Chronique d'Evariste
Rubriques :
  • Chronique d'Evariste
  • Politique
  • Politique française
  • ReSPUBLICA

Le meilleur des mondes est en marche ! Que fait-on alors ?

par Évariste
Pour réagir aux articles,
écrire à evariste@gaucherepublicaine.org

 

Quel merveilleux monde nous avons ! Plus de Sarkozy, rien que du Hollande ! La gauche au pouvoir avec tous les pouvoirs dans toutes les institutions. Avec un slogan qui ne peut que nous faire plaisir : « Le Changement, c’est maintenant ! ». Il paraît qu’il y a encore des aigris, des citoyens qui n’ont pas encore compris que nous sommes dans le Nirvana. Sanofi s’allie à Coca-Cola pour lancer des boissons « beauté » dans les pharmacies françaises, vous voyez bien que nous sommes dans la félicité ! Quand je pense que des personnes sarcastiques osent encore dire que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Ces « emmerdeurs » mériteraient un traitement de type Pussy Riots à la Poutine !
D’autant que nos François, Jean-Marc et autres Harlem, Marisol et Manuel font tout ce qu’ils peuvent  pour contenter le MEDEF. Mais contenter le MEDEF pour nos socialistes, c’est lutter pour le changement. Reprendre la même position que le MEDEF sur le projet de la Métropole marseillaise, n’est-ce pas la meilleure façon d’effectuer le changement ? Reprendre l’analyse du MEDEF sur la nécessité de diminuer, voire de supprimer les cotisations sociales, n’est-ce pas le bonheur du changement ? Participer à l’agenda réactionnaire de l’église catholique avec le sémillant ministre des cultes, l’honorable Manuel, le 22 septembre dernier à Troyes pour fêter la béatification de Louis Brisson, opposant notoire à la loi de 1905 et dimanche prochain au Vatican pour assister à la canonisation du sieur Berthieu, missionnaire colonial dans les villages de Madagascar pour lutter contre le soulèvement anti-colonial du peuple, est-ce le changement espéré ?
En fait, ce gouvernement communique pour nous endormir ! Mais par derrière, c’est la politique du sabre et du goupillon qui s’applique ! Même pas le respect des luttes de la gauche dans l’histoire ! Le gouvernement de « gôche » et l’ordolibéral qui dirige la Sécu veulent maintenir mais contenir les dépassements d’honoraires ! Merci pour le maintien de la privatisation de la santé !
Et la politique du logement, où la nouvelle niche fiscale, le « Duflot », rapportera plus aux riches que le dernier avatar du « Scellier »  ?

La cotisation sociale

Sur la revendication du MEDEF d’entrer dans un processus de suppression des cotisations sociales, doit-on rappeler que l’abaissement des cotisations sociales n’aura aucun effet sur la « compétitivité » des entreprises car nos « concurrents » ne sont pas les pays les plus développés mais bien les pays émergents avec un rapport salarial de 1 à 10. Pourquoi ? Pour ce que qui reste de l’industrie française, elle relève de la gamme moyenne pratiquée par les pays émergents des BRICS (Chine, Inde, Brésil, Afrique du sud, Russie) et des pays sous influence de ces pays, et non du haut de gamme à forte valeur ajoutée des pays les plus développés !
Et que donc un abaissement des cotisations sociales est ipso facto un cadeau en termes de profit dans les entreprises. Et que cette augmentation du profit est utilisé dans la spéculation financière mondiale. Et ensuite parce que l’institution salariale de la Sécurité sociale basé sur la cotisation sociale est l’une des principales bases d’appui pour un modèle politique alternatif au modèle néolibéral en général et ordolibéral pour le cas de l’Europe. Toucher à la cotisation sociale comme l’avait souhaité Sarkozy avec la mission Yves Bur, c’est retarder la possibilité d’une transformation sociale et politique.

Les inégalités territoriales et sociales

Un livre vient de sortir, La crise qui vient (Seuil) de l’urbaniste Laurent Davezies. Cette étude sur les inégalités territoriales et sociales montantes au sein de notre beau pays reprend une idée du géographe Christophe Guilluy qui montrait le phénomène de « gentrification », à savoir le départ massif des couches populaires (53% de la population) en zones périurbaines et rurales en provenance des villes-centres et même des banlieues qui deviennent de plus en plus des zones de transit. Il montre que l’accroissement du chômage depuis 2007 touche principalement les communes qui se trouvent au centre des zones périurbaines et rurales avec des niveaux de chômage de 10,5 à 15,4% soit une augmentation de 33,7% à plus de 50%.
Bien sûr les « nouveaux chiens de garde » des médias n’habitent pas à Tergnier, Gien, Issoudun et autres lieux semblables. Ils n’habitent que les villes-centres et ne craignent donc que les banlieues, d’où l’obsession médiatique sur les banlieues avec un oubli total des endroits où se concentrent de plus en plus les couches populaires  !

Le modèle allemand

Et on continue de nous empoisonner avec l’idée que l’Allemagne est un modèle. Bien sûr, c’est le pays le plus puissant aujourd’hui. Mais à quel prix sur le plan des inégalités sociales ? Pire qu’en France ! C’est cela que l’on veut ?
Selon les statistiques officielles, les 10 % des Allemands les plus riches qui possédaient 45 % de la richesse privée du pays en 1995 en possédaient 53 % en 2008, alors que les 50 % du bas de l’échelle se partagent 1 % (contre 4 % en 1995). Entre les deux, les Allemands qui se situent entre le 6e et le 9e décile détiennent 46 % de ce patrimoine, contre 51 % au milieu des années 1990.
Est-ce si reluisant ?

Et si on parlait de l’Union européenne ?

Les pays européens tombent en récession les uns après les autres ? Même l’Allemagne sera à terme touché car son excédent commercial est en grande partie réalisé avec les pays européens qui entrent en récession.
Les plans d’austérité se développent partout : 100 milliards d’euros sur deux ans en Espagne (10% du PIB), 24 milliards en Grèce (12% du PIB), 50 milliards en Italie soit 3% du PIB et 30 milliards en France soit 1,5% du PIB. Ces plans contaminent toute l’Union européenne via le commerce intra-européen car toutes les économies sont aujourd’hui interdépendantes contrairement au dogme ordolibéral qui voudrait qu’une cure d’austérité dans un pays n’ait pas de conséquence ailleurs.
Les ventes de détail à l’intérieur des pays qui ont sauvé la France jusqu’à aujourd’hui, c’est comme Capri, c’est fini ! Nous allons donc suivre la Grèce (-35%), l’Espagne(-25%), le Portugal (-17%), l’Italie (-12%), l’Allemagne(0%).
La production industrielle est en baisse partout. Les commandes dans les entreprises baissent partout. La croissance de la zone euro en rythme annuel risque d’être d’environ -2%. Pour l’Italie, on en est à -3%, -1,6% en Espagne, -5,6% au Portugal, -7% en Grèce.
Le chômage croît partout à vitesse grand V ! On prévoit de 500.000 à 600.000 chômeurs en plus en France d’ici un an !
Le Mécanisme européen de stabilité et le Traité budgétaire qui ont été votés par l’UMP et le PS vont mener à une politique d’austérité sans fin car les chiffres ci-desssus entraîneront chez les
ordolibéraux UMP et PS la volonté sans fin de l’austérité, seule capable de continuer à financer leur politique de mort !
Si on ajoute à cela que les 1000 milliards d’euros prêtés par la BCE aux banques privées à but lucratif pour les actionnaires au début de janvier et mars de cette année et qui n’ont pas servi principalement à l’activité économique mais à renforcer les fonds propres et les dépôts à la BCE des dites banques, on ne peut pas compter sur les bienfaits du développement privé !
Peut-être que l’honorable Manuel, ministre des cultes, a trouvé la solution ! En étant présent à la béatification et à la canonisation de deux « salopards » de l’église catholique, peut-être espère-t-il régler les problèmes économiques et sociaux de la France par la prière évangélique orchestrée partout par les amis de l’Opus dei, cette extrême droite catholique qui a pris le contrôle du Vatican !
Et ce ne sont pas les gesticulations de Montebourg qui n’ont aucun effet sur les plans sociaux qui changeront la donne !
Si on ne réussit pas à faire plier les Allemands, ce qui est probable dans les circonstances actuelles (voir les analyses de Michel Zerbato dans Respublica) , il nous restera la possibilité de nous préparer politiquement à l’implosion du système ou de désobéir comme l’ont fait
l’Argentine, l’Equateur et l’Islande avant nous. Mais pour cela, il faudra bien admettre que le changement, ce n’est pas que le PS fasse voter le traité budgétaire élaboré par Sarkozy et Merkel, mais bien que la gauche fasse une autre politique que celle qu’à menée l’UMP hier et que mène le PS aujourd’hui.

PLFSS, PLF, réforme fiscale

Et si on parlait du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en cours de discussion ? En dehors de quelques satisfactions comme la fin de la convergence privé-public dans les hôpitaux, c’est un PLFSS ordolibéral de plus qui perpétue la privatisation des profits et la socialisation des pertes en matière de santé et de protection sociale, qui ne répond pas aux besoins sociaux et sanitaires de la population et qui ne lutte pas contre la croissance des inégalités sociales de santé. D’ailleurs la CNAF et la CNAM ont émis un vote négatif sur le PLFSS.
Quant au Projet de loi de finances (PLF), disons que cela va dans le bon sens mais à dose tellement homéopathique que son insuffisance est hyper criante dès le départ. Et en tous cas c’est insuffisant pour mener la transition démocratique, laïque, sociale et écologique nécessaire.
L’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail marque un pas en avant mais pourquoi s’arrêter à une tranche à 45 % (41 % aujourd’hui), taux nettement inférieur à de nombreux pays étrangers ?
Pourquoi plafonner certaines niches fiscales au lieu de les supprimer ? Pourquoi s’arrêter à 2 000 euros pour le plafonnement du quotient familial ?
Pourquoi maintenir le gel du barème de l’IR qui va impacter des couches moyennes intermédiaires malgré l’aménagement de la décote ?
Pourquoi que le retour de l’ISF est plus avantageux pour les plus riches que l’ISF qui prévalait avant la réforme de 2011 ? Pourquoi avoir maintenu les niches fiscales de l’ISF ?

Pourquoi ne pas avoir rétabli un impôt progressif plutôt que de faire une tranche à 75 % purement symbolique qui donnera à peine 200 millions d’euros soit beaucoup moins que les gains réalisés par les riches pour l’ISF (par rapport à leur situation avant la réforme de 2011) ?
Une seule réponse à cela : il ne faut pas trop mécontenter les marchés, les riches et les couches moyennes supérieures(15 % de la population) ?
Dommage, une vraie réforme fiscale et sociale est pourtant nécessaire pour sortir de la crise. Mais peut-être que faire une politique pour les couches populaires (53 % de la population) et les couches moyennes intermédiaires (24 % de la population), c’est au-dessus des forces d’un président et d’un gouvernement dit socialiste où siège comme ministre des finances celui qui fut il y a quelques mois vice-président du Cercle de l’Industrie, principal lobby des patrons du CAC 40 ?

A lire, à voir ou à écouter
Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • Combat social
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique française
  • ReSPUBLICA

Sanofi : interview de Laurent Siegelmeyer par Bernard Teper

 

Cet interview, sur les licenciements boursiers à Sanofi, a été réalisée le vendredi 19 octobre 2012.

Rubriques :
  • A lire, à voir ou à écouter
  • Brèves
  • ReSPUBLICA

Marx quand même d'Henri Pena-Ruiz

 

« MARX QUAND MÊME » Editions Plon Henri Pena-Ruiz
Sortie en librairie: 24 Septembre 2012, 384 pages 23 euros

Philosophe, historien, sociologue, économiste, et militant d’un monde délivré de la tyrannie de l’argent comme de celle de l’exploitation, Karl Marx est un penseur plus pertinent que jamais pour notre époque. Ce livre entend présenter une synthèse aussi méthodique que possible de sa pensée. Une pensée dont il souligne la saisissante actualité au regard des développements les plus récents.Le titre « Marx quand même » récuse les amalgames qui ont trop longtemps fait obstacle à sa compréhension, voire à sa simple lecture. Il indique sans détour la nécessité de redécouvrir la dimension visionnaire de son œuvre, affranchie désormais de sa caricature stalinienne.Marx a su prévoir la mondialisation capitaliste et la froide mercantilisation de toutes choses qui en résulte. Il a montré les limites d’un libéralisme qui ne se soucie pas de donner chair et vie aux conquêtes du droit, et n’exalte le contrat que pour mieux enfermer les exploités dans la contrainte du rapport de force local. Il a livré une analyse approfondie des apparences que prend l’exploitation de l’homme par l’homme, ainsi qu’un décryptage des illusions de la vie économique.Il a élucidé les mystères du fétichisme de l’argent et les mirages de la circulation monétaire,réfutant par avance la nouvelle religion du marché. Les vertiges de la spéculation financière confirment aujourd’hui son explication des crises économiques.Marx a souligné avec force de quelle façon l’exploitation des travailleurs s’assortit d’unvéritable pillage de la nature, réduite à un réservoir de ressources puisées sans mesure ni précaution. Profit oblige…. Il a montré ce qui advient quand le social -ou tout simplement l’humain- n’est plus qu’un résidu facultatif de l’économique : sous prétexte d’efficacité économique le système capitaliste relègue la question sociale au rang d’un problème inessentiel,abandonné aux hasards de l’aumône. Il externalise les coûts sociaux, écologiques, culturels, d’une quête maladive de profits calculés en dividendes d’actions lancées de le tourbillon de la spéculation financière. Marx a identifié ainsi de façon prémonitoire le couplage actuel entre l’ultralibéralisme et la religion conçue comme supplément d’âme caritatif. Le retour des fanatismes religieux peut trouver ici une de ses explications.Penseur de l’émancipation universelle, Marx a montré le chemin d’une société réconciliée avec elle-même. Son action en faveur d’une internationale des travailleurs prend un nouveau sens à l’âge de la mondialisation capitaliste. Bref, sa pensée livre les clés de notre monde étrange et paradoxal, où de nouvelles figures de la misère coexistent avec l’opulence extrême. Elle esquisse un horizon possible d’accomplissement de toute l’humanité, enfin délivrée de la lutte des classes.Tels sont les points majeurs que le livre « Marx quand même » expose avec le souci de mettre à la portée de tous la pertinence d’une œuvre trop souvent déformée jusqu’à la caricature.

International
Rubriques :
  • Combat laïque
  • Extrême-droite religieuse
  • International
  • Laïcité et féminisme
  • ReSPUBLICA

Honneur aux dissidents

par Marième Helie Lucas
http://www.siawi.org

 

Au cours de ces dernières semaines, et dans plusieurs pays, des groupes de citoyens ont ouvertement pris position contre les fondamentalistes musulmans, y compris leurs groupes armés.

Au Mali, en plusieurs occasions, des citoyens ont tenté d’empêcher les amputations publiques, les lapidations et les flagellations.
Des femmes maliennes ont également attaqué des membres de l’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) pour s’opposer à l’imposition qui leur était faite du soi-disant « costume islamique » qui est tout à fait étranger à leur culture (mais avez-vous jamais vu quelqu’un en Europe se lever pour défendre leur droit à préserver leur culture, leur vêtement traditionnel, - lequel N’EST PAS le soi-disant « voile islamique » de style saoudien, récemment importé?). Pour toute réponse, les groupes fondamentalistes armés ont tiré sur elles à la mitraillette.

En Inde, dans la ville d’Ahmadabad, deux citoyens ont fait face à des foules de manifestants contre la vidéo anti-musulmans: « L’Innocence des Musulmans ». Ils portaient des panneaux proclamant : « Il suffit de ne pas la regarder ! ». Ils ont été tabassés.

En Iran, une femme a frappé un religieux qui lui faisait des commentaires sur sa tenue supposée non-islamique. Elle lui a suggéré de regarder de l’autre côté, mais comme il persistait, elle l’a battu. On peut être sûr qu’elle payera ça au prix fort.

En Libye, sur le lieu même de l’attaque à Benghazi, les manifestants portaient des panneaux d’excuses pour le meurtre de l’ambassadeur US ; sous différentes formes, tous envoyaient le message: « pas en notre nom », et se démarquaient des tueurs.
Ce sont également des citoyens qui entamèrent le processus d’expulsion des villes des milices armées, alors que les troupes gouvernementales n’ intervinrent que plus tard.

En Afghanistan, des manifestants se sont physiquement confrontés aux autorités quand celles-ci ont voulu rebaptiser une université du nom d’un dirigeant de la droite religieuse.

En Tunisie, des femmes descendent régulièrement dans la rue pour défendre leurs droits constitutionnels et s’opposer à tout recul légal sur la question de l’égalité entre citoyens – hommes et femmes.

Au Pakistan , depuis plusieurs années maintenant, des organisations de femmes manifestent en faveur d’un état laïc, avec une séparation claire entre le politique et le religieux.

On pourrait donner encore bien d’autres exemples et dans d’autres pays.

Ces citoyens sont l’avenir de ces pays et de l’humanité. Mais quand donc les médias européens ont-ils relaté ces événements de façon adéquate ? Où de telles informations ont-elles fait la une des journaux ?

Combien de temps faudra-il à la gauche européenne et aux organisations des droits humains pour prendre la défense des gens courageux qui se dressent contre les fondamentalistes au risque de leur vie - plutôt que celle de leurs oppresseurs et de leurs tueurs ?

Pourquoi estime-t-on que les fondamentalistes, c’est-à-dire les néo-fascistes de l’extrême-droite religieuse, représentent et défendent le « véritable Islam » ?

Pourquoi estime-t-on que tous ceux qui s’opposent aux fondamentalistes sont des renégats anti-Islam – et que donc, s’ils sont tués, ma foi… ils l’ont bien cherché ?

Pourquoi les laïques sont-ils considérés comme des « Islamophobes » alors qu’ils sont anti-fondamentalistes ?

Et pourquoi la gauche persiste-elle à utiliser la terminologie promue par les fondamentalistes : « charia », « islamophobie », « fatwa », etc…, une terminologie que les laïques n’ont cessé de dénoncer et de déconstruire.

Ni les dix ans de résistance au fondamentalisme armé en Algérie,ni ses 200.000 victimes, n’ont suffi à changer la position de la gauche et des organisations de droits humains vis-à-vis du fondamentalisme. Ni même, semble-t-il, cette résistance interne qui apparaît publiquement aujourd’hui, dans tant de pays.

Mais quelque chose va peut être changer leur manière de voir : la tentative d’assassinat d’une enfant au Pakistan - Malala Yousafzai, la jeune fille de 14 ans qui défend l’éducation des filles. Ils ont tiré sur elle et ont revendiqué leur attaque. Ils ont déclaré qu’ils l’attaqueraient de nouveau si elle survivait, et que toute personne s’exprimant contre les Talibans serait exécutée. Est il enfin clair qu’une enfant qui réclame son droit à l’éducation est considérée comme un suppôt de « l’Occident », une ennemie de l’Islam (puisque les Talibans s’estiment les uniques représentants légitimes de l’Islam), une « apostat », qui mérite d’être physiquement éliminée ? Comme nous tous, kofr, le méritons…

Nous sommes les Chevalier Jean-François Lefèvre de La Barre d’aujourd’hui – ce jeune homme (12 septembre 1745 – 1er juillet 1766) qui , pour avoir refusé d’ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse, fut atrocement torturé avant d’être assassiné,  et dont  le corps fut  brûlé sur un bûcher en compagnie du Dictionnaire philosophique de Voltaire.

Personne en Europe n’imaginerait aujourd’hui justifier de telles atrocités « chrétiennes » au nom de la religion. Mais on semble considérer que les présumés « Musulmans » n’ont pas droit au même accès aux droits humains universels, à la liberté de pensée et à la liberté de conscience. Les présumés « Musulmans » sont « assignés à leur culture » ; ils sont assujettis aux coutumes et à la religion - et cela doit rester en l’état -, tandis que le reste de l’humanité jouit des droits universels.

Nous sommes les Chevalier de La Barre d’aujourd’hui, réclamant notre droit de ne croire en aucune religion sans pour autant être torturés et tués.

Nous sommes les Chevalier de La Barre d’aujourd’hui, exigeant notre droit à ne pas être voilées, à être éduquées, à avoir un travail salarié, à nous déplacer librement et à jouir des droits des citoyens.

Jean-François de La Barre avait 19 ans ; Malala n’en a que 14. L’assassinat légal du Chevalier a impulsé le changement politique et la laïcité en France. Celui de Malala est-il le prix à payer pour notre émancipation d’une religion étatique et de ses implications légales sur nos vies ?

Version originale en anglais http://freethoughtblogs.com/maryamnamazie/2012/10/10/honour-the-dissenters/Traduction en français par l’auteur, publiée sur siawi.org

Rubriques :
  • International
  • Politique
  • Politique française

Dans le monde, mais aussi en France, alerte rouge sur la francophonie !

par Georges Gastaud
philosophe, auteur de la Lettre ouverte aux ''bons Français'' qui assassinent la France (Temps des cerises, 2005)

 

Communiqué des associations : CO.U.R.R.I.E.L, A.L.F, DDC et A.FR.AV

On peut certes, comme Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie, se satisfaire du fait que le français est « la seconde langue la plus enseignée » au monde et que le français, ce « beau cadeau » est aujourd’hui parlé par 220 millions de personnes1 . Il n’en reste pas moins que la situation de notre langue et de la francophonie internationale, partout bousculée et harcelée par l’avancée totalitaire du tout-anglais, se dégrade rapidement.

Hors de France d’abord. En Belgique, où – dans la quasi-indifférence de l’U.E. et de l’État fédéral belge – des élus flamands extrémistes prétendent proscrire l’usage public du français. En Suisse, où une partie des élites alémaniques agit sans relâche pour substituer l’anglais première langue au français dans les écoles publiques. Au Québec, les élites anglo-formatées se font agressivement l’écho d’une campagne permanente des milieux dirigeants du Canada qui cherchent à liquider les lois assurant au français son statut de langue officielle de la Belle Province. Même si nous devons être reconnaissants à l’Afrique de rester aux avant-postes de la francophonie internationale, il faut bien observer que l’édifice se lézarde rapidement au sud de la Méditerranée. Après le Rwanda qui, en 2009, a rompu avec la francophonie pour rallier le camp anglophone, le Burundi s’oriente vers le Commonwealth2 . Lors de sa visite officielle au Rwanda, le président gabonais, M. Ali Bongo Olimba a annoncé « étudier l’expérience rwandaise dans l’introduction du bilinguisme »3 : et le dirigeant africain d’arguer malicieusement qu’après tout, nombre d’institutions françaises privilégient déjà l’anglais…

La situation n’est pas moins grave sur notre sol. Non seulement la loi Toubon, votée unanimement par le parlement en 1994, est bafouée par nombre de firmes qui se dénomment en globish et qui font leur publicité dans cet idiome approximatif, non seulement certains ténors de la chanson et du cinéma « français » trahissent de plus en plus la langue de Brassens et de Rohmer pour, prétendument, s’exporter en anglais, non seulement de grands évènements culturels subventionnés par l’argent public comme les Francofolies si mal nommées font une place grandissante à l’anglais, non seulement nombre d’émissions diffusées en prime time (sic) s’intitulent-elles en anglais (Flop TEN de L. Ruquier, Come on, Summertime, Down Town sur Inter, The Voice sur TF1, The Summer of Rebels sur Arte, etc.) sans que cela mobilise outre mesure le C.S.A., mais on observe un début de glissement, voire de basculement linguistique, au cœur même de l’enseignement public. À l’initiative de Luc Chatel, l’école maternelle se prépare à plonger les bambins – qui ne maîtrisent pas encore les structures de leur langue… maternelle –  dans un bain linguistique anglophone. Portée par le même ministre UMP et conservée telle quelle par M. Peillon, la réforme des lycées minore l’enseignement de notre langue et développe l’enseignement « en langues étrangères » (l’anglais se taille évidemment la part du lion…) des « disciplines non-linguistiques »: or, on ne sache pas que la réciproque vaille en Angleterre, où les bacheliers n’ont plus l’obligation d’apprendre une langue étrangère… Quant aux universités, leurs présidents ne se contentent pas de réclamer une exemption de la loi Toubon : la recherche, y compris parfois en sciences humaines, et plusieurs Grandes Ecoles emmenées par feu le président si controversé de Sciences Po, basculent illégalement à l’anglais. Ces manageurs dépourvus de dignité nationale et de sens civique annulent ainsi le geste démocratique qui fut celui de Descartes en 1637 : c’est pour être compris du grand public de son temps que ce grand novateur écrivit en français (et non en latin) son Discours de la méthode. Déjà, nombre de grandes entreprises franciliennes imposent à leurs salariés de travailler en anglais : les choses en sont au point que des syndicats de toutes obédiences, confrontés à l’angoisse des cadres et des autres salariés4 , sont amenés à revendiquer ce droit élémentaire : travailler en français en France ! Le record de discrimination linguistique est atteint quand de grandes entreprises recrutent ouvertement des anglophones de naissance ((Le nom de code est  ”English mother tongue”. À signaler, car il faut que les lecteurs puissent reconnaître cette formulation désormais courante dans les journaux pour cadres. Ce n’est pas céder à l’anglomanie que d’user de l’expression anglaise, c’est au contraire en marquer la brutale insolence.)) pour occuper leurs postes de direction : ce qui revient à instituer une préférence nationale à l’envers, non moins insupportable que la préférence nationale à l’emploi chère aux partis xénophobes !

À l’arrière-plan de cet arrachage géant de la langue de Molière, il n’y a pas seulement la « mode » (qui en décide, d’ailleurs ?) ou la mondialisation néolibérale – laquelle découle d’ailleurs de choix politiques. Nous affirmons que le basculement au tout-anglais découle d’une politique linguistique et culturelle totalitaire dont l’origine est à chercher du côté de l’oligarchie financière mondialisée et des milieux dirigeants de l’Union européenne. Du côté du syndicat patronal européen dont l’ancien président, M. E.-A. Seillière, a donné le signal du basculement quand en 2006, s’exprimant devant le Conseil européen au nom de Business-Europe, il annonça devant Jacques Chirac – qui eut alors la dignité de quitter la salle – qu’il s’exprimerait « en anglais, la langue des affaires et de l’entreprise ». Comment une telle déclaration déplairait-elle au MEDEF dont un récent manifeste intitulé Besoin d’aire appelle à en finir avec l’Etat national français pour « reconfigurer les territoires » et souhaite « une gouvernance européenne beaucoup plus intégrée pour aller vers des États-Unis d’Europe »5 ? Quant à l’UE, elle piétine ses traités fondateurs, qui lui font obligation de respecter « l’identité » des Etats-membres, en établissant officieusement – et bientôt, officiellement si le « saut fédéraliste » en cours va au bout de sa logique – la langue anglaise comme langue officielle de l’Union. Quand donc les peuples ont-ils été appelés à débattre de ces questions et à les trancher de manière démocratique ? Qui a consenti en notre nom ces incroyables transferts de souveraineté linguistique ? Au contraire, une effarante chape de plomb médiatique pèse sur le basculement linguistique en cours : pour une large partie de la droite, il faut certes ne rien dire qui puisse ralentir le sacro-saint « saut fédéraliste » souhaité par le haut patronat. De même l’« internationalisme » mal compris d’une certaine gauche favorise-t-il naïvement l’entreprise « globalitaire » sans précédent qui tente d’imposer au monde une langue unique (et avec elle, une politique et une économie uniques !). Mais en quoi la destruction de la diversité linguistique, chair et sang de la diversité culturelle mondiale, importerait-elle moins à l’humanité future que la nécessaire préservation de la biodiversité ?

À cette situation linguistique dramatique, c’est peu dire que le gouvernement n’apporte pas la riposte nécessaire. Certes nous n’en sommes plus au flamboyant mépris des francophones que cultivèrent « Sarko l’Américain », « Christine The Guard » ou le « French Doctor » Kouchner qui, ministre des Affaires étrangères, a osé déclarer que l’avenir de la francophonie passe… par l’anglais ((Deux ou trois choses que je sais de nous – Laffont, 2006. « Il faut une francophonie ouverte à l’anglais. La francophonie ne doit pas être opposée à l’anglophonie ».)) . Certes, il y a eu cet acte d’élémentaire dignité du chef de l’Etat demandant à M. Fabius de s’exprimer systématiquement en français à l’étranger. Certes, le candidat Hollande a pris position contre les cours universitaires dispensés en anglais. Il a même rappelé à nos ambassadeurs que « la promotion de la langue, de la création françaises, c’est l’affirmation d’une vision du monde qui fait place à toutes les cultures ». Mais depuis le 6 mai, les actes forts sont rares. Sollicitée par plusieurs associations de défense de la langue française, la ministre déléguée à la francophonie botte en touche sur la question du tout-anglais ((Réponse datée du 14 septembre 2012, sous la signature de M. Patrick Lachaussée. )) et n’a toujours pas répondu à la demande d’entrevue que lui avaient adressée ces associations. Rien n’est fait non plus pour annuler ou pour corriger la LRU, dite loi Pécresse, dont certains dispositifs incitent indirectement les universités à privilégier l’anglais. Pis, le candidat socialiste s’est engagé à faire ratifier la Charte européenne des langues minoritaires et régionales dont l’objet réel est de désétablir la « langue de la République » (article II de la constitution), alors qu’il y aurait mille autres manières de promouvoir nos langues régionales, ce patrimoine commun de la Nation (et pourquoi pas en outre, les langues de l’immigration là où c’est utile à l’intégration citoyenne ?) dans le cadre de la République indivisible héritée de la Révolution. Que restera-t-il de notre langue lorsqu’elle sera prise en étau entre le séparatisme régional à prétexte linguistique et le tout-globish maastrichtien à l’échelle du sous-continent ? La langue de l’Edit de Nantes, de la Déclaration de 1789 et des Jours heureux promis par le CNR à la Libération, est-elle vouée à devenir en France, en quelques décennies, l’équivalent de ce qu’est devenue la noble langue gaélique en Irlande ?

Car si les langues mettent des siècles à émerger pour porter l’histoire d’un peuple, elles mettent fort peu de temps pour s’effacer, comme l’a montré Claude Hagège : comme en d’autres domaines de la vie sociale chamboulés par le néolibéralisme mondial, il faut donc se résoudre à résister franchement ou à collaborer honteusement. Parce que nous choisissons la première voie, celle de l’égale dignité entre les peuples, nous appelons nos concitoyens – et notamment les plus modestes, qui sont les plus menacés par le basculement en cours – à exiger des autorités qu’elles fassent respecter la loi à l’école, à l’entreprise, dans la « com » , dans la vie économique et à l’université. Nous soutenons la proposition – enterrée par la précédente majorité politique – portée par le député J.-J. Candelier – d’installer une commission d’enquête parlementaire sur la situation linguistique de la France. Car ceux qui veulent substituer le Wall Street English6 à la langue de Victor Hugo voudraient bien que l’assassinat linguistique pût s’imposer de manière « consensuelle », sans débat public. Ceux qui veulent au contraire que vive le message séculaire de liberté, d’égalité, de fraternité et de Lumières communes porté par notre langue, exigent qu’un large débat s’engage en France sur la politique linguistique de notre pays.

« Que les bouches s’ouvrent », citoyens ! Ne nous laissons pas couper la langue en silence !

Texte présenté par :

Georges Gastaud, philosophe, président du CO.U.R.R.I.E.LRégis Ravat, syndicaliste, président de l’A.FR.AVAlbert Salon, ancien ambassadeur, président d’Avenir de la Langue FrançaiseMarc Favre d’Échallensprésident de Droit de Comprendre, Simone Bosveuil, agrégée d’espagnol, Gaston Pellet, résistant linguistique, Matthieu Varnier, ingénieur satellite.

  1. C’est ce que répond un conseiller de Mme Benguigui aux défenseurs de la langue françaises qui demandaient audience à la ministre chargée de la francophonie. []
  2. Cf le site ]
  3. « Le Gabon souhaite regarder de près l’expérience rwandaise dans l’introduction du bilinguisme », a affirmé le porte-parole de la présidence A.-C. Bilie-By-Nze lors d’une conférence de presse au retour d’A. Bongo des Nations Unies. ]
  4. Un colloque de la CFE-CGC s’est tenu le 7 mars 2012 ( ]
  5. Cf Le Monde Michel Noblecourt 15 février 2012. []
  6. Bien entendu, aucune hostilité de notre part contre la belle langue de Shakespeare. C’est le tout-anglais que nous visons clairement. []
Politique
Rubriques :
  • Combat social
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique

L’Islande et le refus de l’austérité

par Salim Lamrani
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est enseignant chargé de cours à l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Source de l'article

 

Face à la crise économique, alors que l’Union européenne a choisi la voie de l’austérité et a décidé de sauver les banques, l’Islande a au contraire procédé à la nationalisation des institutions financières et a rejeté les politiques de restrictions budgétaires. Avec un taux de croissance de 2,7% en 2012, même le Fonds monétaire international (FMI) salue le redressement économique du pays.

Lorsqu’en septembre 2008, la crise économique et financière a touché l’Islande, petit archipel du Nord de l’Europe peuplé de 320 000 habitants, l’impact a été désastreux, comme sur le reste du continent. La spéculation financière a conduit les trois principales banques à la faillite, dont les actifs représentaient une somme dix fois supérieure au PIB de la nation, avec une perte nette de 85 milliards de dollars. Le taux de chômage a été multiplié par 9 entre 2008 et 2010, alors que le pays jouissait auparavant du plein emploi. La dette de l’Islande représentait 900% du PIB et la monnaie nationale avait été dévaluée de 80% par rapport à l’euro. Le pays s’est retrouvé plongé dans une profonde récession, avec un recul du PIB de 11% en deux ans[1].

Face à la crise

En 2009, lorsque le gouvernement a voulu appliquer les mesures d’austérité exigées par le FMI, en échange d’une aide financière de 2,1 milliards d’euros, une forte mobilisation populaire l’a contraint à la démission. Lors des élections anticipées, la gauche a remporté la majorité absolue au Parlement.[2]

Le nouveau pouvoir a néanmoins fait adopter la loi Icesave – du nom de la banque en ligne privée qui a fait faillite et dont les épargnants étaient en majorité hollandais et britanniques – afin de rembourser les clients étrangers. Cette législation contraignait l’ensemble des Islandais à rembourser une dette de 3,5 milliards d’euros (40% du PIB) – 9000 euros par habitant – sur quinze ans à un taux de 5%. Face aux nouvelles protestations populaires, le Président a refusé de ratifier le texte parlementaire et l’a soumis à référendum. En mars 2010, 93% des Islandais ont rejeté la loi sur le remboursement des pertes causées par Icesave. Soumise une nouvelle fois à référendum en avril 2011, elle a de nouveau été massivement rejetée à 63%[3].

Une nouvelle Constitution, rédigée par une Assemblée constituante de 25 citoyens élus au suffrage universel parmi 522 candidats, composée de 9 chapitres et de 114 articles, a été adoptée en 2011. Celle-ci prévoit un droit à l’information, avec un accès public pour les documents officiels (Article 15), la création d’un Comité de contrôle de la responsabilité du gouvernement (Article 63), un droit à la consultation directe (Article 65) – 10% des électeurs peuvent demander un référendum sur des lois votées par le Parlement –, ainsi que la nomination du Premier Ministre par le Parlement[4].

Ainsi, contrairement aux autres nations de l’Union européenne dans la même situation, qui ont appliqué à la lettre les recommandations du FMI qui exigeait l’application de mesures d’une austérité sévère, comme en Grèce, en Irlande, en Italie ou en Espagne, l’Islande a choisi une voie alternative. Lorsqu’en 2008, les trois principales banques du pays, Glitnir, Landsbankinn et Kaupthing se sont effondrées, l’Etat islandais a refusé d’y injecter des fonds publics, comme dans le reste de l’Europe. Il a au contraire procédé à leur nationalisation[5].

De la même manière, les banques privées ont été contraintes d’annuler toutes les créances à taux variable dépassant 110% de la valeur des biens immobiliers, évitant ainsi une crise de subprimecomme aux Etats-Unis. Par ailleurs, la Cour Suprême a déclaré illégaux tous les prêts indexés sur des devises étrangères qui ont été octroyés à des particuliers, obligeant ainsi les banques à renoncer à ces créances, au bénéfice de la population[6].

Quant aux responsables du désastre – les banquiers spéculateurs qui ont provoqué l’effondrement du système financier islandais –, ils n’ont pas bénéficié de la mansuétude en vogue à leur égard dans le reste de l’Europe où ils ont été systématiquement absous. En effet, ils ont été poursuivis par la justice et mis en prison, par Olafur Thor Hauksson, Procureur spécial nommé par le Parlement. Même le Premier Ministre Geir Haarde, accusé de négligence dans la gestion de la crise, n’a pu éviter un procès[7].

Une alternative à l’austérité

Les résultats de la politique économique et sociale islandaise ont été spectaculaires. Alors que l’Union européenne se trouve en pleine récession, l’Islande a bénéficié d’un taux de croissance de 2,1% en 2011 et prévoit un taux de 2,7% pour 2012, et un taux de chômage oscillant autour de 6%[8]. Le pays s’est même offert le luxe de procéder au remboursement anticipé de ses dettes auprès du FMI[9].

Le président islandais Olafur Grímsson a expliqué ce miracle économique : « La différence est qu’en Islande, nous avons laissé les banques faire faillite. C’était des institutions privées. Nous n’y avons pas injecté de l’argent pour les maintenir à flot. L’Etat n’a pas à assumer cette responsabilité[10] ».

Contre toute attente, le FMI a salué la politique du gouvernement islandais – qui a appliqué des mesures aux antipodes de celles qu’il préconise –, qui a permis de préserver « le précieux modèle nordique de protection sociale ». En effet, l’Islande dispose d’un indice de développement humain assez élevé. « Le FMI déclare que le plan de sauvetage à la manière Islandaise fournit des leçons pour les temps de crise ». L’institution ajoute que « le fait que l’Islande soit parvenue à préserver le bien être social des ménages et obtenir une consolidation fiscale de grande ampleur est l’une des plus grandes réussites du programme et du gouvernement islandais ». Le FMI a néanmoins omis de préciser que ces résultats ont été possibles uniquement parce que l’Islande a rejeté sa thérapie de choc néolibérale et a mis en place un plan de relance alternatif et efficace[11].

Le cas de l’Islande démontre qu’il existe une alternative crédible aux politiques d’austérité appliquées à travers l’Europe. Celles-ci, en plus d’être économiquement inefficaces, sont politiquement coûteuses et socialement insoutenables. En choisissant de placer l’intérêt général au-dessus de celui des marchés, l’Islande montre la voie au reste du continent pour sortir de l’impasse.

Salim Lamrani

Article original en portugais :

http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/24823/islandia+mostrou+o+caminho+ao+rechacar+a+austeridade.shtml

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de la Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son dernier ouvrage s’intitule État de siège. Les sanctions économiques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Éditions Estrella, 2011 (prologue de Wayne S. Smith et préface de Paul Estrade).

Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel


 


[1] Paul M. Poulsen, « Comment l’Islande, naguère au bord du gouffre, a pu se rétablir », Fond monétaire international, 26 octobre 2011.http://www.imf.org/external/french/np/blog/2011/102611f.htm (site consulté le 11 septembre 2012).

[2] Marie-Joëlle Gros, « Islande : la reprise a une sale dette », Libération, 15 avril 2012.

[3] Comité d’annulation de la dette du Tiers-monde, « Quand l’Islande réinvente la démocratie », 4 décembre 2010.

[4] Constitution de l’Islande, 29 juillet 2011. http://stjornlagarad.is/other_files/stjornlagarad/Frumvarp-enska.pdf (site consulté le 11 septembre 2012).

[5] Antoine Grenapin, « Comment l’Islande est sortie de l’enfer », Le Point, 27 février 2012.

[6] Marie-Joëlle Gros, « Islande : la reprise a une sale dette », op. cit.

[7] Caroline Bruneau, « Crise islandaise : l’ex-premier ministre n’est pas sanctionné », 13 mai 2012.

[8] Ambrose Evans-Pritchard, « Iceland Wins in the End », The Daily Telegraph, 28 novembre 2011.

[9] Le Figaro, « L’Islande a déjà remboursé le FMI », 16 mars 2012.

[10] Ambrose Evans-Pritchard, « Iceland Offers Risky Temptation for Ireland as Recession Ends »,The Daily Telegraph, 8 décembre 2010.

[11] Omar R. Valdimarsson, « IMF Says Bailout Iceland-Style Hold Lessons in Crisis Times »,Business Week, 13 août 2012.

Rubriques :
  • Histoire
  • Politique
  • Politique française
  • ReSPUBLICA
  • Travail de mémoire

La reconnaissance du crime d'État du 17 octobre 1961 au défi de l’électoralisme et de l'idéologie ?

par Jean ESTIVILL
Conseiller Municipal, Président des élus du Parti de Gauche de Savigny, Président de l’Essonne de l’UFAL (Union des Associations des Familles Laïques)
http://www.savigny-egalite.com

 

NDLR : ce texte nous est parvenu le 16 octobre, à la veille d’une déclaration de l’Élysée à laquelle l’auteur ne pouvait évidemment pas se référer. En revanche il analyse bien les raisons pour lesquelles des associations ont fait pression ; on imagine que des propos comme ceux-ci et l’imminence de sa visite en Algérie ont dû au dernier moment motiver cette intervention du président de la République.

Le 17 octobre 1961 eut lieu à Paris le plus grand massacre de civils perpétré après guerre par des forces de police dans un état de droit en Europe.Des centaines de morts, des noyades, des pendaisons, des tortures pendant quatre jours dans les centres de rétention parisiens. Plus de 10 000 personnes furent soumises aux cruautés les plus brutales. Elles faisaient partie des 40 000 « français musulmans d’Algérie »qui étaient venus manifester avec leur famille, pacifiquement pour protester contre le couvre feu raciste que leur avait imposé le préfet Papon. [1]
La question à laquelle nous voudrions répondre en partie pour le 17 octobre 1961 est celle d’Olivier Le Cour Grandmaison dans Médiapart le 16 octobre 2012 : « Guerre d’Algérie et crimes : le temps du reniement ? » L’historien y dévoile entre autre l’inauguration par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, d’une stèle le 20 novembre pour accueillir les cendres du général Bigeard.
Reniement, en ce qui concerne le 17 octobre 1961, la question mérite une réponse. François Hollande en 2011 à Clichy avait évoqué le devoir de reconnaître officiellement le massacre.
Le 16 octobre 2012, il n’a toujours pas répondu la demande formulée le 15 septembre par le « collectif 17 octobre1961 » d’être reçu à l’Élysée Demain 17 octobre une délégation se présentera à l’Élysée

Victime de l’instrumentalisation politicienne

Peut-on espérer que le ministre de l’intérieur, qui instrumentalise la religion dans une stratégie de communautarisation conforme au « choc des civilisations » accepte de renoncer à ses procédés ?
Il est bien évident que la classe politique qui s’est mise au service de la Troïka, la droite et les socio-libéraux tiennent à maintenir cette politique de détournement des sujets de fond qui posent la question du modèle social économique actuel.
Les deux rivaux iront de surenchère en surenchère. Valls ne prendra pas le risque de suspendre même ponctuellement une diabolisation d’une communauté, entreprise depuis plusieurs années dans d’autres sphères et qui lui réussit si bien quand il la reprend à son compte. Comment risquer de perdre des points de sondage qu’on a acquis en plaisant à la droite extrême.
Procès d’intention ? La droite aurait les mots, les cris d’indignation devant ce qu’elle présentera comme une offense à la patrie. Ne quitta t-elle pas l’hémicycle de l’Assemblée nationale lorsque le secrétaire d’État aux anciens combattants Jacques Floch rapportait les faits accablants de ce 17 octobre, pourtant alors dûment établis. Et n’est-ce pas ce que font les plus extrémistes qui remettent en cause la commémoration le 19 mars du cessez-le-feu en Algérie en 1962, car considéré par eux comme une défaite de la France, une victoire de l’ennemi. Valls ne va pas perdre le bénéfice de son odieuse décision de démantèlement des camps de roms qu’il a gagné dans cet électorat, en rendant justice aux victimes appelées en 1961 « Français musulmans d’Algérie », au moment où l’Islam est devenu le bouc émissaire central. Peu importe les valeurs, peu importe la vérité historique, peu importe le devoir de mémoire, peu importe la parole donnée même si c’est celle de celui qui est devenu Président de la République.

Le choc des civilisations exige la communautarisation

Le 17 octobre 1961 risque une fois de plus d’être la victime d’un enjeu politicien mais aussi idéologique.
Le choc des civilisations implique dans les pays occidentaux la mise en place du communautarisme et la stigmatisation de l’Islam.
Entreprise difficile en France. Il faut briser la conception d’une « république une et indivisible », il faut détourner le sens de la laïcité, démanteler l’école publique qui est le creuset de la citoyenneté et de l’égalité.
Depuis plusieurs décennies, l’extrême droite s’y emploie, mais aussi pour des calculs politiciens une partie de plus en plus importante de la droite qui se réclame de la république comme cela est apparu très clairement lors des dernières élections.
Paradoxalement mais très sûrement, une fraction, certes infime de la gauche, pour des raisons qu’elle vit diamétralement opposées, contribue à faciliter l’œuvre entreprise par les premiers.
Du fait de la colonisation la dernière vague d’immigration provient surtout de pays d’Afrique, en particulier du Maghreb, à majorité par conséquent musulmane.
Sans perdre totalement leur culture d’origine et conservant quelques pratiques religieuses, la place de la religion a fortement diminué dans ces populations. C’est le même phénomène auquel on a assisté et qui continue avec le catholicisme. Seuls 4,5 %des catholiques déclarés s’estiment pratiquants. Cette évolution est bien décrite par les historiens et les sociologues. En quittant le village on échappe à l’emprise de la paroisse (il n’y a pas si longtemps, l’enfant parti en vacances devait en rentrant montrer au curé l’attestation de son confrère qu’il avait suivi les cours de catéchisme et assisté à la messe). On échappe à l’autorité patriarcale qui est forcément fondée sur le respect dans tous les aspects de la vie de la religion. De plus on fréquente l’école laïque et ce, dans un milieu obligatoirement plus ouvert, celui de la ville
Les millions de musulmans pratiquants (pendant la guerre d’Algérie le FLN obligea à l’obéissance de la loi coranique la population y compris en métropole) ont, comme les catholiques, vu leurs enfants s’émanciper de la religion.
Ce fut le cas des israélites qui purent entre les deux guerres dans la France républicaine et laïque jouir d’une liberté de choix dans le domaine spirituel qui leur était interdite dans les ghettos d’Europe centrale et orientale où ils étaient regroupés et maintenus depuis toujours, tout particulièrement en Pologne
Bon nombre, de jeunes en particulier, découvrirent qu’ils étaient juifs, qu’ils ne pouvaient être que juifs car les lois antisémites de Vichy l’avaient décidé ainsi. Ils se reconnaissaient tout naturellement un lien culturel commun avec leurs parents ou leurs ancêtres en général, mais nullement religieux. Le livre de Maurice Rasjsfus, Une enfance républicaine et laïque, rend bien compte de cette situation.
Les professeurs d’histoire peuvent en témoigner. Il leur appartient non pas d’enseigner la religion mais au collège l’aspect religieux des civilisations. Combien d’enfants issus de l’immigration maghrébine savent ce qu’est un minaret ou les cinq piliers de l’Islam avant leurs cours. De même combien d’enfants de familles se déclarant catholiques ont vu ou savent ce qu’est un crucifix ou l’origine par exemple du repos dominical.
Rude tâche pour les croisés du « choc des civilisation » !

Communautariser : mode d’emploi

La France laïque a établi une société où l’exigence en particulier chez les jeunes de l’égalité des droits domine et où du fait de son histoire et de sa sociologie, un nombre croissant de voix s élèvent pour nouer des relations apaisées et fraternelles avec les pays de Maghreb. En témoigne l’accueil enthousiaste à cette exigence de centaines de milliers de participants aux meetings de Jean-Luc Mélenchon, ou tout dernièrement à l’occasion de la présentation dans une émission de télévision dominicale, du dernier film d’A. Arcady «  Ce que le jour doit à la nuit », quand l’auteur du roman Yasmina Khadra, déclara, s’adressant aux dirigeants français qu’ils devaient se tourner moins vers l’Europe et plus vers le Maghreb.
Alors comment s’y prennent-ils ?
Laissons de côté sans les sous-estimer les méthodes misérables de la famille Le Pen avec la viande hallal, ou pitoyables de Copé et son pain au chocolat.
Il s’agit de faire exister une communauté pour mieux la stigmatiser, en faire un bouc émissaire, en tout cas l’utiliser selon une pratique bien rodée qui a fait ses preuves en période de crise économique et sociale.
Deux exemples illustrent cette méthode. Le chanoine de Latran s’emploie dans l’organisation du culte musulman. Les musulmans ne lui ont rien demandé. D’aucuns penseront que c’est pour avoir un interlocuteur. Mais est-ce le rôle des pouvoirs publics de participer à une telle démarche ? On en doute. Mais il ne s’agit pas de cela. Lors des émeutes dans les banlieues, la première action de Sarkozy fut de s’adresser à l’organisation de ce culte qu’il avait contribué à mettre en place. En quoi était-elle concernée ? Les rapports de police, ceux en particulier des renseignements généraux établissaient formellement que les causes des émeutes n’étaient aucunement liées à une religion et à une communauté. Mais le tour était joué. L’opinion publique retiendra du fait de la démarche de Sarkozy, le contraire. Il s’agit d’un phénomène communautaire, donc en l’occurrence musulman.
Tout aussi édifiante est la déclaration de la ministre Bachelot, lors du congrès constitutif du CRAN, le Conseil Représentatif des Associations Noires. Elle y salue « le courage de ceux qui se réclament du droit à la différence ».
Ainsi, on se félicite de la revendication du droit à la différence pour ensuite mieux dénoncer les actions de ceux qu’on a encouragé et aidé à s’organiser.
Cette manœuvre grossière de la droite bénéficie de l’attitude de ceux qui au nom de la tolérance avancent par exemple que le voile à l’école est une liberté. La demande pourtant n’était pas réelle, elle fit long feu dès que les laïques se mobilisèrent pour obtenir une loi l’interdisant clairement.
Dans la même veine, les exemples se multiplient dans l’établissement scolaire où l’on vient en plein cours demander qui fait le ramadan. De bonnes âmes se prêtent à ces tâches qui ne sont qu’administratives, il s’agit tout benoitement de compter les repas pour la cantine. Demander sa religion à un enfant devant toute une classe ne leur rappelle pas des pratiques de triste mémoire pour une autre religion. Ces oublieux incultes sont de bonne foi, ils ne songent pas à mal, au contraire, mais l’idée que la religion soit une affaire privée ne les effleurent pas. Ils devraient pour cela savoir ce qu’est la laïcité, et son absolue nécessité.
On a même vu dans un collège de l’Essonne, un conseil d’administration imaginer deux services de cantines pour rationaliser le service faute de place et de personnels. L’un des deux étant réservé par exemple à ceux qui ne mangent pas de porc. Sans l’intervention de quelques membres qui fit prendre conscience à la majorité qu’on créait les conditions du communautarisme à l’école contre toutes les règles de la laïcité, cette aberration était votée avec les meilleurs sentiments du monde.
Les musulmans même s’ils pratiquent peu ou plus du tout à l’image des catholiques sont sommés de se reconnaître musulmans, de s’en faire connaître, voire de le revendiquer haut et fort. C’est nécessaire pour le « choc des civilisations ».
C’est dans ce contexte que s’inscrit ce qui apparaît à propos du 17 octobre et le problème de la colonisation, comme un possible revirement de Hollande. Reste que le parti socialiste a pris depuis longtemps position, que plus de dix mille signatures ont été recueillies dont un grand nombre d’hommes et de femmes dont la haute conscience morale ne peut être ignorée du président de la République. Refuser de reconnaître officiellement le crime du 17 octobre 1961 à la veille de son déplacement en Algérie serait bien mal entamer les relations franco-algériennes qu’il se propose d’établir sur de nouvelles bases.
Certes Valls est à la manœuvre : dans une Europe qui au lieu de rapprocher les peuples avive les nationalismes, tout ce qui est payant électoralement est bon à prendre. On vient de le voir avec les roms. Reconnaître officiellement le crime du 17 octobre pour la dignité de la République c’est aussi faire justice aux victimes, « français d’Algérie » mais musulmans.
Il peut y avoir des voix à perdre… des baisses de sondages. On devine le choix de Valls.
On comprendrait moins celui de François Hollande, s’il allait dans le sens des premières mesures prises par son ministre de l’Intérieur, s’il n’acceptait pas enfin de rendre justice aux « Français musulmans d’Algérie » massacrés il y a cinquante-et-un ans.

Nous renvoyons nos lecteurs aux numéros de ReSPUBLICA qui ont relaté précédemment ce tragique évènement et aux ouvrages suivants :

  • Jean Luc Einaudi, La bataille de Paris. 17 octobre 1961, Seuil 1991
  • Jim House, Neil Mac Master, Paris 1961, les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire, Taillandier 2008
  • ainsi qu’à l’édito dans Médiapart que lui consacra Edwy Plenel lors du cinquantième anniversaire de ce crime, daté du 15 octobre 2011.
Brèves
Rubriques :
  • Brèves
  • Combat féministe
  • ReSPUBLICA

Mieux vaut être femme en Uruguay qu'en Pologne !

par Monique Vézinet

 

Dans un pays où l’IVG était jusqu’à maintenant passible de neuf mois de prison pour la mère et jusqu’à vingt-quatre mois pour le praticien, le projet de loi dépénalisant l’avortement jusqu’à 12 semaines de gestation a été définitivement adopté par le parlement uruguayen le 17 octobre (Cuba l’avait fait en 1965 et le Guyana en 1995 ; la pratique est permise dans le district fédéral de Mexico et à Porto Rico).

Ce texte s’est inspiré de la législation en vigueur dans les pays européens, sauf la Pologne toujours… où, le 10 octobre, les députés ont enterré un projet de loi visant à libéraliser l’avortement, introduire l’éducation sexuelle complète et garantir l’accès à la contraception. Pire : un autre projet de loi va être discuté, qui vise à supprimer la possibilité d’avorter en cas de forte probabilité de malformation grave et irréversible du fœtus.

Rubriques :
  • Brèves
  • Europe
  • Lutter contre le néo-libéralisme
  • Politique
  • Politique française

Honneur aux soixante-dix !

par Jacques Sapir
Économiste, Directeur d’études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales

Source de l'article

 

Soixante-dix députés ont osé voter contre le TSCG.

Soixante-dix sur cinq cent soixante-huit votants, c’est peu.

Soixante-dix contre quatre cent soixante-dix-sept qui ont voté pour, c’est peu.

Mais soixante-dix qui, venant de tous les horizons politiques, ont osé se dresser contre les consignes d’état-major, contre l’intense pression médiatique, contre le conformisme, contre les petits calculs politiciens, contre la lâcheté servile, cela, en vérité, fait beaucoup.

Ce Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, contient trois mensonges pour le prix d’un.

Quelle stabilité, quand on voit dans le rapport récent du FMI, posté sur ce carnet, que les mécanismes mis en oeuvre depuis 2010 n’ont fait qu’aggraver la crise? Quelle stabilité encore quand on voit la dépression que connaissent certains des pays en crise? Parler de stabilité est ici un mensonge flagrant.

Quelle coordination quand on sait qu’il n’y a de coordination qu’entre des agents libres, sinon c’est à une autorité hiérarchique que l’on a affaire, et qu’il n’y a dans ce traité qu’asservissement à des agences dites indépendantes ? Ce Traité organise en fait le dépérissement de la démocratie en Europe avec la fin de l’autorité suprême des Parlements nationaux en matière budgétaire. Or, il faut s’en souvenir, c’est par le consentement à l’impôt que commence la démocratie.

Quelle gouvernance enfin dans un Traité qui est en fait inapplicable et qui n’a pas d’autres fonctions que d’être violé à peine signé ? Est-ce ainsi que l’on croit créer un « bonne gouvernance » dans les mots dont on se gargarise à Bruxelles et ailleurs ?

Lire la suite sur le blog de Jacques Sapir