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L'hôpital en réanimation

par Bernard Teper

 

Ouvrage collectif dirigé par Bertrand Mas, Frédéric Pierru, Nicole Smolsky et Richard Torrielli aux Éditions du croquant 19 euros.

Voilà un ouvrage qui décrit les conséquences de l’introduction des méthodes managériales du néolibéralisme dans l’hôpital.

Voilà un ouvrage qui montre que ces contre-réformes régressives se font contre le service public , contre les patients et même contre les médecins.

L’initiative en revient au Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E). Ils ont décidé de demander à des sociologues et économistes de montrer les conséquences de cette funeste politique.

Le livre décrit dans le détail les conséquences de ce passage à l’hôpital-entreprise si bien décrit par le chirurgien néolibéral Guy Vallancien qui estime qu’un hôpital cela se gère comme un aéroport.

Le livre démarre par un survol succinct de l’hôpital depuis l’hôtel-Dieu fondé à Lyon en 549 et à Paris en 651 jusqu’à l’hôpital Georges Pompidou des temps modernes. Il décortique les nouvelles techniques importées du management (le New Public Management ou Nouvelle Gestion Publique) directement dictées par les associations multilatérales (Banque mondiale, OCDE, etc.). Et notre ami Frédéric Pierru montre que « les assureurs emménagent à tous les étages de la Sécu » ou comment le trio Bébéar-Kessler-Ewald a pensé la contre-réforme régressive avec le soutien de nombreux autres responsables, passés par les firmes multinationales à but lucratif pour les actionnaires, dont Chadelat et Van Roekhegem. Il montre également comment est pensée la gouvernance à distance par les nouveaux technocrates et autres bureaucrates du néolibéralisme. Il montre également comment une ARS a réussi le tour de force de réaliser « le grand fiasco de l’hôpital sud-francilien » grâce au partenariat public privé (PPP).

L’ouvrage décrit la mutation réalisée par l’introduction de la tarification à l’activité (T2A) qui organise la marchandisation de l’hôpital et comment les codeurs de la T2A prennent le pas sur les médecins. Il est noté aussi le recul du remboursement assurance-maladie et donc l’augmentation du reste à charge pour les patients.

Dans la deuxième partie du livre, Philippe Batifoulier montre la construction du marché de la santé. Des enquêtes mettent en exergue la souffrance au travail tant pour les médecins que pour les autres soignants (enquêtes sur 3000 praticiens hospitaliers et 40.000 soignants). Nicole Smolski présente la déshumanisation des hôpitaux où les actes rentables ont plus d’importance aux yeux des gestionnaires que la qualité de la prévention et des soins.

Divers sujets d’actualité sont étudiés comme celui de la responsabilité médicale et le passage au « benchmarking permanent », une comparaison permanente des indicateurs dont on comprend qu’ils ne sont là que pour mesurer la rentabilité.

Bien évidemment tout cela est la face cachée de ce que les usagers du système de santé dénoncent et qui mériterait une étude aussi fouillée que ce que nous venons de recenser : franchises sur les soins, dépassements d’honoraires, augmentation des inégalités sociales de santé, refus de soins pour causes financières. Notons que le livre fait déjà 366 pages et que probablement d’autres ouvrages vont sortir dans les mois qui viennent qui seront complémentaires à ce livre fort intéressant. Sans doute faudra-t-il développer le lien entre cette mauvaise politique et les politiques économiques et financières néolibérales, revenir sur les causes du « trou de la sécu », montrer l’enchainement des attaques contre le modèle du Conseil National de la Résistance depuis 1967 à nos jours, faire une critique radicale du rôle des complémentaires santé et surtout proposer un nouveau système solidaire de santé et de sécurité sociale dans lequel les mutuelles seraient enfin complémentaires à la Sécu.

En attendant, ce livre est à lire pour entrer dans le débat sur la protection sociale qui ne manquera pas d’avoir lieu lors de la présidentielle.

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« De la ville en politique » de Robert Spizzichino

par Bernard Teper

 

Notre modèle politique est épuisé. Pour penser le modèle politique alternatif, il faut d’abord le penser sous tous ses aspects, sous toutes ses lumières et sous toutes ses ombres. Donc penser aussi la ville, ses finalités, la façon de la construire. Pour cela, une étude critique des politiques urbaines suivies ces dernières décennies est nécessaire. Comprendre les enjeux qui se jouent en ville également.

1.

Mais d’une façon plus générale, tout citoyen qui souhaite penser à notre avenir ne peut se désintéresser de la ville en tant que réceptacle de toutes les contradictions sociales, culturelles et politiques. Vous m’avez compris : il faut lire ce livre !

Je suis un lecteur hétérodoxe, je commence par la fin et dans les 6 postfaces, j’ai commencé par celle de Michel Delebarre, le chantre du néolibéralisme de gauche et du « small is beautiful »2 et celui qui trouve indispensable pour l’urbanisme de Dunkerque la construction d’une croix monumentale à l’entrée du port. Il y écrit sa méfiance de « la sorte de dictature éclairée” qui semble sous-tendue derrière certaines propositions du livre de Robert Spizzichino ou chez ceux qui disent que le jacobinisme est encore nécessaire à toute avancée en matière de décentralisation. Inutile de vous dire que cela a décuplé mon envie de lire le livre de « Spizzy ».

Puis, j’ai lu celle de Patrick Braouzec, chantre du révisionnisme conservateur et du combat communautariste contre la république sociale. J’ai été servi. Il y dit que le lieu du conflit principal n’est plus la valeur travail3 vécue comme un rapport social et politique dans l’entreprise, mais que ce lieu principal de conflit est la ville. Puis, il dit plus loin : « Et on ressort d’un côté laïcité et de l’autre communautarisme. Ce sont les dérives qui surgissent à partir du moment où ces trois emblèmes de la République4… ont volé en éclats ». Donc la laïcité est devenue chez ce monsieur une déviance de la République ! Sarkosy peut dormir tranquille, une partie de la gauche ne fait que de l’opposition de pacotille !

Fort heureusement, les quatre autres postfaces et surtout le livre lui-même sont d’un grand intérêt. On peut même dire qu’à la fin, on a envie de demander à l’auteur « Quand écriras-tu ton prochain livre pour aller au bout de ta pensée ? » Car ce livre pose l’ensemble des problèmes du débat, les « historiettes vécues » situées en fin de chapitre donnent de la chair et de la vie à des propos qui peuvent apparaître pour certains un peu « technos ». C’est donc le premier livre sur le sujet à lire !

Tout y est posé : les reculs des démocraties représentative, participative, inclusive, les études des contradictions de l’urbanisation, de la concurrence des villes, des crises urbaines, de la ségrégation sociale et spatiale, de l’urgence écologique, de la sûreté urbaine, le scandale des stratégies foncières, des pathologies urbaines, des caractéristiques ethniques et sociales, des typologies du logement, la présentation des pensées urbaines, du néolibéralisme urbain, des problèmes économiques dans la ville et pour la ville, etc.

Bravo « Spizzy » !

  1. « ]
  2. plus la collectivité s’éloigne de l’État nation, plus il est heureux []
  3. il ose écrire « … on se demande ce que pèse encore la valeur travail dans notre société. » ! []
  4. liberté, égalité, fraternité, NDLR []
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“La République contre son École” écrit par Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi

par Bernard Teper

 

Disons-le tout net ! Nous n’aimons pas le titre, mais nous avons adoré le livre 1

Car il y a longtemps que la France n’est plus en République. La sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) — qui est la matrice des droits-créances pourtant indispensables pour compléter les droits-libertés si nous voulons la République sociale du 21e siècle — a été tuée par les politiques néolibérales. Et comme la république n’existe plus en France, on ne peut pas dire que c’est elle qui est responsable des maux de l’école.

Cela dit, ce livre est un bonheur : on y lit ce que nous pouvons considérer comme une étape dans la recherche de la vérité. Car améliorer la réalité matérielle n’est possible que si l’on a préalablement une bonne analyse de celle-ci et si l’on en comprend les enjeux. Ce livre, de plus de 300 pages, permet à un citoyen d’être éclairé pour enfin participer au souverain et de ne pas être “manipulé” par la société du spectacle — idée chère à Guy Debord. Les médias dominants et les discours du début du débat de l’élection présidentielle ne parlent que du nombre d’enseignants. Bien que la saignée de plus de 60.000 enseignants ces dernières années soit catastrophique, il y a bien d’autres scandales sur la politique scolaire que ce livre pointe bien.

L’introduction du livre dit l’essentiel : omerta sur le dualisme scolaire, dénigrement des pouvoirs publics de l’école publique, alignement de l’école publique sur l’école privée confessionnelle, développer le financement public des écoles privées confessionnelles, rigueur pour le privé, faveurs pour le privé confessionnel, fossé grandissant entre l’État et l’école publique laïque, ingérence de plus en plus forte de l’église catholique dans la politique scolaire au mépris de la loi de Séparation de 1905, volonté des pouvoirs publics de replacer l’église catholique comme tutelle de l’école, politique globale de l’église catholique contre l’école publique laïque des jardins d’éveil jusqu’à l’université, etc.

Les annexes donnent des chiffres de l’expansionnisme de l’enseignement privé catholique, montrent que la France est championne d’Europe du financement public des écoles privées catholiques — comme elle l’est aussi dans le nombre des lits privés d’hospitalisation (NDLR). La dernière annexe donne les chiffres des écoles communautaires juifs, protestants, bretons, basques, occitans, catalans, protestants évangéliques, bretons catholiques, musulmans et sikhs.

Comme il est écrit en fin d’ouvrage, « quel citoyen ne trouverait pas indécent de revendiquer la prise en charge, par la collectivité publique, de sa course en taxi ? Quel citoyen oserait prétendre illégal le refus de financement public de son transport privé parce qu’il porterait atteinte à sa liberté fondamentale d’aller et venir ? »

L’ouvrage donne des informations très intéressantes sur la concurrence public/privé, sur le soutien des pouvoirs publics au privé confessionnel, sur les officines du lobby patronal, du lobby catholique y compris de l’extrême droite catholique. Il est intéressant de voir que les colloques de ces officines ont comme animateurs et intervenants des habitués des médias aux ordres Natacha Polony, Éric Naulleau, Éric Zemmour, Anne Coffinier, Jean-Claude Gaudin , André Lardeux, Éric Labarre,  Jean-Claude Carle (secrétaire national de l’UMP à l’enseignement privé), etc.

Les auteurs posent même la bonne question : « La gauche est-elle encore héritière de l’école de la République ? »

On apprend en lisant ce livre que l’église a une politique visant à “catholiciser les subventions publiques”. On apprend qu’une institution de la sécurité sociale, la CNAF, « est au service de l’église catholique » par l’intermédiaire de la politique de son président membre de la CFTC. On apprend comment les accords Vatican–Kouchner et la mastérisation répondent aux volontés de la conférence épiscopale. On apprend que des textes papaux prennent force et vigueur dans des universités catholiques financées par l’argent public.

Les auteurs ne vont pas jusqu’à mettre en lumière la trahison des organisations qui ont appelé au Serment de Vincennes de 1961 et qui ont “oublié” ce Serment quelques années après.

Mais pour la reconquête laïque, la lecture de ce livre est indispensable.

À partir de là, les auteurs appellent à une contre-offensive citoyenne et républicaine autour du mot d’ordre “Fonds publics pour la seule école publique !”. Bravo aux auteurs !

  1. La République contre son École écrit par Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi, édité par Démopolis. 21€. []
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Le Livre Noir Du Management, écrit par Isabelle Bourboulon

par Bernard Teper

 

Les politiques néolibérales ont amené de nouvelles techniques de management. Résultat immédiat, la souffrance au travail augmente : troubles musculo-squelettiques (TMS), stress, suicides, etc.

1. Si vous n’êtes pas férus en ce domaine, vous apprendrez beaucoup de choses. Des enquêtes, des témoignages, mais aussi des analyses. Et l’auteure n’en reste pas là : elle donne des exemples d’alter-management pour bien montrer que tout est possible si tant est qu’on le veuille avec courage.

Vous apprendrez comment les techniques du « Nouveau Management Public » (New public management) vous entraînent à l’utilisation des techniques du privé dans les structures publiques. Vous saurez tout des  délices de la « fongibilité asymétrique », qui permet de supprimer des postes dans l’université, pour du crédit, mais pas l’inverse. Vous verrez comment la loi LRU de l’université ou la LOLF permet d’augmenter la souffrance au travail. Vous verrez les délices de l’efficience dans les hôpitaux ! Vous saurez tout sur les impostures : sur les saveurs des évaluations, du management par la qualité, du reporting, de l’utilisation des religions orientales, des cinq forces de Michael Porter, les 7 S de McKinsey, le logo de Mintzberg, etc.

Et puis, cela fait le délice des consultants privés fonctionnant dans les entreprises comme des gourous ou des prêtres.

Le livre d’Isabelle Bourboulon nous montre les alternatives. Elle décrit des cas où l’humain est de retour. Elle montre que l’on peut faire autrement. Et elle donne des exemples. Elle montre comment les syndicats ont repris ce thème pour permettre des améliorations substantielles. À faire lire à ceux qui n’ont que des critiques à faire aux syndicats de salariés.

Des annexes qui ont de l’intérêt : un appel aux débats sur les risques psychosociaux, un manifeste pour la responsabilité sociale des cadres, des repères sur des dates significatives pour le droit au travail, un questionnaire du CHSCT d’IBM Montpellier.

Vous avez compris ? Sortez couvert et lisez ce livre !

  1. Le Livre Noir Du Management, écrit par Isabelle Bourboulon chez Bayard - 18 euros []