Chronique d'Evariste
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Le calme financier pendant la présidentielle française préfigure-t-il un krach, un tsunami ou une action des peuples ?

 

Pendant que la campagne électorale présidentielle démarre avec force en France, il se passe bien des choses inquiétantes.
1) Au terme de l’accord de restructuration de la dette grecque entre les créanciers des banques centrales d’une part et des banques privées à but lucratif pour les actionnaires d’autre part, le comité de décision (Determinations Committee) de l’International Swaps and Derivatives Association (ISDA)1 a estimé qu’il n’y avait pas « d’évènement de crédit » en Grèce. Pourtant les pertes pour les spéculateurs qui ont souscrit des CDS sont réelles.
Décryptage :
Un spéculateur peut souscrire une assurance contre les défauts de paiement des États par l’achat d’un CDS (credit default swaps). Cet achat peut se faire même si on n’est pas détenteur d’une dette d’un État Plus le risque de défaut de paiement est élevé, plus la valeur du CDS monte. Le montant des CDS se trouvant hors bilan, ceux qui en ont souscrit peuvent ne pas mettre dans leur bilan les dettes souveraines toxiques existantes. Si le mécanisme des CDS est enclenché, nul ne sait si les banques spéculatrices pourront payer et bien sûr ce château de cartes risque de s’effondrer car les dettes souveraines hors bilan vont revenir dans le bilan !
Pourquoi l’ISDA qui organise ce marché a-t-elle décidé de ne pas déclarer, pour l’instant, le défaut de paiement ? D’abord, elle a répondu strictement aux deux questions posées et elle se réserve de prendre une autre position plus tard. Elle est prise entre la marteau et l’enclume. Soit elle n’active pas les CDS et la dette souveraine portugaise (dont les taux grimpent fortement ces temps-ci) aura un peu plus de mal à se financer dans le système actuel, soit elle les active et certaines grandes enseignes émettrices de CDS membres de l’ISDA devront payer pour leurs CDS émis !
Pour l’instant, la restructuration de la dette grecque est volontaire mais les autorités grecques ont inscrit dans leur droit la possibilité de faire jouer une clause d’action collective (CAC) obligeant les banques récalcitrantes à la restructuration à y participer. Au besoin, l’ISDA déclarerait probablement l’incident de paiement.
 
2) Le Mécanisme européen de stabilité (MES) a été voté par le Parlement français. C’est un coup d’État contre la démocratie car une autorité extérieure à la démocratie française pourra dicter sa loi à l’État français. La prévision de « l’abdication de la démocratie » faite par Pierre Mendès-France le 18 janvier 1957 devient de plus en plus évidente. Voilà pourquoi il faut continuer à signer la pétition contre ce coup d’État.
Ce MES servira à prêter de l’argent aux États qui ne pourront plus emprunter directement sur les marchés financiers. Mais à quelles conditions ? D’abord le pays devra entériner le nouveau traité européen appelé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union (TSCG) qui obligera les États à durcir de jour en jour les politiques d’austérité à l’encontre des couches populaires et de l’ensemble des salariés.
De plus, l’ensemble constitué par ce nouveau traité et le MES permettra un transfert institutionnel des richesses des citoyens vers les banques privées à but lucratif pour les actionnaires. Puis, le MES autorisera à engager des poursuites si un État ne répond pas à un appel de fonds exigé sous 7 jours ! Les documents du MES sont décrétés inviolables et interdits à la connaissance des citoyens. Les décisions seront prises à la majorité qualifiée de 85 %, donc seuls 3 pays auront le droit de veto : l’Allemagne, la France et l’Italie. Bien évidemment, le MES sera autorisé à « lever » des fonds supplémentaires sur les marchés financiers puisqu’il pourra se faire financer par les États pour organiser l’effet levier des pratiques bancaires.

Peut-on sortir de l’étau mis en place par l’oligarchie européenne et mondiale ?

Oui, à condition de sortir du modèle politique néolibéral et de ne plus suivre les politiques ordolibérales (l’ordolibéralisme est une des variantes du néolibéralisme qui pousse les dirigeants des États à remplacer les processus démocratiques par des processus d’experts) d’extrême droite, de droite ou de gauche!
D’abord, décider de financer une politique économique et sociale en utilisant le deuxième alinéa de l’article 123, qui permet à la BCE et aux banques centrales nationales de prêter aux établissements publics de crédit. Pour cela, constituer un pôle public financier est une nécessité.
Et si l’oligarchie s’y oppose, il faudra en venir à la désobéissance à certains articles du traité de Lisbonne.
La troisième phase consisterait ensuite à construire le modèle politique alternatif de la république sociale.

  1. composé de Bank of America Merrill Lynch,
    Barclays, Crédit Suisse, Deutsche Bank AG, Goldman Sachs, JP Morgan Chase Bank, Morgan Stanley, UBS, BNP Paribas, Societé Générale, Citadel Investment Group, Shaw Group, BlueMountain Capital, Elliott Management Corporation, Pacific Investment Management Co []
Politique
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Alsace-Moselle : sortir de la confusion et fixer le cap

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

On connaît l’histoire initiale.
La grande Révolution française édicte la première rupture laïque de l’histoire de l’humanité. La création de la République installée le 22 septembre 1792 engage la France dans une dynamique démocratique et laïque. Une loi de séparation est votée mais jamais appliquée. Un coup d’État anti-républicain met au pouvoir un nouveau César, Napoléon Bonaparte qui, entre autres, dote la France du Concordat de 1801 lui octroyant de larges pouvoirs d’administration des églises en contrepartie d’une institutionnalisation de la non-séparation et de la fonctionnarisation des ministres du culte. Parenthèse 1 : c’est ce Concordat qui fut le modèle de la Constitution anti-laïque turque édictée par Mustapha Kemal au début des années 1920 et qui sied très bien au gouvernement islamiste turc actuel.

Les partisans de la république laïque et sociale deviennent visibles lors de la révolution de 1848. Le Second empire balayera tout cela en rajoutant à l’édifice anti-laïque la célèbre loi Falloux de 1850 . Parenthèse 2 : c’est cette loi anti-laïque que François Bayrou souhaitera développer, entraînant une manifestation hostile au projet gouvernemental d’un million de personnes le 16 janvier 1994. Puis, celui que Victor Hugo appelait Napoléon le petit perdit la guerre de 1870, ce qui amputa la France de l’Alsace-Moselle.
Les partisans de la République laïque et sociale refont surface lors de la Commune de Paris mais le gouvernement anti-laïque et réactionnaire dirigé par Tiers réprimera cela dans le sang.
Les partisans de la République laïque et sociale regroupés autour de Jean Jaurès appuient Aristide Briand pour obtenir enfin la loi promulguée le 9 décembre 1905 et publiée par le Journal officiel le 11 décembre 1905. Cette loi fut ensuite altérée par une kyrielle de lois anti-laïques.
La victoire des alliés en 1918 vit le retour de l’Alsace-Moselle au sein de la République française. Mais ces trois départements n’ayant pas vécu le conflit de la loi de 1905 réintégraient la France avec le Concordat de 1801. Une intense bataille juridique eut lieu entre 1919 et 1924 entre les partisans de la République sociale et le lobby catholique. La bataille fut perdue et la dérogation concordataire acceptée par le Parlement français.
Pour des raisons qui commencent à être travaillées par les historiens, les partisans de la République laïque et sociale - malgré des avancées laïques (circulaires de Jean Zay de 1937, loi du 15 mars 2004 pour annuler les effets de l’article 10 de la loi Jospin du 10 juillet 1989) - n’ont jamais à ce jour réussi à construire un rapport de forces suffisant pour supprimer les dérogations à la loi de 1905.

Arrive l’élection présidentielle de 2012. Le contexte de la séquence post-2004 renforce le camp laïque, s’appuyant sur les nombreuses provocations de Nicolas Sarkozy. Dans ce contexte électoral, François Hollande propose lors d’une de ses conférences au Grand Orient de France, largement développée dans les grands médias, de constitutionnaliser les principes édictés dans les articles 1 et 2 de la loi de 1905. Le camp laïque applaudit.
Après cet acte 1, nous avons vécu l’acte 2 à savoir la réaction hostile du député-maire socialiste de Strasbourg, Ries,un des chefs du lobby clérical au sein du PS
Très rapidement, acte 3, François Hollande lance la formule d’un compromis intra-PS, à savoir la proposition n°46 qui propose rien de moins que de constitutionnaliser en même temps les principes édictés dans les articles 1 et 2 mais aussi la dérogation concordataire d’Alsace-Moselle. Voici qui préfigure ce que pourrait être une présidence socialiste aujourd’hui : on proposerait de constitutionnaliser le pour et son contraire, et donc des principes à la carte en fonction de la puissance du lobby clérical.
Mais cela ne s’arrête pas là. En avant vers l’acte 4. Le Collectif laïque, qui regroupe les principales obédiences maçonniques adogmatiques mais aussi des petites associations laïques et les deux associations familiales laïques, décide de faire un communiqué contre la proposition n°46 du candidat Hollande. Mais les signataires à ce jour ne rassemblent pas l’ensemble du camp laïque.
Ce communiqué va dans le bon sens. Mais il insiste plus particulièrement sur le statut des cultes dans son deuxième paragraphe (sans parler du statut scolaire qui est pour les partisans de la République sociale tout aussi important, car l’école en est l’une des pierres angulaires) et propose une commission pour étudier un “passage en douceur”, c’est-à-dire par étapes entre la situation actuelle et la loi de 1905.

Nous sommes donc entrés dans le temps de l’acte 5, celui de la palabre. D’aucuns sont en train de proposer à François Hollande “de faire machine arrière sans se déjuger” en ne faisant constitutionnaliser que les principes des articles 1 et 2 de la loi, mais en faisant voter des lois organiques organisant les différentes dérogations en Alsace-Moselle, et également dans les départements d’outre-mer et pourquoi pas dans certains autres départements français…

D’autres proposent de supprimer la proposition 46 de François Hollande et de maintenir le statu quo…
Tout cela est grotesque. La confusion est à son comble. Ce sont de petits “arrangements” en coulisses pour une grande société du spectacle !

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A quand une campagne électorale démocratique ?

 

Selon les relevés chiffrés du CSA, les temps de parole à la télévision sur les chaines dites généralistes ((TF1, France 2, France 3, France 5 et Canal+, nous avons retiré M6, France 4, France O, pour simplifier)) consacrés par aux candidats déclarés à la présidence de la République entre le 1er janvier et le 24 février 2012 ont été les suivants :

Voir le document en PDF (meilleure résolution)

Sans entrer dans les détails, il faut souligner également que si l’on prend les passages radio, les déséquilibres sont bien pires et que si l’on cherche à faire un comparatif qualitatif cela devient indécent.
Dernière exemple en date, l’émission Parole de candidat sur TF1 le lundi 5 mars. Marine Le Pen a été reçue à 20h30 et pendant 2h, alors que Jean-Luc Mélenchon a été reçu à 22h30 et moins d’une heure. L’équité à bon dos…

Source : CSA

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Le CADTM dénonce la campagne de désinformation sur la dette grecque et le plan de sauvetage des créanciers privés

par Le CADTM
Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde
http://www.cadtm.org/Francais

Source de l'article

 

Plus de 85% des créanciers privés (banques, assurances, fonds de pension…) ont accepté jeudi soir de participer à la restructuration de la dette grecque en effaçant 107 milliards d’euros. Sur le papier, ces créanciers renoncent ainsi à 53,5% de leurs créances. Mais contrairement aux apparences, le CADTM affirme que cette opération est surtout une bonne nouvelle pour les banques grecques et européennes (principalement françaises et allemandes), pas pour le peuple grec à qui on promet de nouvelles détériorations de ses conditions de vie.

En effet, les créanciers et le gouvernement grec ont mis en place un montage complexe : les créanciers privés échangent leurs titres grecs contre de nouveaux d’une valeur (faciale) inférieure. Ainsi, pour une obligation échangée d’un montant initial de 100 euros, les créanciers vont recevoir un nouveau titre d’une valeur faciale de 46,5 euros. Loin de perdre à ce petit jeu, les créanciers privés troquent des titres qui se vendaient entre 15 et 30 euros sur le marché secondaire pour des titres bien plus sûrs.

De surcroît, la Troïka octroie un nouveau prêt de 130 milliards à la condition que le montant soit utilisé pour payer la dette et soutenir les banques. Alors que tous les grands médias reprennent le refrain officiel selon lequel la dette grecque est réduite de 107 milliards d’euros, ils oublient d’intégrer les 130 milliards de nouveaux crédits octroyés par la Troïka qui viennent l’augmenter. En bout de course, les créanciers privés s’en sortent très bien et sont remplacés par des créanciers publics internationaux (BCE, Etats de la zone euro, FMI) qui vont exercer une pression constante sur les autorités grecques afin d’aggraver les mesures antisociales.

De plus, alors qu’en cas de litige 85% des anciens titres dépendaient de la législation grecque, l’entièreté des nouveaux titres dépendra de la justice de Londres. L’objectif des créanciers est de limiter la possibilité de la Grèce de décréter un défaut de paiement ou une annulation.

Pour le CADTM, ce nouveau plan est une supercherie car, sous prétexte de venir en aide à la Grèce, il sauve la mise aux créanciers privés qui portent pourtant une lourde responsabilité dans l’endettement de la nation hellène. Les banques ont utilisé une partie de l’argent public injecté afin de les sauver de la faillite en 2008-2009 pour spéculer sur la dette grecque et ont pu réaliser d’énormes profits avant de pousser la Grèce vers la grave crise qu’elle connaît.

Selon le CADTM, tous les prêts de la Troïka à la Grèce octroyés depuis mai 2010 sont odieux, ils sont frappés de nullité car ils constituent une violation permanente des droits économiques, sociaux, civils et politiques des citoyens grecs.

Le CADTM tient une nouvelle fois à saluer le courage et la détermination du peuple grec qui lutte contre les politiques d’austérité inhumaines imposées par la Troïka. Le AAA des créanciers (Austérité Austérité Austérité) doit laisser la place au AAA des peuples : Audit Annulation Autre politique.

Pour le CADTM, la solution passe nécessairement par la mise en place d’une politique radicalement différente. En Grèce comme dans les autres pays soumis à la Troïka, il faut mettre fin au remboursement de la dette et abandonner les mesures antisociales. Afin de lutter contre la campagne mensongère sur la crise grecque, il faut renforcer l’audit citoyen de la dette publique qui doit aboutir à la répudiation de la part illégitime ou odieuse. Le CADTM soutient pleinement la Campagne d’audit de la dette grecque et les comités d’audit qui se mettent en place dans plusieurs autres pays européens. Le CADTM appelle à multiplier les actions de solidarité avec le peuple grec et à constituer un large front social européen contre les politiques d’austérité.

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Le coût du travail

par Jean-Michel Muglioni

Source de l'article

 

Jean-Michel Muglioni, n’étant pas candidat à une élection, propose ici quelques réflexions sur le coût du travail sans prétendre apporter la moindre solution ni donner à quiconque le moindre conseil.

Le vivant coûte plus cher que la machine

La dénomination d’unité de puissance cheval-vapeur conserve le souvenir du passage de la traction animale à la machine à vapeur : à la fin du XVIII° siècle, il fallait montrer que le mécanique coûte moins cher que le vivant. De la même façon, comme l’a soutenu Georges Canguilhem1, l’abolition de l’esclavage doit moins à la philanthropie qu’aux progrès techniques. On oublie trop souvent que la machine est non seulement plus efficace que l’esclave, mais surtout moins chère. Il faut nourrir l’animal, il faut nourrir l’esclave, il faut en assurer la reproduction, la garde, le dressage ou l’instruction. Et du même coup il est arrivé que le salariat soit plus rentable que le servage. Ainsi l’économie est toujours en dernière analyse ce que Hegel appelle le règne des besoins et toute philosophie de la technique qui n’est pas en même temps une économie politique est superficielle - raison pour laquelle la fascination exercée sur certains esprits par les pages « apolitiques » de Heidegger sur la technique est inexplicable.

L’idée géniale de faire baisser le coût du travail

Dans les années 70 du XX° siècle, les payeurs ayant cédé aux exigences des travailleurs, le salariat finit par coûter trop cher. Il n’était pas rentable de payer salaires, cotisations sociales, impôts, assurances, retraites, mesures qui limitent accidents du travail et pollution, etc. L’Europe se trouva devant un problème dramatique : comment faire baisser le coût du travail ? Il ne suffit pas d’inventer une nouvelle machine, une nouvelle ruse technique, mais il fallut une ruse économique et politique. Jusque là, comme Ford l’avait cru, qui voulait que ses ouvriers achètent les voitures qu’ils produisent, on admettait qu’il faut payer les travailleurs pour qu’ils servent de débouché à une production dont l’accroissement permet l’accroissement du capital (l’enrichissement de ses possesseurs, les actionnaires). Ce cercle passa pour vertueux jusqu’à ce qu’on découvre qu’il était devenu inutile de payer les salariés européens, puisqu’on pouvait donner le travail aux pauvres des contrées lointaines, qu’on payait le moins possible. On transporta à bas coût leur production d’un bout à l’autre de la planète, et l’on cessa de payer le salariat européen. Il suffisait en effet d’y penser : un chômeur européen plus un ouvrier sous-payé d’un pays lointain coûtent moins cher qu’un travailleur européen assuré social et futur retraité, d’autant plus que les actionnaires n’ont pas à payer les chômeurs et les dégâts causés par le chômage. On peut donc s’enrichir non par la hausse mais par la baisse du coût du travail, ce qui pour un économiste est le comble de la rationalité. Pour faire admettre cette politique, il faut une propagande : c’est le discours sur la « valeur travail », expression au demeurant peu conforme au génie de la langue2, qui signifie que le travail a d’autant plus de valeur qu’il coûte moins cher.

Une ruse géniale : créer un pays à bas-coût en Europe

L’inventivité des hommes est sans limite : ils sont prêts à toutes les ruses pour s’enrichir. L’extension du marché européen à des pays où le travail coûte moins cher ne suffisait pas. On a donc prêté à l’un des pays de ce marché des sommes dont on savait qu’il ne pourrait pas les rembourser, jusqu’à ce que les autres lui imposent, sous prétexte de rembourser ses dettes, de baisser les salaires et de limiter le plus possible tout ce qu’on appelait jusqu’alors aide ou sécurité sociales. C’était faire d’une pierre deux coups. D’une part on dispose sur place d’un pays où le coût du travail est enfin supportable et donc la « valeur travail » honorée, et d’autre part l’oligarchie remplace la démocratie. Ainsi le propriétaire d’une entreprise appartenant aux pays qui n’ont pas encore baissé les salaires l’installe dans le pays mis sous tutelle et peut imposer à ses salariés une diminution drastique de leur salaire3. Alors le coût du travail redevient supportable, du moins pour quelques années, et le chômage continue de s’accroître dans les pays tuteurs. Jusqu’où ira une telle politique ? Parviendra-t-elle à transformer les pays du sud en camp de travail à bas coût pour les pays du nord ? La production s’effondrera-t-elle faute de consommateurs en sorte que la récession finira par ruiner toute l’Europe ?

La résignation

Ou les peuples finiront-ils par se réveiller ? Car jusqu’ici aucun des responsables de cette politique n’a été arrêté, jugé ou lynché. Voici comment Montaigne se fit le porte parole des cannibales et formula leur jugement sur la France de la fin du XVI° siècle porte : « ils avaient aperçu, écrit-il, qu’il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté ; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses, pouvaient souffrir une telle injustice, qu’ils ne prissent les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons. » La résignation et la veulerie des hommes permettent aux bandits de tout oser.

Un dilemme économique

Un citoyen normalement ignorant et peu intéressé par la bourse ne peut manquer de tourner et retourner dans sa tête un dilemme. Le monde semble avoir le choix entre deux abîmes. D’un côté il y a le cercle prétendument vertueux d’un accroissement toujours plus grand des richesses pour assurer par la consommation l’augmentation de la production et donc du capital : le capitalisme classique associe l’enrichissement des pauvres à celui des riches et ce qu’on appelle les trente glorieuses en était le modèle. De l’autre au contraire il y a un accroissement des écarts entre riches et pauvres, qui permet aux plus fortunés de l’être d’autant plus que les pauvres sont plus pauvres. Les deux systèmes sont naturellement voués à l’échec puisque d’un côté on ne peut pas indéfiniment produire sans épuiser toutes les ressources de la planète, et de l’autre, la production ne trouvant plus les débouchés dont elle a besoin, c’est la récession, qui comme toujours touche d’abord les plus faibles.

Le travail désocialisé

Les philosophes des siècles passés nous ont appris que le travail est producteur de richesses. Ils ne voulaient pas dire que chacun doit travailler pour s’enrichir – on savait alors que l’enrichissement personnel requiert d’autres moyens –, mais pour contribuer à la prospérité générale : par son travail, croyaient-ils, chacun collabore à une œuvre commune et permet ainsi à tous de vivre une vie humaine, c’est-à-dire d’avoir le temps et les moyens de faire autre chose que de travailler. Cette représentation du travail a fini par disparaître et le slogan : « Il faut travailler plus pour gagner plus » en est à la fois un des symptômes et une des causes. Le travail a perdu dans les esprits sa valeur sociale, c’est-à-dire ce qui fait son sens.
Au milieu du XX° siècle, l’Europe s’était donné un droit du travail conforme à la nature sociale de la coopération humaine, et après de nombreuses luttes, les fruits du travail, au lieu d’enrichir seulement les plus riches, permettaient aux Etats d’aménager le territoire, de créer des écoles et des hôpitaux où l’enseignement et les soins étaient gratuits, de construire aussi des salles de concert et des musées, etc. Parler d’Etat-Providence pour caractériser ces régimes revient à mettre sur le compte d’un miracle des pratiques conformes à la nature des choses et à la justice. Le travail ainsi désocialisé dans les esprits, il ne restait plus qu’à le désocialiser dans la société.

Le prétexte de la dette

Il est aisé, dans ces conditions, de faire croire que le coût du travail est exorbitant. Qu’il comprenne, il me faut le répéter, le financement de l’armée, de la police, de la justice, de l’aménagement du territoire, de l’école, de la santé, bref, de tout ce qui permet de mener une vie humaine, plus personne ne semble en avoir la moindre idée. Il faut changer notre « modèle social », car il coûte trop cher, tel est l’impératif politique du temps présent ! Et les comptes montrent en effet d’une manière irréfutable que tout cela non seulement coûte cher mais ne produit pas de richesse. On a donc continué pendant des années de payer à crédit cette « assistance », comme on dit (puisqu’assurer à un homme les conditions matérielles de sa dignité d’homme, c’est de l’assistanat, c’est une prime à la paresse), en enrichissant les banques auxquelles on empruntait, et elles ont fini par penser que les Etats pourraient ne pas les rembourser. Elles leur imposent donc aujourd’hui de ne plus payer fonctionnaires, infirmières, musiciens, instituteurs, juges, policiers, etc. qui tous sont des parasites économiques, ainsi que les retraités et les malades. Et comme la plupart des hommes ne comprennent plus le sens du travail et considèrent que sa finalité est de leur faire gagner de l’argent, les peuples se soumettent sans trop broncher aux purges qu’on leur impose. Ainsi, en ce début de l’année 2012, dans la campagne électorale pour la présidence de la République, il est généralement entendu que le problème de la France est la dette de l’Etat, et la rue reste calme. Réformer veut dire aujourd’hui cesser de financer tout ce par quoi la société française est conforme à ce que doit être une société humaine. Est-ce un progrès de la civilisation, puisque des chefs d’Etat élus respectent leurs argentiers, contrairement au roi de France qui au XIV° siècle s’en prit aux Lombards, ou bien faut-il conclure que l’intérêt de l’actionnariat prévalant sur l’intérêt général, la royauté était plus républicaine que la république ?

  1. Machine et organisme, p.108, dans La connaissance de la vie, Vrin 1971. []
  2. cf. Sur un mot de Laurence Parisot, cf. Valeurs III, note sur la valeur travail. []
  3. Cf. par ex. ]
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Néolibéralisme et crise de la dette, par Bernard Teper et Michel Zerbato

par Monique Vézinet

 

Néolibéralisme et crise de la dette, par Bernard Teper et Michel Zerbato
mars 2012, 128 p. 8,50 €
en libraire – ISBN 979-10-90966-02-4

Parmi les nombreux ouvrages traitant de la crise actuelle, celui-ci ne se distingue pas par une lecture linéaire et reposante, guidant le lecteur d’un exposé des origines et des causes, à la description de la situation avant de déboucher sur des pistes ou propositions, classées le long d’un axe dont un pôle est « sortons de l’Europe et/ou de l’euro » et l’autre « le cadre européen est nécessaire, régulons la finance ». Le propos ici est plus complexe et l’ordre d’exposition inverse : les 20 premières pages tracent un tableau de la République sociale dans toutes ses implications où les lecteurs de RESPUBLICA reconnaîtront bien des propos lus sous la plume d’Evariste et de Bernard Teper en particulier. Ce cadre étant défini, vient ensuite l’analyse économique, mais elle ne va pas se restreindre à un discours d’« experts » ni à un programme tout ficelé : devant une crise systémique, en vue d’un changement profond de système, il s’agit d’abord d’expliciter les mécanismes.

Si la partie centrale du livre s’intitule « Economie politique de la crise », il faut l’entendre au plein sens du terme avec comme référence - à la fois dans le passé et pour l’avenir - l’esprit du Keynes de Bretton Woods et du programme du Conseil national de la Résistance : une société où le corps politique s’interposant entre la société civile et l’Etat fait sortir l’éducation, la protection sociale et les services publics de la sphère du marché, y désigne ses représentants et arbitre le financement entre la cotisation et l’impôt.

Les auteurs détaillent les avancées des Trente Glorieuses qui surent un temps combiner une croissance de type fordiste et la redistribution des gains de productivité aux travailleurs grâce à de puissantes luttes sociales, puis sous l’effet de la baisse structurelle du taux de profit le recours à l’inflation qui justifia le discrédit du keynésianisme et son remplacement par le néo-libéralisme. Il faut suivre dans le détail, et en fonction des pays, la chronologie et les variantes doctrinales qui accompagnent ce processus : il aboutit clairement en 2007 à une impasse : « le néo-libéralisme est sorti de la spirale inflation-dévaluation des années 70 et de la stagflation terminale en s’enfermant dans la spirale dette-austérité-stagnation, qui lui sera fatale, parce qu’elle dresse devant lui un mur qu’il ne peut pas franchir, le mur de la dette ».

Préparée par un chapitre très pédagogique sur la monnaie et la création de monnaie, la démonstration du caractère contradictoire et nocif de la gestion financière de l’économie, celle qui privilégie la rente à court terme sur l’accumulation réelle, peut alors se déployer pour décrire les années 2008-2011 et conduire à la conclusion que seule la démondialisation peut permettre le retour à la souveraineté monétaire. Revenir au cadre national, à la République en lieu et place du gouvernement par des bureaucraties, est donc le préalable à toute construction altermondialiste - démocratique cette fois et sous réserve des convergences nécessaires. Distinguant des mesures de temps court et des mesures de temps long, les auteurs restent prudents sur les divers scénarios mais ils rappellent que seules les catégories sociales les plus nombreuses et les plus concernées, c’est-à-dire les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires, seront en mesure de peser sur la transformation sociale dans notre pays, que c’est donc à elles qu’il faut s’adresser1.

  1. et c’est à quoi vise cette nouvelle collection de livres d’éducation populaire intitulée « Osez la République sociale ! », qui gagnera cependant à une présentation plus soignée pour ses prochains titres []
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Entretien avec Jean-Luc Mélenchon (4/5)

 

Voici les 2 extraits de cette semaine de l’entetien exclusif qui a été accordé par Jean-Luc Mélenchon à la rédaction de ReSPUBLICA. Nous publions 2 extraits par semaine. Vous pouvez voir l’ensemble des extraits déjà publiés en cliquant ici : entretien avec Jean-Luc Mélenchon. Prochaines vidéos, le 12 mars.

Cette semaine, nous quittons les questions autour de la laïcité pour parler de l’éducation et de la République.

Que penses-tu des annonces par François Hollande concernant l’éducation ?

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Entretien réalisé par Bernard Teper.

Comment un gouvernement de gauche devrait-il procéder pour fonder le modèle de la République sociale ?

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Entretien réalisé par Bernard Teper.

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Entretien avec Jean-Luc Mélenchon (5/5)

 

Voici les 2 derniers extraits de l’entetien exclusif qui a été accordé par Jean-Luc Mélenchon à la rédaction de ReSPUBLICA. Cette semaine il est question de services publics, protection sociale et planification écologique. Vous pouvez voir l’ensemble de l’entretien en cliquant ici : entretien avec Jean-Luc Mélenchon.

Comment faudrait-il procéder pour relancer les services publics, la santé ou encore la protection sociale ?

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Entretien réalisé par Bernard Teper.

Peux-tu développer pour nous ton concept de planification écologique ?

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Entretien réalisé par Bernard Teper.

Pour voir et revoir l’ensemble de l’entretien, c’est ici : entretien avec Jean-Luc Mélenchon

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Morceaux choisis de Jean Jaurès

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

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« Je me préoccupais surtout d’introduire jusque dans la société d’aujourd’hui des formes nouvelles de propriété, à la fois nationales et syndicales, communistes et prolétariennes, qui fissent peu à peu éclater les cadres du capitalisme. C’est dans cet esprit que lorsque la Verrerie ouvrière fut fondée, je pris délibérément parti contre les amis de Guesde, qui, dans les réunions préparatoires tenues à Paris, voulaient la réduire à n’être qu’une verrerie aux verriers, simple contrefaçon ouvrière de l’usine capitaliste. Je soutins de toutes mes forces ceux qui voulurent en faire et qui en ont fait la propriété commune de toutes les organisations ouvrières, créant ainsi le type de propriété qui se rapproche le plus, dans la société d’aujourd’hui, du communisme prolétarien. J’étais donc toujours dirigé par ce que Marx a nommé magnifiquement l’évolution révolutionnaire. Elle consiste, selon moi, à introduire dans la société d’aujourd’hui des formes de propriété qui la démentent et qui la dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la dissolution du monde ancien. Les réformes ne sont pas des adoucissants : elles sont, elles doivent être des préparations. »
Jean Jaurès, République et socialisme ; 17 octobre 1901.

« L’histoire démontre que des formes diverses et même contradictoires ont souvent coexisté : longtemps la production corporative et la production capitaliste ont fonctionné côte à côte : tout le XVIIe et tout le XVIIIe siècles sont faits du mélange des deux, et longtemps aussi le travail libre agricole et le servage avaient coexisté. Et je suis convaincu que dans l’évolution révolutionnaire qui nous conduira au communisme, la propriété collectiviste et la propriété individuelle, le communisme et le capitalisme seront longtemps juxtaposés. C’est la loi même des grandes transformations. »
Jean Jaurès, Question de méthode, 17 novembre 1901.

« Et c’est parce que le socialisme apparaît comme seul capable de résoudre cette contradiction fondamentale de la société présente, c’est parce que le socialisme proclame que la République politique doit aboutir à la République sociale, c’est parce qu’il veut que la République soit affirmée dans l’atelier comme elle est affirmée ici, c’est parce qu’il veut que la nation soit souveraine dans l’ordre économique pour briser les privilèges du capitalisme oisif, comme elle est souveraine dans l’ordre politique, c’est pour cela que le socialisme sort du mouvement républicain…  »
Jean Jaurès,discours du 21/11/1893.

Morceaux choisis de Jean Jaurès exhumés par Bernard Teper

Brèves
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Egalité Femmes/Hommes : des propositions concrètes à l'occasion du 8 mars

 

Pourquoi n’y a t il que 7 % de femmes parmi les cadres supérieurs ? Parce que les femmes accouchent. La sélection se fait là. Ensuite, elles gagnent de moins 20 à moins 27 % de salaire que les hommes en moyenne. Comment protéger les femmes lors de leurs congés maternité ? Comment imposer l’égalité salariale femmes/hommes ? Voir les propositions de Gérard Filoche dans “Démocratie et Socialisme

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Film : Les nouveaux chiens de garde

 

Nous vous recommandons la vision du film “Les nouveaux chiens de garde” (avec la participation notamment de Michel Naudy) qui passe actuellement dans Paris 11e , au cinéma Cinéma La Bastille - 5, rue du Faubourg-Saint-Antoine.
Pour les camarades de province, veuillez vous renseigner auprès des réalisateurs pour savoir où cela passe près de chez vous.
Ce film est à voir absolument.