le niveau de diplôme. Les jeunes hommes (16-25 ans) sont comme toujours les premiers amortisseurs de la crise et les premiers licenciés (ils n’ont pas d’expérience à faire valoir, ils travaillaient plus souvent en CDD, en intérim, en travail saisonnier). Ainsi dès 2008, leur taux de chômage était remonté à près de 42 %. Il approche peut-être les 50 % en ce début 2010. Et si l’on ajoute le critère de la qualification, la situation devient plus grave encore. Le taux de chômage des hommes, jeunes et peu ou pas diplômés se situe ainsi bien au-delà des 50 %, peut-être au-delà même des 60 %. L’ONZUS rappelle ainsi que « au total, 1 jeune sur 4 des quartiers sensibles est au chômage ou en inactivité, contre 1 sur 8 dans les autres quartiers des mêmes agglomérations » . Et il ajoute également : « Si l’évolution du chômage des jeunes semble essentiellement liée à celle du chômage des faiblement diplômés, on peut s’interroger sur la faible probabilité d’accès à l’emploi stable des jeunes habitants des quartiers de la politique de la ville. L’emploi stable est 1,7 fois moins accessible à un jeune habitant en ZUS qu’à un habitant des autres quartiers. La qualification ne suffit pas à rétablir l’égalité avec les autres territoires. A caractéristiques de diplôme, de sexe, d’origine du père et de nationalité identiques, un jeune habitant de ZUS a encore 1,3 fois moins de chances d’obtenir un emploi stable qu’un habitant d’autres quartiers. On pourrait y voir la conséquence de l’enclavement des ZUS, comme celle de l’absence de réseau personnel ou d’autres discriminations » .

Une concentration de pauvreté
Les ZUS concentrent les populations les plus pauvres. Leur revenu fiscal est globalement inférieur de moitié à celui des autres territoires. Plus de la moitié des ménages y sont non imposables. Et ces écarts de revenus n’évoluent pas. En 2007, ce sont un tiers (33 %) des habitants des ZUS qui vivent sous le seuil de pauvreté (c’est-à-dire avec moins de 908 euros par mois pour vivre), soit presque 3 fois plus que sur le reste du territoire national. A nouveau, les jeunes de moins de 25 ans sont les plus en difficulté avec une proportion de 40 à 45 % vivant sous le seuil de pauvreté. Le rapport conclut en rappelant que si « cette proportion [de personnes vivant sous le niveau de pauvreté] est restée stable entre 2006 et 2007 hors ZUS, elle a augmenté de 2,6 points en ZUS ».

  1. discours de Xavier Darcos du 30/11/2009  []
  2. discours de Fadela Amara du 30/11/2009 []
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GSM « réseau ferroviaire » : R.F.F. privatisé par P.P.P. !

par Rémi AUFRERE
www.miroirsocial.com/

Réseau Ferré de France a besoin d’argent et de technicité. Le réseau de téléphonie mobile ferroviaire (technologie GSM-R) vient d’échapper à la maintenance de la SNCF, l’opérateur public historique.

R.F.F. a signé un contrat de Partenariat Public privé (P.P.P.) avec la société SYNERAIL, entreprise privée détenue par Vinci, SFR, AXA Private Equity (fonds infrastructure) et TDF.
C’est un contrat important puisqu’il est évalué à 1 milliard d’euros. Il a une durée de 15 ans et consiste en l’exploitation et la maintenance du réseau téléphonique cellulaire GSM-R (Rail) utilisé par la SNCF pour ses besoins spécifiques de communication le long de 14 000 kilomètres de voies (sur un réseau qui en compte 29 500 fin 2009).

Le financement de l’investissement sera supporté par les actionnaires de Synerail et par un groupe de banques piloté par le Crédit Agricole.
En 2025, selon les termes contractuels, R.F.F. sera propriétaire du réseau.
Précisons que la norme GSM-R a été adopté par 17 pays européens et comportent diverses particularités techniques propres à l’utilisation pour le réseau ferré. Elle permet aux agents de conduite de communiquer en mode conférence avec les différentes équipes ferroviaires : régulateurs, équipes de manœuvre… Cette technologie gère la priorité des appels en permettant, notamment, de signaler un obstacle sur la voie. Les informations et les renseignements de signalisation entre les trains et les postes de régulation sont accélérés. Les trains communiqueront leur position et vitesse. Le déploiement de cette technologie permettra de transporter et de diffuser les données de l’ETCS (European Train Control System), le système de transmission voie-machine (TVM) normalisé au niveau européen.

Le réseau téléphonique fixe ferroviaire n’est, pour l’instant, pas concerné par cette privatisation ni les fibres optiques mutualisées par la signalisation.

Toutefois, et devant un retour potentiellement important sur investissement, certains syndicalistes cheminots redoutent une accélération de cette forme de privatisation sur l’ensemble du réseau téléphonique. Précisons que plusieurs syndicats cheminots français comme d’autres organisations affiliées à la fédération européenne des transports (salariés) ont déclarés leur opposition aux P.P.P. dans le secteur ferroviaire en dénonçant une privatisation du patrimoine public.

Hommage
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Un Jean qui meurt, des gens qui pleurent

par Jocelyne Clarke

Ami fraternel, camarade des luttes, tu soutenais le Front de gauche aux présentes Régionales, convaincu qu’un rassemblement sur des bases claires prévalait, pour arrêter le jeu de massacre d’une droite qui saigne à blanc le peuple de France, cette France que tu chantais, celle de 36, de 68, celle des travailleurs.
Fidèle à la Résistance et aux compagnons communistes, tu nous laisses Nuit et Brouillard, La Commune, Camarade
Amoureux de la beauté des mots et des choses de la vie, celles qui en font la saveur, tu continues à nous faire un clin d’oeil avec Sacré Félicien, à jouer la tendresse avec tes beaux textes qui ne s’écoutent pas pour passer le temps.
Le sabre et le goupillon, un beau pied de nez aux curés.
La femme est l’avenir de l’homme, ode à l’égale dignité des femmes, en délicatesse et justesse.
Et puis ton amour de la vie qu’on gardera comme un trésor pour les jours sombres.

Merci Ferrat

“Le jazz ouvert dans la nuit
Sa trompette qui nous suit
Dans une rue de Paris
Que c’est beau, c’est beau la vie.

La rouge fleur éclatée
D’un néon qui fait trembler
Nos deux ombres étonnées
Que c’est beau, c’est beau la vie.”

Combat féministe
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Elisabeth Badinter : voie royale à temps partiel ou voie lactée à temps complet ?

par Catherine Kintzler
Auteur de "Qu'est-ce que la laïcité", publié chez Vrin, 2007.

Source de l'article

Une lecture du livre que Elisabeth Badinter publie chez Flammarion au sujet de la maternité : Le conflit, la femme et la mère

Le retour de la mère sacrificielle au nom de la nature

On sait, de mémoire d’humanité, combien la maternité, particulièrement lorsqu’elle est imposée comme un devoir absolu devant lequel tout le reste doit s’effacer, pèse sur la liberté des femmes. Le féminisme du XXe siècle a combattu cette mentalité sacrificielle par une libération de type “moderne”, notamment appuyée sur les artifices bienfaisants de la technique. C’était sans compter avec le retour du naturalisme qui, secondé par une certaine forme d’écologie, vous explique gravement que la couche-culotte jetable, le lait maternisé et le biberon, ce n’est pas seulement ringard, c’est irresponsable. Le modèle de la femme libérée des années 1970 serait  donc celui d’une mauvaise mère, qui refuse son lait et sa présence de tous les instants au bébé. Il risque aujourd’hui de s’effacer devant le modèle de la mère idéale, qui doit tout et se doit tout entière, tout le temps, à son bébé.

Pour resserrer les boulons et rappeler les femmes à un destin exclusif de reproductrices, rien ne vaut le ressort puissant de la culpabilisation. Page 112-113, dix commandements de l’allaitement sont alignés dans la version sacralisée et féroce diffusée par l’association alternamoms. En voici un:
Tu ne sèvreras pas tes enfants en fonction de ton confort. Les études ont montré que les enfants étaient biologiquement prêts à être sevrés entre trois ans et demi et sept ans”.
Ajoutons que le lait maternel doit bien sûr être disponible à la demande de l’enfant et chaque fois que celui-ci le demande - 12 à 15 fois par nuit pourquoi pas ? - et que la pratique du “cododo” est souvent suggérée (pourquoi en effet, ne pas coucher avec sa maman ? si le papa est gêné ou s’il a peur d’écraser le petit, on conseille de mettre un oreiller entre lui et la dyade fusionnelle mère-enfant). On l’aura compris, pour ces fanatiques du retour inconditionnel à la nature, un allaitement “responsable” requiert le temps complet, l’abnégation totale. On se demande au passage avec inquiétude quels adolescents, quels adultes peut produire cette très longue voie lactée confite en dévotion et en génuflexion devant “l’imperium” de l’enfant.

Le French paradox de la maternité

Mais le livre ne se contente pas de pointer la “barque trop chargée” qui finit par rendre incompatibles la maternité et une vie libre et active dirigée vers l’extérieur à tel point que les femmes, prises dans cette tenaille, n’ont plus que deux solutions: immoler leur liberté sur l’autel d’une maternité dévoratrice ou renoncer à tout désir d’enfant. Les ultimes chapitres, alimentés par des statistiques, font apparaître un paradoxe. C’est que, championne en contraception et en IVG, pratiquant l’encouragement public des “mauvaises mères” avec une école maternelle accueillant des enfants très jeunes, bonne dernière des pays européens dans la pratique de l’allaitement (objet d’un choix et non d’une pression sociale, il s’effectue presque toujours à “temps partiel”), forte d’une tradition plus que séculaire où les femmes sont femmes avant d’être mères, la France connaît cependant de façon durable l’un des plus forts taux de fécondité au sein des pays occidentaux - alors que ceux qui encouragent l’allaitement et l’abandon de l’activité professionnelle voient les femmes se détourner du choix maternel.
L’auteur avance alors une hypothèse qui n’est pas sans rapport avec celle qu’elle soutenait naguère dans son ouvrage sur L’Histoire de l’amour maternel1:

“Cet état d’esprit collectif, à la fois libéral et déculpabilisant, joue certainement un rôle positif dans la décision de procréer. Plus on allège le poids des responsabilités maternelles, plus on respecte les choix de la mère et de la femme, et plus celle-ci sera encline à tenter l’expérience, voire à la renouveler. Soutenir la maternité à temps partiel, que d’aucuns considèrent pourtant comme insuffisante et comme coupable, est aujourd’hui la voie royale de la reproduction. En revanche, exiger de la mère qu’elle sacrifie la femme qui est en elle ne peut que retarder plus encore l’heure de la première maternité et même la décourager.”

Souhaitons avec elle que, à la croisée de la voie royale de la maternité à temps partiel et de la voie lactée sacrificielle à temps complet, les jeunes femmes continuent à résister au discours culpabilisant : pour être libres et elles-mêmes bien sûr, mais aussi pour faire librement les enfants qu’elles souhaitent.

© Catherine Kintzler, 2010

  1. L’Amour en plus. Histoire de l’amour maternel, Paris : Flammarion, 1980, rééd. 2010. []
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Soad Baba Aïssa : les intégristes catholiques polonais ont comparé Alicja aux criminels nazis et l’IVG à la Shoah

par Hakim Arabdiou

Hakim Arabdiou : Peux-tu te présenter en quatre ou cinq lignes à nos lecteurs?

Soad Baba Aïssa : Je suis née en 1961, en France, de parents algériens, j’ai grandi, étudié et milité en France. A l’âge de 23 ans, j’ai pris la décision de vivre en Algérie. J’y suis restée cinq ans. Syndicaliste et militante féministe laïque, il n’aurait pu n’y avoir qu’un pas entre le combat social et le combat sociétale mais je me rends compte que ce pas pourtant essentiel est franchi par une minorité. J’ai activement participé à la campagne 20 ans barakat (20 ans, ça suffit ! pour l’abrogation du Code de la famille algérien, fondée sur les préceptes de la chari’a). En 2005, j’ai rejoint l’association Femmes Solidaires, puis le réseau Initiative Féministe Européenne pour une autre Europe. Le combat pour les valeurs d’égalité des droits, d’universalité des droits fondamentaux des femmes, de citoyenneté et de laïcité sont pour moi primordiales. Mon investissement est aujourd’hui plus important, il existe une véritable régression et il est urgent de travailler sur le terrain, en France, en Europe et dans le monde.

HA : Alicja Tysiac a-t-elle finalement obtenu gain de cause dans le procès qu’elle a intenté pour diffamation au journal, Gosc Niedzielny, de l’Eglise catholique polonaise, qui fut le fer de lance des campagnes médiatique et politique, dont elle fut victime, parce qu’elle avait voulu avorter, suite à l’abrogation du droit à l’avortement en vigueur sous le régime communiste?

SB : Le 19 février 2010, le tribunal de Katowice, en Pologne, a statué en 2e instance (appel) et rendra sa décision le 5 mars. Pour le moment, je ne peux pas affirmer qu’Alicja ait obtenu gain de cause dans le procès qu’elle a intenté au journal, Gosc Niedzjielny. Toutefois, le jugement en première instance du 23 septembre 2009 lui a été favorable et a condamné le journal et l’archevêché de Silésie à publier des excuses dans ses colonnes et à verser 30 000 Zlotys (10 000 euros) de dommages et intérêts à Alicja. Par cette décision, le juge de première instance a clairement condamné le discours de haine et l’instrumentalisation de la Shoah à laquelle l’avortement est comparé dans les médias et les prêches chrétiens en Pologne.

H A : Peux-tu revenir brièvement sur le fond de cette affaire ?

S.B. : Depuis l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse, en 1993, la loi ne permet l’avortement volontaire qu’en cas de viol, de malformation du fœtus et de danger pour la santé de la mère. Lourdement handicapée, mère de deux enfants, Alicja redoutait une nouvelle grossesse. Face à des médecins qui ont nié son handicap, elle n’a pas réussi à obtenir une autorisation d’IVG légale et a dû mener sa grossesse à terme.
En Pologne, il n’existe aucun recours pour une femme face au refus de l’IVG. C’est contre ce refus et pour avoir été la victime du système fondamentaliste qu’Alicja a pu, soutenue par les féministes polonaises, faire condamner en 2007, l’État polonais par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour refus d’IVG légale à lui verser la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts.

Dès lors, l’ensemble de la classe politique, l’Église polonaise – de l’Episcopat aux médias catholiques – ont jugé scandaleux le fait d’assigner son pays devant la justice européenne. Elle a été décrite comme la véritable incarnation du mal, dénigrée publiquement et insultée dans les sermons, prêches et médias.
Des propos diffamatoires à son encontre ont été tenus par les journalistes du magazine Gosc Niedzejelny. Elle a été traitée de « meurtrière en puissance car elle voulait tuer son enfant », « nous vivons dans un monde où une mère reçoit une récompense, parce qu’elle voulait absolument tuer son enfant, mais on ne le lui a pas permis ». Ce journal appelle à obliger Alicja « à rendre son enfant puisqu’elle ne le voulait pas ». Elle a été comparée aux criminels nazis et l’IVG à la Shoah. Alicja a contre-attaqué pour préserver son honneur et sa vie. Elle a assigné en justice Marek Garncarzik, rédacteur en chef du magazine ecclésiastique et la société d’édition de ce magazine appartenant à l’Episcopat et demandé des excuses et des dommages et intérêts.

H. A. : Quels sont les soutiens, dont elle a bénéficié tant en Pologne qu’à l’étranger, et singulièrement en France ?

S. B. : Alicja Tisiac a bénéficié de soutien en Pologne de RACJA, parti de la Gauche polonaise, d’un collectif de féministes de Silésie, Initiative des Femmes européennes de Pologne. Un comité de soutien a même été crée en Pologne pour être à ses côtés.
En Europe, elle est soutenue par les laïques européens, les catholiques de gauche européens, Parti de la Gauche européenne, Parti Die Linke en Allemagne, la Marche Mondiale des Femmes , l’Initiative Féministe Européenne (IFE-EFI).
En France, le réseau Initiative Féministe Européenne – France, l’association féministe française, Rien Sans Elles.


H.A. : Peux-tu présenter ton association à nos lecteurs ?

S. B. : L’initiative Féministe Européenne pour une autre Europe est née en 2003. L’IFE est un réseau ouvert, dont le rayon d’action dépasse les frontières géographiques et politiques de l’Europe. Notre réseau s’étend jusqu’au pourtour du bassin méditerranéen.
Le principal objectif de notre mouvement est de faire entendre la voix des femmes et de les rendre visibles. En Europe et dans le monde, le système patriarcal s’est construit sur la domination et le contrôle des femmes. Pour nous, il s’agit de contribuer au développement de l’intervention des femmes dans tous les domaines de la vie politique, sociale, économique sur des bases féministes. Il est important que les femmes soient sensibilisées et se mobilisent dans les différents pays d’Europe et qu’elles fassent converger leurs luttes contre l’oppression patriarcale. Notre idéal serait de transformer ce pouvoir de domination patriarcale en un pouvoir de faire ensemble, femmes et hommes, pour un mouvement démocratique défendant des droits universels.
Je pense que le mouvement féministe européen représente une force sociale critique. Le modèle européen actuel prône le libéralisme, le militarisme, alimente les nationalismes et réintroduit le religieux dans la sphère politique.
Ces dernières années, nous avons axé principalement notre travail à travers des campagnes européennes pour la sécurité globale, le droit à l’avortement et face à l’intrusion croissante des religions dans la sphère publique, la laïcité.

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Alicja Tysiac a gagné une seconde fois ! La solidarité internationale aussi !

par Monika Karbowska
Initiative Féministe Européenne

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Le verdict de la Cour d’Appel de Katowice du 5 mars 2010 est un véritable cadeau pour toutes les femmes d’Europe pour la journée internationale des droits des femmes du 8 mars.

photos-pologne-053La Cour a rejeté le recours en appel et confirmé le jugement de première instance favorable à Alicja Tysiac.
Le magazine épiscopal „Gosc Niedzielny” et l’Archevêché de Katowice devront publier des excuses à Alicja Tysiac pour l’avoir comparée aux criminels nazis et pour avoir employé à son encontre des discours de haine. Ils devront également payer 30 000 zlotys (env. 8000 Euros) de dédommagement ainsi que les frais de justice.

La victoire d’Alicja est donc la victoire du droit des femmes à leur liberté d’expression concernant l’avortement et la sexualité. Ce droit est encore quotidiennement bafoué en Pologne: le jour du verdict l’association d’extrême droite „Obroncy Zycia” choquait la population en présentant dans les rues de Poznan d’énormes panneaux d’affichage mettant en scène le portrait de Hitler souligné par le texte: „L’avortement c’est Hitler. Hitler le premier a autorisé l’avortement en Pologne en 1943”. Cet affichage public répugnant et mensonger n’est pas à ce jour encore contesté juridiquement en Pologne, l’extrême droite tenant le haut du pavé dans le débat public polonais.

La victoire d’Alicja prend d’autant plus de relief qu’elle ouvre des perspectives à des luttes et des victoires à l’avenir. La solidarité internationale a joué à plein et a été payante: des associations féministes, laïques et de chrétiens pro choix ont envoyés des dizaines de lettres à la Cour d’Appel demandant aux juges de ne pas céder aux pressions de l’extrême droite polonaises et de l’Episcopat. Les ambassades polonaises ont reçu des lettres de soutien à Alicja d’organisations et de particuliers dans le monde entier.

A l’audience de la Cour d’Appel du 19 février dernier à Katowice étaient présentes: Sonia Mitralias, de la Marche Mondiale des Femmes, Soad Bekkouche et Lilian Halls French de l’Initiative Féministe Européenne, Lise Leider du Cercle Laïque de Grenoble représentante de plusieurs associations des droits humains françaises, Annette Groth, députée au Bundestag de die Linke, Christiane Reymann, du Parti de la Gauche Européenne. Le 5 mars 2010 à la conférence de presse annonçant le verdict, Elfriede Harth, du réseau catholique pro choix „Eglises et Libertés” a expliqué aux journalistes que des millions de catholiques désaprouvent les positions misogynes de l’Espiscopat polonais.

Alicja Tysiac a remercié les organisations de soutien et a exprimé l’espoir que L’Eglise n’insulterait plus jamais les femmes en Pologne. Elle a dédié les excuses que l’Archevêché de Katowice devra publier à toutes les femmes humilées par l’Eglise en Pologne.
Teresa Jakubowska, présidente du Parti laïque RACJA de la Gauche Polonaise et principal soutien en Pologne d’Alicja a exprimé sa joie de voir l’Etat de Droit enfin triompher en Pologne par le biais de ce jugement. L’Episcopat avait lancé une iniaitive de pression à l’encontre des juges. Comme les juges n’ont pas cédé à la pression de l’Eglise, c’est une bonne perspective pour la démocratie et les droits des femmes en Pologne.

Mais la lutte pour le droit à la liberté d’expression des femmes ne peut pas s’arrêter là. Nous devons empêcher l’Espiscopat d’insulter les femmes en tant que groupe social lorsqu’il les traite de meutrières et de tueuses d’enfants soupçonnées de vouloir avorter dès qu’elles sont enceintes. Nous devons démontrer qu’il s’agit de discours de haine sexiste. Nous devons aussi reprendre le terrain perdu en empêchant l’Eglise d’insulter les féministes, accusées en Pologne de „propager le crime de meutre d’enfant” en revendiquant la légalisation de l’avortement.

Seule cette lutte nous permettra de gagner la lutte finale, le droit de disposer de son corps dans les 3 pays européens qui ne l’ont pas encore, la Pologne, Malte et l’Irlande.

Extrême-droite
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100 personnalités disent Non à l'affiche raciste du Front National !

par Mohamed Sifaoui
Journaliste, Ecrivain et Réalisateur.
www.mohamed-sifaoui.com/

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Après la profanation des cimetières et des mosquées, après le débat sur l’identité nationale qui a souvent dérivé sur des discours xénophobes et stigmatisants, un pas supplémentaire a été franchi dans le rejet de l’Islam et des Musulmans.

L’affiche du Front National pour les élections régionales, représentant une femme portant un voile intégral et une France recouverte d’un drapeau algérien et transpercée de minarets en forme de missiles, est non seulement la manifestation d’un racisme odieux et haineux à l’égard des musulmans, des franco-algériens et des Algériens de France, mais aussi une insulte et un défi à l’égard de la devise de la République : Liberté, Égalité, Fraternité.

Quelle sera la prochaine étape que franchiront ceux qui, au nom d’une vision passéiste et étriquée de la France, attisent le feu du racisme et de la haine antimusulmane en général et la stigmatisation des populations d’origine algériennes en particulier, et ce, au prétexte de la lutte contre l’extrémisme religieux ?

Devant cette atteinte intolérable aux valeurs de la République, à la foi et à la dignité des Musulmans, des franco-algériens et des Algériens de France, nous appelons tous les responsables politiques, les intellectuels, les acteurs de la société civile et tous les citoyens à dénoncer un parti, le Front National, qui, sous couvert de campagne électorale, utilise des méthodes de propagande qui rappellent les heures les plus noires de l’histoire.

Si la lutte contre l’extrémisme religieux est légitime, elle ne doit pas être menée avec des amalgames, des discours haineux et xénophobes, mais en s’appuyant sur les valeurs universelles, incarnées par la République française.

Signer la pétition

Les 100 Premiers signataires :
Dominique SOPO Président de SOS Racisme.
Chemseddine HAFIZ Avocat, Vice-Président du CFCM.
Richard PRASQUIER Président du CRIF.
Bernard-Henri LEVY Philosophe et Ecrivain
Benjamin STORA Historien
Leila BABES Sociologue
Dalil BOUBAKEUR Recteur de la Grande Mosquée de Paris.
Mohammed MOUSSAOUI Président du CFCM.
Frédéric ENCEL Politologue
André GLUCKSMANN Philosophe.
Elisabeth BADINTER Philosophe.
Kamel KABTANE Recteur de la Grande Mosquée de Lyon.
Francis SZPINER Avocat au Barreau de Paris
Jean GLAVANY Député des Hautes-Pyrénées et ancien ministre.
Bernard TEPER Secrétaire National de l’UFAL.
Christophe CHARBONNIER Charb Directeur de la publication de Charlie-Hebdo
Aslam TIMOL Secrétaire général adjoint du CFCM
Robert REDEKER Philosophe.
Michel TAUBMANN Journaliste, écrivain.
Denis DUCARME Député fédéral belge
Djelloul BEGHOURA Producteur, réalisateur
Marc BLONDEL Président de la Libre Pensée.
Jacky MAMOU Président du Collectif Urgence Darfour
Azzedine AINOUCHE Membre du Bureau CFCM et du Conseil des imams de Marseille.
Mohamed SIFAOUI Journaliste, écrivain.
Boualem SANSAL Ecrivain.
Gilles DEVERS Avocat à la Cour
Georges MORIN Président du Réseau des villes et collectivités françaises partenaires de villes algériennes
Faouzi LAMDAOUI Maire-adjoint, vice-président de l’agglomération Argenteuil-Bezons
Abdallah ZEKRI Membre du Bureau CFCM et Président régional de la Mosquée de Paris.
Haydar DEMIRYUREK Président du Conseil de coordination des Musulmans turcs de France
Claude MONIQUET Directeur de l’ESISC.
Didier BOURG Journaliste
Jean-Christophe TAMISIER Editeur (Directeur Armand-Colin)
Olivier NORA Editeur (Directeur Grasset - Fayard)
Monique VEZINET Présidente de l’UFAL.
Georges-Marc BENAMOU Écrivain.
Olivia CATTAN Présidente de Paroles de femmes
Boualem GUERITLI Réalisateur
Alain LEVY Maire adjoint d’Issy-les-Moulineaux délégué des questions internationales.
Raphaël HADDAD Militant antiraciste.
Sania EL KADI Vice-présidente Fonds social des Musulmans de France.
Philippe DE LARA Maître de Conférences (Université Paris II)
Jean-Marien BLONDET Avocat au Barreau de Paris
Mohamed BECHARI Président de la Fédération nationale des Musulmans de France
Viviane TEITELBAUM Députée au Parlement Bruxellois.
Nadia GEERTS Agrégée en philosophie et militante laïque, initiatrice du R.A.P.P.E.L
Antoine VITKINE Journaliste, Réalisateur.
Afifa BERERHI Professeur d’Université.
Laid Abdelkader BENDIDI Recteur de l’Institut Musulman de la Mosquée de St-Fons, Président de la Fédération de la Grande Mosquée de Paris
Hadj KHABABA Président de la Région nord-ouest de la Grande Mosquée de Paris
Pierre-François Veil Avocat au Barreau de Paris
Florence TAUBMANN Pasteur - Présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne.
Alexandra LAIGNEL-LAVASTINE Philosophe et journaliste
Kader BOUAZZA Président Fédération régionale mosquée de Paris
Khedidja BENCHERIF Conseillère municipale 17ème arr Paris
Paul GERARD Conseiller financier
Samuel THOMAS Vice-président SOS Racisme.
Ariel Goldmann Avocat au Barreau de Paris Vice President du FSJU et du CRIF
Abderrahim HAFIDI Universitaire
Maya KELLOU Avocat à la Cour
Youssef EL OUAZZANI Réalisateur
Hakim BELKEBIR Consultant International et Directeur de société.
Toufik TEBBAL Ingénieur.
Caroline BRANCHER Féministe.
Genovefa ETIENNE ESISC
Eric FRAJ Chanteur/professeur de philosophie
Brice COUTURIER Journaliste
Laurent MULLER Editeur (12 BIS).
Djillali DEFALI Dessinateur
Corinne TEXERAUD Productrice.
Fabrice GARDEL Journaliste.
Henri POUILLOT Militant antiraciste, anticolonialiste.
Lhoussain AZERGUI Journaliste et auteur.
Anne DEPREZ Fonctionnaire
Jean CORCOS Journaliste
Mohamed Samir HAFIZ Directeur de société
Sohel HAFIZ Avocat au barreau de Paris
Raymond BRIEFEL Avocat au barreau de Paris
Tayeb RAÏS Avocat au barreau de Paris
Mohamed TAHRI Avocat au barreau de Paris
Véronique SIMON Documentaliste de recherche
Mohamed CHENAF Réalisateur
Farida BELHOCINE Présidente d’association,
Marie-Annick LE GUERN Réalisatrice
Francine DISEGNI Artiste-Peintre
Anne ESAMBERT Administratrice du Sénat
Armin AREFI Journaliste écrivain.
Karim BEY SMAIL Technicien Paris.
Malika DIF Responsable associative
Alain CAZUC Réalisateur
Seddik BENARBIA Médecin
Corinne ERGASSE Editrice (Armand Colin)
Gilles COHEN-SOLAL Editeur
Paul THIBAUD Ecrivain.
Dounia BOUZAR Antropologue du fait religieux
Mehdi HAROUN Avocat au Barreau de Paris
Philippe BERCOVICI Dessinateur
Arielle SCHWAB Présidente de l’Union des Etudiants Juifs de France.
Laurent LAHMANI Avocat au Barreau de Paris.
Pierre-André TAGUIEFF Directeur de Recherches au CNRS
Véronique BARRIE-ROULOT Avocat au Barreau de Paris
Emmanuelle ZIBI Avocat au Barreau de Paris
Rafik HASSANI Député du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), représentant l’immigration algérienne en France.
Jean-Baptiste NGANDOMANE Avocat au Barreau de Paris.
Michèle SZWARCBURT Président du Centre Communautaire Laïc Juif de Belgique (CCLJ)
Brigitte FEYS Administratrice du CCLJ
Muriel MORDENFELD Directrice culturelle du CCLJ
Aldo SCIALOM Président de l’amitié Judéo-Chrétienne.
Nicolas GAVRILENKO Travailleur social, Secrétaire général de l’UFAL
Jean-Marcel BOUGUEREAU Journaliste
Pierre BESNAINOU Président du Fonds Social Juif Unifié de France
Samira LABIDI Cabinet d’assurance
Hanifa CHERIFI Vice-Présidente du Parti Radical Valoisien et Secrétaire National à l’intégration.
Gil TAIEB Vice-Président du Fonds Social Juif Unifié de France
Dr Joseph ZRIHEN Vice-Président du FSJU et Membre du Comité Directeur du CRIF
Marieme HELIE LUCAS Coordinatrice de Secularism Is A Women’s Issue (SIAWI)
Philippe PORTIER Professeur de Sciences Politiques, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (Paris-Sorbonne)
Catherine KINTZLER, Philosophe

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Pierre Cassen (et Riposte Laïque) se rasent le crâne !

par Mohamed Sifaoui
Journaliste, Ecrivain et Réalisateur.
www.mohamed-sifaoui.com/

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Si jamais vous voulez passer du local d’un syndicat de gauche au « Local » des skins, demandez à Pierre Cassen, l’animateur de ce fumeux site intitulé « Riposte Laïque ». Le personnage saura certainement vous prendre par la main et vous y emmener.

Pourquoi affirmer une telle chose ? Parce que décidément, le bon Pierrot ne cessera de m’étonner puisqu’il annonce fièrement sur son blog qu’il va donner une conférence dans le local de Serge Élie Ayoub, tête de pont des skins. Pour ceux qui ne connaissent pas le « Local », ce petit bar qui offre un cadre très intimiste à tout ce que Paris peut compter d’extrême droite, toutes tendances confondues, c’est un lieu fondé, dit-on, par Frédéric Chatillon, l’ancien dirigeant du GUD, le fameux Alain Soral et Serge Ayoub. Un salon où la Marine Le Pen et autres idéologues du FN ont l’habitude d’aller faire la causette. Le rendez-vous des grands républicains en somme ! Que des humanistes qui aiment les mélanges, les métissages et le « vivre ensemble » et qui défendent les globules rouges de la France attaqués par des Leucocytes venus d’ailleurs.

Je pensais qu’avec l’âge, les gens devenaient sages, raisonnables, mûrs et lucides. C’est certainement vrai pour une majorité de personnes, mais cette maxime ne s’applique visiblement pas à Pierre Cassen qui perd la tête au fil des années. Il la perd politiquement parlant, évidemment. Loin de moi l’idée de faire son examen psychologique. J’ai vu des militants virer de bord, évoluer idéologiquement, changer d’avis. Il n’y a que les idiots qui n’en changent pas, dit-on. Mais là, il ne s’agit pas de ça. Il est vraiment question d’une perte de repères. Cassen ne sait plus où il habite où plutôt, il n’assume plus son habitat. Pierre est perdu. J’espère qu’on lui a précisé que le « Local » était implanté dans le 15e arrondissement de Paris, je prie (euh non pardon, ça risque de l’énerver), je vous supplie de lui offrir un GPS ou de lui envoyer une boussole parce qu’il est complètement à « la ramasse ». Dans l’état où il est, il peut se tromper d’adresse et finir dans les bras d’un imam pas très catholique qui l’obligerait à se convertir à l’islam tout en lui faisant bouffer des Quick hallal !

Pierre Cassen le chevalier de la laïcité, l’homme qui sait tenir un discours républicain, le journaliste autoproclamé (il vient de la rotative cela dit !) qui débusque les bigots, le citoyen qui combat la bien-pensance (que j’incarnerais avec d’autres selon lui et ses amis), le démocrate intraitable parti en croisade contre les musulmans (y compris progressistes qui n’existent pas d’après lui), ce personnage donc va parler devant des skins. Pour leur chanter quoi ? Ce qu’ils ont envie d’entendre. Évidemment ! Parce que s’il compte disserter sur un genre autre que : « la France est en danger », « l’islam nous menace », « il n’existe pas de musulmans modérés », « levons les tabous », « résistons à ces ignobles musulmans qui comptent nous islamiser et rebaptiser Notre Dame », etc. S’il ne compte pas dire ça aux skins qu’ils nous préviennent, nous allons – malgré nos divergences – alerter le SAMU, les pompiers et les urgences afin que des ambulances et des équipes spécialisées l’attendent à l’extérieur. Parce que les skins ne rigolent pas, surtout depuis la défaite du PSG contre l’OM. Il a donc intérêt à être fidèle à son nouveau discours. Et n’allez pas lui préciser évidemment que ce qu’il dit (ou écrit) est raciste. À Riposte Laïque, ils n’aiment pas les musulmans, mais ils ne sont pas racistes. La preuve, diront-ils, comme le fait Jean-Marie Le Pen, nous avons un collaborateur qui répond au nom de « Mohamed ». On ne sait pas néanmoins si ce dernier va accompagner le Pierrot au « Local ». Il est vrai que l’extrême droite manque cruellement de « Mohamed » de poche.

Cela dit, je suis curieux de voir quelle sera la prochaine étape de ce bon petit Pierrot. Si à 57 ans, il se rend chez les skins, c’est qu’il ne tardera pas à suivre les spectacles de Dieudonné, ensuite il fera le défilé devant Jeanne d’Arc et je présume qu’à 60 ans, il ira chez le coiffeur se raser le crâne. Enfin s’il continue ainsi, il finira, outre avec un crâne rasé, mais aussi avec une croix celtique tatouée sur le torse, un piercing sur la lèvre supérieure et en marchant d’un pas cadencé, Pierre Cassen qui se dit toujours de gauche, ira défiler sur les Champs Élysées en chantant l’Internationale ! Le soir, las et fatigué d’une journée de marche, il s’allongera sur son lit en lisant Maurras, Knox et Gobineau tout en regardant le portrait de Staline qui trônera probablement sur son mur.

Oui ! De Riposte Laïque, il vaut mieux en rire.

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Corine Goldberger : « Nos valeurs sont celles de la République »

par Hakim Arabdiou

Corine Goldberger est journaliste dans la presse féminine et cofondatrice de l’Association “Shalom, Paix, Salem” en France.

Hakim Arabdiou : Qu’est-ce qui vous a incité à créer une telle association ?

Corine Goldberger : L’importation du conflit de Moyen-Orient en France, et ses conséquences sur les deux communautés, juive et musulmane. L’opération Plomb durci a provoqué une vague de haine contre les Juifs, perçus comme s’ils étaient des représentants d’Israël et de l’armée israélienne. La critique d’Israël a dégénéré en menaces et insultes antisémites, dans la rue mais aussi sur facebook. En réaction des juifs se sont radicalisés et rendu coups pour coups. Facebook est devenu un champ de bataille virtuel. Or, Paris n’est ni Gaza ni Jérusalem, ni Tel-Aviv. Les musulmans de France ne sont pas des Palestiniens et les Juifs de France ne sont pas israéliens. Les sympathies pour l’un ou l’autre camp ne doivent pas conduire à agresser ceux qu’on identifie au camp d’en face. Assez de ces identifications qui sont totalement inutiles et contreproductives pour aboutir à une paix éventuelle un jour. Ce ne sont que dangereuses gesticulations. Nous sommes en France et nous devons vivre ensemble. Un jour, je suis tombée sur le groupe facebook “Juifs, musulmans, arrêtons la haine”. Sa jeune créatrice, Sawa, proposait un rassemblement le 1er mars 2009 pour dire non à toute cette violence intercommunautaire. J’ai trouvé cette idée géniale. J’ai contacté Sawa et Jamila, qui faisait aussi partie de ce groupe, et nous avons concrètement monté ce rassemblement, avec les autres administrateurs d’autres groupes facebook prônant également le dialogue judéo-musulman et le vivre ensemble en France. Après ce rassemblement initial et fondateur au Trocadéro, nous avons décidé de créer un mouvement, Shalom, Paix, Salam! une association, dont le bureau est constitué par les créateurs des groupes facebook qui ont participé au rassemblement du 1er mars 2009 à la place du Trocadéro, à Paris.

H.A : Avez-vous rencontré des incompréhensions ou au contraire de la sympathie, lors de la création de votre association ?

C.G. : Nous avons rencontré les deux réactions, et des deux côtés. Des musulmans trouvaient inconcevable, scandaleux que d’autres musulmans travaillent au dialogue intercommunautaire avec des Juifs, toujours parce qu’ils s’identifient aux Palestiniens, et des Juifs, en réaction disaient que notre initiative était vouée à l’échec, car “les musulmans nous détestent”. Ils citaient les dernières agressions antisémites, rappelaient toutes les analyses sur le nouvel antisémitisme des quartiers. Les plus remontés avaient eux aussi des réactions racistes. Des deux côtés, on nous a traités aussi d’idéalistes bisounours. Ce à quoi on peut répondre que le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’autre, l’agressivité , n’ont jamais apporté quoi que ce soit de constructif: sinon cela se saurait… Nous ne voulons pas empêcher le débat sur Israël-Palestine. Nous disons juste: débattre, oui, se battre, non. Nous ne prenons pas nous-mêmes position sur le conflit du Moyen-Orient. Chacun en pense ce qu’il veut. L’important pour nous c’est qu’ici en France, Juifs et musulmans ne se battent pas entre eux par identification à l’un ou l’autre camp, et que personne n’agresse personne, surtout physiquement, en raison de ses opinions réelles ou supposées sur le conflit.

Et à l’inverse, des gens des deux côtés nous ont rejoint, nous disant qu’ils étaient fatigués de toute cette haine croisée, qu’ils travaillaient au quotidien avec des Juifs ou des musulmans, en comptaient parmi leurs amis et collègues, que ça se passait bien. Que c’est l’ignorance qui crée la méfiance et la haine. Certains rappelaient le passé commun des Juifs et des musulmans au Maghreb. Certains disaient : nous sommes cousins, nous sommes tous fils d’Abraham.

H. A. : Quelles sont les perspectives que vous avez tracées à cette association ?

C.G. : Nous continuons à lancer ou participer à des initiatives culturelles ou festives qui permettent le dialogue paisible, la meilleure connaissance de l’autre, le vivre ensemble, avec d’autres associations amies. En dialoguant, chacun se rend compte que nous avons beaucoup de choses en commun.
Nos valeurs sont celles de la République.

H.A. : Un dernier mot ?

C.G. : Nous souhaitons travailler de plus en plus avec les associations proches de nos valeurs, pour que le dialogue judéo-musulman devienne une réalité visible. Qu’on puisse se dire: “C’est possible, regardez-les! “

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Association "Shalom, Paix, Salem" : une réaction citoyenne contre l’importation du conflit israélo-palestinien

par Hakim Arabdiou

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L’association Shalom, Paix, Salem, est née  le 1er mars 2009, sur initiatives séparées, puis conjointes de Françaises et de Français d’origines juive, arabe et autres. Elle se veut, selon son appel 1 , une réaction « citoyenne » contre l’ « importation du conflit israélo-palestinien » en France et les « vives émotions » qu’il suscite au sein de chacune de ces deux communautés, ainsi que ses conséquences néfastes, à savoir l’atteinte à l’intégrité morale ou physique des personnes, « en raison de leur appartenance communautaire, réelle ou supposée », et la dégradation ou la destruction des « symboles communautaires, identitaires ou religieux. »

C’est ainsi que selon cette association, l’importation de ce conflit dans notre pays a entraîné la constitution en toute illégalité et en violation des « valeurs et des principes républicains » dans Internet, notamment dans facebook, de nombreux groupes « prônant ouvertement la haine de l’autre » et la circulation d’un nombre considérable de messages de même teneur.

L’Association se veut pour sa part une contribution à la construction d’une digue face à ces « réactions destructrices et agressives » et aux « affrontements » entre des Juifs et des musulmans par internet interposé.

Elle se veut également une réponse aux « réflexes de peur » et aux « tentations de repli » communautaire, ainsi qu’aux réactions communautaristes qu’elles provoquent ; ce qui constitue eux aussi une « menace pour la paix sociale » et le « vivre-ensemble » dans un même pays, une même nation.

Elle vise aussi à défendre et à promouvoir la « fraternité » républicaine et la « paix entre les communautés ». Car elle considère les « différences » entre ces dernières, comme une « richesse » pour l’autre et pour la France.

Une association telle que Shalom, Paix, Salem, n’est donc pas de trop pour éclairer ceux parmi les musulmans, les Juifs et les « laïques » qui se laissent prendre aux chants des sirènes des extrêmes droites musulmane, chrétienne ou juive, ainsi que des courants « rouges-bruns » au sein de la mouvance laïque ; tant les uns instrumentalisent les discriminations, dont sont victimes les immigrés d’origine musulmane et le conflit israélo-palestinien, pour faire l’amalgame entre antisionisme, qui est la lutte contre une doctrine, et antisémitisme, qui est une incitation à la haine d’une communauté ; et les autres, les partisans et artisans du choc des civilisations et autres racistes, qui instrumentalisent le combat pour la laïcité et contre l’islamisme pour faire l’amalgame entre islamistes et musulmans, afin de justifier leurs discours musulmanophobes.

  1. http://www.facebook.com/group.php?gid=54419209846&ref=ts#! []
Algérie
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Olivier Le Cour Grandmaison : "Des poursuites pour crimes contre l'humanité sont légitimes"

par El Watan

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Olivier Le Cour Grandmaison1 enseigne les sciences politiques et la philosophie à l’université d’Evry-Val-d’Essonne et au Collège internationnal de philosophie.

Que pensez-vous de l’initiative de parlementaires algériens de criminaliser le colonialisme français ? Vous surprend-elle ?

Cette initiative semble obéir, d’abord et avant tout, à des considérations de politique intérieure auxquelles s’ajoute, c’est essentiel de le rappeler, un lourd contentieux avec la France en raison du vote, il y a 5 ans maintenant, de la loi du 23 février 2005 qui sanctionne une interprétation positive du passé colonial français. Le tableau ne serait pas complet si on omet un discours important prononcé le 7 février 2007 à Toulon par Nicolas Sarkozy, lors de la campagne des présidentielles. Rédigé par l’inévitable Henri Guaino (conseiller du président Sarkozy, ndlr) – qui s’est aussi illustré en écrivant le tristement célèbre discours de Dakar prononcé au mois de juillet de la même année par le chef de l’Etat – ce premier discours se caractérise par la réhabilitation de tous les poncifs les plus éculés relatifs aux bienfaits de la colonisation française réputée synonyme de civilisation.
Eu égard à la personnalité de l’orateur et à ses responsabilité s présentes, de telles déclarations sont sans précédent depuis la fin de la guerre d’Algérie. Jamais le représentant de la principale formation politique de la droite parlementaire n’avait entrepris de restaurer ce passé en de semblables termes. En persévérant dans cette voie, motivée par des considérations électoralistes évidentes – « aller chercher les électeurs du Front national un par un », comme N. Sarkozy l’a déclaré – le président de la République et ceux qui le soutiennent ont contribué à l’avènement de la situation qu’ils dénoncent maintenant. En cette matière, la duplicité le dispute à l’aveuglement, mais peut-être est-ce l’inverse.

Serait-ce une réponse tardive, comme d’aucuns le disent, à l’article 4 de la loi du 23 février 2005 (déclassé un an après) ?

Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là dans certains journaux français, la loi du 23 février 2005 n’est pas abrogée. Seul son article 4 a été retiré suite aux protestations d’universitaires et d’historiens français notamment. Demeurent tout le reste, notamment l’article 1er qui fait référence à « l’œuvre accomplie par la France » dans les colonies. Pour les amateurs d’exception française, en voilà une remarquable mais sinistre puisque ce pays est le seul pays démocratique et la seule ancienne puissance coloniale européenne à avoir agi de la sorte. Sur le fond, indépendamment des motivations partisanes des députés algériens, engager des poursuites contre des Français qui ont commis des crimes contre l’humanité pendant la guerre d’Algérie me semble parfaitement légitime. D’autant plus que, comme maître Nicole Dreyfus n’a cessé de le rappeler et de le plaider, ces crimes, par leur nature même et en raison de leur exceptionnelle gravité, sont imprescriptibles, ce pourquoi ils ne devraient pas être concernés par les lois d’amnistie.
Le projet de loi des députés algériens n’est pas encore connu, l’APN ne s’est pas encore saisie de ce projet que l’on assiste à une levée de boucliers en France. Comment l’expliquez-vous ?
A quelques semaines des élections régionales, cette initiative est, au fond, une aubaine pour les responsables politiques de la majorité. Cela leur permet d’apparaître, auprès de l’électorat le plus radicalisé sur ces questions, comme les vaillants défenseurs de l’honneur de la France pour mieux concurrencer le Front national. Voilà qui peut utilement faire oublier le récent fiasco du pseudo-débat sur l’identité nationale. Sans doute est-ce pour cela qu’Eric Besson a très vite réagi pour tenter de reconstituer ainsi son capital politique fortement entamé par cette initiative désapprouvée par une majorité de Français et contestée dans son propre camp.

Pour le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, c’est une initiative « particulièrement inquiétante », « incompréhensible » et « outrancière »…

Ce qui est outrancier, indigne, historiquement faux et politiquement irresponsable, c’est le fait de réhabiliter le passé colonial de la France, en Algérie notamment. Là est la violence première et symbolique infligée aux victimes du conflit algérien et à leurs descendants français et algériens. C’est ajouter aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, commis par l’armée française avec l’aval des responsables politiques de l’époque, le mépris de toutes celles et de tous ceux qui ont été torturés, massacrés et portés disparus. L’indignation de monsieur Hubert Falco est donc sordidement partielle, partiale et partisane.

Selon l’historien Benjamin Stora (Libération du jeudi 11 février 2010) « les contentieux mémoriels se sont développés et aggravés ». Est-ce aussi votre avis ?

Ils se sont effectivement aggravés en raison de la loi du 23 février 2005, des déclarations scandaleuses de Nicolas Sarkozy et de ceux qui le soutiennent. De ce point de vue, tous sont à la fois responsables et coupables de cette situation.

Le 25 septembre 2009, le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, avait confirmé la création d’une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie. Cette fondation avait été annoncée par François Fillon le 25 septembre 2007. De nombreux historiens ont manifesté leur opposition, estimant qu’« une fondation pour la mémoire » n’est pas « une fondation pour l’histoire ». Est-ce la bonne démarche pour construire « une histoire partagée », « fondement indispensable d’une relation apaisée entre les descendants de familles héritières de mémoires contradictoires » comme l’ont écrit des historiens (un texte publié par le Monde du 5 octobre 2007) ?

Cette fondation s’inscrit dans le droit fil de la loi scélérate du 23 février 2005 dont elle est le prolongement institutionnel. A ce titre, elle ne fait que confirmer l’offensive actuelle de la majorité et son désir de soumettre, sous prétexte de mémoire, l’histoire de la guerre d’Algérie à des impératifs de politique intérieure. C’est pourquoi tous ceux qui sont attachés à l’indépendance indispensable de la recherche doivent refuser d’être associés, sous quelque forme que ce soit, à cette initiative.

(*)

Par N. B.

  1. Historien, enseignant et chercheur en sciences politiques. Dernier ouvrage paru : la République impériale. Politique et racisme d’État, Fayard, 2009. Il a aussi publié Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (Paris, Fayard, 2005) ; ” Sur la réhabilitation du passé colonial de la France” (in La fracture coloniale, ouvrage collectif La Découverte, 2005) ; Les citoyennetés en Révolution (1789 -1794), (PUF, 1992) ; Les Étrangers dans la cité. Expériences européennes (La Découverte, 1993) ; Le 17 octobre 1961 : un crime d’Etat à Paris (collectif, éditions La Dispute, 2001). Haine(s). Philosophie et politique (PUF, 2002). []
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Livre : Vieil Alger, Pierre Fréha

par Hakim Arabdiou

Vieil Alger1  est un recueil de cinq belles nouvelles que Pierre Fréha nous donne à lire. Elles constituent une sorte de parenthèses ouvertes sur la famille Cazès, déjà personnage central de son précédent roman, la Conquête de l’oued.

C’est en fait l’histoire de l’une des deux branches du judaïsme algérien, les Sépharades, chassés d’Andalousie, en même temps que les Arabo-berbères, par les Rois catholiques, au cours de la Reconquista, en 1492. L’autre branche de ce judaïsme en Algérie trouve son origine dans une partie de la diaspora (dispersion) des Juifs de Palestine, il y a 2 000 ans. L’histoire des Cazès s’emboîte ainsi dans celle, romancée, de l’Algérie, sous dominations ottomane puis française.

Arrivés à Alger, dans une conjoncture favorable, les frères Isaac et Jacob Cazès purent ouvrir un magasin d’horlogerie à Bab Azzoun, dans la Casbah d’Alger. Cette boutique, que plusieurs générations de Cazès héritèrent tour à tour, sert pour le narrateur de lucarne sur la chronique algéroise.

Elle a en effet assisté à l’arrivée en sauveur, vers 1515, des quatre frères Aroudj, avant qu’ils ne se transforment en oppresseurs. Ce fut le point de départ de trois siècles de présence ottomane dans la future Régence d’Alger.

Ces célèbres corsaires, qui écumaient la mer Méditerranée au même titre que les puissances chrétiennes européennes, et bien que dotés d’une armada, mirent quinze longues années avant de se décider à mettre fin au blocus du port d’Alger par la marine de guerre espagnole.

La boutique s’est trouvée également peu ou prou mêlée à quelques-uns de ces événements. Baba Aroudj, après avoir trucidé le roi d’Alger, Salem Toumi, y avait acheté une magnifique montre, un cadeau pour la sublime Zaphyra, la reine veuve, qu’il voulait s’offrir vainement en prime pour son crime.

C’est également entre ces murs que se fomenta une partie du complot des notables algérois et ceux de la Mitidja, voisine, pour se libérer du joug des Aroudj ; une tentative que ces derniers avaient baignée dans le sang.

Mais le pire que la population eut à subir, fut la prédilection sexuelle perverse des Janissaires ottomans pour leurs filles et leurs garçons qu’ils allaient jusqu’à kidnapper et séquestrer, des semaines ou des mois dans leurs casernes.

C’est ainsi que ce malheur frappa doublement Djamel, un proche des Cazès ; un Algérois de naissance, fils de Grimaldi, un immigré d’origine génoise, qui se maria avec une Algérienne, après sa conversion à l’islam.

Ces soldats ont non seulement enlevé son fils, Omar, mais ils l’ont lui-même enfermé dans un sac en toile de jute et jeté à la mer, parce qu’il avait osé leur réclamer la libération de son enfant.

Puis, vint en 1870 le décret Crémieux qui octroya d’office la nationalité française aux Juifs d’Algérie. Si cette décision avait emporté l’adhésion de la majorité d’entre eux, qui y ont vu une protection contre l’antisémitisme et l’oppression qu’ils subissaient de la part de la société coloniale, Simon, le père du narrateur, ainsi qu’une minorité de ses coreligionnaires, y ont vu plutôt un moyen de dépersonnalisation et une mesure discriminatoire envers leurs compatriotes musulmans.

Le narrateur rappelle que le système colonial avait refusé jusqu’au bout l’égalité des droits aux Algériens musulmans, qui constituaient la très grande partie des habitants, et de surcroît dans leur propre pays.

Cette opposition est également illustrée dans cette fiction par, d’un côté, le rabbin libéral métropolitain, Mahir Charleville, envoyé de Paris quelques années avant l’avènement de ce décret pour officier dans la synagogue d’Oran, en vue de faire « évoluer » les Juifs autochtones, et de l’autre, le rabbin berbère, Kanaouï, qui ne voyait pas pourquoi les judéo-berbères de son pays devraient abandonner leur algérianité, alors qu’ils la vivent en plein accord avec leur judaïté.

Mais le lobby colonial considérait ce décret comme un scandale et dont le seul tort était qu’il accordait aux Juifs les mêmes droits que les populations d’origine européenne, pourtant nouvellement installées en Algérie.

C’est ainsi qu’Edouard Drumont, de sinistre mémoire, et ses sbires fomentaient régulièrement des campagnes nauséabondes faisant des Juifs les boucs émissaires de tous les maux de la colonie algérienne et de la métropole, des émeutes contre eux et le pillage de leurs magasins, qu’ils appelaient aussi à boycotter, listes nominatives à l’appui, qu’ils publiaient dans leurs feuilles de choux, notamment la Libre parole, de Drumont, pratiquaient la discriminations à l’embauche des demandeurs d’emplois juifs…

Éléonore, qui avait tenu à ce que ses enfants portent des prénoms français, au grand dam de son mari, afin qu’ils ne soient plus la cible des racistes, subit de plein fouet ainsi que son époux, et surtout leurs enfants et petits-enfants,  les néfastes conséquences de l’abrogation du décret Crémieux et la promulgation de lois scélérates antijuives, par le régime de la Collaboration du maréchal Pétain, durant la Seconde Guerre mondiale.

Joseph écrivit à son fils Philippe résidant à Vichy pour l’informer des campagnes antisémites, auxquelles ses « frères » musulmans ne voulaient pas s’associer, en dépit de l’habileté de la propagande coloniale pour monter les uns contre les autres, Juifs et musulmans.

Pour sa part, Max Régis, un jeune Juif, débarquant à peine de métropole, décrit la chaleur et la fraternité avec lesquelles Ben Brimath, chef du groupe des conseillers municipaux musulmans d’Alger, l’avait accueilli et s’était entretenu avec lui. « Le maire est un excité, un fanatique, lui confie–t-il. Il lance des appels à l’action directe antijuive, mais nous ne le suivrons jamais. »

Pierre Fréha, roman français d’origine algérienne, fait de nouveau preuve de son talent de conteur dans ce recueil de nouvelles, qui méritent d’être lues.

  1. éditions Orizons, Paris 2009 []
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Les dérives d'Amnesty Internationale sur le terrorisme islamiste

par Hakim Arabdiou

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Chers lecteurs, vous trouverez ci-joint une déclaration d’Algériens, qui ont épouvé pendant les années noires du terrorisme islamiste (les années 90) des difficultés avec les organisations de droits humains.

Le dimanche 7 février a paru dans le Sunday Times une interview de Gita Sahgal, Chef de l’Unité de Genre d’ Amnesty International, dans laquelle elle expose le soutien que son organisation offre à Moazzam Begg, ex-détenu de Guantanamo, partisan déclaré des Taliban, soupçonné de collusion avec Al Qaida.

Gita Sahgal avait adressé à sa hiérarchie plusieurs mémos, concernant le statut et la légitimité que conférait à Begg ses liens étroits avec Amnesty International.

Gita Sahgal a été suspendue de ses fonctions immédiatement après la parution de son interview.

DÉCLARATION

Nous, Algériennes et Algériens, survivants, famille ou amis de victimes des violences et violations commises par les intégristes en Algérie, informés de la position prise publiquement par une femme, cadre supérieure d’une organisation internationale de droits humains, dans un effort désespéré pour remettre en question la relation que son organisation entretient avec un ancien détenu de Guantanamo, soutien déclaré du projet de société des Talibans et soupçonné de collusion avec Al Qaida. Cette relation dépasse largement la défense des droits humains fondamentaux de Moazzam Begg que Gita Sahgal trouve légitime.

Remercient et rendent hommage à cette femme pour son attachement à l’idéal et à la mission des organisations de droits humains et pour avoir osé dénoncer la confusion idéologique entre le fait de défendre les droits humains fondamentaux des intégristes et celui de leur conférer la légitimité et le statut de défenseur des droits humains, et de leur offrir une plateforme politique.

Nous témoignons du fait que, durant deux décennies au minimum, nous avons de façon répétée attiré l’attention des principales organisations internationales de droits humains sur cette question brulante, avons mis en question leur politique et avons eu avec elles des confrontations à ce sujet – en vain,

que les violations de droits humains commises contre la population civile par les groupes intégristes armés dans notre pays étaient massivement sous estimées dans leurs rapports ( et ce en dépit de la documentation et des témoignages qui leur étaient adressées), que les victimes des intégristes étaient laissées pratiquement sans défense, cependant que les violations de droits humains commises par l’Etat contre les intégristes étaient soulignées et leur défense entreprise, que nous avons , de façon répétée, dénoncé cette hiérarchie faite entre victimes de violations de droits humains - en vain.

Et que des sanctions ont été prises (du blâme à l’expulsion pure et simple de l’organisation) , en plusieurs occasions, envers des membres d’organisations de droits humains qui tentaient de soulever ces problèmes de façon interne à l’organisation.

Nous espérons que l’action courageuse et désintéressée de cette cadre supérieure sera l’occasion pour toutes les organisations de droits humains d’une révision de leur politique envers les intégristes qui, en tant qu’auteurs de violations, ne peuvent être considérés comme défenseurs de droits humains, ainsi qu’envers les victimes des intégristes qui ne devraient pas être considérées comme une catégorie inférieure de victimes.

Pour signer la pétition

Premiers signataires
Marieme Helie Lucas, fondatrice du réseau international de solidarité WLUML ‘Women Living Under Muslim Laws/Femmes Sous Lois Musulmanes’, coordinatrice de ‘Secularism Is A Women’s Issue’
Lalia Ducos, présidente de WICUR/IFCDU ‘Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels
Hakim Arabdiou, militant laïque
Malika Zouba, journaliste
Samia Allalou, journaliste
Soad BABA AISSA, militante féministe
Jean paul Salim Ducos, militant associatif
Said Nemsi : Journaliste
Hakim Arabdiou, militant laïque de gauche
Asma Guenifi Tougne , présidente de l’AFEMCI (Association Femmes Contre les Intégrismes), sœur de Hicham Guenifi assassiné par le GIA en 1994
Louisa Ait Hamou, universitaire, militante des droits des femmes
Zazi Sadou, co-fondatrice du RAFD (rassemblement Algérien des Femmes Démocrates)
Mohamed Sifaoui, journaliste
Soheib Bencheikh, chercheur en sciences religieuses

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Une inacceptable hiérarchie des droits

par Marième Helie Lucas

Ce texte a été présenté à Colombo, Sri Lanka, en Décembre 2005, lors de la première Consultation Internationale des Femmes Défenseurs des Droits Humains, à laquelle assistaient des organisations internationales de droits humains, dont Amnesty International. Il est important de le signaler, à la lumière de la controverse sur les relations d’Amnesty Internationale et de Moazzam Begg, ancien prisonnier de Guantanamo qui ne cache pas dans ses écrits son soutien au Taliban, alors qu’Amnesty Internationale prétend découvrir le problème que posent à ses militants ses relations avec des intégristes, lesquelles vont bien au delà de la simple défense de leurs droits fondamentaux. Pour suivre ces événements et signer la pétition mondiale, aller sur http://www.human-rights-for-all.org/spip.php?article24; voir aussi la prise de position d’algériennes sur http://www.siawi.org/article1669.html

Quand les femmes défenseurs des droits humains confrontent des acteurs politiques non étatiques

Il y a environ vingt ans que les organisations de droits humains ont entamé un processus au long cours, par lequel elles visent à inclure les droits des femmes dans leur mandat. C’est ainsi que la violence domestique, commise par des acteurs non étatiques, est maintenant prise en compte. Mais il est une question qu’il faut traiter de façon urgente : celle des acteurs non étatiques politiques, quand ils attaquent les femmes défenseurs des droits humains. L’intérêt exclusif porté à la responsabilité de l’état et à son devoir de protection, a des conséquences périlleuses sur les droits humains des femmes et sur leurs défenseurs.

Introduction

Cette conférence, nous l’espérons, sera le début d’une ère nouvelle: pour la première fois, des organisations de droits humains et des organisations de droits des femmes se rencontrent afin d’élaborer une définition du concept de femmes défenseurs des droits humains, et de trouver des stratégies spécifiques pour leur défense. Nous examinerons ici un aspect particulier de la défense des femmes défenseurs des droits humains: quand les violateurs de droits sont des acteurs politiques non étatiques.

Cette conférence nous donne l’opportunité de combler un vide, qui jusqu’à présent a marginalisé les femmes défenseurs des droits humains. Traditionnellement, les organisations de droits humains ont porté toute leur attention sur la responsabilité des états. Certes, il ne fait aucun doute que cette approche est nécessaire, et qu’en aucun cas elle ne saurait être mise en cause par le processus de prise en compte de la responsabilité d’autre nouveaux acteurs, qui s’engage actuellement . Traditionnellement aussi, lorsque les organisations de droits humains ne pouvaient ignorer les crimes commis par des acteurs non étatiques, elles utilisaient le concept de devoir de protection et exigeaient de l’état et de lui seul qu’il assure la protection des citoyens. C’est de cette façon qu’elles ont traité le problème de la violence domestique et celui de la responsabilité des familles dans les cas de crimes d’honneur, par exemple. Il est cependant des cas où les états sont dans l’incapacité d’assurer la protection des citoyens, mais où la responsabilité des acteurs non étatiques ne peut être camouflée derrière la responsabilité de l’état. C’est particulièrement le cas dans les situations de conflits armés.

Le monde a changé depuis la création des organisations de droits humains il y a quelques cinquante ans. Les guerres sont maintenant rarement le fait des armées régulières de deux nations. La plupart des conflits armés dans le monde d’aujourd’hui impliquent soit deux acteurs non étatiques, soit un état et un acteur non étatique, qui se bat pour le contrôle du pouvoir, au moyen de forces armées qui ne sont pas les armées officielles. Bien souvent la population est prise en otage entre ces forces armées, qu’elle prenne ou non partie pour l’un des camps: terroriser la population est devenu une arme de guerre. C’est pourquoi, en Algérie, durant le conflit qui a opposé pendant trois décennies l’état aux forces intégristes et aux Groupes Islamiques Armés (GIA), conflit qui culmina dans les années 90, on a inventé un nouveau concept: celui de ‘guerre contre les civils’, au lieu de ‘guerre civile‘. Dans ce type de conflit, les femmes sont en première ligne, cibles privilégiées de la violence terroriste.

En Afghanistan sous l’occupation soviétique tout comme en Algérie dans les années 90, l’intérêt exclusif porté à la responsabilité étatique a mené à des situations où les victimes de la répression de l’état ont reçu le soutien des organisations de droits humains, alors que les victimes des acteurs non étatiques furent ignorées. Nous examinerons les conséquences de cet état de choses, en utilisant des exemples tirés de l’expérience algérienne. Toutefois il est clair que des situations similaires ont existé ces vingt dernières années dans d’autres pays, comme par exemple en Afghanistan, en Palestine, en Irak. Les problèmes conceptuels que je soulève ici sont applicables à bien d’autres cas où des acteurs politiques non étatiques, tels les groupes armés intégristes, ont une double identité: à la fois celle de victimes de la répression de l’état et celle de criminels auteurs de violations des droits humains en général et de droits des femmes en particulier.

Persécution des femmes défenseurs des droits humains

On estime que la ‘guerre contre les civils’ en Algérie a fait entre 150 000 et 200 000 victimes pendant la décennie 90, beaucoup d’entre elles du fait des groupes armés intégristes. Pendant cette période, les femmes ont été menacées, disparues, tuées, torturées, mutilées, violées, brûlées et forcées en esclavage domestique et sexuel au sein des maquis des GIA. Alors que la plupart des hommes attaqués par les intégristes l’étaient pour leur défense des droits humains, les femmes furent attaquées aussi bien en tant que défenseurs des droits humains qu’en tant que femmes, per se.

Les femmes ont affronté un véritable fémicide: les groupes armés intégristes annonçaient à l’avance, par voie de ‘communiqués’, ainsi que par des affiches postées aux portes des mosquées lors des grands rassemblements de fidèles pour la prière du vendredi, quelle catégorie de citoyen serait leur prochaine cible: ce furent les ‘intellectuels’, les ‘artistes’, les ‘journalistes’, les ‘étrangers’, etc… Jusqu’à ce qu’un jour la catégorie visée soit… les ‘femmes’.

Si l’on peut décider de ne pas, ou plus, être journaliste ou artiste, il est difficile d’éviter d’être une femme. Et être une femme était alors une raison suffisante pour être persécutée par les groupes intégristes armés. Les femmes furent attaquées quel que soit leur statut social, leur profession, leur foi religieuse, leur code vestimentaire, etc… Les femmes furent tuées pour être sorties de leurs maisons; mais elles furent aussi tuées, kidnappées, ou violées à l’intérieur de leurs maisons. Il n’y avait plus aucun lieu de sécurité pour les femmes. Elles furent persécutées pour l’unique raison qu’elles étaient des femmes qui, contre les ordres des intégristes, exerçaient leurs droits fondamentaux. Ceci explique pourquoi, parmi les femmes victimes, se trouvaient des femmes voilées et des femmes qui ne l’étaient pas, des femmes conservatrices qui ne s’opposaient pas aux intégristes et des femmes qui leur étaient totalement opposées .

Invisibilité des victimes des acteurs non étatiques

On peut se rendre compte du degré de polarisation des principales organisations de droits humains sur la responsabilité de l’état en jetant un simple coup d’œil à leurs rapports annuels: au plus fort des massacres de civils par les forces armées intégristes, ces rapports continuent à accorder en moyenne huit fois plus de pages aux victimes de la répression étatique qu’aux victimes des acteurs politiques non étatiques. Les organisations de droits humains documentèrent les violations commises par l’état, alors que les victimes des acteurs non étatiques intégristes restèrent quasi invisibles.

Il y avait beaucoup de femmes parmi les victimes des intégristes armés, alors qu’elles étaient moins nombreuses parmi les victimes de la répression de l’état. Par voie de conséquence, d’une part très peu de femmes reçurent du soutien des organisations de droits humains, et d’autre part les victimes généralement mâles de la répression de l’état bénéficièrent de tout leur soutien. C’est dire qu’un déséquilibre fut ainsi créé entre hommes et femmes, qu’ils soient victimes de violations de leurs droits ou défenseurs de ces droits. Les femmes, aussi bien victimes que défenseurs, furent ainsi rendues invisibles. De plus bien des femmes défenseurs ne furent même pas reconnues comme victimes. La question qui se pose ici est donc: est-ce que certaines victimes sont ’moins victimes’ que d’autres, selon qui viole leurs droits?

Dans les cas, rares au demeurant, où une poignée d’entre celles qui avaient subi les attaques des intégristes armés furent soutenues par les organisations de droits humains, ce fut en tant que victimes, quasi jamais en tant que défendeurs. Les femmes défenseurs des droits humains ont été très largement ignorées, pour la raison qu’elles n’étaient généralement pas victimes l’état; leur persécution par des acteurs non étatiques intégristes, en punition de l’exercice de leurs droits fondamentaux, ne fut pas reconnue comme une violation des droits humains des défendeurs.

Par exemple Katya Bengana, une jeune étudiante de 17 ans, qui défia en pleine conscience les ordres intégristes, au nom de la défense des droits humains des femmes : le droit à la liberté de conscience, le droit à la liberté de mouvement. Elle prit la décision de refuser de se couvrir la tête en dépit des ordres intégristes concernant le voile des femmes. Elle prit aussi la décision de continuer à aller à l’école publique en dépit des ordres intégristes- en effet la fréquentation de l’école, comme de toute autre institution publique fondée et financée par l’état était déclaré kofr (incroyant, blasphémateur), c’est-à-dire passible de la peine de mort selon la version intégriste de l’Islam.

Lorsqu’elle prit cette décision, Katya prévint ses parents qu’elle savait risquer sa vie, mais qu’il lui fallait défendre les droits humains des femmes. Elle fut assassinée. Lors d’une cérémonie à sa mémoire organisée par RAFD (Rassemblement Algérien des Femmes Démocrates) en plein cœur d’Alger, à laquelle assistèrent toutes les organisations de femmes algériennes, son père, dans une émouvante déclaration, lui reconnut le statut de femme défenseur des droits humains. Katya demeure l’un des rares cas de femme victimes qui fut traité par l’une des grandes organisations de droits humains. Mais elle ne fut reconnue que comme victime, et non pas comme femme défenseur des droits humains.

Durant ces terribles années, toutes les femmes qui, contre les ordres intégristes, décidèrent d’exercer leurs droits fondamentaux, c’est-à-dire: envoyèrent leurs enfants à l’école publique, sortirent de leurs maisons, allèrent au travail, ou sortirent tête nue, ne furent pas seulement des victimes de la barbarie mais elles furent aussi des femmes défenseurs des droits humains. Elles devraient être reconnues et honorées comme telles par la communauté internationale des défenseurs des droits humains.

Il y a dix ans, l’organisation algéroise RAFD créa le ’prix de la résistance des femmes à l’intégrisme et contre l’oubli’; chaque année le 8 Mars, RAFD nomme les gagnantes du prix et honorent les femmes défenseurs, hélas souvent à titre posthume. Ce prix devrait être connu dans le monde entier et les femmes qu’il honore en Algérie devraient aussi être honorées par toutes les femmes défenseurs des droits humains et la communauté internationale des droits humains.

Un dangereux continuum de violence

Autre conséquence du focus exclusif des organisations de droits humains sur la responsabilité de l’état, les acteurs politiques non étatiques sont exclusivement présentées comme des victimes de la répression de l’état: leur responsabilité en tant que violateurs de droits est minimisée. S’il est indéniable que les droits humains des intégristes armés doivent être protégés, y compris leur droit à un procès équitable, à être protégé de toute détention arbitraire, de la torture, etc., il devrait être tout aussi indéniable que les droits de leurs victimes doivent également être protégés; de plus, en tant que violateurs, ils doivent être poursuivis.

Ce n’est pas ce qui s’est passé dans le cas de l’Algérie: pendant plus d’une décennie de massacres et de meurtres commis par les GIA, les organisations de droits humains ont persisté à inviter les représentants des intégristes armés et leurs supporters, et eux seuls, à leurs rassemblements, campagnes et conférences. A chaque colloque organisé sur la violence en Algérie, on pouvait trouver soit leur avocat, abusivement présenté comme ‘un défenseur des droits humains’ ou d’autres de leurs supporters, invités à parler au nom des ’victimes‘. Quant aux victimes des intégristes, elles étaient tout simplement absentes de la scène.

De nombreux rapports sur la violence en Algérie, produits par différentes organisations de droits humains, n’eurent pour source que l’information fournie par les supporters des intégristes déguisés en défenseurs universels des droits humains. Nos efforts, en tant que femmes défenseurs des droits humains, pour faire se rencontrer les victimes des acteurs non étatiques intégristes et les équipes d’investigation des organisations internationales de droits humains qui visitaient l’Algérie, eurent peu de succès. Les équipes d’investigation se contentaient de centrer leurs rapports sur les victimes de la répression de l’état. Quand des rencontres eurent effectivement lieu entre ces investigateurs/trices et les victimes des groupes armés intégristes, l’information accumulée à ces occasions ne fut pas rendue publique dans les rapports partiels et partiaux qui furent subséquemment publiés.

Lors du Sommet des Défenseurs des Droits de l’Homme qui s’est tenu à Paris en 1998, les organisations internationales de droits humains organisèrent collectivement un lâcher de ballons pour les disparus en Algérie; trois cent ballons blancs, chacun portant le nom d’une personne disparue. Toutefois, le tract distribué aux participants internationaux du Sommet spécifiait que ceux dont on célébrait ainsi le souvenir avait disparu aux mains de l’état - police ou armée. Malgré le fait que j’ai personnellement alerté le Secrétaire Général de l’une des organisations invitantes et que j’ai expressément demandé une modification du texte incriminé, de façon à inclure tous les disparus, quelles que soient les forces armées qui les ai fait disparaître, aucun changement n’intervint ni dans la rédaction du tract, ni dans le déroulement de la cérémonie.

Plus grave encore, lorsque trois personnes, deux femmes et un homme dont les familles avaient été victimes des forces intégristes armées, tinrent pendant la cérémonie une bannière portant simplement ces mots: ‘Tous les disparus’, ils furent traités de trouble fête, puis attaqués verbalement et poussés sans ménagement hors du périmètre. L’une de ces femmes est la mère d ‘un jeune homme de 19 ans assassiné par les intégristes sur le pas de la porte familiale en lieu et place de son père, journaliste menacé qui avait, la veille, réussi à s’enfuir hors d’Algérie.

L’association des ’Familles de Disparus’ qui regroupe les familles de ceux disparus aux mains de l’état était officiellement invitée au Sommet et en recevait toute visibilité. Faute de pouvoir se faire entendre des organisations de droits humains, les familles de ceux disparus aux mains des forces intégristes non étatiques durent se résoudre à former leur propre association pour se défendre, l’association ‘Familles des Victimes; cette organisation ne fut pas invitée au Sommet.

Cette division des victimes est l’une des conséquences les plus graves de l’intérêt exclusif porté à la responsabilité de l’état. Elle aboutit à une sorte de ‘privatisation’ des droits: les droits d’une catégorie de victimes ne sont plus défendus que par ceux qui ont souffert des mêmes abus aux mains des mêmes criminels, alors que les droits d’une autre catégorie de victimes se doit d’être défendus exclusivement par des victimes de même catégorie. Comme s’il n’était pas du ressort de tous les citoyens de défendre les victimes quelles qu’elles soient.

Les groupes armés intégristes, puisque traités en victimes, reçurent donc un maximum de soutien et de visibilité. Par ce biais, ils bénéficièrent aussi d’une plate forme politique dont ils se servirent pour propager leurs vues. Dotés d’un soutien aussi prestigieux, ils devinrent des partenaires tout à fait acceptables. Et par extension, leur idéologie aussi, diplomatiquement présentée par des ’modérés’ sous couleur de droits des minorités ou de droits à la différence. C’est là ignorer délibérément la nature d’extrême droite de ces forces politiques intégristes islamiques, qui oeuvrent ouvertement à supprimer la démocratie pour la remplacer par une théocratie - que ce soit par les urnes ou par les armes. Comme l’a déclaré Ali Belhadj, le numéro 2 du FIS (Front Islamique du Salut), en 1990 (c’est-à-dire bien avant la tenue des élections), si le FIS venait à gagner les élections, il n’y aurait plus jamais d’autres élections en Algérie, car : « Si l’on a la Loi de Dieu, pourquoi a-t-on besoin de la loi du peuple? Il faut tuer ces incroyants ( kofr ) »

Au cours de ce processus, les intégristes ont parfaitement maîtrisé l’art de coopter et manipuler les concepts et les valeurs des droits humains. C’est maintenant au nom des droits humains qu’ils propagent leurs vues politiques et qu’ils ont amené la communauté internationale des droits humains à contempler en silence l’érosion des droits humains en général et des droits des femmes en particulier dont ils se rendent coupables.

Je veux attirer votre attention sur le dangereux continuum de violations commises par les acteurs intégristes non étatiques, tel qu’il s’illustre dans le cas de l’Algérie: Dans un premier temps, les intégristes sont identifiés en tant que victimes, pour la raison qu’ils sont persécutés par l’état, et leur double identité de victime mais aussi de violateur n’est pas prise en compte. Dans un deuxième temps, en tant que victimes, on leur accorde un soutien qui est refusé à leurs victimes ; par exemple des intégristes, y compris des criminels de guerre, ont reçu, en grande partie grâce au soutien des organisations de droits humains, le droit d’asile dans différents pays d’Europe, alors que ceux qu’ils persécutaient et assassinaient ne purent en bénéficier, puisqu’ils n’étaient pas victimes de l’état. Enfin, les intégristes ont bénéficié d’une véritable plate forme de visibilité qu’ils ont utilisé pour propager leurs analyses politiques, et ils sont ainsi devenus les interlocuteurs privilégiés de toute discussion sur la violence en Algérie et sur les droits religieux.

La politique des droits humains

Les organisations de droits humains répètent à l’envie qu’elles ne font pas de politique et que leur mandat est exclusivement de dénoncer les violations des droits humains.

Mais comment protéger les droits humains lorsque montent au pouvoir des forces politiques qui déclarent ouvertement vouloir réduire, au nom de leurs droits religieux, les droits de ceux qui croient en d’autres religions ou qui n’ont aucune religion, ainsi que les droits des femmes? S’ensuit une sorte de hiérarchie des droits dans lesquels les droits des femmes occupent la dernière place, après les droits religieux, après les droits des minorités.

Comment protéger les droits humains quand montent au pouvoir des forces politiques dont le but déclaré est de mettre fin à la démocratie (conçue comme société régie par des lois élaborées par le peuple, pouvant donc être changées par la volonté du peuple), pour la remplacer par une théocratie (conçue comme société régie par la Loi de Dieu -version intégriste, cela va de soi - qui est, par définition, inchangeable et a-historique)? Comment prétendre que les droits humains seront saufs si un régime certes corrompu et peu démocratique se voit remplacé par bien pire: un régime de type fasciste-taliban ?

Comment ignorer les conséquences du dédain réitéré des organisations de droits humains pour les violations commises par les acteurs politiques non étatiques , alors que nous avons maintenant suffisamment d’exemples historiques du fait que ce dédain a été instrumental dans la chute de régimes ,-certes loin de satisfaire aux critères des droits humains - , et subséquemment dans la montée au pouvoir de régimes qui ont éradiqué totalement le peu de droits humains qui subsistait encore sous le régime précédent.

On peut voir aujourd’hui en Irak les conséquences du focus exclusif accordé aux violations de droits humains commises par l’état, focus qui a mené à la prise de pouvoir par des acteurs non étatiques intégristes. C’est au nom de la démocratie que les femmes irakiennes, autrefois plus libres et plus éduquées que les autres femmes du Moyen Orient, sont aujourd’hui terrorisées sous la botte de partis religieux qui ont remplacé le précédent régime autoritaire. Il se serait produit la même chose en Algérie, si les femmes ne s’étaient pas si fortement opposées aux organisations de droits humains et à leur focus sur la responsabilité étatique. Les femmes craignaient à juste titre la déstabilisation du régime, qui aurait amené au pouvoir un état théocratique rétrograde, encore bien plus dangereux pour les droits humains et pour les droits des femmes.

C’est ainsi que le focus sur la responsabilité de l’état , les rapports totalement biaisés sur les crimes commis par les acteurs non étatiques et enfin la discrimination entre victimes de l’état et victimes des acteurs non étatiques, finit par jouer , de fait, un rôle politique. Le mépris systématique pour une catégorie de victimes et la mise en avant tout autant systématique de la seule qualité de victimes de certains violateurs constitue en soi une prise de position politique. Dénoncer cette politique occulte n’est pas sans risque.

En ont fait l’expérience drastique trois membres fondateurs en Algérie de l’une des grandes organisations internationales de droits humains. Au milieu des années 90, ils envoyèrent une lettre personnelle au secrétaire générale de leur organisation, pour attirer son attention sur le fait que les nombreuses informations et les nombreux rapports qu’ils lui adressaient concernant les crimes commis par les acteurs non étatiques étaient systématiquement absents des campagnes et des rapports annuels de l’organisation. Ils expliquaient aussi combien il leur était douloureux, en tant que membres fondateurs d’une organisation chère à leur cœur, de voir le peuple algérien devenir de plus en plus hostile à cette organisation qu’ils appréciaient autrefois, au vu des rapports partiaux qu’elle rendait publics. Cette lettre ne reçut pas de réponse, mais les trois membres fondateurs furent immédiatement exclus de leur organisation. Quant aux femmes défenseurs des droits humains qui protestèrent contre la partialité de ces rapports, elles furent dénoncées comme ‘suppôts du gouvernement’, en dépit du fait que nombre d’entre elles étaient - aussi - persécutées par l’état.

Responsabilité directe des acteurs non étatiques

En exposant ici les manquements à la défense des droits humains due au focus exclusif sur la responsabilité étatique, ma conclusion n’est en aucun cas que les crimes et violations des droits commis par l’état doivent être ignorés. La responsabilité de l’état demeure une priorité pour les femmes défenseurs des droits humains. Je demande simplement que ne soit pas exagérément simplifiées des situations impliquant des acteurs politiques non étatiques. Les réalités politiques de notre monde demandent aujourd’hui que la responsabilité des acteurs non étatiques politiques soit traitée directement et non au travers du devoir de protection, ce qui revient à en faire reposer une nouvelle fois la responsabilité sur l’état.

L’abus du concept de devoir de protection par lequel les états sont tenus pour responsables des crimes commis par des acteurs non étatiques met leurs gouvernements en état de double contrainte: si celui-ci ne parvient pas à protéger ses citoyens de la violence intégriste, il est accusé de tolérer la violence contre les civils; mais s’il combat les intégristes, il est accusé de violer leurs droits.

L’Europe et l’Amérique du Nord viennent de faire l’expérience de la violence intégriste, avec les attentats à la bombe qui ont endeuillé plusieurs capitales. Bien que ces pays disposent d’une infrastructure et d’une logistique oh combien supérieure à celle de nos pays pour mener ce combat, ils ont montré, et montrent aujourd’hui encore, leur incapacité à prévenir ou à mettre un terme à cette forme de violence, sans eux-mêmes commettre diverses violations des droits humains dans la recherche et la mise en accusation des auteurs des attentats et de leurs organisations.

Bien que le devoir de protection soit en bien des cas un concept très utile, dans d’autres cas il est contre productif et amène, en fait, à exonérer les violateurs de leurs responsabilités dans les crimes et violations qu’ils commettent. Il faut enfin tirer les conclusions du fait que le monde a changé, que les acteurs politiques non étatiques sont de plus en plus nombreux, de plus en plus puissants. Les concepts forgés pour défendre les droits humains il y a déjà longtemps doivent être revisités, et de nouvelles stratégies doivent être développées pour tenir compte de ces nouvelles réalités. Il faut forger de nouveaux instruments légaux pour obtenir la responsabilité directe des acteurs non étatiques. L’aide des Rapporteurs Spéciaux auprès des Nations Unies sera d’une aide précieuse dans ce domaine.

Conclusion

En tant que femmes défenseurs des droits humains, il nous faut attirer l’attention sur le fait que la chute, provoquée consciemment ou pas, de gouvernements certes peu respectueux des droits humains, et la tolérance pour leur remplacement par des forces qui, elles éradiquent les droits humains - et spécialement les droits des femmes - encore plus totalement, ne saurait être considéré comme un processus sain de protection des droits humains. Nous devons mettre en question les stratégies actuelles et en inventer de nouvelles qui aboutissent effectivement à plus de droits humains et plus de droits des femmes. Par voie de conséquence, nous devons nous assurer que la défense des acteurs non étatiques intégristes demeure, de fait, dans les strictes limites d’une défense de leurs droits fondamentaux: elle ne devrait pas déborder jusqu’à leur offrir une plate forme politique.

En tant que femmes défenseurs des droits humains, nous devons mettre en question la hiérarchie des victimes et défenseurs qu’a provoqué le focus sur la responsabilité de l’état. Nous devons mettre fin à la partialité dans la défense inégale entre victimes des acteurs non étatiques et victimes de l’état. Nous devons donner toute visibilité à celles des victimes qui ont été ignorées.

En tant que femmes défenseurs des droits humains, nous devons prendre position sur la question du conflit potentiel entre différents droits: nous ne saurions accepter une hiérarchie des droits qui place les droits des femmes tout au bas de l’échelle des droits.