Chronique d'Evariste
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La bataille des retraites 2010, une étape sur le chemin de l'émancipation

par Évariste
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Il faut donc faire mûrir notre expérience pour vaincre demain

Cet éditorial est une contribution au débat du mouvement social. Les dirigeants néolibéraux vont continuer, accélérer, durcir leur offensive contre les salariés, les citoyens et les peuples sur l’ensemble des dossiers sociaux et politiques. Nous devons donc tirer les leçons de cette dernière expérience pour savoir mieux résister demain et pour préparer la contre-offensive après-demain vers une politique alternative.

2010 restera une étape enrichissante et importante pour le mouvement social

La bataille 2010 sur les retraites a permis la remobilisation des travailleurs autour des mots d’ordre dune Intersyndicale unie. La page semble tournée de la période où l’adversaire d’un syndicat était le syndicat le plus proche de lui.

Dans beaucoup d’entreprises, notamment privées, la discussion, le débat et la participation aux manifestations étaient à l’ordre du jour.

Le mouvement syndical, dans son ensemble, a regagné une image de marque, qu’il avait perdue aux yeux des travailleurs, car il a engagé une bataille de classe pour l’intérêt de la grande majorité des salariés en ne se contentant plus de défendre des intérêts catégoriels. Par ailleurs, il y avait une bonne ambiance dans le camp du travail. Les manifestations se faisaient dans la bonne humeur au son du « tous ensemble ».

De plus en plus de salariés et de retraités ont compris que ceux qui étaient à la manoeuvre de cette « réforme régressive » le faisaient dans l’intérêt d’une minorité et que le mouvement social était du côté du plus grand nombre. Les réunions publiques d’éducation populaire qui ont accompagné ce mouvement de résistance ont détruit un à un tous les dogmes du néolibéralisme à commencer par ceux de la démographie et du caractère soi-disant immuable de la répartition des richesses. L’Intersyndicale unie a raison aujourd’hui d’élargir la revendication, car de plus en plus la conscience de la globalisation des combats se renforce.

Par ailleurs, la pédagogie de l’unité a joué. Chacun a appris à travailler avec l’autre.

Gardons la stratégie à front large et globalisons les combats

La stratégie à front large, initiée par l’Intersyndicale unie, est un acquis qu’il ne faut sous aucun prétexte abandonner. Nous avons pris conscience que nous reprenions force par notre unité. Comme disent les travailleurs hispanisants : « El pueblo unido jamas sera vencido » (le peuple uni ne sera jamais vaincu). Historiquement, les défaites des peuples ont surtout eu lieu lorsqu’ils sont divisés. Même si nous n’avons pas réussi à empêcher cette loi scélérate, le mouvement n’est pas vaincu, il sort indemne et peut se relancer notamment par la globalisation des combats. Tout simplement parce que pour la première fois depuis longtemps, le peuple français a soutenu de bout en bout le mouvement social. Rien n’y fit : les médias aux ordres, les provocations du pouvoir n’ont pas réussi à diviser le peuple.

Dans les débats dans les entreprises, dans les réunions publiques, pas un débat sur les retraites ne s’est terminé sans parler du lien avec la santé et toute la Sécu, voire toute la protection sociale ou encore du lien avec les services publics, la politique économique et la politique de l’Union européenne, etc. Nous avons donc avancé en terme de globalisation des combats.

Il faut continuer. Pourquoi ? Parce que toutes les réformes régressives actuelles n’ont qu’une fonction : baisser les salaires, baisser les retraites, baisser les remboursements sécu, diminuer les droits des salariés et des citoyens, diminuer les principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de solidarité, de démocratie, de sûreté, de souveraineté populaire et de développement écologique et social.

De plus en plus émerge l’idée que cet ordre social et économique n’est plus supportable. De plus en plus voit le jour la nécessité d’une rupture démocratique, sociale, écologique et laïque pour aller vers ce que Jean Jaurès appelait la République sociale.

Marcher sur ses deux jambes : front de résistance et éducation populaire

Garder une stratégie à front large et globaliser les combats sont indispensable et nécessaire, mais cela n’est pas suffisant. Il en faut plus. Il faut élever le niveau de conscience des travailleurs mobilisés, entraîner dans la lutte ceux qui aujourd’hui sont d’accord avec le mouvement, mais ne sont pas encore venus ni dans la mobilisation ni dans les mouvements de grève. Pour cela, d’abord développer l’action syndicale, mais développer aussi la deuxième jambe qu’est l’éducation populaire tournée vers l’action. Les travailleurs doivent se former et ne pas croire que des experts feront le travail à leur place. Plus que jamais, le principe qui énonce que « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » est d’actualité. Il convient donc de développer par l’éducation populaire tournée vers l’action une nouvelle culture salariale autonome du clergé médiatique et des experts nommés par les puissants de ce monde.

C’est aussi par cette éducation populaire tournée vers l’action que se forgera, en liaison avec l’action syndicale, une culture qui rompra avec l’esprit de soumission à l’ordre établi et avec l’esprit de délégation à d’autres pour se battre pour soi.

L’éducation populaire tournée vers l’action doit bien sûr former les salariés, mais aussi les informer. De ce point de vue, nous sommes en retard sur la création de nouveaux vecteurs d’information pour contrebalancer les médias aux ordres spécialistes de la désinformation. Ces médias aux ordres qui n’invitent sur leurs plateaux que ceux qui acceptent de ne pas s’opposer à leur logiciel de pensée. Par exemple, personne à la télé n’a été invité pour montrer en quelques minutes que l’argument de la démographie, principal argument pour justifier la loi scélérate des retraites, n’était qu’un dogme contredit par la raison. Personne n’a contredit ceux qui essaient de faire croire que pour aller vers l’émancipation salariale, il faut supprimer les cotisations sociales pour le financement de la protection sociale solidaire pour lui préférer la TVA sociale et la généralisation des impôts avec niches fiscales pour les plus riches.

Pourquoi pas un site de l’Intersyndicale unie avec documents, débats, vidéos, ouverts à l’ensemble du mouvement social ?

Développons une culture salariale autonome de l’idéologie dominante

Gardons la fraternité des intersyndicales nationales et locales, des collectifs retraites. Cela doit nous permettre de continuer notre réflexion et de bien préparer notre future action collective. Mais cela n’est possible que si nous continuons à élargir le rassemblement des salariés et des retraités tant dans les fronts de résistance que dans les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action.

Mais il faut encore plus !

Il faut que nos discours soient conformes aux intérêts du plus grand nombre et donc d’abord aux intérêts des couches populaires (ouvriers, employés, majoritaires dans le pays) et des couches moyennes inférieures soumises au mouvement de prolétarisation du turbocapitalisme actuel ;1

Oui, pour cela, il faut démonter et rompre avec les discours des experts en communication utilisés par le clergé médiatique dans les médias aux ordres.

  1. que tous ceux-ci et ceux-là soit en activité, au chômage ou en précarité ou qu’ils soient salariés, artisans ou paysan pauvres ou même pour certains dans des professions dites libérales. []
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« Qu’ils s’en aillent tous » de Jean-Luc Mélenchon

par Zohra Ramdane

Voilà un livre qui mérite d’être lu, car il montre la capacité de Jean-Luc Mélenchon à comprendre les évolutions nécessaires pour porter un projet de transformation sociale, quitte à modifier sa pensée quand cela est nécessaire, ce qui est l’apanage des grands personnages politiques.

Cela est d’autant plus important que nous ne voyons toujours pas le pendant de cette clairvoyance dans les expressions du Parti de gauche. On a vu récemment des prises de position très positives de Jean-Luc Mélenchon qui n’ont pas été suivies au sein du Parti de gauche, qui semble plutôt suivre la pensée dominante de la gauche de la gauche ce qui n’est pas propice aux liens nécessaires qu’il faut reprendre avec les couches populaires (ouvriers, employés, majoritaires dans le pays).1 Il en est ainsi de bien d’autres sujets comme la laïcité, la république, les institutions… Différents sujets où les textes du Parti de gauche sont très en retard sur les positions de leur leader. 2
Aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon dit « adieu à [son] fédéralisme » (p.43). Il explique que « L’Europe devait être le moyen de rétablir la souveraineté populaire mise en cause par la mondialisation et la puissance des États-Unis… Nos chefs pensaient que plus on avancerait dans l’intégration économique, plus en résulterait de l’intégration politique, c’est-à-dire de la démocratie… » (p.73). Lutter contre la mondialisation en se soumettant à la loi du capitalisme financier sans frontière, redonner au peuple sa souveraineté en l’aliénant au profit d’instances supranationales, comment des élites politiques ont-elles et peuvent-elles adhérer à tant d’absurdités ? Mais le réel lui ouvre maintenant les yeux : « Cette ligne reposait sur une erreur d’évaluation terrible… Nous avons nous-mêmes lâché le monstre dans notre cour ! (…Cette Europe, c’est le problème… » (p. 74 et 76). Bien évidemment, ce nouveau discours est celui qu’il faut pour travailler tant à l’unification des républicains de gauche dans notre pays que pour renouer les liens avec les couches populaires.

Il avance donc l’idée qu’il faudra peut-être rompre avec le fédéralisme européen même si il ne l’écarte pas définitivement dans l’hypothèse où « l’occasion historique se présente[rait] » (p. 86). Pourtant le fédéralisme est toujours dans les textes du Parti de gauche. Sans doute que Jean-Luc Mélenchon connaît ce décalage, mais il donne à son action la priorité vers 2012. On pourra cependant regretter le maintien d’ambiguïté entre son discours et les textes d’orientation du PG, car il perturbe des milliers de militants du mouvement social.
Sans doute se rapproche-t-il de l’idée de la globalisation des combats partagée par de nombreux républicains de gauche du mouvement social qui refusent que certains principes surplombent les autres. Pourtant dans le Parti de gauche, on parle uniquement d’urgences sociale, écologique et démocratique, mais pas d’urgence laïque par exemple. D’autre part, le Parti de gauche n’a toujours pas de commission Santé Protection sociale digne de ce nom3.
Par contre, Jean-Luc Mélenchon a raison, face à la direction du MRC par exemple, de mettre au même niveau les transformations institutionnelles et la politique économique de temps court nécessaire à l’émergence de la république sociale. Il a raison d’aller très vite sur les problèmes institutionnels sans subordonner ceux-ci à l’application d’une souveraineté populaire qui s’établirait uniquement sur l’existant sans constituante. Écoutons-le : « plus personne ne croit en rien… ce qui est anéanti avec cet état d’esprit, ce n’est pas seulement le principe moral et politique du civisme, c’est le pays lui-même qui se dissout… Si nous renonçons à être citoyens, nous cessons d’être le peuple de cette Nation. Nous sommes seulement le s occupants d’un territoire » (p. 29). Il comprend les enseignements de ce qui se passe en Amérique du Sud : « …tous les pays de l’Amérique latine de la nouvelle vague démocratique ont commencé par convoquer une Assemblée constituante…des millions de pauvres se sont impliqués dans des milliers de débats à la base …et sont allés voter en masse pour élire les députés constituants…la Constituante en France sera une renaissance de notre peuple… » (p. 26 et 27).
Il a encore raison de vouloir changer le système en renouant avec le système de la Constituante qui n’est pas une importation d’Amérique du Sud, mais une invention française de la Révolution.
La volonté notée de « tourner la page du présidentialisme… » est également louable, car on ne pourra pas développer l’esprit républicain sans rompre avec un de ces avatars le césaro-bonapartisme des Napoléon Ier, Napoléon III et de Gaulle si chère à l’ex-ami de Jean-Pierre Chevènement, Max Gallo. Aujourd’hui la confusion n’est plus possible entre la République sociale de Jean Jaurès et le césaro-bonapartisme de ceux qui se réclament pourtant encore de la République.
Sur le reste du livre, pas de désaccords majeurs sauf peut-être que nous aurions aimé qu’il aille plus loin sur le partage des richesses et les moyens de faire bouger le curseur salaires directs et socialisés d’une part et profits d’autre part. Ou sur l’alternative en matière de services publics et de protection sociale où ses propositions sont succinctes.
Sur la politique étrangère, son appel à développer une indépendance politique, militaire et idéologique vis-à-vis des États-Unis, à rééquilibrer nos rapports avec l’Allemagne, à développer des coopérations de nature différentes et refuser le « grand marché transatlantique » nous semble de bon aloi.
Sur les problèmes énergétiques, il est dommage qu’il ne fasse pas de planification écologique alternative avec un agenda sérieux (alors qu’il déclare dans ses meetings qu’il est gagné à cette idée !) et qu’il déclare qu’il faut sortir du nucléaire par la géothermie. N’est-ce pas un peu rapide comme analyse ? Ne serait-il pas mieux de donner des priorités d’action selon une planification écologique ? De commencer sur le temps court par une politique radicale d’économies d’énergie (principal gisement inversé), puis de diminuer l’appel aux énergies fossiles producteur de pollution et de CO2 avant de vouloir sortir du nucléaire ? Sur le nucléaire, ne serait-il pas préférable de déclarer ne plus construire les centrales de deuxième et de troisième génération, mais de laisser le travail de recherche sur la quatrième génération qui supprimerait le scandale de la course à l’extraction d’uranium ? Nous verrions bien alors si cette option est sérieuse ou pas. Mais là, n’est-il pas tributaire de la montée de l’idéologie décroissante dans le Parti de gauche consécutive à une dictature de la tactique visant à faire venir des militants sans leur proposer une cohérence politique globale ?
En conclusion, le bilan de ce livre est plutôt positif. Il peut redonner du courage. Il est donc un bon livre. On comprend alors que ceux qui, à gauche, ne veulent rien changer aux projets qui échouent depuis 30 ans, aient lancé contre Mélenchon des critiques sur son « populisme » et se ridiculisent à le comparer à Jean-Marie Le Pen. Nous ne pouvons que déplorer à gauche ces comportements indignes. La calomnie (« dire du mal par le mensonge ») devrait être bannie à gauche, seule la médisance (« dire du mal par la vérité ») devrait avoir le droit de cité dans la polémique !

  1. Par exemple, sur le voile intégral où deux des trois députés du Parti de gauche n’ont manifestement pas adhéré à ses idées. []
  2. voir son blog []
  3. rappelons que cela représente comme premier budget humain 31,3 % du PIB soit presque le double du budget de l’État tous ministères confondus []
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Déclarations de Bockel : le retour de l'eugénisme

par ReSPUBLICA

Entretien exclusif avec Stéphane François historien des idées et politologue français qui travaille sur les droites radicales et les subcultures « jeunes ». Chargé de recherche au Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe (Chaire Gutenberg) de l’Université de Strasbourg. Propos recueillis pour Respublica par Nicolas Pomiès

Respublica : L’ex ministre Jean-Marie Bockel avait fait une quinzaine de propositions sur la prévention de la délinquance juvénile dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy, où il met l’accent sur la responsabilisation des parents et revient sur l’idée controversée d’un repérage des troubles du comportement dès 2-3 ans. Comment expliquez vous qu’un responsable politique se disant toujours de gauche puisse relancer de cette sorte les théories eugénistes ?

Stéphane François :Votre question amène plusieurs réponses, de différentes natures.

Une première, qui relève du bon sens : il ne suffit pas de se dire de « gauche » pour l’être réellement. Jean-Marie Bockel a beau se dire de « gauche », il ne cautionne pas moins une politique ouvertement libérale-conservatrice.

Ce constat amène ma seconde réponse : l’idée d’un repérage de possibles troubles chez de petits enfants implique une autre idée, celle du poids de l’inné, et donc de la génétique. En France, la principale structure à avoir « biologiser » les comportements sociaux, la « sociobiologie », fut le GRECE d’Alain de Benoist, notamment dans son premier corps de doctrine. A l’époque, c’est-à-dire dans les années soixante-dix, la Nouvelle Droite fut ouvertement inspirée des thèses de psychologues conservateurs et eugénistes comme Raymond Cattell, Hans Eysenck ou Arthur Jensen, qui remirent au goût du jour les postulats eugénistes de la psychologie galtonienne, formulée à la fin du 19ème siècle. Cependant, les néo-droitiers vont rapidement s’éloigner de ces positions, à la suite de l’évolution antimoderniste d’Alain de Benoist au début des années quatre-vingt.

Les positions soutenues par les différents gouvernements du président Sarkozy s’inscrivent ouvertement dans ce type de discours. Cela n’est pas étonnant outre-mesure : les discours inégalitaristes que ces positions impliquent étaient très fréquents dans les milieux de la droite conservatrice et libérale du début du 20ème siècle. Par contre, il est étonnant qu’à l’aube du 21ème siècle, un président fasse encore référence à des discours discrédités scientifiquement depuis longtemps, et rejetés par tous, y compris par les néo-droitiers qui les ont diffusés en France.

Enfin, il faut garder à l’esprit une chose : les idées eugénistes, sous-entendues dans l’idée d’un repérage de possible trouble, ne sont pas incompatibles avec des idées de gauche, en particulier sociale-démocrate. En effet, durant l’entre deux-guerres, les principales nations ayant mis en place une politique eugéniste positive furent des démocraties : Etats-Unis, dans la République de Weimar, la Scandinavie (la Suède pratiqua une politique eugéniste jusque dans les années soixante-dix), Suisse et … la France, avec Carrel ou Richet. L’URSS mis aussi en place une politique eugéniste, inspirée des thèses fumeuses de Lyssenko. Mais dans ce cas précis, l’eugénisme s’inscrit dans l’idéologie totalitaire visant à créer un homme nouveau.

Respublica : Les propositions de Bockel et plus largement du Président de Sarkozy seraient donc un relent de conceptions pourtant scientifiquement dépassées. Doit on en conclure que leur formations idéologiques datent un peu ou assiste on à une victoire de la Nouvelle Droite d’avant les années 80 et au succès de sa stratégie métapolitique et gramsciste ?

Stéphane François : A mon avis, la formation idéologique du Président date, si tant il en ait une. En effet, la politique gramsciste du GRECE (la « métapolitique ») a échoué, et cela dès le milieu des années quatre-vingt. Tous les spécialistes de la Nouvelle Droite en conviennent. Le constat de cet échec est accepté par des membres fondateurs du GRECE. Pierre Vial le reconnaît. Ce qui ne l’empêche pas de regretter son abandon.

Les idées de Sarkozy semblent inspirées de la psychologie galtonienne mais celle-ci n’est pas néo-droitière: elle a été diffusée de la fin du XIX au milieu du XX par des personnes évoluant dans les milieux de la droite libérale-conservatrice. Le GRECE va s’en inspirer dans les années 70 (dans une phase de discours occidentaliste) mais ces thèses ne lui appartiennent pas. D’ailleurs il va très vite s’en éloigner. Mais il est vrai que les grécistes vont les mettre en avant dans le Figaro Dimanche… Ces idées, par contre resteront présentes au Sein du Club de l’Horloge, dissidences occidentaliste de la Nouvelle Droite (la scission se fera lors de l’évolution européiste et anti-américaine du GRECE à la fin des années soixante-dix), fondé en 1974 par Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou. Certains membres de ce Club vont faire le lien entre le RPR, l’UDF et l’extrême droite.

L’influence de la Nouvelle Droite, dénoncée durant l’été 1979, dépasse de beaucoup, à la fin des années soixante-dix, les milieux extrémistes. Ainsi, Yvan Blot a été le chef de cabinet d’Alain Devaquet, alors secrétaire général du RPR tandis que Jean-Yves Le Gallou est un ancien du Parti républicain. Cependant, son projet élitiste a échoué. C’est à partir de ce moment que la Nouvelle Droite va développer sa vision nostalgique de la civilisation européenne.

Respublica : Pensez-vous comme l’un des spécialistes de la Nouvelle Droite Pierre-André Taguieff que « les représentations et les arguments forgés par le GRECE dans les années soixante-dix lui ont progressivement échappé, étant repris, retraduits et exploités par des mouvements politiques rejetant l’essentiel de sa “vision du monde” » ?

Stéphane François :Oui, tout à fait. Les idées du GRECE vont être reprises, grâce aux passages d’anciens néo-droitiers vers d’autres partis, non seulement par des mouvements d’extrême droite (néonazis, nationalistes-révolutionnaires, racialistes blancs, ésotéristes antimodernes, etc.), mais aussi par des acteurs de la droite parlementaire. Ainsi le livre de Michel Poniatowski, L’Avenir n’est écrit nulle part, a été écrit par Alain de Benoist. Pierre Vial l’affirme d’ailleurs sans détour dans son livre Une Terre, un peuple : « Disons, pour parler crûment, qu’ils ont souhaité exploiter le filon que pouvait représenter pour eux la capacité productive, au plan du combat des idées, des hommes du GRECE. Il est assez connu maintenant que certains livres sous telle ou telle signature, y compris celle d’un ancien ministre de l’Intérieur, ont été écrits par des membres du GRECE. J’ai le souvenir, aussi, que certains ministres giscardiens m’ont un jour proposé d’organiser pour leur parti un certain nombre d’opérations ludiques, festives, assez spectaculaires, en particulier à Paris. » Cependant, il semblerait que les relations entre les néo-droitiers et les giscardiens furent complexes, certains de ceux-ci, comme Bernard Stasi, s’opposant aux idées du GRECE et du Club de l’Horloge.

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Stéphane François est l’auteur de plusieurs ouvrages et de dizaines d’articles dont le très remarqué : « Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite : pour une autre approche », préface de Philippe Raynaud, Archè, 2008 (ISBN 978-88-7252-287-5). On peut retrouver plusieurs de ses travaux sur le blogue « Fragments des Temps Présents »

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Qui est Strauss-Kahn ?

par Raoul Marc JENNAR
militant et chercheur altermondialiste

L’actualité abonde de sujets. Les acteurs politiques et les évènements défilent. Un clou chasse l’autre, comme dit le proverbe. On oublie vite. Et les médias en tous genres en font chaque jour l’illustration. Or, depuis quelques temps, ces médias nous abreuvent d’articles et de sondages de nature à nous convaincre que Dominique Strauss-Kahn, s’il est candidat aux présidentielles, a toutes les chances de battre Sarkozy. Sans jamais nous rappeler ce qu’il a fait quand il était ministre de Jospin et ce qu’il fait à la tête du FMI. Bien entendu.

Qui sont ces médias ? Pour l’essentiel, les grands hebdomadaires de droite (L’Express, Le Point, Paris-Match, le Journal du Dimanche) et de la gauche libérale (Le Nouvel Observateur) et des quotidiens de droite comme Le Figaro ou La Tribune. Les sondages qui nous désignent déjà le prochain président sont commandés par des journaux de droite.

Il semble que les patrons de ces organes de presse (Lagardère, Dassault, ’), déçus par l’actuel occupant de l’Elysée, préfèrent quelqu’un qui leur épargnera, espèrent-ils, grèves et manifestations. D’où la nécessité de nous présenter un candidat de la gauche dite moderne, dite réaliste, dite responsable.

Il me semble donc important de rappeler qui est celui qu’on invite avec tant d’insistance à soutenir, avant même que le PS ait choisi son candidat. Sans doute pour que ce choix soit celui du patronat. Pour ce faire, cinq sources utiles : le numéro du 24 avril 2010 de l’hebdomadaire Marianne avec un dossier intitulé « DSK mis à nu », l’article de Jean-Jacques Chavigné consacré au FMI de DSK dans le numéro 176 de juin-juillet-août du mensuel Démocratie et Socialisme, l’organe du courant du même nom au sein du PS, le livre de Vincent Giret et Véronique Le Billon, Les Vices cachés de DSK (Seuil, 2000), quelques chroniques que j’ai publiées en son temps dans un hebdomadaire belge ou sur ce blogue et, enfin et surtout, l’excellent dossier de François Ruffin paru dans le numéro 47 (automne 2010) de Fakir (encore en vente actuellement ’ contact@fakirpresse.info).

Il me paraît indispensable de rappeler les choix qui furent ceux de Strauss-Kahn quand il était ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie de Jospin :

  • la privatisation des banques publiques : le GAN, le CIC, la Marseillaise de Crédit, le Crédit Lyonnais, le Crédit Foncier de France, le Groupe Caisse d’Epargne. Après le passage de Strauss-Kahn, il n’y a plus de secteur financier public. les autres privatisations. Sous l’impulsion de Strauss-Kahn, le gouvernement Jospin a davantage privatisé que les gouvernements de droite présidés par Balladur et Juppé : Airbus, France Télécom, Thomson-CSF, Thomson Multimedia, Air France,
  • la libéralisation du secteur de l’énergie : Strauss-Kahn, qui défend les négociations de l’OMC, soutient l’adhésion du gouvernement Jospin aux propositions européennes (Barcelone) qui vont permettre ensuite à la droite de privatiser EDF-GDF.
  • c’est lui qui met en place le régime des stocks options avec plusieurs mesures favorables à cette manière de rémunérer les hauts-dirigeants d’entreprises
  • c’est lui qui lance l’idée de fonds de pension « à la française »
  • c’est lui qui pousse Jospin à renier les engagements pris par le PS devant les électeurs, en 1997 : défendre et renforcer les services publics, défendre Renault-Vilvoorde, poser quatre conditions pour le passage à l’euro.

C’est Strauss-Kahn qui, en 1999, a proposé Pascal Lamy pour que celui-ci devienne le Commissaire européen au commerce international (avant de devenir, ensuite, directeur général de l’OMC).

En 2003, Strauss-Kahn déclare à Tribune Juive qu’il se lève chaque matin « en se demandant comment il pourra être utile à Israël. » En 1991, il avait déclaré : ’Je considère que tout Juif de la diaspora, et donc de France, doit, partout où il peut, apporter son aide à Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israël.’ (Passage)

En 2005, Strauss-Kahn fait campagne pour le « oui » au TCE.

Le directeur général du FMI est fidèle à l’ancien ministre de Jospin. Sous son impulsion, le FMI instrumentalise la dette publique des pays du Nord comme du Sud.

Sous la pression du monde des affaires et de la finance, les gouvernements ont décidé de ne plus permettre aux pouvoirs publics d’emprunter auprès d’organes publics de crédit, à des taux nettement avantageux. En Europe, c’est devenu la règle depuis le traité de Maastricht. Les Etats sont tenus d’emprunter auprès des banques privées. C’est la principale cause de leur endettement, vu les taux pratiqués.

La seconde cause d’endettement, c’est le renflouement des banquiers et des spéculaterurs suite à la crise de 2008.

Pour combattre la dette, on ne pose pas de questions sur les causes de celle-ci. On affirme que le seul remède, ce sont des réformes dites « structurelles ». Le FMI de Strauss-Kahn poursuit ainsi 4 objectifs :

diminuer les salaires des fonctionnaires, remplacer les retraites par répartition par un recours aux assurances privées, réduire les investissements dans la santé, l’éducation, la culture vendre les services publics aux firmes transnationales flexibiliser le marché du travail en démantelant le droit du travail, en favorisant les délocalisations et en rendant les licenciements plus faciles augmenter les profits des firmes privées en multipliant les exonérations de cotisations sociales ou d’impôts et en gelant ou en réduisant les salaires.

Ce sont ces politiques que le FMI de Strauss-Kahn impose aux pays du Sud. Avec la complicité de la Commission européenne, il fait de même avec les Etats de l’Union européenne.

Nul ne s’étonnera dès lors qu’il ait très officiellement exprimé son soutien aux « réformes » entamées par Sarkozy.

« On vit 100 ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à 60 ans , » déclarait Strauss-Kahn au journal Le Figaro, le 20 mai 2010.

Quelle différence entre Sarkozy et Strauss-Kahn ? Celle qu’on peut trouver entre un Sarkobrun et un Sarkorose. C’est toujours du Sarko.

Il me semble urgent que, dès à présent, les partis à la gauche du PS fassent savoir qu’en tout état de cause, il leur sera impossible de soutenir Strauss-Kahn en 2012. Il ne suffit pas de changer une personne. Il faut changer de politique. Cela va sans dire, me dira-t-on. Mais cela va encore mieux en le disant.

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Allocution à l'occasion des cérémonies de commémoration du 11 novembre

par Jean ESTIVILL

Jean Estivill est président de l’Arac (Section de Savigny sur Orge)

En 1911 lors d’une série de conférences en Amérique latine, Jaurès avait prévu ce que serait la guerre qui menaçait.« N’imaginez pas que la guerre de demain (je le rappelle, nous sommes en 1911) serait une guerre courte où quelques coups suffiraient à battre le rival.
N’imaginez pas que le vainqueur se contenterait de lauriers d’une victoire rapide et que le vaincu se sentirait écrasé par la stupeur d’une défaite subite.
Non ! Dans la situation où se trouvaient les forces militaires européennes, pas un seul peuple n’est en mesure d’obtenir une victoire facile.
La guerre de demain serait livrée par de formidables masses d’hommes…
Des millions d’hommes affronteront des millions d’hommes et les manœuvres foudroyantes qui détruisent l’adversaire matériellement et moralement seraient impossibles.
Les manœuvres qu’aimaient Napoléon et Moltke qui luttaient entre des armées inférieures en nombre, ces manœuvres d’encerclement ne sont pas envisageables quand des armées formidablement massives occupent des régions entières.
De plus, les instruments de destruction sont si puissants que les armées avant le combat creusent des tranchées, se mettant à l’abri du terrain.
»
Et Jaurès de prophétiser : « La guerre ne connaitrait ces mouvements rapides de colonnes, ces manœuvres d’encerclement mais elles seraient une double guerre de position.
Une lutte entre deux grandes foules humaines qui essaieraient d’agir avec la plus grande prudence, profitant des erreurs et des défaillances de l’adversaire, et à l’heure du choc, les cadavres s’accumuleraient, déclenchant les épidémies, les fléaux, les miasmes mortels…
Ce serait une succession de ténèbres entrecoupées d’éclairs qui illumineraient la mort et montreraient la victoire sous un jour incertain et trouble
». Oui, quelle prophétie. Ainsi fut la guerre, ainsi fut la victoire dont se nourrit la seconde guerre mondiale.
Et c’est ce qui se passa sur le front comme en témoigne ce très court passage des « Croix de bois » de Roland Dorgelès en 1919. : « Sans regarder, on sauta dans la tranchée. En touchant du pied ce fond mou, un dégout surhumain me rejeta en arrière épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse d’allemands cireux sur d’autres déjà noirs dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie, tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eut dit dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés et pour les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi.
Le premier de notre file n’osait pas avancer. On éprouvait comme une crainte religieuse à marcher sur ces cadavres, à écraser du pied ces figures d’hommes. Puis, poussés par les autres, on avança sans regarder, pataugeant dans la mort
».
La mort, Jaurès en avait parlé dans cette même conférence en 1911 en Argentine, alimentant la haine de ceux qui par leur calomnie allaient armer la main de son assassin. Je le cite :
« Quand il a fallu sauver contre les rois, la liberté du peuple, quand il a été nécessaire de sauver la révolution française, quand la liberté a du se déplacer sur les sombres ailes de la guerre, alors on pensait accueillir la mort quand elle venait. Mais maintenant pour le Maroc, pour une misère, pour la Cyrénaïque, pour le bon plaisir des prédateurs de la finance, non mille fois non, nous ne voulons pas donner nos vies pour de viles entreprises ».
Un seul exemple pourrait illustrer ce propos : Les usines Renault de L. Renault :

  • En 1913 : Fabrication de chars : 0. En 1918  : 750.
  • En 1913 : Fabrication de moteurs d’avions : 0. En 1918 : 5000.
  • En 1913 : Fabrication d’obus : 0. En 1918 : 2 millions.

On en tira 30 millions à Verdun. Pas un m² ne fut épargné. Après la seconde guerre mondiale les usines Renault furent nationalisées car ses dirigeants avaient collaboré avec l’Allemagne nazi. Doit on être plus explicite sur ceux qui se sacrifient pour la patrie et ceux qui vivent de la patrie. Le recours à l’histoire est la meilleure méthode pour comprendre cela et Jaurès là encore donne le meilleur éclairage. Écoutons-le toujours lors d’une de ces conférences en Amérique latine :
« C’est une offense à la patrie que de ne pas dire aux jeunes générations la vérité.
La Patrie est la seule force qui puisse supporter la vérité dans son intégralité.
Les classes, les castes, les dynasties peuvent craindre la vérité parce que ce sont des forces partielles et éphémères qui peuvent être remplacées par des forces nouvelles. Mais la Patrie n’est liée à aucune dynastie, à aucune classe, à aucune caste.
La Patrie est le grand fleuve qui reçoit l’eau de tous les points de l’horizon et le reflet de toues les clartés, le grand fleuve qui court à travers les siècles et qui importe si à certaines heures est passé sur ce fleuve un nuage ayant posé son reflet sombre à sa surface ?
Ainsi donc je vous conseille de dire la vérité dans l’enseignement de votre histoire. Il suffit que l’enseignement soit national et qu’il habitue à s’intéresser au passé mais il doit aussi faire penser à l’avenir du pays et de la civilisation. Qu’on enseigne les grandes choses mais aussi les mauvaises pour les condamner et les réparer
».
En France, Jaurès apparaît pour ceux qui ne cessent de la calomnier, comme le seul obstacle et pour les pacifistes, comme le dernier rempart.
En ce mois d’août 1914, pour que ceux qui ne veulent pas de cette guerre, la fassent : il faut tuer Jaurès.
« On a tué Jaurès », ce cri de douleur jailli du café « Le Croissant », puis de la rue Montmartre, remonte des faubourgs ouvriers mais au cri de douleur rapidement vint s’ajouter celui de la colère et à ce premier cri « ON a tué Jaurès » se substitue celui de « ILS ont tué Jaurès ». Cette classe ouvrière qui avec celle d’Allemagne avait si souvent manifesté son hostilité à la guerre, n’allait-elle pas décréter ce que Jaurès avait envisagé : « La grève générale des travailleurs contre la guerre » ?
Non ! Il était trop tard en Allemagne comme en France, la partie était perdue. Dans les deux pays depuis trop longtemps, certains avaient tordu les esprits. En Allemagne en témoigne le livre E. Remarque « à l’ouest, rien de nouveau ». Il nous montre comment le jeune Paul Bäumer et ses deux camarades ont subi le bourrage de crane de leur professeur Kantoreck. Ils réaliseront bientôt après l’enthousiasme du départ, l’inimaginable cruauté au front, la brutalité des petits officiers et que leur idéal de patriotisme et de nationalisme sont de simples clichés vides de sens, que la guerre n’est pas glorieuse et honorable mais faite de terreur physique constante.
En France, l’Etat major sait habilement arrêter les troupes à 10 kilomètres de la frontière pour permettre aux allemands de pénétrer en France. Ainsi va être sollicité le réflexe bien naturel de la défense du sol français, la patrie est en danger, elle est envahie.
Oui, comme ils sont habiles ces généraux dont certains n’hésiteront pas quelques mois plus tard à faire tirer des obus dans les tranchées de leurs propres soldats pour qu’ils montent et sortent donner un assaut qu’ils savaient souvent perdu d’avance.
Alors, oui il nous appartient de connaitre la vérité, de dire la vérité, année après année, cérémonie après cérémonie, nous qui n’avons pas connu ces horreurs mais qui avons le devoir pour ceux qui les ont connus, de les dire tel qu’elles furent et non comme nous voudrions qu’elles entrent dans l’imagerie populaire. Nous avons de bons guides : Henry Poulaille et le « pain de soldats », Barbusse et « le feu », Blaise Cendrars et «  la main coupée », Maurice Genevoix et » ceux de 14 », R.M. du Gard et « l’été 14 » …
C’est ce que nous devons faire aujourd’hui 11 novembre, et c’est le devoir des associations d’anciens combattants de collaborer avec les Historiens pour une histoire jamais définitive, toujours en quête de vérité et parce que pour la Grande Guerre, celle qui nous réunit fraternellement dans ce vieux cimetière de la Martinière, les témoignages archivés, ceux transmis de père en fils, sont débarrassés désormais du poison le plus malfaisant : la dictature de l’ignorance et du préjugé, et que tous nous avons soif de comprendre et de transmettre à nos enfants je vous invite à vous pencher sur un épisode que la pression de l’idéologie dominante longtemps nous empêcha d’envisager avec courage et sérénité, celui des « fusillés pour l’exemple ».
Lundi 15 novembre à Grigny, Paul Markidès, vice-président de l’ARAC et le général André Bach, tous deux auteurs de deux livres admirables : «  les fusillés pour l’exemple » et « les sacrifiés », viendront nous en parler, avec André Filliere président départemental de l’ARAC et Louis Couturier de la Libre Pensée.
Et pour terminer, parce qu’il s’agit de la même démarche. Si vous allez dans la Manche. Passez à Equeurdreville. Vous pourrez vous recueillir devant le monument aux morts inauguré bien tard en 1932. Il représente la douleur exprimée par une veuve et ses deux enfants, vous pourrez y lire « que maudite soit la guerre ». Sur le socle, 225 noms sont inscrits.
Ou dans l’Yonne à Gy Levêque où figurent deux inscriptions : «  guerre à la guerre » et « paix entre tous les peuples ».
On les nomme « monuments aux morts pacifistes » ! Comment pourrait-on aujourd’hui en 2010, affirmer qu’ils ne le sont pas tous. Enfin ! Et que c’est bien ainsi que nous les considérons en honorant nos morts saviniens.

Laïcité
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Une Algérie laïque et prospère

par Hakim Arabdiou

Pour la première fois dans l’Algérie indépendante, une formation politique, le Parti pour la Laïcité et la Démocratie (PLD), a rendu publique cet été une charte relative à la nécessaire instauration de la laïcité, en Algérie. Une charte qui vient à point nommé, tant méconnaissance et confusions de cet ordre institutionnel ou juridique sont grandes, même en France pourtant berceau de la laïcité.

En effet, beaucoup croît connaître cette forme moderne d’organisation de l’Etat, en répétant le plus souvent abstraitement la définition de la laïcité, à savoir la séparation entre les Églises et l’Etat, sans pour autant que les intéressés et leurs interlocuteurs sachent précisément et concrètement de quoi il s’agit.

Ce déficit en la matière est pain bénit pour les islamistes, tant en Algérie et dans les autres pays musulmans, où leur propagande assimile mensongèrement la laïcité à l’anti-religion ; qu’en Europe et en Amérique du Nord, où il la définissent faussement, et au mieux, par la seule liberté religieuse non seulement dans la sphère privée, ce qui est parfaitement conforme à la laïcité, mais aussi dans la sphère publique, ce qui constitue la négation pure et simple de la laïcité.

Ces définitions tronquées permettent aux islamistes dans leur diversité, droite conservatrice, extrême droite et fascistes, d’avancer frauduleusement leurs revendications, au nom de l’ « islam », et en détournant à leur profit le droit légitime des musulmans d’exercer leur culte, notamment dans l’émigration.

Clarification de quelques notions relatives à la laïcité

La charte en question aurait cependant gagné à clarifier également les quelques notions suivantes, somme toute subsidiaires, en regard de la richesse de ce document.

Le « E » majuscule du mot Eglises, figurant dans la définition de la laïcité, a trait aux religions, et non aux lieux de cultes, synagogues, églises, temples ou mosquées. Il en est de même pour le pluriel de ce mot, qui renvoie à l’interdiction de l’ensemble des confessions dans la sphère publique, et non uniquement au christianisme.

C’est aussi pour des raisons historiques que la définition de la laïcité s’était vue formulée par référence aux seules religions, alors qu’elle concerne aussi dans la sphère publique, les autres particularismes : ethniques, nationaux, sexuels, ainsi que l’athéisme, l’agnosticisme, les opinions politiques partisanes, etc. Car c’est la religion chrétienne, instrumentalisée par les intérêts de classes au pouvoir, qui avait constitué l’un des obstacles politico-religieux majeurs à l’évolution des mœurs et des lois dans les sociétés et les États occidentaux.

Il est deux autres confusions sémantique et graphique fréquentes, même chez des personnes au fait de la laïcité. Il s’agit des mots « laïc » et « laïque » qui sont loin d’être synonymes. Et pour cause ! Le mot « laïc », désigne les catholiques, qui exercent au sein des églises, sans toutefois appartenir au clergé. Ils ne jouissent de ce fait d’aucun grade dans la hiérarchie ecclésiastique catholique ou clergé. C’est donc tout le contraire de clerc, qui désigne, lui, un membre du clergé : diacre, prêtre, vicaire, évêque, archevêque, cardinal et pape. Quant au mot « laïque », terme neutre du point de vue grammatical (on écrit un État laïque ; une École laïque), il désigne les partisans de la séparation des Églises et de l’État.

La différence entre laïcité et sécularisation

Enfin, la laïcité est souvent confondue avec la sécularisation. Si la laïcité bannit tous les particularismes, c’est uniquement de la sphère publique, au profit des lois civiles et communes à tous les citoyens. Autrement dit, elle sécularise et modernise la sphère publique, qui est celle de l’Etat et des collectivités territoriales, espaces naturels et exclusifs de la puissance publique.

Parallèlement, et sous réserve de respect du principe de l’ordre public, elle reconnait et garantit la libre expression de ces mêmes particularismes et autres dans la sphère privée. Cette sphère couvre tout ce qui est en dehors de l’espace étatique et de celui des collectivités territoriales.

Ainsi, la laïcité garantit dans la sphère privée autant la liberté de culte que celle de blasphémer. Cette dernière est la libre critique des religions, y compris l’islam, que ce soit leur caractère métaphysique ou leurs dimensions misogyne et attentatoire aux droits de l’Homme. Historiquement, les consécrations politique et juridique du droit de blasphémer a constitué l’un des socles sur lequel se sont érigés les droits de l’Homme et l’Etat de droit.

Pour ce qui est de la sécularisation ou déconfessionnalisation, il s’agit d’un long et lent processus idéologique, intellectuel et juridique d’émancipation des consciences individuelles et collectives, du droit, ainsi que des croyances et des pratiques sociales par rapport aux religions. Sa finalité est la disparition de ces dernières des communautés humaines.

Compatibilité entre islam et laïcité

A l’exception des ignares, des racistes, ainsi que des islamistes et de leurs « idiotes utiles », unis par leur commune imprégnation des conceptions européocentriste et essentialiste de l’islam, et grâce aux progrès des sciences humaines et des sciences sociales, ainsi qu’en matière de connaissance cumulative de l’islam et des sociétés musulmanes, plus personne ne conteste que cette religion, ou plus exactement son interprétation et son application, n’est pas moins ni pas plus réfractaire à la laïcité et à la modernité, que le judaïsme et le christianisme.

Pendant des siècles, le christianisme et son bras séculier, l’appareil d’Etat, avaient imposé leur pouvoir obscurantiste et répressif sur les êtres et les consciences des peuples européens, en même temps qu’ils avaient plus tard farouchement combattu les répercussions sur leurs sociétés et leurs institutions politiques, sociales, culturelles et scolaires des gigantesques et irréversibles bouleversements entraînés par la révolution industrielle dans le Vieux Continent ; révolution initiée par une nouvelle classe alors révolutionnaire, la bourgeoisie, et son élite intellectuelle, les philosophes des Lumières, qui n’étaient pas tous athées, contrairement à ce que l’on croit.

L’interprétation anti-modernité de l’islam, dont l’islamisme représente l’expression extrême, s’explique avant tout par la persistance des sous-développements socio-économique et culturel des pays musulmans. Comme elle s’explique par le fort déficit démocratique de ces pays, notamment en matière de libertés de conscience et d’expression, dont le droit de critiquer l’islam, de croire, de ne pas croire ou de changer de religion.

La laïcité est un patrimoine universel

Il n’existe pas plus non plus de « laïcité musulmane », que de « science islamique » et de « science prolétarienne », de triste mémoire. La laïcité consacre en fait l’autonomie de l’individu par rapport à la communauté. De même que sa vocation universelle s’inscrit dans le vaste processus, entamé il y a quelques six siècles, d’évolution des sociétés humaines et des États, avant tout européens, vers la sécularisation et la modernité, notamment politique ; cette dernière devenant la norme universelle d’organisation de la quasi-totalité des États de la planète : république, parlementarisme, séparation des pouvoirs, suffrage universel, etc.

En Occident, les islamistes ont néanmoins réussi à duper et à enrôler à leur projet d’Etat théocratique et d’une société inégalitaire, ce que la fraction laïque et féministe de la gauche républicaine en France a surnommé les « idiots utiles » des islamistes : universitaires, journalistes, militants et sympathisants politiques et associatifs… C’est d’ailleurs dans ce vivier que se recrutent aisément ces « petits soldats » de l’islamisme, et autres tenants du « Qui-tue-qui ? » en Algérie, en vue d’absoudre les islamoterroristes des atrocités innombrables que ceux-ci y ont commis.

On peut citer quelques universitaires et en France, uniquement : François Burgat, Bruno Etienne, Jean Baubérot, Cécile Laborde… Leur vision européocentriste de l’islam et des musulmans les a rendus vulnérables aux manipulations, dont ils sont victimes de la part des intégristes musulmans, qui leur ont fait confondre islam et islamisme, musulmans et islamistes.

L’extrême droite, païenne et chrétienne, ainsi que les sionistes d’extrême droite font le même amalgame. Ce qui dans les deux cas attise la musulmanophobie, qui est du racisme envers les adeptes de l’islam, contrairement au terme « islamophobie », terme inventé par les théocrates iraniens pour disqualifier toute critique à leur encontre, et qui signifie étymologiquement, la libre et légitime critique de l’islam.

Il faut tout de même savoir que ces « idiots utiles » sont antilaïques uniquement, lorsqu’il s’agit de prêter main forte aux islamistes en vue d’empêcher les migrants musulmans ou de cette origine de bénéficier des bienfaits de la laïcité et des processus d’intégration dans leurs pays d’accueils respectifs. L’objectif est de les transformer en masse de manœuvre des islamistes.

La chercheure, Cécile Laborde, par exemple, n’a pas manqué, au cours de la conférence sur le rapport entre laïcité et islam, qu’elle avait donnée au printemps dernier, à Alger, d’usera sans retenue, comme ses amis communautariens (terme désignant les chercheurs antilaïcité, et généralement, pro-islamistes), de leurs expressions habituelles visant à discréditer la laïcité et à insuffler plus de force aux revendications des intégristes musulmans ; expressions ne reposant de surcroît sur aucune validité scientifique telles que « catho-laïcité », « laïcité stricte », « laïcité ouverte », « laïcité critique , etc. Elle a repris, et à son insu, là aussi, le discours mystificateur des islamistes, en employant systématiquement à tort les mots «islam » et « musulmans » au lieu de celui d’ « islamisme » et d’ « islamistes » Elle a également repris à son compte, à l’instar de ses amis, un autre registre du discours malhonnête des islamistes instrumentalisant le racisme et autres discriminations, dont sont parfois victimes en Occident les citoyens musulmans ou de cette origine, et leur corollaire la mentalité victimaire que cela provoque chez certains, afin de jouer sur cette corde sensible, et calomnier tout rejet de leurs revendications en les qualifiants d’ « islamophobes », de « racistes »…

La laïcité, c’est le passage d’un Etat pré-moderne à un Etat moderne

En Algérie, la lutte des féministes pour la sécularisation de toutes les lois concernant les femmes et la réaction ces dernières années d’une frange encore minoritaire de la société civile contre les atteintes à la liberté de conscience, deuxième grand principe de la laïcité, notamment la répression polico-judiciaire de la liberté de culte de citoyens chrétiens algériens ou des déjeuneurs pendant le ramadan sont des signes encourageants pour l’instauration de la laïcité dans ce pays.

Cette dernière ne doit toutefois pas être du seul ressort des quelques partis laïques algériens, des féministes et des rares associations de défense des droits civiques, mais s’étendre au plus grand nombre possible de formations politiques, d’associations, d’intellectuels et de citoyennes et citoyens.

Ces réactions constitueront autant de jalons dans le combat entre autres pour l’abolition des anachroniques article 2 de la Constitution algérienne, stipulant que l’islam est religion d’Etat, et article 144 bis 2 du code pénal punissant de lourdes peines de réclusion et d’amendes une « quelconque offense au Prophète » ou critique de l’islam.

Une chose est sûre : les luttes des laïques algériens convergeront de manière croissante, dans les quelques décennies à venir seulement, avec la lame de fond de la sécularisation et de la modernité, qui a commencé grosso modo depuis la décolonisation, à toucher à son tour et à des degrés divers l’ensemble du monde musulman.

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Le religieux réinvestit le politique

par Patrick KESSEL
Président du Comité Laïcité République

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La République célébrera dans quelques semaines le 105ème anniversaire de la Loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l’État. Une belle opportunité pour rappeler l’importance de la laïcité face à la montée des communautarismes, des intolérances religieuses et de la tentation renouvelée des différents clergés à s’immiscer dans le politique.En Iran, au moment où ces lignes sont écrites, Sakineh Mohammadi Ashtiani, accusée d’adultère est menacée de lapidation au nom de la morale des « fous de Dieu ». C’est l’antique message de peur et de haine de la femme qu’on réhabilite. Imagine t-on une telle condamnation pour un homme présumé adultère ? Haine des femmes, haine des autres, haine de la liberté : leitmotiv d’une barbarie qui prétend éclairer l’avenir de l’humanité en lieu et place de l’éthique des Lumières.

Sur une échelle différente, ce sont des idées similaires qui ont conduit des Églises évangéliques et catholique à lancer une violente et indécente campagne contre Dilma Rousseff, la candidate à la présidence de la République brésilienne, au prétexte que cette femme divorcée s’était prononcée en faveur d’une évolution de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse. La dauphine de Lula a finalement été élue et même bien élue, ce dont nous nous réjouissons. Mais à quel prix puisqu’elle a été contrainte d’abandonner une partie de son projet. Il n’est peut être pas inutile de rappeler que ce n’est qu’en 1877 que l’Inquisition a pris fin au Brésil, qui depuis a intégré la laïcité dans sa Constitution !

Le scenario n’est pas dissemblable aux Etats-Unis où la campagne électorale victorieuse des ultraconservateurs a été marquée par le retour en force d’un moralisme religieux, réactionnaire, stigmatisant pêle-mêle comme expression du diable, l’IVG, le vice, la masturbation… le « socialisme » de ce Président noir… « étranger » !

L’ingérence de l’Église romaine contre le PACS, l’IVG, la procréation assistée, l’homosexualité, la « fécondation in vitro », qualifiée de « petite sœur de l’eugénisme », en Espagne, en Argentine, au Chili, au Mexique… en Pologne, en Italie, où elle refuse de retirer les crucifix des écoles publiques, est désormais coutumière. Son omniprésence sur la scène publique et politique est telle qu’à Varsovie, un parti anticlérical vient de se créer qui veut chasser le catéchisme de l’école publique et obtenir la séparation de l’Église et de l’État !

En Espagne, l’archevêque de Madrid, président de la Conférence épiscopale, a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de catholiques contre la libéralisation de l’avortement et la loi sur le mariage homosexuel. Et Benoît XVI en voyage officiel outre-Pyrénées a de nouveau martelé ces thèmes, s’ingérant dans la politique espagnole, tandis qu’à Barcelone, plusieurs milliers de personnes manifestaient pour la défense de la laïcité et contre l’utilisation des deniers publics pour accueillir le pape. Les Anglais avaient trouvé la même liberté de ton qui fait cruellement défaut aux Français, contraignant le gouvernement britannique à limiter le financement public du voyage pontifical à Londres et le Vatican à prendre en charge une partie du déplacement en faisant payer l’entrée aux offices !

En France, le pouvoir religieux continue de s’insinuer dans les grands choix de société et notamment les lois éthiques, jugées « trop libérales ». Le gouvernement vient ainsi de reculer en maintenant l’interdiction de principe de recherches sur l’embryon et les cellules souches, sauf dérogations très difficiles à obtenir, tandis que l’obligation de révision de la loi qui s’imposait au législateur tous les cinq ans, permettant d’intégrer les problématiques nouvelles liées aux découvertes scientifiques, est supprimée !

De la même façon, l’Église pèse pour interdire toute évolution législative en faveur du droit à mourir dans la dignité alors qu’un sondage récent atteste que près de 90 % des français sont partisans de laisser à chacun la liberté de choisir sa fin de vie.

Si chaque famille spirituelle a toute légitimité pour participer aux débats de société et proposer des règles de comportement à ses fidèles, dès lors que ceux-ci sont libres d’adopter ou de refuser, le retour du moralisme religieux en politique et les pressions sur l’État sont inquiétants. D’autant que les ministres de ces cultes ne prêchent pas toujours par l’exemple ! Le chef de l’Église catholique belge vient ainsi d’être poursuivi pour homophobie après avoir qualifié le sida « de justice immanente consécutive à la permissivité sexuelle ». Quant aux auteurs d’actes pédophiles, l’institution catholique aurait été bien inspirée de saisir la justice plutôt que d’essayer de cacher les faits et de se satisfaire de repentances.

Aussi eussions-nous préféré que le président de la République Française, qui confondait il y a peu le rôle de l’instituteur et celui du prêtre, conserva à son déplacement en octobre dernier au Vatican et à sa participation à une messe spécifique un caractère privé. Au lieu de cela, le président a pu donner l’impression d’être venu chercher quelque soutien électoral, voire quelque pardon, après certaines déclarations concernant des populations nomades ! Offensantes pour ceux qui vivent une sincère conviction religieuse, les conditions d’une telle visite sont blessantes pour les laïques qui attendent du président qui incarne la République toute entière, un devoir de réserve. C’est le Premier ministre d’une monarchie voisine, José-Luis Zapatero, qui en a donné l’exemple. Tout en recevant le pape avec les égards dus au rang d’un chef d’État, il a décidé, par souci de laïcité, de ne pas se rendre à la messe célébrée par le souverain pontife !

A Moscou, l’église orthodoxe retrouve la voie de la grande Russie blanche aux relents xénophobes et antisémites. En Egypte, les Coptes sont menacés par des musulmans extrémistes. En Irak cinquante huit Chaldéens ont été déchiquetés par une bombe alors même qu’ils étaient occupés à prier. A Jérusalem, les « hommes en noir », profitant d’un système électoral qui surdimensionne leur poids politique, veulent imposer la loi religieuse au détriment de celle de l’État, imposer leurs dogmes à tous les habitants et empêcher que soient rendus les territoires occupés, condition d’une paix durable avec les Palestiniens.

Ces événements, à des degrés divers, constituent les stigmates d’une société en voie de mondialisation libérale, lancée dans une fuite en avant qui écrase les droits sociaux, explose les services publics, ravale l’individu à une fonction de consommateur, menace les valeurs universelles que la famille humaine s’était donné comme référence en 1948 pour bâtir un monde de justice et de paix.

Paradoxalement, alors que le progrès scientifique et technique permet des avancées considérables – ne serait-ce qu’en termes de connaissance de l’espace, de la matière, de la vie –, progrès qui doivent être conjugués avec une éthique de la responsabilité et de la liberté, l’injustice sociale et l’ignorance font des progrès remarquables ! L’intolérance et la haine de l’autre sont de retour.

L’affrontement entre communautés que prépare l’illusion d’une société multiculturelle ici et le choc des civilisations là, deviennent malheureusement des scenarii du possible.

Une nation comme la France, dont l’histoire n’est certes pas blanc-bleu mais qui a porté les Droits de l’Homme et du Citoyen, a vocation à promouvoir la liberté de conscience, l’égalité des droits, la citoyenneté et donc la laïcité. A promouvoir l’universalisme de ces principes ouverts à l’humanité toute entière, à toutes les femmes et à tous les hommes, quels que soient leur couleur, leur culture, leur sexe, leur communauté d’origine, à tous différents peut–être, libres et égaux sûrement.

L’anniversaire de la loi de 1905 pourrait offrir l’occasion de lancer un tel appel et de renouer avec l’image de la France aimée dans le monde : celle d’une République pleinement démocratique, laïque et sociale.

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Coca Cola sponsorise le bonheur à 2 euros

par Sébastien Claeys

D’Épictète à Nietzsche, les philosophes n’avaient pas défriché la vaste question du bonheur. Coca Cola France profite de cette lacune pour ouvrir l’Observatoire du bonheur et financer la recherche en sciences humaines. Le bonheur, c’est simple comme une bouteille de Coca Cola…

L’ambition affichée par la multinationale de la boisson gazeuse est d’abord universitaire. L’Observatoire du bonheur réunit une équipe de recherche financée par Coca Cola France sous la direction de Michel Blay, directeur du laboratoire SYRTE (Systèmes de Référence Temps - Espace) au CNRS, philosophe et historien des sciences. Ce centre de recherche est destiné à « rassembler les données existantes, élargir le champ de la réflexion et plus globalement étudier les diverses représentations du bonheur ».
Le pétillant  organisme de recherche publiera deux fois par an les Cahiers de l’Observatoire, recueils d’articles d’experts et d’universitaires. Autre preuve de dynamisme, trois prix de 15000 euros seront attribués à des doctorants en Sciences Humaines et Sociales pour travailler sur la thématique du « bonheur comme enjeu de société ».
L’initiative de Coca Cola France se présente comme une contribution désintéressée aux réflexions en cours sur le bonheur dans les sociétés capitalistes. Le communiqué de presse de la marque et le site expliquent la démarche : « Alors que sa définition et son appréhension n’ont cessé d’évoluer au fil des époques, le bonheur reste toujours l’objet de nombreux questionnements. Sommes-nous aujourd’hui plus ou moins heureux que nos parents ? Nos critères du bonheur ont-ils évolué ? N’y a-t-il qu’une forme unique et absolue du bonheur ou divers petits bonheurs quotidiens ? ».
Une preuve pour les esprits « frileux » de l’Université que le financement des sciences humaines pourrait être pris en charge par le privé au même titre que les recherches scientifiques ?
Si le bonheur est souvent gratuit, la stratégie de Coca Cola n’est pas le fruit d’un élan philanthropique et humaniste. Cette opération de relations publiques est menée par une agence de relation presse spécialisée dans la stratégie d’opinion, le management de la réputation et la valorisation de marque. Elle appuie efficacement une nouvelle campagne de publicité au slogan prometteur : «  Ouvre un Coca Cola, ouvre du bonheur ! »
Sous le vernis des belles paroles de type « Coca-Cola est une marque synonyme d’optimisme et de positivité », cette initiative joue un rôle pivot dans la construction en amont des motivations à l’achat et des modes de consommation.
A court terme, elle associe étroitement à la marque une notion en vogue dans les sondages et les indicateurs de bien-être collectif. «  Coca-Cola renouvelle son engagement en faveur du bonheur. (sic) L’objectif à terme : mieux comprendre le bonheur… pour toujours mieux l’apprécier. » Laissez-nous deviner… Sous forme liquide, dans des petites boîtes rouges vendues dans les meilleurs supermarchés ?
A moyen terme, elle mobilise des chercheurs reconnus et des doctorants en formation pour effectuer du conseil en marketing sur l’attente consciente et inconsciente des consommateurs en termes d’image de marque et de positionnement des campagnes publicitaires. Autrement dit, étudier le comportement du consommateur pour l’anticiper et le modeler. Grande avancée : la philosophie au service des intérêts financiers et commerciaux des multinationales !
Reconverti dans le business des boissons gazeuses, Michel Blay, joue de son étiquette publique pour cautionner cette opération de communication. En auguste directeur de recherche, il déclarait pourtant en juillet 2005 dans une interview donnée à la revue de l’Association Science Technique Société (Axiales), que « le travail scientifique ne doit, et ne peut, se faire que dans la totale liberté. ». Les chemins de la liberté sont impénétrables… Pas ceux de la soupe pour les philosophes à 2 euros.

Proche-Orient
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Proclamer un État palestinien

par Sami Naïr
Ancien député européen, professeur à l’université Pablo de Olavide, Séville

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En refusant l’arrêt des colonisations condamnées par le monde entier, Israël vient de démontrer, une fois de plus, qu’il n’obéit qu’à une seule loi, celle du plus fort, c’est-à-dire la sienne. Jamais un Etat, en dehors de l’Afrique du Sud de l’apartheid et de l’Amérique de George Bush, n’a à ce point méprisé le droit international depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Le 2 octobre, les dirigeants palestiniens, après avoir avalisé depuis des années une stratégie de négociations entièrement fixée par les Israéliens et leurs alliés inconditionnels américains, ont dû se résoudre à arrêter la comédie de rencontres aussi verbeuses qu’inutiles pour leur cause. La poursuite des colonisations dans les territoires palestiniens par des Israéliens fanatiques et intégristes venait de rappeler à tous que ni le gouvernement israélien ni le président américain, Barack Obama, n’étaient décidés à lever le petit doigt pour faire avancer un processus dit « de paix » que personne ne prend au sérieux, mais auquel chacun, du moins dans les chancelleries internationales, feint de croire.

Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne, homme choisi par les Américains et leurs alliés arabes pour succéder à Yasser Arafat, n’a pourtant pas cessé, depuis des années, de donner des gages de bonne volonté, au point d’encourir le reproche, de la part de nombre de Palestiniens, et en premier lieu du Hamas, de n’être qu’une marionnette rampante aux mains des ennemis de la cause palestinienne.

Le 8 octobre, une conférence des ministres des affaires étrangères des pays arabes s’est réunie à Syrte, en Libye, pour décider de la stratégie à suivre après cet échec du processus de paix israélo-palestinien. Les ministres arabes, qui se sont spécialisés dans la rhétorique ronflante pour mieux cacher leurs divergences et leur impuissance, trouvent toujours des formules alambiquées pour ne pas avoir à mécontenter leur protecteur washingtonien ou leurs bailleurs de fond de la péninsule arabique. La décision d’arrêter ou de ne pas arrêter les négociations est de toute façon parfaitement secondaire. Le vrai problème est de savoir si, sur le fond, les Palestiniens ont une stratégie de rechange face au piège dans lequel ils se sont placés en acceptant les conditions israélo-américaines de « solution » du conflit.

Ils ont trois possibilités : soit ils continuent de négocier en espérant des changements qui leur seraient favorables à Tel Aviv et Washington, mais c’est désormais une voie sans issue car, doté d’une autonomie militaire dissuasive, le gouvernement israélien peut désobéir à n’importe qui, s’il ne choisit pas lui-même de faire la paix. Soit ils reprennent la lutte armée contre l’occupation, ce qui serait probablement le vœu d’une partie importante de la population. Mais cette voie est nocive et ne pourra pas régler ce conflit pourri, car l’avenir est à la cohabitation entre les deux peuples, et seule une solution politique, négociée, pacifique peut rapprocher Palestiniens et Israéliens. C’est pourquoi, soit dit en passant, l’option négociée était et reste la seule juste et la meilleure.

Soit enfin, et c’est sans doute la dernière arme réaliste qui reste entre leurs mains après avoir, justement d’ailleurs, reconnu le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, ils proclament à la fois leur intention de continuer à négocier et, en même temps, la création d’un Etat palestinien pacifique aux frontières définies au côté de l’Etat israélien, et doté d’instruments de souveraineté propres. Ils pourraient ainsi mettre le monde entier (la fameuse « communauté internationale » dont la duplicité n’a d’égal que le cynisme dans ce conflit) devant ses responsabilités et réellement mesurer le poids de leurs soutiens diplomatiques. Une telle solution serait extrêmement gênante pour l’Etat israélien, qui devra à son tour expliquer pourquoi le monde entier doit reconnaître l’Etat d’Israël, mais pas l’Etat palestinien.

Ce qui est sûr, c’est que la réaction à chaud, après la rupture des négociations, de Jibril Rajoub, l’un des chefs du Fatah, demandant à la « communauté internationale » de faire cesser l’agression israélienne contre les terres palestiniennes ou de ne plus reconnaître « le droit à l’existence de l’Etat d’Israël », est d’une stupidité sans nom. C’est en effet exactement ce que Israël cherche à faire croire en arguant que les Palestiniens, au fond, n’acceptent pas son existence. Au contraire, les dirigeants palestiniens rendraient un grand service à leur peuple et à la cause de la paix en réaffirmant, par la proclamation unilatérale de leur Etat, la volonté de vivre pacifiquement avec un Etat d’Israël enfin libéré des colons fanatiques qui lui ont fait tant de mal.