Chronique d'Evariste
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Épuisement des vieilles idées, naissance d'un nouvel espoir

par Évariste
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ReSPUBLICA a passé de bonnes vacances. Alors que le fatalisme et la résignation de l’ombre portée de la génération 68 produisent toujours des discours ennuyeux, égocentriques et déconnectés du réel, cet été a dévoilé, pour ceux qui savent lire, écouter, entendre, l’espoir d’un monde nouveau. Alors que l’abominable guerre 1937-1945, de l’invasion japonaise en Chine jusqu’à la victoire de la liberté, a produit en France le Conseil national de la résistance et son programme révolutionnaire, la guerre néolibérale qui sévit dans le monde depuis la fin des années 70 et en France depuis le tournant néolibéral de 1983 entre dans un moment critique où son édifice se fissure et laisse entrevoir la possibilité d’un nouveau pli historique. Sachons raison garder, c’est la réalité matérielle qui crée les potentialités, ce sont les hommes et les femmes qui font l’histoire en utilisant ces potentialités. Et là, force est de constater que le champ politique est en retard d’un métro sur la réalité matérielle. À chacun d’entre nous d’œuvrer pour accélérer la prise de conscience collective. N’écoutez plus les vieilles idées épuisées serinées par des médias aux ordres du vieux monde qui influencent encore de nombreuses organisations politiques, syndicales et associatives, redécouvrez les grandes idées de l’histoire, adaptez-les à la réalité matérielle de l’heure, participez à ce grand moment de développement de l’éducation populaire tournée vers l’action qui participe à la conscientisation du peuple en général et de ses couches populaires — ouvriers, employés — en particulier. Non, la vie ne se résume pas aux couches moyennes représentant en France environ 42,5 % de la population. La majorité invisible des couches populaires n’a pas fini de réserver des surprises. À nous de faire que ce soit au profit de la grande émancipation humaine.

ReSPUBLICA a travaillé pendant l’été. Votre journal a écouté, lu, discuté. Votre journal a mesuré le fossé entre le discours lénifiant du show-biz politicien tout en émoi devant l’échéance de la présidentielle 2012 et la réalité matérielle. L’extrême droite nauséabonde s’est fait un lifting de façade sans rien changer de son cœur raciste, xénophobe et favorable à un ordre social et moral national-capitaliste. Les règles du traité de Lisbonne, bible des néolibéraux de droite et de gauche, ont été transgressées par ceux-là mêmes qui nous avaient vanté le produit. Les textes-programmes votés à l’unanimité par les sociaux libéraux du PS et d’Europe Écologie - Les Verts sont pour partie obsolètes quelques mois après leur adoption. Le think tank Terra Nova, élu par les sociaux-libéraux de l’ordo-libéralisme meilleur « Think tank de l’année » préconise de faire l’impasse sur les couches populaires majoritaires, car ils votent de moins en moins ! Les vieux clichés sur le monde arabe sont renvoyés aux études archéologiques depuis le « printemps arabe ». Une bifurcation de l’histoire est possible, place aux luttes sociales et politiques dans cette partie du monde. L’humanité est une. Même les discours stéréotypés sur Israël apparaissent aujourd’hui antédiluviens depuis l’incroyable mouvement social prônant la justice sociale, le mariage civil, la laïcité. La poussée latino-américaine continue pays par pays.

ReSPUBLICA reste dans la ligne d’une gauche d’alternative anticapitaliste favorable aux résistances face à la guerre néolibérale que nous livrent les puissants de ce monde. ReSPUBLICA soutient les efforts de tous ceux qui travaillent à des alternatives culturelles, sociales et politiques au vieux monde qui se meurt en partant des éclats du monde neuf existant déjà. ReSPUBLICA essayera de décrypter les enjeux de la campagne présidentielle en France et les points d’appui qui se produiront durant celle-ci. ReSPUBLICA soutiendra ceux qui se déploieront durant cette période dans l’éducation populaire tournée vers l’action. ReSPUBLICA restera dans la lignée des promoteurs de l’alternative de la république sociale avec ses 4 ruptures nécessaires : démocratique, laïque, sociale et écologique et ses 10 principes constitutifs : liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, sûreté, universalité, souveraineté populaire et développement écologique et social. Chaque mot ayant un sens très précis, nous déploierons aussi dans ReSPUBLICA un travail philosophique juridique et politique sur ces ruptures et ses principes.

ReSPUBLICA restera rivé sur le décryptage de la crise économique et financière, car elle peut nous conduire vers un monde nouveau. Vous trouverez dans ce numéro une première analyse des derniers événements.

 

Lutter contre le néo-libéralisme
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La crise, matrice de l'avenir

par Bernard Teper

 

La crise ouverte à l’été 2007 et qui a entraîné, suite à la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, le krach bancaire et financier de l’automne 2008, suscite bien des commentaires et des propositions de solutions, de la part, tant des économistes que des partis politiques. Les programmes d’action dépendent directement des analyses et il y a beaucoup à dire sur ce que l’on peut lire ou entendre, car la compréhension de la situation de crise que nous connaissons est généralement indigente, chez les libéraux, certes, mais aussi chez les tenants d’approches plus ou moins hétérodoxes, dont la radicalité apparente n’est souvent que vent et fumée.
Moins de trois ans après la faillite de Lehman Brothers, le deuxième trimestre 2011 est économiquement catastrophique et le mur de la dette devient très préoccupant. Le premier plan de sauvetage de la Grèce n’arrive pas à éviter la montée des rendements des prêts à ce pays (contrairement aux prévisions néolibérales, les taux de la dette grecque, au lieu de baisser, sont passés de 7 % à 11 % à l’automne 2010 à 16 % au printemps 2011 d’où le deuxième plan de sauvetage grec). Il faut un deuxième plan portant déjà à plus de 200 milliards d’euros « l’aide » nécessaire. Rien n’y fait ! Dès le mois d’août, les taux à dix ans dépassent 17 %. Pour une économie en récession de 6,9 % du PIB, inutile de dire qu’il n’y a pas besoin d’être un grand intellectuel pour « douter » des capacités de remboursements dans ces conditions. Et, il faut voir que le PIB de la Grèce ne compte que pour moins de 3 % du PIB de la zone euro. Mais déjà des économies plus importantes comme le Portugal, l’Espagne et l’Italie sont dans la tourmente.
Si tôt le Fonds européen de stabilité financière (FESF) annoncé avec un grand sens de la propagande, et avant qu’il soit constitué, la spéculation reprend de plus belle montrant bien l’incapacité du moteur Merkel - Sarkozy de résoudre l’équation. Dans la panique la plus totale, la Banque centrale européenne a dû accepter de mettre les règles du traité de Lisbonne entre parenthèses et de soutenir les obligations espagnoles et italiennes. Mais l’heure de vérité approche. Quand le premier ministre français annonce en août 2011 la participation française à 21 milliards pour les plans grecs, pourquoi ne pas comparer avec le raisonnement néolibéral sur les retraites où pour 40 milliards à l’horizon 2020, les caisses étaient déclarées vides ? Le deux poids, deux mesures, va finir par se voir !
Par ailleurs, en plus de l’amplification des dettes souveraines, plusieurs bombes à retardement existent encore :

  • les spéculateurs se sont protégés d’un défaut de paiement d’un État par les CDS (credit default swaps). Un effet domino pourrait avoir lieu si un défaut partiel de paiement survenait.
  • si l’Allemagne et la France restent les plus gros contributeurs du FESF avec respectivement 27,1 % et 20,3 %, on peut se poser la question des contributions de l’Italie et de l’Espagne qui doivent concourir pour respectivement 17,9 % et 11,9 %. Qu’en sera-t-il s’ils ne peuvent résister à la spéculation sur leurs dettes souveraines ?
  • malgré des transferts publics massifs, les États unis sont aussi en crise grave avec un recul inquiétant sur 2008 et 2009 de leur PIB et du revenu des ménages.

Contrairement à la propagande officielle, il n’y a pas seulement une crise financière, mais bien aussi une crise économique systémique. D’ailleurs, l’Insee nous fournit, en euros courants, pour les sociétés non financières et comptes de patrimoine l’évolution du taux de profit (Excédent brut d’exploitation rapporté au stock de capital fixe). On voit bien la baisse de ce taux depuis le début du 21e siècle. Toujours le même INSEE nous montre sur un autre diagramme que la courbe de la valeur ajoutée brute rapportée au stock de capital fixe diminue fortement dans la même période. Nous sommes donc bien en crise économique doublée d’un effet levier organisé par la spéculation financière. Il ne suffit donc pas de « réguler » le système pour s’en sortir.
Il ne suffit pas plus de conserver les structures et les règles existantes (mondialisation, Union européenne, zone euro, libre-échange, etc.) et d’espérer que seule la mobilisation sociale par le bas suffirait à « obliger les élites à changer de politique ».
Il ne suffit pas plus de décréter de façon idéaliste qu’il faille « sortir à froid » de ces structures et de ces règles (sortie unilatérale de l’Euro et/ou de l’Union européenne). Ce genre de politique implique une récession forte avant de pouvoir relancer la machine :

  • le retour à froid à une monnaie nationale dévaluée alors que la dette est toujours libellée en euros pèsera lourdement
  • une restructuration des dettes ou le fait du refus de payer certaines dettes déclarées non légitimes suite à un audit citoyen demande un rapport des forces sociales, économiques et politiques que nous n’avons pas pour l’heure.

Il ne suffit pas de décréter le retour en arrière du type « sortie de crise nationaliste dans un seul pays » ce qui n’a aujourd’hui plus de sens. L’avenir est à la constitution d’espaces larges, mais démocratiquement constitués et non imposés par un processus non démocratique comme celui de l’Union européenne.
Quant au dernier débat à la mode surréaliste « altermondialisation et démondialisation », disons-le tout net, pour altermondialiser,il faudra bien passer par une phase préalable de démondialisation pour redéfinir les fondamentaux : nouvelles alliances solidaires dans un espace large, monnaie unique uniquement avec des économies et des politiques au départ convergentes, monnaie commune avec les autres avec un dispositif de mise en convergence dans le temps, néo-protectionnisme écologique et social entre les espaces économiquement, socialement et écologiquement divergents, etc.
En fait, c’est la crise elle-même qui fera exploser ou non la mondialisation néolibérale, l’Euro, ou l’Union européenne. Tout ce que l’on peut dire aujourd’hui est que la probabilité de cette explosion augmente. De fait, il faut être prêt, dans tous les cas : d’abord à protéger, dans le temps court, par la résistance populaire et par des politiques institutionnelles, économiques et sociales les acquis sociaux et la sphère de constitution des libertés (protection sociale, école, services publics notamment). Mais il faudra aussi être prêt au dépassement du turbocapitalisme et à l’avènement d’une nouvelle République sociale si le système s’effondre. Dans les deux cas, il est nécessaire d’articuler le mouvement d’en bas (mobilisations sociales et politiques) avec le mouvement d’en haut (institutions) en modifiant les institutions et la constitution en travaillant en même temps dans le temps court que dans le temps long.

Mais l’acteur principal du changement ne peut-être que le peuple lui-même et non ses « élites ». Il faut donc qu’il soit en état de comprendre la réalité matérielle, les enjeux, les alternatives possibles, pour qu’il puisse sortir du sentiment de fatalité, d’impuissance ou de soumission aux « élites ». Il faut donc développer sur une intensité bien plus forte qu’aujourd’hui, sur tous les territoires, l’éducation populaire tournée vers l’action. ReSPUBLICA aidera tous ceux qui iront dans ce sens.

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Nous ne voulons pas de votre charité, nous voulons l'égalité !

par Nicolas Gavrilenko
http://twitter.com/ngavrilenko

 

Sur le modèle des riches américains, habitués à ce genre d’opérations qui mêlent charité et communication, 16 grandes fortunes françaises ont lancé un appel à les taxer… un peu.

On nous jette la pièce !

Car loin de proposer la mise en place d’un impôt qui touche réellement les revenus et les patrimoines des plus riches, ils nous proposent une « contribution exceptionnelle » et bien sûr « raisonnable » afin de participer à l’effort national qu’ils appellent de leurs voeux. Pour résumer, un peu de charité symbolique pour faire passer la pilule de l’austérité qui va toucher tous les autres français !
La générosité ayant ses limites, les signataires posent leurs conditions. Ils se permettent meme de glisser dans leur appel une menace à peine voilée : « Cette contribution serait calculée dans des proportions raisonnables, dans le souci d’éviter les effets économiques indésirables tels que la fuite des capitaux ou l’accroissement de l’évasion fiscale. ». Le message est clair : si nos impôts augmentent réellement, nous partirons dans les paradis fiscaux. La « conscien[ce] d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen » trouve vite ses limites.

Les Français n’ont pas à recevoir de leçon de la part des promoteurs de la logique économique qui nous a mis dans la situation actuelle. Ces gens sont, pour la plupart, des anciens hauts fonctionnaires qui ont été formés gratuitement dans les plus grandes écoles françaises. Ils sont passés dans le privé à la faveur des privatisations, des amitiés politiques et de la connivence du capitalisme d’État français. En résumé, ils sont le produit d’une époque où les élites abandonnent le service de l’État pour servir le capitalisme financier. Comment ne pas évoquer également Mme Bettencourt1, qui ose signer cet appel alors que son taux d’imposition est proche de celui d’un cadre, grâce à des petites mains embauchées pour s’occuper de sa fortune, dont celles de la propre épouse du ministre des Finances de l’époque, M. Woerth. Mme Bettencourt peut faite l’aumone aux français, après que ceux-ci lui aient fait un chèque de 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal.

La solution n’est ni dans l’austérité, ni dans la charité des plus riches

Il suffit de partir du bilan de ses trente dernières années pour savoir ce qu’il faut faire : depuis 1983, 190 milliards d’euros annuels supplémentaires ont été prélevés sur le travail et transférés sur le capital. Ces trente années de néolibéralisme nous laissent sur le carreau, à force de dérégulation, de socialisation des pertes et de privatisation des bénéfices, de multiplication des niches sociales et fiscales qui trouent l’impot sur le Revenu. A grands coups de traités européens et de politiques monétaristes conduites d’abord par les banques centrales nationales puis de la BCE, les déficits se sont creusés. Et c’est au peuple que les agences de notation présentent la facture. Il est l’heure de savoir qui va payer : ceux qui se sont le plus enrichis pendant cette période ou nous ?
Le gouvernement a choisi son camp, sans surprise. Donc s’il y a un appel à faire maintenant, c’est à taxer, VRAIMENT et DURABLEMENT, les plus riches.

  1. Première fortune française avec près de 20 milliards d’euros, grâce à l’héritage d’une entreprise, L’Oréal, qui aurait dû être nationalisée à la libération suite à la collaboration de son créateur Eugène Schuller. []
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Pour la droite catholique, la théorie du genre se limite à : « duos habet et bene pendentes »

par Nicolas Gavrilenko
Membre du Bureau National de l'Union des FAmilles Laïques (UFAL)
http://www.ufal.org

Source de l'article

 

À la faveur de la rentrée scolaire, le feu qui couvait depuis deux mois sur l’affaire de l’intégration de la théorie du genre dans les manuels scolaires se ravive. Ce que compte l’Assemblée nationale comme députés de la droite catholique vient de signer une pétition pour le retrait des manuels scolaires en question. Ces 80 députés viennent compléter les 37.000 signatures recueillies par leur courroie de transmission dans l’institution familiale : Familles de France.
La raison de tout ce tapage : des manuels de Sciences et Vie de la Terre qui osent évoquer, très succinctement, l’idée selon laquelle notre identité sexuelle n’est pas seulement biologique, mais également une construction socioculturelle et psychique.
La belle affaire, ils devraient également proposer l’interdiction de l’étude des civilisations antiques grecques et romaines par exemple, car les élèves risquent à tout moment de découvrir le pot aux roses : les mœurs, la sexualité, le rôle des hommes et des femmes ont varié considérablement au cours de notre Histoire, et cela contredit totalement l’idée de deux identités sexuelles immuables. C’est donc bien ces députés qui veulent introduire de l’idéologie au sein des manuels scolaires contrairement à ce qu’ils affirment : ils veulent continuer à imposer la vison de deux sexes purement biologiques1 renvoyant à des rôles immuables depuis… Adam et Ève. L’hétérosexualité étant la norme indéfectible.

En lisant la lettre envoyée par Famille de France au Président de la République pour lui demander d’interdire les manuels en question, on est vite édifié : parler de quelque chose en rapport avec le sexe à des élèves de 1re revient à les corrompre, ou, pire, à « être responsable de plus de grossesses précoces et de cas d’infections sexuellement transmissibles ». Et d’ailleurs, les élèves « ont bien d’autres préoccupations à avoir en Première ». Quand le professeur Henri JOYEUX prend sa plume, on est jamais déçu du résultat !
Il réussit même le tour de force de nous faire la leçon, « estim[ant] que le principe de l’Ecole républicaine s’appuyant sur la prévalence de la raison est remis en cause. En effet la mission de l’école, dans ses enseignements scientifiques, ne peut s’appuyer que sur une méthodologie rationnelle, et non pas sur des opinions ou des croyances quelconques, encore moins des idéologies. »

Reste qu’il est intéressant que les élèves en SVT comprennent que tout n’est pas inné, que nous avons aussi des caractères acquis, fruits de notre histoire, de notre environnement, de notre psychisme et de nos choix, qu’il n’y a pas de normes, et qu’il n’y a aucune raison pour hiérarchiser d’un point de vue moral les différentes identités sexuelles.

Non le genre, la sexualité, les rôles dans la société ne sont pas déterminés totalement par la biologie, ce n’est pas aussi simple que d’avoir duos habet et bene pendentes2

  1. il est à noter que la biologie n’arrive pas toujours à déterminer clairement le sexe d’une personne []
  2. « il en a deux, et bien pendantes » est une phrase rituelle concernant le moment de la vérification que le futur pape est bien un homme. Cette phrase, et cette vérification font partie de ]
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Pascale Le Néouannic prend à son tour la pole position dans le combat laïque

par Bernard Teper

 

Pascale Le Néouannic1 vient de commettre un livre2 que nous devons populariser, car c’est un outil d’éducation populaire tournée vers l’action de première importance. Avant de parler de son livre, replaçons-le dans le contexte diachronique du combat laïque.

Petit manuel de laïcité à usage citoyen

La bataille pour la laïcité est consubstantielle à la bataille pour la République sociale. Engagée pendant la grande Révolution française, elle participa à l’émergence de la 1re république le 22 septembre 1792. Puis, plusieurs avancées et reculs ont eu lieu selon les rapports de force politiques jusqu’à l’estocade des lois scolaires du début de la 3e république et de la célèbre loi dite de séparation des églises et de l’État promulguée le 9 décembre 1905 dans le Journal officiel daté du 11 décembre. Jean Jaurès scella alors le lien entre le principe laïque et la République sociale en appelant à lier le combat laïque au combat social pour aboutir à la République sociale.

Puis, le lobby catholique se reconstitue et pousse la droite à engager une politique réactionnaire contre la laïcité (et bien sûr contre le social). Au début, elle réussit à faire reculer la laïcité par la loi Astier votée après la 1re guerre mondiale et à refuser d’appliquer la loi de 1905 en Alsace-Moselle grâce à une trahison d’une partie de la gauche. Mais le Front populaire réenclenche le chemin de l’émancipation avec les circulaires de Jean Zay interdisant les signes politiques et religieux à l’école publique. Bien évidemment, la droite collaboratrice du Maréchal Pétain modifie la loi en faisant reculer cette loi émancipatrice. Mais surtout, le lobby catholique, organisé autour du Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), lance un processus de détricotage de la loi de 1905 notamment avec la loi Debré en 1959. La réaction de la gauche politique et syndicale est à la hauteur de l’enjeu avec le Serment de Vincennes de 1960 et ses 11 millions de signatures. Mais la majorité de la gauche politique et syndicale va trahir le Serment de Vincennes. À partie de là, le lobby catholique et le SGEC détricote la loi 1905 années après années de la loi Guermeur à la loi Carle. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 ne permet pas la reprise du chemin de l’émancipation en matière de laïcité malgré une majorité à l’Assemblée nationale. Pire, les sociaux-libéraux du PS et du bloc syndical enseignant organisent l’alliance gauche/droite autour des slogans révisionnistes et antilaïques de la laïcité « ouverte, plurielle, de reconnaissance, etc. » annonçant la laïcité « positive » de Nicolas Sarkozy ». Cerise sur le gâteau néolibéral, c’est l’article 10 de la loi Jospin du 10 juillet 1989 qui annule les circulaires de jean Zay du front populaire. Tout est à refaire.

Le sursaut vient du Grand Orient de France qui organise le banquet républicain de Créteil le 21 octobre 1989 de 1500 personnes pour une loi contre les signes religieux à l’école. Le mois suivant, à l’initiative de Catherine Kintzler, le manifeste laïque signé par 5 intellectuels fait la Une du Nouvel Observateur. Le relais est pris ensuite par Initiative Républicaine (IR, association dont votre journal ReSPUBLICA est l’héritier !) lors de son rassemblement à la Mutualité en décembre 1992 en présence de tous les intellectuels laïques (Catherine Kintzler, Henri Pena-Ruiz). Puis, l’UFAL reprend le flambeau en 1997 jusqu’à la victoire de la loi du 15 mars 2004. Depuis, sur d’autres dossiers, le lobby catholique, allié aux lobbies des autres structures religieuses et aux forces néolibérales de gauche et de droite, organise un détricotage par des jurisprudences communautaristes. In fine, le paradoxe est que c’est la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg grâce à son interprétation de l’article 9 du texte qui la régit qui empêche les néolibéraux communautaristes de droite et de gauche de faire encore pire.

Puis, Pascale le Néouannic, secrétaire national du Parti de gauche, conseillère régionale Ile-de-France, anime un groupe de travail qui aboutit à une proposition de loi-cadre de « promotion de la laïcité et de clarification des règles de son application concrète ». La proposition de loi est enregistrée au Sénat le 6 avril 2011 sous la signature de deux sénateurs du Parti de gauche : Marie-Agnès Labarre et François Autain. ReSPUBLICA a déjà relaté ce fait politique. Il manquait un livre très « éduc-pop » pour compléter les outils de la campagne de promotion de la laïcité. Ce livre est dans toutes les bonnes librairies. Henri Pena-Ruiz commence la préface du livre de la façon suivante : « Pour la première fois depuis 50 ans (depuis le Serment de Vincennes, NDLR), une force politique ose envisager une authentique refondation laïque de la République… » Pascale le Néouannic termine son livre de la façon suivante : « A la gauche laïque, écologique, celle de la République sociale, de repartir à l’offensive. »

Vous avez compris : ce livre doit être lu par tous ceux qui ont compris qu’il ne peut pas y avoir d’émancipation sans les ruptures démocratique, laïque, sociale et écologique. Ce livre doit être lu par les lecteurs de ReSPUBLICA !

Bien évidemment, ce livre présente la proposition de loi dont nous venons de parler. Pascale Le Néouannic en montre les enjeux, elle décrypte la guerre que la droite néolibérale mène contre la laïcité avec quelquefois le soutien de la gauche ordo-libérale. Elle reprend les idées de Condorcet, de Catherine Kintzler et d’Henri Pena-Ruiz pour les ordonner politiquement. Elle reprend tous les sujets d’actualité : le nocif rapport Machelon, les prières de rue, la communautarisation de l’argent public, la sous-traitance donnée par les néolibéraux de droite et de gauche aux structures religieuses pour remplacer les services publics d’aide sociale et d’intégration qu’ils privatisent, l’instrumentalisation cancérigène des différentes extrêmes droites qui tentent d’utiliser le principe laïque d’organisation sociale en machine de ségrégation antimusulmane alors que le principe de laïcité est un principe qui permet le vivre ensemble et la liberté des cultes, le chèque-éducation, la décentralisation cheval de Troie, la marchandisation et la privatisation rampante de l’école, les zones de non-droit, le droit de l’enfant, l’école privée expérimentation du formatage des consciences, le corps des femmes en jeu, les fondations religieuses, la tolérance qui sacralise l’inégalité, etc.

Prenons ce livre pour ce qu’il est : un ouvrage pour rendre un citoyen éclairé. Il reste à écrire d’autres livres notamment en donnant un corpus juridique aux combattants de la laïcité dans la bataille de tous les jours face aux interprétations de plus en plus communautaristes du droit positif. Mais le livre de Pascale le Néouannic n’a pas de concurrent dans la forme qu’elle a souhaité : simple, clair, précis, offensif, compréhensible par tous.

  1. ]
  2. Petit manuel de laïcité à usage citoyen (135 pages, petit format) écrit par Pascale Le Néouannic édité dans la collection Politique à gauche de Bruno Leprince 6 euros, livre préfacé par Henri Pena-Ruiz []
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Itinéraire d’une militante algérienne : 1945-1962

par Hakim Arabdiou

 

Lucette Larribère Hadj Ali vient de publier aux éditions du Tell, à Blida, près d’Alger, un ouvrage intitulé, Itinéraire d’une militante algérienne : 1945-1962.

L’ouvrage est préfacé par Abdelkader Guerroudj, ancien cadre des Combattants de la Libération (CDL), branche armée du Parti communiste algérien (PCA), pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie, et ancien condamné à mort par la France coloniale. Il est également postfacé par Henry Alleg, militant communiste et anticolonialiste algérien d’adoption. Ce livre témoigne de la contribution de son auteure aux luttes de son peuple pour une Algérie libre, indépendante et de justice sociale.

L’intéressée est née en 1920 à Oran. Elle était dans sa famille l’aînée des cinq filles et d’un garçon. Son père, Jean-Marie, gynécologue, et son oncle, Camille Larribère, médecin généraliste, à Sig, près d’Oran, tous deux communistes, ont été en leur temps des figures politiques et sociales marquantes de l’Oranie. Son grand-père paternel et ses autres oncles paternels appartenaient eux aussi au Parti communiste algérien.

À l’issu de ses études d’Histoire et de géographie à l’université d’Alger, Mme Larribère Hadj Ali a travaillé, à partir de 1942, à l’Agence France-Presse, puis à partir de 1943, à Liberté, journal hebdomadaire, du PCA. C’est là, écrit-elle, qu’elle a appris les bases du métier, sous la houlette d’une journaliste de talent, Henriette Neveu, et qu’elle a commencé à découvrir les horreurs du système colonial, en Algérie.

Elle fut ensuite rédactrice en chef du journal mensuel de l’Union des femmes d’Algérie (U.F.A), première organisation féministe dans ce pays, créée en 1944, par le Parti communiste algérien. Elle intégrera rapidement la direction de cette organisation, où elle y approfondira sa prise de conscience politique. Alice Sportisse et Lise Oculi, les directrices successives de ce mensuel, ainsi que Gaby Gimenez-Bénichou, lui avaient longtemps servi d’exemples.

Elle se souvient aussi de la grave erreur commise par le PCA condamnant violemment les manifestants algériens du 8-Mai 1945, qui revendiquaient l’indépendance, et qui furent massacrés par milliers par les forces d’occupation françaises. Certes, le PCA s’était vite ressaisi. Mais le mal est fait. Il en a été de même de la sous-estimation pendant longtemps par son parti de la question de l’indépendance de l’Algérie.

Mais dès 1946, la ligne éditoriale du journal féministe a commencé à changer radicalement. Elle mettait désormais l’accent sur la dénonciation de la domination coloniale et la nécessité d’aller à la rencontre des femmes musulmanes dans leurs quartiers et leurs foyers pour être mieux à même de les sensibiliser et les mobiliser autour de leurs problèmes. Y avaient alors adhéré des Algériennes de souches telles que Baya Allaouchiche, devenue membre dirigeante de l’U.F.A et du Comité central du PCA, de l’ouvrière, Abassia Fodhil, de Attika Gadiri… aux côtés de leurs autres sœurs algériennes, Joséphine Carmona, Lydia Toru, Blanche Moine, et bien d’autres. Elle évoquera aussi dans son parcours militant Gilberte Salem (l’épouse d’Henry Alleg, de son vrai nom, Salem).

Toutes ces femmes communistes avaient rejoint tout naturellement le combat pour la libération de leur patrie ; elles n’en avaient pas d’autre. Nombre d’entre elles avaient été arrêtées, torturées et condamnées à de lourdes peines de prison, et souvent expulsées en Métropole. Certaines furent assassinées par les fascistes, de l’Organisation de l’armée secrète (O.A.S), comme le couple de communistes oranais, Abassia Fodhil et son mari, Mustapha.

Lucette Larribère Hadj Ali adhéra en août 1945 au PCA, et devint membre de son Comité central, en 1947.

Elle rejoignit, en 1952, Alger-républicain, où elle dirigea l’équipe de journalistes du jour, tandis qu’Henri Zanettacci, dirigeait l’équipe du soir, et son fils, Nicolas Zanettacci, menait les enquêtes économiques. Elle y retrouva Henry Alleg, et y rencontra directeur de la publication, Jacques Salort, l’administrateur, Boualem Khalfa, Isaac Nahori et un peu plus tard, Abdelhamid Benzine rédacteurs en chef, Abdelkader Choukal, le plus jeune journaliste, mort ensuite dans les maquis…

Avec le déclenchement de l’insurrection armée, les autorités coloniales avaient multiplié les mesures de censure d’Alger-républicain. Cependant, l’équipe du journal répliquait astucieusement, par la publication à la Une de chaque édition la phrase suivante : « Alger-républicain dit la vérité, mais ne peut pas dire toute la vérité ». Cette publication a fini par être interdite, en septembre 1955, presque en même temps que le PCA et les organisations liées à cette formation politique, dont l’U.F.A.

Notre militante plongea rapidement dans la clandestine, comme agent de liaison de Bachir Hadj Ali, membre de la direction du PCA et des CDL, direction composée également de Sadek Hadjerès et de Jacques Salort.

Bachir Hadj Ali avait été caché chez des chrétiens algériens, partisans de l’indépendance, en l’occurrence l’abbé Moreau et les prêtres de la Mission de France de l’Église de Hussein-dey, à Alger. Ces derniers l’avaient accueilli sur recommandation de Monseigneur le cardinal Duval, honni par les ultras de l’Algérie française. Ensuite, Bachir Hadj Ali et elle furent pendant une longue période cachés chez un autre chrétien progressiste, Pierre Mathieu.

Elyette Loup, agent de liaison de Sadek Hadjerès, avait été arrêtée, torturée à la villa Sésini, autre haut lieu de torture algérois, puis emprisonnée en métropole, où elle fut ensuite assignée à résidence. Elle revint clandestinement, en Algérie, avec l’aide du Parti communiste français, et reprit la lutte pour l’indépendance.

Robert Manaranche, le premier mari de Mme Larribère Hadj Ali, avait été arrêté en 1957, emprisonné pendant trois ans, puis expulsé vers la France. Paulette et Aline, soeurs de notre moudjahida, membre des réseaux du PCA ont également été arrêtées. Son père a vu sa clinique à Oran, plastiquée par l’OAS, mais celle-ci n’avait pas réussi à le tuer.

Algérie
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Chérifa Kheddar : "Dans un Etat de droit les agresseurs répondent de leurs actes devant la société"

par le journal algérien "Liberté"
http://www.liberte-algerie.com/

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Chérifa Kheddar, lauréate du prix 2008 des droits humains de l’International service, est la porte-parole de l’Observatoire des violences faites aux femmes (Ovif). Dans l’entretien qui suit, elle s’exprime sur le phénomène des violences à l’égard des femmes en Algérie et les raisons de la création de l’Ovit.


Liberté :
Il y a près de six mois, un collectif d’associations a créé l’Observatoire contre les violences envers les femmes, afin d’“œuvrer pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, la citoyenneté et la justice sociale”. Où en êtes-vous aujourd’hui, côté organisation ?


Chérifa Kheddar :
La création de l’Observatoire de veille a fait objet d’une longue concertation entre des associations féministes et des militants pour l’égalité des sexes et la citoyenneté pleine et entière au profit des femmes en Algérie. Nous estimons qu’il est nécessaire d’ouvrir le débat sur une plaie qui envenime la société, d’autant qu’on continue d’ignorer le phénomène de la violence à l’égard des femmes et de négliger la mise en place de mécanismes de prévention de ce fléau, ainsi que la prise en charge des victimes. L’Observatoire ne perd pas de vue que la violence faite aux femmes est d’abord institutionnelle, du moment que le code de la famille consacre un statut mineur à la femme et que l’Etat n’a pas encore levé les réserves sur la Cedaw (Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, ndlr), nonobstant l’article 9. La pierre angulaire de la création, de l’existence et de la pérennité de l’Observatoire est d’éradiquer la violence institutionnelle, par la revendication sur la promulgation de lois égalitaires où la femme algérienne est consacrée citoyenne toute l’année, pas seulement pendant les campagnes électorales.

Côté organisation informelle, nous avons franchi le pas vers la mise en place de l’Observatoire, en tenant nos réunions organiques et politiques au niveau des sièges d’associations partenaires. Et comme déjà annoncé, la rédaction de la charte, sorte de feuille de route des adhérents de l’OVIT, est en cours d’élaboration. Avec la bureaucratie que nous connaissons, l’aspect formel nous pose néanmoins problème : les démarches administratives s’annoncent longues et pleines d’embûches, mais il n’est pas question de baisser les bras ; nous continuerons nos démarches auprès du ministère de l’Intérieur. Il est impératif aussi que l’Observatoire dispose de moyens matériels et financiers afin de mener ses missions, d’une manière efficace.


Quelles sont les actions que vous avez initiées depuis février dernier ?

Au-delà des actions quotidiennes et périodiques menées au niveau de nos associations respectives, au profit des victimes, c’est-à-dire l’écoute et la prise en charge juridique et psychologique, nous interpellons régulièrement et directement ou par voie de presse les plus hautes autorités du pays, afin de protéger les femmes, quel que soit leur statut social et/ou professionnel. Nous avons fait le constat suivant : les violences faites aux femmes prennent de l’ampleur, en l’absence de mécanismes appropriés comme une loi cadre qui permettrait aux associations et aux victimes de savoir à quelles portes frapper pour une éventuelle prise en charge.
En 2007, l’Institut national de santé publique (INSP) faisait état, après une première enquête nationale sur le genre, de 9033 femmes victimes d’actes de violence de la part de leur conjoint, frères et même leurs fils. Cette année, quelque 1800 femmes ont été sévèrement maltraitées par leurs maris et leurs frères. Sur le registre des agressions sexuelles, les services de la Gendarmerie nationale ont eu à traiter près de 400 affaires, durant les 7 premiers mois de 2010, indiquant 160 attentats à la pudeur, 128 viols et 8 cas d’inceste. Sur les 160 enlèvements enregistrés au niveau de la Gendarmerie depuis le début de l’année, 90 cas se rapportent à la gent féminine, soit un taux de près de 78%. Et ce n’est pas tout ! Près d’une centaine de femmes ont été violentées dans la rue par des malfaiteurs, 422 femmes ont été victimes des voleurs de janvier à août et 182 femmes ont tuées en 7 mois. Selon les forces de l’ordre, la plupart de ces meurtres sont de véritables crimes crapuleux exécutés de sang-froid.
Les quelques chiffres que je viens de vous livrer sont bien loin de la réalité révélée par les centres d’écoute, mis en place par certaines associations de femmes, et par les différents livres noirs, réalisés par d’autres associations. La femme algérienne est, sans exagération, au centre d’une entreprise d’avilissement par laquelle elle subit différentes formes de violences attentatoires à son intégrité physique, psychologique et morale. Face à cette situation, nous pensons qu’il est de notre devoir d’interpeller les autorités au plus haut niveau, pour mettre en application les engagements de l’État à assurer la sécurité des personnes et des biens, qui sont consacrés par la Constitution algérienne. Dernièrement, nous avons organisé une conférence de presse, pour rappeler les engagements internationaux de notre pays, quant à l’abolition de la prostitution, un phénomène d’une extrême violence envers les femmes, qui est toléré par les institutions et une partie de la classe politique. Cette conférence a été tenue suite aux agressions subies par des femmes de M’sila. Les victimes ont été traitées de prostituées par leurs agresseurs et par certains médias, qui les ont stigmatisées, en les présentant comme des débauchées. Certains agresseurs, eux-mêmes, profitent de la détresse de ces femmes mises malgré elle en situation de se prostituer, par manque de protection de l’État.

Vous dites d’un côté que ces victimes ont été traitées de prostituées et de l’autre qu’elles sont mises malgré elles en situation de se prostituer. Finalement, ces femmes agressées, du moins certaines d’entre elles, s’adonnent-elles à la prostitution… ?

Combien même certaines d’entres elles peuvent l’être, devons-nous laisser faire ceux qui s’érigent en justiciers et en gardiens de la morale des femmes ? Que sont devenus les engagements internationaux de notre pays concernant l’abolition de la prostitution ?


Dans le dernier communiqué de l’Ovit, il est fait état de la défection des institutions de l’État en matière de protection des femmes. Sur quoi se fonde votre accusation ?

Nos accusations ne sont pas gratuites, il suffit de feuilleter les quotidiens nationaux pour se rendre compte que les violences faites aux femmes sont le lot du quotidien de ces dernières. Quant à la défection des institutions, il faut rappeler qu’il est de notoriété publique que la majorité des victimes quittent leur domicile de fortune pour des cieux plus cléments, vers des lieux où elles se sentent en sécurité pour un temps. Ce ne sont pas les agresseurs et les commanditaires des nombreuses expéditions punitives contre les femmes qui quittent les lieux, pour séjourner dans les prisons, car ces criminels ne sont pas inquiétés par la justice. Vous faut-il de meilleures preuves ? Dans un État de droit, la victime est protégée par les institutions et les agresseurs répondent de leurs actes devant la société.
Maintenant qu’il s’agisse d’un manque de compétence ou d’une volonté politique machiste au niveau des institutions, les plus hautes autorités de l’État doivent y mettre un terme au plus vite, parce que c’est une situation que nous qualifions de violences institutionnelles envers les femmes. Il faut tout au moins inciter chaque acteur à prendre ses responsabilités, dans son secteur, à l’instar d’un pays comme l’Espagne, qui a pris le taureau par les cornes, en mettant en place une loi cadre pour éradiquer le phénomène de la violence envers les femmes.

Des agressions contre des femmes ont été commises par des groupes d’hommes, notamment, à Hassi Messaoud, Ouargla et M’sila. À quelles logiques obéissent ces violences, d’après vous ? Quelle analyse avez-vous développé sur ce sujet ?

À mon sens, il s’agit de l’existence de plusieurs logiques à la fois : patriarcale, islamiste, autoritaire et antidémocratique. Je vous rappelle tout de même que certaines expéditions contre les femmes se sont produites suite à des prêches donnés par des imams, commis de l’État de surcroît, dans des mosquées. Au niveau de l’Observatoire nous n’avons pas fait d’études, sociologiques ou autres, sur le sujet. Il n’en reste pas moins que toute réflexion sera mise au point en temps voulu, si nos moyens nous les permettaient. L’Observatoire dispose de compétences à son niveau ; nos juristes, sociologues et psychologues, pour ne citer que ceux-là, sont à même d’assurer une certaine réflexion sur le phénomène des violences faites aux femmes et peuvent aussi assurer des formations au profit des acteurs étatiques en charge de la prévention de la violence.

Par Hafida Ameyar

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Nazim Mekbel : « Faire du 22 mars une journée nationale des victimes du terrorisme islamiste en Algérie »

par Hakim Arabdiou

 

Nazim Mekbel est le fils cadet du journaliste-chroniqueur, Saïd Mekbel, assassiné en décembre 1994. Il vit en France depuis cette date. Il a durant plusieurs années, milité au sein de différentes associations socio- culturelles ayant une relation avec l’Algérie. Il est aussi membre du Festival international de la Bande dessinée d’Alger (FIBDA). Il a créée, il y a quelques mois, l’association Ajouad, Algérie, Mémoires, pour honorer la mémoire des victimes du terrorisme islamiste en Algérie, et dont il est le président.

Amel Fardeheb a quitté l’Algérie pour la France avec sa mère et son jeune frère en décembre 1994, suite à l’assassinat, par les terroristes islamistes, le 26 septembre 1994, de son père, Abderrahmane Fardeheb, militant du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS), et professeur d’économie à l’université d’Oran, dans l’ouest de l’Algérie. Amel Fardeheb réside à Marseille où elle enseigne. Elle est aussi secrétaire de l’association Ajouad Algérie Mémoires.

Hakim Arabdiou : Pouvez-vous nous préciser les circonstances dans lesquelles est née votre association, depuis quand, et quels sont ses objectifs ?

Nazim Mekbel : Depuis l’assassinat de mon père, ma famille n’a cessé de commémorer sa mort. Les premières années, nombreux étaient les proches, qui nous accompagnaient dans cette démarche puis peu à peu le nombre a diminué, jusqu’à ces dernières années où nous nous sommes retrouvés seuls. Puis cette réflexion m’est venue : si nous oublions de commémorer l’assassinat de personnalités les plus connues, qu’en est-il alors des anonymes ? Comment vivent les enfants, les épouses, les proches de toutes ces personnes assassinées ? Comment peuvent-elles accepter cet oubli ? un oubli que je considère, comme une négation de ce qui s’est passé. Et c’est ainsi que le 3 décembre 2010, au lieu d’envisager de commémorer l’assassinat de mon père, j’ai lancé Ajouad Algérie Mémoires. L’un des objectifs d’Ajouad est de faire du 22 mars, Journée de la mémoire. Car le 22 mars 1993 puis le 22 mars 1994 ont vu la population algérienne sortir dans la rue pour dire stop à l’intégrisme, et pour défendre la démocratie.

Amel Fardeheb : Ajouad Algérie Mémoire a été créée sur l’initiative de Nazim Mekbel. Notre association a pour but de faire sortir de l’oubli, la mémoire de toutes les victimes du terrorisme islamiste, les victimes connues (journalistes, professeurs, médecins, ingénieurs…) ainsi que les anonymes dont on ne parle jamais (les scouts de Mostaganem, les bergers, ceux qui ont été égorgés dans des faux barrages, les filles enlevées, violées puis assassinées…) et qui font partie intégrante de notre patrimoine humain et historique. Plus précisément, notre association est due au contexte actuel dans lequel évolue notre pays, l’Algérie, pour lequel des enfants, des femmes et des hommes ont payé le prix fort, celui de la vie. Certains pour avoir voulu continuer à vivre librement et à exercer leurs métiers, d’autres pour avoir lutté en vue de l’accomplissement de leur idéal celui d’une Algérie moderne, démocratique ouverte et laïque. Nul n’est sans savoir qu’aujourd’hui des criminels sont amnistiés. Or on ne peut décréter du jour au lendemain l’oubli, et effacer ces lignes qui appartiennent à l’histoire contemporaine de l’Algérie. Cette amnistie est une trahison, une autre douleur à apprivoiser pour les familles des victimes du terrorisme. Devrait-on apprendre à vivre avec le mensonge et l’ignominie ? C’est un supplice que de savoir ces assassins jouir impunément de leur liberté, confortablement intégrés dans la société et de plus indemnisés ! Ils deviennent victimes. Ce travail de mémoire est un devoir.

H. A. : On peut lire dans votre page Facebook que vous limitez vos actions en faveur des familles des victimes de l’islamoterrorisme en Algérie de 1990 à 2000. Pourtant, depuis cette dernière date, le terrorisme islamiste, bien qu’ayant baissé d’intensité, ne continue pas moins de faire beaucoup de victimes.


N. M.
: Il est vrai que nous parlons d’une décennie. Mais cela n’est pas à prendre au sens littéral du terme. Car la première question qui s’impose est de savoir quel nom donner à cette période ? Notre pays a vécu une période sanglante, nous avons perdu plus de 200 000 personnes et nous n’avons même pas de référence nominative. Vous rendez-vous compte ? on a parlé de guerre civile, de guerre contre les civils, de décennie noire et d’une loi d’amnistie, qui impose un black-out. C’est tout simplement ubuesque. C’est pour cela que nous devons trouver la bonne dénomination.

A.F. : Nous sommes bien conscients que l’intégrisme en Algérie a commencé bien avant 1990. Et nous n’en avons toujours pas fini avec, puisque les assassins restent impunis, ils sont amnistiés et jouissent d’une totale liberté. Nous parlons de décennie noire, parce que c’est la période, durant laquelle la férocité du terrorisme a atteint son paroxysme et où beaucoup de nos compatriotes ont été assassinés ou massacrés. On parle de 200 000 morts. Un chiffre qui reste encore non défini, car, à ce jour, aucun recensement n’a été réalisé sur tout le territoire.

H. A. : Avez-vous rencontré des difficultés particulières, lors de la création de votre association ou de la mise en œuvre de vos actions ?

N. M. : Beaucoup de personnes adhèrent au projet, que ce soit en Algérie, en France, au Canada et ailleurs. Ils se rendent compte du travail à faire. Dans Ajouad, nous publions une liste mensuelle (très incomplète) mais qui permet déjà de penser à certains, mais aussi de ressortir des faits oubliés. Si nous avons reçu beaucoup de témoignages de sympathie et d’adhésions, nous avons également eu pas mal de réponses qui allaient dans le sens de l’oubli volontaire, nous disant « Ils sont morts, il faut passer à autre chose. » L’autre difficulté est double, d’abord dans le sens, où beaucoup craignent la récupération politique du mouvement. Ne voulant donc pas être manipulés (en sachant que nous rejetons toute affiliation politique), ils préfèrent rester à l’écart, en observateur. Il y a aussi cette éternelle question du « Qui tue qui ? » à laquelle nous répondons tout simplement, que les données actuelles sont tellement diffuses manipulées, falsifiées que nous ne pouvons répondre à toutes les questions. Oui, il est incroyable de constater à quel point certains faits importants ont été falsifiés ; que certains événements ont été occultés.

A.F. : Pas particulièrement, au contraire, depuis le début de la création de notre association, nous constatons un véritable élan de solidarité. De nombreuses personnes se sont pleinement investies et se sont montrées fidèles à ce travail mémoire.

H. A. : Quelles sont les perspectives de travail de votre association ?


N. M. :
Que la journée du 22 mars devienne, Journée de la mémoire ; que l’on fasse réapparaître les travaux, les oeuvres des personnalités assassinées, qu’on arrive à trouver les noms de ces anonymes listés ici et là sur les différents sites internet. Créer des cellules de prise en charge psychologique, une cellule d’écoute, car nous savons tous que la population a vécu des faits innommables, pas uniquement dans les zones de massacres et beaucoup gardent en eux des séquelles traumatisants. Un père assassiné, des filles enlevées … Nous avons une société traumatisée, qui n’a pas encore réellement fait le deuil de cette tragédie.

A.F. : Nous nous sommes fixés un objectif bien précis : obtenir que le 22 mars soit reconnue en Algérie pour commémorer tous les assassinats des victimes du terrorisme islamiste afin que nul n’oublie. Cette date est symbolique et fait référence aux deux marches populaires le 22 mars 1993 et le 22 mars 1994. Le peuple algérien était alors sorti dans la rue spontanément et massivement, pour clamer son ras-le-bol du climat de terreur dans lequel nous vivions. Nous souhaitons aussi vivement faire connaitre le vécu, les écrits, les travaux, les créations, que chaque victime a laissé derrière elle. Un travail de fond accompli depuis de longues années, je pense au parcours du président Boudiaf assassiné le 29 juin 1992, aux travaux de recherche de Boukhobza, de Boucebci, de Fardeheb, aux œuvres des dramaturges Medjoubi et Alloula, aux chansons de Cheb Hasni et de Rachid Baba-Ahmed, au courage immense de tous nos citoyens qui ont bravé tous les dangers. La liste est malheureusement bien longue. L’idéal, est qu’un jour une stèle soit érigée aux noms de toutes les victimes du terrorisme et qu’enfin l’histoire soit écrite et non falsifiée.

Propos recueillis par Hakim Arabdiou

Proche-Orient
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Israël : "L'Etat a trahi le peuple !"

par Centre communautaire laïc juif de Belgique
http://www.cclj.be/

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Après Tunis, Le Caire, Benghazi, Damas et Madrid, c’est au tour des Israéliens de se révolter. Avides d’un changement de priorités sociales, économiques et politiques, les jeunes sont descendus dans la rue pour faire entendre leurs voix.

Par Ofer Bronchtein, président du1

Il y a une quinzaine de jours, ils étaient des dizaines de milliers à manifester sur la place Rabin. Samedi 30 juillet, ils étaient à Tel-Aviv mais aussi dans toutes les grandes villes du pays. Près de 200.000 manifestants se sont réunis pour exiger que l’Etat serve le peuple et non l’inverse.

L’écrivain David Grossman l’a bien résumé : « L’Etat a trahi le peuple » ! Depuis plusieurs semaines, au cœur de Tel-Aviv, sur la fameuse avenue Rothschild, des milliers d’Israéliens logent dans des tentes.

Des centaines de jeunes les rejoignent quotidiennement. La révolte des tentes s’est d’ailleurs étendue à Jérusalem, Haïfa, Beer Sheva et d’autres grandes villes. Des milliers de parents avec leurs enfants dans des poussettes ont défilé à Tel-Aviv pour exiger les moyens de les élever dignement.

Les médecins poursuivent également leur mouvement de grève. Leur leader a même entamé une grève de la faim. Tous rejettent un système politique où le pouvoir et l’argent ne font qu’un, où la corruption est devenue monnaie courante.

N’oublions pas tous les ministres de leur génération qui ont été mis en examen. L’ex-Premier Ministre Ehoud Olmert est en cours de jugement, d’ex-ministres de l’Economie et de la Santé sont en prison, tandis que l’ex-président Katsav a été condamné pour viol.

Enfin l’actuel ministre de la Défense, Ehoud Barak a dû, à plusieurs reprises, s’expliquer à la police sur des millions accumulés, alors qu’il a été militaire durant presque toute sa carrière. Sans parler de ceux dont on n’a pas encore découverts les méfaits.

Que veulent les Israéliens ? Un changement des priorités nationales ! Ils exigent plus de logements sociaux, une baisse des prix de l’immobilier, un travail mieux rémunéré ou du travail tout court.

Et aussi une baisse générale des prix, un plus grand pouvoir d’achat, la gratuité de l’éducation dès la maternelle, un meilleur système de santé, la fin des monopoles et de la mainmise sur l’économie par une poignée de milliardaires qui contrôlent la presque totalité des richesses du pays.

Réduire le budget militaire

Pour satisfaire leurs revendications, il faudra passer par la case « paix », et arrêter d’investir dans les colonies, le paiement par l’Etat de salaires aux colons. Il faudra réduire le budget militaire, engraissé régulièrement par des dépenses souvent injustifiées et par une culture de la peur que nourrit le pouvoir.

Le coût d’un avion de guerre permettrait à 60.000 étudiants la gratuité annuelle de leurs études, celui d’un tank permettrait à 10.000 collégiens la gratuité de leur scolarité, celui d’un fusil-mitrailleur à un jeune couple d’augmenter ses revenus de 10%.

A Tel-Aviv un nouvel ordre économique, social et certainement politique se construit. Comparé par certains à l’euphorie de la création de l’Etat d’Israël, un vent de changement souffle.
Tôt ou tard, il atteindra les voisins palestiniens car c’est bien du même combat qu’il s’agit : celui de l’espoir, de la justice, de la liberté, celui d’un avenir meilleur !

  1. Le Forum International pour la Paix a été fondé en 2002 par Ofer Bronchtein, ancien collaborateur d’Itzhak Rabin, et Anis El Qaq, ex-secrétaire d’Etat à la coopération de l’Autorité Palestinienne, afin de travailler au rapprochement et à la réconciliation entre les deux peuples. []