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L'Allemagne peut-elle tenir encore longtemps comme cela ?

par Évariste
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L’Allemagne semble caracoler en tête des nations de la zone euro et de l’Union européenne. Les économistes néolibéraux en font un modèle. Mais à quel prix ? Et si l’on allait regarder du côté de la situation sociale ?

Un prix social exorbitant

Sept millions de mini-jobs à 400 euros par mois. Tiens, tiens, on nous avait caché cela ?

L’Allemagne compte désormais proportionnellement plus de pauvres que la France, alors que le rapport était inverse au milieu des années 1990. Mais comment se fait-il qu’on nous le cache ?
Les Allemands les plus riches se portent bien. Les 10 % des Allemands les plus riches qui possédaient 45 % de la richesse privée du pays en 1995 en possédaient 53 % en 2008, alors que les 50 % du bas de l’échelle se partagent 1 % (contre 4 % en 1995). Entre les deux, les Allemands qui se situent entre le 6e et le 9e décile détiennent 46 % de ce patrimoine, contre 51 % au milieu des années 1990.

La question devient donc la suivante : combien de temps encore les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires allemandes accepteront-elles l’une des plus grandes inégalités sociales au sein de l’Europe. On est bien loin du vieux capitalisme rhénan ! Ces inégalités seraient le lourd prix à payer pour la compétitivité du pays. Mais qu’en est-il de l’excédent commercial ?

Pour un résultat illusoire

L’Union européenne a absorbé 70,9% de ses exportations (39,5% pour les pays de la zone euro). La France à elle seule compte pour 9,6% de ses exportations, ce qui lui assure un excédent de 35,1 milliards d’euros, soit 22,2% de son excédent global. Ses ventes vers les Bric (Brésil, Russie, Chine et Inde) ne représentent que 11,4% de ses exportations. Donc, ce système ne vaut que tant que les pays européens accepteront ce déséquilibre non coopératif, par lequel l’austérité du fort impose l’austérité du faible et conduit l’ensemble vers le précipice de la déflation.
Ce n’est donc pas par hasard que des voix s’élèvent un peu partout pour s’inquiéter de la stratégie (de son absence plutôt) européenne en face de la crise de la dette et de l’euro, tant dans les institutions internationales (FMI, OCDE, OIT) que dans les institutions nationales, partis politiques ou syndicats, de tous pays et de tous bords, notamment en France et en Allemagne même. Car il y a ceux qui défendent les intérêts de classe, privés et de court terme, du capital, nationaux par nature, et ceux, plutôt « keynésiens », qui perçoivent les effets de cette politique, destructeurs à terme du système.
Ce n’est pas par hasard que l’on voit de nouveau des propositions de réforme du SMI en référence à Keynes qui voulait avec son bancor créer un système multilatéral de compensation des déséquilibres des paiements internationaux permettant aux pays déficitaires de prendre les mesures de redressement nécessaires sans se voir imposer une austérité salariale dangereuse pour la cohésion sociale et la pérennité de l’économie de marché.

Voulant ignorer que la crise est dans les gènes du capital, le social-libéralisme « keynésien » ne constitue pas, bien que rationnel, une perspective réelle de sortie de crise, car les lois du capital sont plus fortes que celles de la raison. Il reste que tout cela permet d’affirmer que la situation est moins figée que veulent bien le dire le 20 heures de TF1 ou celui de France 2. Si le « miracle » allemand perdure, ce sera un vrai miracle capitaliste ! En réalité, des marges de manœuvre existent si on déverrouille la dialectique des rapports de production capitalistes.

Lutter contre le néo-libéralisme
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La pauvreté s’accentue dans les zones urbaines sensibles

par Bernard Teper
Co-animateur du Réseau Education Populaire.
Auteur avec Michel Zerbato de « Néolibéralisme et crise de la dette ».
Auteur avec Catherine Jousse et Christophe Prudhomme « Contre les prédateurs de la santé ».

http://wwww.reseaueducationpopulaire.info

 

Les politiques ordolibérales de droite et de gauche accentuent toutes les inégalités sociales de toutes natures (revenus, santé, logement, école, retraite, etc.) La plupart des mesures proposées pour les résoudre sont en fait des moyens de faire semblant pour gagner du temps. « Rabâchons » l’idée selon laquelle le système n’est plus améliorable à l’intérieur de lui-même. Nous venons d’en avoir un exemple récemment avec la grève de la faim du maire de Sevran et avec le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ZUS) (Rapport de l’Onzus) sur les 751 ZUS.
Ce « 13.245e » rapport sur la pauvreté, le chômage, santé, sécurité, éducation et bien d’autres choses permet de comprendre que les 4 millions de personnes y vivant sont dans un ghetto social de plus en plus dégradé malgré ou à cause des remèdes ordolibéraux. De 2006 à 2010, le nombre des habitants des ZUS sous le seuil de pauvreté (aujourd’hui de 964 euros par mois) est passé de 30,5 %  à 36,1 % (habitants des ZUS vivant avec moins de 964 euros par mois). Alors qu’en dehors des ZUS, 12,6 % des gens vivent sous le seuil de pauvreté.
En fait, les ZUS sont de plus en plus des zones de transit intégrées dans le phénomène de “gentrification” visant à supprimer les couches populaires des villes-centres et les renvoyer en zones périurbaines et rurales. Les ZUS sont dans l’ordolibéralisme, une zone de transit de la gentrification.
Souvent, les nouveaux arrivants dans les ZUS sont encore plus précaires que ceux qui y habitent déjà. Ainsi, l’écart des niveaux de revenus entre les habitants qui résident depuis plus et moins de 6 ans est de 21 % dans les ZUS, contre 14 % ailleurs.
Depuis 2008, l’écart du taux de chômage dans les ZUS et les autres quartiers ne cesse de se creuser. 9,1 points d’écart en 2008, il est aujourd’hui de 13,3 points. « Dans les villes qui comptent une ZUS, quasiment toute l’augmentation du chômage s’est concentrée sur les quartiers sensibles, explique Bernadette Malgorn, la présidente de l’Observatoire. On en est aujourd’hui à une moyenne de 22,7 % de chômage dans ces zones. Le chômage des femmes a dépassé celui des hommes, car, dans ces zones, les femmes habitant les ZUS ont, comparativement au reste de la société, davantage la charge d’enfants avec un surcroît de familles monoparentales. Dans les ZUS, seuls 23,7 % des filles et 17,4 % des garçons rejoignent la filière générale au lycée contre 45,7 % des filles et 37,3 % des garçons hors ZUS.  Le parcours de classe pour un jeune habitant une ZUS est net : la voie professionnelle regroupait en 2009-2010 57,3 % des élèves de première.
Près d’un habitant sur quatre dans les ZUS déclare avoir déjà subi des discriminations. Une personne sur six estime que des facteurs comme la couleur de peau, les origines, ou la nationalité en sont responsables. Une proportion plus importante (11 points) que dans le reste dans la société.
Bernadette Malgorn souligne que ces discriminations peuvent avoir un impact important sur le taux d’activité des habitants. Selon le modèle mathématique mis au point par l’observatoire, seul un tiers de l’écart entre le taux d’activité des ZUS et celui des autres territoires s’explique par des critères «objectifs», comme l’âge, le niveau d’études, etc. Deux tiers de la différence ne peuvent s’expliquer que par d’autres facteurs comme l’enclavement ou les discriminations.

Belle réussite des ordolibéraux de droite et de gauche. Alors que va faire le gouvernement socialiste ?

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Grèce : un crime se commet sous nos yeux

par Jacques Sapir
Économiste, Directeur d’études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales

Source de l'article

 

Nous publions cet article car il montre bien comment la gestion criminelle de la crise de l’euro enclenche le mécanisme de désintégration de la zone. Et il faut répéter ce fait autant de fois que nécessaire. À elle seule, cette idée mérite la publication de l’article dans Respublica.
Cependant, nous ne partageons pas l’autre idée de Jacques Sapir selon laquelle contre ce crime, ” nos gouvernants avaient – et ont toujours – les moyens de l’éviter “. Nous pensons au contraire de Jacques Sapir que la nature même des rapports capitalistes internationaux rend aujourd’hui impossible une sortie raisonnée de la crise. Il faut se faire à l’idée que, comme Keynes l’a expérimenté dans les années 30, notamment, les lois du capital sont plus fortes que la raison. La sortie d’une “grande crise” comme celle que nous vivons est toujours passée par un crime contre les peuples, guerre ou équivalent, jamais par une réorientation du système capitaliste. NDLR

 

L’agence de statistique de la Grèce vient de publier ses dernières données (Grèce PIB trimestriel), et elles s’inscrivent en faux par rapport aux « observateurs » qui croyaient en une amélioration de la situation dans ce malheureux pays. En fait, l’économie continue de s’effondrer et ce sur une pente désormais rapide. En valeur constante le Produit Intérieur Brut est passé de 211 milliards d’euros à 171 milliards, soit une chute cumulée de 19% depuis le premier trimestre de 2009. C’est bien à un véritable désastre que nous assistons.

Graphique 1

 

Souces : HELLSTAT

La rapidité de cet effondrement est due à plusieurs facteurs. Il y a en premier lieu les politiques d’austérité qui sont imposées à la Grèce par l’Union Européenne via la Troïka, soit le FMI, la BCE et l’UE. De ce point de vue, le gouvernement français, qui a accepté de s’aligner sur les diktats de ladite Troïka, porte une responsabilité incontestable dans l’évolution catastrophique de la situation économique grecque. En second lieu, la contraction du crédit et le développement de l’économie de troc qui en découle aboutissent à une accélération du processus d’effondrement. Des pans entiers de l’économie grecque sont à l’arrêt non parce qu’ils n’ont pas de clients (en particulier à l’export) mais parce qu’ils ne peuvent plus financer le cycle de production. Dans le même temps, d’autres secteurs sortent ainsi de l’économie officielle du fait du développement du troc. En fait, on peut considérer qu’un tiers de la population ne survit que par le troc ou des systèmes de paiements locaux. Cela signifie qu’une partie de la Grèce est – dans les faits – sortie de la zone Euro. Ce phénomène semble être en train de s’accélérer. Il devrait provoquer à relativement court terme un effondrement des ressources fiscales, qui sont bien entendu payées en euros. La sortie de jure de la zone Euro viendra couronner ce processus de facto, que cela plaise ou non à M. Samaras, le Premier Ministre grec qui est de fait connivent à l’étranglement de son pays, ou non.

La consommation s’est contractée de manière très forte, ce que révèle un document du service statistique grec (Grèce commerce de détail). C’est là que l’on mesure la réalité de la catastrophe sociale qui se déroule dans ce pays. Par rapport au niveau de 2005, le niveau des ventes de détail a baissé de 24%, et de 15% pour la production alimentaire. Si l’on peut espérer que cette baisse est en partie compensée par le développement des réseaux de troc pour l’alimentation et la consommation courante, il ne peut en être ainsi pour certaines consommations, comme celles des services publics (éducation, santé).

Tableau 1

Évolution de la consommation de détail en prix constants (100 = 2005)

Sources : HELLSTAT

Au-delà de la catastrophe économique et sociale, c’est donc à une catastrophe humaine que nous assistons. Un crime se commet sous nos yeux. Un crime que nos gouvernants avaient – et ont toujours – les moyens d’éviter. Mais ils se refusent à l’idée d’un défaut, pourtant inévitable, de la Grèce, et ne cessent d’exiger toujours plus de sacrifices à une population qui est aujourd’hui à bout de forces.

Gageons que Monsieur le Président de la République, digne représentant du socialisme compassionnel, aura une larme pour les pauvres grecs. Une larme, mais pas plus…

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La nouvelle direction politique chinoise

par Luo An

 

Dix jours après la réélection de Barack Obama, le Parti Communiste Chinois (PCC) a officiellement annoncé la composition du nouveau gouvernement. Comme il y a dix ans avec le gouvernement de Hu Jintao, les médias internationaux se livrent à un exercice maladroit de spéculation pour savoir qui des nouveaux membres du Comité Permanent du Bureau Politique du PCC est plutôt réformateur ou conservateur et quels seront les axes sur lesquels ils travailleront. Il est cependant important de noter que ces nominations ne donnent en fait qu’une très vague idée de l’orientation du futur gouvernement qui doit s’évertuer à regagner la confiance de la population en continuant à développer le pays tout en affirmant les intérêts chinois sur la scène internationale.

L’immobilisme politique à la chinoise

Au-delà de leurs points communs, les dissensions entre les nouveaux « élus » sont particulièrement importantes. Si le soutien actif et la protection de Jiang Zemin ou Hu Jintao rapprochent certains d’entre eux, ils sont surtout divisés en terme de préférences politiques et économiques mais aussi selon leur âge, leur lieu de naissance, leur université d’origine et leurs réseaux familial et professionnel, sujets à propos desquels les observateurs internationaux – et même chinois – n’ont en fait qu’une idée imprécise, sinon nulle.

Il est simplement erroné de croire que le gouvernement chinois a un pouvoir illimité qui lui permet de réformer comme et quand bon lui semble. À l’instar de l’Élysée ou de la Maison-Blanche, sa marge de manœuvre est réduite, les pressions et conflits d’intérêts sont très forts, et de nombreux problèmes épineux pèsent sur le système : corruption rampante des fonctionnaires, manque de transparence politique, méfiance de la population envers le PCC, inégalités sociales, bulle immobilière, population vieillissante et (trop) masculine, rigidités et dysfonctionnements des systèmes juridique, médical et éducatif, consommation en berne. Le dernier gouvernement n’aura fait que recourir à des expédients pour régler des problèmes chroniques et investir dans le secteur public pour pallier ses inefficacités aberrantes en espérant que les retours sur investissement dans différents domaines (énergie, transport, etc.) seront positifs d’ici quelques années. Cependant, les anciens dirigeants n’ont pas osé s’attaquer aux problèmes d’envergure, car ils sont embourbés dans une guerre invisible entre l’armée, les gigantesques entreprises publiques, des services secrets et forces de sécurité omniprésents, les libéraux et chefs d’entreprise et, enfin, des conservateurs maoïstes qui ne veulent pas renoncer à l’héritage du Grand Timonier. Tous ces groupes d’intérêts étant eux-mêmes minés par des tensions internes, il est difficile d’imaginer comment le gouvernement pourra se lancer dans des réformes de fond. Comme dans les démocraties occidentales, l’immobilisme est en fait institutionnalisé. Il faudra donc un dirigeant beaucoup plus fort que Hu Jintao pour casser les intérêts des lobbys chinois.

Portrait du nouveau Président

Le 14 novembre, Xi Jinping a été officiellement nommé pour assurer la succession de Hu Jintao à la présidence de la République Populaire de Chine. Si son apparence assez chaleureuse et son recours limité au jargon du Parti le distinguent de Hu Jintao, son parcours suggère qu’il va plutôt suivre la ligne technoconservatrice de son prédécesseur. Qui est donc Xi Jinping ?

Quand bien même sa biographie officielle le fait naître dans le Shaanxi (province centrale de la Chine d’où ses ancêtres sont originaires), il semblerait qu’il soit né en 1953 et ait grandi à Beijing. Il a étudié la chimie à l’université Tsinghua (la version pékinoise de l’École Nationale d’Administration) avant de devenir, entre autres, secrétaire de Geng Biao, alors Ministre de la Défense (1979-1982) puis chef du Parti du Fujian, du Zhejiang et de Shanghai. Il a été élu au Comité Central en 1997. Proche de Jiang Zemin et Zeng Qinghong, il est le fils de Xi Zhongxun, ancien membre de Comité Permanent et vice-Premier Ministre chargé du développement des zones économiques spéciales. Il s’est marié deux fois : sa première femme, fille de l’ambassadeur chinois au Royaume-Uni, vit à Londres. Sa deuxième femme est une chanteuse de musique populaire chinoise renommée. Leur fille étudie, sous un pseudonyme, à l’université d’Harvard aux États-Unis.

Si beaucoup de réformateurs veulent voir diminuer l’influence rampante du Parti et les monopoles publics, ils risquent d’être déçus par Xi qui, bien que libéral sur le plan économique, est au contraire connu pour ses vues conservatrices. Son attachement aux grandes entreprises publiques est partagé par nombreux de ses collègues mais ses liens avec l’armée et les plus hauts dirigeants de Parti en font un cadre relativement unique mais conservateur. Sauf surprise, Xi Jinping devrait suivre le chemin emprunté par Jiang Zemin et Hu Jintao. Il a l’avantage d’avoir travaillé sur des questions militaires, économiques et organisationnelles au sein du PCC, ce qui lui a permis de fédérer divers intérêts pour sa candidature et lui permettra de naviguer plus facilement qu’un autre dans la machine étatique chinoise.

Protégé des anciens présidents (et donc redevable envers eux), le choix d’un technocrate polyvalent semble bon pour le PCC qui souhaite moins les réformes que la continuité. Pendant son premier discours d’investiture, Xi a repris quelques expressions rhétoriques obligatoires pour affirmer son héritage et les bases de sa politique, en louant par exemple les marques de ses illustres pères : « la pensée de Mao Zedong» (héritage maoïste comme base de la nation), « la théorie de Deng Xiaoping » (pragmatisme économique), « les trois représentations » de Jiang Zemin (le PCC représente les intérêts du peuple chinois, de la culture chinoise ainsi que des forces productives du pays) et le « développement scientifique » de Hu Jintao (nécessité d’approfondir le développement économique du pays) . Disant être arrivé à une époque cruciale pour le futur de la Chine, il a aussi parlé plusieurs fois de la « Grande Renaissance Chinoise », indiquant par la que le Parti continuera très probablement de jouer sur les tendances nationalistes pour assoir son pouvoir. Tout cela ne présage rien de bon ni pour les pays voisins, ni pour les militants pro-démocratie et réformateurs, ni surtout pour les 1,3 milliard de Chinois qui, pour une forte majorité, se sont totalement désintéressés du Congrès.

Un portrait du nouveau gouvernement

Premier changement, le nombre de membres du Comité Permanent a été réduit de 9 à 7 membres. La principale raison évoquée est une volonté de limiter le factionnalisme au sein du Politburo. Deuxièmement, si le Comité est en moyenne plus âgé qu’il y a cinq ans – 63,4 ans contre 62., ans en 2007, le Président et Premier ministre, Xi et Li Keqiang sont plus jeunes que Hu Jintao et Wen Jiabao lors de leur nomination (d’un et trois ans), ceci probablement pour tenter de rajeunir l’image du Parti. Il est donc notable que Li, le successeur de Wen Jiabao, l’homme de terrain du gouvernement précédent, est le plus jeune du gouvernement (57 ans). Les cinq autres membres ont tous entre 64 et 67 ans, ce qui signifie qu’ils n’auront qu’un terme (5 ans) au sein de Comité Permanent. Globalement, et avant de voir plus en détail qui sont les six hommes qui vont travailler avec Xi ainsi que ce qui les rapproche et les séparent, il faut garder en tête qu’il faudra un à deux ans au gouvernement pour trouver ses marques et lancer ses politiques dans les domaines clefs. Preuve en est que les nominations de Président et Premier Ministre de la mi-novembre ne seront effectives qu’en mars prochain. Enfin, ils ont tous évidemment fait carrière au sein du PCC et, comme c’est généralement la règle, sont tous originaires des provinces orientales (Fujian, Zhejiang, Anhui, Shandong, Beijing, Liaoning), donc des régions les plus fortes économiquement et politiquement.

Xi Jinping a non seulement été nommé Secrétaire Général du PCC mais aussi Président de la Commission Militaire, le faisant donc chef des Armées et du Parti. C’est un autre signe que le gouvernement veut rassembler et éviter d’exacerber les tensions entre les factions civiles et militaires.

Yu Zhengsheng, 67 ans, est le doyen du groupe. Il supervisera la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois, organe de communication avec les différents groupes ethniques du pays et les huit partis « démocratiques » acceptés par le gouvernement. Proche de Hu Jintao, de Jiang Zemin et des enfants de Deng Xiaoping, son père a été marié brièvement à Jiang Qing, qui devint plus tard la quatrième et dernière femme de Mao Zedong. Enfin, il est le beau-fils d’un grand général. Bref, son « pedigree » politique est irréprochable et ses soutiens particulièrement puissants. Originaire du Zhejiang, il a beaucoup travaillé dans le Shandong. Il a notamment été Ministre du Bâtiment.

Né dans le Shandong, Wang Qishan, 64 ans, est l’homme des situations de crise. Ancien maire de Beijing, gouverneur d’une des grandes banques du pays et vice-Premier Ministre en charge des affaires économiques, il a notamment eu la responsabilité de régler la crise sanitaire engendrée par l’épidémie de pneumopathie atypique (lisez SARS) en mai 2003. Il sera à la têtede la commission disciplinaire anti-corruption. Fils d’un professeur de l’université Tsinghua, il est le beau-fils d’un ancien membre du Politburo et vice-Premier Ministre.

Zhang Dejiang, 66 ans, protégé de Jiang Zemin et originaire du Liaoning dans le nord du pays a beaucoup de connexions en Corée du Nord. Il a été chef du Parti dans les influentes régions du Zhejiang et du Guangdong et a participé à leur croissance économique phénoménale. Plus récemment, il a été vice-Premier Ministre responsable des questions relatives à l’énergie, aux transports et aux télécommunications et a remplacé Bo Xilai, le célèbre chef du Parti de Chongqing, empêtré dans de sombres affaires financières et criminelles. Il dirigera le Congrès National Chinois.

Xi, Yu, Wang et Zhang sont tous proches de l’ancien président Jiang Zemin qui, selon les dires de nombreux observateurs, a farouchement lutté contre l’influence croissante de Hu Jintao pour promouvoir ses hommes. Mais surtout, ils sont tous les quatre des « Princes Rouges », c’est-à-dire les enfants d’anciens dignitaires du Parti. Au contraire, des trois autres membres, seulement deux font partie du groupe « tuanpai » (littéralement faction), c’est-à-dire l’ensemble des cadres qui, comme Hu Jintao, sont issus de la Ligue de la Jeunesse Communiste (LJC). Du fait de leurs origines plus humbles, on les accuse souvent de populisme. Dans la mesure où les mandats de Président et Premier Ministre sont dans les faits de dix ans et que le gouvernement est changé totalement ou partiellement tous les cinq ans (avec comme règle d’or celle de ne pouvoir être « réélu » après 70 ans, la défaite du Président sortant (2 membres sur 9) ne pourrait être que temporaire.

Le futur Premier Ministre Li Keqiang, 57 ans, proche de Hu Jintao, est issu d’une famille de cadres intermédiaires du Parti. Docteur en économie, il a gravi les échelons du Parti via la LJC pour devenir le plus jeune chef de Parti (dans le Henan) avant d’exercer le même poste dans le Liaoning. Son beau-père aura lui-même été vice-secrétaire de la LJC.

Second tuanpai, Liu Yunshan, 65 ans, a, quant à lui, après avoir passé plus de vingt ans en Mongolie Intérieure, travaillé dans le Ministère de la Propagande dont il deviendra le chef. C’est probablement le membre le plus conservateur du Comité.

Enfin, Zhang Gaoli, 66 ans, proche de Jiang Zemin et surtout de son ancien vice-Premier Ministre Zeng Qinghong, a travaillé aux affaires économiques et énergétiques (plus spécifiquement pétrolières) dans les provinces du Guangdong, de Shandong et de Tianjin. Son ascension est dite être due au favoritisme de Zeng qu’à ses qualités intrinsèques.

Ainsi, s’ils présentent tous un profil différent, de nombreux points les rapprochent. D’abord, leur déférence envers le Parti dans lequel ils ont tous évolué depuis leur jeunesse. Ensuite, même si Président Xi a réitéré son intention de lutter contre la corruption, on peut douter de l’efficacité que va avoir sa politique (ou même de la véracité de ses propos) dans la mesure où les sept membres sont étroitement liés au monde des affaires. Alors que la fortune de la famille Xi s’élève (officiellement) à plusieurs centaines de millions d’euros et que le fils de Liu Yunshan est PDG de la filiale Private Equity de la banque CITIC, la fille de Zhang Gaoli est mariée au Président de Xinyi Glass Holdings, un des trois principaux verriers chinois, qui est accessoirement PDG ou Président de rien moins que … 17 entreprises. On peut continuer ainsi pour chaque membre. Enfin, malgré un discours nationaliste, on pourra s’étonner que la plupart de leurs enfants aient étudié ou étudient aux États-Unis (comme actuellement les enfants de Xi Jinping et Li Keqiang). Viennent s’ajouter les accusations de corruption et de malversations contre plusieurs des membres, principalement Zhang Gaoli pour la bulle immobilière de Tianjin et Yu Zhengsheng pour différentes affaires financières pendant son mandat à Shanghai.

Ainsi, si l’on peut craindre une nouvelle décennie du même acabit que la précédente et donc un développement chaotique sur le plan économique, social ou environnemental, offrons quand même le bénéfice du doute à Xi Jinping, qui, espérons-le, saura se montrer incisif et osera s’attaquer aux problèmes monumentaux pesant sur la société chinoise.

Tokyo, 17 novembre 2012