Chronique d'Evariste
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Élections régionales 2010 : la droite en crise profonde, mais pas de reconquête populaire de la gauche

par Évariste
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Dans ses deux dernières livraisons, votre journal ReSPUBLICA a présenté les 10 leçons du premier tour, Les enseignements du 2e tour des régionales, et Les déficits politico-stratégiques du non de gauche. Il n’y a rien à changer à ces trois textes qui peuvent être donc relus avant celui-là. Mais nous avons des enseignements supplémentaires que révèlent les premières études à la sortie des urnes publiées depuis.

La gauche a-t-elle raison de jubiler ?

Bien sûr que non ! Pourquoi ? Parce que la gauche ne peut gagner sans un soutien massif des couches populaires (ouvriers, employés). L’abstention massive provient d’un niveau jamais atteint dans les couches populaires (nouveau record de 62 % pour les ouvriers !). Il faut rappeler inlassablement que l’idée du dépérissement de la classe ouvrière et des couches populaires (ouvriers, employés) est une invention des intellectuels travaillant pour les dirigeants néolibéraux. En fait, les couches populaires sont majoritaires en France et les couches moyennes minoritaires. Mais si les médias, les commentateurs et… les militants vivent uniquement dans les villes-centres et à un degré moindre dans les banlieues, ils ne peuvent les rencontrer, car aujourd’hui, ces couches populaires sont reléguées dans l’espace périurbain1 et représenteront bientôt une petite moitié des zones rurales ! Se reporter pour cela à l’article sur « les déficits politico-stratégiques du non de gauche »2 et au livre « Recherche (le) peuple désespérément ».

Les déclarations de l’ensemble des directions du PS et d’Europe Écologie (EE) sont partiellement hors-sol. À les entendre hors des caméras, la cause est entendue. La droite est à terre et grâce à la remontée du Front national, la voie royale s’offre à la gauche pour 2012 : reste à régler le partage des postes et des différents leaderships. À aucun moment, il n’arbore la crainte d’une situation à l’italienne où le premier désaveu de Silvio Berlusconi et l’arrivée de Romano Prodi ont permis le retour du même Silvio Berlusconi. Voir en France le cycle 86-93-2002 qui fut dramatique pour le peuple français.
Le PS a perdu beaucoup de voix de couches populaires entre 2007 et 2010 et son bon résultat relatif procède d’un gonflement énorme des abstentions et d’un moindre recul comparé à ses concurrents. Le PS n’a pas encore compris que la gauche ne peut gagner une présidentielle qu’avec, pour elle, 75 à 80 % des couches populaires (ouvriers, employés, représentants plus de la moitié des actifs et chômeurs en France (ce qui avait permis la victoire en 1981).
Europe Écologie s’installe comme troisième force politique sur une base centriste européiste.
Mais avec un manque de cohérence politique qui ne tardera pas à questionner l’organisation : des environnementalistes, des écologistes qui estiment que la question écologique doit surplomber toutes les autres questions, des couches moyennes estimant que le PS n’avance pas assez vite sur les réponses sociétales censées chez eux supplanter les nécessaires réponses sociales, des néomodernistes régressifs (comme le pédagogiste Meyrieu par exemple), des bénéficiaires de la nouvelle gentrification (retour des élites gagnantes de la mondialisation dans les villes centres), des élus locaux PC bien implantés qui par opportunisme voient leur intérêt électoral immédiat dans ce nouveau courant, les néo-ruraux, des personnalités dites de la « société civile » sans cohérence politique d’ensemble, etc. Il faut bien le talent tactique de Daniel Cohn-Bendit pour tenir cet attelage hétéroclite conjoncturel par l’invention d’Europe Écologie pour supplanter les Verts ! Il vient de récidiver par sa nouvelle proposition dite du 22 mars (bien joué médiatiquement !) pour proposer une nouvelle « coopérative politique » permettant à d’autres singularités de gauche et de droite de les rejoindre.

Côté PCF, la crise n’en fini plus et entre dans une nouvelle phase :

  • le PCF n’a réussi à conserver par la stratégie du Front de gauche qu’un gros tiers des élus des dernières élections régionales. La trentaine d’élus supplémentaires ont été dès le premier tour sur la liste du PS et est tiraillée entre le fait de rester au PCF ou de rejoindre d’une façon ou d’une autre la stratégie de Robert Hue (ancien secrétaire général du PCF) et de son MUP visant à rejoindre le PRG et le MRC, comme soutien dès le premier tour à la direction du PS.
  • ses deux présidences départementales (03,94) sont en difficulté pour 2011.
  • le courant rénovateur communautariste, antilaïque et antirépublicain (Braouzec, Martelli, Zarka, etc.) qui s’était organisé avec la stratégie du « un pied dedans, un pied dehors » du PCF vient définitivement de quitter le parti avec des grands élus maires et députés pour rejoindre la Fédération pour une alternative, sociale et écologique (FASE) dans laquelle ils étaient déjà présents.
  • les communistes orthodoxes qui se renforcent, eu égard au départ des précédents, emmenés par le député André Gérin pilonnent semaine après semaine la stratégie du Front de gauche en imputant à la direction actuelle du PCF et à son instigatrice Marie Georges Buffet de vouloir « vendre la maison » à Jean-Luc Mélenchon et au Parti de gauche.

Le PG estime que le Front de gauche est enfin bien installé et que la possibilité que ce soit Jean-Luc Mélenchon qui soit le candidat de toute « l’Autre gauche » suffit pour nourrir un espoir pour la colonne vertébrale de l’organisation. À noter, que le premier sondage IFOP pour 2012 place Jean-Luc Mélenchon comme s’il était déjà le candidat du Front de gauche a 6 % et Olivier Besancenot à 5 %, mais avec le fait que les 6 % de Jean-Luc Mélenchon proviennent en partie de 9 % des voix socialistes de 2010. Jean-Luc Mélenchon a marqué deux points importants :

  • lorsqu’il a décidé d’aller soutenir au deuxième tour la liste de l’Autre gauche dans le Limousin vu que la liste PS-EE a été sanctionnée de ne pas avoir voulu l’union
  • lorsqu’il impose la non-participation aux exécutifs régionaux qui s’apprêtent à refaire la même politique qu’hier défavorable aux couches populaires (ouvriers, employés).

Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon continue à vouloir renforcer son organisation en incorporant de nouveaux groupes de gauche et d’extrême gauche au sein du PG par une sorte de « dictature de la tactique » sans se poser la question « des déficits politico-stratégiques de la gauche du non ». On a vu par exemple, le changement symbolique du logo du PG réalisé pour incorporer le petit groupe Billard : incorporation du vert, instauration d’un triptyque posant l’écologie avant la république3 . Cette « tactique » ne lui a pas permis, par exemple, de récupérer électoralement les couches populaires perdues par le NPA qui se sont tournées vers l’abstention.

Le NPA a pris acte de son recul. Il estime néanmoins que la crise économique, la crise de la droite, la crise du PCF, la politique sociale-libérale des conseils régionaux de gauche, va lui permettre sur le moyen terme de « se refaire ». Le fait que le Front de gauche ne récupère pas les couches populaires perdues par le NPA à cette élection lui donne un argument supplémentaire pour cette stratégie. La direction souhaite donc rester sur sa ligne isolationniste alors que les électeurs qui l’ont quitté l’ont fait pour les sanctionner d’avoir refusé l’union de « l’Autre gauche ». Par ailleurs, une forte minorité du NPA lorgne néanmoins vers le Front de gauche et la bataille interne fait rage. De plus, pour aider au déchirement interne, la fraction clandestine des anciens camarades de « Socialisme par en bas » sont en train, suite à l’affaire de la candidate voilée du Vaucluse, de donner de la voix pour pousser au développement du communautarisme et de l’alliance tactique avec l’intégrisme islamiste4. Le résultat concret est que le recul des votes NPA parmi les employés est surtout celui des… employées. On ne dira jamais assez que soutenir l’obscurantisme intégriste contre la marche vers l’émancipation des femmes est réactionnaire. Et cela, les femmes d’origine maghrébine en France l’ont compris. Mais de nombreux « cathos de gauche », des militants « français depuis longtemps » marqués par le syndrome postcolonial (honte de ce que leurs propres parents ont fait), n’ont pas compris ! Il n’y a pas d’autre stratégie opssible pour la gauche que d’être laïque, antiraciste et anticolonialiste !

LO, autre rassemblement militant, reste une organisation implantée en milieu populaire. Mais elle a été sanctionnée électoralement comme responsable de la division de l’Autre gauche. De plus, le nouveau discours « basiste » de cette organisation (tout procède des luttes, du « mouvement d’en bas ») l’entraîne vers l’isolement.
Nous sommes restés dans cet article à une rapide caractérisation des organisations de gauche qui ont quelques influences. Nous laisserons dans l’ombre celles qui pour nous n’ont pas d’influence significative. Juste un petit mot sur la Fédération pour une Alternative sociale et écologique (FASE) qui fait parler d’elle sur le plan médiatique depuis qu’elle a récupéré plusieurs maires et députés de l’ancien courant rénovateur antilaïque et antirépublicain qui viennent de quitter le PCF. Leur discours basiste mélangeant le champ politique avec le mouvement social et se déterminant dans une optique antilaïque et antirépublicaine est une impasse théorique et pratique dans la mesure où les couches populaires (ouvriers, employés, majoritaires dans le pays) sont fortement hostiles à cette ligne. Ils ne pourront donc qu’être une force marginale appuyée sur les couches moyennes radicalisées, sur le relativisme culturel et sur les communautarismes qu’ils aideront à proliférer.

Que faire ?

La tâche des militants laïques de la république sociale est aujourd’hui de développer la bataille pour l’hégémonie culturelle et idéologique (pour reprendre le vocable d’Antonio Gramsci). Pour cela, il convient d’expliquer inlassablement que sans réponse aux « déficits politico-stratégiques du non de gauche » que nous avons développé dans le numéro précédent de RESPUBLICA, il n’y aura pas de logique gagnante pour le Non de gauche.
La réponse à ces « déficits politico-stratégiques du non de gauche » est la condition pour regagner la confiance des couches populaires sans lesquelles il ne peut pas y avoir de transformation sociale et politique comme l’ont montré les différentes séquences politiques ouvertes depuis le tournant libéral de 1983. Soit, on veut singer celles-ci, soit on veut une alternative, voilà le choix présenté.

  1. L’espace périurbain est l’espace que se trouve au-delà des banlieues des grands ensembles souvent dans un urbanisme pavillonnaire éventuellement dégradé, là où le service public de transport est souvent déficient. []
  2. La lecture de l’article mis en lien hypertexte est nécessaire pour comprendre pourquoi la prise en compte d’une nouvelle ligne stratégique est nécessaire notamment concernant la nouvelle géosociologie des territoires, la nouvelle articulation nécessaire entre le mouvement social et le champ politique, sur l’importance et le comment de la reconquête des couches populaires, etc. []
  3. Ce changement symbolique a une grande signification pour des militants de gauche attachés à la laïcité et à la république sociale. Alors que la république a une devise séquentielle « Liberté, Égalité, Fraternité », séquentielle voulant dire que l’ordre d’énonciation est important même si les 3 principes doivent s’appliquer, voilà un parti censé être le parti des laïques et des républicains de gauche, inventer une devise (est-elle séquentielle ?) qui place l’écologie en tête et repousse le mot « république » en troisième position sans son attribut « sociale » qui date de Jean Jaurès. []
  4. « Socialisme par en bas » est un groupe trotskiste qui était lié au Socialist Workers Parti (SWP) anglais qui est un important parti trotskiste prônant l’alliance avec l’intégrisme islamiste (les Frères musulmans avec Youssef Quaradawi, Hani et Tariq Ramadan plutôt que les démocrates laïques des pays arabes et/ou musulmans, le Hezbollah, le Hamas plutôt que le Fatah, les mollahs iraniens plutôt que les groupes de gauche laïque iraniens (Voir le Bureau laïque international (BLI) sur www.laicity.info), etc.) au nom du double fait que cet intégrisme devient la religion des « pauvres » et que cet intégrisme « serait » hostile à l’impérialisme américain. Ce groupe « Socialisme par en bas » a été incorporé à l’ex-LCR, puis au NPA et ils ont rejoint par là même les trotskistes qui avaient signé la pétition réactionnaire dite « des Indigènes de la République ». Tant pis pour le droit des femmes à leur émancipation et tant pis si cette alliance conforte la domination mondiale du turbocapitalisme où les intégrismes religieux sont alliés aux dirigeants néolibéraux du monde. []
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Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites

par un collectif

Source de l'article

Le gouvernement français s’apprête à engager une nouvelle réforme qui risque de porter un coup fatal au système de retraite par répartition en jurant une fois de plus que c’est pour le sauver. Le bilan des réformes menées depuis 1993 est déjà catastrophique car toutes les dispositions prises (calcul sur les 25 meilleures années, indexation sur les prix et non plus sur les salaires des actifs, allongement de la durée de cotisation sous peine de décote…) ont déjà fait baisser le niveau des pensions d’environ 20 %. Elles ont aggravé les inégalités déjà fortes entre les pensions des hommes et des femmes. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit que le taux de remplacement moyen - niveau de la retraite par rapport au salaire, passerait de 72 % en 2007 à 59 % en 2050. Cette dégradation continuera donc de frapper les actuels retraités et touchera également les générations suivantes.

Malgré ce bilan désastreux, le gouvernement veut aller encore plus loin en supprimant l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans en le portant à 62, voire 65 ou 67 ans, comme le demande le Medef, et en remettant en cause le calcul sur les six derniers mois d’activité des retraites du secteur public. Jumelées avec un nouvel allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein, ces mesures condamneraient à la pauvreté la plupart des futurs retraités, surtout les femmes et tous ceux et celles qui ont connu et connaîtront des périodes de chômage et de précarité importantes. Ce sont les salarié-es les plus jeunes qui subiraient les effets cumulés de ces orientations au moment de partir à la retraite.

Le gouvernement et le patronat persistent à vouloir durcir les conditions de départ en retraite alors même que les entreprises continuent de se débarrasser des salariés âgés avant qu’ils aient acquis la totalité de leurs droits. Exiger que les salariés travaillent et cotisent plus longtemps, alors que l’âge moyen de cessation d’activité est de 59 ans, ne vise qu’à baisser le niveau des pensions. De plus, cette logique remet en cause la solidarité intergénérationnelle. Il n’y a aucun sens à augmenter l’âge de la retraite alors que le chômage de masse sévit pour les jeunes. Au lieu de voir dans la retraite par répartition une transmission perpétuelle et solidaire de la prise en charge d’une génération par la suivante, le gouvernement et le patronat, afin d’attiser la division, la stigmatisent comme un fardeau pour la seule génération à venir.

Le danger ne s’arrête pas là. Le COR dessine les contours d’une réforme pour remplacer notre système par un autre « par points » ou « par comptes notionnels ». Dans les deux cas, il s’agirait de ne plus avoir à assurer un taux de remplacement du salaire défini à l’avance et de faire de la variation du niveau des pensions le moyen d’équilibre financier des régimes. Cela aggraverait encore la baisse du niveau des pensions et contraindrait les salariés, particulièrement les salarié-es pauvres et effectuant les travaux pénibles, à travailler toujours plus longtemps.

La vraie raison des mesures qui s’annoncent n’est pas liée à la démographie. La crise financière a provoqué une récession et donc une flambée des déficits publics. Les États continuent benoîtement à financer leurs déficits en empruntant sur ces mêmes marchés financiers qui ont provoqué la crise. Réduire ces déficits pourrait se faire par une taxation du capital. Mais les spéculateurs refusent évidemment cette solution, demandent que les États donnent des gages et exigent une réduction des dépenses publiques.

Une alternative à cette régression sociale existe pourtant. A moins de décréter la paupérisation des retraité-es, il est normal de couvrir les besoins sociaux liés à l’augmentation de leur part dans la population par un accroissement des prélèvements sur la richesse produite. Les déficits des caisses de retraite sont essentiellement dus au refus obstiné de le faire. Pourtant, le besoin supplémentaire de financement nécessaire aux retraites est réalisable puisqu’il a été chiffré en 2007 par le COR entre 1 et 2 points de PIB jusqu’en 2050, à comparer avec la chute de la part de la masse salariale de 8 points au cours des dernières décennies et avec l’explosion correspondante des dividendes, qui sont passés de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007. Il est donc juste d’augmenter la part des salaires et des pensions dans la richesse produite en s’attaquant aux profits. Le financement des retraites est possible à condition d’en finir avec l’actuel partage éhonté de la richesse au bénéfice des revenus financiers. C’est ce partage qui constitue le tabou à faire sauter, et non l’âge de départ. Il s’agit là d’un choix politique de justice et de solidarité.

La question des retraites pose celle de la société dans laquelle nous voulons vivre. Nous ne pouvons accepter la paupérisation programmée des futurs retraité-es, l’idéologie absurde du « travailler toujours plus » et la destruction des solidarités sociales. Nous souhaitons contribuer à une vaste mobilisation citoyenne (réunions publiques, appels locaux…) pour stopper cet engrenage.

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Exigeons de Nicolas Sarkozy qu'il mette fin aux privilèges indécents que représentent les niches fiscales

par Combat Républicain
Journal pour la République et le Socialisme

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Au moment où Nicolas SARKOZY annonce une loi sur les retraites visant à remettre en cause le droit au départ à 60 ans, nous vous proposons de lui rappeler solennellement le constat fait par la Cour des Comptes dans son rapport annuel et que les médias ont soigneusement occulté : « Le coût total de la multiplication des niches fiscales représenterait 146 milliards d’euros par an ». La vérité doit l’emporter : pour ” sauver nos retraites”, au vu des analyses de la très officielle Cour des Comptes,on peut affirmer qu’il suffit de rétablir la justice fiscale .
Nous sommes déjà plus de huit cents à avoir signé, en quatre jours, la lettre ouverte au Président de la République pour exiger de « mettre fin au plus vite aux privilèges indécents que représentent ces niches fiscales ». Nous lui demandons instamment d’en tirer les conclusions qui s’imposent sur le plan législatif, pour garantir aux Français un niveau décent de pensions de retraite  et de prestations sociales.
Nous vous invitons à faire signer massivement cette lettre ouverte : faites la parvenir à vos collègues de travail, à vos connaissances, à vos amis voire à votre syndicat et/ou à votre formation politique. Elle doit devenir l’affaire de tous ceux - citoyens, groupes, associations, organisations - qui voudront la faire leur, la populariser et la faire signer pour peser utilement dans le débat sur les retraites.

Signer la pétition

Exigeons de Nicolas Sarkozy qu’il mette fin aux privilèges indécents que représentent les niches fiscales

Monsieur le Président de la République,

Le rapport annuel de la Cour des Comptes, rendu public en février dernier, a retenu toute notre attention. En effet, les sages de la rue Cambon y pointent du doigt l’un des principaux motifs d’appauvrissement de l’Etat : la multiplication des niches fiscales dont, le manque à gagner aggrave le déficit des finances publiques.

Ainsi la Cour établit-elle que le coût des nouvelles niches, apparues lors de l’exercice 2009, est supérieur de 1,2 milliard d’euros aux gains obtenus par la suppression de dépenses – laquelle provient généralement des coupes claires opérées dans les budgets sociaux. Si l’on ajoute à ce chiffre le coût des quelque 500 niches déjà existantes, le manque à gagner pour l’Etat se chiffre à 70,7 milliards d’euros, soit une hausse annuelle de 7,3%.

Pire encore : les sages soulignent qu’un certain nombre de ces niches ne sont plus inscrites dans les budgets depuis 2006, mais « elles existent encore, atteignent 80 milliards d’euros et sont probablement en augmentation ». Si elles figuraient dans la liste établie par les services de Bercy, on constaterait que le coût total des niches fiscales atteint la somme de 146 milliards d’euros !

Outre qu’il porte gravement atteinte au principe républicain d’égalité devant l’impôt, ce dispositif prive l’Etat de recettes qui permettraient d’équilibrer les comptes des régimes de retraite et de la Sécurité Sociale. L’appauvrissement de l’Etat qui en résulte affecte les plus pauvres, dont le nombre ne cesse de croitre. Cet assassinat social ne peut et ne doit pas être accepté. Il faut choisir : favoriser une minorité de contribuables ou répondre aux attentes sociales légitimes des Français.

C’est pourquoi nous vous demandons solennellement, Monsieur le Président de la République, de prendre toutes les dispositions pour que dans les plus brefs délais le gouvernement et le Parlement suppriment ces niches fiscales et donnent ainsi à l’Etat les moyens de financer les retraites, les prestations sociales et la politique de l’emploi dont les Français ont besoin.

Pour faire un lien vers cette pétition, cliquez-ici

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ATTAC rompt avec son histoire

par Christian Berthier

Réaction à l’article d’Attac : L’euro dans les mains du FMI : une rupture historique.

« Je vous parle d’un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître »

C. Aznavour

Ce temps où ATTAC osait souligner des évidences historiques telles que :
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les USA dominaient totalement la finance mondiale, tous les autres États étaient ses débiteurs, toutes leurs banques étaient débitrices des banques US.
Les États et classes dirigeantes étaient discrédités par la collaboration avec l’Allemagne, les caisses des banques et assurances vidées, l’agitation sociale montait avec la crainte d’une reprise de l’avancée de l’armée rouge vers l’ouest.
Pour que les banques US soient remboursées, il fallait remettre l’Europe au travail. L’état US a alors garanti les crédits de ses banques en Europe ( plans « Marshal ») en échange de nombreuses pertes de souveraineté et de contrôle des États européens, à commencer par celles de la Grande-Bretagne au profit de la finance et de l’état américains. Le contrôle financier de ces derniers resta total et assorti de quelques prébendes à l’URSS pour s’en assurer la neutralité.
Rappelons qu’un député et dirigeant important de la SFIO, Daniel Mayer, en a été exclu en 1954 pour refus de cette influence US.

La reconstruction économique et industrielle de l’Europe des deux côtés du rideau de fer a été très rapide et très profitable dans le cadre de frontières nationales. Mais c’est un songe creux que de croire que le contrôle financier des USA ait été, par miracle, allégé.
Au niveau transnational et interbancaire, il fut promoteur d’une disparition des barrières nationales de tous types et pour une concurrence accrue entre les entreprises et les états pour accroître les marges financières, dans un processus aboutissant à l’Union Européenne et, dès 1971, à la rupture imposée des liens souverains entre banques d’État et Trésors, à l’indépendance de ces Banques et de la BCE par rapport aux États et à l’obligation par la BCE d’acheter ou de vendre des Dollars en fonction des besoins des USA… aux seuls risques des États européens.

FMI et Banque Mondiale coordonnent et policent encore les crédits internationaux. Pensons à l’Islande, aux pays baltes, à la Roumanie et à la Grèce et demain, à la Grande-Bretagne et aux « pays du Club Med » ou « PIGS ».
Qu’ATTAC oublie ces évidences qui furent son cœur de doctrine ne dévalorise qu’ATTAC, pas le dollar.
De même, comment oublier le rôle financier, industriel et… touristique dominant de l’Allemagne dans les Balkans ? Qui a financé l’armée grecque, le tourisme et les Jeux olympiques grecs ? Les banques allemandes en concurrence victorieuse avec beaucoup d’entreprises et de banques françaises.
La dissimulation des déficits grecs et leur « titrisation » par Goldman Sachs étaient choses publiques !
L’indignation de « l’Allemagne d’en haut » n’a qu’un but de propagande vis a vis de « l’Allemagne d’en bas » : « Allemands, serrez vous la ceinture ! ».
Dans l’accord grec, le FMI n’est là que pour garantir les crédits de Goldman Sachs et éviter que la finance européenne ne tire profit de ces nouveaux crédits.
Enfin, « taxer » la spéculation internationale n’est qu’un songe creux… surtout au plan international.
À ATTAC oublieux du référendum de 2005 en France et de celui de 2010 en Islande, je rappelle qu’actuellement, mais pour combien de temps encore et pour les plus grands, seuls les États nationaux pourraient disposer des moyens de contrôle du crédit et de l’émission monétaire, mais au prix de la violation des règles de la BCE et de l’UE, mais surtout de celles du FMI et de l’OMC.
Tout le reste n’est que bavardages inadaptés à une période de « guerre » économique et sociale qui s’ouvre en Europe. La haute finance veut financer les milliards de milliards de dollars partis en fumée en ayant un accès libre et non démocratiquement faussé au produit de l’impôt et aux fonds sociaux des états européens.
Eux, y-en-a vouloir nos sous ! Our money, now !
Alors, aux armes citoyens et épargnants !

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La crise grecque : 1ère « bataille » d'une « guerre » pour l'Europe

par Dimitris Konstantakopoulos

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« Nous ne mourrons pas pour Dantzig », disaient les Français il y a soixante-dix ans. « Nous ne paierons pas pour les Grecs », disent aujourd’hui les Allemands. Et si, entre temps, la force de l’argent a remplacé, en Europe, celle des armes, cela ne l’a pas rendue moins mortelle (ni même, en fin de compte, moins autodestructive).

L’attaque dont la Grèce fait l’objet de la part de forces « géo- économiques » puissantes, à savoir celles du capital financier totalement libéré de tout contrôle, d’un Empire de l’Argent en gestation, a une importance énorme au niveau mondial qui dépasse de loin la dimension de ce petit pays. C’est la première d’une série de batailles, qui vont déterminer l’avenir des États et des pays européens, celui de l’idée d’une Europe unie, indépendante, sociale, celle de notre démocratie et de notre civilisation.

La question à laquelle on essaie de répondre, en Grèce, est de savoir qui va payer la dette cumulée de l’économie mondiale, y compris celle due au sauvetage des grandes banques, en 2008. Est- ce que ce sera la population des pays développés, au prix de la suppression des droits sociaux et démocratiques acquis durant trois siècles de lutte, autrement dit, de la civilisation européenne ? Ou bien les pays tiers ? Va-t-on la payer par la destruction de l’environnement ? Les banques vont-elles l’emporter sur les États, ou bien ces derniers l’emporteront-ils sur les banques ?

L’Europe pourra-t-elle dominer de nouveau le monstre que constitue le capital financier totalement deregle, en rétablissant une réglementation des flux de capitaux, dans le cadre d’un protectionnisme raisonnable et d’ une politique de croissance, en contribuant à la construction d’un monde multipolaire, donnant ainsi un exemple d’ordre mondial ? Ou bien va-t-elle périr dans des conflits internes sans merci, en consolidant le rôle dominant, quoique vacillant aujourd’hui, des USA et demain peut-être, celui d’autres puissances, voire même de totalitarismes, au niveau mondial ou regional ?

La crise grecque

Les gouvernements européens et leur Union, qui ont dépensé des sommes colossales pour le sauvetage des banques, imposent à la Grèce de prendre de mesures qui constituent la plus grande régression dans l’histoire du pays, exceptée la période de l’ occupation allemande de 1941-1944, tout en la poussant dans la plus importante récession qu’elle ait connue depuis des décennies, la privant de toute perspective de croissance pendant un temps indéterminé. Ce qui, d’ailleurs, risque de rendre impossible le remboursement de sa dette, c’est-à-dire risque de faire de la Grèce une Lehman Brothers dans la nouvelle phase de la crise mondiale commencée en 2008.

Nous sommes arrivés à un point où la Banque Centrale Européenne prête aux banques à un taux de 1%, afin que celles-ci prêtent à l’État grec au taux de 6% ou 7%. Au meme temps, les gouvernements europeens refusent de consentir à l’édition des euro-obligations par ex., pouvant servir à la normalisation des taux payes par l’ Etat grec.

L’Allemagne contre l’Europe

Il y a vingt ans, l’Allemagne, nouvellement réunifiée, atteignant sa pleine « majorité stratégique », « acheva », par sa première action, la Yugoslavie multinationale et fédérale, en imposant à ses partenaires la reconnaissance des différentes Républiques. Le résultat en a été tout d’abord une série de guerres qui ont semé la ruine et la mort dans les Balkans, sans résoudre pour autant aucun de leurs problèmes, puis la mort dans l’œuf de la politique étrangère et de défense de l’UE et, enfin, le retour solennel des USA dans leur rôle de maître absolu du Sud-est européen.

Tout cela pourtant fera figure de simple délit, devant ce qui risque de se passer maintnenant, comme conséquence de la courte vue de Berlin et de la manière dogmatique, extrêmement égoïste dont elle défend les règles de Maastricht, disposée, semble-t-il, à sacrifier un ou plusieurs de ses partenaires, appartenant même au « noyau dur » de l’UE, la zone euro, en les faisant plonger dans le désastre économique et social

Aujourd’hui, l’enjeu de la crise « grecque », de la crise « espagnole », « portugaise » ou d’une autre demain, n’est pas seulement la politique européenne commune ni le sort des Balkans. C’est bien l’idée même de l’Europe unie qui risque de mourir, et sa monnaie commune avec elle, comme l’ont déjà noté les hommes politiques et les analystes économiques les plus pénétrants en Europe et au niveau international. Si en 1990-91, la politique allemande avait établi le… rôle des USA en Europe du Sud-est, la politique allemande actuelle conduit à la consolidation de leur rôle hégémonique aujourd’hui ébranlé dans les affaires européennes, sinon mondiales. Tout en privant l’Europe de la possibilité de jouer, en s’appuyant sur ses idées et sa civilisation, un rôle d’avant-garde dans la refonte si necessaire du système mondial.

Des erreurs historiques si colossales ne sont pas sans précédent dans l’histoire allemande : aujourd’hui, Berlin surestime sa puissance économique, comme il avait surestimé sa puissance militaire dans les années 1910 et 1930, contribuant ainsi à la destruction de l’Europe et de l’Allemagne elle-même, lors des deux Guerres Mondiales.

L’établissement de la monnaie unique et le mode de fonctionnement de l’UE, ont profité surtout à l’Allemagne qui refuse pourtant d’ « ouvrir sa bourse » à ses partenaires en difficulté. Elle ne défend pas l’Europe ni à l’extérieur, contre les attaques des banques internationales dominées par les Anglo-américains ni contre celles du capital financier, nommés par euphémisme « les marchés ». Elle ne la défend pas non plus à l’intérieur, non seulement parce qu’elle refuse d’assister un soi-disant partenaire, en l’occurrence la Grèce, mais aussi en l’insultant, par une campagne sadique et raciste des media allemands, au moment où elle affronte des difficultés vitales !

L’Allemagne et le Maastricht

L’Allemagne a raison lorsqu’elle soutient que, en agissant de la sorte, elle défend les règles de Maastricht, qui interdisent toute sorte de solidarité et d’entraide entre les membres de l’UE et imposent, jusqu’à la fin des temps, une politique monétaire qui n’existe nulle part ailleurs au monde. Ces règles correspondent aux intérêts allemands, du moins tels que les conçoivent les milieux dominants de Berlin, et, surtout, à ceux des banques et plus généralement des grands détenteurs du capital financier. C’ est leurs profits que garantissent les règles de Maastricht, en association avec le régime de libéralisation totale des échanges de capitaux et de marchandises, qui interdisent explicitement ou implicitement aux Européens d’exercer une politique inflationniste, keynésienne, anticyclique, quand il le faut, mais aussi de se défendre contre l’antagonisme économique extérieur, de la part des USA ou de la Chine.

En soutenant cependant, à juste titre, que sa politique actuelle est dictée par le traité de Maastricht, qui doit être respecté comme l’Évangile, Berlin dévoile, malgré lui, le caractère monstrueux de l’actuel édifice européen. On n’a nullement besoin d’être économiste, le sens commun suffit, pour comprendre qu’ aucune Union d’aucune sorte de personnes, de peuples, d’États, ni de quoi que ce soit, ne peut avoir une vie bien longue, si elle est fondée sur… l’interdiction de solidarité entre ses composantes ! Les peuples de l’Europe n’ont pas consenti à l’idée de l’ unification européenne pour … se ruiner ; ils y ont consenti pour acquérir davantage de sécurité et de prospérité.

En disant à ses partenaires … d’aller se faire voir ailleurs, à la première difficulté, les dirigeants allemands délégitiment eux- mêmes, dans une grande mesure, aussi bien l’idée de l’Europe unie que celle de la monnaie unique, ainsi que leur propre ambition d’ être à la tête de l’Europe. A quoi sert une Union qui a mobilisé tous ses moyens pour sauver les banques qui avaient provoqué la crise de 2008, et qui refuse de sauver un peuple européen menacé par ces mêmes banques renflouées au moyen de l’argent public ? La seule raison pour laquelle les membres de la zone euro, qui sont touchés par la crise, y demeurent encore, est leur crainte des conséquences d’un retrait (et divers intérêts de leurs milieux dirigeants). Mais pour combien de temps encore cette raison sera- t-elle suffisante, surtout dans le cas d’une éventuelle aggravation de la crise économique, qui transformera de vastes zones européennes en une sorte d’Amérique Latine ? De même qu’au XXe siècle, l’Allemagne paiera de nouveau, elle aussi, le prix de son égoïsme, politiquement, en minant son propre rôle et économiquement, en étouffant les acheteurs de ses produits. Mais elle risque de s’en rendre compte quand il sera trop tard pour réparer la situation.

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Combat féministe
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Burqa, AM Le Pourhiet: «Pas d'accord avec le Conseil d'Etat»

par Le Journal Marianne
www.marianne2.fr

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Dans une interview donnée à des étudiants, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1, s’élève contre l’avis du Conseil d’Etat, aussi ambigu et pervers que celui qu’il avait donné sur le voile en 1989, aboutissant à retarder de quinze ans une législation finalement bien acceptée.

Selon vous la Burqa est-elle une atteinte à la liberté de la femme ou bien rentre telle dans la liberté individuelle de se vêtir ?
Il n’y pas de « liberté de la femme » distincte de celle de l’homme en l’occurrence.
C’est la « dignité » de la femme qui a souvent été invoquée par les féministes dans cette
affaire de burqa, mais c’est une notion morale dont la subjectivité est telle qu’il faut la laisser hors du champ juridique. Les jeunes femmes qui se promènent les fesses à l’air avec le string qui dépasse du jean lacéré pourraient aussi se faire reprocher leur indignité et que dire de tous ceux ou celles qui exhibent des piercings monstrueux ?
Il est admis, et je n’en doute absolument pas, que les femmes qui portent la burqa le choisissent délibérément pour la plupart et n’y sont nullement contraintes. Peut-être s’agit-il de faire plaisir à leur homme mais si je porte une jolie robe pour sortir et que je me parfume c’est aussi pour plaire à un homme. On ne va tout de même pas se livrer à des expertises psychologiques pour savoir pourquoi certaines femmes aiment en montrer le plus possible et d’autres le moins. Le discours féministe est parfois bien proche de celui des intégristes.
Il est admis aussi par tous les spécialistes de l’Islam que la burqa n’est absolument pas un signe religieux, il ne s’agit donc pas non plus d’un signe extérieur de croyance, d’une manifestation de foi religieuse. J’y vois plutôt une attitude de revendication identitaire comme le fait de vouloir parler breton dans la vie publique, ou de s’habiller « gothique »…

Au nom de la sécurité et de la protection de l’ordre public, pensez-vous qu’il est utile, voire nécessaire de réglementer ou interdire le port de la burqa ?
Oui, c’est une affaire d’ordre public et rien que cela, laissons tomber la dignité et la liberté religieuse qui ne sont pas en cause. Nous sommes en présence d’une façon « extrême » de se vêtir qui choque la population française d’une part et qui pose un réel problème de sécurité d’autre part. Il y a d’abord un problème de moeurs : ces êtres fantômes qui ressemblent à celui que le feuilleton « Belphégor » décrivait autrefois dans le musée du Louvre, font peur et impressionnent la population française.

Comme on n’admet pas qu’une personne se promène nue dans la rue, notre civilisation ne peut non plus supporter des personnes qui n’existent pas physiquement. Je me suis trouvée récemment dans un grand magasin de Londres à côté de deux individus (qui me dit que ce sont des femmes, puisque même les mains sont gantées ?) en burqa et m’en suis éloignée spontanément parce qu’ils me gênaient et m’indisposaient terriblement.

Je vois dans cette provocation une atteinte à ce que nous appelons traditionnellement les bonnes moeurs. On ne choque pas délibérément une population. Je vous renvoie à la jurisprudence abondante en la matière. On peut prescrire des uniformes à des salariés du secteur public ou privé, interdire de venir travailler en short et tongs, ou de rentrer torse nu ou en slip dans un commerce, on doit aussi, bien sûr, pouvoir interdire une tenue qui choque profondément la majorité des gens d’un pays.

Il y a ensuite un problème d’ordre public matériel manifeste dans la mesure où vous ne pouvez absolument pas identifier ces individus. Le braquage récent d’une banque par deux hommes en burqa qu’un employé a laissé passer dans le sas d’une succursale d’Athis-Mons résume à lui seul la menace évidente pour la sécurité publique que représente cet accoutrement (Le Monde, 9 février 2010). L’employé a sans doute voulu éviter de se faire accuser de discrimination religieuse et a eu la sottise de les faire entrer. Mais rien ne me disait aussi, à Londres, que les femmes (ou hommes) qui m’entouraient ne cachaient pas une arme
ou n’avaient pas l’intention de fourrer de la marchandise volée sous leur voile en se disant qu’un agent de sécurité n’oserait pas les fouiller au nom du respect d’Allah.

Un député a voulu récemment aussi interdire les capuches sur la tête qui sévissent dans une certaine jeunesse et cela se rapporte également à une question de sécurité évidente. Lorsque vous êtes témoins d’une agression ou d’un accident on vous demande de donner le signalement de l’individu, mais ici vous décrivez quoi ou qui ? Ni le sexe, ni l’âge, ni la corpulence ni la longueur, ni la couleur des cheveux ne peuvent être décrits, ni le front, ni le nez, ni les mains, rien, absolument rien.

Quant à l’idée d’interdire uniquement dans les services publics, c’est bien gentil mais comment nos femmes en burqa vont-elles savoir manier les critères du service public que les étudiants en droit administratif ont déjà du mal à identifier ? Elles ne vont pas trimbaler le Chapus sous leur voile pour savoir si une banque, une poste, un bus ou une infirmerie sont un service public ou pas. Et on ne peut pas non plus les contraindre à s’habiller et se déshabiller toute la journée selon le lieu qu’elles fréquentent. Il est clair qu’une interdiction dans tous les lieux publics (au sens de « ouverts au public ») s’impose.

Les députés ont peur du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme mais ces juges n’ont jamais eu à trancher une question de ce type et leur appréciation de la conciliation entre l’ordre et de liberté n’a, en tout état de cause, pas plus de légitimité que celle des représentants de la nation. Un parlement d’une nation souveraine ne peut pas vivre dans la hantise du gouvernement des juges, il doit savoir s’affirmer. Sinon il faudra un référendum.

Aujourd’hui le débat commence en Angleterre, pensez-vous qu’il pourrait prendre la même ampleur?
L’Angleterre a une tradition de primauté de la liberté individuelle et de multiculturalisme débridé qui l’a conduite à laisser se développer une situation qu’elle va regretter. Il y a déjà eu un jugement d’une cour d’appel britannique interdisant d’interdire la burqa … à l’école ! Mais si Westminster décide finalement de légiférer, aucun juge ne peut censurer le parlements souverain outre-manche même sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge peut éventuellement « constater une incompatibilité » avec la Convention, rien de plus. Heureux peuple que celui-là !

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Algérie : "J'ai décidé d'enlever mon hidjab"

par Kaouthar SEMROUDI

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DE PLUS EN PLUS DE FEMMES FRANCHISSENT LE PAS

Le débat sur le voile n’a jamais été tranché. Pourtant, beaucoup de femmes ont déjà pris parti. D’autres ont même changé de camp après l’avoir longtemps porté. Faisant preuve de courage pour certaines, de témérité et d’insolence pour d’autres, elles ont décidé d’ôter cet habit à connotation religieuse. Elles témoignent.

«Je ne pouvais plus supporter ces vêtements (…) même si mes convictions religieuses sont restées intactes: mettre le voile était devenu pour moi plus qu’une corvée». Qui aurait cru, il y a dix ans, lorsque la tragédie nationale battait son plein, entendre un jour une jeune Algérienne tenir ce genre de propos? Nul doute, personne.
Pourtant, de nos jours, des femmes ont décidé d’enlever leur «voile» après l’avoir porté des années durant, à l’instar de Selma, l’auteure de ces propos. Etudiante, Selma a commencé à porter le hidjab dès son jeune âge. A 14 ans, elle partait au lycée avec son foulard toujours sur la tête.
Elle explique: «Nous habitions dans une région où le terrorisme n’a épargné personne (…) et à l’époque le voile était devenu obligatoire pour toutes les femmes, et les jeunes filles de plus de 12 ans qui sortent.» C’est son père qui lui a suggéré de porter le foulard pour sa sécurité, «chose que j’ai faite sans trop réfléchir (…) ce n’est que quelques années après que je me suis mise à réfléchir à cet habit» a-t-elle avoué.
Elle poursuit sa narration en expliquant que ce n’est que quelques années plus tard, et moult changements qui avaient eu lieu durant ce temps-là que l’idée d’ôter son voile lui traversa l’esprit.
«C’est après notre déménagement à Alger, une grande ville connue pour la diversité de sa population et des mentalités que j’ai commencé à y réfléchir. Mon entrée à la faculté fut seulement un élément déclencheur» a-t-elle encore soutenu. «Rien n’a changé en moi, je suis toujours aussi pieuse qu’avant. La religion ne se limite pas à ça. Mais c’est aussi avoir des valeurs morales qu’on applique dans la vie de tous les jours. Au final, ce n’est que mon apparence qui a un peu changé», a ajouté cette jeune fille en guise d’explication pour justifier ses propos et pour ne pas être mal comprise. S’agissant des raisons réelles qui l’ont poussée à prendre cette décision, Selma a longtemps hésité avant de lâcher: «Ce n’est sûrement pas par manque de foi.» Nacéra, une autre jeune fille, tient le même discours ou presque pour avoir elle aussi décidé de ne plus porter le voile.
Pour elle, cet acte était une manière de se libérer de la contrainte imposée par les années de terrorisme.
Cette quinquagénaire et grand-mère, toujours coquette malgré son âge, a franchi le pas il y a quelques années.
Elle raconte: «Quelle femme ne s’était pas vue contrainte de porter le hidjab durant les années 1990? (…) toutes voyaient ce foulard comme l’ultime solution de survie (…) il n’était pas rare de voir des femmes qui n’étaient même pas de confession musulmane le porter pour se mettre à l’abri de l’hydre terroriste.»
«Et comme toutes ces femmes, je l’ai porté moi aussi, même si ce fut à contre-coeur, et cela durant nombre d’années» a-t-elle confié.
Avant d’ajouter: «Mon coeur n’y était jamais, j’ai toujours aimé les couleurs, les belles choses et les beaux vêtements, alors je n’ai pas pu résister plus que ça, même si tout le monde ou presque était contre(…) coquette, et toujours tirée à quatre épingles, c’est comme ça qu’on me voit aujourd’hui.»
Les raisons diffèrent d’une femme à une autre. Pour Nassiba, qui l’a ôté puis remis c’est l’instabilité de l’adolescence qui l’a poussée à passer à l’action.
Selon elle, prendre la décision de porter le voile alors qu’elle n’avait que 16 ans était inadéquat.
Elle estime que c’est un âge où la jeune fille est encore trop jeune pour prendre une telle décision et surtout à l’assumer.
«Je n’avais que 16 ans quand j’ai décidé de le mettre parce que toutes mes amies l’avaient fait avant moi (…) mais je l’ai enlevé la même année parce que je voulais encore profiter de mes années d’insouciance, m’habiller à la mode et ce n’était pas facile avec le hidjab.»
Elle ajoute: «Aujourd’hui j’ai 20 ans, je l’ai remis, mais j’avoue que j’ai encore la hantise de ne pas être assez forte devant les changements qu’on vit au quotidien et de l’enlever encore une fois un jour.»
Un témoignage qui se rapproche de celui de Mounia avec quelques nuances près.
Elle a indiqué pour sa part: «Avec du recul, j’ai été influencée par la mode du hidjab (…) je veux dire par là que lorsque j’étais à la faculté, beaucoup de filles avaient décidé de le porter (…) lorsqu’une fille dans un groupe le mettait et qu’il lui allait bien, les autres finissaient par le mettre après et il faut dire que c’était quelque chose qui attirait beaucoup les prétendants (…) je suis tombée dans le même engrenage.» Et d’ajouter: «Ce n’est qu’après, quand je suis rentrée dans le monde du travail, que j’ai ouvert les yeux (…) mon foulard ne me posait pas de problème dans ma vie de tous les jours, c’est juste que je ne savais plus pourquoi je l’avais mis (…) au final, ma décision ne reposait sur aucune conviction, si ce n’est que le voile mettait mon visage en valeur.»
Des témoignages qui pourraient faire grincer de dents plus d’un et qui pourtant renseignent beaucoup sur l’évolution de la société et surtout du statut de la femme algérienne.
C’est ce qu’expliquent bon nombre de sociologues algériens et même étrangers qui se sont penchés sur la question. A commencer par les chercheurs du Cread.
«Ce phénomène, même s’il est relativement nouveau et encore peu étudié, traduit l’évolution de la femme algérienne», a expliqué un membre du centre de recherche en économie appliqué pour le développement.
S’exprimant davantage sur cette nouvelle tendance, il ajoute que «le voile était perçu comme une condition sine qua non de l’accès des jeunes filles, notamment du monde rural, à l’éducation et surtout à l’université. Et contrairement aux idées reçues, c’est un symbole d’émancipation, un moyen pour investir la rue».
«Aujourd’hui, elles ont investi la rue, le monde professionnel et même politique (…) donc le voile qui représentait leur passeport pour ces univers ne leur est plus utile» a-t-il ajouté.
Et pour cause, les Algériennes étaient scindées en deux groupes. Il y avait d’un côté les femmes instruites, travailleuses, vêtues de tenues occidentales, les cheveux bien à découvert, et qui circulaient librement. Des femmes modernes en somme.
Et de l’autre, des femmes recluses, faisant de rares et brèves incursions publiques, parfois même accompagnées d’un «tuteur».
Le voile représentant ici le rôle de médiateur entre les deux groupes. Deux groupes qui commencent peu à peu à briser les barrières qui les séparent pour n’en faire qu’un seul, où le «hidjab» n’occupera plus le rôle qui lui incombait.
Le professeur Ouchaâlal Kahina, également chercheur au Cread, a une autre vision sur ce sujet. Toutefois, elle a exposé son avis avec beaucoup de réserve, indiquant alors que «le voile symbolise beaucoup de choses à la fois (…) certaines portent le voile pour se trouver un mari. Oui, elles le mettaient pour attirer le prétendant». Et pour cause, les jeunes femmes voilées étaient vues, comme des femmes pieuses, vertueuses et soumises par excellence, n’ayant point eu de contact avec le sexe opposé. Or, aujourd’hui, avec les mutations enregistrées dans la société algérienne encouragée par un mouvement de modernisation, ce critère de sélection semble désuet.
Le professeur Ouchaâlal a ensuite évoqué plusieurs travaux sur l’évolution du phénomène de la «hidjabisation» en Algérie.
Notamment, un article paru dans la revue du Ciddef au mois de mars 2008.
Dans ce dernier, le voile est perçu comme «l’instrument du hidjab, une frontière entre soi et les autres, le moyen pour les femmes de voir sans être vues et la possibilité de communiquer avec les hommes». Il reste qu’aujourd’hui, la perception de cet habit n’est plus la même que celle d’il y a dix ou quinze ans quand l’islamisme bombait le torse.

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« Projet Apache » : les ruses de Sioux de l’extrême droite

par Sébastien Claeys
Animal Politique vous propose chaque jour de courts billets sur la politique politicienne, mais aussi des contributions plus analytiques en politique internationale, économique, intérieure et culturelle.
www.animalpolitique.com

Aux oubliettes les crânes rasés et les slogans racistes. En recherche de médiatisation, la jeunesse d’extrême droite renouvelle le genre : slogans décomplexés, graphismes funky, et plan de communication léché. De quoi renvoyer le Front National et ses affiches « anti-minarets » dans la catégorie des détails de l’Histoire.

Depuis Janvier, d’étranges autocollants fleurissent dans les rues parisiennes : un Indien d’Amérique aux couleurs bleu blanc rouge se détache sur un arrière-plan composé de la cathédrale de Paris, du Sacré-Cœur et de la tour Eiffel. Un visuel inhabituel ponctué d’un slogan étonnant et signé par un mystérieux « Projet Apache » : « Pour ne pas finir comme eux ! ». Tous les ingrédients du buzz sont en place : une image à la mode, un message de teasing, et surtout une question intrigante : qui se cache derrière ce mystérieux Projet Apache ?

La deuxième vague d’autocollants est plus claire sur ses orientations politiques. Lancée en même temps que les affichages « anti-minarets » du FNJ (Front National de la Jeunesse), le nouvel autocollant représente une carte de France couverte du drapeau algérien appuyant un slogan plus agressif : « Wesh cousin, tu kiffes l’Algérie, Retournes-y ! ». Un lien vers le site projet-apache.com permet d’identifier l’origine de la campagne : les jeunes identitaires parisiens et franciliens.

Le vernis pop de l’extrême droite identitaire

Mais quel rapport entre le Bloc Identitaire, parti d’extrême droite à tendance régionaliste, et les Apaches ? Le manifeste du mouvement nous réserve une explication syncrético-pop de ce nom étonnant. Prenez « le livre Fight Club de Chuck Palahniuk […], les tribus Apaches des indiens d’Amérique […], et les Apaches parisiens », symboles de la pensées libertaire de la Belle Epoque, vous obtiendrez un argumentaire écolo et identitaire.

Pas de fumée sans feu. Cette campagne est la partie émergée d’un renouveau de l’extrême droite dans ses méthodes de communication envers les jeunes. « Nous pensons que le système a longtemps cantonné les jeunes patriotes dans une certaine sous-culture […]. À contre-courant, nous cherchons à créer une nouvelle esthétique, à investir massivement dans les nouvelles technologies, à explorer de nouvelles thématiques » explique encore le manifeste.

L’argumentaire politique passe désormais par le biais d’activités culturelles et festives comme les concerts du groupe de musique punk « Hôtel Stella », l’organisation d’une soirée de la Saint Patrick ou des formations aux usages militants du net. Formation mise à profit sur le site du Projet Apache où cohabitent pêle-mêle un lien vers le site de campagne « Une autre jeunesse », un encart vers le blog «Fromage Plus », et tout un attirail web 2.0, de la playlist IPache au compte Twitter.

Brouillage idéologique et ruses de Sioux

Cette nouvelle stratégie de communication s’appuie sur une tentative d’ouverture aux idées écologistes, antiracistes et anti-capitalistes dans une ambiance conviviale prônant la « dégustation collégiale de bières locales (Vexin ou Gatinais) le long d’un comptoir en zinc ». Le brouillage des pistes continue par la reprise de concepts habituellement avancés par des groupuscules d’extrême gauche. Allusions aux « minorités agissantes », à « l’aiguillon révolutionnaire », et aux idées anticapitalistes émaillent un discours saupoudré des citations écolos de Geronimo : « Quand le dernier arbre aura été abattu – Quand la dernière rivière aura été empoisonnée – Quand le dernier poisson aura été péché – Alors on saura que l’argent ne se mange pas. »

Folklore et activités festives sur fond de politique, une démarche empruntée aux Indiens d’extrême gauche, le collectif SCALP (Section Carrément Anti Le Pen) dont les Apaches reprennent les symboles et la devise. En effet, depuis sa création dans le giron du rock alternatif des années 1980, le SCALP développe une vision culturelle de l’action politique autours d’une idée simple : « Introduire de la réflexion dans la fête et beaucoup de fête dans la lutte. »

Guerre des gangs en terre de communication

Une manœuvre de diversion et de communication efficace pour le Projet Apache, représenté par une cinquantaine militants dont les références aux idées traditionnelles de l’extrême droite identitaire sont évidentes.

Le combat politique se porte désormais sur le terrain des héritages symboliques et des méthodes de communication. Dans la lettre ouverte du SCALP 87, une longue description des coutumes des Apaches anarchistes et romantiques du début du XXe siècle vient remplacer l’argumentaire politique pour aboutir à une constatation désabusée : « les identitaires et tous ceux qui à l’extrême droite essayent de s’approprier le nom de cette bande, de souiller sa mémoire, n’ont rien d’Apache. Néanmoins ils ont en commun la pratique : le vol de notre histoire et de notre héritage ».

Mais cette méthode est aussi le constat d’une faiblesse structurelle. Le blog Politrash se fait l’écho du malaise dans la jeunesse d’extrême droite : « Le seul credo des zids [identitaires], c’est la com’, la com’ et encore la com’. Certains appellent ça le combat culturel, d’autres se demandent quel intérêt ça peut avoir ».

En se cachant derrière un héritage rebelle et gauchisant, les identitaires en mal de notoriété dévoilent  leur incapacité à  porter un message cohérent, durable et approuvé par une partie de l’opinion. Une stratégie de communication attrayante et fuyante apparaît alors comme le seul moyen de faire passer un discours rejeté. Et la dernière vague de communication passée, les Apaches redeviendront citrouille.

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Lettre ouverte à Eric Zemmour

par Mohamed Sifaoui
Journaliste, Ecrivain et Réalisateur.
www.mohamed-sifaoui.com/

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J’ai longtemps réfléchi avant de vous écrire. Je ne sais pas si vous lirez cette lettre ou si vos soutiens, très, trop nombreux sur le Net se chargeront de vous faire part des quelques réflexions que je voulais vous exposer publiquement.

Comme vous le savez, nous avons quelques amis en commun, je ne citerai pas leur nom par respect pour eux. Mais aussi parce que cela n’a rien à voir avec mon propos. Si j’évoque ce détail, c’est tout simplement en raison du fait que j’avais, à quelques reprises, cité votre travail en leur présence. Certaines de vos sorties, très inopportunes et impudentes au demeurant, et je ne parle pas des plus récentes sur lesquelles je reviendrai, m’ont incité à me questionner et à questionner sur votre personne. Nos amis communs presque instinctivement me répondaient : « Mais non ! Non ! Il n’est pas raciste ! »

Pour être franc avec vous, je ne pense pas du tout que vous soyez raciste. Idéologiquement, si on devait vous classer ce serait plutôt aux côtés des réactionnaires de droite. Mais être un « réactionnaire de droite » n’est pas un crime dans une société démocratique. Ce n’est d’autant pas un crime que vous êtes, j’en suis convaincu, sincèrement attaché à cette idéologie. Une doctrine nostalgique chevillée au corps d’une France rance et passéiste vous anime et dicte vos écrits et votre propos. Le féminisme, les luttes contre l’homophobie, l’antiracisme, l’intégration, la défense des valeurs universelles et j’en passe, sont des histoires pour les gauchos et les BO-BO qui, pour vous, font tous dans le « politiquement correct ».

D’abord, par principe, je suis toujours sidéré, par exemple, par les personnes qui, tout en se disant antiracistes, passent leur temps à attaquer les organisations qui luttent justement pour endiguer le racisme et les discriminations. Je suis membre de SOS Racisme, et je comprends qu’on puisse ne pas être d’accord avec telle action ou tel communiqué. J’admets aussi que le positionnement progressiste de l’organisation puisse déplaire à des réactionnaires de droite. Tout ceci fait partie du jeu démocratique alimenté de disputes et de controverses. Mais qu’on vienne remettre en cause tout le travail des militants antiracistes qui, contrairement à vous, ne sont pas payés à chaque fois qu’ils ouvrent leur gueule, c’est vraiment affligeant.

Ensuite, je dois vous dire que généralement ceux qui vilipendent les associations antiracistes sont les premiers à déraper. Curieux hasard, ne trouvez-vous pas ? Et encore une fois, je le re-précise si besoin est, je ne suis pas en train de vous accuser de racisme. Vous n’êtes qu’un « réactionnaire de droite ». Et je vous rappelle d’ailleurs que les propos de nature raciste ne sont pas forcément et systématiquement tenus par des racistes. Certains d’entre eux ne dérapent jamais publiquement alors que le racisme peut sortir de la bouche de personnes qui ne sont pas proches d’une telle idéologie. Et c’est à ce titre que je trouve votre dernière sortie de nature raciste et plus encore contre-productive, inutile, méchante et bête.

Alors oui vous avez dit probablement une « vérité ». Cela dit, tenter de justifier les contrôles au faciès par le fait que la « plupart des délinquants sont des Noirs et des Arabes » est tout simplement lamentable quand une telle phrase est prononcée par un éditorialiste « sérieux ». Je mets ce mot entre guillemets parce que vous ne l’êtes pas et quand bien même des millions de signatures et des centaines de millions de pétitions viendraient affirmer le contraire, je maintiendrais que vous n’êtes pas sérieux. Vous ne l’êtes pas parce que vous vous appropriez un poncif, une caricature, un simplisme. Vous ne l’êtes pas parce que vous plagiez une discussion de comptoir entre beaufs, parce que vous faites dans le populisme de caniveau et parce que vous êtes dans le poujadisme policier le plus déplorable. Le rôle d’un éditorialiste ne consiste pas justement à reprendre ces « faits avérés », dit-on, et à les brandir tel un argument tangible dans un débat où l’on parle de sujets graves, très graves. Votre mission d’observateur averti doit vous inciter, non pas à répéter comme un ara un « fait avéré », mais à décrypter cette « réalité » et rappeler par exemple que dans tous les pays du monde la délinquance touche principalement les quartiers les plus défavorisés. Aux États-Unis la « plupart des délinquants » sont des Noirs et des hispaniques ; en Chine les « délinquants » viennent de provinces éloignées et miséreuses. C’est le cas aussi à Dakar, à Alger, à Casablanca, mais également à Londres, à Hambourg et à Bruxelles. Le banditisme sort des endroits les plus délaissés, c’est un autre « fait avéré ».

La délinquance existe là où surtout il y a une “minorité” de services publics, là où la police de proximité a été supprimée, là où le chômage est le plus élevé. Et ces gens-là, issus de ces quartiers “de
voyous”, “d’étrangers” , de “délinquants” , sont également issus de quartiers où les gens ont le moins de travail et un maximum de problèmes sociaux. Alors oui là, la plupart des Noirs et des Arabes y vivent. Alors oui peut-être que la plupart d’entre eux ont sombré dans la délinquance. Oui c’est une réalité. Et alors ? On en déduit quoi ? Que ces « gens-là » seraient génétiquement prédisposés au crime ? Non ! Cette « réalité » peut-elle justifier un harcèlement policier à priori ? Non ! Parce que si tel était le cas, il faudrait installer des postes avancés de la Brigade financière à Neuilly-sur- Seine et dans tous les beaux quartiers.

Je vous donne une autre information d’une importance tout aussi capitale que celle que vous avez livrée : « la plupart des délinquants financiers sont blancs et riches ». Le fisc devrait régulièrement faire des contrôles au faciès également dans ces lieux huppés. Oui une telle bêtise découle directement de la vôtre. Et je peux vous en soumettre une autre : La Brigade des mineurs devrait déménager et élire domicile principalement devant les églises puisque je vous rappelle qu’aujourd’hui « la plupart des pédophiles sont des serviteurs de Dieu ». Voilà des poncifs similaires aux vôtres. Pour vous, de telles phrases sont-elles dignes d’un éditorialiste, d’un écrivain ou d’un journaliste ?

Je ne peux que m’inquiéter lorsque je vois des gens vous soutenir, de manière acharnée, comme si, dans cette polémique, c’est votre vie qui était en jeu. Je sais que vous êtes un nostalgique de la vieille France, mais je vous rassure : vous n’irez ni au bûcher ni à l’échafaud. Vous êtes soutenu, le plus souvent, par communautarisme ou par corporatisme, mais aussi par des « réactionnaires de droite », totalement décomplexés face au racisme. Être porté par un esprit communautariste ! C’est le pire châtiment qu’on peut infliger à une personne se disant républicaine.

Comme vous, beaucoup de vos soutiens ne se rendent pas compte du degré de vos inepties qui n’ont d’égal que le climat crispant auquel nous sommes tous confrontés dans ce pays, cependant que l’Histoire nous enseigne, je convoque l’Histoire d’autant plus que je crois savoir que vous êtes amoureux de cette discipline, cette histoire, disais-je, nous apprend par exemple qu’Hitler répétait, dès l’âge de 20 ans, que « la plupart des proxénètes agissant à Vienne étaient juifs ». Ce « fait avéré » a donné naissance à Mein Kampf et vous connaissez la suite.

De nos jours, des islamistes voire des terroristes livrent, dans le cadre de leur propagande, d’autres « faits avérés ». Ils claironnent que « la majorité des journalistes de la presse américaine ou européenne est juive ». De nos jours encore, Tariq Ramadan, cet islamiste notoire, devant lequel vous aviez été si minable, incapable d’argumenter outre qu’avec des poncifs, est allé jusqu’à rappeler, il y a de cela quelques années, que « la plupart des intellectuels français qui défendent Israël sont juifs ». Un autre « fait avéré »! Il avait cependant osé accentuer son dérapage en livrant sa « liste d’intellectuels juifs » à tous les chiens antisémites. Chose que vous n’avez pas eu la possibilité de faire sinon je pense que vous auriez donné les noms de tous les Mohamed et les Mamadou qui dorment à la prison de la Santé ou derrière les murs de Fleury-Mérogis. N’empêche, vous avez participé, vous aussi, à alimenter tous les chiens racistes en leur proposant les clichés qu’ils applaudissent. Voilà ce que je vous reproche, entre autres choses.

Certaines associations communautaristes comme les « Indigènes de la République » insultent les Français, en les traitant de « sous-chiens », en faisant référence aux « Français de souche ». Pour justifier leur insulte, ils usent et abusent, eux aussi, d’un autre « fait avéré » qui les incite à dire que « la plupart des racistes et des colonialistes sont des Blancs ». Vais-je pour autant laisser, les uns et les autres, de Ramadan aux « Indigènes », légitimer leurs positions puantes au prétexte que « la plupart sont… » ? Évidemment non ! C’est dans la même veine donc que je condamne clairement et fermement votre dérapage. Parce que je le répète, vous avez utilisé une construction intellectuelle identique à celle d’un Ramadan ou des « Indigènes » voire, oui j’ose la comparaison, le même type de clichés qu’un Hitler dans sa jeunesse. Vous avez franchi un cap supplémentaire dans vos délires en cherchant à justifier ce qui doit être condamné, en l’occurrence l’ostracisme, en raison d’une couleur de peau, le « délit de sale gueule », en raison d’une appartenance ethnique ou la discrimination, en raison d’un patronyme ou d’un prénom. Un intellectuel, se disant démocrate, ne doit pas cautionner une pratique antirépublicaine : le contrôle au faciès au « motif que… » est tout simplement inacceptable. Je ne laisserai personne vous discriminer en raison de vos origines et vous devez faire de même à mon égard. C’est cela aussi le pacte républicain.

Vous n’êtes en réalité qu’un symptôme. Vous êtes le symptôme d’une France qui va mal, d’une France qui se cherche, d’une France malade. Vous êtes le symptôme d’une certaine élite qui au nom d’un « politiquement incorrect » très à la mode permet les dérapages d’un ministre de l’intérieur, d’un député de la majorité, d’une secrétaire d’État, d’un journaliste et j’en passe…Si c’est cela le « politiquement incorrect », je vous l’avoue : je préfère demeurer correct. Je préfère rester dans la correction républicaine qui nous incite, qui nous invite au respect de l’Autre et au respect surtout des principes qui garantissent le « vivre ensemble ».

Et justement ce « vivre ensemble », il n’a de sens qui si nous nous acceptons mutuellement. La République n’a jamais demandé à ses enfants de nier ou de renier ce qu’ils sont. Une identité est multiple et ne se résume guère à un prénom. On assimile et on s’assimile à des valeurs, à des règles et à des lois communes et non pas à une France catholique, monoculturelle, celle d’avant la Révolution, qui nous inciterait à changer nos prénoms et à renoncer à notre culture pour mieux nous « assimiler ». Vous êtes libre d’oublier d’où vous venez et d’oublier qui vous êtes. Vous êtes libre de penser qu’on ne peut être qu’une seule chose à la fois, n’avoir qu’une seule identité, n’avoir qu’une seule strate dans celle-ci et de renoncer à toutes les autres.

Vous êtes libre de vous sentir plus Français que tous les Français. Vous êtes même libre de vous penser plus Français que Napoléon, de refuser de voir que vous êtes un Français, juif, natif d’Algérie, un méditerranéen, probablement berbère. Oui évidemment vous êtes libre.

C’est votre choix et je ne le commenterai même pas. Mais vous ne pouvez pas m’imposer vos choix, qui n’ont rien à voir avec les principes républicains, en laissant croire que ceux qui ne les acceptent pas, seraient moins Français que vous. Pour être Français, il ne faut pas s’appeler Éric, il suffit d’être laïque, démocrate, républicain ; respecter la liberté, l’égalité et la fraternité et demeurer attaché aux valeurs universelles et aux droits de l’Homme.

Parce que vous semblez occulter des pans entiers de l’Histoire, vous l’amoureux de cette discipline. Vous oubliez, s’agissant des prénoms, que lorsque les Philippe (Pétain), Pierre (Laval), Maurice (Papon) ou les Joseph (Darnand) mettaient les familles juives dans les trains pour les camps de la mort et de l’horreur des Ali, Rachid, Mohamed, Mamadou et Boubakar tombaient à Monté Cassino, loin de leurs terres et loin des leurs, pour libérer ce pays qui est le vôtre, qui est le nôtre, qui est le leur. Vous oubliez aussi que Adam Rayski, résistant et cofondateur du CRIF, n’avait pas un nom très français quand il participa à la libération de la France. Tout comme les membres du groupe Manouchian qui ont donné leur vie pour recouvrer l’honneur de la France. Oui c’est ça la France ! La France, c’est Charles, mais aussi Abdelkader, c’est Adam, David, mais aussi Lassana.

Que vous l’acceptiez ou pas « la plupart » des délinquants Noirs ou Arabes ont dans leur famille un ancêtre qui est mort pour la France. Chose que vous, l’éditorialiste chevronné, vous occultez allègrement parce que faire ce rappel historique, c’est, pour vous, faire dans « le politiquement correct ». Et pour vous dire que vous vous trompez également sur cette réclamation, que dis-je, cette injonction stupide qui vous incite à subordonner l’octroi du statut du « bon Français » au changement de prénom, je vous avoue, et je m’excuse d’utiliser la première personne, je me sens plus français qu’un Jean-Marie (Le Pen) ou qu’un Bruno (Mégret) que je combats au nom des valeurs de la République. Je me sens plus proche des valeurs de la République, moi qui me prénomme Mohamed, que les convertis salafistes, les Julien ou Mathieu, que j’aie pu croiser lors de mes enquêtes journalistiques, et qui n’adhèrent pas, plus, aux valeurs universelles incarnées par la France.

Je pourrais encore écrire plusieurs pages, mais je vais m’arrêter là. Je vous rassure et je rassure vos supporters, il ne s’agit pas pour moi de rejoindre une quelconque « meute ». Celle-ci je la subis depuis de longues années pour connaître ses méfaits.

Non, je voulais publiquement condamner vos propos et vous le faire savoir en espérant que toute cette polémique que vous avez lancée permettra de faire un peu de pédagogie et d’inciter la société à réfléchir sur elle-même et de vous inciter – vous – à domestiquer à l’avenir vos démons. Parce qu’en tant que personnages publics – journalistes, politiques, intellectuels, etc. – nous avons une responsabilité , celle de l’exemplarité devant ceux qui nous suivent, nous lisent ou nous écoutent.

Par mohamed sifaoui

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Le « dessein intelligent » (2e partie) : l’activisme

par Jean-Marie Blanc

Le mouvement de l’Intelligent Design (dessein intelligent) qui s’est développé depuis une vingtaine d’années aux Etats-Unis a pour but, tout en se présentant comme une démarche scientifique indépendante de toute religion, de montrer que les êtres vivants présentent les caractères spécifiques de produits résultant non d’une évolution naturelle, mais d’une conception intelligente. Dans un précédent article (Le « dessein intelligent » (1re partie) : l’argumentation), nous avons présenté un exposé critique des principaux arguments avancés à l’appui de cette thèse. Nous poursuivons ici notre étude par l’examen de l’Intelligent Design en tant que mouvement pseudo-scientifique d’inspiration théiste.

I. Le cul-de-sac dialectique

L’analyse critique des arguments avancés par les tenants du dessein intelligent montre que ceux-ci exploitent systématiquement les zones plus ou moins obscures du champ de nos connaissances : origine de la vie, systèmes moléculaires complexes, lacunes paléontologiques… Historiquement, l’utilisation du surnaturel comme « bouche-trou » est aussi vieille que l’humanité, et n’a fait que reculer petit à petit devant les progrès scientifiques. Mais ceux-ci posent sans cesse de nouvelles questions, donc créent de nouvelles zones d’ombre. Autour d’elles, les controverses sont vives, et évidemment nécessaires à la démarche cognitive, mais elles sont réservées aux spécialistes compétents. Or, leurs débats, parce qu’ils sont incertains et complexes, n’intéressent guère les médias. Le discours de l’Intelligent Design, en revanche, s’adresse essentiellement au grand public, avec un message simple : « La théorie darwinienne présente des insuffisances que seule l’hypothèse d’une conception intelligente peut pallier ». Pour ce faire, la théorie de l’évolution est restreinte à la vulgate simpliste qu’en connaît le public, principalement le modèle de la microévolution (qui est largement dépassé), ce qui permet de présenter les phénomènes difficiles à expliquer comme autant de preuves d’un achoppement du concept même d’évolution naturelle. On assène alors le slogan : « L’évolution n’est qu’une théorie, pas un fait », formule qui exploite le mot « théorie » dans son sens courant d’une simple spéculation.

Or une théorie scientifique est tout autre chose : c’est un ensemble cohérent d’hypothèses explicatives rendant compte de phénomènes observés, qui doit présenter un certain nombre de qualités, notamment :

  • de résulter de l’analyse logique de plusieurs observations, répétées et vérifiées ;
  • d’être prouvable ou réfutable par l’expérimentation, soit directement, soit au travers de ses conséquences logiques, et d’être modifiable en fonction des données nouvelles ;
  • et de respecter le principe de parcimonie, à savoir d’utiliser les hypothèses les plus simples, de manière à minimiser les nouveaux questionnements résultant de ces hypothèses.

Ces conditions découlent des principes du matérialisme scientifique. Il ne s’agit pas d’un dogmatisme philosophique, mais de la seule méthode permettant une démarche cognitive rationnelle. C’est, précisément, ce qui différencie fondamentalement la pensée scientifique de la pensée religieuse : alors que celle-ci, partant de doctrines générales qu’elle considère comme des vérités absolues, interprète les faits réels à la lumière de ces doctrines (quitte à rejeter tout élément factuel qui ne concorde pas avec elles), la démarche scientifique part au contraire de faits particuliers pour élaborer des théories explicatives plus générales, mais qui restent toujours des hypothèses réfutables ou modifiables. La thèse du dessein intelligent, qui n’est évidemment pas expérimentable, ni directement ni au travers de conséquences logiques, ne relève donc pas de la démarche scientifique et s’apparente plutôt à un mode de pensée de type religieux. Il est à remarquer, à ce propos, que les arguments proposés par les avocats de cette thèse, y compris les travaux mathématiques de Dembski, n’ont pas été publiés dans des revues scientifiques, où les manuscrits auraient dû être validés par un comité de lecture composé de spécialistes compétents.

Ce qui est plus grave encore, c’est que l’hypothèse d’une conception intelligente va à l’encontre du principe de parcimonie : pour résoudre des problèmes biologiques certes épineux mais d’essence naturaliste, cette hypothèse fait appel à une action surnaturelle et pose donc le problème, autrement plus embarrassant, qui est de savoir qui est l’auteur de cette action. Etait-ce un extra-terrestre venu d’une autre planète ?… Le dieu nordique Odin qui, dit-on, façonna la terre avec le corps d’un géant vaincu ?… Ou encore Brahmâ, le dieu créateur hindou ?… Gaïa, la déesse-terre des anciens Grecs ?… Râ l’Egyptien, Lao-t’ien-yeh le Chinois, ou le Grand-Esprit Amérindien ?… A ce problème, auquel le mouvement de l’Intelligent Design lui-même refuse de répondre il n’existe évidemment pas non plus de réponse scientifique. La thèse du dessein intelligent ne constitue donc pas une théorie scientifique, mais plutôt une sorte de cul-de-sac dialectique, d’où l’on ne peut sortir qu’en recourant, hors de toute démarche scientifique, à un référentiel religieux.

II. « The wedge »

Est-il besoin de dire que, pour les tenants de l’Intelligent Design, ce référentiel religieux non seulement existe mais est même sous-jacent à leur mouvement ? Bien qu’ils se défendent officiellement de tout prosélytisme religieux en se retranchant derrière une argumentation apparemment laïque, tous sont des chrétiens engagés, la plupart appartenant aux églises protestantes évangéliques. L’identité du « concepteur intelligent », pour eux, ne fait pas de doute, c’est le Dieu de la Bible et personne d’autre, et ils l’affirment même dans les documents destinés à leurs sympathisants. Phillip E. Johnson, le fondateur du mouvement, ne s’en est pas caché, déclarant que son but était de « présenter le créationnisme comme un concept scientifique » (« cast creationism as a scientific concept »). Pour Dembski, le mathématicien, « ce n’est que la Parole de l’Evangile de St Jean traduite dans le langage de la théorie de l’information ». Et par-dessus tout, le nom donné par Johnson au programme stratégique de l’Intelligent Design est révélateur : « The Wedge ». Le mot wedge désigne en effet un coin, cet instrument prismatique en acier qui sert à faire éclater les bûches. Et Johnson de préciser : « La première chose à faire est de ne pas parler de la Bible […] Une fois que nous aurons éliminé le préjugé matérialiste de la réalité scientifique, […] alors seulement les ‘problèmes bibliques’ pourront être débattus. » … On ne saurait être plus clair : il s’agit bien de s’immiscer dans le débat scientifique pour « casser » la démarche rationaliste. L’Intelligent Design n’est que le cheval de Troie d’un créationnisme modernisé.

La « stratégie du coin », d’ailleurs, n’est autre que celle adoptée par les créationnistes depuis les années 1970 : d’abord, pour « faire échec au matérialisme scientifique et à son héritage destructeur », attaquer la théorie de l’évolution devant les médias et le grand public en faisant admettre la thèse du dessein intelligent comme une alternative crédible ; puis, par un lobbying bien orchestré auprès des instances politiques, obtenir que cette thèse soit incluse dans les programmes scolaires, d’abord en parallèle avec la science de l’évolution, puis si possible comme une idéologie dominante : « Teach the controversy » (« Enseignons le débat »), est devenu le slogan de ces apôtres de la liberté intellectuelle. La nouveauté dans cette stratégie, et elle est capitale aux Etats-Unis, est que la thèse de l’Intelligent Design se présente comme non religieuse, donc pourrait contourner le 1er Amendement de la Constitution qui a, jusqu’à présent, tenu les créationnistes en échec. Il semble toutefois que la Justice américaine ne soit pas dupe, puisqu’en 2005 un juge de Pennsylvanie a estimé anticonstitutionnel, parce que d’inspiration religieuse, l’enseignement de l’Intelligent Design.

Dans cette stratégie, les scientifiques sont les premiers visés, mais, pour se défendre, ils sont relativement démunis. L’objectif essentiel des avocats du dessein intelligent, en effet, n’est pas tant de prouver le bien-fondé de leur propre théorie que de jeter le doute sur les autres, pour faire croire à l’existence d’une controverse scientifique. En réalité, comme nous l’avons vu, ce débat n’a pas lieu d’être, tout simplement parce que la thèse du dessein intelligent n’a rien de scientifique. Mais son rejet par les experts, en particulier dans les revues spécialisées, est alors présenté par le mouvement de l’Intelligent Design comme la preuve d’un ostracisme inadmissible, témoignant lui-même d’une vision tronquée de la science sous l’influence de l’idéologie matérialiste. Lorsque, d’autre part, des chercheurs acceptent d’entrer dans un débat public, ils sont perdants d’avance : non seulement l’existence d’une controverse se trouve ipso facto confirmée, mais chaque incertitude scientifique est alors exploitée par des accusateurs habiles autant que de mauvaise foi, ce d’autant mieux que la pertinence des arguments techniques échappe à un public non averti. Enfin, l’hypothèse adverse (le « dessein intelligent ») ne peut jamais être formellement réfutée, puisque l’inexistence n’est pas prouvable – l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. L’attitude la moins mauvaise pour les scientifiques est donc d’éviter les débats médiatiques en direct, tout en faisant connaître leurs travaux et leurs arguments par écrit, autant que nécessaire.

La vraie polémique, finalement, n’est pas scientifique mais sociopolitique. C’est aux citoyens que revient la responsabilité d’empêcher une dérive théocratique. La résistance, aux U.S.A., s’est organisée depuis quelques années, notamment sur Internet, en utilisant les armes du rationalisme, mais aussi, sur certains sites (par exemple venganza.org : the Church of the Flying Spaghetti Monster), celles de l’humour et de la dérision. Le mouvement le plus emblématique est celui des Brights (the-brights.net), qui a acquis une dimension internationale et qui se développe maintenant en France (brightsfrance.org).

III. La situation en Europe

Le créationnisme américain, dans sa dimension politique, est profondément lié à certaines spécificités socioculturelles typiques des Etats-Unis :

  • une religiosité puritaine doublée de pragmatisme, conduisant à l’idée que les faits observables eux-mêmes doivent être des preuves de l’action divine ;
  • une laïcité étatique de principe vis-à-vis des différentes confessions (1er Amendement de la Constitution) mais dans l’affirmation officielle de la foi (« In God we trust », « One nation, under God ») ;
  • et surtout une forte décentralisation rendant l’enseignement vulnérable aux opinions majoritaires locales.

Les pays européens, et en particulier la France, pourraient donc se croire à l’abri d’un tel syndrome… Ce n’est malheureusement pas certain.

En effet, d’une part certaines églises nord-américaines tendent, depuis quelques années, à essaimer un peu partout dans le monde, grâce à un prosélytisme particulièrement actif. Il s’agit par exemple des Témoins de Jéhovah, qui diffusent largement leurs convictions bibliques et créationnistes au travers de multiples ouvrages (distribués gratuitement sur demande) faisant un large usage de l’argumentation de l’Intelligent Design. D’autre part – et ceci est plus inquiétant –, les institutions créationnistes américaines se sont donné les moyens de diffuser mondialement cette argumentation anti darwinienne, la mettant ainsi à la disposition des fondamentalistes de toutes religions et de tous pays.

En Europe de l’Ouest, l’église catholique comme les églises réformées ont depuis longtemps pris leurs distances vis-à-vis de la Genèse biblique. En 1950, le pape Pie XII a jugé que l’évolution, en tant qu’explication biologique, n’était pas incompatible avec la foi chrétienne, sous réserve qu’elle ne soit pas utilisée comme une argumentation applicable aux questions de spiritualité (lettre Humani Generis). Mais le Vatican n’a pas pour autant renoncé à « réconcilier Foi et Raison », et a appelé à « une culture et un projet scientifique qui laissent toujours transparaître la présence de l’intervention providentielle de Dieu » (Jean-Paul II, 2000). En France, des institutions comme la Fondation Teilhard de Chardin et l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP) – qui, comme son nom ne l’indique pas, est une association ‘loi de 1901’ qui n’a rien d’académique – œuvrent dans ce sens : lutter contre le matérialisme, rechercher « un sens caché derrière les faits scientifiques », et développer une nouvelle discipline, « Science et Religion ». Il ne s’agit pas ici à proprement parler de créationnisme, mais plutôt d’une version « soft », tendance teilhardienne, du dessein intelligent. Sur ce thème, l’UIP organise des conférences et colloques, et participe même à des programmes internationaux, bénéficiant à cet effet de l’appui du Vatican et de l’aide financière d’un puissant partenaire américain, la John Templeton Foundation.

Bien que ces dérives pseudo-scientifiques n’aient pas eu, jusqu’à présent, un impact important, il convient néanmoins de rester vigilant. Dans leur ouvrage Les créationnismes : une menace pour la société française ? (Ed. Syllepse, 2008), Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau soulignent que, depuis l’avènement de Benoît XVI, le Vatican a accentué son implication dans les affaires publiques, étant allé jusqu’à intervenir directement auprès du Conseil de l’Europe pour tenter d’empêcher le vote du rapport Les dangers du créationnisme dans l’éducation (2007). Baudouin et Brosseau signalent également un autre danger, en provenance de l’Europe de l’Est où, depuis la chute du communisme soviétique, renaît l’activisme religieux : En Russie, mais aussi en Pologne et en Roumanie (membres de l’Union Européenne), des groupes de pression agissent, comme aux Etats-Unis, pour « promouvoir les valeurs spirituelles » et « proposer une alternative à la théorie darwinienne » dans l’enseignement – ce avec l’appui des instances religieuses, catholiques et orthodoxes.

Encore plus inquiétant est le fondamentalisme musulman, propagé dans des communautés peu instruites par des religieux avides de pouvoir théocratique. Plus radical que le mouvement de l’Intelligent Design (dont il emprunte toutefois une partie de l’argumentation), le créationnisme islamique nie toute évolution des êtres vivants, censés avoir été créés respectivement sous leur forme définitive. Ce créationnisme est diffusé en Europe par une puissante organisation située en Turquie, la « Fondation de Recherche Scientifique », Bilim Arastirma Vakfi (BAV), qui bénéficie de financements importants (d’origine inconnue) et qui est depuis longtemps en contact avec les créationnistes américains, en particulier l’Institute for Creation Research. En 2007, le BAV a diffusé gratuitement en France et dans les pays voisins, à des centaines d’exemplaires, un Atlas de la Création, luxueux ouvrage au « look » scientifique tendant à « montrer » qu’aux espèces vivantes actuelles correspondent des fossiles qui leur ressemblent, donc que « la théorie de l’évolution est une imposture ». Mais ce livre, dont l’auteur, Harun Yahya, n’est autre que le fondateur du BAV, n’est lui-même qu’un des multiples ouvrages et documents vidéo diffusés mondialement, dans des dizaines de langues, par cet organisme. Et surtout, ce créationnisme islamique est propagé par tout un ensemble de sites web (harunyahya.fr), dont certains (demandezauxdarwinistes.com) proposent même à la jeunesse des questions destinées à déstabiliser les enseignants de biologie…

Conclusion

Nous devons donc nous préparer à devoir résister à de nouvelles intrusions de dogmatismes religieux, tant directement en milieu scolaire qu’indirectement au travers des médias et des instances politiques. Pour s’en défendre, la France a la chance de posséder une tradition laïque forte, institutionnalisée par la loi du 9 décembre 1905, qui garantit à la fois la liberté individuelle de conscience de chacun et l’indépendance du domaine public, notamment en matière de recherche et d’enseignement, vis-à-vis de toute instance confessionnelle. Nos concitoyens ne mesurent peut-être pas à quel point cette laïcité est précieuse, alors même qu’elle est menacée tant par une tentation d’alignement sur la « tolérance » des autres pays européens que par la veulerie de certains élus prêts à tous les « accommodements » dits « raisonnables » pour conserver leur électorat. Ayons le courage, comme les juges qui, aux Etats-Unis, ont su faire respecter la Constitution, de préserver notre laïcité pour faire obstacle à l’activisme créationniste.

(Article original : Science et religion : la thèse de l’Intelligent Design
Publié sur : http://www.brightsfrance.org, mars 2006)

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Libres de le dire : des conversations mécréantes !

par ReSPUBLICA

Conversations mécréantes autour de la religion, l’intégrisme, les femmes et la liberté d’expression.

Elles défendent les droits des femmes, la liberté d’expression, et critiqué sans ménagement l’intégrisme. Taslima Nasreen vit en exil, toujours menacée de mort par les fous de Dieu. Caroline Fourest a subi l’insulte et l’intimidation mais se sent protégée par la laïcité. Elles ne sont pas d’accord sur tout, mais elles s’accordent pour le dire haut et fort: face au fanatisme, la meilleure arme reste de parler librement, sans peur ni tabous.

Les religions sont-elles les ennemies des femmes ? L’islam est-il fondamentalement intégriste ? Peut-on se battre sans être trahie par la gauche ni instrumentalisée par la droite ? Le multiculturalisme est-il l’allié objectif de l’intolérance ? Faut-il démocratiser ou séculariser en premier ? L’humanisme a-t-il un avenir ?

Avec la liberté de ton qu’on leur connaît et une lucidité tranchante, Taslima Nasreen et Caroline Fourest confrontent leurs vécus et leurs analyses. Des conversations inédites, profondes et passionnantes.

Taslima Nasreen est poète et écrivain. Originaire du Bangladesh, l’auteur de « Lajja », « Enfance au féminin », « Vent en rafales », vit en exil et sous protection policière. Citoyenne d’honneur de la ville de Paris, elle est l’une des figures mondiales de la lutte contre l’intégrisme.

Caroline Fourest est journaliste à Charlie Hebdo, chroniqueuse au Monde et à France Culture, Prix de la laïcité 2005 et du livre politique en 2006, auteur de nombreux ouvrages à succès sur l’intégrisme, dont « Frère Tariq » (Grasset, 2004) et « La Tentation obscurantiste » (Grasset, 2005).

Agenda

vendredi 23 - dimanche 1 novembre 2009
Forum Social Local « Octobre Verre »

Le collectif « Octobre Verre » organise la 5ème édition du Forum Social Local du Pays du Verre et du Cristal du vendredi 23 octobre au dimanche 1er novembre 2009.
Le pays de Bitche va accueillir de nombreux intervenants de toute la France : Paul Masson, Didier Harpages, Patrick Mignard, Ian Dufour, Marc Dufumier, Eros Sana, Alain Bihr, Bertrand Rambaud, etc…
Objectif : penser un avenir « autrement » dans la cadre de réunions festives, populaires et joyeuses pour se faire une idée du monde dans lequel on vit et qu’on peut bien transformer à notre façon pour mieux le partager.
Concerts, théâtre, ateliers et échanges animés autour de grandes questions contemporaines, ça rigole, ça s’engueule, ça sème, ça s’aime ; les gens repartent avec le sourire et des discussions en tête, bref ça vie ! En savoir plus pour vivre mieux.
Le programme est en ligne sur http://octobreverre.free.fr