Chronique d'Evariste
Rubriques :
  • Chronique d'Evariste
  • Débats politiques
  • ReSPUBLICA

Terra Nova précise la feuille de route du gouvernement socialiste

par Évariste
Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

 

Le célèbre journal de référence du néolibéralisme, nous avons nommé le journal Le Monde, nous prépare aux dures réalités des prochains mois. Pour cela, il organise un débat entre deux « experts » néolibéraux tous les deux députés, Eric Woerth pour l’UMP et Olivier Ferrand pour le PS, ce dernier aussi responsable du club de réflexion néolibéral de gauche Terra Nova (voir Le Monde des 24 et 25 juin 2012).
Dans cette préparation au pire, voilà ce qu’écrit l’inimitable Olivier Ferrand :

« On est en situation de contraintes dures. On sait que l’essentiel de ce qui sera demandé aux Français sont des efforts dans les mois qui viennent, des efforts justes mais des efforts… La RGPP a porté exclusivement sur les dépenses de l’Etat - les dépenses de l’Etat c’est 200 milliards d’euros sur 2 000 milliards d’euros de dépenses publiques en France. Vous avez mis 900 milliards de côté. Il faut aujourd’hui étendre la RGPP aux collectivités locales et à la Sécurité sociale. Il faut aussi cesser de réfléchir à des économies de gestion où l’on supprime des ramettes de papier, des stylos et des fonctionnaires, mais où l’on essaie de faire tour ce qu’on faisait avant, mais moins bien parce qu’on rabote, on rabote, on rabote. Il faut prioriser. Il y a des politiques publiques qu’il faut développer et d’autres qu’il faut limiter, non pas en rabotant le nombre de fonctionnaires, mais en disant ”ça on ne fait plus”. »

Nous voici prévenus : la société du spectacle organisée par l’UMP et le PS durant les campagnes électorales de la présidentielle et des législatives, c’est fini ! Passons au réel concret !
Effectivement, il y a, chez Olivier Ferrand, une différence entre le néolibéralisme de droite et celui de gauche : l’austérité du néolibéralisme de gauche sera « juste ». Mais il y a un point commun entre le néolibéralisme de droite et celui de gauche : c’est que l’austérité doit continuer en s’amplifiant !
Nous voici prévenus : la RGPP ne sera pas remise en cause mais elle doit être étendue à la Sécurité sociale, aux dépenses sociales des départements et aux investissements publics (qui constituent la majorité des dépenses des collectivités locales).
Nous voici prévenus : le gouvernement  de la France issu des élections des 6 mai et 17 juin va diminuer le périmètre du public pour continuer à privatiser les profits et socialiser les pertes.
Nous voici prévenus : après le célèbre discours de l’« expert » Denis Kessler (4 octobre 2007 dans la revue Challenges) pour fixer la feuille de route de Nicolas Sarkozy, voilà celui de l’« expert » député socialiste Olivier Ferrand pour le nouveau pouvoir politique. Nous reconnaîtrons à ces deux personnages le mérite de dire tout haut la vérité cachée par la plupart des politiciens néolibéraux de droite ou de gauche.

ReSPUBLICA
Rubriques :
  • ReSPUBLICA

Appel aux dons pour Respublica

 

Ami(e)s qui lisez Respublica,

Voici treize ans déjà que ReSPUBLICA alimente les réflexions et les débats de la gauche républicaine, laïque et sociale de façon objectivement indépendante des forces partisanes et a fortiori financières. Voilà pourquoi sans doute son audience n’a cessé de s’élargir auprès des militants.
Si, récemment, nous avons salué la création du Parti de Gauche et nous sommes montrés favorables à la stratégie du Front de Gauche contre le sarko-césarisme, notre objectif principal reste d’éclairer les crises de fin de cycle du capitalisme et de jeter quelques lueurs sur les changements de modèles économiques, politiques, écologiques, sociétaux… qui s’annoncent.

Ce qui nous guide sur ce chemin, ce sont les amorces de République sociale dont le passé nous a donné quelques exemples (sous l’égide de Jaurès, en 1936 et avec le CNR….) et légué plus particulièrement les principes de solidarité et de de laïcité. Mais la référence au passé sera stérile si nous échouons à diagnostiquer les récentes erreurs de parcours de la gauche, à prendre en compte les nouvelles exigences de la mondialisation et du développement écologique et social, bref si nous nous enfermons dans une analyse politicienne et franco-française sans donner place à une vison globale et internationale des luttes ni à l’imagination des lendemains. Comme nous nous plaisons à le dire “le chemin importe davantage que le bout du chemin” ! A cet égard, nous ne cesserons de lier l’objectif d’éducation populaire à l’exigence de formulation des débats de la gauche républicaine, laïque et sociale : c’est la raison d’être du Réseau Education Populaire avec lequel nous coordonnons un certain nombre d’initiatives et partagerons prochainement un agenda commun.

Pour cela, nous avons besoin de vous et d’abord de vos avis : si le site ne comporte pas de forum, nous tentons de répondre à vos commentaires. Nous sollicitons également des textes à publier de votre part.
Et, bien classiquement, nous faisons à nouveau appel à vous pour le financement du journal dont les frais incompressibles sont d’environ 1000 euros /mois pour des postes informatiques (location d’un serveur, développements spécifiques notamment pour les pétitions ou la mise en ligne de vidéos…). Nous avons également besoin de rémunérer une aide rédactionnelle pour rendre votre journal plus agréable à lire et surtout plus régulier.

Pour nous aider, vous pouvez faire un don en vous inspirant du barème (indicatif) suivant et vous rendre sur la page dédiée aux dons :

Chômeurs, bénéficiaires des minima sociaux, étudiants: 10 euros
SMIC et au-delà: entre 25 euros et 100 euros

L’association Les Amis de ReSPUBLICA vous remercie par avance du soutien que vous lui témoignez, et espère vous accompagner longtemps dans la défense de vos idées.

Par avance merci, et au plaisir de vous lire !

Lutter contre le néo-libéralisme
Rubriques :
  • Economie
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique
  • Politique française
  • ReSPUBLICA

Dans quelle crise sommes-nous ? (4)

par Philippe Hervé

 

Voir les trois précédentes contributions sur la crise de Philippe Hervé, publiées depuis 2009.

« La crise c’est quand le vieux se meurt
et que le jeune hésite à naître
», Antonio Gramsci

Un anniversaire qui fait événement : la crise globale du « turbo capitalisme » a débuté il y a cinq ans déjà. Le fait est que la crise des « subprimes » de l’été 2007 n’était effectivement pas la énième crise d’adaptation du capitalisme financier mais, au contraire, comme nous l’annoncions à l’époque les prémisses d’un « grand basculement » définitif de tout un mode de production. Il s’agit en fait de la limite extrême du capitalisme financier que nous nommions « turbo-capitalisme ».

Force est de constater que notre hypothèse de 2008-2009 de la formation d’un « pli historique », comparable en importance à celui du XVIe siècle, commence à devenir un concept opératoire pour analyser et comprendre notre quotidien (voir Dans quelle crise sommes nous ? N°1). Cette prise de position théorique explique notre opposition à l’analogie courante entre le « grand basculement de 2007 » et la crise d’adaptation de 1929. Elle a pour corollaire notre certitude dans l’inefficacité implacable des politiques keynésiennes pour sortir de l’ornière, mais aussi des politiques déflationnistes mises en place par la gouvernance européenne aux ordres des banques.

Masquer la baisse globale des taux de profits

Comparaison n’est pas raison… mais tout de même ! A l’instar du  XVIe siècle, la formation d’un pli historique débute toujours par une crise comptable. En quelque sorte, on ne sait plus compter à l’instar de l’empire de Charles Quint et de Philippe II ne comprenant pas l’hyper inflation due à l’introduction de l’or et surtout de l’argent du nouveau monde. Les intellectuels critiques ont toujours eu beaucoup de difficultés à aborder le sujet comptable et en particulier sur les comptabilités des firmes multinationales, sans parler des comptes publics des États. Il faut dire que tout a été fait, particulièrement ce dernier quart de siècle, pour rendre totalement opaques ces bilans financiers. Dans ce dispositif, les « paradis fiscaux » jouent un rôle central pour, selon notre hypothèse à l’inverse de celle communément admise, masquer la baisse globale des taux de profits et créer l’illusion d’un taux de rentabilité fictif autour de 15% de ces sortes de grands « Combinats » financiers par un système de facturation fictive. C’est l’éclatement de cette gigantesque bulle à laquelle nous assistons depuis cinq ans.

Toutefois, avant de revenir sur ce point et en particulier sur l’évaporation du « Capital Fantôme » dans l’année qui vient, revenons sur nos « prédictions » de juin 2011 (voir Dans quelle crise sommes nous ? N°3).

L’année dernière, nous écrivions : « Pour juin 2011- juin 2012, les maîtres mots seront : crise monétaire globale, dislocation politique et tentative de survie à tout prix du monopolisme. » Par ailleurs, nous estimions que dans le conflit Euros/Dollars, la devise américaine avait un avantage stratégique et l’Euro, que nous avions qualifié de « monnaie fantaisie », risquait de perdre la partie.

L’hégémonie monétaire mondiale du dollar

Effectivement, nous avions raison contre la plupart des conjoncturistes qui jugeaient l’endettement américain insupportable, mais en négligeant comme d’habitude le fondement politique du « roi dollar », c’est-à-dire l’hégémonie monétaire mondiale dont il bénéficie. Tant que les cours des principales ressources naturelles et industrielles seront fixés dans cette devise, il en sera ainsi. Pour modifier cet état de fait, il faudrait un rapport de forces économique mais aussi politique et militaire que l’Europe en pleine récession est bien incapable d’assurer. Reste la monnaie chinoise, mais son heure n’est pas encore venue. Visiblement, la direction du parti communiste chinois préfère attendre assez logiquement le bon moment et intervenir après le choc financier majeur qui nous attend … plutôt qu’avant. Elle se contente pour l’instant de renforcer ses réserves en or pendant que son cours reste raisonnable du fait des manipulations qu’il subit pour entretenir en miroir l’illusion d’une valeur réelle dans les papiers monnaies Euros ou Dollars.

Deuxième phase de l’éclatement de la monstrueuse bulle du « Capital Fantôme »

Venons-en aux perspectives possibles pour la période juin 2012- juin 2013. Pour nous, elle sera donc marquée par une deuxième phase de l’éclatement de la monstrueuse bulle du « Capital Fantôme » élément central de la crise de la dette. Cet éclatement aura pour conséquence la tentative bancaire d’une déflation profonde, impliquant une dévalorisation globale des actifs. Cette option entraînera ipso facto une rupture de l’alliance de classe entre l’hyper bourgeoisie et la bourgeoisie classique qui subsistait vaille que vaille depuis 5 ans. C’est là que réside le talon d’Achille de cette tentative déflationniste.

Pour entrer dans les détails de ce postulat de l’année à venir, il nous faut définir ce que nous entendons par « Capital Fantôme ». Pour faire simple : il s’agit de la création d’une valeur fictive d’un actif servant de contrevaleur de garantie pour l’obtention d’un prêt. Il s’agit en fait d’une escroquerie classique qui permet une cavalerie financière, mais étendue à l’ensemble de la planète financière. Les « subprimes » étaient déjà bâtis sur ce principe frauduleux de la surestimation des actifs. Il faut bien comprendre que cette supercherie est généralisée à tous les marchés, immobilier, valeurs d’entreprises, valeurs d’options etc.

La valeur d’un château de la Loire

Prenons un exemple pour rendre compréhensible ce mécanisme. Imaginons que nous soyons un hedge fund, un fond d’investissement en français, et que nous achetions pour un million d’euros un château en ruine sur les bords de la Loire. Posons comme hypothèse que nous le restaurions pour 2 millions d’euros et que nous l’aménagions pour en faire un hôtel de luxe pour 2 autres millions d’euros. Le coût total de l’opération s’élèverait arithmétiquement à 5 millions d’euros. À ce stade, imaginons que nous fassions appel à un cabinet d’expertise, soi disant totalement indépendant mais en fait totalement corrompu, pour estimer ce nouveau bijou des châteaux de la Loire. Cet expert considérerait que la valeur de ce joyau est sinon inestimable, ou tout simplement considérable, du fait de son emplacement, du classement au patrimoine de l’Unesco de la vallée de la Loire, bref, pour de très bonnes ou mauvaises raisons. Au final, la valeur estimée pourrait atteindre par exemple… 100 millions d’euros ! Dans un second temps, nous utiliserions cet actif révélé par l’expertise à sa « vraie valeur de marché » pour emprunter aux banques. Dans certains cas, nous pourrions nous endetter à hauteur de 1, voire 2 milliards d’euros, suivant un pourcentage de contre valeurs de 10 ou 5%. Il serait vraisemblable que les échéances soient importantes du fait d’un taux d’intérêt élevé, dû en particulier à l’obligation pour la banque prêteuse d’obtenir l’assurance d’être payée en cas de défaut de l’emprunteur, les trop fameux CDS (credit default swap)…mais qu’importe puisque nous disposons d’une trésorerie énorme pour rembourser…. Pendant un certains temps, comme aurait dit Madoff, et cela jusqu’à épuisement de la trésorerie. Notons au passage que tous les individus intervenant dans cette affaire se payent grassement par commissions ou rétro commissions, officielles ou occultes.

Le monopolisme payé par un endettement monstrueux

Voilà un exemple pédagogique pour illustrer cette crise de la dette au niveau du monde financier international car cette escroquerie n’est pas accessible aux simples citoyens, voire aux petites ou moyennes entreprises. Elle n’est envisageable que pour les personnes morales, celles qui depuis un quart de siècle ont un accès libre et sans limite aux crédits bancaires suivant ces conditions fort laxistes car garantis et assurés par des actifs artificiellement « gonflés à bloc » ! C’est d’ailleurs ce système, simple finalement, qui a permis le renforcement du monopolisme dans la dernière période. Bref, par l’achat des concurrents sur le marché en question, par le dumping impliquant des ventes à perte, le monopolisme fut payé par un endettement monstrueux impossible à rembourser…donc avec de la monnaie de singe.

Patatras, 2007 a sonné la fin de la récréation et la crise de la dette implique progressivement une exigibilité des contre valeurs sur lesquelles les emprunts s’appuyaient. Bien sûr, le « pot aux roses » apparaît, et dans notre exemple pour 2 milliards, la vraie garantie ne s’élève qu’à 5 millions, soit 2,5% !

Le « Fantôme » assuré par « l’Ombre »…

Certains experts estiment que ce « Capital Fantôme » sur la planète finance à 30 000 ou 50 000 milliards de dollars. 15 000 milliards se seraient déjà évaporés depuis 2007, restent donc encore entre 15 et 35 mille milliards à éponger avec nos modestes ressources citoyennes, c’est-à-dire la réduction des retraites, des remboursements santé, des services publics. Bon courage à tous ! Le problème est d’une gravité infinie car, comme nous l’avons vu dans notre exemple pédagogique, le « Capital Fantôme » est assuré par les CDS ! En bref, cette illusion de valeur est garantie par le fleuron du « Marché gris », « shadows banking » en anglais. En quelque sorte, le « Fantôme » assuré par « l’Ombre »…Cette vision presque poétique est en réalité l’engeance qui nous gouverne.

Il est prévisible que cette deuxième vague de liquidation du « Capital Fantôme » soit volontairement masquée par la crise immobilière, liée à la dépréciation des actifs dans ce secteur. On va nous expliquer benoîtement que les banques sont victimes de la baisse de la « Pierre » en Europe. Mais les chiffres incroyables que l’on va nous jeter au visage seront en fait le cumul de la dépréciation immobilière ET de l’évaporation du « Capital Fantôme ». Voilà l’explication à l’injection des 1 400 milliards d’euros de la Banque centrale européenne entre juin 2011 et aujourd’hui (300 de crédit pour les banques à court terme avec renouvellement automatique à l’automne 2011, deux prêts à 3 ans de 500, et 100 de recapitalisation bancaire directe). Nous en sommes à un tel point qu’aujourd’hui l’injection de 100 milliards de Livres (124 milliards d’euros) par la Banque d’Angleterre début juin pour soutenir le système bancaire fait partie de la routine, et n’a provoqué aucun gros titre d’un journal.

Le dégonflement de la bulle du « Capital Fantôme »

Pour éviter encore un peu cette apparition à la lumière du « Capital Fantôme », qui provoquerait du jour au lendemain la banqueroute totale du système bancaire mondial, la seule solution est déflationniste, avec une baisse générale et progressive de l’ensemble des actifs qui convergeraient et accompagneraient le dégonflement de la bulle du « Capital Fantôme ». Ce projet bancaire, à nos yeux très hypothétique et presque utopique, aurait le mérite de préserver les créances bancaires en évitant l’hyper inflation qui bénéficierait aux emprunteurs à taux fixe et ruinerait encore plus les banques. En effet, la déflation maintiendrait artificiellement un rapport constant entre la valeur faciale de la  monnaie émise  et les biens physiques patrimoniaux orientés à la baisse, et cela malgré le déluge de liquidité monétaire dont bénéficient sans limite les banques. Les politiciens européens relaient donc cette politique déflationniste massive, en particulier dans la zone euro.

Toutefois, cette voie nous semble sans issue et les chances de stabilisation déflationniste nous paraissent minces, cela principalement pour une raison politique. En imposant la baisse générale des actifs, l’hyper bourgeoisie rompt définitivement l’alliance de classe qu’elle avait nouée avec le moyenne et petite bourgeoisie des pays occidentaux. Tant qu’il s’agissait de faire payer la crise aux couches pauvres et à la classe moyenne inférieure, les bourgeois n’y voyaient rien à redire, au contraire. Mais, pour la première fois depuis 2007, les possédants risquent de s’appauvrir en termes réels, alors que l’hyper inflation au final aurait pour eux un effet neutre voire positif dans certains cas pour leurs intérêts patrimoniaux (actifs souvent investis dans la pierre ou l’or, etc.).

Le mauvais exemple grec

Voilà ce qui risque d’être le point nodal de la conjoncture politique en Europe : la rupture de la solidarité du couple « hyper bourgeoisie-bourgeoisie classique ». Cette tension aura pour expression concrète dans l’année qui vient des « clashs » politiques multiples et violents en Europe, impliquant certainement des ruptures de gouvernance. Si la tension politique grecque en est sans doute la première expression visible, l’Italie devrait suivre. Notons un détail sur la situation grecque : l’Europe fera tout pour garder ce pays dans la zone euro car son départ pourrait être exemplaire !…mais pas pour la raison généralement donnée. En effet, le retour à un drachme dévalué serait certes très douloureux dans un premier temps mais provoquerait immédiatement un appel d’air pour les liquidités du monde entier, Chine ou Brésil compris. Ce qui en quelques mois, voire une année, permettrait un rebond à l’instar de l’Argentine il y a une douzaine d’année ou de l’Islande plus récemment. Ce « mauvais exemple » serait suivi, n’en doutons pas, par d’autre pays du même gabarit et dans la même galère de l’austérité éternelle comme le Portugal ou l’Irlande. Il est donc évident que l’Europe se montrera des plus conciliantes avec le nouveau premier ministre grec à la tête de la coalition de la droite et de la social-démocratie.

Pronostic pour l’année à venir

Pour résumer notre pronostic, nous devrions assister entre juin 2012 et juin 2013 au paroxysme de la crise avec l’éclatement de la bulle du « Capital Fantôme » et l’échec programmé de la déflation européenne qui devrait entraîner l’éclatement de la zone euro, et tout cas dans sa forme actuelle. Espérons que cette prédiction se réalise car, si dramatique soit-elle, c’est la condition sine qua non pour qu’enfin l’horizon se dégage et que nous puissions en juin 2013 entrevoir les prémisses du « nouveau monde en réseau ».

Rubriques :
  • Economie
  • Europe
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique
  • Politique française
  • ReSPUBLICA

L’Allemagne ne paiera pas ! Même si on lui donne les clés du camion

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

L’UE est à un moment crucial (un de plus) : la Grèce pourtant exsangue semble prendre la voie de rester en zone euro, ouf ! mais il est déjà question de renflouement pour l’Espagne et l’Italie qui vont de plus en plus mal, ainsi que c’était prévisible. On préparerait des plans de sauvetage d’un montant de l’ordre de 750 milliards d’€, mais il en faudra sans doute beaucoup plus, et cela ne permettra tout juste, encore une fois, que gagner du temps. Gagner du temps, parce qu’on ne pourra encore concevoir que d’emprunter, c’est-à-dire s’endetter tous pour désendetter quelques-uns. Beaucoup plus, parce que l’austérité qui devra accompagner ces plans éventuels afin de les crédibiliser ne fera qu’enfoncer tout le monde, pays riches compris, encore plus profondément dans la dette. Nombre de dirigeants de l’UE le savent bien, mais peu encore l’admettent. Quoi qu’il en soit, l’idée de ceux qui voudraient éviter le jeu de dominos de l’austérité est alors de faire payer l’Allemagne, comme le prétendait déjà Clemenceau au début des années 20 pour financer sa politique de reconstruction avec un franc fort pour écarter l’inflation. L’Allemagne qui profiterait de l’euro, qui devrait se montrer solidaire, etc.

Mais on n’a jamais vu de vaincu faire payer le vainqueur. Et rarement l’inverse, d’ailleurs ! Le vainqueur peut toujours « se payer sur la bête », après une « bonne guerre », mais en matière internationale « civilisée », avec paiements en monnaie, un pays ne peut payer que s’il exporte, ce qui lui procure de la monnaie internationale. L’Allemagne exporte, elle a donc les moyens, et elle exporte principalement (pas loin des deux-tiers) vers les pays européens : donc elle a intérêt à payer, car l’austérité imposée aux pays de l’UE lui ferme ses débouchés.
Il semble que l’Allemagne veuille bien commencer à envisager de pouvoir payer, mais à la condition expresse que ceux qu’elle aiderait acceptent de lui rendre des comptes. La solidarité restreinte au périmètre du « Traité budgétaire ». Il est certain que si elle était avérée, l’information selon laquelle la Grèce n’aurait pas réduit le nombre de ses fonctionnaires, ainsi qu’elle s’y était engagée en contrepartie de l’aide reçue, n’aiderait pas l’Allemagne à « confier sa carte bleue ». Les réticences allemandes tiennent notamment à l’idée libérale que la discipline des coûts et le libre-échange sont la condition de la vérité des prix et du retour à la croissance. Mais, contrairement à ce que prétend l’idéologie du marché, il n’est pas un mécanisme d’équilibre, mais de pouvoir, et l’échange n’est pas gagnant pour tous, ne serait-ce que parce que tous ne peuvent pas être exportateurs nets en même temps.
Le « grand marché » devait homogénéiser l’espace européen et la monnaie unique renforcer cette marche vers l’intégration. Le principe était que l’impératif d’être concurrentiel contraindrait chacun à tenir ses coûts, à commencer par les coûts salariaux, la contrepartie étant que les gains de l’échange feraient converger les différentes économies. La crise de l’euro met en danger l’UE elle-même, et donc la stratégie d’intégration des pays européens dans la mondialisation via le marché « libre et non faussé ». De là, si on comprend que la crise de l’euro est la crise de la forme libérale d’intégration dans une économie mondiale capitaliste en crise structurelle, on comprend que regarder la crise de l’euro par le petit bout de la lorgnette conduit à la traiter en elle-même par des réformes cosmétiques et ne peut que générer l’échec à maîtriser le cours des choses.
Toute stratégie de sortie de crise ignorant la vraie nature de la crise de la dette et de l’euro propose différentes solutions techniques qui ne sont que cautère sur jambe de bois, parce qu’elles impliquent toutes, en dernier ressort, une Allemagne qui ne paiera pas, non point parce qu’elle ne le veut pas ou parce qu’elle ne le peut pas, mais parce que les lois de l’économie capitaliste s’y opposent. Elle paie déjà, mais elle cherche à donner les clés du camion à la bureaucratie européenne, pour faire payer les peuples. Seule l’implosion de l’euro permettra et imposera la reconstruction de l’UE sur d’autres bases, saines, celles de la démondialisation.

I. La vraie nature de la crise de la dette et de l’euro

L’Allemagne veut faire payer les peuples cigales. Mais d’où vient leur dette ? (qui assure des débouchés aux fabricants d’armes, etc.). Et d’où vient le pouvoir de l’Allemagne d’imposer ses choix économiques et sociaux ?

a- La crise de la dette, symptôme d’une « grande crise » du capitalisme

L’enlisement de l’euro résulte d’une profonde erreur d’analyse des causes de sa crise. La crise européenne a d’abord été attribuée au laxisme des gouvernements devant les effets de la crise financière de 2008 : le choix de la vie à crédit au lieu des efforts de rigueur nécessaires pour rétablir la compétitivité et financer le modèle social. On a ensuite mis l’accent sur les défauts de gouvernance de l’euro et l’incapacité des européens à prendre le problème à bras le corps, la politique des petits pas les condamnant à toujours courir après les événements.
C’est là confondre la réalité de la crise, qui s’enracine dans l’inefficacité de l’appareil productif, et sa manifestation, l’endettement. Cela ôte à l’expert toute capacité de prévision du cours des événements et le condamne à changer de monture au fur et à mesure que son argumentation se révèle fausse. Il perd toute maîtrise du cours des événements.
La compréhension de la nature capitaliste de l’économie dite de marché permet de dire que la crise est mondiale, et non seulement européenne, preuve en est, si besoin, l’attention que portent les EU et la Chine aux événements en Europe. Les stratégies nationales de ces deux pays seraient en effet directement contrariées par une éventuelle chute de l’euro : les É-U tentent de redémarrer par une politique monétaire de dépréciation du dollar, tandis que la Chine doit continuer d’exporter pour maintenir son taux de croissance.
La dynamique d’une économie capitaliste réside dans la valorisation de l’argent engagé dans le circuit : les banques commerciales prêtent aux entreprises l’argent dont elles ont besoin pour fonctionner ; si elles sont compétitives et vendent leur production à prix suffisamment rémunérateur, les entreprises remboursent le capital emprunté augmenté de l’intérêt prélevé sur leur profit. L’argent étant la contrepartie de la richesse réelle, la crise manifeste alors l’incapacité des entreprises à créer de la richesse de manière économiquement rentable, ce qui obère la rentabilité financière qui seule intéresse les actionnaires. La réaction logique de base est de retrouver la compétitivité par la baisse des coûts salariaux : ce que l’on appelle rigueur ou austérité, selon le camp d’où on parle, et que l’Allemagne présente comme réformes structurelles pour la croissance. La premier réflexe est de licencier, pour abaisser la masse salariale, l’armée de réserve ainsi constituée faisant pression pour que les encore salariés acceptent la modération. En même temps, on s’attaque aux services publics, c’est-à-dire à la redistribution, le modèle social étant alors mis en cause, parce que trop cher, trop protecteur, etc.
S’il veut éviter de trop matraquer (fiscalement, socialement, etc.) le peuple, un pays soumis à un étalon monétaire international (l’or avant-guerre, le dollar après) peut dévaluer pour tenter de stimuler ses exportations. Mais la dévaluation renchérit les produits importés, ce qui pousse les prix nationaux à la hausse et induit des revendications salariales. Si la crise est structurelle, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas que d’une question conjoncturelle, et que les gains de productivité ne suffisent plus à compenser la hausse des salaires, cela enclenche la spirale inflation-dévaluation (comme ce fut le cas dans les années 70). Les années dites « piteuses » furent ainsi des années de stagflation, avec la concomitance de l’inflation, qui ronge l’épargne, et du chômage, tous deux mettant à mal la cohésion sociale.
Un pays qui n’exporte pas parce qu’il est trop cher et qui veut éviter les troubles sociaux, ne peut alors que se tourner vers la dépense publique, afin de soutenir la croissance et l’emploi. S’il peut emprunter, il risque de s’engager dans une vie à crédit permanente si sa difficulté à exporter n’est pas conjoncturelle mais structurelle. En effet, si ses structures productives ne sont pas adaptées à la demande mondiale (s’il est spécialisé dans des biens que peuvent produire les pays à bas salaires) ou si ses réseaux commerciaux sont inefficaces, les débouchés sont indépendants du niveau des prix. Dans ce cas, si l’État s’endette en espérant que l’économie va repartir alors qu’il s’agit d’une « grande crise », comme dans les années 20-30 ou comme depuis la fin des 30 glorieuses, c’est sans espoir.
Même si on dit souvent, en référence à Keynes, que la dette de l’État n’est pas de même nature que celle d’un ménage, parce que « les ménages dépensent ce qu’ils gagnent, tandis que les entreprises gagnent ce qu’elles dépensent » (Kalecki). C’est vrai si l’offre est élastique, si elle peut suivre la demande : par exemple l’Italie du textile est capable d’inonder très vite le marché dès qu’une tendance apparaît. Mais il faut que les entreprises soient capables de produire plus sans accroître les coûts, voire puissent les réduire. En cas de crise structurelle, la dette publique ne peut être considérée comme un instrument d’action positive. Tout au plus un palliatif momentané. Qui aggrave le mal et qui soumet à la loi du plus fort, l’exportateur, le créancier.
Pour emprunter, un pays maître de sa monnaie peut s’adresser à sa banque centrale, ce que l’on appelle « faire marcher la planche à billets » : le pays se fait crédit à lui-même. En cas de crise structurelle, la création monétaire souveraine permet l’inflation et participe à l’euthanasie du rentier. Dans le cadre de l’euro, système d’étalon à parités irrévocablement fixes, dont la mise en place avait pour objectif d’empêcher la dévaluation et de protéger l’épargnant, la banque centrale ne prête pas aux États (en principe) et ledit pays n’a d’autre solution que d’emprunter aux « marchés », pour autant que ceux-ci aient confiance. Mais l’appel aux marchés, c’est la revanche du rentier, qui pourra faire payer le prix fort et imposer ses choix à l’État : austérité salariale, rigueur sociale, etc. Ainsi, au tournant des années 80-90 les partenaires de l’Allemagne ont subi « l’étau des taux », serré par le SME (système monétaire européen) après que l’Allemagne eut réagi par la rigueur aux crises générées par la politique de Reagan aux É-U. La bureaucratie étatico-financière reçoit alors les clés du camion dans la mesure où elle gère les affaires de l’État dans le sens bien compris des intérêts de la finance contre ceux des peuples. Les pays économiquement faibles sont condamnés à appeler au secours et abandonner leur souveraineté. Les élites dirigeantes n’en sont pas plus affectées et acceptent sans peine de voir la Troïka s’installer à chaque chute d’un domino.

b- L’euro ou la loi du plus fort

En effet, l’euro, monnaie unique, est une source de concurrence et non de solidarité entre les pays qui adhèrent à la zone. Selon la doctrine libérale, la concurrence « libre et non faussée » entre agents économiques garantit que le marché met en harmonie tous les plans d’actions individuels. Mais la doctrine libérale est fondée sur une théorie économique dans laquelle la monnaie est réduite au statut de pur véhicule du pouvoir d’achat des uns ou des autres, le seul critère de gestion de la monnaie étant d’éviter l’inflation, qui fausse le calcul économique des épargnants, ou la déflation, qui fausse celui des producteurs (par excès ou défaut d’émission). Cette doctrine nie la nature nationale de la monnaie, elle nie les frontières, elle nie les politiques étatiques actives, en un mot elle nie la politique et la souveraineté du peuple.
Or, même si la monnaie est unique, elle met en compétition les différents États, dans la mesure où les critères de Maastricht imposent, via la concurrence « libre et non faussée », en échange des avantages de la monnaie unique, la rigueur budgétaire et salariale. Avantages, en effet, puisque tous les agents des pays de la zone peuvent emprunter à des taux déterminés par les performances économiques de la zone, donc des taux tirés vers le bas par les pays compétitifs, exportateurs et à croissance forte. Et les États profitent de la crédibilité globale de la zone, crédibilité qui dépend du respect des critères de Maastricht (inflation, déficit et dette publics). Ces avantages n’ont pas duré.
Car la monnaie unique a vocation à être une monnaie forte, tirée par les exportations des plus forts, ceux qui ont des avantages structurels dans l’échange international. Cela induit un problème de débouchés pour les moins forts, puisqu’ils doivent être compétitifs au sein de la zone ou vendre cher hors Europe. Ainsi, l’euro impose la rigueur salariale, puisqu’il n’y a plus la possibilité de dévaluer pour éviter le déficit commercial. C’est la désinflation compétitive permanente, dans le prolongement de la stratégie adoptée en 83 par la France pour ne pas quitter le SME. Aujourd’hui imposée par l’adoption de l’euro, la contrainte est encore plus rigide.
La crise économique va renforcer encore ladite contrainte, de par le caractère national des systèmes bancaires, et donner du poids à l’Allemagne. En effet, chaque pays conserve sa banque centrale et les européens ont dû mettre en place un système de règlements intégré au sein de la zone, Target pour simplifier. Et avec la crise, ce système n’est plus équilibré, car il devient un système implicite de transferts vers les pays en crise de la dette souveraine.
En effet exporter crée une créance sur le pays importateur : si la Chine vend des ordinateurs aux É-U, elle reçoit des dollars de l’entreprise importatrice, qui a payé son achat, certes, mais ses dollars sont désormais une créance sur les É-U. La Chine peut les utiliser pour acheter des Boeing, par exemple, et les ordinateurs sont payés par une richesse réelle. Elle peut aussi les utiliser pour acheter des BT US, c’est-à-dire remplacer la créance initiale par une autre créance, financière (ou, de même, via une entreprise chinoise qui prendrait une participation dans une entreprise US). La Chine peut aussi utiliser ces dollars auprès de tout pays les acceptant en paiement.
Ce qui vaut pour les biens et services vaut pour les capitaux : acheter des titres étrangers induit de la même manière des créances internationales même si les transactions entre agents sont soldées. Si des flux entrants de capitaux compensent le déficit commercial, la balance des paiements est équilibrée. Un pays qui a une balance des paiements excédentaire accroît le stock de devises dans le bilan de sa banque centrale, ce qui permet au système bancaire d’émettre plus de monnaie, ce qui devrait, selon le principe monétariste, faire monter les prix, réduire les exportations et rétablir l’équilibre. Mais ça ne fonctionne pas tout à fait comme dans les manuels d’économie : si la crise est structurelle, les pays déficitaires ne se rétablissent pas (voir l’échec des dévaluations de la fin des trente glorieuses). Il y a alors une créance permanente, qui ne peut que s’accroître, des pays excédentaires, qui deviennent de plus en plus forts, sur les États en difficulté, toujours plus affaiblis.
Une zone monétaire de type étalon or du XIXe ou bloc or des années 30, imposait au pays leader de financer les déséquilibres au sein de la zone. Pour éviter les troubles consécutifs à l’incapacité du leader et à son refus de continuer à tenir la zone à bout de bras, Keynes avait imaginé, et proposé à Bretton Woods, le bancor, une monnaie purement véhiculaire, réservée aux paiements internationaux. Dans l’esprit de Keynes, elle permettait aux pays en déficit de rétablir leur situation dans les échanges sans devoir adopter une politique d’austérité interne porteuse de chômage et de risques sociaux. Il était dans l’illusion d’un monde capitaliste potentiellement homogène et qui le deviendrait pourvu qu’il soit bien gouverné. De la même manière, les élites européennes cherchent aujourd’hui des solutions purement techniques pour sauver l’UE de dangers qu’elle génère par sa construction même.
Alors que l’euro bute sur le même problème que la monnaie-marchandise hier, et le pays leader de la zone, l’Allemagne doit par construction payer pour les autres, comme la Grande Bretagne de l’étalon or ou la France du bloc or, et pas plus qu’elles, elle n’en a réellement les moyens. L’Allemagne ne paiera pas pour ne pas se noyer avec les autres.
En effet, au sein de l’eurozone, la monnaie est certes unique, mais sa création reste nationale : les banques françaises créent les euros pour la France, les grecques pour la Grèce, etc. Quand un importateur français achète une machine-outil allemande, il envoie un chèque au fabricant, qui lui le dépose à sa banque ; cette dernière, allemande, détient ainsi une créance sur la banque émettrice du chèque, française. Si cette créance est compensée par une entrée en France de capitaux allemands (par exemple des achats de bons du Trésor par quelque banque allemande qui a ses euros à placer), les comptes du système Target constatent un équilibre global de la balance des paiements française. La Banque de France refinance alors les besoins des banques des importateurs de marchandises avec les excédents des banques des importateurs de capitaux.
Le problème de la dette se pose dès que la crise éclate : en 2007 la crise financière a mis en danger les banques des pays les plus fragiles (on ne dit plus les PIGS, mais les GIPS), les capitaux ont fuit ces pays risqués et sont allés se placer en Allemagne (qui peut maintenant emprunter à taux négatifs, alors que les GIPS, mais bientôt l’Italie, n’ont plus accès aux marchés financiers qu’à des taux quasi-prohibitifs). Résultat, les banques allemandes gavées d’euros ont des réserves énormes auprès de la Bundesbank, tandis qu’à l’opposé, les banques commerciales des pays déficitaires sont sans ressources puisque désertées par les placements qu’elles avaient reçus. Les autres banques centrales nationales de ces pays ont dû refinancer leurs banques, ce qu’elles n’ont pu faire qu’avec le soutien de la BCE. Pour sauver le système, celle-ci a en effet accepté de les refinancer à son tour, en recourant à des « procédures non conventionnelles ». Comme cela accroissait la masse monétaire dans les pays déficitaires et pour éviter de libérer les forces inflationnistes, elle a en conséquence freiné d’autant la création monétaire dans les pays excédentaires.
Au total, d’une certaine façon, l’Allemagne paie, puisqu’elle est la principale garantie de la BCE : les prêts de l’UE (via la BCE) aux pays en difficulté sont en réalité des prêts allemands, dans la mesure où il est clair qu’elle sera le dernier domino debout. Avec l’aggravation de la crise de la dette, la situation est désormais intenable, mais les solutions proposées ne sont guère plus viables, puisque toutes reviennent à vouloir faire payer l’Allemagne, qui n’en a plus les moyens.

A suivre dans ReSPUBLICA.

 

Politique française
Rubriques :
  • Politique française
  • ReSPUBLICA
  • Société

Bon courage, Mme Bertinotti, pour « ouvrir le mariage et l’adoption à tous les couples » !

par Monique Vézinet

 

Dans le prolongement des promesses du candidat Hollande, vous avez déclaré à propos de cette “ouverture”, le 17 juin dernier, devant l’assemblée générale de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), « c’est une mesure d’égalité, ce seront les mêmes droits, mais également les mêmes devoirs… Même responsabilité pour chacun, celle de s’engager. S’engager vis-à-vis de l’autre, quand on choisit de s’unir par la loi. S’engager vis-à-vis de ses enfants, quand on devient parent. S’engager à respecter leur droit d’être élevé dans de bonnes conditions, de recevoir de l’amour, mais aussi des repères. »
Propos clairs et raisonnables. La réponse que vous avez reçue de l’institution, de la bouche d’un président issu de la Confédération syndicale des familles (CSF) et qu’on aurait pu croire plus proche de l’actuelle majorité, montre bien le décalage de l’UNAF à l’égard de l’évolution des pratiques et des opinions du pays !
Il faut connaître les rapports de force au sein de cette institution pour comprendre l’influence de ceux qui considèrent l’homosexualité comme une pathologie ! La droite catholique qui représente une composante en voie d’élimination au sein du paysage politique actuel s’ancre non seulement sur l’UNAF mais sur des positions occultes : l’Opus dei dont la présence dans les cabinet de l’ancienne Présidence a été bien notée, au point de faire reculer les volontés pourtant modérées de Nadine Morano de promouvoir un « statut du beau-parent » qui aurait pu recueillir un accord de bon sens dans une société où les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses.

Mais UMP et FN se sont clairement rangés dans la campagne électorale, face à un danger dont on peut penser qu’il n’était pas l’ennemi principal, dans le camp de l’ordre moral. Et aujourd’hui, le brave président Fondard déclare : « L’UNAF est attachée au maintien des principes qui réservent le mariage aux couples composés d’un homme et d’une femme, et aux principes fondamentaux de la filiation fondés sur le triptyque ”père, mère, enfant”.»
Manquant un peu de munitions, il fait appel à… Mme Guigou (!) qui déclarait jadis lors des débats à l’Assemblée nationale sur le Pacs : « Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité ».
Et M. Fondard de conclure sur l’apocalypse des « conséquences en chaîne pour toutes les familles : modification du mariage, de la filiation, de l’autorité parentale, de l’adoption, de la présomption de paternité, des congés parentaux, ou encore de l’accès à la procréation médicalement assistée. »

Eh bien oui, M. Fondard, voilà les chantiers à engager. Mais ce n’est pas dans l’enceinte d’une organisation non représentative, avec la pratique du vote familial et la surreprésentation de la droite catholique et du familialisme de droite qu’ils peuvent avoir lieu !
Quelles que soient les réserves qu’on puisse avoir à l’égard des multiples instances consultatives qui décorent les hauteurs de la République, il en est une – le Haut Conseil de la Famille (HCF)  – où la présence des partenaires sociaux fut gagnée de haute lutte, qui représente aujourd’hui mieux que l’UNAF les préoccupations quotidiennes des citoyens et de leur familles.
Sur la morale et les mœurs, que l’on reste hors des instances pour dicter les principes. Que l’on fasse des études sur ce que deviennent, par exemple, les enfants élevés dans des couples de même sexe, pour répondre à Mme Guigou si ce n’est pas fait depuis le temps !
Comptons sur les parlementaires, parfois mieux au contact des évolutions sociétales, comme dans le cas de la fin de vie, pour faire aboutir dans la nouvelle configuration un débat honnête sur ces questions.
Comptons sur vous, Dominique Bertinotti, pour porter cet espoir. Et, si vous le permettez, pour vous suggérer de proposer au gouvernement :

  • sur le fond, des modifications de la loi de 1975 définissant la famille,
  • sur la forme, d’ajouter à l’intitulé de votre portefeuille : ministère de la famille et de l’enfance, c’est peu de chose pour décentrer les perspectives, mais ce serait un signe.
Rubriques :
  • Combat social
  • Débats politiques
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique
  • Politique française
  • République
  • ReSPUBLICA

Pour un changement de fiscalité maintenant

par Gérard Gourguechon

 

Depuis trop d’années, et particulièrement au cours des cinq dernières, avec Nicolas Sarkozy Président de la République, les gouvernements et les politiques publiques ont largement contribué à placer le pays sous l’emprise et la domination d’une finance progressivement libéralisée et dérèglementée. Ceci a fortement pesé dans le développement de la dette publique.

Plusieurs rapports et plusieurs études (INSEE, Cour des Comptes, Commission des Finances de l’Assemblée nationale) ont clairement établi que l’endettement accru des comptes publics résulte plus d’une diminution des recettes publiques que d’une augmentation des dépenses publiques. C’est ce qui a été affirmé en avril 2010 dans le rapport Champsaur-Cotis : « En l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité »

En effet, depuis des décennies, on a assisté à une véritable contre-révolution fiscale qui, outre son caractère profondément injuste, a asséché les recettes de l’Etat. Celles-ci représentaient 15,1 % du PIB en 2009 contre 22,5 % du PIB en 1982. C’est une des causes essentielles du gonflement de la dette.

A plusieurs reprises François Fillon, Premier Ministre, a utilisé l’argument de « finances publiques exsangues » pour réduire encore certaines dépenses publiques et sociales pourtant indispensables, tout en gardant le silence sur l’une des causes principales, à savoir les multiples cadeaux fiscaux faits aux riches et aux très riches particuliers et aux plus grosses entreprises.

On se souvient que le Président des riches n’avait pas attendu, dès l’été 2007, pour s’engager dans sa contre-réforme fiscale. Pour donner aujourd’hui un sens au changement, pour que le changement, ce soit maintenant, une des nécessités, une des urgences est d’engager le pays dans une réforme fiscale radicalement différente des orientations retenues par les derniers gouvernements.

Il s’agit de se libérer progressivement de l’emprise de la finance en dégageant de nouvelles ressources fiscales permettant de financer l’action publique et de le faire dans le sens d’une réduction des inégalités par une recherche de justice fiscale. Pour ce faire, il faut prioritairement prélever sur l’épargne abondante des plus aisés tout en permettant à l’action publique d’améliorer l’activité économique et de réduire les inégalités.

Aller vers une imposition identique des revenus du travail et des revenus du capital

Aujourd’hui, les revenus du capital sont souvent moins imposés que les revenus du travail. Ceci résulte notamment de la possibilité donnée aux propriétaires de portefeuilles d’actions de choisir entre un prélèvement forfaitaire libératoire (21 % depuis le 1er janvier 2012) et un abattement de 40 % sur la base imposable quand les revenus financiers sont intégrés à la déclaration de revenus. Ce sont les contribuables qui ont des portefeuilles mobiliers importants qui bénéficient le plus de ces dérogations qui leur permettent d’échapper en grande partie à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il faut, rapidement, supprimer ces deux possibilités et s’y engager dès la loi de finances 2013. Il faut que les revenus du capital soient, au moins, imposés comme les revenus du travail. Ceci peut se faire par étapes, en remontant chaque année le taux du prélèvement forfaitaire, en diminuant le pourcentage de l’abattement autorisé, et en mettant en place un plafonnement de l’avantage fiscal qui découle de ces deux dispositions.

Renforcer la progressivité du système fiscal

Un impôt progressif est celui qui répond le mieux à l’esprit de l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (un impôt en fonction des « facultés » de chacun). C’est à partir d’un impôt général portant sur l’ensemble des revenus des personnes qu’il est possible de mettre en place ce genre d’imposition. En France, c’est surtout l’impôt sur le revenu qui peut jouer ce rôle. Dès lors que les niches fiscales sont multipliées qui permettent de réduire l’assiette de cet impôt pour les plus riches, qu’un système de prélèvements forfaitaires libératoires est mis en place qui permet d’exclure certains revenus de cette progressivité, et que le nombre de tranches comme l’éventail des taux d’imposition sont réduits et resserrés vers le bas, la progressivité est réduite. Il faut, dès la prochaine loi de Finances, prendre des orientations allant dans l’autre sens.

-­ Augmenter le poids de l’impôt sur le revenu

Il faut supprimer toutes les mesures qui permettent d’exclure certains revenus (essentiellement les revenus financiers) de la progressivité de l’impôt. Il faut faire entrer les plus-values réalisées sur les portefeuilles d’actions dans le revenu imposable. Il faut s’engager dans une redéfinition et une mise à plat des « niches fiscales » liées à l’impôt sur le revenu ; dans ce cadre, et dans un premier temps, il faut revoir à la baisse l’avantage fiscal résultant de l’application du quotient familial pour les revenus élevés. Certaines niches doivent être supprimées, d’autres peuvent être maintenues. Généralement, l’efficacité et la pertinence de l’intervention publique sont meilleures en aidant directement certains comportements (particulièrement dans le domaine de l’environnement) qu’en ouvrant des avantages fiscaux qui multiplient les effets d’aubaine. Il faut augmenter le nombre de tranches, pour mieux « lisser » le passage d’un taux à un autre, et il faut élargir fortement l’éventail des taux. L’éventualité d’un taux marginal à 100 % est liée au débat sur la mise en place d’un revenu maximum.

-­ Augmenter le poids de l’impôt sur les sociétés

A terme il est nécessaire d’aller vers une augmentation du taux de l’impôt sur les sociétés ; celui-ci était de 50% du temps de Valéry Giscard d’Estaing, qui était loin d’être un gauchiste, et jusqu’en 1986, avant que la cohabitation avec Chirac n’engage la baisse de l’IS en France. Pour s’engager dans le bon sens, il faut que la prochaine loi de Finances comporte une augmentation du taux de l’impôt pour la part des bénéfices des sociétés qui est distribuée, celle qui est réinvestie dans l’entreprise restant au taux actuel (autofinancement). Il est possible d’envisager un impôt sur les sociétés lui aussi progressif, avec un taux évoluant en fonction du montant du bénéfice déclaré. Il faut rapidement supprimer la quasi totalité des niches instaurées pour réduire l’assiette de l’impôt sur les sociétés, notamment la « niche Copé » qui exonère les plus-values à long terme sur la cession de titres de participation. Le coût fiscal de cette seule disposition est d’environ 6 milliards d’euros par an, pendant que l’ensemble des mesures dérogatoires à l’IS représente un coût annuel de 66 milliards d’euros chaque année. Le système du crédit d’impôt recherche, par son coût budgétaire, par ses effets d’aubaine qu’il permet aux plus grosses entreprises, doit être rapidement encadré, voire supprimé.

-­ Baisser la part de la TVA dans le système fiscal français

Il est patent, et connu, que la TVA est un impôt particulièrement injuste, qui frappe les consommations de chacun et de chacune dès le premier euro. C’est aussi un impôt particulièrement « rentable » : il représente en 2012 plus de 50 % des recettes fiscales du budget de l’Etat. Il faut arriver à réduire son coût pour les familles, en instaurant notamment une TVA à taux zéro pour certains biens et services de première nécessité. Toutefois, une baisse décidée dès maintenant, alors qu’il n’y a aucune certitude qu’il y aurait, en conséquence, une diminution parallèle des prix au détail, serait un gâchis budgétaire, un cadeau, de fait, à certaines professions, sans aucun aspect social. Il faut, au préalable, remettre en place une administration ou un service de contrôle des prix. Il y a urgence, par contre, à ne pas augmenter la TVA ; il faut donc annuler la hausse de 1,5 point du taux normal de TVA (TVA « antidélocalisation » de Sarkozy) qui, par ailleurs, affecterait le pouvoir d’achat des familles modestes et pèserait sur la consommation des ménages.

Renforcer la taxation des patrimoines et des fortunes

Les inégalités de fortunes et de patrimoines sont bien plus fortes encore que les inégalités de revenus. Pour réduire réellement les inégalités, il faut donc agir sur la fiscalité des revenus et sur la fiscalité des patrimoines. En ce qui concerne l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le minimum est le retour à l’ancien barème d’avant la dernière réforme Sarkozy-Fillon et il faut, de même, supprimer les allégements sur les droits de succession et de donation décidés dès 2007.

Parallèlement à ces mesures immédiates, il est important d’affirmer dès maintenant des choix politiques décisifs dans le domaine fiscal.

-­ Donner aux collectivités territoriales les moyens financiers de leurs missions

Les collectivités territoriales ont des finances de plus en plus contraintes et encadrées par l’Etat, et elles doivent très souvent recourir à l’emprunt. Depuis plusieurs années, la tendance dominante est de décentraliser les dépenses tout en centralisant les recettes. La récente réforme de la taxe professionnelle coûte très cher aux collectivités territoriales, réduit encore leurs moyens financiers et aussi leur autonomie par rapport à l’Etat, et donc par rapport aux gouvernements. Cette politique est aussi un des moyens qui permet à l’idéologie libérale de casser progressivement des services publics tout en évitant l’affrontement avec les usagers et la population au niveau national : le recul des services publics, désormais territoriaux, ne se fait plus d’un seul coup sur l’ensemble du territoire mais à des rythmes différents, ce qui fractionne les possibles résistances. Il est indispensable de donner les moyens aux collectivités territoriales de financer les missions qui doivent relever de leurs compétences. Tout ceci nécessite des débats démocratiques sur la pertinence des niveaux de gestion à l’intérieur du territoire national, sur l’autonomie financière des collectivités territoriales, mais aussi sur la nécessaire solidarité nationale et donc sur une amélioration et un renforcement des péréquations entre les territoires. Dans ce domaine, il s’agit d’engager rapidement le débat citoyen.

-­ Faire cesser le dumping fiscal au sein de l’Union européenne

La première priorité dans le domaine fiscal au niveau de l’Union européenne est certainement de dépasser l’actuelle règle de l’unanimité qui permet à un Etat seul d’empêcher toute décision dans le domaine fiscal. L’argument avancé pour maintenir cette règle est l’attachement des Etats à leur indépendance fiscale et budgétaire. C’est une mascarade. Ceci permet surtout aux Etats membres qui sont des paradis fiscaux (le Luxembourg en premier) de bloquer toute mesure qui viendrait améliorer la taxation de certains revenus (ceux de « l’épargne » notamment), réduire le secret bancaire et améliorer la coopération et l’échange d’informations entre les administrations. De même que certains ont estimé possible que des accords entre seulement 12 Etats membres de l’UE puissent entrer en application (ainsi pour l’application de la « règle d’or »), il faut permettre l’application de décisions fiscales communes à un certain nombre de pays sans attendre l’unanimité. Ce pas ayant été franchi, en rupture avec les contraintes actuelles, il devient possible de mettre en place progressivement un « serpent fiscal européen » entre les pays qui en seraient d’accord, conduisant à une harmonisation fiscale choisie ; celle-ci devrait permettre de dégager des ressources financières plus importantes pour l’UE qui financeraient des politiques communes effectives et des solidarités entre Etats et entre régions et territoires au sein de l’UE. Dans ses relations avec les autres gouvernements des Etats membres, le gouvernement français doit rapidement faire comprendre qu’il est décidé à de telles évolutions, sinon ce sont une majorité d’Etats qui, de fait, sont « pris en otage » par quelques Etats, et leurs moyens budgétaires comme leurs choix fiscaux continuellement contraints par une concurrence fiscale favorable aux capitaux et aux éléments mobiles. Si rien n’est entrepris, des Etats comme le Luxembourg, qui sont de véritables paradis fiscaux, avec le secret bancaire qui va avec, pourront continuer d’empêcher toute évolution de la fiscalité au niveau européen en continuant d’adopter une législation et une réglementation directement au service de ceux qui veulent « optimiser » leur fiscalité.

Le gouvernement français doit donc rapidement faire comprendre qu’il est décidé à ne pas laisser perdurer la situation actuelle de concurrence fiscale et faire de ce dossier une priorité dans les négociations européennes. A défaut, le gouvernement restera fortement limité dans ses réformes fiscales, et ensuite dans ses budgets publics, et donc dans ses moyens d’agir. Parallèlement, le gouvernement doit s’engager dans une renégociation des conventions fiscales bilatérales, particulièrement avec les pays frontaliers qui abritent des « exilés fiscaux ». Il faut faire avec la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ce qui a été fait avec Monaco en 1963 et considérer que les ressortissants français qui résident dans ces trois pays sont considérés vivre en France au plan fiscal. Plus globalement, il n’est pas possible qu’à l’intérieur de l’Union européenne, les capitaux, les biens, les services et les personnes circulent librement, alors que les législations sont mises en concurrence et que les administrations ne coopèrent pas.

-­ Agir contre la fraude fiscale

La fraude fiscale, par son ampleur et par ses caractéristiques, ne peut que compromettre fortement les orientations fiscales et budgétaires qui devraient être prises par le gouvernement. Elle réduit les rentrées fiscales (au minimum 50 milliards d’euros par an en France) et accentue les inégalités (ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui peuvent user de l’existence des paradis fiscaux). Il faut donc, très rapidement, que des mesures soient prises qui témoignent d’une volonté de mettre fin au laxisme pratiqué à l’égard de la criminalité financière et de la fraude fiscale de grande ampleur. Au niveau national, pour l’essentiel, les textes existent qui permettraient de réprimer la fraude fiscale ; ce qui manque, c’est la volonté politique d’agir, en y engageant les administrations concernées (impôts, douanes, police financière, justice, etc). Un signal serait donné par des créations d’emplois dans les services de ces administrations chargés de lutter contre ce genre de fraudes. Rapidement aussi, des décisions unilatérales peuvent être prises par le gouvernement français : établir la liste « française » des pays et territoires considérés comme non coopératifs et comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions et pénalisations infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires, et exiger des entreprises qui souscrivent des marchés publics de présenter dans leurs comptes la répartition de leur chiffre d’affaires, de leurs salariés, de leur masse salariale, de leurs bénéfices, etc, pays par pays (reporting pays par pays).

Gérard Gourguechon – 15 juin 2012

A lire, à voir ou à écouter
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • Combat laïque
  • Laïcité
  • ReSPUBLICA

« De la laïcité, chemin(s) faisant » de Laurent Laot

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

De ce livre édité par Temps Présent en mai 2012, les lecteurs de ReSPUBLICA pourraient se demander ce qu’il apporte de plus que ceux de nos amis Catherine Kintzler ou Henri Pena-Ruiz. Nous leur répondrions que l’attachement majoritaire du peuple français au principe de laïcité, principe d’organisation sociale, ne peut pas uniquement être expliqué par les athées et les agnostiques. Tout simplement  parce qu’aujourd’hui, leur nombre est inférieur au tiers du peuple et que ce pourcentage était encore bien plus faible au début du XXe siècle, période d’élaboration de la loi promulguée le 9 décembre 1905 portant séparation des églises et de l’Etat. Il y a donc des croyants y compris catholiques qui soutiennent ce principe de séparation. Tout cela renvoie en grande partie à la contradiction diachronique entre le gallicanisme et l’ultramontanisme.

Laurent Laot est un catholique laïque. Il nous délivre dans ce livre son éclairage tout en nous apprenant beaucoup de choses, sur l’histoire du catholicisme avant la loi de séparation de 1905, sur le Concordat promulgué en 1802 qui ouvre la voie aux régimes des « cultes reconnus » et sur la façon dont  le combat laïque s’est constitué pendant cette période. Il nous  apprend aussi la différence de traitement de la question des congrégations (par rapport à la question de l’église) tant par les pouvoirs publics que par l’église elle-même. Puis, il nous délivre une analyse diachronique  de la  publication de la « Semaine religieuse du diocèse de Quimper et de Léon » (qui a changé de nom à travers l’histoire) qui montre concrètement les modifications de la ligne stratégique de l’église de 1886 à nos jours. C’est très intéressant. Et contrairement à de nombreux intellectuels (catholiques, athées ou agnostiques) qui ont combattu et qui combattent toujours le principe de laïcité pour tenter de la rendre compatible avec les cléricalismes, Laurent Laot déclare : « …Rome accepte la « laïcité » mais ne peut que refuser le « laïcisme ». Au final, tout le monde comprend : Rome entend garder les clefs de la définition correcte de la laïcité, de la laïcité tolérable à ses yeux, hors de laquelle, c’est du laïcisme. Ce par quoi se dit son opposition à la laïcité qui est. ». Suit une étude critique  mais fouillée de deux documents anti-laïques, l’encyclique « L’évangile de la vie » écrit en 1995 par monsieur Woytila alias Jean-Paul II, et la note doctrinale intitulée « Questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique » publiée en 2002 par la Congrégation pour la doctrine de la foi, instance centrale du cléricalisme du Vatican. Comme le dit Laurent Laot ces documents « ne se résument pas » car « chacun d’eux est à prendre dans sa globalité ».

Vous l’avez compris, ce livre est à lire par tous ceux, citoyens éclairés, militants laïques qui ont compris qu’il faut bien connaître le réel pour pouvoir le transformer. On peut seulement regretter que l’auteur n’ait pas analysé l’influence de certaines structures ecclésiales intégristes telles l’Opus dei dans le virage ultra réactionnaire de l’église contemporaine et dans son alliance avec le modèle politique néolibéral. Cela aurait apporté à la compréhension du réel actuel.