Chronique d'Evariste
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Pétition : Laïcité sans exceptions

 

Oui à la consti­tu­tion­na­li­sa­tion des prin­cipes de la loi de 1905 — Non au main­tien des sta­tuts déro­ga­toires (Alsace-Moselle, col­lec­ti­vi­tés d’Outre-Mer)


Après avoir sus­cité l’espoir dans une décla­ra­tion prô­nant la consti­tu­tion­na­li­sa­tion des deux pre­miers articles de la loi du 9 décembre 1905 por­tant sépa­ra­tion des églises et de l’Etat, le can­di­dat Hol­lande revient gra­ve­ment en arrière avec la pro­po­si­tion 46 qui abou­tit à consti­tu­tion­na­li­ser le sys­tème déro­ga­toire anti-laïque d’Alsace-Moselle. Il a tenu à pré­ci­ser : « Bien loin de por­ter atteinte aux règles qui régissent, de façon par­ti­cu­lière, les rela­tions entre l’Etat et les cultes concor­da­taires en Alsace-Moselle, elles seront au contraire confor­tées dans leur spé­ci­fi­cité, en se voyant recon­nues au niveau constitutionnel. »

Lire la suite et signer la pétition sur le site dédié à cette campagne

Les organisations signataires (par ordre alphabétique) :

Les Amis de ReSPUBLICA, l’Association Des Libres Penseurs de France (ADLPF), le REP (Réseau Education Populaire) et l’Ufal.

Les premiers signataires (par ordre alphabétique) :

Jean-Claude Amara (porte-parole de Droits devant !!), Charles Arambourou (resp. laïcité de l’Ufal), Tony Bernard (Maire de Châ­tel­don (63), Parti de gauche), Yann Barte (journaliste), Yann Bugeaud (professeur des universités, mathématiques, Université de Strasbourg), Monique Cabotte-Carillon (présidente du CEDEC - Chrétiens pour une Eglise Dégagée de l’Ecole Confessionnelle), Michel Canet (Président de l’Ufal), Bernard Ferrand (Vice-Président EGALE, universitaire), Caroline Fourest (rédactrice en chef de la revue ProChoix), William Gas­pa­rini (Pro­fes­seur des universités), Christian Gaudray (secr. général de l’Ufal), Nicolas Gavrilenko (président des Amis de ReSPUBLICA), Pierre Hartmann (professeur des universités, littérature, directeur de l’Ecole doctorale des humanités, Université de Strasbourg), Pierre Hayat (professeur de philosophie), Catherine Jousse (co-animatrice du Réseau Education Populaire), Catherine Kintzler (Philosophe), Pas­cale Le Néouannic (Conseillère régio­nale, SN du Parti de Gauche), Josiane Nervi-Gasparini (Maître de conférences), Denis Pelletier (Président de l’ADLPF), Henri Peña-Ruiz (Philo­sophe), Yves Pras (président du CAEDEL Mou­ve­ment Europe et Laicité), Jean-Michel Quillar­det (ancien grand maître du GODF), Jean Riedinger (secrétaire de l’OCL - Observatoire chrétien de la laïcité), Jean-Paul Scot (Historien), Danielle Simonnet (membre du Secrétariat National du Parti de Gauche, Conseillère de Paris), Bernard Teper (Réseau éducation populaire (REP) et ReSPUBLICA), Monique Vézinet (ReSPUBLICA et présidente de l’Ufal Ile de France) et Alain Vivien (ancien ministre).

Laïcité sans exceptions
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Réponse à la Libre Pensée : Non, la loi de 1905 n’est pas « garantie » par la Constitution !

par Charles Arambourou
militant au Front de Gauche ; praticien des finances publiques.

Source de l'article

 

Dans un communiqué du 29 mars, la Fédération nationale de la Libre Pensée (LP) s’en prend à la proposition de constitutionnaliser la loi de 1905, soutenant qu’elle serait inutile et dangereuse. La critique de la proposition 46 de François Hollande, constitutionnalisant aussi « son contraire : la survivance du Concordat en Alsace-Moselle » est justifiée. En revanche, la LP a tort d’affirmer que « la constitutionnalisation des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 n’apporterait pas de garantie nouvelle par rapport à la situation actuelle. »

Lire la suite sur le site dédié à la campagne “Laïcité sans exceptions”.

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Interview de Bernard Teper par France Culture sur les amalgames faits au nom de la laïcité

 

Dans le cadre du lancement de la pétition Laïcité sans exceptions, France Culture a interviewé Bernard Teper, membre de la rédaction de ReSPUBLICA. Les journaux d’informations du 30 mars ont évoqués plusieurs fois la pétition lancée par des associations laïques et a retenu ce passage de l’interview qui concerne les amalgames qui sont faits au nom de la laïcité :

A l’écoute, au format Mp3 (2’): France Culture, extrait de l’interview accordée par Bernard Teper.

Lutter contre le néo-libéralisme
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Le néo-libéralisme, entre menteurs et diseurs de mensonges (1ère partie)

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

« Je sais bien que les grammairiens font différence entre dire mensonge et mentir, et disent que dire mensonge, c’est dire chose fausse, mais qu’on a prise pour vraie, et que la définition du mot de mentir en latin, d’où notre français est parti, porte autant comme aller contre sa conscience, et que par conséquent cela ne touche que ceux qui disent contre ce qu’ils savent. »

Montaigne, Les Essais.1

1ère partie : le néo-libéralisme et les classes moyennes

Sarkozy, à Annecy : « Quand on dit dans la presse anglaise qu’on est libéral et que l’on dit aux Français l’ennemi c’est la finance, on ment matin et soir. » Hollande, au 20 h de TF1 : « Il y a falsification, caricature, manipulation ».

Sans surprise, chacun des deux protagonistes de la campagne présidentielle accuse l’autre de mentir, ou du moins de tenir un double langage. Ainsi, Hollande serait socialiste à Paris, où, ennemi de la finance, il parlerait comme Mitterrand, et conservateur à Londres, où, ami du libéralisme, il parlerait comme Thatcher. Tandis que, à l’opposé, Sarkozy, qui se présente en « candidat du peuple », chercherait seulement à tromper l’opinion sur son vrai projet, renforcer l’austérité et creuser encore plus les inégalités sociales.

N. Vallaud-Belkacem, porte-parole du candidat PS, a expliqué qu’il n’y a pas de double-jeu, que c’est bien le même discours, non point social-libéral, comme certains l’en accusent, mais « social-démocrate » (elle n’a pas ajouté « moderne »), c’est-à-dire un discours qui ne prône pas la collectivisation, mais plaide simplement pour plus de régulation. Cependant que F. Fillon exonère Sarkozy de tout favoritisme à l’égard des riches : « j’entendais François Hollande expliquer que nous avions fait 70 milliards de cadeaux aux plus riches. Personne n’est capable de documenter cette information ! C’est juste un mensonge […] Quand on demande aux socialistes où sont ces cadeaux, ils mettent pêle-mêle la taxe professionnelle, la TVA dans la restauration, les heures supplémentaires – comme si c’étaient des cadeaux aux plus riches ».

On pourrait donc se prévaloir ami du peuple en se revendiquant, soit social-démocrate, et de gauche, soit libéral, et de droite. Le social-démocrate parce qu’il serait porteur des valeurs de solidarité, justice et cohésion sociales, valeurs de gauche ; le libéral parce qu’il serait garant d’efficacité dans la création de richesse, préalable au bien de tous. Sous le vocable de peuple, ces deux candidats s’adressent en fait aux classes moyennes, l’un leur promettant de n’être plus les vaches à lait fiscales que porte l’austérité promise par le « président des riches » ; l’autre voulant les convaincre que leur salut passe d’abord par la création de richesse résultant de la flexibilisation des marchés, principalement du travail, et de la vérité des prix qui en résulte, ce qui supprimerait l’assistanat et les injustices devant le fruit de l’effort.

En réalité, les deux discours sont néo-libéraux, parce que tous deux hypostasient le marché : le libéral assumé professe que pénaliser les riches réduit la richesse globale et pénalise mécaniquement « le peuple », c’est-à-dire les classes moyennes ; en concédant que l’on ne peut distribuer que ce qui a été produit, le social-démocrate accepte la logique économique, dont il croit pouvoir corriger les conséquences sociales. Et comme les classes moyennes sont filles de la redistribution, c’est toujours s’attaquer directement à elles quand, sous couvert de la primauté de l’économique sur le social, on veut réduire ladite redistribution quand le système économique échoue à créer de la richesse.

Sous ses diverses formes, plus ou moins brutales, le projet néo-libéral se résume en pratique à revenir sur les « acquis sociaux », il est donc l’ennemi des classes moyennes, qui ne doivent pas se laisser abuser, soit par le mentir des libéraux revendiqués, soit par les mensonges des libéraux masqués. Il y a certes, un discours de droite, celui du libéral qui prétend que son propre intérêt est celui de tous, et celui de gauche, du social-démocrate qui défend l’intérêt général, autre que le sien propre, et qui serait donc non-libéral. C’est là une perception superficielle des choses : si le libéralisme ancien, celui du 19ème, pouvait se résumer à l’individualisme et au laisser faire laisser passer, le néo-libéralisme a pris acte des transformations économiques, sociales et culturelles liées depuis l’entre-deux-guerres à la montée du fordisme et de la société de consommation, et il a adapté son discours.

1. Le néo-libéralisme, le peuple et la redistribution

Le néo-libéralisme est généralement assimilé à l’ultra-libéralisme, au tout-marché, etc. Mais dès sa naissance dans l’entre-deux-guerres, et de par ses origines mêmes, la doctrine néo-libérale présente divers visages, avec toute une gradation dans son acceptation de l’intervention sociale, selon que la conception de l’intérêt général le réduit aux purs intérêts individuels ou l’élargit aux contraintes sociales liées à la nécessaire reproduction du système. Cette opposition entre une vision individualiste revendiquée du monde, vision à court terme, et une vision plus systémique, à plus long terme, ne doit pas tromper sur le fait qu’il s’agit toujours de l’intérêt de la classe possédante, puisque le système économique est social n’est pas mis en cause.

Ainsi, l’ultra-libéralisme prône clairement toujours plus d’austérité, tant pis si la spirale récessive s’enclenche, elle purgera le système de ses thromboses sociales et l’activité reprendra de plus belle. Mieux vaut un assainissement rapide, retarder l’échéance en accroît le coût, c’est la logique des « thérapies de choc ». Ce discours ouvertement anti-social ne peut tromper personne, sauf ceux qui font semblant parce qu’ils y ont intérêt, les rentiers. De même, le faux-ami « économie sociale de marché » peut se parer d’atours de gauche (solidarité, etc.), il peut même se dire « socio-démocrate » et prétendre pouvoir corriger les résultats du marché, il peinera toujours à masquer son fonds commun néo-libéral : soumettre la vie économique et sociale à la loi du marché, supposée infrangible. Cette vision, ordo-libérale, peut tromper ceux qui croient au social, à sa construction par la raison, etc., mais pas ceux qui savent ce que sont la mondialisation et ses conséquences : le laminage des classes moyennes.

a- le projet néo-libéral, projet anti-social destructeur des classes moyennes

L’expression « candidat du peuple » oppose sans ambiguïté la partie la plus nombreuse de la population à la partie restreinte des « riches », les élites comme on dit, dont le talent ou le mérite particuliers expliqueraient, selon le libéral, le statut exceptionnel. Le peuple, c’est donc ici principalement, en nombre, les classes moyennes, notion laissée dans le flou théorique. Les économistes de marché raisonnent comme les sociologues, en termes de revenu et de catégories socio-professionnelles définies selon des critères empiriques variables. Les classes moyennes, artisans et commerçants, paysans ou salariés positionnés autour du revenu moyen ou médian, regroupent ainsi ceux qui ne sont ni riches (les élites), ni pauvres (le « bas peuple »). La classe moyenne, c’est au fond ceux qui se perçoivent comme en faisant partie.

L’économiste politique sait, lui, qu’au gré des crises et des révoltes ouvrières, mais aussi des transformations du capitalisme, les salariés ont pu obtenir de meilleurs salaires, la sécurité sociale, accéder à des emplois qualifiés et moins durs (techniciens, surveillants, cadres, etc.). Ainsi, par la grâce de la division du travail et de la socialisation croissante du salaire via une large redistribution, est apparue à côté de l’artisanat, du petit commerce et de la paysannerie, une « classe » de salariés que l’ascenseur social a extraits de la condition sociale basse. Lenine parlait d’« aristocratie ouvrière ».

Mais à la fin des années soixante, l’épuisement des gains de productivité a rendu cette redistribution insupportable pour les possédants et leurs gestionnaires, privés ou publics. On a alors accusé les classes moyennes d’être des classes assistées, indûment protégées par un État clientéliste. Au nom de la raison économique et de la vérité du marché, le néo-libéralisme légitima la reprise collective opérée par le rentier, à qui la fin de l’âge d’or « keynésien » rendit les rênes de l’État. Le peuple, jusque-là bon consommateur et fournisseur de débouchés nationaux, devint un boulet pour le capital qui portait désormais son regard vers d’autres horizons.

En période de crise, quand la capacité productive de richesse réelle s’épuise, ladite loi du marché, celle du capital en réalité, impose la restauration des profits par la reprise des « acquis sociaux ». Le projet général néo-libéral consiste ainsi à réduire la redistribution au minimum acceptable par le peuple : l’impératif de compétitivité appelle la baisse des salaires, tant directs que socialisés. L’idéologie néo-libérale en légitime les modalités : mondialisation, financiarisation, vérité des prix des services collectifs, etc.

Les conséquences de la politique économique et sociale néo-libérale sont mécaniquement la montée des inégalités sociales, c’est-à-dire creusement des écarts de revenu, pauvreté, précarité de l’emploi et du logement, difficultés des soins, etc. La polarisation partout constatée de la richesse et des conditions de vie sociale illustre le laminage néo-libéral des classes moyennes.

Mais l’adhésion démocratique du peuple impose de maintenir la fiction d’une société ouverte à tous, ce qui passe par les services publics et les aides sociales nécessaires. Contre les « valets stipendiés du capital », qui ont pris le parti de gérer la crise en suivant la logique libérale conservatrice la plus ancienne et la plus brutale possible, la tradition humaniste, à l’origine chrétienne sociale ou social-démocrate, croit pouvoir à la fois gérer le système et écarter les maux endurés par le peuple. Mais l’acceptation de la logique économique la conduit à d’abord devoir rétablir les « grands équilibres », en premier lieu financiers. L’austérité qui en est le vecteur enfonce inéluctablement le peuple.

Au total, prétendre que le bien de tous résultera du bien des riches, c’est clairement mentir ; mais prétendre accorder loi du marché et progrès social, c’est hélas pur mensonge. Le peuple ne peut rien attendre des élites politiques qui ont accepté et géré le tournant néo-libéral de la dynamique du sytème. Le néo-libéralisme s’est imposé à elles, plus ou moins ouvertement, parce que son fonds commun, écarter toute socialisation de l’économie et laisser à chacun la possibilité de « gagner », s’est trouvé, au tournant des années 70, totalement en accord avec les besoins du moment, quand l’« homme aux écus » dut trouver le moyen de faire de l’argent autrement qu’en finançant une industrie à bout de souffle.

Le recours à la pure finance fit alors renaître de ses cendres le rentier du 19ème siècle. Sous sa gouverne, toujours il s’agissait de reprendre au peuple ce qu’il avait indûment arraché, au gré des circonstances politiques, en imposant un total laxisme de la redistribution. Mais la « revanche du rentier » passa par des options divergentes, qui s’imposèrent, l’une plutôt que l’autre, et plus ou moins rapidement, selon les conditions historiques, sociales et culturelles de chaque nation. On peut distinguer trois grands types de néo-libéralisme : ultra-libéralisme, monétarisme et ordo-libéralisme.

b- les trois faciès du néo-libéralisme

Le néo-libéralisme légitime la primauté des décisions individuelles par la capacité du marché à les coordonner harmonieusement pourvu qu’elles soient libres et raisonnées. Chacun obtient alors la juste récompense de son talent. Cependant, le marché peut tenir à l’écart celui qui, par cause naturelle, n’aurait pas la chance d’être « employable ». Les néo-libéraux divergent sur la manière de garantir un bon fonctionnement du marché et sur la forme de l’intervention sociale contre la sélection naturelle.

• Les plus radicaux sont les libertariens, qui, à la suite Hayek, considèrent que seul l’individu sait ce qui est bon pour lui et qu’en conséquence nul ne peut décider à sa place. Le verdict du marché, lieu de la confrontation des choix individuels et de leur mise en cohérence, est juste s’il n’y a pas d’interférence extérieure de l’État. Celui-ci doit être limité aux fonctions régaliennes et en aucune manière imposer des contraintes au fonctionnement du marché, qui est optimal quand il s’autorégule. Les libertariens s’opposent au constructivisme social, selon eux générateur de pertes de bien-être collectif.

Économiquement, nul besoin de banque centrale, la bonne monnaie chasse les mauvaises, ni de lois de la concurrence, si monopole il y a c’est qu’il est efficace, ou de toute politique autre que visant la garantie de la propriété personnelle et le libre jeu du marché. C’est la théorie des marchés efficients, qui a sous-tendu la marche dérégulée de la finance : le marché libre donne toujours le vrai prix, celui qui assure l’harmonie des plans individuels. L’équilibre général n’est pas calculable, il se réalise spontanément.

Cette idéologie des marchés efficients est celle de la finance. En effet, mâtinée de théorie de l’agence, elle fonde le principe de la « valeur actionnariale » ou « création de valeur pour l’actionnaire », selon laquelle la rémunération des managers doit les inciter à rémunérer au mieux l’argent des actionnaires. ainsi se justifient les bonus, stock-options, retraites-chapeaux et autres parachutes dorés. Les managers peuvent donc se gaver à hauteur de leur capacité à assurer des profits, soit par la distribution de dividendes, soit par les plus-values boursières. Mais cela incite à développer sans cesse la spéculation.

Car le versement des dividendes ou la réalisation des plus-values, virtuelles tant qu’elles ne sont pas réalisées, exige de constamment alimenter le circuit financier avec de l’argent frais. Comme il n’y en a guère, puisqu’on ne crée pas de richesse réelle, la seule voie possible est celle de la création d’argent fictif, en recourant à l’effet de levier, les ventes à découvert, etc., toutes techniques connues depuis des siècles. La spéculation est congénitale à la financiarisation et peut se retourner contre les spéculateurs indirects.

En effet, la finance à centralisé un grand volume de petits capitaux, qui peuvent désormais jouer dans la cour des grands. Nombre de petits épargnants sont devenus des petits porteurs qui s’en remettent à la science des managers. Mais quid en cas de crise de la finance elle-même ? Interviennent alors les rachats d’actions par l’entreprise, qui soutiennent ou font remonter le cours en bourse et attirent normalement de nouveaux petits porteurs. La tentation est alors grande de continuer à racheter des actions qui ne choient pas, uniquement pour continuer à s’octroyer de grasses rémunérations, ce qui, sous couvert de les enrichir, gruge les « petits » actionnaires, ceux qui n’ont pas accès aux bonus, puisque dans l’affaire ils échangent une richesse réelle présente, leurs dividendes, contre une richesse future, les plus-values latentes. Le peuple actionnaire s’enrichit fictivement, tandis que les managers, eux, ne se paient pas de promesses.

Au soutien de la logique financière, l’ultra-libéralisme rejette donc toute redistribution, supposée néfaste par la fiscalité qu’elle implique, fiscalité toujours confiscatoire et injuste en plus de détourner l’épargne des marchés. Cependant, il a conscience de la nécessité d’octroyer un revenu minimum à ceux qui resteraient sur le bord du chemin.

Le rejet viscéral de la fiscalité et de l’assistanat caractérise de même les économistes de l’offre, les « nouveaux économistes » de la France des années 70, tenants de la supply side economics popularisée par la courbe de Laffer. Pour eux, tout est calcul économique, que ce soit le choix de carrière (y compris criminelle, plus « intéressante » si la peine de mort est abolie), la décision de se marier et celle du nombre d’enfants, etc. Et les aides sociales désincitent le bénéficiaire à faire l’effort de travailler. Mais les économistes de l’offre n’ont pas l’obsession de l’orthodoxie financière, ce qui provoqua de fortes tensions au sein de l’équipe Reagan, car pour eux peu importe l’équilibre des finances publiques, quoi qu’il en soit, la dynamisation de l’offre le rétablira d’elle-même.

On désignera par ultra-libéralisme l’ensemble formé de ces deux composantes anti-sociales.

• Le monétarisme de M. Friedman est tout aussi austéritaire et donc anti-social que l’ultra-libéralisme, mais il s’en distingue par l’approche monétaire. Plus pragmatiste, directement engagé dans la gestion de la monnaie, le monétarisme admet la nécessité de la banque centrale et reprend les conceptions de Ricardo pour contrer celles de Keynes qu’il rend responsables de la stagflation des années 70. Ainsi, la banque centrale doit gérer la monnaie selon des règles de stricte orthodoxie monétaire, excluant tout recours à la planche à billets : pas de financement monétaire de l’État, pas de refinancement des banques au-delà de la croissance réelle, garanti par l’émission de monnaie limitée aux avoirs en devises, etc.

Le Currency Board, en application de ces principes, conditionne ainsi l’aide du FMI aux pays en hyper-inflation à leur capacité exportatrice nette, ce qui les oblige à l’hyper-austérité afin de casser les coûts salariaux et devenir compétitifs. Cette non-prise en compte de la dimension de la demande mondiale (où exporter s’il y a austérité partout ?) est du même ordre, et a les mêmes conséquences, que la discipline de l’euro, dont on voit où elle a conduit la Grèce, avant quelques autres.

Quant à la fiscalité, l’impôt est proportionnel, négatif en-dessous de la norme de revenu minimal (c’est l’idée de la prime pour l’emploi : inciter à accepter un emploi pour un salaire normalement inacceptable), positif au delà, ce qui assure une redistribution minimale.

Le terme de monétarisme renvoie généralement à l’orthodoxie financière, mais aussi à l’économie de l’offre, à travers la volonté de baisse de l’impôt, et non seulement de limite des dépense spar les recettes possibles. En France, il était derrière la stratégie de désinflation compétitive des années post-83 et de réduction du nombre de tranches d’impôt sur le revenu. Il est canoniquement formulé par les dix commandements du Consensus de Washington, dont la mise en question par le « post-consensus » est un attrape-nigaud, car ledit post-consensus n’est que le passage pragmatiste à l’ordo-libéralisme, qui permet de garder le fonds libéral en abandonnant la forme brutale des plans d’ajustement structurel ou thérapies de choc.

• L’ordo-libéralisme est globalement « monétariste », hyper orthodoxe quant à la gestion de la monnaie et des finances publiques, mais il insiste sur la nécessité d’un cadre institutionnel assurant la cohésion sociale qui seule permet la réussite de la politique menée. Son libéralisme est en quelque sorte systémique, soucieux de la reproduction sociale et de sa durabilité, il voit à plus long terme.

L’ordo-libéralisme met l’accent sur les valeurs de liberté (individuelle) et de justice (sociale), héritées de la tradition chrétienne. On peut considérer que l’ordo-libéralisme est un avatar de la doctrine sociale de l’Église ayant accepté le marché (en gros depuis Reum Novarum). Le marché est efficace s’il fonctionne dans un cadre institutionnel adéquat. On peut retenir trois grands caractères :

  1. le marché donne le juste prix si la concurrence est loyale, libre et non faussée : il faut donc une politique de la concurrence, telle la politique anti-trusts américaine, d’inspiration institutionnaliste, de la fin du 19ème. Le marché concurrentiel doit être protégé des monopoles.
  2. l’orthodoxie financière est ici plus rigide que dans le monétarisme, car seule l’indépendance de la banque centrale peut la garantir, les règles monétaristes pouvant être écartées par le pouvoir politique, d’où les errements monétaires souvent constatés, la planche à billets fonctionnant contre les principes établis (au besoin à l’aide de faux bilans). Cependant, cette indépendance est formelle, elle repose sur la capacité de la bureaucratie bancaire à résister au pouvoir politique légal, c’est-à-dire que l’indépendance est affaire de pouvoir. On l’a bien vu quand Kohl a imposé à la Bundesbank si indépendante de convertir le mark-est en mark-ouest au taux de un pour un, alors qu’elle avait fixé le taux à dix pour un.
  3. la cohésion sociale est centrale, elle permet de mobiliser les énergies du pays. C’est à l’État de s’en assurer, mais avec la limite du principe de subsidiarité : à lui uniquement ce qui ne peut être fait sans lui, il ne doit jamais se substituer aux compétences individuelles. La sphère d’intervention légitime de l’État ordo-libéral est donc plus large que celles des autres composantes néo-libérales, ce qui à cependant l’inconvénient d’ouvrir la porte à des dérives possibles vers toujours plus de redistribution. C’est pourquoi, à l’heure de la « pensée unique » des années 90, un H. Tietmeyer, président de la Bundesbank et parangon ordo-libéral, estima urgent de « purifier » l’économie sociale de marché.

Quand Hollande en appelle au patriotisme du peuple, il s’inscrit dans la doctrine ordo-libérale. Plus largement, l’ordo-libéralisme est en effet socialo-compatible dès l’instant que les socio-démocrates acceptent le marché, la difficulté étant de fixer la limite de l’intervention sociale, la conjoncture se chargeant cependant de rappeler les éventuels laxistes à la dure réalité. L’ordo-libéralisme s’inscrit dans la ligne humaniste des droits de l’homme, il est donc universaliste. Ainsi, les chrétiens sociaux les plus rigoristes sont restés à droite, mais toujours humanistes, tandis que d’autres, plus sensibles au déterminisme social, ont pu rejoindre des socio-démocrates plus ou moins libéraux. D’où que d’aucuns imaginent qu’un dialogue avancé est tout à fait possible.

Politiquement, l’ultra-libéralisme et le monétarisme sont les héritiers de la droite conservatrice : pour eux le pouvoir politique doit servir les possédants, ils sont « naturellement » nationalistes, sauf quand l’intérêt (sauver les possédants de la menace prolétarienne) leur commande de livrer le pays aux forces de l’étranger. Humanistes aux sens où ils mettent au-dessus de tout la capacité de puissance de l’homme, ils sont dans le droit fil de l’intégrisme chrétien. Ils ont toujours été opposés au constructivisme européen, car la nation ne peut se fondre dans le supra-national, le fédéralisme européen sans nation est une impasse, la fiscalité doit épargner celui qui réussit, etc. N’oublions pas que c’est le Front national qui, en s’en emparant politiquement, a popularisé en France la « courbe de Laffer » et l’anti-fiscalisme.

C’est ainsi que le fonds commun néo-libéral qui unit droite et gauche (« molle ») fonde l’idée que droite et gauche c’est pareil. Mais il s’agit néanmoins de deux approches différentes qui empêchent d’assimiler les deux discours sans autre examen plus approfondi.

L’universalisme ordo-libéral a pu entraîner des esprits a priori avertis dans l’aventure de l’euro, laissant, par négation de la nation, la souveraineté du peuple aux technocraties, jusqu’au risque de laisser le champ libre au communautarisme. Lesdits esprits croient à leur discours, parce qu’ils croient que l’intérêt général passe par la mondialisation, que l’euro va les aider à s’y intégrer en les protégeant, etc. Ils défendent des intérêts de classe en pensant défendre l’intérêt général, parce qu’ils croient que ne pas défendre directement ses propres intérêts, c’est défendre ceux du peuple. Ce discours est mensonger, parce qu’il nie la réalité du capitalisme, une société de classes, et de sa crise, qui polarise les revenus.

À l’opposé, ultra-libéralisme et monétarisme mentent : ils savent pertinemment qu’il s’agit de défendre des intérêts de classe, la défense des intérêts des possédants étant posée comme principe de défense des intérêts du peuple.

Développés à l’occasion de cette présidentielle, deux cas d’école, les discours de Sarkozy et Hollande, illustrent parfaitement comment ultra-libéral ne peut se prétendre son contraire et comment social-libéral n’est pas un oxymore.

  1. Mes remerciements pour ses commentaires vont à mon ami et néanmoins collègue Daniel Garcia, à qui je dois cet épigraphe. []
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Le service public de l’eau: l’actualité du débat

par Yves Durrieu

 

L’eau pose les mêmes questions que celles évoquées à l’occasion de la campagne présidentielle française. Il est donc logique d’effectuer un parallèle entre l’analyse faite sur l’eau, bien public, à l’occasion du Forum mondial de Marseille (mars 2012) et la grande confrontation démocratique à laquelle est convié le peuple français, y compris les réactions populaires suscitées par le FAME1 à l’occasion des événements de Marseille.

Comment l’eau, bien public peut être accessible à tous ?

L’eau, comme l’air, est indispensable à la vie : un enfant meurt toutes les quinze secondes (faute de quantités suffisantes d’eau à absorber ou de maladie pour cause d’eau polluée) ; on estime que le volume moyen d’eau disponible pour chaque individu doit dépasser 2500 M3/an pour qu’il ne soit pas en zone « vulnérable »2 , et surtout dépasser 1750 M3 par an; sinon, il est en «situation  de pénurie» (ou «stress hydrique»). Or la population de certains pays se trouve dans cette situation, en particulier l’Inde, le Pakistan, tous les pays du Maghreb et ceux du Moyen Orient. Ce n’est donc pas dû à un déficit mondial (car il y a plus d’eau disponible que de besoins, l’eau étant une matière renouvelable, facilement stockable et déplaçable), mais c’est surtout à un déséquilibre géographique, auquel s’ajoute un «déséquilibre économique» ; ce qui est particulièrement le cas de nombreuses zones africaines, où la pauvreté empêche de rendre l’eau disponible, faute d’investissements potentiels. En effet il faut amener l’eau à portée des foyers et la purifier pour qu’elle reste potable, ou bien créer des réseaux d’irrigation pour l’agriculture (qui absorbe les 2/3 de l’eau utilisée, contre 20% pour l’industrie et 10% pour les usages domestiques) ; ce qui demande d’importants crédits3 . Toutes ces raisons font que plus d’un milliard d’individus est non alimenté en eau et 2,5 milliards ne disposent pas d’eau potable, faute de système d’assainissement.

L’avenir est angoissant du fait de l’augmentation prévisible de la population (1/3 d’ici 2050) et du fait des activités humaines susceptibles d’accroître les consommations d’eau (développement d’infrastructures hydrauliques, conversion ou surexploitation des terres, polluants chimiques ou animaux, urbanisation) qui font que les besoins en eau augmenteront dans une proportion double de celle de la population. Et pourtant l’engagement du Millénaire a été pris par l’ONU de réduire de moitié en 2015 le nombre des habitants non alimentés en eau et non assainis4 . C’est à trouver les solutions nécessaires pour réussir ce pari qu’en vue de la réunion de l’ONU à Rio en juin, a dû se consacrer  le Forum de Marseille (après ceux de Marrakech, de La Haye, de Kyoto, de Mexico et d’Istanbul) et faire avancer les solutions pratiques, et non plus seulement l’énoncé de principes généraux, plus ou moins appliqués

Comment gérer l’eau avec justice et parcimonie ?

Trois problèmes concernant directement l’eau ont opposé participants officiels et non officiels lors de ce Forum: le mode de financement, le statut juridique des compagnies, la participation
La gratuité de l’eau ? L’argument des partisans de la gratuité est qu’en soi, l’eau est «un don du ciel qui ne coûte rien» et, que, étant un bien nécessaire à la vie, elle doit être distribuée à tous, quels que soient leurs moyens financiers. On répondra que, si l’eau ne coûte rien à produire, elle coûte à distribuer et à purifier : ce sont ces services que l’on rétribue, faute de quoi les investissements nécessaires ne seraient pas réalisés et, de plus, la gratuité, entraînant un certain laisser-aller, exigerait des investissements supplémentaires. Entre ces positions opposées, des solutions médianes proposent la gratuité pour des usages de base, d’ordre «vital», à l’intention des foyers plus ou moins impécunieux (ce qui, en France, est de la compétence du Fonds de Solidarité Logement). Dans le même esprit, certains recommandent l’application de tarifs progressifs (et non plus dégressifs) avec une tranche gratuite pour les consommations de base, nul ne devant payer l’eau plus de 3% de ses revenus

La délégation de service public ? Peut-on déléguer la gestion publique de l’eau à une firme privée, et même à une multinationale, comme on le fait souvent en France (71% au privé, mais 33% en Allemagne)? Celle-ci gérera-t-elle en fonction de l’intérêt général ou du profit espéré à court terme de ses actionnaires ? Certains répondent que la multinationale a plus d’expérience que, par exemple, une régie qui ne connaît que son territoire et ne dispose pas d’experts aussi affutés. Chacun met en avant des exemples confirmant son opinion : Alger a confié sa gestion de l’eau à une société privée qui a réduit les fuites sur le réseau et les fraudes. Paris au contraire a remis en régie sa gestion de l’eau et s’en félicite5 . La réponse dépend de la qualité du personnel local et de sa capacité nécessaire à surveiller efficacement la firme privée. Or une municipalité perd d’autant plus son contrôle qu’elle a confié depuis longtemps sa gestion au privé en reconduisant son contrat à la même entreprise, ce qui est d’autant plus fréquent qu’il y a très souvent accord entre les trois principales firmes mondiales pour se répartir les territoires entre elles. Il existe cependant des formules pour associer capitaux publics et privés (Sme ou Partenariat public/privé6 ), et ainsi profiter de « l’effet de levier »(en attirant les capitaux privés par un léger apport de base de capitaux publics)

Démocratiser la gestion de l’eau ? Doit-on élargir la démocratisation à l’ensemble de cette gestion, c’est-à-dire donner un droit délibératif aux usagers et aux ONG sur la politique des opérateurs de l’eau (qu’ils soient publics ou privés) ? Est-ce qu’on considère que ces opérateurs doivent s’inscrire dans le territoire qu’ils ont à gérer, qu’ils dirigent un service public local, et qu’ils devront choisir si on déplace l’eau vers les usagers ou les usagers vers l’eau ? En réalité c’est une fonction d’aménageurs du territoire qui leur revient et qui dépasse la gestion d’une firme. Tous prétendent être pour la démocratisation. Mais qu’en est-il en fait?

Economiser l’eau ? Il y a accord général sur ce point. Les gestionnaires de l’eau doivent peser simultanément sur l’offre et la demande d’eau :-sur la demande, en évitant les gaspillages (par une formation des usagers, en hiérarchisant la demande, en faisant adopter par les usagers des produits alimentaires et industriels utilisant peu d’eau, par l’irrigations rationnelle, en limitant la dessalaison d’eau (qui cause trop de dépenses d’énergie) ,-sur l’offre : utiliser les eaux de pluie et les terres humides, réduire les fuites et entretenir les réseaux, veiller à éviter toutes pollutions (humaines, agricoles ou industrielles, y compris les pollutions médicamenteuses , en progression). Il faut anticiper, favoriser la recherche et l’expertise neutre7 . Les agences de bassin françaises sont généralement considérées comme répondant à peu près à ces conditions. On ne peut cependant qu’approuver les remontrances de l’UE à la France pour non respect de ses directives sur l’amélioration des eaux, par excès de présence de nitrates. Dans ce cas, on peut s’interroger sur l’absence d’application de la règle du «pollueur payeur » ?

L’eau, bien public faiseur de paix ou de conflits8 ?

Les conflits ayant l’eau comme objet sont d’origine diverse: certains résultent simplement d’une volonté de s’attribuer la matière première indispensable, d’autres utilisent l’eau comme moyen de pression, de domination civile ou militaire, pouvant aller jusqu’à des visées terroristes ; pour d’autres, c’est la symbolique religieuse qui domine (Gange, Nil, Jourdain). Souvent c’est l’ensemble de ces motivations qui se cumule: la Chine veut protéger sa conquête du Tibet, par souci de préserver ses ressources en eau, mais aussi comme moyen de puissance vis-à-vis de ses voisins. Israêl, poussé à l’origine par la symbolique religieuse, veut préserver ses ressources en eau dans une région particulièrement déficitaire et où les tensions politiques et démographiques sont fortes; mais il veut aussi prouver sa supériorité technique (ne serait ce que par le dessalement de l’eau de la station d’Ashkelon) par rapport à ses voisins, et également se servir de l’eau pour rendre encore plus dépendants ceux-ci au profit de ses colons (l’eau par habitant étant 6 fois plus disponible pour les uns que pour les autres), …et allant même jusqu’à détruire volontairement des installations d’eau palestiniennes.

Mais l’eau peut être aussi à l’origine d’accords de paix. La Syrie et l’Irak étaient très inquiets des barrages projetés par les Turcs (détenteurs des Monts Taurus d’où venait l’eau de l’Euphrate et du Tigre). Un accord est cependant intervenu, limitant le conflit entre les trois pays. Même conclusion entre l’Egypte et l’Ethiopie au sujet du Nil (mais cet accord tiendra-t-il, étant donné les besoins grandissant de l’Ethiopie ?). Des pactes existent, par la force des choses, entre pays dont un fleuve forme la frontière, comme la convention internationale entre les pays desservis par le Danube. Mais dans tous les cas, ces accords sont fragiles du fait du contexte changeant et surtout dans le cas où un des signataires prend des décisions unilatérales. Néanmoins, aucune guerre n’a été déclarée ayant l’eau comme cause principale.

La solidarité internationale est une garantie de paix. Elle se manifeste par les dons (et surtout) les prêts de la Banque Mondiale (9% de son budget= 4 Milliards de $ par an), mais elle n’a pas encore pris la forme d’une instance mondiale délibérative, qui applique un droit international précis, dépendant de l’Onu (malgré les déclarations encourageantes d’Helsinki en 1992 et de New-York en 1999). Ce sont donc des administrations éclatées par grandes régions(UE)9 ou nationales (en France : AFD, loi Oudin, fortes exportations de matériels)10, qui sont essentiellement les acteurs chargés de ces taches indispensables

On peut parfaitement généraliser les préconisations, faites à l’occasion du Forum sur l’eau de Marseille, à la situation de la France à la veille de l’élection présidentielle : 1,il ne faut pas chercher à faire payer ceux qui ne peuvent faire face à la dépense et ,au contraire, appliquer des tarifs progressifs aux fortes consommations (surtout quand il s’agit de produits rares)-idem pour les impôts,-2, Imposer un strict contrôle public dès qu’il concerne un bien public, surtout quand c’est une multinationale qui est en jeu,-3, les règles de la démocratie participative devraient progresser partout,-4,la consommation doit être limitée s’il s’agit de préserver l’avenir, sans pour autant généraliser l’austérité,-5,la solidarité (et non la concurrence) entre les peuples doit l’emporter mondialement, ou au moins aux autres niveaux (européen, national, local), afin qu’aucun individu ni aucun peuple ne soit opprimé (comme c’est le cas actuel pour l’eau) et qu’il n’y ait aucune guerre, quelle qu’en soit la raison.

  1. Cf. Colloque (26/01/12), organisé par l’Assemblée Nationale en préparation de ce Forum, qui a suscité une contre- manifestation publique du Fame (Forum Alternatif Mondial de l’Eau) animé par nombre d’ONG. []
  2. La France, par exemple, est en moyenne à 3375 M3, mais l’Espagne à 2243 et la Chine à 2080 M3/an (donc sont en situation «vulnérable ») []
  3. Tout utilisateur d’eau ne doit pas être, en ville, à plus de 200 mètres d’une canalisation et, à la campagne, à plus de 15 minutes de marche à pied []
  4. Objectif déclaré de l’Onu : « Réduire de moitié pour 2015 la population qui n’a pas accès de façon durable à l’approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base » []
  5. Initiatives de la régie de Paris : vote des usagers au CA, Observatoire pour informer les usagers, diffusion d’économiseurs d’eau, télérelève, pole de recherche et d’innovation, extension du partenariat public/public []
  6. Le partenariat public/privé est dangereux lorsque toute la gestion est confiée au privé en même temps que tout l’investissement : il y a grand risque de dessaisissement complet de la collectivité publique []
  7. Pourquoi pas des expert publics, plutôt que des experts envoyés par des opérateurs privés, comme souvent ? []
  8. Cf. rapport Glavany (13/12/11) à l’Assemblée Nationale française: « Géopolitique de l’eau » []
  9. L’UE a élaboré une directive (en 2000) fixant un objectif des 2/3 d’eau saine pour 2015. A cet effet, elle finance, par l’intermédiaire du Feder et du Fonds de cohésion, les régions les plus démunies, ayant étendu son application aux régions ayant un fort besoin d’investir pour leurs réseaux d’eau. Mais la préparation du plan UE sur les fonds structurels pour la période 2014/2021 ne semble pas favorable au maintien du montant de ces fonds (plusieurs pays, dont la France, préférant aider l’agriculture par l’intermédiaire de la Pac) []
  10. L’Agence Française de Développement consacre 12% de ses fonds annuels à l’eau (près d’1 milliard d’euros par an) en tant que bailleur de fonds ( prêts ou dons) et soutien technique. La loi Oudin (10/02/05) prévoit que les collectivités locales et agences de l’eau pourront consacrer 1% de leurs recettes à la solidarité internationale. Exportation de canalisations et autres équipements de réseaux []
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Préparer l'avenir exige aussi de lire de bons ouvrages

 

Commençons par le nouveau livre d’Henri Peňa-Ruiz “Entretien avec Karl Marx” paru chez Plon.

Quel bonheur ! La pensée de Karl Marx est depuis son vivant un “chef d’œuvre inconnu” de la grande majorité de ses commentateurs.Parmi les laudateurs et critiques, on trouve rarement ceux qui ont lu les ouvrages du vieux barbu du 19e siècle. Souvent, ils n’ont lu que des critiques de ceux qui ont écrit sur lui sans l’avoir lu suffisamment. Comme si lire un paragraphe suffit à comprendre. Et si ceux qui se disent marxistes avaient dénaturé la pensée de leur effigie ? Et quand Patrick Artus, économiste libéral, titre l’une de ses notes “Karl Marx is back!”, cela fait le buzz !
A la lecture du livre d’Henri Peňa-Ruiz que j’ai dévoré, on s’aperçoit que pour comprendre la crise globale actuelle, lire Marx n’est pas une perte de temps.
Au contraire, cela vaut mieux que le 20 heures de TF1 ou de France 2, mieux que la plupart des médias et des dirigeants politiques, syndicaux, mutualistes et associatifs et des économistes et philosophes patentés et soumis à des conflits d’intérêts qui nous “bassinent” de leurs incompétences.
Dans ce livre, toutes les réponses de Karl Marx ont été intégralement écrites par le vieux barbu et le livre donne la source après chaque citation. Les questions posées par Henri Peňa-Ruiz ne sont là que pour montrer l’actualité de ses réponses. Au moins là, vous lirez du Marx et non un commentaire sujet à caution sur Marx. Ce livre montre la supercherie des simplifications surplombantes et participe à la clarification du complexe. Ne pas lire ce livre est donc criminel !

Passons au nouveau livre de Bernard Friot, “L’enjeu du salaire” paru chez La Dispute. , nous sommes en présence d’un vrai livre qui alimente la pensée. Alors que nous sommes abreuvés des simplifications abusives du populisme d’extrême droite, que les mensonges et impasses des thuriféraires du néolibéralisme de droite comme de gauche sont émis du matin au soir, que dans la gauche antilibérale ou de la “gauche de gauche” (notons en passant que cette expression inventée par Bourdieu s’est transformée chez de nombreux militants en “gauche de la gauche”, ce qui bien sûr dénature, appauvrit et supprime la force du concept !) on fait croire qu’il suffit de rustines techniques, souvent “économicistes”, pour régler tous les problèmes du monde. Là, nous sommes en présence d’une proposition alternative qui bouscule le “ronron” des certitudes conformistes et permet un vrai débat sur le modèle alternatif.
D’abord, cette proposition n’est pas un projet idéaliste de création ex nihilo car aucune avancée émancipatrice dans l’histoire ne s’est faite en dehors d’un point d’appui sur des réalités existantes. Mais nous sommes en présence d’une autre logique de construction sociale et politique, qui s’appuie sur des institutions salariales existantes et que Bernard Friot souhaite bien sûr réhabiliter. Le développement de la qualification personnelle, de la cotisation, de la souveraineté populaire et des institutions salariales existantes sont à la base de son raisonnement. Il lui permet de s’opposer à la logique capitaliste qui souhaite affaiblir la sécurité sociale pour promouvoir les organismes complémentaires assurantiels, souhaite maintenir la soumission du salarié à l’employeur dans l’entreprise, souhaite supprimer la cotisation sociale au profit de l’impôt à commencer par les plus injustes, et contraindre les salariés citoyens à une démocratie formelle en acceptant d’abdiquer la démocratie réelle. De plus, la compréhension de cette logique peut nous permettre de construire des politiques de temps court et de temps long. Pour les partisans de la république sociale que nous sommes, la compréhension de cette logique ne peut que nous enrichir. Même si, ici et là, je peux avoir des désaccords avec Bernard Friot, il n’est pas possible de penser la l’alternative en dehors d’un débat serein et sérieux sur cette nouvelle logique. Enfin, avec ce livre, nous en terminons avec les simplifications surplombantes et nous entrons dans la clarification d’une globalité complexe.

“2012: les sociologues s’invitent dans le débat
”, paru aux Éditions du croquant dans la collection savoir/agir, nous permet d’avoir un éclairage sociologique sur des sujets aussi différents que la globalisation financière, la nécessité de la mobilisation populaire, le besoin d’une plus grande démocratie sociale, d’une autre justice, d’un autre système de santé, d’une autre école, d’une autre université, d’un autre traitement de la délinquance, d’un autre combat contre le chômage, d’une autre approche des questions de l’immigration et de la nationalité, d’une libération des médias de la recherche et des sondages par rapport à la logique du marché. J’ai particulièrement apprécié les approches de Frédéric Pierru, de Henri Maler, de Céline Braconnier, de Louis Pinto, de Sophie Béroud et de Karel Yon. Avec cet ouvrage, on replace le débat dans l’analyse de la lutte des classes, dans le refus du “social résiduel”, pour une appréhension globale, et dans la volonté de “favoriser sur des points précis la formulation de principes d’action en deçà desquels une gauche digne de ce nom ne pourrait que se déjuger”. A lire !

“Pour une philosophie du travail” de Martine Verlhac, paru aux Éditions Alterbooks dans la collection Rebonds, nous permet un éclairage essentiel sur le travail et son lien avec l’émancipation sociale. Tout d’abord à partir du constat suivant : « Aucun des candidats à la direction de la société ne part de la centralité du travail dans la vie des hommes. Au mieux partent-ils d’un projet de redistribution des richesses. cela semble généreux mais c’est en même temps une dénégation » Disons-le tout net, ce livre est salvateur parce qu’il se place dans l’angle mort de la pensée de gauche en instruisant une réflexion centrale pour tous ceux qui veulent penser la transformation sociale et politique en dehors des recettes éculées et simplificatrices. Martine Verlhac a raison de dire que le travail ne doit pas être abordé uniquement d’un point de vue “clinique” (souffrance de plus en plus forte, suicides en hausse, etc.) et nous lui savons gré de reprendre la question sous un angle théorique et de replacer la philosophie du travail au cœur de toute pensée de transformation sociale et politique, revenant au texte pionnier de la déclaration de Philadelphie (1944).
En attendant un débat que je souhaite pouvoir entamer avec elle… je vous recommande sa critique magistrale des idéologies prônant “la fin du travail” et des illusions du prophète de l’écologie politique André Gorz, qui le placent en fait dans les catégories philosophiques qu’il prétend combattre. La critique de la position de Hannah Arendt et de Heidegger sur le travail est de ce point de vue fulgurante. Ne pas lire ce livre permet de penser la suite de l’histoire sur le mode du roman, mais ne permet pas d’engager la rupture nécessaire sur le concept du travail.

“Une société intoxiquée par les chiffres” de Marc Delepouve paru chez l’Harmattan dans la collection “Questions contemporaines” est à lire absolument. J’ai connu Marc Delepouve dans la nébuleuse altermondialiste, nébuleuse souvent prise dans des conflits organisationnels où le patriotisme d’organisation prime sur le débat libre, contradictoire et argumenté. Je le découvre très convaincant dans ce livre quand il nous fait profiter de sa réflexion sur l’usage non contrôlé des mathématiques (il est agrégé de mathématiques et enseignant universitaire). Enfin un mathématicien qui nous engage à réfléchir sur l’usage d’une discipline qui peut donner le meilleur si elle est utilisée de façon scientifique mais peut servir également aux pires mensonges si on sombre dans l’obscurantisme.

Ses « propositions pour sortir de la crise globale » - moins convainquantes et qui demanderaient des développements plus étoffés - lui permettent d’avoir une réflexion critique sur cette instrumentalisation des mathématiques. Il scrute plusieurs sujets comme l’école (le classement de Shangaï par exemple), l’organisation du travail, les retraites, le service public et les scénari du Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC) pour montrer comment la rigueur scientifique y est malmenée, soit pour manipuler, soit par scientisme. Il me paraît impératif que tous les militants lisent ce livre pour aiguiser leur esprit critique face à l’instrumentalisation de la science mathématique dont le fondement reste la dimension axiomatique, trop souvent écartée de la réflexion.

“Le politique, fin de règne” de Daniel Lescornet paru aux Éditions de l’atelier et préfacé par Roland Gori, initiateur de l’Appel des appels, mérite d’être lu. Cet ouvrage que je viens de terminer est paru il y a deux ans. Bien que je ne partage pas les idées politiques de l’auteur, notamment sur le traité européen dont il a été un thuriféraire, ou même sur ses propositions en matière de protection sociale, le livre présente de l’intérêt. D’abord parce qu’il a été un responsable CGT, puis président de la Fédération des mutuelles de France (FMF) et que c’est à ce moment-là qu’il a poussé à “l’unification” de la FMF dans la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF). Ayant participé avec mes deux co-auteurs du livre “Contre les prédateurs de la santé” (voir ci-dessous) à une critique, que je pense sérieuse, des orientations de la FNMF dans ce qu’il faut bien appeler un angle mort de la pensée de gauche, je n’approuve pas certaines analyses du livre en ce domaine. Mais le caractère “je jette un pavé dans la mare” et sa remise en cause des formes du politique questionnent de façon intéressante.

Venant d’un bon connaisseur des organisations politiques (il est passé du PCF aux Verts puis au PS), syndicales et mutualistes, l’analyse critique des formes du politique, du syndical, du mutualiste peut nous amener à progresser. Il faut aussi des “jeteurs de pavé dans la mare” pour qu’ensuite une réflexion moins corsetée voie le jour.

Bien évidemment, j’invite le lecteur à compléter ses lectures par les 5 livres de la nouvelle collection “Osez la république sociale” que je co-dirige avec Christophe Hordé chez l’éditeur 2ème édition.

  • “Néolibéralisme et crise de la dette” de Bernard Teper et Michel Zerbato est un complément indispensable à l’activité du Réseau Education Populaire (REP) en matière de compréhension de la triple crise d’abord économique puis financière et enfin de la dette publique.
    La partie “Économie politique de la crise” due à Michel Zerbato, s’appuyant sur une bonne connaissance de ce qu’est la monnaie, permet de comprendre pourquoi la crise systémique renvoie le modèle politique néolibéral dans la catégorie des modèles épuisés comme les modèles du communisme soviétique, de la social-démocratie, des modèles keynésiens, comme des utopies tiers-mondistes. Il faut donc penser un nouveau modèle, d’où le chapitre “Manifeste pour une république sociale” que j’ai écrit. (Ce chapitre appellera une suite pour clarifier le complexe de cette république sociale.)
  • “Contre les prédateurs de la santé” de Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper est construit sur trois parties qui intéresseront les citoyens éclairés et l’ensemble des militants qui veulent réfléchir sur un domaine encore aujourd’hui très socialisé mais qui subit les attaques du néolibéralisme depuis plus de 30 ans. La liste de ces attaques apparaît dans la première partie et débouche sur la deuxième partie qui entreprend la critique des complémentaires santé, cet angle mort de la gauche. Puis enfin, un ensemble de propositions cohérentes mais radicales pour penser un monde plus solidaire.
  • “Pourquoi les Allemands payent-ils leur loyer deux fois moins cher que les Français” de Christophe Hordé montre le scandale des politiques néolibérales en France depuis plus de 30 ans, qui ont été nettement plus anti-sociales en matière de logement qu’en Allemagne malgré de nombreuses années de la gauche au pouvoir. Il se termine par une réflexion sur les pistes alternatives.
  • La réédition du texte de Friedrich Engels “La question du logement“ initialement publié en 1873 et qui garde toute son actualité en regard de la crise du logement que nous vivons aujourd’hui en France.
  • Chroniques de la grande perdition“ qui reprend une partie des chroniques de François Leclerc, chroniqueur sur le blog de Paul Jorion, avec une introduction de Paul Jorion.

Et entre deux livres, participez aux actions de résistance, d’éducation populaire tournée vers l’action, faites l’amour sans entraves mais pas la guerre !

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Algérie
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Républicains, Démocrates, rassemblons nous pour dire non aux « élections » macabres de mai 2012 !

par le PLD
Parti pour la Laïcité et la Démocratie
http://pldexmdsl.fr.gd/

 

Le Monde arabe et l’Afrique du Nord ont connu une agitation sociale et politique sans précédent tout au long de l’année 2011. Les brasiers de la colère continuent de brûler à ce jour et l’Algérie n’échappe pas au malaise général exprimé par des peuples lassés par l’asphyxie d’un système politique verrouillé et l’absence de toute perspective.

En Algérie, le pouvoir croit s’être tiré à bon compte de ces convulsions après avoir puisé dans les ressources de la manne pétrolière pour pacifier démagogiquement les flambées du mécontentement populaire et en faisant croire au changement par la mise en route de réformettes.

Ce train de mesures, notamment la légalisation de nouveaux partis, présentées comme « révolutionnaires » ne sont en fait que de la poudre aux yeux destinée à abuser l’opinion publique et à accroire la thèse selon laquelle le pouvoir n’a d’autre dessein que celui de la refonte radicale et démocratique du système politique du pays. La démarche trahit mal la volonté délibérée d’un pouvoir résolu à bloquer toute perspective de rénovation. En effet, l’ouverture « démocratique » dont il se targue a eu pour conséquence principale de donner de nouveaux gages à l’islamisme politique puisque des partis islamistes nouvellement reconnus sont entrés en lice dans la bataille électorale. Cette supercherie normalise les résidus d’un parti officiellement dissous, l’ex-FIS en permettant à certains de ses dirigeants, criminels notoires comme Ali Belhadj, de remettre le pied en toute légalité à l’étrier politique en organisant des manifestations. Elle montre aussi que ce pouvoir croit toujours manipuler et manœuvrer pour garder la main haute sur le jeu politique.

Jusqu’à présent, le pouvoir avait réussi à préserver un équilibre précaire en soignant sa « respectabilité » internationale grâce à l’expérience engrangée en matière de lutte anti-terroriste, en se faisant passer pour « le sauveur » du chaos et à faire de son président à temps partiel « l’artisan de la paix ».

Or, après le raz de marée islamiste dans la totalité des pays arabes, rien n’autorise à dire que l’Algérie y fasse exception. Belkhadem a beau rassurer en vociférant à Oran que « La politique et le pouvoir ne sont pas un manège où chacun attend son tour», il n’est pas dit que le pouvoir en place ne soit disqualifié aux prochaines « élections » législatives par une majorité islamiste d’autant que la situation sécuritaire est des plus alarmantes.

En effet, le terrorisme islamiste continue son cours meurtrier. Après un attentat des plus sanglants contre les forces de sécurité et de simples citoyens dans la wilaya de Boumerdes qui a fait plusieurs victimes, un groupe de terroristes surpris en conclave vient d’être éliminé à un jet de pierre de la capitale. Un arsenal de plusieurs dizaines de missiles a été découvert près d’Illizi et l’on parle de plusieurs milliers d’autres qui seraient « perdus » dans la nature, ce qui n’est pas de bon augure pour la sécurité des citoyens et la stabilité du pays.

Mais aux difficultés et aux incertitudes internes, s’ajoute au pouvoir un écueil à la mesure des pressions occidentales. Ce n’est pas un hasard du calendrier si Hilary Clinton s’est invitée à Alger, pour imposer sa feuille de route. Elle n’a pas manqué d’y rappeler les impératifs de la stratégie américaine dans la  région comme elle n’a pas hésité, comme à son habitude, d’y porter aux nues l’exemplarité du modèle tunisien de l’islamiste « modéré » Ghannouchi. Comment ont réagi à ces belles paroles ses hôtes, eux qui ont toujours eu le verbe facile pour se tresser des lauriers de patriotes et présenté les démocrates comme les suppôts de Hizb França ?

Il n’échappe désormais à personne que l’Occident a décidé de mettre en orbite l’« islamisme modéré » même s’il doit rompre, comme il l’a déjà fait ces derniers mois, avec les marionnettes qu’il a soutenues pendant des décennies. Après avoir encensé les dictatures arabes, le voilà aujourd’hui totalement converti à la panacée de « l’islamisme modéré » et un farouche partisan des « révolutions arabes». Une «sainte alliance», comprenant les monarchies du Golfe, notamment l’Arabie Séoudite wahabbite, le Qatar et son porte-voix Al Djazira, la Turquie d’Erdogan qui rêve d’expansion et de restauration du khalifat, Israël, les Etats-Unis et la France, s’est constituée pour engloutir pacifiquement par la voie des urnes, après avoir recouru à la hache de guerre, tout un continent dans les limbes du moyen âge !

De doctes spécialistes, par un discours lénifiant, justifient aujourd’hui la confiscation du pouvoir par les islamistes par la « démocratie ». Ils poussent jusqu’au cynisme, à vouloir identifier « l’islamisme modéré » à une variante du courant démocrate chrétien. Or, la différence essentielle entre ces deux courants politiques vient du fait que la démocratie chrétienne est née dans la synergie d’une pensée nourrie par les idées des Lumières et les valeurs du combat antifasciste tandis que « l’islamisme modéré » a surgi dans le paysage politique arabe à l’instigation de l’impérialisme britannique pour contrecarrer le mouvement de libération nationale moderne.

Une lueur d’espoir, néanmoins a émergé dans le camp des démocrates algériens où l’on semble avoir compris que le suffrage universel pluraliste n’est pas synonyme de démocratie politique car s’il en est la condition nécessaire, il n’en est pas la dimension suffisante.

C’est pourquoi le PLD se félicite des positions adoptées par le CCDR, le RCD, le Front Démocratique et de celles de personnalités de la société civile telle que Maître Ali Yahia Abdennour, de ne pas se joindre aux échéances macabres « électorales » de mai prochain.

Notre parti lance aussi un appel vibrant à toutes les autres forces républicaines et démocratiques sans exception, à toutes  les associations modernistes de femmes, de jeunes, d’étudiants, de travailleurs, et à toutes les personnalités et patriotes qui ont la République et la démocratie chevillées au cœur, pour joindre leurs voix à toutes celles qui disent non à ces « élections » funèbres et faire avorter le plan anti-national qui se trame contre le pays.

L’Algérie est sommée de faire les choix qui s’imposent si elle veut éviter un destin tragique. Elle doit renvoyer dos à dos ceux qui ont confisqué l’Histoire pour en faire un fonds de commerce et perdurer comme ceux qui se sont autoproclamés prophètes sur terre pour assouvir leur soif de pouvoir et de sang.

Un tel défi ne triomphe pas dans des « élections » suicidaires. Il se relève dans le resserrement des liens et l’échange entre démocrates, toutes sensibilités confondues, pour que se dessinent dans les meilleurs délais les contours d’une véritable convergence en vue d’une transition républicaine et démocratique.