Chronique d'Evariste
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Pour ceux qui veulent le changement : l'éducation populaire, cela va bientôt être pour maintenant !

par Évariste
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À chaque période sa tâche principale. Comme le gouvernement Ayrault a décidé que le changement, ce n’est pas pour maintenant, il convient, pour ceux qui ne se résignent pas à l’ordolibéralisme de ce gouvernement, de déterminer la tâche principale de chaque militant conscient pour chaque séquence donnée.
Évitons de nous éparpiller dans une multitude d’actions multicartes sans ligne directrice stratégique indépendamment de la réalité concrète. Il convient pour nous d’avoir, à chaque séquence, une tâche principale et d’autres tâches qui ne peuvent qu’être secondaires. Ou dit autrement, chaque séquence doit voir émerger une tâche principale, suite à une analyse de la situation. En attendant la prochaine séquence qui verra réexaminer la ligne stratégique et donc la tâche principale.
Durant la séquence septembre 2011 à juillet 2012, la tâche principale fut celle de la campagne présidentielle et des élections législatives jusqu’aux premières décisions gouvernementales.
D’août 2012 à la mi-octobre 2012, la tâche principale a consisté et consiste toujours à mobiliser pour la manifestation du 30 septembre 2012 contre le traité budgétaire élaboré par Sarkozy et Merkel et que le gouvernement Ayrault et le Parti socialiste ont décidé de voter ! Puis interpeller les parlementaires socialistes pour que la gauche ne vote pas le traité Sarkozy-Merkel lors de la première quinzaine d’octobre pour éviter d’ouvrir la voie à une politique austéritaire sans précédent !
Car voter le traité Sarkozy-Merkel (que François Hollande n’a pas renégocié contrairement à ses engagements)1, c’est accepter de durcir les politiques d’austérité contre les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires, mais également de s’engager sur le chemin de la suppression de la démocratie sociale et politique. Sans oublier que ce traité ne sortira pas la France de l’impasse de la triple crise. Tout au plus, cela lui permettra sans doute de gagner du temps, mais sans possibilité de sortir de l’impasse.
Si comme cela semble devoir se passer sur ce traité, l’alliance ordolibérale UMP-PS, bafouant la volonté du peuple (qui aujourd’hui voterait non sans doute au-delà du vote de 2005), permettait à ce texte scélérat de passer par la voie parlementaire, il nous resterait à résoudre la contradiction qui se nouerait sur la divergence entre la volonté générale du peuple et le gouvernement que ces mêmes électeurs ont élu. Pour dépasser cette contradiction, seule une gigantesque campagne politique d’éducation populaire tournée vers l’action peut permettre au peuple de faire surgir une nouvelle cohérence.
Mais en plus, il faut remarquer que de la mi-octobre 2012 à la mi-juillet 2013, c’est une séquence sans élections ce qui est assez rare. Voilà pourquoi cette séquence doit permettre de préparer la politique de temps long permettant de monter de plusieurs crans dans la prise de conscience.
Par ailleurs, la période d’intensification des politiques d’austérité ne pourra que radicaliser une nouvelle partie des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires.
Sans compter que l’attaque contre le salaire socialisé et la cotisation sociale (au profit de la TVA dite sociale ou de la CSG), demandée par le MEDEF, revient à l’ordre du jour. Sans compter que ce gouvernement supprime pour les plus aisées la niche fiscale Scellier pour recréer immédiatement après la niche fiscale Duflot. Il s’agit là d’augmenter la défiscalisation du Scellier sous la condition d’effectuer l’achat d’appartement dans une contrainte de territoires. Beau bénéfice en perspective pour les couches aisées au lieu d’augmenter l’aide à la pierre.
Voilà pourquoi nous proposons aux citoyens éclairés, aux militants, aux responsables politiques, syndicaux, mutualistes et associatifs, que la tâche principale de la période qui vient (de la mi-octobre 2012 à la mi-juillet 2013) soit de démultiplier les actions d’éducation populaire de toutes natures : conférences classiques, stages de formation, cycles d’universités populaires, conférences sur les grands auteurs de l’histoire de la pensée, actions vidéos, cinédébat, actions théâtrales, conférences gesticulées, conférences populaires, théâtre-forum, etc. Votre journal électronique ReSPUBLICA reviendra sur ces différentes formes utilisées. N’hésitez pas à nous questionner, à nous inviter pour en débattre. Avec notre partenaire du Réseau Education Populaire, nous sommes actuellement sur un rythme de 200 initiatives par an grâce à votre demande directe ! Sans compter les autres réseaux dont nous parlerons aussi dans nos numéros ultérieurs.

Haut les cœurs, l’éducation populaire, ça va bientôt être pour maintenant !

  1. Le traité n’a pas changé d’une virgule depuis l’arrivée de François Hollande. Et nous avons déjà dit ce que nous pensons du pacte de croissance qui est un texte qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu. 120 milliards, c’est moins de 1 % du PIB de la zone euro et pour plus de la moitié de cette somme, il s’agit de sommes déjà existantes et non encore utilisés et pour la petite moitié, il s’agit d’une mobilisation sur un plan pluriannuel de 5 ans. Autant dire que c’est de la poudre aux yeux ! []
L'Innocence de l'Islam
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La liberté d'expression comme ressource terroriste

par Jeanne Favret-Saada
Jeanne Favret-Saada a publié en 2007 "Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins", Les Prairies Ordinaires, et en 2010 "Jeux d'ombres sur la scène de l'ONU. Droits humains et laïcité", L'Olivier.

 

Depuis le 11 septembre dernier, l’affaire de la bande annonce d’un film sans doute inexistant, « L’Innocence des musulmans », mobilise quelques douzaines de gouvernements, produit ses morts quotidiens et ses manifestations de musulmans en colère, et nous oblige, chacun, à nous demander ce qui est en train d’arriver à la liberté d’expression. Car pour une fois, les producteurs du « blasphème » supposé ne prétendent pas avoir fait œuvre d’art et ils ne revendiquent pas la liberté de création pour leur navet.

En 1989, Salman Rushdie a pu prétendre ne relever que de la seule liberté de créer des fictions qui n’exprimeraient rien d’autre que le chaos du monde intérieur de « l’immigré » : de ce fait, aucune opinion de ses personnages ne saurait lui être attribuée, ni même la responsabilité d’avoir conçu ces personnages, dont chacun est d’ailleurs fait de pièces et de morceaux impossibles à résumer en une formule. La difficulté de sa position tenait à ce que, la liberté de création n’étant reconnue dans aucun droit existant, la seule base possible de la défense de Rushdie fut la liberté d’expression : outre son droit à vivre, son droit à publier Les Versets sataniques.

En 2005-2006, les fameux dessins représentant Mohammed figuraient dans une enquête du journal danois le Jyllands Posten sur la liberté d’expression : la peur et l’autocensure de nombreux artistes danois devant la pression d’intégristes musulmans interdisant de critiquer leur version de l’islam, et en particulier l’interdiction de représenter de Prophète dans un ouvrage pédagogique destiné aux adolescents. Ces dessins (un peu vite appelés « caricatures ») représentaient l’affirmation de douze dessinateurs danois : eux, en tout cas, s’autorisaient à faire ce que tels imams fondamentalistes interdisaient à tous les citoyens danois. Dans cette affaire, personne n’a revendiqué le droit particulier des artistes à exprimer leur vision ambigüe du monde : tous, journalistes et dessinateurs, ont revendiqué le droit à l’expression, le droit à la critique, et le droit à la caricature pour tous les citoyens.

“L’Innocence des musulmans” trailer en anglais n’ayant pas produit le moindre effet pendant deux mois, ils l’ont traduit en arabe et envoyé aux télévisions égyptiennes au début septembre, dont l’une l’a évoquée. Dès lors, en très peu de jours, la version arabe de la vidéo, diffusée par YouTube, a produit les dégâts espérés.

Le principe de la liberté d’expression est très important pour ces gens, qui entendent en faire usage dans un but patriotique et civilisationnel : libérer l’Amérique et l’Occident de la menace représentée par cette religion de la Soumission, qui entend veut « nous » soumettre. Il y a là des gens qui défendent le christianisme comme religion, mais aussi d’autres pour qui le thème culturel (défense de « notre » civilisation, qui se trouve être chrétienne) est l’important, et qui se disent secular voire atheists. Cette élasticité idéologique fait que de nombreux réseaux peuvent s’interconnecter, comme ce fut le cas pour les premiers “antisémites” au dernier tiers du XIXe siècle, des gens qui s’entendaient sur un seul objectif politique - retirer aux juifs les droits civiques qui leur avaient été accordés pour de mauvaises raisons - et avaient des idées divergentes sur tout le reste.

Ces Américains anti-islam apparus sur la scène publique depuis une semaine ont donc des appartenances très diverses, bien qu’ils soient tous, en gros, Républicains et conservateurs. On note parmi eux plusieurs genres d’évangéliques (qui ne coopèrent que sur ce sujet de l’islam), des juifs, des catholiques, des chrétiens orthodoxes (dont cet étrange prêtre copte qui dit avoir converti cinq millions de musulmans par TV), mais aussi des politiciens conservateurs, des gens engagés dans les luttes locales - par exemple contre la construction d’une mosquée. Tous considèrent qu’Obama s’est trompé dans sa politique arabe, et que les médias sont trop « libéraux » sur le sujet. (Pour autant, au contraire de tant de groupes évangélistes américains, ils ne soutiennent pas Israël, ne s’intéressant qu’à la lutte contre « l’islam ».)

Ces gens étaient assez bien repérés par le FBI et par le gouvernement pour qu’ils n’aient mis que deux jours à les identifier, malgré leurs innombrables pseudos. Certains de leurs soutiens sont des stars du counter-jihad, de la lutte contre l’islam. Aussi un chef d’état-major adjoint a-t-il officiellement demandé au pasteur Terry Jones, le brûleur de corans, de cesser de vanter le film à la télé ; le célèbre missionnaire copte qui prétend avoir converti cinq millions de musulmans en leur révélant la vérité sur la sexualité du Prophète, et qui avait vanté les mérites du trailer, a dû être mis sous protection, de même que le principal responsable du « film ».

Devant cette situation, les médias et le sites « libéraux » américains se demandent une fois de plus comment protéger la démocratie américaine contre les hate mongers, mais nul ne voit comment procéder, à cause du statut ambigu de l’« expression », à la fois une opinion et un acte : comment réduire la possibilité de certains actes sans réduire la possibilité de la liberté de penser ? Ma conviction est que la chose est impossible, et qu’il faut défendre la liberté d’expression justement parce qu’elle articule la pensée (la conscience) avec l’action (son incarnation politique et sociale). Quitte à critiquer les pensées et les actes en question.

Ainsi, la manière dont la liberté d’expression est instrumentalisée dans cette affaire doit être mise en évidence. Si l’on considère le théâtre de l’affaire dans son entier, on trouve, d’une part des réseaux lâches de défenseurs de l’Occident qui fabriquent une provocation (L’Innocence des musulmans) et font un usage terroriste de la liberté d’expression ; et d’autre part des commandos fondamentalistes musulmans non unifiés qui réceptionnent cette provocation avec avidité. Chacun est, à sa manière, un acteur conscient de ses propres enjeux politiques et des armes limitées dont il dispose, mais aussi, chacun a besoin de l’autre pour produire l’effet voulu. Le pouvoir d’État n’est pas à leur portée, ni l’adhésion générale de la société (sa mobilisation), mais à eux deux, ces groupes militants provoquent des dégâts politiques, humains et matériels considérables, et ils prennent à revers leur État et leur société. Pas besoin d’une théorie du complot pour comprendre qu’ils ont des intérêts et des stratégies complémentaires, dont la jonction s’est faite le jour où le film a été traduit en arabe et diffusé par la TV égyptienne. Entre eux, comme on dit en mécanique, il y a du couple.

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Le dernier numéro de "Charlie Hebdo" serait une provocation ? Une opération commerciale ? Une débilité, ou au mieux un humour dégénéré ?

par Mohand Bakir

 

Charlie herbo a révélé l’intolérance et les limites de la liberté imposées par les intégristes.
Oui peut-être, chacune de ces choses ou toutes à la fois ! Mais, l’essentiel n’est pas là. Il est dans le droit inaliénable de Charlie Hebdo à traiter par la dérision, la satire et le sarcasme tous les sujets qu’il lui semble bon de traiter, aussi sacrés puissent-ils être.
La fonction même d’un journal satirique n’est-elle pas de s’exprimer par l’outrance et l’effronterie. A quoi bon servirait une satire qui respecterait les convenances et les règles de bienséance ?! Insipide, tel serait ce canard, le mot même de satire perdrait tout sens et tout contenu. Les journaux satiriques, dans leur outrance, ne sont pas des amuseurs publics. Leur impertinence témoigne de l’effectivité de la liberté d’expression.
Il faut être clair. La question n’est ni d’encenser, ni de critiquer ce que les dessinateurs de Charlie Hebdo ont pu croquer avec leurs crayons. La question est de leur reconnaître ou de leur dénier le droit à le faire.
Dans le contexte actuel d’une offensive en faveur de la restauration du délit de blasphème, que certains voudraient universellement porté par la “communauté internationale”, le coup de gueule de Charlie Hebdo est à saluer. Il remet le débat sur de bonnes bases. Il met à nu les poltrons de tous acabits qui se précipitent pour pérorer sur les prétendus “excès” de la liberté d’expression, au lieu de faire face aux attaques orchestrées par la sainte alliance de toutes les théocraties. Charlie hebdo dévoile tous ces peureux qui font les beaux et les gentils devant les tenants des nouvelles inquisitions. Il est dans son rôle, et il s’acquitte bien de sa tâche.
Revenons à l’origine des faits. Des intégristes orchestrent une compagne “de défense du prophète de l’islam” offensé dans un navet réalisé par un obscur personnage. Des musulmans se sentent offensés et le disent. Quoi de plus normal ? C’est leur droit … à l’expression. Mais voilà que cette compagne devienne non seulement violente, mais surtout dirigée à l’encontre la liberté d’expression !
Nous y voilà donc. La question n’est pas de défendre l’image écornée du prophète de l’islam, mais de disqualifier une liberté essentielle à toutes les autres libertés. Une liberté garantie à tous, sans distinction d’origine, d’opinion ou de conscience.
L’intégrisme islamiste ne fait que confirmer son opposition fondamentale à la démocratie. Les théocrates de toutes obédiences lui emboîtent le pas pour exiger des limites à la liberté d’expression. Il se trouve aussi des politiciens opportunistes pour trouver que “par moment l’exercice de la liberté d’expression «dépasse les limites»”. Mais préparez donc vos muselières mes seigneurs !!
Vous tous qui criez aux excès de la liberté d’expression, vous revenez à la charge pour restaurer vos tutelles, vos censures, et le nivèlement des pensées. Vous voulez nous faire oublier que c’est face aux théocraties et aux pouvoirs religieux que la libre expression a été arrachée. C’est en faisant reculer les limites imposées par les inquisitions et les délits de blasphème que les peuples ont pu conquérir leur droit à l’expression. C’est en mettant à bas la tutelle des sacrés que la cité s’est sécularisée et érigée en espace de liberté et de citoyenneté, où chacune et chacun a droit à la parole.
Eh bien non, “mes seigneurs” les conservateurs c’est par ses “excès” (et ces “excès”) que la liberté d’expression tient. Tous républicains conséquent se doit de défendre la liberté d’expression dans son intégralité, même s’il n’en partage pas tout ce qu’elle permet de dire.
A mettre dans la balance les violences manipulées par les tenants de la théocratie, et des expressions d’un art aussi débile ou dégénéré soit-il, il est affligent de constater l’errance hypocrites des “bonnes” consciences.

Lutter contre le néo-libéralisme
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Compétitivité et austérité : problème du faible ou problème du système ? (1ère partie)

par Michel Zerbato
Universitaire.
Auteur de "Néolibéralisme et crise de la dette, aux éditions "Osez la République Sociale"

 

Quand à la fin des années soixante, la crise du mode de production capitaliste a mis fin aux « trente glorieuses », les dirigeants ont tenté de stopper la montée concomitante de l’inflation et du chômage par des dévaluations à répétition. Ils ont ainsi enclenché une spirale explosive contre laquelle les européens ont lancé l’institution de l’euro comme monnaie unique de l’UE. Ce parachèvement de la construction européenne devait faire converger les économies de la zone en imposant aux « retardataires » des réformes structurelles qui les mettraient à niveau et permettrait de retirer tous les gains de l’harmonie du marché.

L’échec est patent, la crise de la dette mettant en danger l’existence même de la zone. Dans un premier temps, tous ou presque, européistes ou eurosceptiques, se sont accordés pour n’y voir que le résultat de la crise financière de 2007. Mais « les faits sont têtus », comme disait Lenine, et ils ont fini par imposer l’idée d’une crise réelle génératrice de la crise de la dette. Cependant, cette crise réelle reste pour tous d’origine externe à la nature capitaliste de l’économie dite de marché. La dernière ligne de défense du système est alors celle d’une crise de compétitivité : au sein de la zone euro, une évolution trop divergente des coûts salariaux induit une baisse de la part des exportations de certains pays et le déséquilibre de leur balance des paiement, dont le financement creuse leur déficits et gonfle leur endettement, origine de leur crise de la dette.

Chez les européistes, pas de doute, ce sont les coûts salariaux qui élèvent les prix et sont cause des tous les maux. Cependant, chez ces néo-libéraux, deux points de vue s’affrontent : d’un côté, les ultra-libéraux (disons les anglo-saxons) pensent que l’échec de la monnaie unique résulte de l’intervention dépensière et fiscaliste de l’État, il suffit de libéraliser les économies, pour que les marchés finissent par les harmoniser ; de l’autre, les ordo-libéraux (disons les allemands) considèrent que la monnaie unique ne sera viable que si une politique de « concurrence libre et non faussée » construit pas à pas, rigoureusement, la convergence recherchée des économies. Pour tous cependant, c’est donc l’austérité ou la fin de l’euro, rejoignant ainsi d’une certaine façon les eurosceptiques, qui considèrent que la malformation congénitale de l’euro le condamne inéluctablement, parce qu’elle induit un coût de sauvetage économiquement, socialement et politiquement exorbitant.

C’est au nom d’une France trop chère, à l’instar des GIPS, et dans la crainte du coût d’un éclatement de l’euro, que droite et gauche s’accordent sur l’austérité et vont voter de conserve le TSCG, au motif qu’il n’y aurait pas d’autre solution (le fameux TINA de Mrs Thatcher, there is no alternative), l’éclatement de la zoneuro étant inenvisageable, tellement le coût en serait élevé. Des voix, de plus en plus nombreuses, s’élèvent cependant, y compris au sein du gouvernement, contre ce nouveau traité « stupide et immoral », qui nous engage dans une « folle spirale inflation-récession » et n’augure que misère et troubles sociaux.

Mais la critique du choix de l’austérité s’appuie généralement sur une argumentation qui conteste, soit que la France est réellement trop chère, soit que les coûts et les prix expliquent la compétitivité. C’est là postuler que l’austérité relève d’un choix, que l’on peut corriger et qu’il faut corriger s’il est irrationnel. On est dans le déni de la réalité d’une crise profonde du système capitaliste. Dès lors, le débat s’égare, entre ceux, conservateurs, qui justifient l’austérité en attribuant systématiquement, comme dans les années 30, la crise à des salaires excessifs, et ceux, volontaristes (atterrés mais rêveurs), qui pensent qu’une alternative est possible, puisqu’il n’y a pas de défaut de compétitivité ou tout du moins qu’il est possible d’en gérer les conséquences par une intervention publique rationnelle sur la marche du système.

Cela ne nous dit pas pourquoi tous les participants ou prétendants à la conduite des affaires des pays sont des tenants d’une austérité qui apparaît totalement irrationnelle que même des libéraux, y compris des plus endurcis, commencent à douter. Ni pourquoi ceux qui conteste cette austérité proposent des illusions.

Faire le point sur la question de la compétitivité est un donc préalable à toute proposition réaliste d’alternative au TSCG qui fasse la part entre une pure crispation des élites sur l’austérité et l’idéalisme d’une contestation qui ignore les lois du capitalisme.

1. Le problème de la compétitivité : une France trop chère ?…

La compétitivité d’un pays s’exprime dans ses parts de marché à l’exportation, que l’on apprécie généralement en évolution : des parts de marché en baisse traduisent une compétitivité qui faiblit. On distingue habituellement deux composantes : la compétitivité-prix, qui renvoie aux prix, dus aux coûts de production des biens et services exportables et à la productivité du travail ; la compétitivité hors-prix, qui regroupe tous les facteurs autres (spécialisation, qualité, réseaux, innovation, etc.). Ceux qui argumentent en faveur de l’austérité salariale s’appuient sur la prééminence de la compétitivité-prix : pour eux, ce sont des coûts de production, principalement les salaires, élevés, qui, induisant des prix élevés, pénalisent les exportateurs.

Il est difficile de rapporter directement les parts de marché au niveau des coûts et des prix, que l’on ne sait pas véritablement mesurer, tandis que l’on sait en construire des indices : par exemple, on peut mesurer la variation du niveau général des prix sans pouvoir donner son niveau. C’est pourquoi on appréhende généralement la compétitivité-prix en termes d’évolution comparée. Par ailleurs, les études sur les facteurs de compétitivité-prix établissent une certitude : le résultat dépend de la méthodologie. Sans entrer dans la technique, il existe plusieurs manières d’évaluer la compétitivité-prix, qui correspondent à diverses manières de concevoir la relation des coûts du travail vers des prix concurrentiels. Ainsi, l’OCDE mesure le « coût salarial unitaire » (CSU), l’INSEE le « coût salarial horaire », Eurostat le « coût de la main d’œuvre par heure travaillée » (ou « coût horaire de la main-d’œuvre »). Ces institutions donnent des résultats en niveau quelque peu différents, mais elles identifient toutes une même évolution.

Approche en niveau

Le graphique ci-après de l’Insee (février 2012), établi à partir des données Eurostat, montre que dans l’industrie, France et Allemagne ont en 2008 des coûts très proches, autour de 33 euros, la France étant plus chère dans les services (32 € contre 27).

Cependant, on peut extraire des données globales Eurostat le petit tableau ci-dessous :

Année

2000

2004

2008

2011

Zone euro

20,78

24,44

26,13

27,6

Allemagne

26,34

27,76

29,34

30,1

France

24,42

28,67

32,19

34,2

Ces données indiquent que si la France n’est en effet pas spécialement chère, sa compétitivité-prix s’est dégradée par rapport à l’Allemagne, alors qu’elle était moins chère en 2000 : le coût allemand a progressé de 14,27%, contre 33,2 pour la France. Il est donc important d’examiner l’évolution du facteur prix comme expliquant la compétitivité.

Approche en évolution

En effet, en 2000, l’Allemagne était plus chère que la moyenne, en 2011, elle l’est moins, tandis que la France l’est beaucoup plus sur dix ans, si l’on en croit Eurostat, le coût en France à crû de 39,2 %, contre seulement 26,81 % en Allemagne.

Le graphique ci-dessous, des Perspectives économiques de l’OCDE (http://www.oecd.org/eco/economicoutlook.htm), sur l’évolution des coûts salariaux unitaires le montre clairement par rapport à l’Allemagne :

Mais ce graphique montre aussi que l’évolution n’est pas défavorable par rapport à l’ensemble des autres pays développés : la France est dans la moyenne de l’OCDE.

On peut vérifier qu’il en est de même au sein de la zone euro, avec cet autre graphique de la même OCDE :

En termes d’évolution, la France apparaît être dans la moyenne de la zoneuro. Si l’Allemagne n’avait pas aussi efficacement stabilisé ses coûts salariaux, la France serait même en dessous de ladite moyenne.

Cependant, un point doit relativiser cette appréciation : selon le graphique OCDE ci-dessous, depuis la crise financière de 2008, au sein de la zoneuro, seule la France n’a pas stabilisé son CSU. On constate, en effet, que le groupe du nord et même l’Italie y réussissent, plus ou moins bien, que les pays du sud l’ont même fait baisser, mais que la France a continué de le voir augmenter. Il n’y a pas eu, sous ce rapport au moins, de rupture Sarko !

Au total, la France est-elle trop chère ? globalement, non, hormis en regard de l’Allemagne, mais elle ne suit pas le mouvement général de stabilisation de ses concurrents/partenaires, ce qui peut rapidement faire problème.

Cette situation n’est pas pour autant à même de légitimer incontestablement une politique d’austérité que le réalisme commanderait de mener sans tarder et sans faiblesse.

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La grande paresse du capitalisme français

par Raphael Favier

 

Dans la déferlante de la mondialisation ambiante, alimentée par l‘idéologie dominante et l’Europe libérale administrée depuis Bruxelles, le mot d’ordre est – on ne le sait que trop - l’adaptation tous azimuts : des effectifs des entreprises, des aides de l’Etat, des règles du marché du travail, de la gestion des marchés publics, des marchés tout court et par voie de conséquence, des organisations de production qui les peuplent.

Rien ne résiste à l’impératif d’aggiornamento qui est impulsé par les élites administratives, économiques, financières et à leur suite, politiques. S’adapter, si besoin à marches forcées, là se situe « l’alpha et l’oméga » de la pensée dominante présenté par ses promoteurs comme le plus intense effort de modernisation pour la bonne cause qui ait été demandé depuis longtemps aux peuples se trouvant traditionnellement sous leur coupe.

Le discours inclut bien sûr une menace à peine voilée, sous forme de régression programmée, d’appauvrissement général, et donc de déclin inéluctable contre lequel il importerait d’urgence de se ressaisir, si nous voulons préserver nos chances de survie en tant que riches tout court, ou de riches relatifs dans un monde en plein ébullition.

En résumé, il s’agirait aussi bien d’une question de fierté et d’amour propre que d’intérêt ou de courage politique, d’une œuvre de redressement qui ferait mal mais c’est normal, bref, d’une affaire de salut public, d’un sursaut nécessaire face à une société menacée de mort économique parce que virtuellement condamnée par le naufrage annoncé de son appareil de production.

Face au caractère particulièrement comminatoire de ces injonctions incessantes, Respublica a donc souhaité remettre quelques pendules à l’heure en revenant sur les mots d’ordre proférés, les justificatifs invoqués, les critiques adressées à l’ordre ancien - par essence et par avance disqualifié - la nature des remèdes préconisés, et surtout les résultats enregistrés en termes d’efficacité économique ou de performance industrielle en regard des objectifs affichés.

L’examen est décapant et le jugement sévère : Force est de constater que loin de stimuler, on affaiblit, faute de relever, on enterre, et qu’au lieu de sauver, on compromet comme jamais un développement ou une santé économique déjà passablement compromis. Il nous apparaît qu’au delà de l’affichage d’une promesse de redressement, à l’envers du discours proclamé, c’est d’une mise à l’encan, d’une grave mise en danger qu’il s’agit, en raison des voies et moyens exigés pour effectuer et accélérer la mise à jour forcée.

A quoi servent donc l’alarmisme officiel si bien orchestré, la précipitation managériale tellement affichée, l’ « ardente obligation » soit disant modernisatrice tant suggérée, sinon à cacher des motifs sans doute moins avouables, et pas seulement en termes de recherche de profit à court terme. Mais par exemple en termes d’exonération de responsabilités, d’économie d’efforts intellectuels ou de dispense d’investissement de la part d’un capitalisme qui revendique toujours la suprématie politique et sociale mais qui n’en justifie même plus le maintien par la recherche de l’excellence ou le caractère réellement exigeant de ses priorités avouées.

En bref, en lieu et place d’une exigence appuyée, c’est d’une fuite qu’il s’agirait plutôt, d’une débâcle intellectuelle et morale même parfois, au moins d’un coupable laisser aller, si l’on considère les errements dans lesquels la paresse et la sclérose dissimulés à grand peine sous des appels pressants, entraînent aujourd’hui le potentiel de production d’un pays comme la France.

Nous reviendrons sur différents aspects à travers une série d’articles illustrant la dérive, voire la démission collective qui se joue sous couvert d’adaptation. Respublica en analysera les formes dans le discours qui nous est notamment servi sur la compétitivité lequel, en se focalisant sur les délocalisations, révèle deux impasses bien réelles et d’ailleurs liées entre elles : un expédient face au prétendu coût excessif du travail, et un refus de livrer vraiment bataille en matière de productivité, ce dernier se traduisant par un relâchement général dans le domaine de la R&D. Ces phénomènes sont d’ailleurs plus qu’un symptôme, ils sont un aveu. A travers eux en effet, c’est une cohorte composite d’héritiers, de banquiers et de grands corps qui, tels le second Empire ou la troisième République à Sedan, rendent les armes sans avoir vraiment combattu, et qui, après avoir raté les nationalisations, puis les privatisations, se jette à corps perdu dans une mondialisation qui ne peut que broyer des régiments de salariés. Ses salariés. Mais peu importe puisque cette dernière l’exonère enfin de ses devoirs envers eux et la Nation qu’elle traîne comme un boulet depuis deux siècles et dont elle rêve toujours de se débarrasser. Plutôt mort que citoyen, voilà le mot d’ordre.

Curieux comme la tendance en cours nous rappelle aussi des périodes que nous croyions oubliées, des expériences à l’égard desquelles nous nous croyions vaccinés, des errements ou des abandons qui avaient conduit bien près de la ruine et de la disparition pure et simple de l’échiquier économique mondial. Etudiants dans les années 70, nous apprenions que la grande paresse du capitalisme français de tradition, complice de l’Etat parce qu’avant tout soucieux de protection et de rentes de situation, avait enfin été vaincue. Qu’étaient finies les années 30 et l’anémie d’une société vieillissante ou le déclin d’un pays plus préoccupé de repli sur soi que d’ambition. Mieux, qu’un terrible syndrome qu’Alain Peyrefitte stigmatisait sous le nom de mal français et qui nous condamnait depuis des lustres à nous tromper de guerre ou à en refuser le combat, avait enfin été exorcisé.

Et si les délocalisations étaient en fait l’ultime avatar de ce mauvais œil, en plus difficile à débusquer parce dissimulé sous un activisme de façade ? Une espèce de ligne Maginot à l’envers où la prétendue offensive tous azimuts protègerait par avance de tout soupçon de passivité ? On a parfois l’impression que la religion du grand large qui nous avait rassurés sur nous même à l’occasion des trente glorieuses, tient lieu de justificatif à toutes les entreprises extérieures parce qu’elle protège de la sempiternelle accusation ou de la fameuse tentation du repli sur soi. Mais depuis quand le fait d’aller chercher l’adversaire sur son propre terrain constitue t’il une garantie de succès ? Pas pour tout stratège en tous les cas, pour qui ce type d’aveuglement coupable est gros de défaite assurée.

La délocalisation, sous ces dehors de conquête factice, frelatée, n’est qu’un alibi de stratégie économique, ressuscitant paradoxalement notre vieux malaise de la facilité et des combats perdus d’avance sur fond de doute ou d’activisme désordonné. Faire une sortie pour poursuivre en rase campagne les assaillants, ne conduit qu’à laisser le champ libre à ceux qui sont à nos portes. Stigmatiser l’immobilisme et prêcher le grand large à mauvais escient pour conjurer les soit disant faiblesses structurelles de l’esprit cartésien ou latin ne sert en l’occurrence qu’à faire preuve de fébrilité déplacée ou de résignation coupable en délaissant nos atouts de l’intérieur, la lutte pour notre rang, la préservation de notre outil industriel et de notre avenir collectif.
L’impératif de l’époque n’est pas de sauver les meubles de nos chers actionnaires en usant d’expédients pour ranimer leur compte d’exploitation, surtout quand c’est au détriment de la préservation du patrimoine dont ils ont la charge parce qu’ils en sont les propriétaires, et qu’au nom de cette toute puissance, renforcée par la maîtrise des médias, ils s’arrogent le droit d’en disposer à leur guise et au mieux de leurs intérêts. Non seulement ils l’oublient en nous faisant la leçon, mais ils se trompent pour eux même de compétition par réflexe conditionné de condottieres à la manque, et par paresse d’entrepreneurs apeurés et hagards, mi-fuyards, mi-dépassés, mais surtout ballottés par des évènements qu’ils ne cherchent même plus à maîtriser avec discernement.

Dans un prochain article, Respublica montrera comment cette fausse réponse au prétendu coût excessif du travail n’est qu’un alibi commode à la sclérose intellectuelle et à la facilité managériale qui conduisent au nivellement des marchés vers le bas. Comment loin d’être la solution, elle en est en réalité le problème. Alors que la seule question qui compte, c’est celle de la compétitivité par le haut, vue sous l’angle de la productivité qui comprime les coûts sans baisser les salaires, et de la valeur ajoutée intrinsèque, vendue au marché comme condition de la survie durable de nos sociétés développées.

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La révolution et après ?

par Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi
Rabâa Abdelkéfi est née en 1948 à La Marsa (Tunisie). Agrégée et docteur en Lettres et Civilisation françaises, elle a enseigné à l'université de Tunis. Auteur de nombreux articles sur les littératures maghrébines à l'époque coloniale, elle a publié par ailleurs un essai, Appropriation culturelle et création littéraire (Sud Éditions - Maisonneuve et Larose, 2005) et un roman, Bordj Louzir, un temps à deux voix (Sud Éditions, 2010), Prix Comar spécial du jury. Aux éditions elyzad, est parue sa nouvelle "La fille du Cadi", in Enfances tunisiennes (2010).

 

Qui sont ces étranges personnages qui sillonnent nos rues, arborant à dessein une inélégance recherchée et une arrogante agressivité ? Sourcil froncé, barbe hirsute, front marqué du sceau de la dévotion, sûrs d’eux-mêmes comme de la mission qu’ils se sont assignée, ils jugent, menacent, corrigent, s’il le faut, par le bâton, le couteau et l’épée, ceux qui savent encore créer, penser et aimer.

« Ce sont des Tunisiens, nous apprend M. Rached Ghannouchi, président du parti islamiste, Ennahdha. Ils ne viennent pas d’une autre planète ! » Certes. Je me frotte les yeux et je me dis : « Mais alors, viendrais-je, moi, d’une autre planète ? Mon pays, celui de mes parents et de mes aïeux, ne serait donc pas la Tunisie ? »

Le 23 octobre 2011, en effet, la géographie de notre monde change. Ce jour-là, une étoile éclaire le ciel tunisien. Le futur chef du gouvernement, M. Hamadi Jébali, la voit. Il en décrypte aussitôt le sens et en explicite la portée : Dieu a désigné les braves, ils devront œuvrer à l’éveil et à l’unification du monde musulman, mieux encore, à l’instauration du VIe Califat rachidien. Programme ambitieux et peu réaliste. Mais, l’ordre vient de Dieu et nul ne peut le négliger.

Malgré sa fatigue et son vieil âge, la Tunisie se plie alors au commandement. Horrifiée désormais par la proximité de l’Europe, terre honnie de Dieu, dont on peut user, telle une fille de joie, et que l’on peut donc, en toute conscience,
lapider, la Tunisie se détache de la vieille Afrique.

Oubliant sa révolution de la misère, ses morts, ses blessés, ses revendications sociales, son aspiration à la liberté, elle avance, cahotante, à la recherche du lieu que nulle autre culture et nulle autre civilisation n’ont souillé de leurs empreintes. L’Arabie fascine, les Émirats et le Qatar aussi. On aime leur jeunesse, leur engourdissement intellectuel, on aime leur puissance, leur richesse, leur tapageuse dévotion, leurs lois charaïques, leurs femmes encapuchonnées, la prodigalité de leurs princes et leurs voitures rutilantes, le tracé de leurs larges avenues, l’accent traînant de leurs habitants et leur « onctuosité pateline ». Eux au moins, n’ont pas été dépossédés par l’Occident de leur culture et de leur religion. Il ne leur a pas insufflé le venin du doute et du rire malfaisant. Chez eux, on ne chante pas, on ne danse pas, on ne peint pas, et, si par mégarde un mauvais génie s’amuse à les pousser à enfreindre la loi, ce n’est pas grave : ils se cachent. Le mal, comme chacun sait, est contagieux. Hommes du désert, ils attaquent sans détours. Ils dédaignent le langage allusif tissé de mots, d’images ou de dessins. Leurs principes sont clairs et tout simples. Ils s’énoncent en deux mots : al-haram et al-halal (le « licite » et l’ « illicite ») et ils ont la netteté des lames, des couteaux et des épées qui sanctionnent leur manquement.

La révolution tunisienne est confisquée, et si bien confisquée que l’enthousiasme a cédé sa place au découragement. La déception et l’amertume marquent aujourd’hui les physionomies et les conversations des Tunisiens. La peur resurgit, avec ses sœurs, l’autocensure et la délation. Bon nombre de nos concitoyens se demandent si la nouvelle Constitution verra le jour, si le pays ne court pas vers la guerre civile et s’il n’avance pas à reculons. Il y a quelques mois seulement, instruits par leur malheureuse expérience, nos amis algériens nous prédisaient un avenir similaire à leur passé, fait de violence et de haine. Nous jugions alors leurs propos absurdes et leur méconnaissance de notre pays avérée.

Aujourd’hui, nous les écoutons et nous nous disons : peut-être avaient-ils raison, car notre révolution n’appartient plus désormais à ceux qui l’ont faite, à ceux qui ont souffert de l’exclusion, de l’indigence matérielle, culturelle et morale, elle a été captée par ceux qui, se réclamant de l’islam politique, avaient été muselés, emprisonnés, torturés, sous le régime de Zine Al-Abdine Ben Ali.

Certes la répression dont ont été victimes les islamistes est sans aucun doute condamnable, et il ne viendrait à l’esprit d’aucun démocrate digne de ce nom de contester le droit de chacun à la libre expression de ses idées et de ses convictions politiques. Mais la mainmise de la Nahdha sur les institutions et les rouages de l’État – mainmise condamnée au demeurant par le président de la République lui-même –, sa volonté de détruire tout contrepouvoir, de museler tout contestataire, sa complaisance manifeste envers la terreur salafiste qu’elle couvre, voire la protection qu’elle lui accorde, ne peuvent ni se justifier ni être acceptées.

La Nahdha s’est imposée en toute légitimité. Nul ne le discute. Mais son relatif succès électoral l’autorise-t-il à laisser déferler des hordes de djihadistes qui s’appliquent à défigurer le paysage urbain, à annihiler toute différence ethnique, religieuse ou culturelle et à détruire les institutions ? Telle une secte, ces derniers formatent les esprits des enfants, distillant la haine et libérant une malsaine libido. Si un simple regard masculin sur une chevelure féminine ou un bras dénudé les indispose au point qu’il justifie l’enfermement des femmes, des jeunes filles et parfois même des petites filles derrière voiles et niqab, cela révèle une société malade.

Le gouvernement nahdhaoui de la troïka –l’a-t-on assez répété ? – est légitime. Cela est admis. Mais ce bon droit repose sur des discours fallacieux. Défenseurs d’un islam qui, selon leurs allégations, fut menacé, voire anéanti par Habib Bourguiba puis par Zine Al-Abdine Ben Ali, les nahdhaouis auraient été alors peu soutenus par une société civile qui, de par son silence, se serait rendue complice des exactions de la dictature1 .

Cette argumentation, somme toute habile puisqu’elle permet de culpabiliser une frange de la société civile – dont la résistance à la dictature n’est pourtant pas à démontrer (ATFD, AFTURD, LTDH, CNLT) – tout en sensibilisant une autre partie de la société au faux problème de la perte identitaire, nécessite aujourd’hui une mise au point.

Il semble abusif et même inexact d’affirmer une absence soutien de la société civile, comme ne cessent de le déclamer les constituant(e)s nahdhaoui(e)s, l’existence même du Collectif du 18 octobre 2005 pour les droits et les libertés et de sa plateforme est une éloquente démonstration2 . Rappelons, par ailleurs, que la répression n’était jamais relayée par les médias et que l’islam politique se réclamait alors d’aller à l’encontre des principes démocratiques. Le programme politique du Mouvement de la tendance islamique (MTI), devenu Ennahdha, en 1989, n’a pas laissé que de bons souvenirs.

En Tunisie, l’islam n’a jamais été menacé et il est déloyal de le nier. Contrairement aux déclarations de M. Rached Ghannouchi, Zine Al-Abdine Ben Ali a bien plutôt renforcé la pratique religieuse. En 1988, il réinstaure la ro’yya3 ainsi que l’appel à la prière sur les chaînes de radio et de télévision. Les cérémonies religieuses étaient célébrées en grande pompe. Toutes ces pratiques n’étaient évidemment que calculs politiques et si elles relevaient, tout comme les enseignements des « salafistes », du pur formalisme, elles n’en révèlent pas moins l’enracinement évident de l’islam en Tunisie et la nécessité pour tout politique de compter avec cette réalité.

Habib Bourguiba, qui est aujourd’hui diabolisé, n’a jamais rejeté l’islam et en a fait son cheval de bataille contre le colonialisme. Lorsqu’en 1961, il a incité les Tunisiens à ne pas observer le jeûne, il a eu recours au langage religieux. N’a-t-il défini le travail et la lutte contre le sous-développement comme une forme de « djihad » suprême ? Et malgré son incontestable autorité, sa notoriété et la légitimité que lui avait conférées la lutte nationale, il fut alors contesté.

Ni les nahdhaouis, ni les dits « salafistes » ne peuvent prétendre aujourd’hui avoir pour mission de redonner force et brio à l’islam, en Tunisie. La religion musulmane y est déjà fortement implantée et la société tunisienne se montre d’ailleurs plutôt conservatrice. Ce traditionalisme séculaire a été entretenu et consolidé par la dictature de Ben Ali qui, deux décennies durant, s’est attaché à tuer la vie culturelle, à dévaloriser l’enseignement, les examens et les diplômes. Les islamistes veulent démontrer que l’islam est menacé. Je ne le crois pas, ou je crois plutôt qu’il n’est menacé que par ces nouveaux musulmans, par leur ignorance affichée, par leur refus de réfléchir et s’instruire. Persuadés qu’ils n’ont rien à apprendre qu’ils ne savent déjà, ils s’érigent en donneurs de leçons, en prédicateurs, usant du verbe, des menaces et des armes, pour islamiser un pays déjà musulman.

Les islamistes, à vrai dire, ne tentent pas d’islamiser la société. Ils savent bien qu’elle est musulmane – parfois même jusqu’au fanatisme et à la xénophobie.

Mais ils s’appliquent à réduire les libertés, à uniformiser la société, à achever l’œuvre d’abêtissement que Ben Ali n’a pas eu le loisir d’achever.

La Tunisie fait piètre mine aujourd’hui. Le déclin de ses institutions apparaît au grand jour, avec pour signe le délabrement de ses rues, de ses édifices, de ses commerces et même l’accoutrement fantasque de ses hommes et de ses femmes.

Gravats et ordures ménagères souillent villes et villages, plages et campagnes de la Tunisie. Le pays croule sous le poids de ses déchets et étouffe dans son air vicié. Y a-t-il un petit bout de terrain nu, un rond point ou un bas-côté ? on le convertit aussitôt en décharge. Personne ne s’en offusque : on se contente de balayer devant sa porte. Là où s’amassent des monticules d’immondices, un cafetier dresse sa terrasse : la clientèle s’en accommode. On sirote son café, on fume son narguilé. La saleté, on ne la voit plus ; les odeurs nauséabondes, on ne les sent plus. Mouches et moustiques peuvent toujours tournoyer, on les chasse d’un revers de la main. Le Tunisien est conciliant et ce n’est pas une légende.

On s’habitue à tout, on s’accommode de tout mais il est peu probable que les Tunisiens plient devant la terreur et se résignent à n’être plus eux-mêmes.

Tunis le 28/08/2012

  1. Tout au long de son mandat, 2000-2011, le dernier bureau la ligue tunisienne des droits de l’homme a lutté pour la défense des islamistes. []
  2. Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui s’est déroulé à Tunis du 16 au 18 novembre 2005, a constitué l’événement majeur de l’année 2005. Inattendu et opportun en raison d’un contexte sociopolitique marqué par un verrouillage de l’information et des moyens de communication, il offrait aux autorités, la possibilité d’améliorer leur réputation et aux partis de l’opposition, comme à la société civile, celle de se faire entendre et de dénoncer, devant la presse et l’opinion internationales, les dérapages du régime de Ben Ali.
    Le 18 octobre 20005, un mois seulement avant la tenue du sommet, des personnalités politiques de tout bord (de l’extrême gauche aux islamistes nahdaouis, nationalistes arabes en passant par les islamo-progressistes, indépendants) et certains défenseurs des droits humains, se constituent en force de pression politique, entament une grève de la faim et créent un événement qui frappe avec force la crédibilité déjà chancelante du régime de Ben Ali.
    « Le Mouvement du 18 octobre, écrit, Vincent Geiser, révèle qu’en Tunisie, les relations entre les militants et les responsables des différents courants idéologiques et politiques ont toujours été régulières grâce notamment à des lieux de débats et de luttes communs, tels que la LTDH qui, depuis plus de vingt ans, rassemble toutes les sensibilités du pays ou, plus récemment, le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT fondé en 1997). En somme, le Mouvement du 18 octobre n’est pas un ”accident” de l’histoire protestataire tunisienne mais bien le produit d’une longue habitude de ”travail en commun” » []
  3. Cérémonie d’observation de la lune, le 28e jour du mois de ramadhan, sous l’égide des autorités religieuses, permettant d’en déterminer la durée effective (29 ou 30 jours), de fixer la date de l’Aïd, et par conséquent la naissance du mois de chawwal. []
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Territorialiser tout en faisant face aux méfaits de la mondialisation

par Yves Durrieu

 

Une troisième grande loi de décentralisation doit voir le jour, en prolongement de celles de 1981 et de 2003. Elle doit confirmer le rôle primordial de la région au plan économique , mais aussi, à la base,  ce qu’est le « territoire » (terme souvent évoqué, sans autre précision). D’un autre côté,, il faudra tenir compte de la mondialisation pour en réduire les effets néfastes par la mutation profonde de certaines institutions . Plusieurs rencontres ont  abordé ces sujets.1

TERRITORIALISER LES DÉCISIONS :

Le territoire n’est pas défini administrativement (ce peut être la région, le département, l’agglomération  urbaine ou une zone d’activité quelconque), car  il s’inscrit sur le terrain, en fonction des diverses activités et des flux, constituant son bassin d’emploi,  au lieu que ce soit le pouvoir central qui décide de sa configuration  et qui en détermine les compétences.  Ses laudateurs[2] vantent ses avantages, dus à la proximité : les populations et les entreprises  se connaissent, ont les mêmes besoins réels ; ils savent concrètement la situation de l’emploi; elles ont davantage de facilités pour se parler de tous les problèmes, ceux des entrepreneurs et des salariés: ainsi c’est là que le dialogue social a le plus de chances d’avancer, surtout avec  les PME. A cet effet, on renforcera la présence syndicale locale[3]  On y évoquera les conditions de travail dont on parle insuffisamment dans les négociations de branche ; on traitera de la formation des patrons (en particulier, ceux des PME) et de leurs employés ; l’information circulera plus vite ; spontanément la médiation des conflits s’opérera mieux quand on découvrira l’intérêt  commun du territoire et l’utilité d’en équilibrer les activités.. C’est là aussi où pourront s’épanouir la démocratie participative et «les pactes citoyens» Les élus locaux, en particulier ceux des grandes villes, sont là pour renforcer tous ces liens.. Ils sont les plus aptes à défendre le patrimoine et les services publics locaux ( transports, enseignement, santé) qui rendent le pays attractif: c’est eux qui lutteront avec âpreté contre les délocalisations ou pour  les reconversions de sites et sentiront comment il faut transformer l’appareil  productif local; c’est par leur intermédiaire que la mutualisation  des risques a le plus de chances de se réaliser, entre habitants et banques locales[4]:; ainsi surmontera t on  mieux les crises, comme le montre l’exemple allemand ou celui, français, de Bosch Vénissieux . On réglera des problèmes, comme la mobilité; on agira par expérimentation  et l’on en évaluera le résultat : on sera loin des joutes doctrinales encombrant certaines rencontres. On y trouvera la solution de problèmes graves: - financement des investissements locaux[5] (grâce à une nouvelle banque qui leur est dédiée ,sous l’égide de la CDD et de la Banque Postale); - «smart grids» mettant à disposition de nouveaux  réseaux numériques facilitant les services publics de santé, d’éducation, de mobilité, d’assainissement, d’énergie;

- participation active à l’industrialisation pour laquelle des partenariats se créent entre entreprises ( surtout les PME),  universités, unités de recherche; - animation des quartiers «sensibles» , qui bénéficient de la diversité culturelle et de la jeunesse .  En ce qui concerne le logement  (qui constitue désormais le principal poste de dépenses des ménages), la territorialisation est aussi nécessaire: c’est sur place qu’on évalue le mieux les besoins, très différents d’un lieu à l’autre[6] . Certes il faut des orientations politiques nationales, ne serait ce que pour des raisons financières. Mais les élus locaux sont les plus capables pour évaluer non seulement les besoins globaux, mais aussi la situation du foncier local, la composition des familles et leur niveau social, le degré de vétusté du parc de logements et l’application des règles d’urbanisme. Rennes est un des exemples, où la mairie élabore un plan local tenant compte de ces facteurs et des capacités des partenaires locaux, dans une optique de solidarité.

Cependant certains obstacles se présentent quand des habitants craignent pour leur environnement. Non  seulement ils sont souvent  réticents quand il est question d’installer une centrale électrique ou un réservoir souterrain de gaz aux environ de chez eux, mais ils sont également méfiants quand il est question d’y faire passer une ligne électrique. Or  le recours à l’énergie renouvelable, de par son intermittence, exige une multiplication des réseaux et des interconnexions[7] (puisque, pour  mettre en activité massivement de telles puissances,  les petites installations  auto productrices  locales sont globalement insuffisantes, et d’ailleurs une tendance naturelle incite aussi les énergies nouvelles à la concentration géographique:cf. éolien, solaire). . Donc pour persuader les habitants que ces réseaux sont indispensables, il faut  multiplier des débats publics contradictoires, pour expliquer que «sans réseaux, la transition énergétique par renouvelables ne peut exister». Ces réunions retardent  les décisions qui visent de plus en plus des «réseaux intelligents»[8], permettent aux abonnés de suivre leur consommation et dialoguer avec leur distributeur, ce qui est aussi  pratique décentralisatrice

FAIRE FACE A LA MONDIALISATION :

L’importance accordée au territoire ne doit pas faire oublier  que ce ne peut pas être l’unique niveau de décision. L’Etat, qui fut longtemps en France l’échelon dominant, doit rester actif, puisque c’est là que sont les élus directs du peuple, et d’ailleurs la plupart des gens ne le conteste pas, estimant  que l’Etat doit jouer un rôle d’ «arbitre », de « protecteur » ou  d’«organisateur». Mais la mondialisation existe aussi, dont il faut réduire les  dégâts causés par elle, en adoptant les niveaux  adéquats. L’Europe devrait  être un de ces niveaux,  pour défendre  efficacement les nations la composant,  face aux autres ensembles continentaux qui se sont constitués.  Mais, au lieu de cela, l’Union Européenne a ouvert ses frontières (d’ailleurs trop mobiles) à tous ses concurrents extérieurs, sans réciprocité, au nom du libre échange; elle a organisé le Marché Commun sur la base du moins disant social et fiscal, au lieu de mettre en valeur la coopération et la solidarité entre ses membres. Ce système a montré ses immenses faiblesses dès que la crise mondiale est arrivée, ses plus fervents partisans ne pouvant que constater «le désarroi» des populations. Pour remédier à cette crise, causée par les excès financiers que la dérèglementation avait autorisés, les Etats ont mobilisé des crédits publics énormes, pour sauver les financiers qui en étaient la cause, sans contre parties (grandes réformes bancaires à engager). Ils se sont donc endettés d’une façon insoutenable, et depuis lors, on ne s’est penché que sur la nécessité de les faire s‘acquitter de leurs dettes au plus vite, au lieu d’en échelonner le remboursement sur des délais plus longs : à cet effet, on a exigé  des Etats de faire des économies drastiques au détriment de leurs salariés (en particulier les fonctionnaires) en baissant leur rétribution, en privatisant, en ordonnant des « réformes structurelles » qui les pénalisent, et en alourdissant leurs impôts les plus injustes (surtout la Tva): ce sont les « remèdes » appliqués par le FMI, depuis 3O ans aux pays du Tiers Monde,… avec les succès que l’on connaît( !), sans se rendre compte que ces réformes aboutissent inexorablement à un appauvrissement, générateur  de récession [9], et sans prévoir  que ces peuples européens se révoltent, comme le font Grecs, Espagnols, Portugais, ou votent contre les pouvoirs en place, comme l’ont fait  Italiens et Français.

On estime de plus en plus qu’il faudrait abandonner ces idéologies libérales et revigorer les pays les plus fragiles en les subventionnant [10], plutôt que de les punir pour s’être endettés et de  diminuer les fonds structurels (comme on le prévoit),  dont ils ont un profond besoin.[11] Dans ces conditions, comment pourrait- on leur demander de s’intéresser  à une fédéralisation, dont ils ne perçoivent pas l’intérêt? L’UE stagne de par ses erreurs de parcours persistantes

L’Organisation des Nations Unies devrait avoir, elle aussi, une utilité certaine, étant donné que de multiples problèmes se discutent au niveau mondial, mais en fait cette organisation est totalement inefficace. Elle l’a encore prouvé lors du Rio+20 ( juillet 2012) où l’on traitait pourtant de l’avenir de la planète : aucun objectif chiffré, aucune obligation sanctionnée, de nombreux sujets, pourtant importants, non abordés (eau potable, océans, énergie, etc…), les questions de financement non traitées,  le but étant de parvenir à un texte final unanime, alors que chaque représentant officiel ne pensait qu’à défendre ses intérêts à court terme. Néanmoins les grands principes ont été confirmés, on a prévu la création d’un « fonds vert » (100 Milliards de dollars par an… à partir de 2020 ??), et les négociations  vont continuer sur un certain nombre de sujets (les 8 objectifs humanitaires du Millénaire, les objectifs universels du développement durable, l’efficacité énergétique).[12] Mais rien de concret n’en ressortira tant qu’on n’opérera pas les réformes institutionnelles indispensables, en particulier la loi de l’unanimité, la Convention Climat (gestionnaire du Protocole de Kyoto), le Comité du développement durable (issu du Sommet de Rio de 1992). Ces comités n’ont aucun pouvoir, en comparaison avec l’Organisation Mondiale du Commerce, disposant d’une vraie possibilité de sanction (l’Organe de Règlement des Différents)…..et pourtant même ce mécanisme très souvent se bloque : tant qu’il n’y aura pas un sentiment de solidarité entre les peuples et entre leurs représentants, les progrès ne seront que minimes,  quel qu’en soit  la nécessité, et ce n’est pas la règle dominante de la concurrence qui fera progresser la situation. Bien entendu, l’intervention des organisations syndicales, des Ong et les manifestations populaires  ont un effet bénéfique, surtout quand elles proposent des solutions réalistes ; on l’a constaté, entre autres, avec la participation au Rio+20 de certaines régions (Nord/Pas de Calais) qui ont prouvé la solidité de leur engagement: c’est ainsi que survit la décentralisation.

En définitive, cette question de décentralisation, très complexe, ne peut être résolue de  façon simpliste: on ne peut certes qu’avoir une préférence  en faveur d’un glissement des décisions sur  les territoires,  pour des motifs démocratiques et souvent aussi d’efficience. Mais le monde a rétréci et on doit s’y  adapter en transformant des niveaux éloignées de la base (grandes régions- continents, planète). Cela n’empêche pas les peuples de manifester légitimement leur hostilité  quand ils jugent qu’à ces niveaux, on a de néfastes  orientations, ce qui se fait déjà en Europe et à Rio+2 : c’est leur  façon de pratiquer la décentralisation

[2] Cf  M.Meunier, président du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD)

[3] Par exemple, en faisant élire  les délégués syndicaux à la proportionnelle, avec quota obligé de présence au vote

[4]Un réseau très développé de banques locales et coopératives, en liaison étroite avec les Pme, comme il y a en Allemagne, peut favoriser cette collaboration. Une lutte intense contre les paradis fiscaux doit être menée aussi au niveau des collectivités territoriales par le vote de délibérations locales, suivis d’enquêtes dénonçant ces collusions. Un vote unanime du Sénat français(24/07/12) vient de renforcer cette incitation à lutter contre ce fléau

[5]les investissements locaux représentent 70% de la masse de tous les investissements en France

[6] Cf l’erreur grossière commise à l’occasion de la loi Scellier (2009), où on calcula depuis Paris le loyer plafond  des futurs locataires, que ne devaient pas dépasser les acheteurs de logements neufs

[7] L’Allemagne est obligée d’installer un réseau électrique de 3800Km, en particulier pour relier les éoliennes du Nord aux installations solaire du sud

[8]Les smart grinds, dans les smart cities, expérimentés en France depuis un an, orientant les flux énergétiques

[9] Ce  que D.Cohen appelle « la course poursuite destructrice » : chaque fois que la réduction des déficits par ce genre de purge atteint 1% du Pib elle fait baisser le Pib d’une valeur supérieure (jusqu’à- 1,5%)

[10] Exemples :subventionner l économie des pays les moins productifs vers les activités d’avenir, la recherche développement, l’amélioration de leurs infrastructures, le perfectionnement de leur enseignement, harmoniser les politiques fiscales et sociales (comme on l’a fait pour la Tva en fixant un minimum et un maximum entre lesquels les Etats établiraient leur choix), percevoir des taxes sur les transactions financières et sur le carbone

[11] Le Conseil Européen de juin dernier, sous l’impulsion française, a semblé amorcer un virage en ce sens, en  fixant comme objectif  la croissance, en  instituant une taxe sur les transactions financières et en envisageant une super vision  des banques européennes par la BCE (dont il faudra enfin réviser le statut et  qui doit, au moins, donner sa garantie aux Etats et le rachat de leurs dettes, sous condition) Qu’en sera-t-il  à l’avenir ?

[12] cf , P. Radanne, de 4D

  1. Cf. TEDIS (16/06/12), NOTRE EUROPE (25/06/12), 4 D (26/06/12), Rencontres Parlementaires (10/07/12),
    ADAPES (11/07/12), Colloque des Grande villes de France (19/09/12) []
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Ou encore, le référendum voie sans issue...

par Jacques DELEMONTEZ

 

Le journal « À Gauche » du 3 septembre « spécial traité autoritaire » dévoile les conditions dans lesquelles, l’avant-projet a été transmis :

  • l’avant-projet fut le résultat d’une rencontre en décembre 2011 à l’occasion d’un sommet des chefs d’État. L’on retrouve toujours le même schéma qui consiste à préparer un texte en absence du « législatif ». Une fois de plus l’exécutif contre tous les principes républicains passe à l’acte.
  • Secundo, seuls les députés européens de la commission des affaires constitutionnelles reçoivent le 16 décembre cet avant-projet en anglais uniquement… pourquoi ? Le parlement européen dans son ensemble n’a pas pu en débattre. C’est par voie de presse que les parlementaires francophones ont pu découvrir la version française du projet… par la suite un groupe de travail comprenant des représentants des états membres. Parmi ceux-ci, on trouvait, un allemand de droite, un social-démocrate italien, un libéral belge et Daniel Cohn-Bendit. Aucun député de la gauche unie (ou siège le Front de Gauche) n’a été associé.

Cet article met en lumière, une organisation particulière visant à travailler d’une manière pas très démocratique.

Depuis l’écriture de l’avant-projet, insuffisance de débat public et l’organisation d’un référendum n’a toujours pas été décidée par l’exécutif Français.

Je mettrais en parallèle, un projet de référendum différent d’après les médias proposé par Mme « BOUTIN » questionnant sur la question du mariage des homosexuels et de l’adoption… là deux poids deux mesures, car un référendum sur ce sujet aurait beaucoup de chances de recueillir une majorité de oui.

Celui qui tient la plume désapprouve ces pratiques qui de nos jours sont des pratiques antidémocratiques à combattre de toutes nos forces.

Dans toutes nos associations, l’on voit de telles pratiques, alors qu’attendons-nous pour refuser et rejeter les textes préparés de cette façon ?